Tissus en transparence ✹ Kenneth

Tissus en transparence
FT. @"Kenneth D. Appleton

Kenneth était un idiot avec de la peau de saucisson devant les yeux. N'importe qui dans ce château - Vesper tout particulièrement - aurait pu le dire à Antonella. Elle qui aurait pu crever les yeux de Selene Paulet juste parce qu'elle lui avait piqué le beau brun quelques instants, se voyait contrainte de jouer la meilleure amie dévouée. Ce rôle, elle le connaissait par coeur, comme une éternelle rengaine qu'on fredonne par habitude, d'une voix monotone. La Serpentard aurait du se douter qu'avec le retour d'August, la proximité accrue qu'elle avait avec son meilleur ami se délayerait un peu. Elle avait cru, pourtant, qu'elle resterait à la première place. Mais Kenneth n'était fidèle en rien et, même si elle n'était pas la plus mièvre du château, elle gardait le grand tort d'être une fille et par ailleurs, une petite bourge : deux frontières supplémentaires par rapport au préfet de Gryffondor. Alors forcément, quand le Poufsouffle avait accepté de l'accompagner pour choisir sa robe de bal - honorant ainsi leur tradition - Toni avait sauté au plafond. Enfin un moment privilégié avec le garçon qu'elle préférait au monde ! Sans l'ombre d'August, de Teddy ou encore de Selene Paulet pour ternir ce tableau, du moins c'est ce qu'elle espérait.

Toni avait donné rendez-vous à son meilleur ami sur la place centrale de Pré-Au-Lard. Elle savait qu'il comptait se rendre chez Zonko avant et elle n'avait pas particulièrement envie de l'y suivre, cette fois ci. Une certaine lassitude s'emparait d'elle, par moments, lorsqu'elle pensait à son futur inexistant avec le Poufsouffle. Qu'est-ce que l'Italienne avait loupé, au juste, pour être prisonnière de la friendzone à ce point ? Vesper avait beau affirmer que les yeux de Kenneth déviait régulièrement sur ses formes, elle n'en croyait pas un mot. Antonella s'interdisait d'espérer quoi que ce soit avec lui, c'était la meilleure chose à faire pour ne pas souffrir inutilement. Cela ne l'empêchait pas de fusiller du regard chaque malheureuse qui gloussait un peu trop en croisant le fils Appleton. Lorsqu'elle arriva aux abords de Pré-Au-Lard, Toni réajusta savamment son bonnet. Le grondement qui venait des différentes ruelles lui indiquait qu'ils étaient nombreux à avoir profité de la sortie. Rien d'étonnant à cela : à l'approche de Noël, tout le monde comptait profiter de ses amis avant de rentrer pour les fêtes. Les Trois Balais devait être plein à craquer, tout comme Gaichiffon d'ailleurs. Toni pouvait apercevoir parmi la foule certaines élèves avec un pochon qui devait contenir leur précieuse tenue de soirée pour le bal de Noël.

La Serpentard se dirigea vers le lieu du rendez-vous. La place était pleine de monde, elle aussi, mais il n'y avait aucune trace des boucles brunes de son meilleur ami. Toni leva les yeux au ciel : où pouvait il bien être encore passé ? Ce n'était quand même pas compliqué, d'être à l'heure ! Elle trépigna du pied pendant cinq bonnes minutes avant de le voir enfin débarquer, les poches et la bouche remplies de sucreries. Aussitôt, la colère de l'Italienne s'envola. « T'as vraiment passé tout ce temps à te gaver ? » Le gronda gentiment Toni avant de lui piquer une baguette à la réglisse qui dépassait de la poche de son manteau. « On va avoir les doigts tout collants pour rentrer dans la boutique, ça craiiiiint ! » Dit-elle en riant avant de saisir le poignet de son camarade - pas la main, trop intime - pour l'entrainer en direction de Gaichiffon. Il ne fallait pas trainer s'ils ne voulaient pas que les tenues les plus mignonnes soient déjà vendues à leur arrivée. Toni ne se priva pas pour piquer encore dans la réserve de bonbons de Kenneth sur le trajet : elle l'avait bien mérité, après avoir attendu dans le froid !

Les deux comparses arrivèrent dans la boutique de vêtements. La vitrine exposait, comme un appel à la vente, de jolies robes dignes d'un tapis rouge. Toni, qui ne s'était jamais vraiment intéressée aux toilettes avant que la puberté ne vienne la trouver l'an dernier, s'arrêtera et sourit béatement devant les modèles en exposition. Depuis petite, elle était habituée à voir des filles habillées avec des tenues luxueuses. Sans aller plus loin, sa cousine Max était un parfait exemple du genre de garde robe que l'Italienne aurait pu avoir. Mais au grand désespoir de sa Nonna, Antonella n'avait jamais eu envie de dépenser de l'argent là dedans, préférant le confort d'une tenue classique. Mais Kenneth était une très bonne raison de s'intéresser davantage aux jolies robes. « Cette année, je prends une robe, c'est décidé ! » Déclara Toni d'un ton sans appel. « Mais je ne sais pas si je choisis un modèle court, long, à bretelles ... Y'a trop de choix ! » Et encore, ils n'étaient même pas rentrés dans la boutique ! Appleton avait accepté de suivre sa meilleure amie dans ses essayages mais il devait commencer à le regretter sérieusement. Ils étaient bons pour y passer l'après-midi. Pourtant, Toni n'était pas du genre à douter. Ou plutôt, elle n'était pas du genre à montrer ses hésitations. « De toute façon, je pense que je vais demander à Vesper d'être ma cavalière. » Avait-elle un autre choix ? Aucun garçon n'était venu lui proposer d'aller au bal avec lui et elle préférait être actrice de son destin plutôt que devoir subir une soirée où tout le monde saurait que personne n'avait voulu l'inviter.

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"Je vous prends les six sachets pour huit mornilles, ça vous va Miss Beckinsale ? » Sous les étagères chargées de bocaux remplis à ras-bord de vers sucrés, de dragées, de pâtes de fruits et de sucettes au poivre, la vieille sorcière me toise, lèvres pincées. J’arrive à deviner ses épais sourcils froncés, sous son chapeau rapiécé. « Douze. » me reprend-t-elle, l’air sévère. J’esquisse une moue désappointée, faisant mine de chercher dans ma bourse… et je tends ma main avec plus d’insistance : « Allez quoi, soyez chic, dix et je dis à tout le monde que vos crapauds à la menthe sont des tueries. » lancé-je, espérant que cela suffirait à lui faire changer d’avis. Sans succès, elle répond par la négative d’un mouvement de tête. « Douze. » répète-t-elle sans faillir, avant d’ajouter : « Et je ne dis pas à votre mère que vous traînez dans le coin sans autorisation. » Comment diable peut-elle savoir… ? J’aurais du me douter que ma mère aurait fait passer le mot aux commerçants. Je soupire, avant d’abdiquer et de laisser tomber sur le comptoir les piécettes argentées, dans un petit tintement : « Marché conclu, m’dame. » Quelle vieille peau, je vous jure. Je referme la porte de la boutique qui laisse échapper un fort bruit de carillon. Sur la place du village, les vendeurs sont affairés à installer devant leurs vitrines de gros sapins, tandis que la patronne des Trois-Balais empile des tonneaux d’hydromel qu’elle s’apprête à entreposer dans la cave. Je sifflote un air que j’ai en tête depuis hier en sortant de ma poche quelques souris glacées que j’ai piquées dans la boutique en sortant… On ne m’enverra pas devant le Magenmagot pour si peu, si ? De toute façon, la vendeuse est une pince, que celui qui n’a jamais rien volé à la vieille Beckinsale me jette la première pierre. Je cherche le clocher des yeux, espérant pouvoir lire l’heure sur le cadran… j’ai rendez-vous avec Toni, et je crains ne pas briller par ma ponctualité. Je l’aperçois, à quelques mètres, sous le panneau directionnel dans l’allée des fleuristes. Enthousiaste, je lui adresse de grands signes, un bâton de nougat coincé entre les dents.

Certes, je ne suis pas censé traîner au village, mais comment louper une occasion de vagabonder dans les rues avec ma meilleure amie ? Avec Toni, tout est prétexte à s’amuser. Je vous jure, je pourrais l’embarquer dans n’importe quel plan foireux, elle serait toujours partante pour me suivre… ! Évidemment, elle remarque que je ne suis pas sorti les mains vides de chez Honeydukes… « Hé, juge pas ! Depuis que je suis persona non grata à Pré-au-Lard, les occasions de s’empiffrer un peu se font rares. » me justifié-je comme un enfant pris en faute, l’air boudeur. Elle au moins, ses grands-parents lui foutent la paix… ! Les miens sont de vraies furies, ces derniers temps, si bien que j’hésite à déposer une plainte pour harcèlement. C’est déjà la deuxième beuglante que je reçois de ma mère ce mois-ci, sous prétexte que mes notes sont catastrophiques… « D’ailleurs, si on te pose des questions, tu m’as pas vu, hein. » Bien que la tentation soit forte, ce n’est pas le moment de souffler sur les braises ardentes : entre mes vieux et moi, on marche sur un terrain miné. Elle sait pas la chance qu’elle a, de plus avoir les siens sur le dos ! Enfin, je vais garder cette idée pour moi, c’est un peu tôt pour plomber l’ambiance. À la place, j’ai trouvé quoi faire de mes doigts collants… « Et les joues aussi, regarde. » Et hop, je m’empresse de lui coller mes doigts pleins de caramel sur le visage, laissant une belle trace orangée près de ses lèvres. Elle va me passer un savon, mais ça valait le coup, c’est sûr ! J’adore cette meuf, sérieux.

Elle m’entraîne sans tarder chez Gaichiffon, tandis que je fais un effort pour mieux dissimuler la multitude de friandises que je viens d’acquérir pour un prix bien trop onéreux en les enfonçant dans mes poches. Nombreux sont les élèves que nous croisons, en petits groupes, ravis d’avoir récupéré quelques fripes qui les feront se sentir comme des marquis durant une soirée entière. J’ai du mal à me sentir concerné par cette formalité de fin d’année : si on me permettait de m’y rendre en sweat-shirt, je ne me priverais pas. Mais je sais que ça tient à coeur à Toni, alors je consens à faire un effort… On a pas passé beaucoup de temps seuls tous les deux, dernièrement, alors toute occasion est bonne. Elle me fait part de sa détermination à se trouver la tenue idéale, et incapable de garder mon sérieux, je m’empresse de jouer les idiots. « Je vais faire pareil, comment tu la trouves celle-ci ? » Je me saisis de la première robe à fanfreluches que je présente à mon amie en prenant une posture ridicule, fier comme un coq de ma petite boutade. Je salue d’un hochement de tête la vendeuse qui passe une tête entre les rideaux des cabines d’essayage, probablement pour nous épier… et reviens à Toni et ses drôles de robes. Ça m’amuse qu’elle prête autant d’importance à tout ça… « Fais gaffe, si tu mets trop court, le club de chasteté va te tomber dessus. Il paraît qu’ils sont sur les dents, avec tous ces couples qui envisagent de conclure le soir du bal… » lâché-je l’air songeur ; en vérité je ne connais rien à rien aux activités de Jørgensen et de son groupe de parole pudibond, tout ce que je sais c’est qu’il a fait tout un scandale de notre petite blague sur le panneau d’affichage. Curieux, je jette un oeil entre les cintres, haussant un sourcil en découvrant sur le présentoir de vrais costumes d’époque. Je nous imagine, August et moi dans ce genre d’accoutrement avec le sourire aux lèvres… On aurait l’air ridicules à souhait, mais on se marrerait bien. Ce à quoi je n’étais pas préparé, c’était à ce que Toni m’annonce qu’elle y allait avec Vesper… Et moi qui m’imaginais devoir redoubler d’imagination pour lui dégoter un cavalier ! « Ouuuuh, vous y allez entre filles ? Vu comme elle louchait sur August, je pensais pas qu’elle était de ce bord. » Toni non plus, cela dit, mais ce ne serait pas une mauvaise nouvelle, bien au contraire : j’aurais enfin quelqu’un avec qui partager mon porno lesbien. Seulement, elle n’aurait pas pu choisir une fille un peu plus fun que Vesper ? Ce n’est pas franchement avec elle que je m’imagine me taper de bonnes barres entre deux petits fours. Sérieux, il faudrait que je pense à lui présenter Teddy, ou bien Selene…

@Antonella L. Mancini

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FT. @"Kenneth D. Appleton

Toute la contrariété que Toni avait emmagasiné à cause du retard de son meilleur ami fondit comme neige au soleil lorsqu'elle l'aperçut enfin. Un sourire indulgent, le genre qu'une mère pourrait avoir concernant son môme, apparut sur ses lèvres. Evidemment qu'il était parti en quête de sucreries, elle aurait du s'en douter. L'Italienne lui rendit son signe de la main, faisant se retourner au passage quelques curieux qui se demandaient à qui elle s'adressait. Comme si la question méritait d'être posée ! Toni sans Kenny n'était pas Toni et inversement. Le Poufsouffle parcourut les derniers mètres qui les séparaient et tenta de justifier sa consommation excessive de bonbons. « Pauvre petit oiseau en cage ... tu veux des graines pour te consoler ? » Ironisa Antonella avant de lui piquer une des nombreuses confiseries qui garnissaient ses poches. A l'entendre, toute la vie de Kenneth n'était que malheur et damnation à cause de ses parents. Lui, au moins, pouvait encore râler après les siens. Ce n'était pas le cas de Toni. « Ou autre chose, Silas m'a donné un truc qui t'envoie dans les nuages en trente secondes. » Poursuivit elle en tapotant discrètement sa poche. La Serpentard se doutait qu'afficher sa proximité avec le jeune homme ne plairait pas à son meilleur ami. Néanmoins, il ne pouvait nier qu'en matière de fumette, il n'y avait pas grand monde qui pouvait rivaliser avec le Serdaigle. Par la suite, Appleton fit jurer à l'adolescente qu'elle ne l'avait jamais vu à Pré-Au-Lard, ce à quoi elle répondit théâtralement en montrant sa bouche cousue et en levant deux doigts en l'air, la main sur le cœur. « Gamin ! » Toni se mit à rire aux éclats après que Kenneth ait laissé une large trace bien collante sur sa joue. Ils allaient encore se faire réprimander par la vendeuse de Gaichiffon, restait à savoir combien de robes subiraient les attaques de leurs mains tâchées avant qu'elle ne s'en rende compte.

Les deux amis prirent la direction du magasin de vêtements. Avec le bal de Noël qui se rapprochait, ils n'étaient pas les seuls à avoir cette idée. La boutique était bien plus fréquentée qu'à l'habitude, ce qui, avec un peu de chances, pourrait camoufler leurs doigts collants de l'œil rigoureux de la vendeuse. Ils rentrèrent et Antonella jeta aussitôt son dévolu sur quelques robes qui se trouvaient en boutique. Elle qui n'avait jamais prêté attention à son apparence s'était découvert une coquetterie nouvelle cet été. Sans compter qu'elle aurait bien donné tout son héritage juste pour se sentir belle dans les yeux de Kenneth. Mais ce dernier semblait bien plus disposé à faire le pitre plutôt qu'à comprendre les messages cachés de sa meilleure amie. « Très belle sur toi, une vraie petite pétasse ! » Le compliment de Toni, sans doute un peu trop audible - à l'italienne - fit se retourner un groupe de troisièmes années qui attendaient pour payer. Toni leur tira la langue avant de se reconcentrer sur les tenues à disposition. Elle aimait bien la robe blanche, qui semblait taillée pour être près du corps. « Mmh ça m'intéresse pas trop ça... » Répondit la jeune femme en se saisissant du cintre où reposait la robe blanche. En réalité, elle adorait les gossips, comme toute adolescente qui se respecte. Mais elle avait trop peur de savoir avec qui Kenneth allait conclure pour s'y intéresser cette fois ci. « En plus, je suis déjà blacklistée de leur club depuis ma robe de la soirée de rentrée. » L'association robe courte + décolleté plongeant de Toni avait délié les langues de certains. Elle avait peut-être fait un peu fort ce soir là. Et pour quoi, en plus ? Kenneth était tellement bourré qu'il ne devait même pas se souvenir de cette robe.

Antonella plaqua la robe blanche contre elle et s'avança devant un miroir pour visualiser ce que cela pourrait donner sur elle. Oui, cela pourrait être pas mal ... « Tiens moi ça au lieu de dire des conneries ! » Toni flanqua la robe sur le bras de son meilleur ami, tandis qu'il suggérait que Vesper et Toni tournent une sorte de porno lesbien pour les beaux yeux de tous les pervers de ce château et d'ailleurs. Elle passa frénétiquement sa main sur les cintres, sans vraiment regarder les tenues qui défilaient sous ses yeux. Qu'est-ce que Kenenth pouvait être stupide par moments ! « August n'avait qu'à l'inviter elle et toi à m'inviter moi, ça nous aurait évité de passer tous les quatre pour des losers ! » Dit elle entre ses dents, sans oser regarder le Poufsouffle. Elle supposait qu'il y allait avec August, vu qu'aux dernières nouvelles le préfet n'avait invité aucune fille. Mais elle avait besoin d'en avoir le coeur net : il était hors de question qu'elle se pointe à ce foutu bal pour voir la langue de Kenny dans la bouche d'une autre nana ! Elle préférait encore passer la soirée à bouder dans son dortoir.

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Et voilà, ce temps perdu en négociations inutiles avec cette vieille mégère de Mrs. Beckinsale m’aura presque retardé sur mon programme de l’après-midi. Je finis malgré tout par rejoindre cette chère Antonella Mancini sur la place, sous un ciel brumeux, tandis que les commerçants achèvent d’installer leurs vitrines enchantées : l’herboriste a même réussi à élaborer une sculpture de dragon en houx, qui s’anime en crachant quelques gerbes de flammes vertes… Enthousiasmé par cette ambiance festive qui gagne le village, j’ai envie d’en profiter en compagnie de ma meilleure amie. « Ce serait bien un moindre mal, je trouve ! » m’exclamé-je en prenant un air faussement indigné, avant de hausser un sourcil circonspect lorsqu’elle évoque la marchandise refilée par Silas. Apparement, elle en a les poches pleines… Je grimace. « Non merci, accepter un truc qui vient de Jørgensen va à l’encontre de ma religion. » Et ce serait nier quinze ans d’éducation de ma mère, qui m’a toujours appris à refuser les friandises quand elles viennent de types louches. Souvent, je repense à ce qui s’est passé dans la serre avec ce mec début Septembre… Ses yeux révulsés, ses confessions soudaines, ces histoires de traumatismes… C’était un sacré truc. Et si j’ai cru que ne plus y penser me permettrait de me tenir éloigné de ses problèmes, mais c’est loin d’être aussi simple. Alors par souci de facilité, je fais en sorte de le détester comme avant, ni plus, ni moins : cela me permet de mettre un peu de distance entre lui et moi. Et c’est un peu débile, mais ça m’agace d’entendre prononcer son nom comme s’ils avaient élevé les hippogriffes ensemble… Certes, ils se sont roulés un patin dans ce placard, comme je l’ai fait avec Saige, mais je croyais juste qu’elle le faisait pour rendre service, pas par réel intérêt envers ce type. « Vous êtes proches, maintenant ? » demandé-je en essayant de camoufler le ton légèrement réprobateur de ma question. Elle est évidemment libre de faire ce qu’elle veut et avec qui elle le souhaite, mais quitte à choisir, j’aimerais autant que ça soit avec quelqu’un d’autre que ce mec.

Sans m’en formaliser davantage, je fais exploser une grosse bulle de chewing-gum tout près de son oreille avant de me faufiler dans la boutique. Il n’y a pas grand monde, à part quelques bandes de jeunes élèves venus essayer de nouvelles tenues, probablement pour voir si elles valent la peine qu’ils liquident leurs maigres économies dedans. À en juger le regard soupçonneux de la vendeuse, celle-ci ne semble pas franchement ravie de nous voir débarquer… Il faut bien avouer que avons un certain mal à faire preuve de discrétion, ce n’est pas pour rien que nos pupitres ont été séparés dans la plupart des matières, l’an dernier. Je ne suis pas friand de shopping quand c’est ma mère qui me traîne dans ses boutiques guindées, mais avec ma meilleure amie, je suis au moins certain de bien me marrer ! Tandis qu’elle se saisit d’une première robe, évoquant le modèle court qu’elle a porté lors de la soirée de rentrée, je vois là une occasion unique de la vanner un peu : « Haha, tout ça pour faire les gros titres : "Aperçue, Toni Mancini choque Poudlard en dévoilant son bonnet B". » pouffé-je comme un gamin. Je continue de fouiller les portants, espérant dénicher quelques perles parmi ces pièces… Pas pour moi, puisque je sais que mes parents auront tôt fait de m’envoyer un costume ridiculement cérémonial quelques jours avant le bal, comme ils en ont l’habitude. Mais quitte à être là, autant l’aider à s’occuper dans la cabine d’essayage, non… ? Je m’empare du modèle qu’elle a repéré et lui fais signe d’aller se préparer derrière le rideau de la cabine. Du coin de l’oeil, je vois la vendeuse ouvrir la bouche pour dire quelque chose, avant de finalement se raviser… « Allez, essaies-en une ! » l’encouragé-je. Depuis que Max et Teddy m’ont embrigadé dans leur histoire de défilé sauvage dans la salle commune, je me prends pour un genre de conseiller mode, c’est trop grave.

Et dire qu’elle envisage d’aller au bal avec Vesper… Elles sont copines apparemment, ça ne me paraît pas franchement anormal - je serais même plutôt curieux de les voir danser ensemble, à vrai dire -, mais je ne peux m’empêcher de trouver qu’il y a quelque chose qui cloche avec cette fille. Alors quand Toni suggère que nous pourrions laisser August entre ses bras, et qu’elle s’y rende avec moi, je ne peux m’empêcher de m’exclamer : « T’es ouf ? ». Ça ne me dérangerait pas d’y aller avec elle, mais franchement… laisser notre meilleur ami à une quasi-inconnue aux intentions plus que douteuses alors qu’on pourrait se torcher la gueule ensemble en chantant à tue-tête, c’est ce qui ressemble le plus à une trahison. « J’peux pas demander à August de se sacrifier à ce point, cette meuf est trop bizarre avec lui. » lancé-je à l’adresse de ma meilleure amie, qui disparaît derrière le rideau. Je continue de regarder distraitement les présentoirs, faisant comme si j’y connaissais quelque chose, alors que j’imagine bien Maximilianna en sortir précipitamment pour me rappeler qu’on ne marie pas le bleu avec des pois, ou que les bretelles ne sont plus tendance, et bla-bla-bla. Puis, je me retourne en direction de la cabine, en proie à une idée de génie. « T’as qu’à la planter et venir avec nous, Linguini ! Allez, quoi, on va bien se marrer tous les trois. » m’adressant à la silhouette ombragée de ma meilleure amie, derrière le drapé du rideau. Sa chère amie n’aura qu’à trouver un plan de rechange, et voilà tout !

@Antonella L. Mancini

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FT. @"Kenneth D. Appleton

Parmi ses nombreux talents, Kenneth excellait dans l'art de jouer les Calimero. Ceux qui ne connaissaient par l'énergumène aurait pu lui donner le bon Dieu sans confession, juste en l'écoutant parler. C'était ridicule à souhait et, pourtant, cela réussissait à attendrir Antonella à chaque fois. Elle était toujours disposée à pardonner son meilleur ami, quand il lui faisait les yeux doux comme en cet instant. L'adolescente lui proposa quelque chose d'un peu plus attrayant qu'un sac de graines, en tapant discrètement la poche droite de son blouson. Silas lui avait refourgué un petit stimulant l'autre nuit, après leur course en fauteuil. Elle pensait que Kenneth aurait privilégié la perspective d'une bonne défonce à l'origine de la marchandise, mais sa grimace la détrompa. « Et tu es une personne très pieuse. » Ironisa la Serpentard, en croisant les bras sur sa poitrine. Elle n'avait jamais compris pourquoi August et Kenneth haïssaient à ce point le Serdaigle. De son côté, Toni l'avait toujours trouvé plutôt cool et ouvert d'esprit. Elle se sentait bien moins jugée avec lui qu'avec les deux loustics qui lui servaient de meilleurs amis. Toutefois, elle n'avait pas le recul nécessaire pour se rendre compte du problème. « Euh ... Bah ... » Elle balbutia en entendant la question du Poufsouffle. Que risquait elle si elle répondait la vérité ? Elle n'arrivait jamais à cerner totalement Kenneth. Quand Antonella pensait qu'il allait se mettre en rogne, il s'en foutait et à l'inverse, quand elle pensait qu'il s'en foutait ... Elle s'en mordait les doigts. « Je pense. On a toujours trainé un peu ensemble ... » Toni passa une main dans ses cheveux, clairement mal à l'aise. Elle ne pensait pas que le jeune homme ignorait à ce point qu'elle appréciait passer du temps avec Silas. C'était son meilleur ami, bordel ! Il aurait du s'en rendre compte depuis longtemps. « Et tu le saurais si ton attention n'était pas sans arrêt détournée par chaque cul qui passe ! » Eclata la Serpentard en captant le regard divagant de son camarade. Elle passerait donc toujours après les fessiers proéminents de ces demoiselles ?

Après que Kenneth a rendu son sourire à sa meilleure amie, les deux compères se mirent en route pour rejoindre le magasin d'habillement. Lorsqu'ils rentrèrent dans la boutique, la vendeuse les gratifia d'un regard sévère, leur faisant ainsi clairement comprendre qu'elle n'était pas ravie de leur présence. Antonella fit comme si elle n'avait pas remarqué l'attitude hostile du personnel et se dirigea vers un portant où se trouvaient plusieurs robes de soirée. Elle se saisit d'une première tenue, tout en évoquant avec le Poufsouffle la robe qu'elle portait lors de la soirée de rentrée. Toni l'avait choisi spécialement pour attirer l'attention de son meilleur ami. Néanmoins, à part s'être attirée l'œil réprobateur de sa cousine Maximilianna, elle n'avait pas gagné grand chose. Elle reposa la robe blanche qu'elle venait de trouver et s'apprêtait à poursuivre ses recherches quand la remarque de Kenneth la fit éclater de rire, attirant de fait l'attention de tout le magasin. « Haha imagine si j'avais la même paire de loche que Selma Dixen, tout le monde aurait fait une syncope ! » Selma Dixen, une Serdaigle en dernière année, était connue pour sa poitrine proéminente - un bon 100E, d'après Kenneth et August - qu'elle avait depuis la troisième année. Derrière cette remarque clairement sexiste, Toni cacha la petite satisfaction qu'elle venait de ressentir : il l'avait bien repéré, le décolleté de sa robe, finalement.

Le Poufsouffle se saisit de la robe qui avait tapé dans l'oeil de Toni et la poussa en direction des cabines, lui sommant de l'essayer. Sans se faire prier, l'Italienne entra dans une cabine. Elle referma le rideau avant que la vendeuse n'ait le temps de lui demander si elle pouvait l'aider. Hors de question que cette vieille peau donne son avis ! Antonella posa sa veste, ses chaussures et commença à défaire le bouton de son jean. De l'autre côté du rideau, Kenneth rebondissait sur la proposition de Toni, qui consistait à aller au bal avec lui tandis qu'August invitait Vesper. Non, elle n'était pas folle. Elle était certaine qu'il y avait quelque chose à creuser entre sa camarade de chambre et le Gryffondor. Il fallait juste que Kenneth et August se séparent de leurs préjugés. « Elle est pas bizarre. J'pense qu'elle crush juste sur lui. » Répliqua la jeune femme, maintenant en sous vêtements. Elle aurait vraiment été une copine en carton si elle n'avait pas mis tout en oeuvre pour enrichir la vie amoureuse de Vesper. Le Poufsouffle ne voyait pas les choses de cet œil là. Toni accueilli sa proposition, derrière le rideau, en levant les yeux au ciel. Elle était prisonnière de la friendzone, condamnée à rester la "bonne copine" et elle avait horreur de ça. A quinze ans, tout le monde allait au bal avec un cavalier ou une cavalière. Une fois la robe enfilée, Antonella tira le rideau et sortit de la cabine. Elle fit quelque pas en direction de son meilleur ami puis se retourna pour s'admirer dans le miroir, présentant son dos nu à Kenneth, espérant qu'il l'aide à remonter la fermeture. « T'en dis quoi ? Elle moule un peu, non ? » La robe blanche que Toni avait choisi était en effet très près du corps mais d'une longueur respectable, en dessous du genou, avec un léger décolleté. La Serpentard attendait l'avis de son meilleur ami pour se décider. S'il aimait, elle prenait. S'il n'aimait pas ... elle laisserait tomber.

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Session essayages

D’ordinaire, je n’aurais pas laissé passer une occasion de me laisser tenter par un pétard. Le goût de l’interdit, l’odeur cendrée de l’herbe dans les doigts… Mais quand j’apprends que ça vient de Jørgensen, je me ferme comme une huître. Lui-même m’avait fait une proposition similaire, quand nous nous étions retrouvés dans ces serres, et pour autant, je n’ai pu accepter. Je ne sais trop pour quelle raison… J’imagine que l’état de crise dans lequel je l’ai vu plonger joue beaucoup. « Et c’est pas vrai, je mate pas tous les culs non plus, c’est juste que le sien m’intéresse pas ! » fis-je remarquer en levant l’index. Je sais même pas ce qu’elle lui trouve, honnêtement : il est arrogant comme personne, ne manque jamais une occasion de déblatérer tout son savoir en classe, spécialement quand on ne le lui a pas demandé. Et qui plus est, c’est une balance ! Alors, qu’elle traîne avec lui, c’est une chose, mais je me réserve le droit de trouver qu’elle perd son temps, avec ce mec. C’est un mélange de jalousie immature et de réelles appréhensions… « Tu devrais te méfier, il est déglingué ce type. J’ai pas envie qu’il t’embarque dans ses affaires louches. » fis-je remarquer. J’ai bien conscience de ne pas être son père, mais j’ai vu ce type dans ses états les plus sombres, en proie à des démons incontrôlables… Cela a certes un peu nuancé mon avis à son sujet, mais pour autant, je n’ai pas envie de voir Toni y goûter à son tour. Mais comme je n’ai pas franchement envie de passer l’après-midi à causer de ce pauvre type, je m’introduis sans tarder dans la boutique de fringues : Gaichiffon a tant à proposer que je suis certain que Toni, notre Cendrillon nationale, trouvera sans mal chaussure à son pied. Quand bien même je me moque gentiment de sa petite poitrine, j’ai bien l’intention de mener cette mission à bien : si je me fous bien de ce bal de Noël et de toutes les obligations sociales qui vont avec, je me rends bien compte que cet événement lui tient à cœur. « À ce niveau, ils auraient même pu te servir d’airbags pour le Quidditch. » fis-je remarquer avec un léger rictus. C’est quelque chose, tout de même, les obus de Dixen. Et quelque part, je ne suis pas fâché que Toni ne possède pas les mêmes mensurations, sinon je n’arriverais pas à me concentrer sur autre chose pendant que je lui parle.

De l’autre côté de la cabine, je patiente, en attendant que mademoiselle ait revêtu ses plus beaux atours. D’un œil curieux, je cherche à observer la silhouette à peine apparente que l’on devine vaguement à travers le tissu du rideau… Au sol, dépasse le jean qu’elle vient de retirer. Les yeux rivés sur le mouvement de drapé de l’étoffe qui nous sépare, je devine qu’elle est en train de passer la robe. Bac et ongles, elle défend Vesper, sa colocataire énigmatique que mon instinct me pousse à fuir. Rien d’anormal, elles sont amies, après tout… Mais ça ne suffit pas à me motiver à donner une chance à cette fille, ne serait-ce que parce que ses intentions me paraissent floues. « Tu te mets à stalker quelqu’un quand t’as un crush sur lui, toi ? » demandé-je à l’adresse de ma meilleure amie, pour toute réponse. On ne m’ôtera pas de la tête le fait qu’elle était véritablement en train d’épier notre conversation, le jour de la rentrée… Et le ton mielleux qu’elle a quand elle s’adresse à August me hérisse le poil. Toni aura beau lui trouver des excuses et m’assurer que son comportement n’est pas si étrange, j’ai franchement du mal à y croire. Alors, qu’elle aille voir ailleurs, et de préférence bien loin de mon meilleur pote. Avec son accident et sa réintégration à Poudlard, il a déjà suffisamment de problème pour ne pas qu’elle ait à en rajouter. Mais je ne m’étends pas davantage : vient l’heure pour Toni de se dévoiler dans sa robe blanche. Je laisse échapper un sifflement d’admiration volontairement exagéré, ce qui fait toussoter la vendeuse de l’autre côté du magasin, sans doute pour nous rappeler que nous ne sommes pas seuls. Cette vieille chouette ne pourrait pas aller faire un tour dans la réserve, le temps qu’on fasse nos essayages ? Je reviens à mon amie, tout sourire : « Eeeeh, mais t’es canon en fait. J’ai failli te confondre avec quelqu’un d’autre ! ». Je n’ai pas pu résister à la tentation de lui adresser une petite pique. Je n’y connais pas grand-chose en fringues, contrairement à ma mère qui se fait un devoir d’être tirée à quatre épingles partout où elle va… Je contemple donc le tissu blanc qui flatte sa silhouette, se surélevant légèrement lorsqu’elle tourne. Effectivement, mon regard s’attarde un peu sur le bas de son dos : question d’habitude, dirons-nous. « Je plaisante, elle te va super bien, mais t’as l’air presque un peu trop sage. Tu sais ce qui te manque ? » Aussitôt, je me tourne en direction des portants, et fouille dans les cintres, à la recherche d’une pièce bien précise. Lorsque je l’ai enfin trouvée, j’enroule l’accessoire autour de mon cou, prenant un air aguicheur. « Un boa à plumes, c’est la touche finale. Par pitié, essaie-le. » lui lancé-je avec un regard plein d’envie. Notre agitation nous vaudra peut-être une avalanche de reproches de la part de la vendeuse, mais je suis persuadé que ça en vaut bien le coup.

@Antonella L. Mancini

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FT. @"Kenneth D. Appleton

Antonella se doutait qu'en abordant le sujet Jorgensen, elle n'allait pas s'attirer les faveurs de son meilleur ami. Les deux garçons se vouaient une haine aussi forte que réciproque depuis des années, bien que la Serpentard n'en comprenne pas les raisons. Si elle pouvait admettre que Kenneth et Silas appartenaient certainement à deux sphères très différentes, elle espérait encore arriver à jouer ce rôle de passerelle entre leurs deux univers. Aujourd'hui, cela semblait encore peine perdue. Après avoir ironisé sur l'intérêt que pouvait susciter - ou pas - le postérieur du Serdaigle, Kenneth mit en garde sa meilleure amie contre la supposée mauvaise influence du jeune homme. « Plus louches que les tiennes ? Pas possible. » Répliqua Toni en levant les sourcils, dubitative. C'était bien là l'hôpital qui se foutait de la charité ! August et Kenneth n'étaient jamais bien loin quand une connerie était faite dans ce château, ils étaient bien mal placés pour jouer les donneurs de leçons.

Aucun des deux adolescents ne souhaitant davantage s'aventure sur un terrain potentiellement glissant, ils entrèrent dans la boutique de prêt-à-porter pour sorciers. Tout en bavardant de choses et d'autres, Toni scrutait les portants à la recherche d'une tenue pour le bal de Noël. Parmi les tissus volantés ou à paillettes, elle repéré une robe blanche qui semblait taillée pour elle. Kenneth pouvait bien la railler sur sa petite poitrine, elle ne lui en tenait pas rigueur : s'il commentait, cela voulait bien dire qu'il avait regardé, non ? Puis tout ce qui est petit est mignon, comme dirait l'adage. Dans son adoration absolue pour le Poufsouffle, Antonella ne se rendait pas compte que ses commentaires sur son physique n'avaient pas lieu d'être. Elle ricana lorsqu'ils évoquèrent l'encombrante poitrine d'une camarade, songeant qu'elle aurait effectivement bien eu besoin de tels airbags lors de ses sélections de Quidditch.

Munie de la robe blanche et sous les encouragements de Kenneth, Toni entra dans une cabine d'essayage. La conversation dévia sur Vesper, la colocataire et amie de la Serpentard, tandis que celle ci laissait tomber son jean sur le sol. Toni entendant les arguments de son meilleur ami mais elle ne comprenait pas pourquoi il s'acharnait ainsi. Certes, Vesper n'était pas le genre de filles à se faire remarquer ou à tortiller des reins pour les beaux yeux d'un garçon, mais elle avait bien d'autres qualités. Elle s'intéressait sincèrement à August, Toni en était convaincue. Elle lui témoignait maladroitement son intérêt, sûrement, mais cela ne cachait pas de mauvaises intentions. « Je sais pas trop ... » Répondit l'Italienne lorsque Kenneth lui demanda si elle surveillait les moindres faits et gestes du garçon sur qui elle avait un crush. Comment lui dire que ce crush se trouvait à cinquante centimètres d'elle en ce moment et qu'ils n'était séparés que par le rideau de la cabine d'essayage ? « Tu stalkes Selene, toi ? » Petite pirouette savamment exécutée pour placer le Poufsouffle au centre de la question, lui permettant ainsi de souffler et de diminuer le rouge qui s'était emparé de ses joues.

La robe enfin revêtue, Antonella sortit de la cabine. En la découvrant, Kenneth émit un sifflement ravi qui fit tourner la tête à tous les clients de la boutique. Toni le gronda du regard avant de se tourner vers le miroir pour s'admirer. Elle se trouvait vraiment pas mal, dans cette robe. Certes, la Serpentard avait une petite poitrine mais elle était mise en valeur par le tissu qui épousait chaque courbe de son corps. Cette contemplation s'arrêta lorsque Kenneth, sous couvert de compliment, lui adressa une petite pique qui fit bien plus de mal qu'escompté. « Idiot ! » Grogna Antonella en adressant un coup de coude à son meilleur ami. Il ne pouvait donc pas la fermer, deux minutes ? Elle se regarda à nouveau dans le miroir, tandis que le jeune homme l'aidait à remonter la fermeture. Soudain, elle n'aimait plus du tout cette robe. Elle avait envie de hurler, de la déchirer, de la brûler pour oublier ce moment où Kenneth lui avait rappelé qu'elle ne serait jamais désirable par qui que ce soit. Même si ce dernier se rattrapa en confirmant que la robe était superbe, cela ne suffit pas à faire oublier le trait d'humour maladroit. Antonella préféré se concentrer sur son ami en train de faire le pitre, comme toujours. Il venait de mettre la main sur un boa à plumes roses et se l'était enroulé autour du cou. « J'ai toujours su que le rose était ta couleur ! Franchement garde le ! » Dit elle en esquissant un sourire timide. Qu'est-ce qu'elle pouvait le détester parfois, ce petit con. Mais il lui suffisait de l'observer en train de sourire, de faire l'andouille, pour que son coeur meurtri se réchauffe aussitôt. Qu'est-ce qu'il était con, c'est vrai, mais qu'est-ce qu'elle pouvait l'adorer malgré tout. « August ne pourra pas te résister. » Conclut Toni, en surveillant la vendeuse au regard courroucé qui se tenait prête à leur tomber dessus. Il sera irrésistible aux yeux du Gryffondor ... et aux siens aussi.

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"Eh, j’suis pas louche ! " protesté-je en m'engageant à sa suite dans la boutique, avant de me corriger : « Enfin, presque jamais. ». À en juger par l'air sévère de la vendeuse qui nous accueille, celle-ci ne semble pas apprécier notre bonne humeur... J'ai beau tenter d'abaisser ma voix, rien n'y fait : le naturel revient au galop, et au contact de Toni, je suis incapable de me contrôler plus de quelques minutes. Pendant qu'elle passe ses premières robes, je poursuis la discussion, à travers le rideau, bien peu respectueux de son intimité. Je la sens pas, cette Vesper. Elle m'inspire rien de bon, même si Toni semble persuadée qu'elle est habitée des meilleures intentions et que tout chez elle n'est qu'innocence. C'est parce que ma meilleure amie voit le meilleur chez les autres, comme chez Jørgensen, mais je ne suis pas aveugle ! Alors quand Toni me demande si je pourrais stalker Selene, je réplique aussitôt : « Quoi ? T’es ouf, en plus elle me capterait à dix mille. » C'est un canon, c'est certain, mais pas au point de mériter un tel investissement ! Il me suffit de me rappeler des nombreuses fois où j'ai lamentablement tenté d'attirer vainement son attention, lors de nos premières années à Poudlard. Et puis, pour tout avouer, je suis loin d’être un as de la discrétion ! Prendre sur moi et la boucler pour prendre quelqu'un en filature ? Non merci, même si la fille est superbe, ou que le mec est bien gaulé. J'étouffe un léger rire lorsqu'elle mentionne August, qui me fera office de cavalier lors du bal, mais qui officieusement campera sous une table avec moi pour tiser. « Tu crois que c’est le grand soir et qu’il va faire de moi un homme ? » minaudé-je en prenant une petite voix mièvre et en battant des cils. Non, rien à faire, je n’arrive pas à prendre cette histoire de bal au sérieux… Pour tout dire, mes parents sont même plus impliqués que moi dans cette affaire. La tenue qu’ils m’ont envoyée est bien trop sophistiquée, je n’ai pas envie de me pointer là-bas fringué comme un majordome ! Et le sommet de la honte, c’est quand mon père a commencé à me présenter des portraits de filles de secrétaires d’état, le plus sérieusement du monde, comme potentielles partenaires. Furieux, c’est à ce moment-là que j’ai pris la décision de clore la discussion : mes vieux me prennent vraiment pour un guignol. Toni ne connaît pas sa chance de ne pas avoir à s’embarrasser de ce genre de considérations.

Je prends conscience, en la regardant s'inspecter dans le reflet que lui renvoie le miroir, qu'on ne passe pas beaucoup de temps ensemble, ces derniers temps. Du moins, pas autant que l'année dernière... Certes, on est ensemble dans presque tous les jours et on traîne presque toujours dans les basques l'un de l'autre, mais plus vraiment tous les deux. Même si le retour d'August à Poudlard est une vraie bouffée d'oxygène pour moi, j'ai l'impression que les choses n'ont pas repris leur place habituelle pour autant... Mon quotidien change, mes relations évoluent, et cela ne me plaît pas toujours. Parfois, je voudrais posséder un retourneur de temps, et le bloquer à tout jamais, pour empêcher les jours de filer, les heures de s'écouler, les minutes de s'égrainer. J'ai envie de nous enfermer tous trois dans une bulle protectrice, à l'abri de la vie qui défile ; qu'on demeure à jamais les mêmes gamins insolents et insouciants. « De toute façon, il est assez grand pour nous deux ! » m'exclamé-je en passant le boa autour de son cou et du mien, avant de tirer la langue en direction du miroir. C'est dommage que mon téléphone ne fonctionne pas ici, on aurait pu prendre une photo mémorable... ! Même si j'ai l'impression, au vu de la moue qu'esquisse mon amie, que sa robe ne lui convient plus. Pourtant, elle est franchement jolie dedans ! « Tu fais une drôle de tête, tu l’aimes pas ? » Je n'y connais rien aux chiffons... à vrai dire, je ne pense pas franchement être le mieux placé pour la conseiller, et au vu du boucan qu'on fait, je ne me sens pas d'aller chercher la vendeuse pour obtenir ses recommandations. J'aimerais juste gommer cet air désappointé de son visage pour y coller un large sourire.

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Toni pinça doucement le bras de son meilleur ami. « T'es tout le temps louche. » Déclara-t-elle d'un ton sans appel, avant de rajouter, rieuse. « Sauf quand tu traines avec moi ! » Le sous-entendu était à peine voilé. La Serpentard vivait mal la distance qui s'était installée entre elle et Kenneth, depuis le retour d'August à Poudlard. Elle n'était pas certaine que ces deux évènements soient liés et elle ne ressentait d'ailleurs aucune rancoeur envers le Gryffondor. Toutefois, les faits étaient là : elle serait toujours une gonzesse, malgré ses efforts, et une gonzesse ne peut pas comprendre certains trucs de mecs. Par exemple, Antonella ne comprenait absolument pas ce qu'ils pouvaient trouver à Selene. Si elle possédait un physique attirant, sa personnalité lui semblait vide de tout intérêt. Un truc perceptible par la gente masculine lui échappait et elle n'était pas vraiment certaine de vouloir en connaître les détails.

Les deux adolescents rentrèrent dans la boutique sous l'oeil sévère de la vendeuse. Les étoffes dépassaient de tout côté et certains portants étaient plus vides que d'autres : Toni ne devait pas être la première à venir faire ses emplettes pour le bal de Noël. Elle jeta son dévolu sur une robe blanche et fila l'essayer tandis que sa conversation avec Kenneth se poursuivait. La Serpentard s'évertuait à vanter les qualités de Vesper, sa copine de dortoir, mais ne récoltait que des réactions hostiles. Pourtant, dans le genre lourdeur pour draguer, Appleton était rarement le dernier. Lorsqu'il affirma que Selene le capterait sans problème s'il s'amusait à la surveiller, Toni souffla d'agacement. « Tu crois ? Elle a l'air bête comme un troll pourtant. » Son regard était vide de toute réflexion, même si elle possédait de très jolis yeux bleus. Antonella était persuadée que même si Kenneth jouait au zizicoptère devant elle, elle trouverait le moyen de s'émerveiller devant sa souplesse sans comprendre l'explicite.

Après s'être battue avec la robe, l'Italienne sortit enfin de la cabine d'essayage et présenta son dos à son meilleur ami pour qu'il l'aide à remonter la fermeture éclair. Tout en se regardant dans le miroir, elle surveillait Kenneth et son boa rose d'un œil moqueur. « Pitié, épargne moi les détails dégueux ! » S'exclama l'adolescente, provoquant un raclement de gorge dédaigneux chez la tenancière des lieux. Toni était très ouverte d'esprit, à tous les niveaux. Elle se disputait d'ailleurs régulièrement avec sa grand-mère, beaucoup plus conservatrice sur le sujet. Pour autant, l'Italienne préférait éviter d'imaginer ses deux meilleurs amis en train de forniquer dans un bosquet pendant le bal de Noël. Alors que le Poufsouffle faisait l'andouille avec le boa, le regard de Toni se posa tristement sur son reflet dans le miroir. Elle se trouvait jolie, tout à l'heure, avant que Kenneth ne fasse une blague de mauvais goût sur son physique. Maintenant, dans cette robe blanche, elle ne voyait plus que la banalité de ses traits, de sa couleur de cheveux, de sa peau trop claire, de son corps qui n'était pas encore celui d'une vraie femme. Comment pourrait elle plaire à Kenneth ? Elle n'arrivait pas à la cheville de Selene.

Le boa rose vint s'enrouler sur les épaules de Toni, la rapprochant ainsi de son meilleur ami et lui arrachant un sourire. Elle forma un V avec son index et son majeur tandis que Kenneth tirait la langue au miroir devant eux. C'était comme au bon vieux temps, Antonella Mancini et Kenneth Appleton unis contre le reste du monde. Cette époque semblait si loin, parfois. Le Poufsouffle se rendit compte du trouble de sa meilleure amie et lui demanda si sa robe lui plaisait. « Si, elle est jolie. » Répondit Toni sans grande conviction. Elle ne pouvait chasser les paroles de Kenneth de sa mémoire, élimant chaque fois un peu plus la maigre confiance qu'elle avait en elle. « Au pire je la prendrai pour le bal stupide que donne la famille de Max chaque année à Noël. » Déclara finalement la Serpentard, en rentrant à nouveau dans la cabine pour remettre ses vêtements. Elle n'osait pas dire à Kenneth qu'elle n'avait subitement plus aucune envie d'aller au bal de l'école. La soirée chiante à mourir des Stein tombait à point nommé pour servir d'excuse à l'achat de cette robe.

Toni ressortit avec la robe sur le bras et sortit une petite bourse de son sac avant de l'agiter sous le nez du Poufsoufle. « Tu veux que je te prenne un truc ? Genre ce boa magnifique ? Cadeau de la maison Mancini ! » Elle avait retrouvé sa gouaille habituelle, qui cachait habilement ce qu'elle ressentait au plus profond d'elle. Puisque que Kenneth ne la verrait jamais autrement que comme la bonne copine, autant s'évertuer à remplir ce rôle le mieux possible.

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On doit faire un boucan d'enfer dans cette boutique pour mériter autant de regards sévères de la part de la vendeuse. Loin de m'en formaliser, je m'amuse comme un enfant... Incapable de considérer que la quête vestimentaire de ma meilleure amie soit une affaire sérieuse, tout est prétexte à la taquiner. Après tout, ma Serpentard préférée est bon délire, elle rit d'un rien et apprécie tout et tout le monde ! Enfin, c'est ce que je croyais, avant qu'elle ne commence à tailler Selene. « Roooh, arrête, elle est un peu dans la lune mais elle est pas idiote non plus ! » protesté-je à l’adresse de ma meilleure amie, pour défendre la Serdaigle. Enfin, à vrai dire… je ne la connais pas tant que ça ; quand bien même ça fait depuis le début de ma scolarité que j’ai des vues sur elle je n’ai jamais cherché à nouer le moindre contact, si ce n’est pour la draguer éhontément. Bien sûr, avec sa perte de mémoire, elle semble plus facile d’accès que lorsqu’elle se fermait comme une huître face à mes appels, mais je ne sais toujours pratiquement rien d’elle. Enfin... ça ne fait pas grand chose. À vrai dire, je m'accroche à elle un peu par habitude, et aussi parce qu'elle est mignonne et bien fichue. En revenant à ma meilleure amie qui se détaille avec sévérité dans le reflet que lui renvoie le miroir, je reste muet... Ne bénéficiant pas d'une grande expertise sur le sujet, je me garde bien de lui part de mes commentaires peu pertinents, même si je suis tenté de la faire sourire avec quelques jeux de mots bien trouvés. Elle semble renoncer à cette tenue pour le bal de Noël, suggérant de plutôt la porter au bal des Stein, ce qui provoque un lever d'yeux au ciel chez moi. « Ah oui, c’est vrai que vous les bourges vous avez un deuxième calendrier spécialement réservé aux mondanités. » Il est plutôt ironique de m'exclure de cette caste, alors que pourtant cela fait deux ans que je nage en plein dedans... mon père et ma mère sont friands de ce type d'événements et j'ai passé l'été à serrer des mains à des types en costumes dans des jardins anglais, alors il faut bien reconnaître, malgré moi, que j'appartiens à ce monde-là, maintenant. Heureusement que je peux compter sur August et Toni, dans cet océan rempli de requins...

Maintenant qu'elle semble s'être décidée, je ne vois plus vraiment de raison de nous attarder. Bien évidemment, si ça ne tenait qu'à moi, je lui proposerais de nous emparer de tous les accessoires contenus dans la vitrine pour les empiler sur nous et ainsi parader au milieu du magasin en jouant les faux mannequins, mais on risque bel et bien de se faire chasse par la tenancière. Et puis, il y a du monde qui a commencé à prendre d'assaut la boutique, les bras chargés de paquets étincelants. Nous nous décidons donc à nous diriger vers le comptoir pour faire emballer nos achats... « Oh si, tu ferais un homme heureux ! » m'exclamé-je en ôtant mon exubérant boa plumeux. « Promis, j'en prendrais soin, je le porterais même à mon mariage. » ajouté-je avant de manquer de me prendre les pieds dans un mètre ruban qui lévitait entre les portants. J'imagine déjà la mine désappointée de ma mère, en constatant que je ne prends toujours pas les festivités au sérieux... Antonella paie la vendeuse qui nous salue poliment, malgré son antipathie manifeste à notre encontre, et nous gagnons la sortie ensemble. J'enroule mon bras autour de ses épaules, conquérants, prêt à prendre d'assaut le village ; après tout, j'ai tout un stock négocié avec la vieille Beckinsale qui n'attend que d'être mis à sac. « Allez, on va bouffer des sucreries maintenant ! On pourra peut-être même faire du patin si l’étang est gelé. » suggéré-je, l'air réjoui, avant de lui tirer la porte en l'accompagnant d'une révérence bien exécutée. Dehors, l'hiver vient se rappeler à nous avec un brise fraîche... Quelques flocons se déposent déjà sur nos mains gantées, et je tire la langue comme un enfant pour en avaler.

@Antonella L. Mancini

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