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Au seuil de l'aube, alors que les premières lueurs du soleil ne daignaient pas encore rompre le voile de la nuit, Isadora fut saisie par une pesanteur dans son estomac. Elle mit la faute de cette nausée débordante sur l’insomnie de sa nuit. Mais très vite, elle fut contrainte d’ouvrir les yeux, pour saisir qu’il n’était pas juste question de fatigue. Incapable d’avaler ne serait-ce qu’un grain de raisin, elle devait se rendre à l’évidence, sa nervosité prenait le dessus. Elle était bien consciente de l'origine de cette anxiété qui s'était emparée d'elle, une anxiété qu'elle ne parvenait plus à maîtriser, tandis que chaque élément semblait s'ajouter, pièce par pièce. Isadora l’avait provoquée elle-même pour une stupide discussion entendu la veille de la rentrée des vacances de Noël. Désormais, alors que le voile du doute s’effaçait : la vérité venait l’assiéger. Tout prenait enfin sens, même les mots de sa mère murmurés dans le creux de son oreille. « Un jour, ça sera ton tour, amuse-toi tant que tu peux.  »
Les correspondances de la veille tournaient encore en boucle dans son esprit alors qu'elle avançait au milieu de cette foule, scrutant chaque visage inconnu. Aurait-elle pu agir différemment si elle venait à le croiser maintenant ? Elle en doutait. Elle cherchait à repousser l'inévitable moment de cette rencontre, se préparant inconsciemment. Alors si jamais elle l’avait aperçu, elle aurait fui, tout simplement, car du courage elle n’en avait pas. À vingt heures, elle déserta la grande salle pour se rendre à la tour d’astronomie, s’assurant que personne ne la suivait. Bien que leur rendez-vous fût fixé à vingt et une heure, l'approche de cette rencontre l'avait incitée à arriver en avance. Cela lui offrait également l'opportunité de faire le vide dans son esprit, où le flot de pensées tumultueuses résonnaient aussi fort que le brouhaha de la gare de King's Cross. Parvenue au sommet de la tour, après avoir vérifié qu'elle était seule, elle s'adossa à la rambarde, contemplant l'horizon à perte de vue. La soirée d'avril était douce et le vent venait caresser son corps brûlant. Peut-être était-ce de la fièvre, un effet secondaire des potions qu'elle ingurgitait pour combattre la fatigue et ses angoisses. Elle s’en fichait bien à cet instant, tout ce qui importait c’était leur rencontre. Mais plus le temps passait et plus elle désirait disparaître.

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Les méandres de ses pensées l'attiraient au-dessus du vide alors qu'elle contemplait l'horizon endormi. Un pas, et tout pouvait cesser ; un pas, et elle rejoindrait la quiétude d'un sommeil éternel. C'était peut-être ça, sa liberté. Une plainte silencieuse au parfum mélancolique glissa entre ses lèvres tandis qu'elle patientait en haut de la tour d'astronomie. Il commençait à faire frais sous les rayons de la lune qui éclairaient son visage marqué par une fatigue douloureuse. Une fatigue qui ne parvenait plus à être dissimulée par une couche de maquillage. Elle s’était résignée. Elle qui avait toujours plus facilement manié les mots que les pinceaux, avait fini par abandonner l'idée, laissant les mensonges justifier les cernes qui entouraient ses yeux. Au milieu de ses émois, elle avait fait son choix. Irait-elle mieux après ce soir ? Elle en doutait, mais elle ne pouvait pas fuir, alors que désormais, la vérité courait devant son nez. Une alliance. Une transaction, peu importe son nom, cela revenait au même pour désigner ce qui l’attendait une fois Poudlard terminée pour elle et pour lui. Isadora ne savait pas à quoi s’attendre une fois que le jeune homme se présenterait à elle, du moins s'il venait ? Là encore, les doutes tournoyaient dans sa tête, ne lui laissant pas l’occasion de souffler ne serait-ce qu’une seconde. Que ferait-elle si jamais il ne venait pas ? Isadora avait déjà pris énormément sur elle en envoyant cette maudite missive. Ça lui avait énormément coûté, d’autant plus en apprenant qu’il ne savait pour sa part rien. Chanceux. C’est ce qu’il était à ses yeux et c’est sans doute pourquoi elle tenait tant à lui révéler la vérité. Elle ne supportait pas l’idée de se retrouver seule face au drame qui la guettait. Mais allait-elle pour autant lui courir après ? Si une chose était sûre, elle ne voulait pas que l’information s’ébruite. C’était pour cette raison qu’elle n’avait informé que son frère et sa cousine, sans pour autant leur donner le nom du jeune homme. Au fond, leur cacher aurait été idiot, Azraël aurait fini par l’apprendre à son tour et Salem aurait été mise dans la confidence. Elle avait longuement hésité avant de finalement venir leur parler de cette fameuse lettre où son père lui annonçait avec fierté qu’elle allait se marier. Elle n’en avait pas envie, car au fond d’elle, très au fond, Isadora avait toujours eu l’espoir de rencontrer la bonne personne avec qui elle finirait ses jours. Cet espoir, on le lui avait arraché, alors elle voulait lui arracher aussi, ou peut-être, qui sait, en faire un allié pour y mettre un terme.

Alors que son regard glissait sur le paysage l’entourant, elle se figea, retenant sa respiration quand des bruits de pas se firent entendre dans son dos. S’il s’agissait bien de lui, alors la douloureuse conversation allait pouvoir commencer. La demoiselle glissa sa main dans la poche de sa robe pour s’assurer que la lettre de son père s’y trouvait. Elle était froissée, signe de son énervement face à l’annonce, mais elle était bien présente pour prouver à cet inconnu qu’elle n’était pas là pour lui mentir. Qui gagnerait-elle ? Isadora ferma ses yeux, profitant de ses dernières secondes de solitude avant de laisser son masque se poser sur son visage. Elle ne pouvait plus faire marche arrière.