Le temps passait déjà si vite. L'activité avait repris au sein de Poudlard, et ce depuis 3 jours. Et étonnamment, malgré les circonstances et une ambiance si particulière qu'en ces temps-ci, les choses avaient repris leur cours normalement et de façon assez déconcertante. Terry ne s'était jamais vraiment senti concerné par les questions d'ordre politique ou moral et qui divisaient parfois le monde sorcier, et en particulier ces temps-ci. Peut-être en raison d'une éducation rigoureuse, rigide, et centrée sur le développement personnel, Terry n'avait jamais vraiment réussi à prendre du recul sur les choses importantes pour les analyser. De la même façon, il n'avait jamais appris à se mettre à la place d'autrui, à sortir de son univers et pour cette raison, outre le fait qu'il ait toujours eu un mal fou à construire des relations humaines solides, il était quasiment incapable de s'intéresser à son environnement. Certains interprétaient parfois cela comme de la bêtise, de l'ignorance, mais ce n'était pas le cas. Terry était même plus sensible qu'on ne pouvait le penser au premier abord, néanmoins, il restait imperméable à tout élément externe à son microcosme. Et parfois, les règles et les conventions elles-mêmes lui semblaient futiles.

Dans la salle commune de Poufsouffle, dans les sous-sols de l'école, Terry était pensif. Un feu crépitait dans l'âtre, et l'heure était déjà tardive. La plupart des élèves avaient déjà regagné les dortoirs, prêts à affronter la journée de demain et à être performant en classe pour honorer leur maison. Quelques retardataires étaient encore debout malgré l'obscurité du soir, lisant un livre tranquillement, ou finissant leurs devoirs discrètement. Terry était l'un d'entre eux. Mais il n'avait ni plume, ni livre, ni baguette à la main. Il était simplement assis dans un fauteuil, distrait, observant le calme du soir à travers une lucarne. Il était soucieux, pensif. Pour lui, retourner à Poudlard était une nouvelle relativement bonne, mais il doutait au fond de lui d'y avoir vraiment sa place. Souvent, cette pensée qu'il chassait constamment lui revenait à l'esprit, accompagnant la fatigue ou la mauvaise humeur. Terry n'était pas défaitiste, mais il fallait se rendre à l'évidence. Ces quatre dernières années, il n'avait pas vraiment brillé sur le terrain. Le Quidditch, bien sûr. La sorcellerie et la magie l'enthousiasmait mais il n'avait jamais été un élève très assidu, car lui, lui vivait pour le sport. Il portait un nom bien connu des joueurs de Quidditch du monde entier, et il vivait pour l'honorer. Sa mission dans ce monde était de perpétuer la gloire gagnée par son père il y a des années de cela, de contribuer à faire entrer la famille Miller dans les livres. Et son père comptait sur lui. De tout son coeur, il soutenait son dernier fils, celui qu'il avait éduqué pour gagner, pour devenir le meilleur joueur de tous les temps. Le garçon avait toujours été prometteur, mais pourtant, en arrivant à Poudlard lors de sa première année, les choses commencèrent à se compliquer. D'abord, il avait été envoyé à Poufsouffle. Son père rêvait qu'il devienne capitaine de l'équipe de Gryffondor, comme lui l'avait été dans sa jeunesse. Une déception que Trey Miller ne prit pas la peine de cacher à son fils. Sentir l'intérêt de son père le fuir après cette nouvelle rendit Terry particulièrement triste, même s'il ne l'admettait pas vraiment. Il se jura en retour de faire tout pour devenir le meilleur joueur de l'école, quel que soit le moyen. Et en attendant, pour se laisser le temps, il se vantait d'être le plus jeune capitaine et attrapeur de l'histoire de sa maison. Aveuglé par la soif de victoire, son père y croyait dur comme fer...

Ressassant ces mauvais souvenirs, Terry fut pris d'un éclair de lucidité. Cela faisait bien une heure qu'il était assis là et enfin, il s'était réveillé. Ce qui l'avait maintenu dans l'équipe de sa maison ces quatre dernières années, c'était l'entraînement. Jour et nuit. Jour... et nuit. Il était interdit de sortir de l'enceinte du château après le coucher du soleil, et un couvre feu empêchait les élèves de transgresser cette interdiction. Mais Terry était plus malin qu'on ne le pensait. Il avait su développer un stratagème solide pour s'éclipser presque chaque nuit des sous-sols. Il savait faire preuve de discrétion, de patience, et avait ainsi toujours réussi à s'évader sans attirer la moindre attention sur lui. Si cela marchait depuis si longtemps, aucune raison pour que ce soir soit différent, pas vrai ? Il se leva, le corps tout endolori, alla dénicher son balais sans faire un bruit, et s'évanouit dans l'ombre qui embrassait le château à cette heure tardive. Avec prudence, il traversa les couloirs, suivit le chemin habituel, et se retrouva rapidement dans le parc. A quelques mètres, le terrain se dressait, toujours aussi impressionnant malgré l'obscurité. « Lumos » dit-il dans un murmure. Une lueur éclaira alors l'extrémité de sa baguette, tandis qu'il approchait à pas feutrés du terrain. Il laissa tomber sur le sol sa cape de sorcier. L'air était frais, le vent soufflait légèrement sur les toiles tendues qui couvraient les gradins, mais Terry savait que l'exercice aurait vite fait de le réchauffer. Il ne portait pas les couleurs de Poufsouffle, mais s'était vêtu entièrement de couleurs sombres, pour se fondre dans la pénombre du soir et ne pas attirer l'oeil curieux d'un élève ou d'un professeur insomniaque. Après un long soupir et quelques mouvements d'épaules, il empoigna le manche de son balais et s'apprêta à s'élancer quand il s'arrêta brusquement. Sans se retourner, il tendit l'oreille. Des bruits étouffés se firent entendre, qui peu à peu semblaient se rapprocher. Terry frissona. Et pria pour que ce ne soit que le vent, ou sa propre imagination... Quelqu'un approchait.