Myrthilde s’ennuyait ferme cet été. Cela ne lui était que très rarement arrivé, transplanant entre Cambridge et la réserve des runaspoor, entre sa famille et ses amis… Mais cette année, les choses étaient différentes. Son père c’était malencontreusement cassé la jambe au début de l’été, ce qui l’avait poussé à rester un peu plus longtemps au bercail, et sa mère en avait profité pour mettre le grappin sur son aventurier de mari et l’embarquer dans un voyage en pirogue. Nihahsah avait bien trouvé à l’occuper sur la réserve, mais comme toutes les tantes du monde, elle avait passé un temps certains à lui présenter tous les mâles fringants du périmètre espérant que le charme opère.  La jeune femme avait peut être pris quelques adresses, mais c’était surtout éloignée du piège se tendant devant elle.

La plupart de ses amis travaillaient pendant les vacances ou étaient indisponibles. Aussi avait-elle fait ce que toute professeur d’histoire de la magie aurait fait dans ces circonstances : elle avait ouvert toutes les revues d’histoire et d’archéologie qui lui tombait sous la main. Y compris les moldues. Tous les termes technologiques et scientifiques qui emmaillaient les pages comme autant de certitudes dispensant d’esprit critique lui criait « bullshitbullshitbullshit » aux oreilles. Mais l’exposition prochaine d’un tableau d’un artiste romantique allemand éveilla son intérêt. Il était soupçonné d’être un sorcier et d’avoir maquillé ses œuvres pour que seuls les yeux avertis ne puissent le deviner. L’article moldu parlait de plusieurs couches de peinture et de scanner…Et comptait plutôt sur sa propre expérience.
L’exposition sur le romantisme se trouvait à Londres, elle pourrait transplaner sans mal sur le chemin de traverse. Le magicobus pourrait sûrement la déposer discrètement à proximité de la galerie. Sinon elle demanderait un taxi. L’idée de s’engouffrer dans le métro en compagnie d’une foule de moldus mal dégrossis lui coupait toute envie de sortir de chez elle. Elle enfila sa tenue d’infiltration : un chemisier ample rentrer dans un pantalon taille haute tout ce qu’il y a de plus classique, et un gros foulard aux couleurs de serpentard pour attacher ses cheveux qu’elle portait non tressés pour une fois. Une besace avec sa baguette, un carne et un crayon de papier pour prendre des notes… Quelques gouttes d’elixir triple vues et elle était fin prête.
La potion commença à faire effet alors qu’elle sortait du magicobus. Elle frissonna. La rue était si bruyante, les voitures, les téléphones, les écrans. Sa pupille dilatée absorbait bien trop de lumière à son goût. Elle se dépêcha d’entrer dans la galerie, et se détendit enfin une fois qu’elle commença à déambuler dans les allées. A mesure qu’elle avançait, une certaine mélancolie finit par l’habiter… La muséographie était très belle, elle avait navigué de paysage enchanté en amours naissantes, de passion consommée en mouvement sensuels, avant d’entrer dans une aile plus sombre, faites de déchirements, d’adieux, de pleurs…La mort d’Atala, celle d’Ophelia, d’Elaine, d’un enfant, d’une mère, d’un vieillard…  Le tableau qu’elle cherchait était parmi ceux-ci. Alors que son regard perçant poussé par la potion l’examinait, elle ne put s’empêcher d’être déçue. Effectivement, on pouvait voir une légère ombre autour de l’un des personnages, un ange au visage féminin qui s’apprêtait à enlever, personnification de la mort, une jeune vierge. D’après elle, le peintre avait transformé la chevelure noire en un voile. Le détail qu’il fallait chercher était ailleurs, dans le miroir où se reflétait le visage de la mort, dans le reflet de sa pupille : c’était un sombral qui enlevait la jeune femme. Animal psychopompe par excellence.

Myrthilde se laissa tomber nonchalamment sur une chaise. Si les salles précédentes avaient éveillé une envie de beauté et de proximité chez la jeune femme, celle-ci lui plombait le moral. Elle en rejetait la faute sur l’elixir, sa propre solitude du moment ne pouvait expliquer cet état à elle seule.  Elle percevait les changements d’humeurs, la lourdeur qui s’abattait sur les autres également. Elle remballa son carnet de notes : elle était venue ici pour se changer les idées pas pour s’enliser. Mais alors qu’elle se levait, elle aperçut une silhouette qu’elle reconnut aussi tôt comme celle de l’un de ses collègues.
Le psychologue de l’école. Elle ne le connaissait pas au-delà de ce qu’ils avaient échangé lors des repas quotidien au château, mais il lui paraissait plutôt sympathique. Elle se dirigea vers lui et le salua.  « Bonjour Ezekiel » Son visage d’ordinaire affable semblait traversé par une certaine gravité. « La mise en scène est réussie mais un peu…lourde. » dit-elle avec un sourire timide. « Tu t’intéresses à ce mouvement en particulier ?» demanda-t-elle avec curiosité. Après tout, peut être était il un amateur de peinture romantique, ou un simple promeneur avide de distraction. « Je crois qu eje vais me mettre en quête d'un endroit plus...accueillant» songea-t-elle à haute voix.


@Ezekiel S. Raywood

Visiter cette exposition semblait être une bonne idée pour lutter contre l'ennui des vacances. Sur le papier, rien ne s'opposait à ce que cette sortie soit divertissante. Malheureusement, une fois sur place, la jeune femme avait ressenti un malaise grandissant. D'abord, parce qu'elle était aussi à l'aise chez les moldus qu'un poisson sur le sable, et qu'elle avait l'impression que tout était un danger. Elle n'appartenait pas à ce monde, n'avait aucune envie d'en faire partie d'ailleurs, et s'y sentait particulièrement vulnérable, comme si tout son être pouvait la désigner comme différente. Une sorcière noire, pensez-vous... Elle tâta machinalement son amulette dans sa poche alors qu'elle défilait dans les salles. Personne ne souhaitait visiblement sa mort dans l'immédiat.

En revanche, on ne pouvait pas en dire autant des tableaux. Celui qu'elle était venu voir était plutôt décevant, et les autres particulièrement déprimants tissaient une toile d'anxiété autour de son coeur, l'enserrant tant et si bien qu'elle n'eut plus qu'une envie, sortir et retourner ailleurs, n'importe où. Alors qu'elle observait la porte qui menait vers le Saint Graal extérieur, elle croisa le regard d'un de ses collègues. Ezékiel. Le psychologue de l'école avait souvent, si ce n'est toujours l'air grave. Ce n'était clairement pas un bout en train. Mais lui aussi semblait affligé du mal de l'exposition : le bourdon. Elle décida d’aller le saluer et de lui proposer de s’en aller de ce maudit endroit au plus vite. Il acquiesça quant à son analyse de la mise en scène. Il ne manquait plus qu’une distribution de poison létal à la sortie et ce serait parfait. « Eh bien, je ne suis pas psy, mais je crois que la majorité des artistes présents ici n’étaient pas au top de leur forme et auraient eu besoin d’une petite séance ou à défaut d’un charme d’allégresse. » Elle se mordit la lèvre, espérant que cette phrase n’était pas trop bizarre dans ce contexte. Après tout, les moldus utilisaient aussi ce genre de blagues parfois non ?

Elle acquiesça, et entraîna dans son sillage le psychologue vers la sortie. Se rendant compte que maintenant qu’elle était dehors… Eh bien Myrthilde n’allait plus être d’aucune aide. « Euh. Par contre pour ce qui est de me suivre »dit-elle nerveusement… « Je suis venue en…avec notre bus » celui des sorciers, le magique. Pas une de ces pouilleuses lignes londoniennes. « Et je ne connais pas vraiment cette partie de Londres. Mais j’imagine qu’on doit bien pouvoir trouver un bar. Si tu passes devant. » Si ça ne tenait qu’à elle, elle se planquerait bien gentiment entre deux poubelles dans une zone sans logo vidéo surveillance et elle irait se poser sur le chemin de traverse. Mais elle doutait que présenter les choses de cette manière ne fasse très bonne impression.

@Ezekiel S. Raywood

La professeur d’histoire de la magie laissa échapper un petit rire. « Peut-être que si tu veux faire un complément de revenus, il faut que tu traînes un peu aux alentours des galeries d’art pendant l’été alors, des clients à long terme en perspective. » Bien entendu, il s’agissait de patient…Mais dans ce cas précis, on ne parlait pas vraiment de la beauté du geste.
Myrthilde se laisse guider avec reconnaissance dans les rues, qu’elle essaie de mémoriser tout en ayant l’air le plus…normal possible ? Elle était une sorcière tout à fait classique. Mais elle n’était pas – merlin soit remercié – une moldue, aussi n’était-elle pas vraiment à l’aise dans l’exercice.
Ezekiel choisit un bar déserté, à la terrasse néanmoins accueillante. Il était peut-être un peu tôt pour attaquer avec les cocktails. « Je crois que je devrais pouvoir m’adapter pour ce genre de choses. » dit-elle amusée. Après tout, elle n’avait pas prévu de demander du Sang de Dragon au serveur. Elle s’installa sur sa chaise, et commanda une guiness, simple et efficace.

La remarque de son collègue lui tira un sourire : « C’est effectivement assez rare que je reste dans les parages en été. Mais figure-toi que j’étais à la recherche d’un élément pouvant confirmer ou non qu’un des peintres de l’exposition avaient quelques prédispositions. » Même si personne ne semblait les écouter, elle ne se serait pas risquer à dire sorcier. « Il y a bien un sombral caché dans la peinture mais pas de quoi s’infliger une sortie aussi désespérante. » dit-elle un peu blasée. « Je profite généralement de l’été pour rejoindre mon père et mon grand-oncle, le premier est gemmologue, le deuxième archéomage autant dire que j’ai vu mon lot de reliques et de temples mystérieux. » Et elle ne s’en lassait pas.

« Mais mon père s’est cassé le pied et doit rester un peut tranquille, alors… Je n’ai pris que quelques vacances en famille. Au Burkina Faso, dans la réserve des Runespoor. » Ce n’était un secret pour personne qu’elle était passionnée par son serpent, cela éclairerait peut être un peu cette manie de le trimballer partout avec elle…lorsque c’était possible, soit malheureusement pas aujourd’hui.
« Et toi, comment occupes-tu ces vacances ? » Elle ne connaissait pas bien le psychologue, il n’avait jamais mentionné avoir une famille ou ses amis en dehors de Poudlard, aussi, était-elle d’autant plus curieuse.