Le diable aussi était un ange

LE DIABLE AUSSI ÉTAIT UN ANGE

Méfie-toi du nouveau. Derrière ses grands airs, il est vraiment dangereux.

Si derrières ces mots écrits sur un bout de papier sans nom - accompagné de deux gouses d’ails - Jin avait rapidement reconnu Agatha comme étant l’auteur, il avait d’abord accepté de suivre son avertissement et de se tenir à l’écart du nouveau vampire qui se pavanait dans les couloirs du château. Et si elle avait surement une raison de vouloir le tenir à l’écart de ce dernier, comme un passif qu’elle refusait de lui raconter, le Serpentard avait malgré tout du mal à ne pas déposer quelques coups d’oeils curieux sur la silhouette de celui qui s’était vu envoyé chez les verts et argents comme lui. Le souci avec Jin, c’était que plus on lui disait de ne pas approcher quelqu’un plus l’envie de le faire était grande. Comme un besoin de comprendre pourquoi on le lui déconseillait. A ne croire que ce qu’il voit et à vouloir se faire sa propre idée. Ne l’avait-il pas fait avec la Gryffondor alors qu’il aurait tout simplement pu la cataloguer de monstre sanguinaire à éviter à tout prix ? Encore plus après l’incident de fin d’année dernière et les souvenirs qui continuent de peupler ses rêves. Pourtant, c’était l’une des dernières choses qu’il voulait. La voir comme un simple monstre.

Plus le temps passait, plus la curiosité le prenait. Peut-être que la fatigue jouait sur ses humeurs et son côté rationnel. Encore aurait-il fallu qu'il en ait un. Plus il avançait dans la vie, plus il doutait de sa santé mentale. Entre les colères, les envies ravageuses de vouloir tout détruire, se satisfaire honteusement des douleurs ressentis et les voix qu'il entendait par moment, il devait assurément avoir un problème de cet ordre là. Des fois, être une coquille vide de sentiments aurait été bien plus simple à vivre. Juste obéir, faire ce qu'on lui dit. C'était bien ça qu'on avait toujours attendu de lui depuis sa naissance. Il avait tellement essayé, fort. D'être le bon petit soldat obéissant malgré l'erreur de parcours de sa mère. Mais ce n'était jamais assez et il finissait toujours pas décevoir. C’est ce qu’il risquait de faire aussi en cette fin de journée, où il venait de quitter l'infirmerie - potion de sommeil en main -, en croisant la route de Lucius dans l'un des couloirs menant aux escaliers du château. Jin aurait pu passer son chemin, l'ignorer comme il se forçait à faire depuis son arrivée. Mais l'occasion était trop belle et sa volonté aux oubliettes. C'était rare que son intérêt se porte ainsi sur quelqu'un. Le goût du danger peut être ? Il était définitivement atteint. Et il ne devait pas être le seul aux vues des regards curieux qu'il avait déjà pu observer des autres. Tu sembles bien t'acclimater au château. lâcha t il en arrivant à sa hauteur, le saluant d'un mouvement de la tête. C'est aussi le cas du regard des autres ? De la peur, l’appréhension ou même l'intérêt presque malsain qui s’y lisaient. Presque comme s'il était une bête de foire. Il ne semblait pas dangereux à première vue. Agatha non plus et pourtant…

( Le diable aussi était un ange )

‎‎ ‎ Enfin, le soleil se couche. C’est un véritable supplice que d’endurer toute la journée le fourmillement bouillonnant de toutes ces artères murmurant en cadence : boum, boum, boum chuchote le monceau de chair palpitant qui m’appelle à chaque contraction. Nerveusement, je frotte mes lèvres entrouvertes pour en chasser la démangeaison caractéristique. Il est plus que temps d’aller quêter mon dû à l’infirmerie – quand bien même il est partiel, insatisfaisant, cruellement artificiel. J’ai besoin de sentir la caresse de la chair contre ma langue, l’odeur de la peau en souffrance, la tendresse de la viande sous mes dents – mordre va au-delà du simple nourrissage, c’est une extase sensorielle qui surpasse toute étreinte charnelle. Et pour peu que la victime soit consentante, c’est un plaisir que je sais artistement partager ; venin soigneusement injecté à profusion pour endormir la douleur et envoyer un anxiolytique puissant courir dans les veines que je vide petit à petit. C’est un véritable savoir-faire, un entrelacs de jouissance sanguine qui envoie mille picotis délicieux jusque dans les tréfonds de cerveaux submergés d’ocytocine. Hélas, on préfère m’appeler monstre plutôt que de profiter de mes talents ; tant pis pour eux.
‎‎ ‎ Sur le chemin, je croise l’un de mes condisciples auquel je ne prête pas spécialement attention ; j’ai déjà eu affaire à lui en cours, mais je ne me suis pas attardé sur son odeur ou sa personne plus que nécessaire. C’est que ce château en recèle, des petits cœurs battant frénétiquement pour m’étourdir ! Toutefois, je me laisse surprendre par sa voix qui me hèle. Il va droit au but, sans s’embarrasser de politesses hypocrites. J’apprécie. Je ralentis, puis suspends mon pas en le dévisageant avec froideur. Je ne lui rends pas son signe de tête, attendant la suite ; puisque je ne compte pas vraiment répondre à cette première supposition qui n’appelle aucun rebondissement. Ah, le regard des autres… Un petit sourire ourle ma bouche cruelle, en cet instant joliment dessinée d’un trait amusé. C’est étonnant comme on peut en apprendre beaucoup sur les gens rien qu’aux premiers mots qu’ils nous adressent. Celui-là nourrit probablement un complexe du sauveur, ou en tout cas se hisse volontiers en paria élégant – pas de ceux qu’on évite, non, de ceux qui toisent la foule d’un œil hautain et ne daignent pas adresser la parole au petit peuple, parce que, eh bien, ils valent mieux que ça, n’est-ce pas ? Qu’a-t-il vu en moi, le petit bourgeois ? Une créature à sauver ? Un condamné à tort ? Un égal, peut-être ? “Un siècle permet de s’habituer à la haine des hommes” je réponds avec un flegme détaché. “C’est comme la pluie ; on n’y échappe pas, mais c’est parfois possible de s’y soustraire.” Un peu comme la bêtise et les questions stupides.
‎‎ ‎ Assez fier de ma petite réplique pseudo-poétique qui va probablement laisser mon interlocuteur perplexe – j’adore jouer les poètes maudits –, je m’apprête à repartir, avant d’être arrêté net dans mon élan par un parfum qui fait revenir brusquement mon regard sur le visage de Jin Kyung Seo. Agatha. C’est son odeur, c’est sa marque que je hume à pleins poumons. Flash de crocs plantés dans la peau brune de ce garçon qui soudain ne m’apparaît plus aussi inintéressant. Mes yeux se sont légèrement arrondis, comme ceux d’un chat qui a capté une proie juste sous son nez. Sans gêne, je le dévisage, m’approche sans me soucier de l’effrayer pour renifler à plein nez comme un limier lâché sur du gros gibier. La salope. Son parfum, il y a son parfum partout sur lui ; ce n’est pas l’histoire d’une fois, c’est son mignon tout désigné. Urgence brutale de m’faire les dents sur c’corps béni d’ses lèvres ; rien qu’à moi, la putain – jusqu’aux crocs, jusqu’aux os. Comme une coulée de lave en fusion, mes veines se gonflent d’une colère anarchique ; neuve, inédite, renversante.
‎‎ ‎ Beaucoup trop proche de lui, désormais, je relève les yeux pour affronter les siens sans frémir – indifférent à mes crocs sortis dans la fureur de la réalisation, du besoin de repasser cette odeur de la mienne, d’y planter ma marque à moi aussi pour m’approprier tout ce qu’elle a touché comme un animal possédé. “Alors, toi aussi, elle te sirote.” Mots choisis avec une ruse aux accents de jalousie. “Depuis combien de temps ?” Ne fais pas semblant, ou j’irai voir par moi-même en dedans. Mon ton, cependant, demeure posé ; rien ne trahit la rage ou l’impatience, seulement la surprise, l’empressement de comprendre. Une dernière fois, je renifle longuement en baissant le nez vers son cou – me rapproche, encore ; me rapproche, toujours. Ses pas bientôt emmêlés dans les miens, je sens son dos heurter le mur. Probablement affiche-t-il une mine ébahie, peut-être terrorisée ; je m’en délecte, je le débecte – et quelque part, je sais, que je le fascine. Sa poitrine monte et descends rapidement, tout proche de la mienne. Un immense sourire s’étire de part et d’autre de mes commissures ravies. Une dernière fois, je relève le nez vers son visage, nos lèvres si proches que je pourrais les lui arracher. “Tu sens bon, Jin Kyung Seo.”

ft. @Jin Kyung Seo

credit; Salaï (code); lux (icons)

LE DIABLE AUSSI ÉTAIT UN ANGE

with / @Lucius Byrne

Curiosité bien que attisée par les avertissements d’Agatha, Jin s’était tenu plus ou moins éloigné du nouveau vampire qui parcourait les couloirs du château sous les regards curieux, inquiets et quelques fois fascinés des autres élèves. Il y avait deux raisons pour que Lucius soit ainsi regardé comme une bête de foire : il était nouveau et c’était une créature de la nuit. Le combo parfait pour ne pas passer inaperçu à chaque recoin de Poudlard. Le coréen l’avait vécu en partie l’année dernière en arrivant en cours de scolarité en Angleterre. Peut-être était-ce pour cette raison que son regard se portait quelquefois vers l'autre Serpentard. Peut-être ressentait-il une sorte d’empathie à son égard. Ou peut-être était-ce parce qu’il sentait que quelque chose reliait la gryffondor et le nouvel arrivant. Agatha ne l’aurait pas averti de la sorte si elle ne le connaissait pas. Mais cette dernière ne voulait rien lui dire de plus, le laissant dans le flou et une curiosité non comblée. De quoi l’irriter, Jin. Ça l'agaçait de ne pas comprendre, de ne pas réussir à se faire sa propre idée. Il y a un temps où il l’aurait juste évité en fronçant le nez, comme ses parents lui avaient appris à se tenir loin de ces créatures. Mais depuis sa rencontre avec Agatha, que ses crocs avaient percé sa peau, c’était comme s’il voyait les choses différemment. Comme si les fils invisibles qui le tenaient jusqu’à maintenant s'effriter sous son instabilité. Tout son monde tanguait sous le poids des mensonges et des découvertes. Il en venait, parfois, à ne plus savoir qui il était, qui il devait être. Et ça l'effrayait, beaucoup. Les contradictions entre sa tête et ses envies.

Et aujourd’hui, sûrement porté par la fatigue, c’était ses envies qui prenaient le dessus. Comme celle de ne pas passer son chemin cette fois-ci en croisant le nouvel élève dans le couloir. Il aurait pu - il aurait dû - mais son côté rationnel s’était éclipsé autant que le sens du danger. C’est le cinquième année qui entama la discussion en arrivant à sa hauteur, l’interrogeant sur son intégration au sein du château et sa patience face aux regards des autres. Véritable intérêt ou juste moyen de faire la conversation ? Peut-être un peu des deux au fond. La réponse le laissa dubitatif, un peu trop poétique à son goût que ça le fit froncer les sourcils. Si tu l’dis. Répondit Jin dans un haussement d’épaule tout en le voyant déjà amorcer un mouvement pour repartir, malmenant sur le principe l’égo du coréen dont le soupir ne manqua pas de cogner contre les murs du couloir. Se faire ignorer de la sorte avait le don de l’agacer fortement mais au moins Agatha aurait moins besoin de s’inquiéter. Lucius n’en avait strictement rien à foutre de lui visiblement. Du moins, c’est ce qu’il pensait jusqu’à ce qu’il se retourne vivement vers lui. Un regard différent, presque félin, qui lui procura un frisson le long de l’échine. L’atmosphère changea soudainement qu’il en resta interdit, au point de ne pas voir assez vite que le plus âgé venait de se rapprocher de lui. Près. Trop près. Qu’est-ce que… La phrase se meurt face à l’attitude de Lucius, ramenant dans ce geste, dans cette proximité, des flashs d’une soirée qu’il voulait oublier - sans succès - . L’image d'Agatha s'interposa un instant dans son esprit, dans cette même position, où il était une proie soumise, agitant le myocarde plus fort. Il sent son pouls s’accélérer de façon archaïque alors que son dos vient heurter le mur derrière lui. Coincé. La fuite est impossible. Et pourtant, ses ébènes ne se détachent pas du visage pâle qui lui fait face, aux crocs visibles qui le menacent. Alors toi aussi, elle te sirote. Le souffle lui manque, les mots aussi et il ne peut que sentir son corps se tendre un peu plus face à la révélation. Il sait. Lucius sait.

Le souffle dans son cou le fit frémir, tout autant que cette proximité de leurs corps. Mais à travers la peur qui l’englobe se mêle une sorte d’excitation incomprise qui l’effraye d’autant plus. Putain, si fou. Alors dans un geste vain de mettre de la distance entre lui et le vampire, Jin déposa ses paumes contre son torse, sans réussir à le faire reculer ne serait-ce que d’un millimètre. A..arrête Qu’il peine à souffler, le regard déviant malgré lui vers les lèvres - les crocs - si proches des siennes, les doigts se serrant inconsciemment autour du tissu de son haut.

**Contenu sponsorisé** À SAVOIR DETAILS EN PLUS