Il était hors de question de jouer à leur jeu. Me prendre pour un psychopathe meurtrier seulement parce que la situation en offrait la possibilité, jamais. D'accord, il fallait les repousser, d'accord, il fallait les empêcher d'attaquer, d'accord, il fallait se défendre mais je restais persuadé qu'il y avait d'autres moyens. Si eux n'avaient pas de problème avec leur conscience, la mienne était suffisamment difficile à gérer pour pouvoir me permettre des débilités du genre sans en subir les conséquences derrière. Je refusais de prendre ces chemins-là. Et puis, il fallait bien admettre que ça marchait aussi bien sans prendre le risque de tuer qui que ce soit. Mon sortilège, pour une fois, ne fut pas contré et le pauvre abruti qui se le prit dans la tronche ne bougea plus un doigt après ça. Un de moins ! Autant être honnête, même si c'était une victoire ridicule par rapport à l'ampleur de la tâche qui nous attendait encore, ça motivait ! Et pas qu'un peu ! J'étais prêt à tous les démonter maintenant que je savais qu'ils n'étaient pas aussi infaillibles qu'ils en avaient l'air et qu'il ne fallait pas forcément être Winslow pour réussir quelque chose. Malheureusement la riposte fut immédiate et avant même que j'aie eu le temps de faire quoi que ce soit, un sortilège m'arrêta. J'ai eu de la chance dans ma poisse parce que le gars n'avait pas particulièrement bien viser. Si l'essentiel du sort se bouffa le mur derrière moi, j'y laissai une partie de mon bras. Un cri de douleur m'a échappé, quelques insultes peut-être aussi je me souviens pas très bien. Une brûlure infernale venait de me choper et je mis plusieurs secondes à accepter de baisser les yeux sur le problème. Et j'aurais mieux fait de m'en passer. Une partie de la manche de mon tee-shirt était réduite en cendre, ma peau n'avait pas été mieux traitée. Le spectacle de chair et de sang me fit pâlir d'un coup. Je tremblais et peinais à reprendre mes esprits. Mes doigts effleurèrent bêtement ma blessure avant que je n'étouffe un nouveau cri. C'était la merde. Vraiment la merde.

La voix de Sheepard m'arriva de loin mais je n'y fis pas attention. Il fallait que je me reprenne. Je n'étais pas mourant. Pas encore. Et si on oubliait la douleur, les nausées, les vertiges et les tremblements – la peur et le choc également – je n'étais pas particulièrement handicapé. Mon bras droit avait été touché, j'étais gaucher, ça aurait pu être pire. Oui, ça aurait pu être pire. Il fallait serrer les dents et continuer. Sans quoi, j'étais une cible de premier choix et plutôt crever que d'attendre qu'ils m'achèvent sans broncher ! « Aidez moi…! » Il ne fallut qu'un regard pour que l'espoir commence à se faire la malle. L'autre bouffon de Selwyn venait de se afaire prendre en otage. Sérieusement ?! Mais personne avait pu empêcher, ça, non ? Winslow servait à quoi, bordel ?! Même si c'était le plus gros connard de l'univers qui était pris comme un rat, je ne lui souhaitais pas de mal pour autant. Pas de mal qui avait des airs de mort en tout cas. Il fallait faire quelque chose. N'importe quoi. Mes doigts se resserrèrent sur le manche de ma baguette. Il fallait oublier les problèmes qui n'en étaient pas vraiment, l'engourdissement douloureux d'une bonne moitié de mon corps par exemple, et me concentrer sur celui qui existait vraiment : cette putain de guerre ! Mais notre victoire ne semblait pas une priorité pour tout le monde. Notre professeur venait de poser sa baguette sur le sol. Si j'espérais que c'était une tentative foireuse d'endormir leur vigilance avant de leur fumer la gueule à tous, il assassinat cet espoir avant même que je sois en mesure d'avoir conscience de son existence. « Très bien, je me rend. Laissez-le partir, et je vous laisserai me prendre. De toute façon, ce sont des élèves, je suis la seule vraie menace. Mais ne les attaquez pas plus. Ils ont suffisamment combattu. » Le monde venait de s'effondrer. Si je n'étais pas d'accord avec sa manière de faire, il était des nôtres et j'avais suffisamment confiance en ses capacités pour qu'il nous sorte de là. Ou au moins qu'on parvienne à un truc à peu près potable, tous ensemble. Il avait qu'à les laisser buter Selwyn, au pire, il ne valait pas mieux qu'eux ! « Collabo de merde ! » On ne négociait pas avec des gens là pour nous faire passer l'arme à gauche, c'était n'importe quoi ! Je ne réfléchis pas davantage, grimaçant malgré moi au moindre geste, et pointai ma baguette vers l'agresseur de Selwyn. « Rep... » Je n'ai pas eu le temps de terminer ma formule qu'on m'imita avec plus de réussite. La suite se passa très vite. Le sortilège me frappa de plein fouet, m'envoyant voler sur plusieurs mètres. La porte de la salle commune, la rencontre entre ma tête et le heurtoir qui portait bien son nom, une douleur plus vive encore que la première et puis plus rien...