Franchement, plus les jours passent et moins je sais ce que je fous là. Je m'ennuie. Clairement. Plus que jamais. Les heures ne passent pas. J'en viens à regretter Lucan. Ouais, c'est exactement ça. Lucan me manque. Les mioches me manquent. Les soirées me manquent. Mes sorties, ma liberté. Peut-être même mes nuits trop occupées, dans le fond. Tout est mieux que ça. Parce que ça, c'est rien. Jouer les warriors à faire de l'escalade, ça n'est pas mon truc. Si j'aime le Quidditch, il ne faut pas croire que j'aime me bouger autrement que sur un balai. Grimper après une corde et me rouler par terre, je n'aime pas ça. Tout comme je n'aime pas non plus dormir dans une tente et manger n'importe quoi n'importe où. Je n'aime rien de ces vacances. Absolument rien. D'accord, rien ou presque. Il y avait des gens agréables ici, et c'était sûrement mieux que Brady ou Ciara. Mais les mêmes gens ailleurs, ça aurait été forcément mieux. En m'inscrivant, je n'avais jamais imaginé que ce serait désespérant à ce point-là. J'avais entendu parler de croisière de luxe et de ferme, et même si la ferme ne m'enchantait pas, c'était toujours mieux que ça. En soi, je n'ai rien contre le camping, mais le camping plus le sport plus l'absence de Jackson et Shawna (n'allez jamais leur dire que j'ai dit ça) plus la présence des profs qu'on se coltinait déjà toute l'année... Sans compte que c'était encore et toujours en Irlande... Sérieux, y'a de quoi avoir envie de se pendre. J'y songerais presque... Toujours est-il que ce matin, j'ai eu l'idée merveilleuse de partir en excursion. J'avais décrété que je le ferais jamais, qu'il faudrait me tirer de force dans un de ces trucs pour que je me bouge mais l'ennui a eu raison de moi. Largement aidé par une fille qui l'a fait quelques jours plus tôt et qui a montré ses dessins à une de ses copines alors que j'étais juste à côté. C'était juste magnifique. Tant son talent que le paysage. Et ça a suffit à me donner envie de prendre mon appareil et de suivre le mouvement.

C'est comme ça que je me retrouve à crapahuter entre les arbres en écoutant d'une oreille désintéressée au possible les explications d'un prof quant à telle espèce, telle autre... Champignons, fleurs sauvages, mousses... Tout y passe. Et j'en ai juste rien à cirer, pour être tout à fait honnête avec vous. Je commence même à me maudire quand la lumière se met à passer entre les feuilles, tombant un peu plus loin dans un scintillement doré incroyable. Je m'arrête net. Les voix s'éloignent peu à peu, et moi je m'égare discrètement loin du chemin pour avoir un meilleur angle et pouvoir capturer le pollen virevoltant gaiement. D'ici, on dirait presque des centaines de petites fées, c'est vraiment particulier. Je n'entends plus rien d'autre que le chant du vent dans les branches. Il n'y a pas à dire, maintenant que je suis là, je ne regrette pas le déplacement. Il n'y a rien d'aussi beau à Lucan. Et la forêt de Poudlard n'offre certainement pas de paysages à couper le souffle comme celui-ci. Enfin, je suppose. Je n'y ai jamais mis les pieds. Si elle est appelée « Forêt Interdite » ça n'est sûrement pas pour le fun, alors je m'y suis jamais aventuré. Et si ce qu'on raconte à propos des araignées géantes est vrai, je m'en passerais jusqu'à la fin de ma scolarité ! Quelques secondes plus tard, le bruit du déclencheur rebondit contre les troncs et je reprends contact avec la réalité. Le silence devient oppressant. Y'a plus personne ! Mon cœur bat un peu plus vite. Je reviens sur mes pas, inquiet. Je ne suis même pas sûr que je viens de là mais j'ai pas de plan B. « Acacia ?! » Je me fiche de ne pas être ladite Acacia, je veux juste voir un être humain. Alors je me dépêche, filant maladroitement dans la direction d'où vient la voix. Je manque de tomber plus d'une fois, butant contre des racines ou évitant de justesse un trou. Je déteste cette forêt, je déteste la nature et je veux rentrer chez moi ! Mes mains deviennent moites et j'ai même oublié de remettre le cache de mon objectif qui cogne contre l'appareil dans un bruit répétitif qui me stresse davantage. Pourtant, je ne pense pas à m'arrêter ou à ralentir pour m'épargner ça.

C'est finalement la tête d'un gars de chez nous qui finit par apparaître. « Ils sont où ?! » Question stupide. S'il est là c'est qu'il sait pas non plus. En plus, lorsque j'entends ma voix, trop aiguë pour paraître détendue, je n'arrive pas à retenir une grimace. Discrète. Limite imperceptible. Mais moi je sais qu'elle a existé une demi-seconde. On voit limite que je suis à deux doigts de paniquer. Et puis pour les politesses on repassera plus tard. Il m'en tiendra sûrement pas rigueur. Il a l'air aussi abandonné que moi. Je ne reconnaîtrai jamais que c'est de ma faute. Si par malheur on ne retrouvait pas le groupe et qu'on partait à notre recherche à la nuit tombée (rien que l'idée de passer la nuit ici me file des sueurs froides) je prétendrai que c'était entièrement de leur faute et qu'ils avaient qu'à attendre les plus lents d'entre nous. Tout le monde n'était pas des randonneurs de l'extrême. Ou, du moins, lui ne l'était peut-être pas. Je ne sais même pas comment ça se fait qu'il est loin des autres et je m'en fiche pas mal. Je suis pas tout seul et c'est pour l'instant la seule chose qui compte. J'essuie discrètement mes mains sur mon jeans et range enfin mon appareil dans mon sac. Je doute d'avoir envie de mitrailler mon futur tombeau ni nos assassins lorsqu'ils se pointeront. Regarder la mort en face et en garder un souvenir ne fait pas partie de mes espoirs les plus fous. Je suis sûr que cette forêt regorge de bestioles immondes et rien que de l'imaginer, je ne peux m'empêcher de me gratter légèrement le bras, comme si tous les moustiques de l'univers venaient de s'écraser sur moi, tout dard dehors. Ou qu'importe le nom qu'on peut bien y donner. Un seul objectif à présent : retrouver le groupe. Ou au moins sortir d'ici vivant. « Ils allaient par là. » Mon doigt se tend à ma droite, presque perpendiculairement à l'endroit d'où je viens. « Enfin je crois. » Je dois bien vous avouer qu'à mes yeux il n'y a rien qui ressemble plus à un arbre qu'un autre arbre. Et il y a quelques dizaines de directions qu'ils auraient pu emprunter entre deux arbres exactement identiques à ceux que j'ai pointés. On est dans la merde...

Dire que je me sens rassuré depuis que j'ai retrouvé ce gars est un peu exagéré. Il faut bien admettre que s'il est là au lieu d'être là-bas avec tout le monde, c'est sûrement pas pour rien. Je le vois déjà comme le pire boulet du camp. Le genre de crétin qui n'avance pas et qui chouine tous les deux pas parce que c'est trop long, trop loin, trop dur, blablabla... Vous voyez, le genre qui sait très bien qu'il est un handicap pour tout le monde mais qui dira jamais « abandonnez-moi là je vous ralentis », celui qui préférerait avoir la mort de l'humanité toute entière sur la conscience plutôt que de se sacrifier. D'accord, j'exagère un peu. S'il est tout seul au milieu de nulle part, c'est peut-être parce qu'il s'est sacrifié. Ou que les autres l'ont lâchement abandonné comme ils l'ont fait avec moi. Je suis pas sûr qu'ils l'aient fait avec moi, en réalité, mais ils auraient très bien pu. Je n'ai aucune confiance en ces gens-là. Rien qu'une seconde, le soulagement se lit sur son visage. Avant qu'il comprenne que je ne suis pas là pour le sauver tel un preux chevalier embarquant sa demoiselle en détresse sur son fidèle destrier. J'aime pas les poneys, de toute façon. Et s'il y avait une personne à sauver dans cette forêt, croyez-bien que je me mettrais en tête de liste. Je le regarde faire un tour sur lui-même, sans trop comprendre. S'il commence à faire la danse de la pluie, on est mal barrés. On a l'avantage qu'il fasse beau, essayons de le garder. Vous imaginez la même avec un orage ? J'entends d'ici la voix de mon beau-père me rappeler de jamais aller sous les arbres, histoire de pas mourir exploser par la foudre. (Il ne le disait pas vraiment comme ça, mais y'a l'idée.) « Ben ... visiblement pas ici ... Je me suis arrêté quelques secondes pour faire mon lacet et quand j'ai relevé la tête, il n'y avait plus personne ... Tu sais s'il y a encore des gens derrière toi ? » C'est qu'un a de l'humour, ce petit. Je ne réplique rien mais secoue la tête en guise de réponse. Y'avait personne. Je serais pas là, sans quoi. Il réfléchit deux secondes ou ça se passe comment ? S'il y avait eu des gens, je serais avec eux, tranquille. Genre « je suis sauvé » pas « je vais mourir ». Pas la peine de le lui faire remarquer. Il a l'air calme, je l'envie. J'arrive à donner le change, à peu près, mais mes mains sont désagréablement moites et je sens chaque inspiration me brûler. L'agonie commence peut-être comme ça. Je ne veux pas savoir. On va s'en sortir. Je vais m'en sortir en tout cas.

Je propose de bouger, de partir dans une direction qui me semble potable. Oui, elle me semble l'être seulement. Parce que si j'ai un sens de l'orientation correct en ville, au milieu de rien il devient clairement inexistant. J'ai besoin de panneaux, de noms de rue, de traces humaines ! Jamais mon cerveau acceptera l'idée de retenir « il faut tourner à gaucher après le chêne recouvert de mousse vert clair », vous comprenez ? Déjà parce que je ne sais pas reconnaître un chêne d'un non-chêne et qu'en plus, un tas de mousse, c'est un tas de mousse. Et du vert, c'est du vert. Clair, foncé, bouteille, cerise, qu'est-ce que ça change ? Le gars ne paraît pas très enthousiaste. « Je ne veux pas te vexer mais ... t'as pas l'air d'être des masses sûr de toi et je n'ai aucune envie de me perdre encore plus dans cette forêt ... » D'accord. Il préfère rester là à attendre qu'un truc pas cool nous tomber sur le coin du nez. Génial. Il fait rêver lui. Je fronce les sourcils et hausse les épaules. Et bien soit, comme il voudra. Moi, je reste pas, en tout cas. Je finis tout de même par lui adresser un sourire plus ou moins rassurant. Dans d'autres circonstances, il l'aurait été, je sais bien jouer les sentiments que je ne ressens pas, mais là, je crois que je le ressens tellement tellement pas que je ne suis pas particulièrement crédible. « D'accord. Attends-moi là, je vais essayer de trouver les autres. » Essayer... Ahah. Et qu'on se le dise, si je les trouve, il a intérêt à prier pour que notre chemin croise miraculeusement le sien durant le retour. Après tout, s'il meurt, personne ne saura que je l'ai croisé, que je lui ai parlé, et qu'il m'a lâchement obligé à les chercher tout seul.
Je remonte mon sac sur mon épaule et me baisse pour attraper une espèce de caillou. Je jette un regard vaguement dégoûté à la terre sur mes doigts puis frotte le caillou contre un tronc. Une trace blanche, géniale ! Au moins, à défaut de les retrouver, je saurai revenir jusque là. Je n'ai pas l'intention de m'aventurer très très loin. J'aime pas du tout cette histoire, moi. « Bon... Bah... A tout à l'heure, alors... » Mon enthousiasme fait peine à voir. Je respire un bon coup et fais un pas lent vers l'endroit que j'ai indiqué un peu avant, espérant encore qu'il me suive. Puis un deuxième. Et ils s'enchaînent jusqu'à ce que je m'approche d'un arbre, une petite dizaine de mètres plus loin. Je tends le bras vers l'écorce pour faire une nouvelle trace histoire de savoir, si jamais il finit par quitter sa position (le gars, pas l'arbre), que je suis passé par là lorsqu'un truc descend d'une branche et me frôle la main. Une petite boule noire à huit pattes descendant le long d'un fil quasi-invisible. Je ne peux m'empêcher de hurler, abandonne mon caillou sur place et fais demi-tour au pas de course. Sans prendre la peine de remarquer qu'il y a quelque chose de vraiment problématique juste à côté dudit arbre. Je ne peux pas vérifier mais je suis certain d'être livide, mon cœur bat la chamade et j'ai envie de rendre mon déjeuner. Je vais me planquer derrière mon camarade de galère et le pousse en avant, vers l'horreur. « Elle est énooooorme, p'tain ! Écrase-la, écrase-laaaa ! » Non, je n'exagère pas du tout. C'est un monstre gigantesque ! De la taille d'une tête d'épingle... Certes... Mais elle m'a touché ! Ce qui la rend forcément dangereuse et méritant la peine de mort !

De tous les gens qui ont décidé de participer à cette excursion foireuse, il faut que je tombe sur lui. La poisse, je vous jure. Et je n'aime pas beaucoup ça. Malgré toutes mes tentatives pour le motiver à me suivre, il ne bouge pas d'un iota. Génial. Je vais devoir me taper le chemin tout seul. Normalement, je n'ai pas peur pour rien comme ça. Même si je me perds, ça n'est pas dramatique. C'est juste que là... On est au milieu de la nature. Et la nature, je n'aime pas ça. Je ne suis pas un grand fan des fleurs, je me fous royalement des arbres et les animaux ne sont pas mes amis. Je n'ai rien à faire ici et je le sais bien. C'était juste pour quelques photos, à cause d'une idiote dont j'ignore même le nom. Et des photos, j'en ai prise une seule avant de réaliser qu'on m'avait lâchement abandonné. Au moins aussi lâchement qu'on a abandonné le chieur qui me sert malgré moi de compagnie. « Wouhai c’est ça, à tout à l’heure… évite de te perdre en route... » Servait. Plus pour longtemps visiblement. Dans la liste des choses que je n'aime pas, je pense que je peux le rajouter sans trop de mal. Je ne le connais pas spécialement, je sais juste qu'il est de chez moi et pas beaucoup plus jeune que mes camarades de classe (il doit avoir une quinzaine d'années, si je me plante pas) mais la pseudo conversation qu'on vient d'avoir suffi à le classe dans la case « à éviter ».
Je prends finalement mon courage à deux mains et avance à contre-cœur dans la forêt. Si seulement les autres parlaient ou chantaient, je pourrais les retrouver plus facilement mais non. En même temps, c'est tellement chiant comme sortie qu'ils doivent tous somnoler en attendant la fin. Ce que je comprends très bien, même si ça ne m'arrange pas. Ce truc, je le sens pas du tout. Vous pouvez prétendre que c'est la paranoïa, moi je pense plutôt que c'est un sixième sens. Il va m'arriver une merde, je le sens gros comme une maison. Mais je ne sais juste pas laquelle. Et lui, derrière, il restera là comme un idiot à attendre que quelqu'un vienne me filer un coup de main, n'est-ce pas ? Je ne le vois vraiment pas se bouger pour m'aider. Mais alors vraiment vraiment vraiment pas.« Tu sais qu’on pourrait signaler notre position aux autres av... » Je n'ai pas le temps d'en entendre davantage qu'une horreur de la nature (vous comprenez pourquoi je ne l'aime pas ?) se laisse lentement glisser d'une branche pour tenter de se poser sur ma main. Elle n'a pas le temps de le faire que je la lui enlève en hurlant, fuyant sans demander mon reste.
C'était une mauvaise idée. Une très mauvaise idée. En moins de deux, je suis derrière l'autre garçon et le pousse vers le monstre. Il faut qu'il fasse quelque chose. N'importe quoi mais quelque chose. Qu'il me débarrasse de ça. Tout de suite. « Non mais ça ne va pas, je ne fais pas de mal aux animaux. Il est hors de question que je lui fasse du mal ! » Quoi ? C'est une blague ? Il a pas dû bien voir alors je le force à avancer d'un pas de plus. Il a beau tenté de lutter, je n'ai pas trop de mal à l'entraîner contre son gré. « Mais c'est pas un animal ! » D'accord, ma défense est ridicule mais je n'ai pas mieux pour l'instant. Les animaux, même si je ne les aime pas, je leur fais rien. Les araignées, c'est pas pareil. Bon, je ne leur fais rien non plus d'un point de vue pratique, parce que j'en suis bien incapable, mais je trouve généralement toujours quelqu'un pour le faire à ma place. Toujours sauf là. Mes doigts s'accrochent à son tee-shirt alors que je regarde craintivement par dessus son épaule. Je sais bien que j'ai l'air con, me le faites pas remarquer. Mais j'y peux rien, c'est plus fort que moi. « Lâche-moi ! » Et il tente à nouveau de s'échapper. Je resserre mon emprise sur son vêtement, bien décidé à ne pas approcher cette chose une seconde fois. « Dégage-la d'abord ! » Ma voix se perd dans les aigus. J'ai l'air d'une fille terrifiée et si j'étais en mesure d'y faire attention, j'en aurais sûrement honte.

C'est ce moment-là que Daniela choisit pour sortir de nulle part, baguette brandie et prête à attaquer. Je sursaute. J'aurais dû rester coucher, ce matin. M'épargner tout ça. « Qu'est-ce qu'il y a qu'est-ce qu'il se passe c'est quoi qui est énorme tout va bien ? » C'est quoi qui est énorme ? Mais elle a pas les yeux en face des trous, cette fille. « Ça ! » Je pointe l'ignoble créature du doigt, par dessus l'épaule de mon camarade, sans pour autant prendre la peine de tendre le bras. Elle pourrait m'attaquer, j'ai pas confiance. J'ai beau être à une distance pas très raisonnable et avoir un bouclier humain prêt à me laisser me démerder à la première occasion, étrangement, je ne me sens pas rassuré du tout. Elle est toujours là et tout le monde s'en fout. Moi, je sens mon cœur qui bat trop vite. « Vous vous êtes éloignés du groupe, le moniteur m'envoie vous retrouver. Puis je vous ai entendu crier, j'ai couru aussi vite que j'ai pu. » On ne s'est pas vraiment éloignés. On a été abandonnés. On nous a laissé volontairement derrière sans que ça pose problème à qui que ce soit. On aurait pu mourir au moins trois fois avant qu'ils prennent la peine de remarquer qu'on était plus là ! Elle semble enfin remarquer la Chose mais ne paraît pas dérangée par sa présence. Je suis bien content de voir qu'elle est pote avec ces horreurs, mais si elle pouvait nous en débarrasser, ce serait pas mal du tout ! « J'ai cru que vous étiez en danger... et c'était le cas. C'est une acromentule gigantesque... » Mon cœur loupe un battement. À cet instant précis, je la déteste. Elle a rien d'autre à foutre que de se payer notre tête, non ?! Je n'ai toujours pas rendu sa liberté au pauvre garçon et tant que mon cauchemar à huit pattes sera toujours là, je n'ai pas l'intention de le faire. C'est dans notre intérêt à tous les deux qu'elle dégage. « Non mais sérieusement, c'est à cause d'elle que vous criez comme deux fillettes effarouchées ? Je suis sûre qu'elle a plus peur que vous. Et non, je ne vais pas l'écraser, Dan. Les araignées font partie de l'écosystème et de la chaîne alimentaire de la forêt. » Je lui lance un regard noir. J'en ai rien à secouer de l'écosystème et de la chaîne alimentaire. J'ai frôlé la crise cardiaque quand elle m'a pris en traître alors mon cadavre aussi en aurait fait partie, de sa fichue chaîne ! Si on pouvait éviter, je leur en serai reconnaissant.
« Si vous en avez peur, suffit de vous en éloigner... mais on est dans une forêt les garçons... il doit y en avoir des centaines dans les branches juste au-dessus de vos têtes ! » Le reste n'a plus d'importance. Elle continue à parler mais je n'écoute plus. Des centaines. Dans les branches. Au dessus de nos têtes. Je m'entends gémir lamentablement. Je n'ose même pas lever les yeux de peur de voir des centaines de micro-yeux braqués sur moi. Je veux voir Shawna. Elle ne se serait pas moquée, elle. Elle n'aurait pas eu la brillante idée de préciser qu'il y en avait partout. Elle aurait compris, aurait sûrement chouiné un peu aussi et aurait trouvé le moyen de fuir vite et loin. J'ai un peu de mal à respirer. Mes mains sont crispées sur le tissu qu'elles tiennent. Je ne peux pas le dire avec certitude mais je dois être pâle à faire peur et je sens que je suis gelé. Mes jambes tremblent de plus en plus, je ne parviens plus à bouger, ni à réfléchir. J'ai peur. Juste peur. « Faites-les partir. S'il vous plaît. » C'est juste un murmure étranglé, audible uniquement pour mon bouclier je suppose, mais je ne peux pas faire mieux. Elles vont finir par descendre de leurs arbres et nous atterrir dessus. Je sens presque déjà leurs trop nombreuses pattes courir sur moi. Je frissonne de dégoût. Je ne me sens vraiment pas bien. Je finis par fermer les yeux très fort et cache mon visage contre le dos de mon otage. S'ils ne font pas quelque chose très vite, ils auront sûrement ma mort sur la conscience...