Loyauté. Le mot s’empressa de tournoyer dans sa tête, apportant avec lui une vague d’amertume. Ce fut comme une morsure brûlante et invisible contre sa peau pâle. Elle le méritait sans doute. Et là où ses lèvres venaient esquisser un sourire, ses yeux, eux, se dissocièrent durant une fraction de seconde. Éteints, ils étaient éteints aussi terne que les arbres en plein hiver. « Loyale ? C’est bien trop épuisant pour que je m’y risque. » Mensonge à demi-mots, prononcé sur un ton débordant de sarcasme. Isadora était habituée à entendre de nombreuses personnes remettre en cause sa loyauté. Cela avait toujours eu le don de l’amuser, l’image qu’elle renvoyait était une fantaisie, camouflant sous ses mots sa fragilité. Pourtant, aujourd’hui, le mot sonna différemment au creux de son oreille, désagréable et blessant. Peut-être, car il venait de la part de son frère, bourdonnant au milieu de ses pensées obsessionnelles. Loyauté. Toute sa vie, elle avait agi en fonction de cette vertu pour sa famille sans poser de question, sans émettre la moindre objection. Elle n’avait jamais failli, brisant sa candeur dans l’équation. La vérité a tous ses problèmes venait de là, bien qu’elle refusait de l’accepter. C’était sa loyauté qui l’enfermait un peu plus dans ce conflit. Mais celui qui détenait sa loyauté ultime ce n’était pas son père qui rêvait de gloire à travers elle, ni son grand-père qui fantasmait à une alliance propice, ni même Ozwald qui veillait sur elle, mais bien Azraël. Sans doute, car parmi toute sa famille, il était le seul qui n’avait aucunement l’attention d’écrire son futur. Alors, bien que mérité, une saveur amère envahissait sa bouche alors qu’elle venait déglutir silencieusement. Il était vexé et désormais, elle était blessée. Au fond, rien de très inhabituel dans une relation fraternelle, car tout finit toujours par passer et ses pensées agaçantes finiront de nouveau par se taire. Isadora avait la certitude qu’Azraël serait d’une grande aide, inconsciemment, pour lui changer les idées cet après-midi. L’ego est une chose facile à manipuler, quelque flatterie pour qu’il devienne prédominant. Parfois lassant, aujourd’hui elle avait besoin que de ça pour s’oublier un peu.  « Même les moments où j’essayais de te maquiller au manoir ? » Chérissait-il vraiment chaque moment qu'ils passaient ensemble ? Doux souvenir d’un été au manoir alors qu’ils n’étaient pas encore en âge pour aller à Poudlard. Petite, Isadora pouvait être agaçante, elle en avait consciente. Elle collait très souvent Azraël, le suivant partout comme son ombre. Cette époque avait bien évolué désormais.

Pauvre Théodore, son prénom ne serait décidément jamais respecté de la part d’Azraël. En d’autres circonstances, elle s’en ficherait, mais les remords envers le garçon lui laissaient une sensation désagréable. Quelle plaie de culpabiliser. Isadora n’est décidément pas habituée à ressentir cela. Toutefois, le sujet venait à terme et elle ne viendrait plus d'entendre son prénom jusqu’au soir, du moins elle l’espérait. Le bleu pétillant de ses yeux malicieux brilla de nouveau, laissant l’amusant baigner son visage aux mots de son frère. L’ego de ce dernier soigné et un poids se retira de ses épaules. Il sera plus facile pour la gryffondor de mettre en silence ses pensées en se laissant accaparer de toute l’attention que ce dernier lui demandait. « Pour qui me prends-tu ? » Mi-offusquée, mi-amusée par la demande, elle venait rouler des yeux. « Évidemment que je sais ce que je vais t’offrir. Pour être sincère, c’est déjà emballé dans mon dortoir. » Si la demoiselle mettait bien un point d’honneur sur une chose, c’était d’offrir le meilleur des présents à son frère chaque année pour son anniversaire. Alors elle prenait toujours de l’avance dans ses recherches afin de ne pas arriver avec un cadeau de dernière minute. Il n'y avait rien de pire que d'offrir un présent médiocre. De ce fait, emballée et posée sur sa malle, se trouvait une boite contenant un bracelet argenté. Un bijou discret, mais qui lui avait sembler parfait pour accompagner le poignet de son aîné. Désormais, elle patientait afin de lui offrir le jour même de son anniversaire.

La clémence est une vertu qui n’a jamais semblé coller totalement à Azraël. Loin d’elle l’idée de remettre en cause son comportement envers elle. Évidement, elle reconnaissait la clémence de ce dernier envers sa personne, toutefois, le doute qu’il sache faire de même avec n’importe qui planait dans sa tête. La satisfaction que lui offrait cette pensée était douce pour son ego. « Excuse-moi, ô Azraël, honte à moi de laisser de vil penser salir votre si belle personne. » Après tout, elle possède l’avantage d’être sa petite sœur. Un avantage qu’elle aimait user par moment et ça avec ses deux frères. Cependant, Oswald étant moins présent, Azraël devait subir pour deux. Isadora n'en était pas désolée pour lui. « J’imagine que tu refiles tout à cette Murphy, pas vrai ? » Elle laisse son esprit divaguer vers la jeune femme un instant. Un brin agaçante, mais loin d’être méchante, c’est ainsi qu’elle avait toujours vu la préfète de Serpentard. Bien que son intérêt étrange pour la nécromancie, évoqué lors de leur classe de botanique, avait éveillé sa curiosité, mais pas assez pour qu’elle se lance dans une longue conversation avec cette dernière. Elle préférait pour le moment la juger de loin. « Vu la préfète de gryffondor, je ne pense pas qu’ils soient très regardants sur vos exploits d’autorité, tu ne devrais pas t’inquiéter de le perdre. » Azure. Isadora ne comprenait toujours pas comment la jeune femme avait réussi à être élue au grade de préfète. C’était même agaçant de voir que l’insigne pouvait être donné si facilement. La pensée secrète de la faire tomber avait bien souvent traverser l’esprit d’Isadora. Cependant, pour le moment, elle se contentait de l’observer pour savoir attaquer avec précision sans risquer de se faire prendre. Ses yeux se posaient sur l’horizon alors qu’ils approchaient de Pré-Au-Lard. De la fumée s’échappait de certaines cheminées et l’odeur particulière du village venait petit à petit chatouiller les narines de la demoiselle. Le soleil réchauffait ses joues rougies par le froid de l’extérieur. L’idée d’une boisson chaude glissa dans son esprit alors qu'une autre idée venait de germer dans son esprit. « Tu penses que tu pourrais me rendre un service d’ailleurs ? »

La préférée, elle l’était. Trop souvent, elle en avait joué, attendrissant le vieil homme, obtenant tout ce dont elle voulait. Il ne pouvait rien lui refuser et petite ça l’amusait. Pas parce que c’était Isadora, mais parce qu’elle avait réussi à se modeler à l’image qu’il désirait. Elle devait être « parfaite » et elle avait tout fait pour le paraître. Elle aimait sincèrement son grand-père, mais pourtant… Un sourire. C’est tout ce dont elle était capable d’offrir comme réponse. Parce que ses mots restaient bloqués au fond de sa gorge, parce qu’elle était incapable de savoir ce qui sortirait le plus vite entre un énième mensonge et une vérité dont elle redoutait l’existence. Elle resta silencieuse, s’agaçant intérieurement d’être face à son frère à cet instant, culpabilisant aussi de se servir de lui pour se changer les idées. Ses mots restaient sur le bord de ses lèvres, prêt à se dévoiler et au fond, elle savait qu’elle serait incapable de lui mentir. C’était sans doute le super pouvoir d’Azraël sur elle. Un sourire. Aussi simple et lourd de sens. Parfois, elle se demandait ce qui changerait à son avenir si elle n’était pas la préférée, se sentirait-elle plus libre ? Elle enviait Azraël, parce que c’était une petite certitude qui s’était logée dans sa tête à force d’y penser. Mais était-ce vraiment ce que son frère ressentait ? Doute. Elle voulait vraiment passer un bon moment et leur souvenir en commun aida à alléger l’atmosphère. Elle chassa ses doutes, tenta d’apaiser le sentiment de vexation qui bouillonnait en elle, car ce n’était pas le moment et se laissa porter par la nostalgie. « Donc c’est grâce à moi. » Fièrement, elle avait prononcé ses mots. Elle devait reconnaître que le mascara allait à ravir à son frère. Petite, elle n’avait pas vraiment fait attention, elle s’amusait juste à expérimenter le maquillage sur un visage et Azraël en parfait chevalier avait toujours accepté. Désormais, elle reconnaissait que le maquillage en général convenait parfaitement à son frère. Ça le rendait beau, d’une façon différente, pas toujours apprécier de tous, mais c’était un fait. Son frère était beau, tout simplement. « C’est vrai que ça te va très bien cela dit. » Si elle n’aimait pas autant ses propres yeux, elle aurait pu être jalouse du regard de son frère. Ses yeux pétillaient de malice alors que ses pensées divaguaient vers Ozwald. Elle hésita un instant, essayant de se souvenir si elle avait essayé, petite, sur leur frère, le doute persistait, la réponse logique était : non, mais elle n’en était pas certaine. Elle se re-concentra sur le Serpentard en lui demandant, après tout peut-être qu’Azraël se souvenait lui. « Tu te souviendrais si j’avais pu le faire sur Ozwald ? »

Le fameux cadeau d’anniversaire. Chaque année Isadora avait le droit à la même demande. Un indice. C’était décidément une habitude qu'Azraël avait finie par prendre. Elle se mit à hésiter un instant, bien consciente qu’il risquait d’essayer d’avoir plus d’un. Après tout, c’était toujours pareil. Cependant, c’était amusant de le voir si impatient, alors elle avait fini par accepter. « Juste un. » Avait-elle prévenu afin de le dissuader d’en demander davantage, son index était venu se lever pour appuyer ses mots. « Argent. » La couleur argentée se trouvait sur plein d'objets. Alors, même si l’indice pouvait l’aider à trouver, il pouvait aussi l’induire en erreur. C’était parfait. Elle esquissa un sourire, auto-satisfaite par sa propre réponse. Maintenant, s'il tentait d’en savoir plus, Azraël pouvait toujours courir, Isadora ne délierait plus sa langue à ce sujet. Elle s’avait d’avance qu’elle gagnerait le combat. « Mais par Merlin, quel impatient ! On dirait un enfant. » Elle se moqua, gentiment, riant en venant secouer sa tête de droite à gauche. Un indice, elle avait accepté, mais offrir avant, jamais. « J’en connais déjà un, donc j’imagine que je triche si je dis celui-ci ? » Le retour des paris venait sonner une tradition enfantine où elle se laissait embarquer chaque année. Isadora n’allait pas y échapper, appréciant de taper juste parfois. Cette fois, elle en connaissait déjà un. Lors d’une discussion avec leur mère, cette dernière lui avait demandé son avis. L’évoquer à cet instant, c’était sa façon de taquiner son frère, elle connaissait sa curiosité. Pourtant, mauvaise joueuse, elle aurait pu en profiter et s’assurer une petite victoire. Personne n’aurait rien su, à part elle et sa conscience, ce qui était loin d’être un problème. « Salem, elle ne va pas nous en vouloir si on ne l'attend pas ? » Pensée rapide pour sa cousine, sur un ton détaché et presque faux. Habitude de paraître qui revient au galop. Isadora a toujours eu du mal à l’avouer, mais au fond elle tient énormément à la poufsouffle. Trop fière, trop stupide, elle prétextait toujours l’inverse, qu’elle se contentait de la supporter pour faire plaisir à son frère. Azraël ne devait pas être si dupe que ça.

Elle ria, amusée par son frère. Il avait ce don de la laisser baisser sa garde. « Merci mon bon seigneur. » Parfois, il lui arrivait de se comporter comme une simple adolescente, parce qu’au fond, c’est ce qu’elle était. Le paraître tombait et Isadora devenait une autre personne, bien plus douce, bien plus joyeuse. Elle gardait sa complexité, mais elle osait montrer une autre part d’elle-même. Azraël pouvait se venter d’y parvenir, car cette partie d’elle, leurs parents ne la connaissait pas. Elle était là sa bouée de secours, si seulement parfois elle acceptait de ne pas régler ses problèmes seuls. Elle se crispa une fraction de seconde, parce qu’au fond, le chaos venait gratter pour atteindre la surface et que c'était de plus en plus dure à contrôler. Le bleu de ses yeux s’était mis à scruter son frère pour garder l’esprit tourné vers lui. Et ça fonctionna.

« Et qu’est-ce que tu gardes pour toi ? Comme responsabilité, j’entends. » Elle ne l’avoua pas, mais elle s’attendait à une liste bien plus courte que ce qu’il venait à refiler à Murphy. Isadora était fière de son frère, elle l’avait toujours été, mais elle avait toutefois du mal à comprendre comment il avait obtenu ce poste. Peut-être qu’un critère lui échappait dans le choix de préfet de Poudlard et sur ce point, elle rejoignait leur père. L’école perdait de ses couleurs d’antan. C’était là où son éducation venait parfois poser problème. « Non. » Oui, elle l’était et à juste titre. Ça lui était insupportable de concevoir que sa préfète n’était qu’une cinquième année agaçante et d’une naïveté écœurante. Elle gardait le regard rivé sur Pré-Au-Lard pendant que dans sa tête, les pensées s’entrechoquaient avec sa conscience qui tentait de la freiner. Suspicieux, Azraël pouvait l’être et le rictus qui glissa sur les lèvres de la gryffondor pouvait en témoigner. Elle n’était pas certaine qu’il accepte, toutefois, elle était prête à user de la carte de la petite sœur pour y parvenir. « Az... J’aurais accepté directement moi. » Une petite moue se dessina sur son visage, mimant un semblant de tristesse alors qu’elle venait s’arrêter pour se tourner complètement face à son frère. « C’est assez… Amusant en plus. » Amusant, tout dépendant pour qui, pour elle ? Oui. Pour Azraël ? Un peu moins. Pour Azure ? Certainement pas. « Dis oui. »