Portrait de famille

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La veille, Alexander avait amené Dmitri à Pré-au-Lard en transplanant : le dernier-né de la famille van Aken partait pour Durmstrang pour un mois entier, une expérience qui serait à coup sûr formatrice dans son éducation et le professeur se réjouissait de ce voyage. En revenant au Manoir, néanmoins, celui-ci lui avait paru étonnement vide malgré les centaines de tableaux qui vaquaient à leurs occupations en provoquant en permanence une espèce de brouhaha de fond. Van Aken n’était pas fâché d’avoir un peu de paix, bien entendu, et il profita avec un plaisir certain d'un dîner en solitaire sans avoir besoin de surveiller que son petit-neveu n’était pas en train de mettre le feu à quelque chose.

Le lendemain toutefois, il s’ennuyait et décocha le cachet de son courrier avec l’espoir inavoué d’y trouver des nouvelles intéressantes. Plusieurs invitations à des colloques ou des galas, van Aken était toujours partie intégrante du mondain, ainsi qu’une lettre de son cousin Carl Avery. Il avait suivit la scolarité de son fils, Caleb Avery, avec une attention toute particulière du fait de leurs liens de parenté, mais également des mésaventures du jeune homme qui avaient plus d’une fois posé problème à son illustre famille. L’adolescent était difficile, pas méchant pour deux sous mais extrêmement dissipé et être nommé préfet de Serpentard n’avait manifestement pas suffit à lui mettre du plomb dans la cervelle. Conclusion logique de son attitude, il redoublait sa septième année. Carl devait être dans un état d’alarme assez prononcé.

De fait, la lettre était assez claire. Caleb avait encore un an pour se prendre en main, c’était donc l’année de la dernière chance et son père comptait sur le professeur de potion pour y veiller. Alexander soupira. Il avait déjà eu de nombreuses conversations avec le jeune Avery, mais aucune n’était visiblement parvenue à ses objectifs. Pour un peu, la situation aurait eu quelque chose de lassant, mais ayant un sens assez aigu de la famille, van Aken fit demander du parchemin et de l’encre à son elfe et se mit à rédiger une réponse.

En début d’après-midi, Caleb Avery se trouvait devant la porte d’entrée du Manoir, ramené sur autorisation de son père par Frimord l’elfe de maison.

- « Après vous jeune homme. » l’invita à entrer van Aken.

Quand l’adolescent eut pénétré dans le grand hall peuplé de ses centaines de tableaux qui faisaient autant de fenêtres sur des paysages anciens et des demeures inconnue, le maître des potions lui repassa devant pour se diriger de son pas lent vers l’aile est de la bâtisse. C’était un long corridor verré qui offrait une vue dégagée sur la mer par le mur gauche et une série de portraits aux formats standardisés sur le droit. La plupart de leurs occupants semblaient occupés à des tâches ennuyeuses, qui fumait qui tricotait qui peignait une toile qu’on ne pouvait pas voir. La plupart ne semblaient même pas remarquer leur présence même si certains levaient leurs chapeaux au passage des deux sorciers.

- « Je ne vous propose pas à boire pour le moment, Mr. Avery, j’aimerai d’abord vous montrer quelque chose. »

Il continuait d’avancer dans le long couloir jusqu’à finalement s’arrêter devant une peinture où une femme vêtue d’une élégante robe de sorcière semblait prise dans la lecture d’un livre passionnant. Le professeur porta la main à sa bouche et s’autorisa un léger toussotement pour signaler sa présence.

- « Mère ? »

Le portrait qui ne donnait pas l’impression d’avoir plus de soixante ans et de fait était de quinze ans plus jeune que le professeur, releva le nez de son ouvrage pour se fendre d’un éclatant sourire.

- « Alexander ? Qui est ton jeune ami ? »

- « Caleb Avery, votre petit-petit-neveu. C’est le fils de Carl, vous vous souvenez ? »

- « Oh Carl ! Mais ce n’était qu’un nourrisson quand… » Son visage se voilà un instant. « … enfin peu importe, bonjour monsieur Avery, je suis très heureuse de vous rencontrer. Ludmilla Avery-van Aken, j’étais la sœur de votre arrière-grand-mère si je ne me trompe pas ? »

Elle chercha le regard du professeur qui confirma d’un hochement de tête.

- « Vous êtes un très beau jeune homme monsieur Avery, je suis heureuse de voir que notre lignée est toujours si flamboyante mais… que me vaut votre visite, qui m’enchante au demeurant ? »

A cette question, van Aken resta silencieux, signifiant au garçon que c’était à lui de prendre la parole.

@Caleb P. Avery

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Feat @Professeur A. Van Aken

Les vacances étaient déjà entamées de deux semaines et une partie des étudiants de Poudlard venaient de partir la veille pour le voyage scolaire. Mon meilleur ami fait partie de ces derniers et pour une fois ce n’est pas mon cas, mes choix s’étant portés vers un tout autre type de vacances et avec une tout autre personne également. L’idée était soudaine mais je n’avais pas hésité à contacter Casey pour lui proposer un voyage imprévu : la Thaïlande. Je lui avais promis de la faire voyager avant même que nous franchissons un stade supplémentaire à notre relation et c’était le moment ou jamais de tenir ma promesse tout en profitant de ces moments à deux qui n’appartiendraient qu’à nous. Des moments qui depuis cette conversation seront tout autre que ceux vécus jusqu’à présent. L’amour rend aveugle paraît-il. C’est sûrement le cas pour moi. Après les révélations de Casey, une tout autre personne n’aurait-elle pas tout simplement laissé tomber ? Comprenant que cette relation serait sûrement vouée à l’échec avec cette magie noire qui grapille, de jour en jour, le cœur de la Serdaigle. Je ne suis pas dupe, encore moins stupide. Je suis conscient de ce que cela implique. Pourtant… Je n’ai pas su faire marche arrière. Non, je n’ai pas voulu, plutôt. Bien trop accroché à cet espoir que peut-être, ce que je représente pour elle, soit plus fort que cette branche ancienne de la magie. J’ai voulu croire aux paroles de Jane et sur ce que ce sentiment pouvait m’apporter.

C’est lors du déjeuner que j’apprends de la bouche de mon père que je suis invité à me rendre chez un membre éloigné de la famille : Alexander Van-Aken. Surpris, je ne peux m’empêcher de demander pourquoi cette soudaine invitation mais je dois me contenter comme réponse d’un simple regard de ce dernier. Frustré, je me tourne vers ma mère mais celle-ci reste tout aussi silencieuse. Je connais assez mes parents pour savoir que cette invitation n’est pas sans but et aux vues des dernières conversations que j’ai eu avec mon lointain arrière cousin, je sens qu’il est encore question de bonnes conduites. Mon estomac se noue à cette conclusion et ma main retombe mollement contre la table, relâchant la fourchette qui y était prisonnière, un regard las sur le plat à moitié entamé face à moi. Je n’ai plus faim et je meurs d’envie que les quelques jours qui me séparent de mon départ en Thaïlande passe à grande vitesse. Tout comme je meurs également d’envie d’arracher ce sourire en coin de la bouche de mon frère qui me fait face.

Accompagné par son elfe de maison, je me retrouve devant la porte du Manoir en début d’après-midi face au maître des lieux qui m’invite à entrer.

Bonjour professeur. Je le salue d’un ton poli. Même si nous avons un lien de parenté, je ne me vois pas l’appeler autrement que par son titre.

Le grand hall du manoir est immense et recouvert d’un nombre incalculable de tableaux différents. Je ne peux m’empêcher de faire le tour de ces derniers du regard, admirant les divers paysages et demeures qui y sont peints. Je ne suis pas un grand amateur d’art mais je ne peux ignorer le travail qu'il y a derrière chaque tableau qui semble peupler toutes les pièces du Manoir. Même dans le corridor que le maître des potions nous fait traverser. A bien regarder les divers occupants des tableaux, aucun d’eux ne semblent nous prêter attention et encore moins à la vue dégagée sur la mer qui leur fait face. Mon attention se repose sur le dos de Van Aken lorsqu’il m’informe vouloir me montrer quelque chose. Sceptique et à la fois curieux, je continue à la suivre en silence, laissant mon regard parcourir les murs du manoir. Mon hôte finit par se stopper devant une peinture représentant une élégante femme en plein lecture. Un peu en retrait, je l'observe l’interpeller et prononcer un mot qui intérieurement me surprend sans que cela ne transparaisse sur mon visage. Je ne m’attendais pas à ce que le maître des potions me présente sa mère. Discret, je suis leur conversation, prenant note du lien de parenté qui me lie à la femme qui me fait face. Son nom ne m’est pas inconnu. Je me souviens de l'avoir lu dans les registres de la famille et sur l’arbre généalogique accroché à l’un des murs du bureau de mon père. Le noir de mes yeux se posent dans ceux peints de la peinture et je sens un fin sourire se dessiner sur mon visage alors que je m’avance pour me présenter à elle.

Enchanté Madame. C'est un plaisir de vous rencontrer.

Je ne partage peut-être pas les idées de mes parents mais la famille reste une chose importante à mes yeux et rencontrer un membre de cette dernière me rappelle à quelle point son histoire remonte à bien longtemps. Un second sourire se peint sur mon visage tandis que je penche légèrement en avant pour la remercier de ses dires. Tout d’abord silencieux, je jette un discret coup d'œil au professeur à mes côtés. Je m’attendais à ce que ce dernier prenne la parole et explique ma venue ici, ne sachant pas moi-même la véritable raison. Mais ce dernier reste silencieux et m’indique ainsi que c’est à moi de répondre. Evidemment.

Le Professeur Van Aken m'a invité à prendre un verre afin que nous puissions partager un moment ensemble en dehors des murs de Poudlard. Répondis-je en reportant mon attention sur l’occupante du tableau dans un premier temps avant de me tourner vers mon hôte, une lueur d’interrogation au fond des yeux, afin qu’il me confirme ou non la raison de ma venue. Bien entendu, je me doute bien que nous n’allons pas simplement nous asseoir, boire le thé et parler de la pluie et du beau temps.

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Alexander van Aken et Carl Avery avaient ces deux dernières années entretenu une conversation épistolaire assez soutenue, portant principalement sur le fils de ce-dernier : Caleb, mais aussi plus généralement sur des questions d’éducation et de pédagogie propre à Poudlard et particulièrement depuis qu’Appleton était à la direction de l’établissement.

Outre les notes du jeune homme qui n’étaient pas très satisfaisantes, loin de là, ce qui inquiétait le patriarche Avery c’était les inclinaisons de son fils pour les nés-moldus et autres sorciers au sang vicié. A Poudlard bien entendu il était difficile de préserver une totale homogénéité dans ses relations et on ne pouvait attendre des sang-purs qu’ils fassent systématiquement bande à part, surtout qu’avec ses responsabilités de préfet de Serpentard, Caleb avait pour tâche de prendre en charge indistinctement tous les élèves quelle que soit leur généalogie.

Mais les inclinaisons de l’adolescent allaient apparemment plus loin qu’une simple tolérance. Petites insubordinations, négligence de ses devoirs, amitiés douteuses, autant de signes qui ne lassaient guère de doute sur le mauvais coton que filait le dernier-né des Avery. Une fois encore, c’était à van Aken qu’on demandait de ramasser les pots cassés. Soit, de toute façon cela faisait partie de son travail de professeur, après tout.

L’hypothèse du maître des potions était que, comme beaucoup de jeunes gens, Caleb Avery manquait d’un certain recul historique sur les choses. D’une perspective de long terme sur la société sorcière et des enjeux parfois flous ou lointains qui la traversaient. C’était la raison qui l’avait poussé à présenter Caleb Avery à sa grande tante, Ludmilla Avery de son nom de jeune fille. Une femme qui pour douce et aimable qu’elle ait pu être avait toujours gardé un profond sens de la famille et du devoir ancré en elle.

Il les laissa échanger quelques politesses, se mettant en retrait, avant de finalement reprendre la parole à la question muette que semblait formuler le jeune homme. Pourquoi était-il ici ? N’en avait-il vraiment aucune idée ?

- « Et c’était l’occasion pour le jeune Avery de rencontrer certains de ses ancêtres, je crois que cela ne fait jamais de mal de mettre quelques visages sur des noms. » répondit-il à l’adresse du tableau, puis il se tourna vers le jeune homme. « Dites-moi, à votre avis, pourquoi prenons nous tant de soin à conserver une image vivante des membres de nos familles ? Pourquoi cette pratique est-elle si répandue dans le monde sorcier ? »

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Feat @Professeur A. Van Aken

Je n’ai pas de réel doute sur la raison de cette invitation chez Alexander Van-Aken. Depuis quelque temps, nous entretenons des conversations qui ne trouvent surement pas grâce aux yeux du Maître des Potions. Je suis certes à l’écoute de ce qu’il me dit sans pour autant y prendre part, du moins au début. J’avoue que certains points me font réfléchir, d’autant plus lors de la prise de fonction de l’ancienne Directrice. Alors qu’au départ je n’étais pas contre sa pédagogie, il s’est avéré que seule la déception était au rendez-vous. Les extrêmes ne me conviennent pas. Et Mme Appleton avait fini par m’apparaître comme une pro-moldu aussi terrifiante que certains pro-Sang-Pur.

Je suis peu motivé par cette invitation, d’autant plus que je suis certain que mes parents y sont à l’initiative. Mes derniers jours de vacances me fatiguent et j’ai hâte de reprendre la route vers Poudlard, bien conscient qu’il s’agit cette fois-ci de ma dernière année. Je ne pourrai pas faire le même choix deux fois. Le sourire en coin de mon frère me donne envie de lui arracher le visage mais je me contente d’un regard noir dans sa direction avant de quitter la table pour me préparer pour cette visite de courtoisie.

L’elfe de maison m’attend devant la porte et c’est silencieux que je le laisse m’attraper la main pour me faire transplaner devant la porte du Manoir Van-Aken. Je suis stressé. Me retrouver devant mon lointain arrière cousin me donne la sensation d’être encore un gosse à qui on va faire la morale. Je salue poliment le maître des lieux et je le suis silencieusement le long des couloirs. L’un me fait tourner la tête avec la vue sur la mer. Je semble être le seul à admirer la vue. Ni Van Aken, ni les tableaux qui jonchent l’autre côté du mur ne s’y intéressent. Je me reconcentre sur mon professeur lorsqu’il m’indique vouloir me montrer quelque chose et c’est à la fois curieux et inquiet que j’acquiesce d’un geste de la tête. Le quelque chose ne tarde pas à faire son apparition sous les yeux. Devant moi, un grand tableau me fait face. Une élégante femme y est assise entrain de lire un livre. Le vieux Van Aken la salue poliment. La surprise doit se lire au fond de mes prunelles. Je ne m’attendais pas à rencontrer la mère de ce dernier. ce qui m’étonne encore plus c’est leur conversation et je comprend par là que cette personne ne m’est pas une étrangère. Du moins, de nom. J’ai déjà lu ce nom ou même entendu.

A mon tour, je salue Mme Avery Van Aken d’un ton poli et répond à sa question de la même manière. Je ne suis pas totalement honnête, me doutant bien qu’il ne s’agit pas là d’un simple moment autour d’une tasse de thé. La preuve en est avec la présentation avec sa mère et les dires qu’il tient par la suite. Sa question me déroute légèrement mais je m’atteint tout de même le regard me laissant quelques instants pour répondre.

Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas certain de connaître la réponse mais j'imagine qu'il s'agit d'un moyen de pouvoir transmettre l'histoire du monde magique aux générations suivantes et les souvenirs de ceux qui nous ont quitté physiquement ? Un moyen de garder en mémoire l’histoire de nos ancêtres ?

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Les mains jointes dans le dos, Alexander van Aken menait la conversation comme il donnait cours, quoique son ton était, en présence de celle qui avait été sa mère, sensiblement moins froid que dans les cachots de Poudlard.

- « Vous entretenez vous régulièrement avec des tableaux monsieur Avery ? Qu’avez-vous appris d’eux qu’un livre d’histoire ne vous aurait pas enseigné tout aussi efficacement ? »

Il eut un regard pour la peinture qui le lui rendit avant de sourire doucement au garçon.

- « L’histoire ce n’est pas que des mots sur du papier, Caleb, puis-je vous appeler Caleb ? »

Comme pour joindre le geste à la parole, la peinture déposa son livre sur une table près de son fauteuil et se redressa, comme pour venir à la rencontre des deux hommes. Peinte à taille humaine, on aurait presque pu la croire vivante, simplement bloquée de l’autre côté d’une paroi de verre où elle serait venue poser la main.

- « L’histoire est en vous, en nous tous. Nous ne sommes qu’elle, le fruit d’un long travail étendu sur des générations et des générations, un maillon de plus… »

- « Si la place des peintures vivantes est si importante dans notre société, c’est qu’elle incarne l’histoire vivante. Le monde sorcier a été bâti dans l’adversité, par une multitude de briques que sont chacun de nos ancêtres, les uns après les autres. Depuis leurs cadres, ils sont témoins de leur héritage et nous rappellent à chaque instant que cette société n’est que provisoirement entre nos mains. »

La peinture eut un sourire tendre.

- « Un jour Alexander me rejoindra. Et vous aussi Caleb, je n’en ai aucun doute, vous aurez votre portrait. Et depuis la toile, vous observerez vos enfants et vos petits enfants jouir du monde que vous leur aurez laissé, comme je le fais aujourd’hui avec vous… »

Van Aken hocha sobrement la tête.

- « Voila pourquoi nous nous peignons depuis si longtemps. Pour nous rappeler que ce monde qui nous a été donné ne nous appartient pas. Il appartient aux morts et à ceux à naitre et notre mission n’est que de le léguer encore, et toujours le renforcer. Souhaitez-vous un thé ? »

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Feat @Professeur A. Van Aken

Transmettre l’histoire du monde aux générations suivantes, c’était un peu l’idée que je me faisais de l’utilité des tableaux sans vraiment connaître la réponse à la question posée. Le maître des lieux m’interroge à nouveau comme s’il donnait un cours à un élève et j’eu presque la sensation de me retrouver dans les cachots de Poudlard pour suivre le cours de Potions. Le dos droit, je pose mon regard sur mon aîné et lui répond avec franchise.

Pas vraiment.

Il y a bien quelques tableaux de mes ancêtres au sein du manoir, mais bien souvent, je me contente de simples salutations et d’une conversation des plus banales avant de retourner aux tâches qui sont les miennes. Il est vrai que je n’ai jamais réellement pris le temps d’écouter toutes les histoires de mes ancêtres en dehors de celles où l’un d’eux se “joignait” à nous durant un repas et nous raconte quelques souvenirs de son époque. Je me souviens, plus jeune, avoir fait un insomnie après l’une d’elle.

Bien sûr Madame. J'accepte poliment lorsque la mère du professeur me demande si elle peut m’appeler par mon prénom avant de venir à notre rencontre comme si elle était encore vivante. J’ai l’impression de parler avec une véritable personne qui est simplement bloquée par un mur invisible.

Attentif, j’écoute ce que le tableau et le professeur de Potions m’expliquent concernant les peintures vivantes et leur importance. L’histoire, le lègue et nous rappelle quelle est notre place dans ce monde. Un monde qui appartient aux morts à aux futurs. Un monde qui se construit au fur et à mesure et les peintures vivantes sont là pour voir ce que ce monde devient et nous rappeler ce qu’ils ont fait, que nos choix sont importants. Je reste silencieux lorsque Mme Avery Van Aken m’assure qu’un jour j’aurai mon portrait. Je n’en suis pas si sûr de mon côté, tout dépendra de mes choix de vie, de ceux que je vais devoir prendre dans un an. Je reste même silencieux jusqu’à la fin, écoutant l’un après les autres mes aînés jusqu’à ce que le professeur Van Aken ne me propose un thé.

Volontier, merci. j’accepte avec un sourire poli avant de finalement me tourner complètement vers la peinture vivante qui me fait face, la douceur de ses traits m’accueillant avec bienveillance.

Et que pensez-vous de ce monde que vous avez laissé ? Je demande par curiosité. Qu’avait-elle laissé à ce monde et qu’aurait-elle voulu voir de ce dernier aujourd’hui ?

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Un cours magistral, voila ce à quoi se résumait bien souvent les relations qu’entretenait Alexander avec ses protégés. Mais après tout, ils étaient là pour apprendre et lui, avec ses décennies d’expérience bien tassées, était pourvoyeur d’un savoir incommensurablement plus légitime et plus affiné que toutes les idées idiotes que ces adolescents pouvaient bien formuler. Voila pourquoi il leur fallait se taire et l’écouter et voila pourquoi il dispensait aujourd’hui ses leçons d’un ton professoral au jeune Avery. Éduquer, discipliner, comme le tuteur d’une plante qu’on doit pousser droit. Tout le reste était littérature.

Un craquement étouffé suit les dernières paroles de Caleb. L’elfe de maison, dissimulé derrière un rideau tout ce temps, revient apporter deux tasses de thé fumant aux maîtres de la maison.

Dans son tableau, Ludmilla Avery-van Aken soupire. Tous ses gestes, de son regard à sa posture semblent exprimer une profonde mélancolie. Quand à savoir si c’est sa propre mort ou son caractère de vivant qui l’a rendu ainsi, difficile à dire.

- « De ce qu’Alexander m’en raconte, les choses semblent se déliter doucement. Je crains pour l’avenir Caleb, je ne vous le cacherai pas. Les structures intimes qui tissaient le cœur de notre communauté partent en s’effilochant, qui sait ce que l’avenir nous réserve quand les nouvelles générations ne sauront plus sur quoi s’appuyer. »

Elle soupira de nouveau. En arrière-plan du tableau, un majordome lui apporte également une tasse de peinture pour accompagner les deux vivants.

- « Le sang du monde sorcier est son secret. C’est cela qui irrigue chaque partie de notre société, la discrétion, la sécurité. Avec leur désir de se rapprocher des moldus, les nouvelles générations oublient que notre situation est précaire, un jour un évènement irréparable risque de briser cet équilibre qui nous maintenait en vie, comme le Seigneur des Ténèbres a manqué de le faire des décennies plus tôt. Les extrêmes se rejoignent, Caleb, pro et anti-moldus nous mènent à notre perte… »

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Feat @Professeur A. Van Aken

En venant ici, au domaine Van Aken, je ne m’attendais pas vraiment à me retrouver à discuter avec l’une de mes ancêtres, qui plus est la mère de mon professeur de Potions. Je m’attendais à une discussion du même style que celle de l’année dernière dans son bureau. Au lieu de ça, il se trouvait non pas dans un salon à discuter avec le professeur Van Aken mais bien dans un couloir où de multiples tableaux étaient accrochés dont celui de Ludmilla Avery-Van Aken, une tasse de thé fumante entre les mains alors que l’elfe de maison qui venait de nous les rapporter repartait déjà dans un craquement sinistre. J’étais venu avec une appréhension et une envie de faire demi-tour alors que ce qui se passait actuellement était finalement bien plus intéressant que je ne le pensais. Curieux des ressentis de mon ancêtre sur le monde qu’elle peut observer de son tableau, je me permets de lui poser la question. Avait-elle les mêmes avis tranchés que mes parents ? Était-ce de famille ? Étais-je vraiment le seul à vouloir voir les choses autrement et à passer ainsi pour le vilain petit canard qu’il fallait redresser et reformater ? Après toutes ces années, c’était bien des choses que je pensais.

Ses gestes, ses paroles, dissimulent une mélancolie. L’avenir lui fait peur de part cette génération qui n’a plus de base sur lesquelles s’appuyer. Sourcils froncés, je l’écoute, ne comprenant pas tout de suite où elle veut en venir. Puis ses mots me heurtent et refont jaillir certains souvenirs de l’année dernière dont celui où le secret magique s’est retrouvé menacé par cette fille énervante et empli de préjugés sur les Sang-Pur. Je suis également surpris voir décontenancé par son point de vue. Je ne m’attendais à ça, pas de la part d’une Avery.

Je ne m’attendais pas à cette réponse. Je lâche à voix basse, le regard dans le vague, avant de porter ma tasse encore fumante à mes lèvres. Je laisse planer quelques secondes avant de reposer mon regard dans celui du tableau.

Lorsqu'on connaît les positions de ma famille, je suis surpris de ne pas être le seul à ne pas être du même point de vue qu’eux. Pro-sang-pur tout simplement. Avoir des idées arrêtées, ne pas accepter mes fréquentations dites douteuses, ne pas accepter les nés-moldus juste pour ce qu’ils sont. Ma mère a beau être plus posée dans ses idées, elle n’en reste pas moins extrême. Elle a beau rien me dire sur les personnes que je fréquente, je doute qu’elle le cautionne pour autant. N’est-elle pas toujours du côté de mon père au final ? Même lors de nos disputes, elle ne fait que calmer le jeu sans jamais réellement me défendre dans mes positions.

Qu'on s’entend, je ne suis pas pour que le monde moldu soit au courant de notre existence, mais pourquoi devrais-je détester les sorciers d'ascendance moldue ?

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Toujours taiseux, van Aken s’était discrètement reculé comme pour laisser le champ libre à sa mère et son cousin. Il avait assez de lucidité pour savoir que la parole d’une jeune femme, fut elle morte des décennies auparavant, pourrait trouver plus facilement un écho chez Caleb que celle du vieillard poussiéreux qu’il était. Le maître des potions ne se faisait aucune illusions sur sa propre décrépitude et luttait même activement contre celle-ci, dans l’espoir fou d’échapper définitivement à la mort. Mais tant qu’il n’aurait pas retrouvé ses vingt ans, mieux valait laisser les jeunes discuter entre eux.

Caleb sembla surpris par la réponse que lui avait offert sa grande-tante. Ludmilla Avery-van Aken était connue dans la famille pour sa douceur de caractère et sa conscience politique acérée. Femme de l’ombre, elle avait longtemps murmuré à l’oreille Abraham, son mari et le père d’Alexander, en matière de stratégie diplomatique pour leurs familles. C’était elle qui déjà à l’époque avait pressenti le danger que représentait le Seigneur des Ténèbres et conseillé d’en rester éloigné. Un choix judicieux qui avait sans douté évité à la maison van Aken de disparaitre définitivement, emportée par la chute du patriarche.

Alexander avait gardé certains traits de sa mère, et notamment sa capacité à prendre de la hauteur sur les choses, à les tempérer, ce qui pouvait effectivement surprendre des esprits pétris de caricatures ou d’aprioris.

- « Cela est-il si surprenant ? » demanda Ludmilla avec un rire léger « Les sang-purs ne sont pas monolithiques, nous n’aurions pas vécu si longtemps si nous nous exprimions tous d’une même voix. »

Elle eut un regard tendre pour le jeune homme, maternant.

- « Qui parle de les détester Caleb ? Je ne les déteste pas. Je crois néanmoins qu’ils représentent, malgré eux le plus souvent, un danger. Quelque chose les rattache au monde moldu, une fascination, une sensibilité qui les mènera toujours à faire le pont entre ces deux univers. »

Elle secoua la tête d’un air navré, portant sa tasse à ses lèvres.

- « Le monde sorcier est pétri de hiérarchie, les créatures sont inférieures aux êtres magiques qui sont eux-mêmes inféodés aux sorciers. Tout simplement car seuls les sorciers ont le pouvoir et l’organisation suffisante pour maintenir l’harmonie en ce monde. Si nous laissions les gobelins décider, combien de temps avant qu’ils ne vendent leurs secrets aux moldus contre de l’or ? Et que dire des centaures qui massacreraient les pauvres moldus si pollueurs… »

Ce fut à ce moment que van Aken choisit de faire un pas en avant, sortant du silence, reprenant le discours de sa mère avec la même voix calme et douce, quoique infiniment plus froide.

- « Seuls les sang-purs ont le recul et la culture suffisante pour préserver l’harmonie entre nos mondes. Plus de trois mille ans que cet équilibre fragile est maintenu par les vieilles familles. Nous ne sommes pas pour la suprématie, monsieur Avery, nous sommes pour l’ordre et la paix. »

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Feat @Professeur A. Van Aken

Discuter avec un tableau n’est finalement pas désagréable. Au contraire, lorsque l’hôte de ce dernier est aussi cultivé et intéressante que Ludmila Avery Van Aken, c’est même plutôt instructif et agréable. La sensation de parler à une véritable personne, en chair et en os, se fait même ressentir alors qu’il s’agit pourtant bien là d’une toile peinte. Je suis même surpris de ses dires et de sa réponse à ma question. J’ai toujours cru que la majorité de ma famille était pro sang-pur et que cela faisait de moi le vilain petit canard de la famille qui refuse de se soumettre et de rentrer dans les rangs sans aucune raison valable à mes yeux. Pourtant à l’entendre, elle semble être bien plus raisonnable que mon père par exemple. Moins tranchée aussi. Moins extrême. quitte à même mettre les pro-sang-pur et les pro-moldus dans le même moule. J'acquiesce légèrement de la tête lorsqu’elle me demande si je trouve cela si surprenant. Vraiment, oui.

Je suis attentif à chacun de ses mots, comme étonnamment surpris de l’entendre ne pas détester les nés moldus. En venant ici, je ne m’attendais pas du tout à ça. Plutôt à une tentative de mon vieux cousin de me remettre sur la route tracée par mon père. J’avoue ne pas comprendre son but aujourd’hui. Ma grande tante est tellement plus nuancée que les autres et m’explique d’un ton posé et doux pourquoi, à ses yeux, pourquoi les nés moldus peuvent représenter un danger de par leur appartenance à ce monde qui n’est pas le mien et qui est aveugle à la magie. Eux côtoient les deux mondes et c’est pour elle le problème. Ce pont qui les rattache à l’un comme à l’autre. Mais n’est-ce pas aussi le cas de certains sang-mêlés dans le cas ? Le père de Max est un moldu par exemple.

Je ne peux pas vous contredire.

Je finis par dire après ces derniers mots et l’intervention du professeur Van Aken. Ce dernier s’était tût jusqu’à présent, nous laissant discuter, Ludmila et moi, à tel point que l’entendre à nouveau non loin de moi m’avait légèrement surpris. Mon regard se pose sur lui un instant avant de revenir sur le tableau. Je les comprends. Je peux comprendre les dires de chacun, même les propos de mon père. J’entends que ce sont nos vieilles familles qui ont tout fait pour maintenir le secret de notre monde. Pourtant...

Je suis bien d’accord sur le fait que notre monde doit rester secret à la fois pour notre bien mais également pour celui des autres. Autant je comprends cette hiérarchie entre les sorciers, les créatures et les êtres magiques, pour autant je ne me sens pas plus supérieur qu’un autre sorcier dont le sang n’est pas aussi pur que le mien.

Pas plus supérieur que Max ou de Casey qui sont tous les deux des Sang-mêlés par exemple. Je conçois que mon sang me procure, surement, des privilèges que d’autres n’ont pas. Un nom même. J’avoue aussi pouvoir apprécier de voir ce que ce dernier peut provoquer chez certains. Mais je ne suis pas plus intelligent qu’un autre pour autant. Pas meilleur non plus. Du moins, rien ne m’a prouvé le contraire jusqu’à présent. Et ce n’est pas la période Blackmann qui me pousse à croire que nous valons mieux qu’un autre au vu de ce qu’il s’est passé.

Mes doigts s’enroulent encore une fois autour de ma tasse de thé avant de la porter à mes lèvres pour la terminer. Les mots de ma grande tante me reste cependant en tête. Les nés-moldus sont-ils vraiment des dangers sans même qu’ils ne s’en rendent compte ?

Vous pensez qu'un jour, les Nés Moldus puissent réellement mettre en danger notre monde ?

La petite Ozdemir avait bien tenté quelque chose l'année dernière mais personne n'avait suivi et les professeurs et la direction avaient l'air d'avoir fait le nécessaire. Je n'en avais plus réellement entendu parlé après cette réunion d'urgence entre préfets. Il était aussi vrai que l'ancienne direction avait pris des décisions des plus douteuses et qui a causé son renvoi. Encore une fois, il s'agissait là d'une Née Moldue. Mais ces deux-là restent pour moi des exceptions et comme je refuse que l'on mette tous les Sang-Pur dans un même panier, il en est de même pour les Nés Moldus.

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Malheureusement pour Caleb, van Aken n’était pas né de la dernière pluie. Ni même de l’avant-dernière. Ce débat, il l’avait eut des centaines de fois, et même des années avant la naissance du jeune homme. Il en connaissait toutes les arcanes, tous les rouages. Il n’était aucune objection qui ne puisse être cruellement retournée contre celui qui l’affirmait.

- « C’est le privilège des dominants de ne pas se sentir supérieur, monsieur Avery. Poudlard efface quelque peu nos différences, mais ne doutez pas que celles-ci ressurgiront de manière criante à la seconde où vous poserez le pied hors de l’école. L’argent et la connaissance sont les deux nerfs du monde sorcier et les vieilles familles possèdent chacun en abondance. »

Son regard se porta sur la peinture. Dans le cadre, Ludmilla souriait à son fils.

- « Le sang ne prédétermine pas à une supériorité intrinsèque, nous ne sommes pas de la viande. Il modifie toutefois les affects, les allégeances, la bonne éducation. Autant de choses variables voire douteuses chez nos amis né-moldus et sang-mêlés. »

Il se tourna vers Caleb.

- « Ne doutez jamais que nos sociétés sont en concurrence. Progrès magique, progrès technique. Nos ancêtres ne se sont pas dissimulés pendant des siècles en vain, la cohabitation est impossible, les moldus l’ont montré plus d’une fois, avec leurs religions et leurs craintes. Quant à nous… nous avons également nos fanatiques. »

Ludmilla reprit la parole, d’un ton doux et bienveillant.

- « Il est normal pour un bon cœur de souhaiter le rapprochement entre tous. Mais certaines choses doivent rester cloisonnées, pour le bien commun. »

La question que posa ensuite Caleb fut simplement accueillie avec un silence lourd. Le cas de Zeynep Ozdemir était éloquent.

- « Appleton et Ozdemir sont des cas éloquents. Et la majorité des sorciers ayant voté pour eux également. »

Il secoua la tête, les sourcils froncés.

- « Lâchons leur la bride et dans cinq ans ils réclameront la mise en place d’une ambassade sorcier-moldu. Dans dix la levée du secret. Dans quinze une harmonisation des lois. Cela n’est pas tenable, c’est de l’idéologie. »

Portrait de famille

Feat @Professeur A. Van Aken

Jamais je n’avais eu ce genre de discussion avec mon père. Ni même ma mère qui était finalement plus évasive sur le sujet. Moins arrêtée dans ses idées mais pas pour autant plus nuancés. Le simple fait que je ne partage pas les mêmes idées qu’eux suffisait à déclencher une tempête lorsque le sujet était sur la table. Aucune discussion n’était possible et seule l’opposition marquait nos discussions. Il n’y avait aucun débat, aucun moyen de se justifier, de se faire entendre. J’étais finalement juste un gosse désobéissant qui n’en faisait qu’à sa tête et qui fréquentait des sang-mêlé voir des nés moldus juste par esprit de contradiction aux yeux de mon père. Jamais il ne lui était venu à l’idée que je puisse réellement être proche de ces derniers. Enfin, si, il devait s’en douter mais cela doit encore plus l’énerver. Je pense qu’il doit regretter de m’avoir laissé autant de liberté durant ces années, mettant ça sur le compte d’une passade. Il doit s 'en mordre les doigts aujourd’hui.

Le professeur Van Aken me paraît autrement aujourd’hui. Moins professorale, moins strict quand bien même il est plus froid que sa mère. Il est à l’écoute ou en donne l’impression. Le ton ne monte pas, il n’y a pas de discours moralisateur, juste des explications, des constatations suites à de nombreuses années vécues. Les deux sont plus nuancés, pas de discours extrémistes. Ils me font réfléchir. Enfin, je peux tenter de comprendre pourquoi le sang est si important aux yeux de certains. Je regrette vraiment de ne pas pouvoir discuter ainsi avec mon père.

Le privilège des dominants. Je baisse la tête à ces mots. Le nom est important. Le sang aussi d’après Van Aken. Ces deux-là montrent l’influence qu'ont les vieilles familles dans notre société. Suis-je prêt à perdre cela si je décide de tourner le dos à ma famille ? Je n’ai pas la réponse à cette question.

A quoi cela sert de nous mélanger pendant sept ans si c’est pour finir par me dire que je ne dois pas fréquenter telle ou telle personne ?

Je demande après les mots bienveillants de Ludmilla. Je ne vois pas l’intérêt de nous amener à fréquenter les autres si c’est pour ensuite nous faire remarquer qu’ils ne sont pas fréquentables aux yeux du sang. Ce reproche, on me le fait souvent, directement comme indirectement.

Je comprends qu’il y ait des cas éloquents mais c’est également le cas de l’autre côté. Vous le disiez vous-même, les extrêmes sont les plus dangeureux.

Je lève la tête en direction du tableau sur mes derniers mots. Rappelant là des paroles qu’elle avait dites plus tôt.

Je ne soutiendrai jamais des personnes comme Ozdemir ou l’ancienne directrice. Et j’en ferait tout autant pour l’autre extrême.

C’était un point sur lequel j’étais plutôt certain. Un autre Blackmann ne me dit rien de bon.

Je n’ai pas envie de faire partie de ceux-là mais m’obliger à devoir côtoyer que des Sang-Pur qui ont des idées tout aussi arrêtées me donne la sensation que je finirai par le devenir. Je ne comprends pas ce que l’on me reproche au final. C’est vraiment être hypocrite de ne vouloir prendre aucun parti ?

Zey me l’avait reproché vivement et je ne serai pas surpris qu’un certain nombre de Sang-Pur me le reproche aussi.

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Si les réponses de Caleb lui donnaient à réfléchir, van Aken n’en montrait pas un signe. Le plus probable étant certainement qu’il connaissait la partition par cœur. Comment l’adolescent, avec sa candeur et sa bonne foi naïve, aurait-il pu sérieusement disputer le dernier mot avec l’animal à sang froid qu’était le maître des potions ? S’il avait été animagus, sans doute se serait changé en grenouille.

- « Certains diraient que le mélange est néfaste. » répondit-il froidement. « Durmstrang assume ce diagnostic. »

Il fixa Caleb plus intensément encore, ses yeux pareils à deux pics à glace trifouillant sa cervelle pour en extraire les dernières objections misérables et les briser comme des morceaux de verglas.

- « Il ne s’agit pas de faire une leçon de moral, Caleb, tu es libre de fréquenter qui bon te semble. Mais tu ne dois jamais oublier ta place. Le réel, le monde social ne s’efface pas par opération de pensée et un né-moldu restera toujours pénétré par des loyautés ambiguës et un retard intrinsèquement irrattrapable. »

C’était moins l’enseignant qui s’exprimait que le juge, son ton avait un air de sentence. Il avait usé du même en envoyant des prévenus croupir à Azkaban.

L’échange était asymétrique. Tendu. La voix plus douce de Ludmilla vint soudain arrondir les mots prononcés.

- « Les extrêmes sont dangereux, en effet Caleb. L’histoire n’a de cesse de nous le montrer. » Elle échangea un regard avec son fils. « Les van Aken le savent mieux que personne… le Seigneur des Ténèbres a presque détruit notre famille. »

Il y avait une pointe de mélancolie dans cette phrase. Ludmilla n’était-elle pas morte de chagrin lorsque son mari, rendu fou par les détraquer, avait rendu l’âme dans ce même Manoir, condamné désormais à ne plus en arpenter les couloirs que sous forme de peinture ?

Elle sourit néanmoins.

- « Lorsque le monde est traversé par des rapports de force, Caleb, ne pas prendre position revient souvent à apporter son soutien au plus fort des deux. Si nous constatons une injustice et n’intervenons pas, alors nous en sommes tout autant coupables… »

Van Aken hocha la tête.

- « Le monde des sorciers vit peut-être sa dernière bataille. Encore quelques décennies et tout ce que nous avons connu, ce qui a fait notre force et nous a protégé des siècles durant, tout cela sera battu en brèche et menacera de s’effondrer. »

A nouveau le juge.

- « Il faut prendre position Caleb. Quitte à se salir les mains. Ou l’injustice triomphera, et notre monde sombrera dans le chaos. »

Portrait de famille

Feat @Professeur A. Van Aken

Même si j'étais conscients que cette visite chez mon professeur n'était pas simplement pour prendre le thé, j'avais presque oublié que le sujet du sang pur allait être remis une nouvelle fois sur la table, la discussion avec Ludmila étant des plus intéressantes. Pourtant c'était bien le cas à présents et les interrogations continuaient à s'imposer à moi. La différence d'avec les discussions que je pouvais bien avoir avec mon père, était l'écoute sur les deux présents me montraient. Enfin, je pouvais faire part de mes hésitations, de mes interrogations et incompréhensions. Je n'ai pas la sensation d'être jugé, du moins en apparence et le ton ne finit pas par monter. Ce n'est pas pour autant que les réponses me conviennent. Mon visage se ferme petit à petit que les explications se font. J'ai déjà entendu ces mots, ces phrases et pas que de la bouche d'un Sang Pur. Mon regard glisse sur la vitre du couloir tandis qu'un sourire qui sonne faux se dessine sur mon visage.

Ozdemir m'a dit la même chose,que ne rien faire est pire que de prendre parti. Je n'ai pourtant pas la sensation d'être la plus dangereuses des personnes.

Je n'ai jamais fait de mal à qui que ce soit ou du moins pas volontairement et encore moins pour une question de sang et pourtant c'est la deuxième fois que j'entends ça. Ne pas faire de choix revient à être dans tous les cas coupable. Mais coupable de quoi ? De ne pas avoir agi ? Dans tous les cas on me le reprochera au lieu de se dire que je n'ai rien à voir avec tout ça ?

Il n'y a donc pas d'autre choix que de choisir. Super…

Et pourtant, la seule chose que j'ai envie de faire c'est de faire marche arrière et de ne pas être confronté à ce genre de dilemme. Cette question n'est pas nouvelle, je l'ai expérimentée bien des fois, mais j'ai toujours trouvé le moyen de la contourner, de ne pas avoir besoin de faire de choix, prétextant avoir encore le temps et qu'il n'était pas forcément nécessaire de se positionner. Naïf pour certains, lâche pour d'autres. Juste un moyen, encore, d'éviter la question pour moi. A croire que la vie se résume à faire des choix qui, dans tous les cas, ne me conviendront pas. Je trouve ça injuste et j'en veux finalement à ma famille de m'avoir laissé croire que je pourrai tout combiner en faisant mes propres choix. Non, c'est faux. J'aurai presque préféré que mon père m'éduque et me moule à son image. C'est grotesque mais au moins peut-être que je ne me sentirai pas aussi mal de me retrouver entre deux eaux.

Je relève la tête et reposé le noir intense sur le visage de mon professeur à ses derniers mots. Certains auraient sursauté à l'écoute de ces quelques mots mais moi seul ma curiosité est piqué, comme si je m'étais attendu à les entendre un jour.

Se salir les mains… Vous pensez que quelque chose se prépare pour qu'on en vienne à ça ?

Je me mords les joues pour ne pas lui demander si lui, il avait dû se salir les mains un jour. Serais je vraiment surpris d'apprendre que c'est le cas ? Quand on est né dans une famille comme la mienne, je crois que plus grand chose ne peut nous surprendre. Mon père est loin d'être un ange…

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