Rhea remontait les escaliers depuis les étages inférieurs en direction de la classe de Métamorphose où elle avait oublié ses plumes. C'était au beau milieu du repas de midi qu'elle s'était rendue compte de l'oubli au cours d'une discussion à propos des fantômes de Poudlard. Quant à trouver le rapport entre ces deux événements, c'était tout à fait impossible à moins d'avoir une logique aussi tortueuse que la jeune fille. Cependant, cette perte ne l'avait pas chamboulée outre mesure puisque sa perception de la propriété aurait fait pâlir le plus communiste des Moldus. Tout l'après midi, Rhea s'était donc contentée d'emprunter les affaires de ses voisins, se passant parfois de leur consentement et les mettant sans gêne devant le fait accompli. Mais puisqu'elle devait de toutes façons escalader tous les étages du château pour revenir à la salle des Gryffondors, elle s'était accordée un petit crochet en direction du cinquième étage. Ce fut donc à cet étage qu'elle rencontra Milo.

Un peu essoufflée pour son ascension, d'autant que pour une fois les escaliers n'avaient pas décidé de s'arrêter dans le vide, Rhea marqua une petite pause, la main contre le mur à reprendre son souffle. Ses cheveux bouclés brillaient une lueur turquoise - son grand classique - et tranchaient avec la pâleur de son visage et le noir profond de son uniforme. Presque aussi sombre que le couloir gothique du cinquième étage. Remise en son effort, la Gryffondor s'enfonça dans la pénombre des corridors. Elle passa devant quelques salles dont les fonctions lui étaient plus ou moins inconnues. Mais, alors qu'elle s'apprêtait à continuer tout droit après un croisement, son regard fut attiré par une silhouette appuyée contre une lourde porte. En plissant un peu les yeux, elle reconnut Milo; en rassemblant ses souvenirs, elle identifiant cette porte comme celle de la salle des professeurs. A en juger par l'immobilité concentrée du Poufsouffle, Rhea en déduisit que Milo était en train d'espionner.

Marquant une moue de désapprobation, Rhea s'approcha néanmoins du jeune homme. Sans prendre de précautions particulières, elle arriva à la hauteur du fouineur en herbe et secoua la tête. Quel gamin celui-là! Comment la Direction avait pu nommer un pareil énergumène préfet? Ce type se conduisait comme un petit garçon semi-débile. Mais bon, maintenant que le mal était fait, elle ne pouvait pas l'empêcher d'arriver, n'est-ce pas?

"Tu as appris quelque chose d'intéressant ?"

Demanda Rhea d'un ton mélangeant habilement la désapprobation et l'intérêt. Même si elle ne chuchota, sa voix était plus basse et plus grave qu'à l'accoutumée, rend ses paroles sourdes. Elle ne voulait pas vraiment avoir l'air d'une conspiratrice mais se faire repérer par un professeur n'était pas non plus souhaitable. Si la Gryffondor pouvait avoir des nouvelles du dernier devoir de DCFM, elle ne cracherait pas dessus. Et, moins avouable bien sur, elle serait friante d'une histoire d'amour inavouable entre professeurs hors d'âge. Ou entre un élève et un professeur - même si cela était assez répugnant.

Rhea était rouge d'avoir autant ri, les yeux brillants de larmes, les joues et le sourire crispés dans un rictus hilare. Elle renversa sa tête contre le mur froid pour reprendre un peu ses esprits. Milo se tenait face à elle, légèrement moins rouge - peut-être blanchi par la colère. Mais c'était la dernière de ses préoccupations tant son fou rire avec du mal à passer. Heureusement que ni Lynn ni Madeline aient été présentes, sinon elles auraient entretenu ses gloussements comme un feu dévorant qu'elle aurait dû trainer jusqu'à Gryffondor. Ses côtes lui auraient fait mal - c'était fatiguant de rire de façon incontrôlée.

« Oui bon ben c’est bon, arrête de te moquer. Tu peux passer ton chemin, je ne t’ai rien demandé. »

Rhea entendit la voix de Milo mais préféra ne pas le regarder. Elle conserva ses yeux rivés sur le plafond détaillant autant qu'elle le pouvant la voue arquée du couloir. La jeune fille attendit quelques secondes que son hilarité se réduise à ses tressautements pour oser se tourner de nouveau vers Milo. Puis, alors que la silhouette du Poufsouffle entrait dans son champs de vision, elle détourna rapidement la tête, fixant de nouveau l'architecture de Poudlard. Il valait vraiment mieux qu'elle ne croise pas son regard.

"Ne te vexe pas Milo."

La voix de Rhea était presque éraillée et essoufflée. Mais jusque là, elle retenait son fou rire et parvint même à croire qu'il s'était éteint. Elle sourit au plafond, n'osant toujours pas faire face à son interlocuteur.

"Mais aller, pas besoin de monter sur tes grands chevaux, je me casse."

Sur ces bonnes paroles, Rhea décida qu'il était temps pour elle de se redresser. Elle s'appuya contre le mur de ses deux mains et poussa vers l'avant pour se lever d'un bloc. Tranquillement, elle épousseta sa robe de sorcière et resserra son sac en bandoulière sur son épaule. Comme avait dit cet andouille de Milo, il ne lui avait rien demandé, et s'il voulait être ridicule, il savait très bien le faire tout seul. Il n'avait pas besoin d'elle pour se le rappeler visiblement; ses plumes l'attendaient toujours dans la Salle de Métamorphose. Mais au moment où Rhea s'apprêtait à continuer son chemin, elle fut prise d'un pincement au coeur. Elle n'aimait pas blesser les autres, et visiblement et malgré ses prières, Milo était vexé. Elle lui devait au moins un sourire bienveillant ou gentil avant de partir, ne serait-ce qu'une excuse, un mot ou deux, pour qu'il ne lui en veuille pas.

Ce fut donc un visage doux et apaisé, chaleureux et calme que Rhea présenta à ce pauvre préfet. Elle leva sa main pour lui adresser un salut poli. Puis, à mi-chemin, elle suspendit son geste. Sa gorge se serra, ses joues se gonflèrent et une vague de chaleur balaya toute la figure de la Gryffondor. Ecarlate, elle ne put retenir son rire plus longtemps. Libérant ce torrent d'hilarité hystérique qu'elle avait cru tarie. Elle n'aurait jamais du se lever! Elle aurait du rester et attendre que Milo parte lui à sa place, qu'elle ne trouve pour cette source inépuisable de ridicule maladroit à portée de regard.
Heureusement pour elle, cette résurgence ne dura pas longtemps et Rhea put absorber de grosses goulées d'air pour se calmer, déglutir son rire et le ravaler au fond de son estomac.

"Excuse moi, ça fait longtemps que je n'avais pas... ri comme ça."

Rhea se redressa, regardant de nouveau un peu à côté de Milo.

"C'était trop mignon pour moi... Fais pas cette tête, t'as jamais eu un fou rire ?"

Milo semblait être au comble de l'exaspération. Un balai profondément enfoncé dans le cul, ses petits bras croisés sur son torse rachitique, le préfet répondit à son fou rire et ses larmes de joie par un:

« T’es complètement siphonnée ma pauvre fille, va falloir consulter. »

Mais quel casse-couille! Elle ne pouvait pas rire de bon coeur sans se faire emmerder ? Y avait-il la moindre preuve de folie dans le fait de profiter des petits plaisirs de la vie ? N'avait-il jamais, dans sa Grandeur Préfectorale, osé ne serai-ce que penser à se foutre de la gueule d'un quidam? D'autant qu'elle le trouvait bien moralisateur pour un type occupé - un instant plus tôt - à fouiller la merde des professeurs! Rhea ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel dans un mélange d'accablement, de mépris et de provocation pure et simple.

« Je ne vois pas ce qu’il y a de “mignon”, ni même de drôle mais bon vous devez être plusieurs dans ta tête, ce qui explique ta crise. Bon t’es gentille mais tu me fais perdre mon temps, au revoir ! »

Les phrases de Milo n'avait décidément aucun sens. Rhea se demandait encore comment se petit con pouvait encore se plaindre d'être la risée de ses interlocuteurs! Il assemblait des petits bouts de mots, les prononçait très vite sans insuffler de rythme à ses phrases. Comme s'il avait peur qu'on lui coupe la parole! Ce qui, au vu de ce qu'elle savait du Poufsouffle, n'était pas impossible... Quant à la présence de plusieurs invités dans la tête de la Gryffondor, si elle trouvait cela peu probable elle pouvait prétendre, qu'au moins, elle, se faisait moins chier que Milo. Lequel d'ailleurs, en bon petit glandu repartait en trottinant caler son oreille contre la porte des professeurs.
Ce fut au tour de Rhea d'être agacée. Elle avait essayé de tirer ce branleur de sa routine pitoyable, et voilà qu'il y revenait, comme si rien ne s'était passé. Non seulement elle n'avait rien appris de nouveau, de croustillant ou d'amusant, mais en plus elle avait fini par vexé ce garçon. Certes, elle s'était payé une bonne tranche de rire mais la réaction de Milo -tout aussi exagérée que la sienne - l'avait pour ainsi dire gonflée. Il était temps pour elle se casser de là, s'éloigner de cette putain de situation et de laisser le préfet à ses activités de pisse-froid, puisque c'était tout ce dont il était capable.

Rhea entreprit donc, sans un regard pour Milo de décaniller d'ici vite fait, le laissant de démerder avec d'éventuelles représailles d'un corps éducatifs aux tympans valides.

"C'est ça, amuse toi bien, tout seul."

Rhea appuya sciemment et plus fort qu'il n'était nécessaire sur la dernière partie de la phrase avant de disparaître à l'angle du couloir.