Parfois, Isadora se demandait pourquoi elle faisait preuve d’autant de bonté envers des causes perdues. Elle perdait son temps. Trop bonne pour dire non, trop égocentrique pour refuser. Si elle écoutait son père, il lui rappellerait combien elle gâchait ce précieux temps, surtout aujourd’hui. Un temps qui semblait amèrement lui être compté depuis son entrée en sixième année à Poudlard. Après tout, dans moins de deux ans, tout sera fini pour elle et elle en devenait silencieusement envieuse envers les mauvaises personnes. Toutefois, tout restait scellé en elle, cadenasser au plus profond afin que pas même son frère ou sa cousine ne le remarque. Ce n’était pas si compliqué, elle avait toute sa vie agi ainsi afin de plaire, paraître, si bien qu'elle se demandait parfois si elle ne s’était pas perdue en chemin. Sans doute un peu.

Pour flatter son ego et parce qu’une part d’elle avait fini par réellement apprécier Salem au cours des années, Isadora avait accepté la demande de sa cousine. L’aider à réviser ne lui semblait pas être une tâche si compliquée. Peut-être avait-elle tord de penser cela. Cependant, elle s’était engagée auprès de la jeune femme et comptait bien l’aider à réussir, l’échec n’était pas envisageable. Afin de mettre en place un cadre de travail favorable et loin de toute distraction, Isadora avait donné rendez-vous à Salem à la bibliothèque sur une plage horaire ou Azraël avait cours. Il était hors de question que ce dernier vienne distraire la poufsouffle pendant cet après-midi de révision. Alors, oui, à cet instant, elle considérait son frère comme une distraction, néfaste, l’ennemi numéro un de la journée. Elle était bien fière d’elle d’avoir réussi ainsi à le tenir éloigner. Les livres nécessaires étaient ouverts sur une table reculée dans le fond de la bibliothèque. Afin de ne pas effrayer sa cousine, elle n’en avait sorti que trois. Ce n’était sûrement pas assez pour l’aider avec ses lacunes, mais Isadora n’était pas folle. La demoiselle avait pleinement conscience qu’elle n’allait pas en une après-midi réussir un miracle et donner tout son savoir à Salem. Car là où Isadora avait toujours eu une certaine facilité à apprendre, retenir de nouvelles choses, ce n’était pas le cas de tous. Cependant, cette facilité n’était pas venue seule du jour au lendemain, elle avait travaillé dur pour arriver à son niveau. Et pourtant elle avait encore énormément à apprendre elle-même. Soupirant à cette pensée elle, la mit de côté en voyant sa cousine arriver au loin. « Salem. » Elle esquisse un sourire dans sa direction. « Je t’ai préparé quelque chose de simple pour débuter notre session de révision. » Isadora ne mentait pas, afin de pouvoir réellement apporter son aide, elle souhaitait d’abord voir les points fort et faible de Salem. Le but n’étant pas de l’effrayer et de la voir s’échapper. Elle tapota la place à côté d’elle.

« S'il y a des points particuliers que tu souhaites qu’on travaille, n’hésite pas. » Elle glissa une mèche de ses cheveux derrière son oreille afin de la faire tenir en place tout en poursuivant. « Et j’ai pensé qu’on pourrait voir de la théorie d’abord et ensuite, un autre jour de la pratique. Ça t’évitera de devoir trop côtoyer les livres. » L’idée semblait bonne à Isadora, elle tentait de s’adapter avant tout à la jeune femme face à elle tout en espérant que cet après-midi de révision se passe bien.

La quiétude de la bibliothèque offrait un certain apaisement à la rouge et or alors qu’elle écoutait attentivement sa cousine. Ainsi, elle ne pouvait pas s’emporter contre cette dernière lorsque ses mots l’exaspéraient, sauf si elle voulait supporter les réprimandes de la bibliothécaire, mais très peu pour Isadora. ‘Je vais devoir lire tout ça ?’ Idiote, pesta-t-elle dans sa tête face à la question de sa cousine. Ne pouvait-elle pas simplement se contenter d’apprécier l’aide qu’elle venait lui apporter ? Isadora lança un regard sur les trois pauvres livres posés sur la table. C’était justement trop peu face au retard qu’elle devait l’aider à combler. Souhaitait-elle s’abonner au redoublement jusqu’à la fin de ses études de sorcellerie à Poudlard ? La jeune femme garda pour elle toute remarques désagréable qui tournoyait dans sa tête. Elle en avait des choses à rétorquer, mais Salem venait juste de la rejoindre alors il était plus sage de se taire. Toutefois, comme un automatisme, sa langue s’était mise à taper contre son palet. Tic d’agacement propre à Isadora, qui venait parfois trahir son impatience. Lorsqu’il était question d’Azraël ou Salem la demoiselle se montrait bien moins tolérante sur certains sujets. C’était sa façon de leur montrer qu’elle tenait à eux. Ses yeux naviguaient entre la Poufsouffle et les livres posés sur la table, prenant sur elle-même. L’après-midi allait définitivement être longue. Isadora venait camoufler son irritation propice, laissant un sourire se poser sur son visage tout en restant attentive aux dires de la jeune femme à ses côtés. Ne pas juger et ne pas s’énerver. C’était la clé de cette après-midi et pour une fois Isadora ne savait pas si elle allait réussir à prendre sur elle. D’habitude si calme, le chaos qui régnait en elle depuis quelque temps n’aidait rien à ces sautes d’humeur. Le sommeil et les potions devaient aussi avoir une part de responsabilité sur son état émotionnel. Cependant, qui pouvait le deviner ? Car bien que chaotique, Isadora restait maître du mensonge et elle était prête à sortir la carte de sa rupture pour toute explication si jamais elle venait à perdre son tempérament.

« Nous allons trouver une façon pour que tu retiennes enfin tous ses sorts inutiles. » Finit-elle par dire sans laisser son sarcasme de côté. C’était sa marque de fabrique, ça et ses longs silences ou seul un sourire en coin étaient visible. « Tu retiens bien la musique, alors tu n’es pas totalement une cause perdue. » Après tout, si Salem parvenait à retenir des chansons, pourquoi pas des sortilèges et leurs propriétés. Lentement, une idée venait germer dans un coin de sa tête, une chanson pour les sortilèges. Méthode assez loufoque, mais qui permettrait à Salem peut-être de retenir. Elle n’était pas pour autant certaine d’en arriver à ce stade, tout dépendrait de l’évolution de l’après-midi. Isadora attrapa un livre de sortilège sur la table et le décala devant les yeux de sa cousine. Il s’agissait du livre : ’Le Livre des sorts et enchantements, niveau 1.’ Isadora se doutait que le livre était simple pour sa cousine, du moins elle l’espérait étant donné qu’il s’agissait du livre étudié par les premières années. « Je veux que tu me redéfinisses ce qu’est un sortilège, revenons aux bases pour commencer. En fonction de ça, nous pourrons appliquer cette définition sur ce que nous voyons en ce moment en cours. » Elle appuya son menton dans le creux de sa main en se détournant de sa cousine. Lui laissant ainsi un peu d’espace pour répondre à sa demande. La gryffondor se mit à feuilleter le livre face à elle pour s’occuper un peu et surtout ne pas se retrouver prise au piège dans ses propres pensées. Elle devait rester entièrement concentrée sur Salem.

L’idée d’en finir rapidement avait chatouillé les pensées de la gryffondor quand Salem lui avait demander son aide. Vite et sans encombre, c’est ainsi que tout aurait pu se dérouler. Une version rêvée et simplifiée de leur après-midi de révision. Isadora, aurait donné ses notes à sa cousine, tout en prenant le temps de lui expliquer les termes complexes et incompris durant le cours précédent. Cela n’aurait pris qu’une trentaine de minutes, peut-être un peu plus, mais rien à voir avec l’après-midi qui les attendait toutes les deux. À la place et de sa propre décision, elle avait orchestré un programme précis pour venir en aide à la Poufsouffle. Preuve de bonté ou égoïsme personnelle caché, Isadora ne voulait pas se contenter d’une brève explication. L’idée d’apporter son aide à sa cousine lui tenait étrangement à cœur, bien que son comportant laissait suggérer le contraire. « J’imagine, mais si tu écrivais tes cours en forme de chanson accompagnant le geste de ta baguette comme un mouvement de danse peut-être que ça te passionnerait un peu plus. » Elle haussa ses épaules, offrant cette idée loufoque à la jeune femme. Après tout, Salem retenait par cœur de longs couplets parfois barbant alors un cours n’était pas totalement impossible à retenir. Il fallait juste y mettre un peu d’effort.  

Restant attentive aux réactions de la blonde, elle ne put s’empêcher d’esquisser un sourire. « Cesse de voir le mal partout. » Non, elle ne la trouvait pas stupide, cependant allait-elle lui dire pour autant ? Non. À vrai dire, si c’était le cas elle n’aurait pas pris la peine de prendre un peu de son temps, jugé précieux par son paternel, cette après-midi pour elle. « Si tu étais réellement un cas désespéré, je ne serais pas là. Alors fais moi confiance. » Demi-mensonge, elle n’était pas entièrement convaincue sur la cause de sa cousine, mais une chose était sûr, Salem était loin d’être une idiote. La seule certitude au milieu de tout ça, était que si Salem n’était pas de sa famille, elle ne serait pas ici à lui apporter son aide. Alors bien qu’agacée, elle prend sur elle en venant taper de ses ongles longs et noirs sur la table en bois de la bibliothèque.

« Pas suffisant. » Elle vient attraper le livre qu’elle avait donné un peu avant à la jeune femme. Ses yeux viennent parcourir les lignes jusqu’à trouver la définition du mot sortilège. Elle tapote de son doigt sur le livre pour attirer l’attention de sa cousine. « Même quand c’est écrit noir sur blanc, tu te contentes de survoler, voilà ton problème. » Elle reporte son intérêt sur Salem en récitant la définition inscrite sur les pages du livre poussiéreux. « Il y a deux catégories de sortilèges, celui de métamorphose et celui qui nous intéresse autrement appelé enchantement. La ou la métamorphose transforme un objet ou une créature, un enchantement lui ajoute des propriétés ou modifies certaines. Le sortilège n’altère donc pas totalement les propriétés de l’objet. » Elle vient fermer le livre de première année, bien qu’elle désirait lui faire réciter la définition, Isadora n’avait nullement l’intention de lui faire revoir les sorts basiques. « Saisir l’essence même du sortilège que tu utilises, si son but et de métamorphoser ou ajouter une propriété est essentielle pour bien l’utiliser. La définition est importante pour y voir plus clair et cette leçon pour gamin est la base ne pas perdre de vue ce que tu veux faire de ton sortilège. » Isadora était persuadée que les bases étaient essentielles. C’est pourquoi elle avait demandé à Salem de lui réciter une définition du mot sortilège. Elle n’avait pas pu cacher sa déception en écoutant la pauvre réponse de cette dernière. Passer pour une miss-je-sais-tout était une fois de plus sa responsabilité. « Retiens cette définition, maintenant nous allons revoir le sortilège vu pendant le dernier cours. » Elle esquissa un petit sourire moqueur avant d’ajouter. « Sauf si tu veux revoir Wingardium Leviosa. » Malgré tout, elle ne pouvait s’empêcher de venir piquer sa cousine et l’agacer légèrement. Au fond, rien de tout ça ne serait arrivé si Salem lui avait fait confiance dès le début.

Satisfaite que son idée soit entendue par sa cousine, cela lui donna un vent d'espoir sur la réussite de cet après-midi. L’idée n’étant pas de faire un miracle, mais de l’aider, tout en lui soumettant des méthodes d’apprentissages. Après tout, peut-être que Salem allait se montrer plus studieuse après cette entrevue à deux. Les miracles pouvaient exister par vrai ? Isadora l’espérait. « N’abusons pas, mais tu devrais essayer avec ton...groupe ? Qui sait, vous lanceriez un mouvement d’apprentissage. » Haussant ses épaules, la griffonne n’était pas persuadée de ce qu’elle avançait, mais tout était bon pour lancer sa cousine sur la voie de la réussite. Surtout que Salem était loin d’être une idiote, elle avait juste besoin d’y trouver un intérêt. Cependant, elle se demandait parfois ce que la poufsouffle allait devenir si elle ne réussissait pas sa scolarité. Avait-elle, même des idées sur son futur ? Un métier qui lui donnait envie de poursuivre dans le monde magique ? Ou bien son choix était différent ? Au fond, Isadora s’inquiétait surtout que Salem se tourne définitivement vers le monde moldu. C’était égoïste de sa part, mais Isadora craignait de perdre contact avec Salem si cette dernière choisissait de partir y vivre définitivement. Égoïste mais surtout idiot, car rien ne lui empêcherait vraiment de rester en contact avec sa cousine. Cependant, les marques de son éducation se faisaient ressentir sur cette fine frontière. Isadora serait obligée d’y mettre un terme. Azraël ne parviendrait sûrement pas à faire tenir le lien entre les deux jeunes femmes, à les aider à rester un tant soit peu proche.

Elle cligna des yeux plusieurs fois, comme pour chasser ses pensées en se concentrant sur la demoiselle aux cheveux rose à ses côtés. « J’avais remarqué. » Grinçante, elle se recula contre le dossier de sa chaise un instant. Ce n’était pas compliquer de voir le niveau de concentration de Salem, même un enfant d’une dizaine d’année pouvait faire preuve de plus d’attention. Isadora était dans l’abus, mais ça ne l’empêchait pas de le penser. Et la mauvaise fois qui suivit sa cousine n’aida pas à calmer ses pensées toutes dirigées vers la jeune femme. Mauvaise foi. Ce syndrome devait être de famille, un point qu’elles avaient en commun. Elle resta bien silencieuse, luttant de garder le sarcasme qui démangeait ses lèvres. Pourtant, qu’est-ce que ça aurait été si bon de pouvoir faire connaître ses pensées à la jeune femme. Non, la définition de Salem n’avait définitivement rien à voir avec la sienne. Peut-être devrait-elle lui chanter pour que sa cousine s’en aperçoive. Elle soupira, se souhaitant à elle-même du courage pour poursuivre cet après-midi qui venait tout juste de commencer.

« Pardon. Tu crois ? » Un regard dédaigneux s’accentuant par ses mots, ce fut plus fort qu’elle d’exploser ainsi. Si le cours datait d’un mois, elle aurait pu entendre ce doute, mais ce n’était pas le cas. Elle inspira longuement en venant fermer ses yeux un instant pour garder son calme. S’il ne s’agissait pas de Salem à côté d’elle à cet instant la gryffondor n’aurait pas prit la peine de faire toute cette comédie. Elle aurait hoché son menton puis avancé sur le sujet. Là, tout était différent, il s’agissait de sa cousine et Isadora prenait sur elle depuis le début, du moins elle essayait. Salem ne semblait pas vouloir y mettre du sien et c’était l’agacement qui l’emportait sur le reste. Cette histoire risquait de finir dans un bain de sang. Évidement, verbalement, elle n’avait rien de violente dans ses gestes. Peut-être auraient elles dû finalement prévenir Azraël de cet après-midi. C’était désormais trop tard pour y penser. « Imperméabilité, oui. » Marmonna-t-elle en tirant leur manuelle de cours pour venir le planter sous le nez de sa cousine. Elle se racla la gorge pour laisser le sujet clos derrière elle et afin de venir parler du sort en question. « L’impervius est un sortilège d’imperméabilité. Il permet à celui qui l’utilise de repousser les substances d’une surface. » Elle marqua un silence en venant parcourir de ses yeux les pages du livre devant elles. C’était sa façon de se calmer, mais aussi de voir par où attaquer le sujet qui les intéressait toutes les deux. Petit à petit, le sarcasme, le mépris, tout était très loin et Isadora devenait douce en prenant soin d’expliquer chaque détail du sortilège, de ses propriétés à ses gestes pour parvenir à le lancer. Elle était loin d’être une mauvaise personne, c’est juste l’image qu’elle aimait renvoyer au gens, aussi une façon pour elle de rester maître de tout ce qui l’entourait. La gryffondor s’arrêta un instant pour vérifier que sa cousine suivait et lui demanda gentiment. « Tu as des questions ? » Mais derrière ce calme, un rien pouvait la faire switcher de nouveau, malgré sa patience légendaire. « D’ailleurs Salem, le sort pourrait t’être utile un jour de match s’il pleut. » Elle glissa l’information, bien qu’elles étaient dans deux maisons différentes et que la réussite de ce sort pouvait être un gros avantage. Sans doute, car elle n’aimait pas le Quidditch et se fichait bien de la coupe et aussi, car si elle pouvait aider Salem, elle serait toujours présente désormais. Isadora était particulière à sa façon, parfois odieuse, elle ne restait pas moins fidèle à sa famille.

Maladroite. Isadora avait beau vouloir soutenir sa cousine, il arrivait toujours un moment ou elle échouait. C’était comme si une part d’elle ne pouvait s’empêcher d’être arrogante s’en même s’en apercevoir. Elle le comprit en l’entendant répéter ces mots ‘mon…groupe’ et une once de culpabilité la piqua. Preuve qu’elle n’était pas si mauvaise qu’elle souhaitait le faire croire à toute l’école et aussi qu’elle était loin d’être la réplique parfaite de son père. Pourtant, ça ne l’empêchait pas de marcher dans les pas de ce dernier, de leur famille et de marquer par la même occasion un fossé entre elle et sa cousine. En quoi la musique pouvait avoir une si grande place dans la vie de la poufsouffle ? Elle baignait dans l’incompréhension totale face à Salem et tristement, elle ne semblait pas chercher à comprendre pour autant. La vérité était bien plus complexe qu’un simple désintérêt. Formatée depuis son enfance à se dépasser, à être la meilleure, elle en avait délaissé une part importante de sa jeunesse, ses rêves. Isadora aussi avait des rêves, mais elle avait su les faire taire à jamais pour le bien de ses parents et de son grand-père, prenant ainsi la responsabilité d’offrir cette gloire à sa famille. « Tu te dois d’être parfaite. » C’était gravé au fer rouge contre sa peau, brûlant et douloureux et pas un seul jour ne s’écoulait sans que cette pensée ne vienne tournoyer dans sa tête. Obsession maladive et malsaine, elle ne savait pas encore combien de temps, elle finirait par tenir. Le risque étant de s’écrouler et de ne jamais réussir à se relever. Isadora n’avait pas le droit à cet échec alors elle continuerait de briller et de s’éloigner des avis divergeant du sien inconsciemment.

Alors oui, la musique, elle ne parvenait pas à comprendre. Peut-être devrait-elle un jour se rendre à un concert ou une répétition de Salem afin de mieux saisir l’importance de ce groupe aux yeux de sa cousine. Ça restait une option envisageable et qui étrangement ne semblait pas la déranger. C’était sans doute la piqûre de culpabilité qui venait la faire penser de la sorte. Peut-être que cela l’aiderait à chasser l’inquiétude qu’elle portait à la jeune femme. Isadora avait les pieds sur terre, trop pour certains, et son inquiétude pour Salem était présent. Elle craignait de la voir encore échouer et c’était une sensation désagréable. Elle tenait à la voir réussir n’ont pas pour elle, mais bien, car la jeune fille le méritait. Salem était son aîné et une part d’Isadora l’admirait pour ses convictions férocement ancrées. Secret bien gardé, elle restait pudique et il lui était inconcevable de l’avouer. Cette admiration, provoquait aussi une fierté et un profond attachement. C’est pourquoi elle s’inquiétait de l’avenir incertain de la jeune femme et la musique lui semblait bien plus floue de réussite.

« Je n’avais pas pensé au balai. » Avoua-t-elle en pinçant ses lèvres. Isadora avait une connaissance assez réduite au sujet du Quidditch. Elle le reconnaissait volontiers tant, elle détestait ce sport. « Mais aux lunettes de protection, ça t’aiderait à mieux voir. Avec ce sort fini les soucis de pluie, et même de buée. » Petite fierté de parvenir à trouver une utilité à ce sort, peut-être qu’ainsi Salem réussira  le retenir mieux. Isadora y croit et compte bien tout faire pour y réussir.

Elle écouta attentivement sa cousine, prenant le temps de hocher son menton à la fin. Elle doutait un peu de l’intention de la jeune femme, avait-elle vraiment écouté au cours dernier ? Isadora n’avait pas de souvenir précis, leur place étant assez éloigné. Toutefois, elle garda tout commentaire, décidant d’aller dans son sens. Si elle jouait le jeu, tout pourrait peut-être bien se passer. Du moins, elle allait essayer de faire taire son sarcasme pour la fin de leur session de révision. Elle n’avait qu’à voir le bon côté de chaque chose qui sortirait de la bouche de sa cousine. Alors si elle souhaitait tout revoir, elle n’allait pas s’y opposer. « Oui, c’est même mieux ainsi. Comme ça, tu pourras revoir ce qui aurait pu t ‘échapper. » Un sourire. Sincère et doux, car oui Isadora ce n’est pas que de la moquerie et de la méchanceté.

Tirant doucement son sac posé au bout de la table, elle vient en sortir son carnet de notes. Elle récupère celle du cours de sortilège avant de les tendres à Salem. « On va partir de mes notes. » Elle ferme le livre qui se tenait jusqu’à présent entre elles. Trop d’information risquait d’être contre-productive et c’était une très mauvaise idée. « On va se contenter de l’essentiel, les origines, tu peux t’en passer. Le reste, c’est plus important. » Leur professeur serait sans doute en désaccord avec l’opinion d’Isadora, mais pour l’heure la gryffondor n’avait qu’un but : que Salem retienne le sort. « Tu dois bien garder en tête que l’Impervius ne va pas annuler la pluie ou l’eau, mais ouvrir une voie. Par exemple, imaginons, tu souhaites jouer un mauvais tour à Az en faisant une fuite d’eau dans sa chambre, ou mieux en laissant la pluie y rentrer.» Un sourire malicieux vient glisser malgré elle sur son visage. « Afin de protéger ses affaires, tu peux utiliser le sortilège d’Impervius, ainsi, tu viens ouvrir une voie ou la pluie ne peut pas rentrer. Ainsi la farce à lieu, mais tu ne risques pas d’abîmer ses affaires précieuses et nous savons toutes les deux combien il serait insupportable si ça arrivait. »

L’exemple sembla fonctionner au vu de la réaction de Salem et la griffonne s’en félicita. Auto-satisfaction personnelle, elle se sentit fière de parvenir à susciter un intérêt dans sa tête. Après tout, elle venait de réussir là où leurs enseignants semblaient lamentablement échouer. Bien entendu, ils ne pouvaient pas satisfaire chaque élève avec un exemple différent, ça serait bien fastidieux pour eux. Cependant, ça ne lui enleva pas sa satisfaction du moment. « Si jamais tu l’utilises sur lui, on ne se connaît pas. » Telle une dealeuse, son air s’assombrit après avoir offert cette petite carte joker à Salem. Elle esquissa un rictus malicieux, s’imaginant la réaction dépitée de son frère si un coup pareil venait à lui arriver. Il répliquerait sans aucun doute et Isadora ne voulait pas se retrouver au milieu, bien qu’elle l’aurait cherché en soumettant l’idée. Des idées qu’elles avaient pleins la tête. Très souvent, elle suivait Azraël et Salem dans leurs idées foireuses, prête à les sortir à la moindre difficulté. Alors penser qu’elle pouvait tout comme eux être à l’origine d’idée merdique, c’était compliqué d’y croire. Pourtant, elles étaient là dans sa tête, à l’exception qu’elle savait parfaitement comment s’en sortir. « Du jus de citrouille ? » Ses lèvres se pincèrent entre elles face à la question de sa cousine, elle lui sembla tout à fait intéressante et son esprit hésitait à répondre. Elle n’était pas certaine que ça fonctionne, toutefois, il s’agissait d’un liquide alors le sortilège d’imperméabilité devait aussi pouvoir faire effet. « Je ne sais pas, nous pourrions essayer, j’imagine, pour notre pratique personnelle. » Elle planta son regard bleu dans celui de sa cousine. Peut-être que pour une après-midi de pratique de sort, Isadora viendrait accompagner de jus de citrouille. Ça pourrait motiver d’autant plus Salem si elles venaient à tenter cette petite expérience inoffensive. Après une part d’elle restait curieuse sur sa question. Si elle voulait savoir, c’était que la poufsouffle avait forcément une idée derrière la tête.

Toutefois, la curiosité devrait attendre, car à l’heure actuelle, elle devait rester concentrée sur le cours particulier qui se déroulait à cet instant. Elle hocha doucement son menton, Salem semblait ne pas avoir si mal compris. « Si tu veux, c’est comme si ça rendait étanche toute la surface que tu ensorcelles en repoussant le liquide qui pourrait venir dessus. Donc si on part sur cette base, ça peut faire penser à deux aimants. » Elle s’arrêta un moment en venant se saisir un de ses parchemins qui traînait sur le bord  de la table. « Si ce parchemin ne subit pas le sortilège, il va finir trempé, car l’eau sera passée à travers. Imagine maintenant que tu as ensorcelé ce parchemin. » Elle prit sa plume et l’approcha du parchemin. Elle arrêta la pointe à quelques centimètres au-dessus pour la faire glisser autour sans jamais toucher le papier, avant de reprendre sa chute vers le sol. « La voie que je te parle se crée autour, si le liquide voulait continuer tout droit, il ne pourrait pas car on le repousse. L’eau ne disparaît pas pour autant, elle continue sa trajectoire. »

Elle reposa délicatement sur la table sa plume et son parchemin, ses instruments d’exemples pour l’heure. Tout cela semblait si logique dans sa tête qu’elle espérait avoir été assez clair pour que ça le soit avec sa cousine. Isadora jugeait que c’était primordial de comprendre le procéder d’un sortilège et sa réaction pour le maîtriser plus facilement. C’est ainsi qu’elle avait toujours fonctionné, c’est ainsi que leur grand-père lui avait toujours expliqué les choses, enfants. Et ça avait fonctionné. Alors, oui, elle comprenait très rapidement, c’était son point fort. Elle reconnaissait avoir une facilité-là ou Ozwald son aîné avait du travailler beaucoup plus dure. Elle comprenait et pourtant, ça ne l’empêchait pas parfois d’être injuste, face à la médiocrité de ses camarades. Ça l’agaçait, car la médiocrité, on lui avait appris à la détester. Cependant, avec Salem, elle veillait à ce moment à rester calme, la poufsouffle avait une importance à ses yeux et ça faisait toute la différence. « Si ça va pour toi, on va travailler ton geste maintenant ? Sans baguette pour commencer juste ta main. » Elle craignait de créer un incident dans la bibliothèque et elle tenait un peu trop au lieu pour ça. Elle leva sa main droite et lentement effectua le mouvement avec habilité pour laisser le temps à sa cousine de l’observer. « À ton tour. »

« C’est promis, nous commencerons par de l’eau, mais ensuite avec du jus de citrouille. » Elle opina de la tête pour appuyer ses mots, ravie de voir Salem subitement plus intéressée par cette après-midi de cours particulier. « J’apporterais le jus. » Ajouta-t-elle pour souligner sa bonne fois. Après tout, cette petite expérience pourrait se montrer très enrichissante si toutefois elle venait fonctionner. Le cas contraire lui semblait très peu probable, le sortilège par logique devrait fonctionner peu importe le liquide. Sa curiosité venait de s’éveiller. Elle hésita à se le noter sur un bout de parchemin, pour venir appuyer davantage sa bonne volonté, mais elle doutait d’oublier et ça lui semblait être de trop. Elle l’attendrait avec du jus de citrouille la prochaine fois et loin de la bibliothèque, c’était une promesse à laquelle elle veillerait précieusement.

Pendant qu'elle venait manipuler sa plume et son parchemin, Isadora avait veillé à être le plus clair possible. Le but n’était pas de prendre sa cousine pour une idiote, elle aurait l’occasion de le faire plus tard. À cet instant, elle souhaitait sincèrement lui montrer de la manière la plus simple. Le sortilège n’avait rien de très compliquer et elle ne doutait pas de sa compréhension. Après tout, le problème venait très souvent des professeurs. Pour certains, heureusement pas tous, il n’y avait qu’une manière d’enseigner. Ils en venaient à oublier que chaque élève restait différent et que leur méthode pouvait se montrer mauvaise. Elle s’en était très souvent aperçue en observant ses camarades venir décrocher des cours. La faute était bien souvent partagée, mais élèves comme professeurs, aucun ne se remettait en question.

Un petit sourire d’encouragement, elle scruta chaque geste de sa cousine, détaillant et notant mentalement ce qu’elle pourrait lui faire corriger. Il y avait ce mouvement de poignet par exemple qui manquait de souplesse et risquait d’impacter le lancer. Un détail qui semblait anodin, mais qui au fond avait toute son importance pour le lancé du sort. Ce n’était pas impossible de le corriger et c’était le principal, tout comme cette vitesse. Isadora pinça ses lèvres alors qu’une petite remarque lui chatouillait la langue, mais elle prit sur elle. L’après-midi prenait un tournant agréable et elle ne souhaitait pas venir gâcher cela. Pourtant, c’était si tentant de simplement laisser exploser une bombe. Elle garda ses remarques sarcastiques en elle. Pour sa cousine, elle pouvait bien faire un effort aujourd’hui. La griffonne vint tapoter le poignet de sa cousine. « Essaye d’avoir plus de souplesse quand tu tournes ton poignet. Regarde, comme ça. » Elle lui montra de nouveau le mouvement, son poignet tournait habilement et avec une certaine légèreté. « Et penses à prendre ton temps pour bien ancrer le mouvement en toi. C’est idiot, mais à force, tu le feras machinalement et la rapidité finira par arriver. » Des détails, elle en avait bien conscience, mais ils pouvaient faire leurs différences sur tout un tas de sortilège. C’était une conviction et sans doute que son désir de perfection venait s’ajouter à ses propos. « Aller encore une fois, puis on arrêtera là pour aujourd’hui. »

Il y avait quelque chose finalement d’agréable de passer ce temps d’étude avec Salem. Son esprit était totalement occupé, centré sur la jeune femme à ses côtés. Isadora en avait presque oublié ses propres problèmes du moment. Ils étaient bien évidemment non loin de la surface de ses pensées, mais assez en retrait pour lui laisser un petit temps de répit. Ça en était plaisant. Puis, là ou elle n’était venue que part désir de flatter son propre ego, Isadora avait fini par sincèrement éprouver du plaisir d'aider sa cousine. Elle n’était pas prête à lui avouer, mais pourtant cette après-midi n’était pas si déplaisante. C’était sans doute une des raisons pour lesquelles elle, c'était petit à petit adoucit. « La prochaine fois, on pratiquera à lancer le sort, ramène un objet à toi que tu ne souhaites pas tremper. » Un peu de motivation pourrait sûrement motiver la poufsouffle à mieux exercer le sort.

Leur petite après-midi touchait à sa fin. Isadora n’était pas sadique au point de faire endurer une session de révision plus longue à Salem. Cette dernière avait déjà assez donné de sa personne, tandis que la griffonne commençait à sentir la fatigue pointer le bout de son nez. Pendant que Salem exécutait de nouveau le mouvement du sortilège Impervius, sans baguette, Isadora laissa ses pensées la submerger. Une fraction de seconde suffit pour que le goût âcre de l’angoisse baigne de nouveau sa bouche, qui se profilait dans l'ombre. Fuis. Elle avait définitivement besoin de se retrouver seule. « Bravo », souligna-t-elle en voyant la Poufsouffle se tourner souriante vers elle. Du coin de l'œil, elle perçut le mouvement de la jeune fille quand elle pivota son visage, lui permettant de faire de même, comme un automatisme. En vérité, la jeune sorcière n'avait qu'un vague souvenir du geste exécuté précédemment par sa cousine, ce qui était honteux de sa part. Elle ne le fit pas pour autant savoir, prétextant n'avoir rien loupé. Et puis, avec la mine joyeuse de la Poufsouffle, ce n'était pas compliqué de deviner qu'elle s'était au pire améliorée. « Tu t'améliores bien. Encore un peu de pratique et tu seras capable de lancer ce sort à merveille. » Mais pour la pratique, Isadora et Salem se retrouveraient un autre jour, veillant toujours à ce qu'Azraël ne puisse pas les rejoindre. C'était plus pour elle-même que pour Salem cette précaution. Elle n'avait pas envie de se retrouver face à ce duo infernal lorsqu'il s'agissait de révision.

Elle ferma le livre face à elle, laissant le bruit sourd se répandre dans la pièce. La condition de Salem venant passer par-dessus, Isadora fronça les sourcils. Si elle refusait, elle risquait d’entacher sa relation avec sa cousine, mais surtout de mettre en doute ses propres capacités à transmettre. Ça ne lui plaisait pas, et dans sa tête, ses neurones cherchaient déjà une solution pour se tirer de ce coup. Les idées fusaient de tous les côtés, c'était comme une salle de classe avec plein de répliques d'elle-même. Chaque réplique proposait une solution à ce problème. Un rictus finit par glisser sur ses lèvres alors qu'elle se levait à son tour. « Deal. Mais j'ai le droit de m'entraîner aussi avec tes baguettes », lança-t-elle d'un ton menaçant mais subtil, car si elle venait à échouer, Isadora pourrait toujours se montrer très généreuse envers les baguettes de batterie. Salem était-elle prête à jouer avec le feu ? Ses pupilles brillèrent d’une étrange lueur, comme à chaque fois que ses pensées déviaient vers une facette plus sombre de sa personnalité. En bonne cousine, elle la rassura toutefois : « J'apporterai d'autres objets pour t'entraîner avant. »

Terminant de ranger leur table d’étude et glissant ses feuilles de parchemin dans sa sacoche, Isadora ne releva son visage qu’une fois que sa cousine s’adressa de nouveau à elle. Pendant un instant, la sorcière se figea, ne s'attendant pas à des remerciements. Cela eut le don de réchauffer son cœur avant de lui arracher un sourire doux, un peu comme ceux qu’elle réservait enfant à son frère et sa cousine. Le temps avait bien passé depuis, mais tout n’avait pas totalement changé en elle. « Un cas comme toi ? Tu es une bonne sorcière, Salem. Chacun avance à son rythme », déclara-t-elle, ce qui était rare venant d'elle, elle qui exécrait la médiocrité. Demain, elle soupirerait probablement de nouveau face à la faiblesse scolaire de sa cousine, mais pour aujourd’hui, elle décidait d’abandonner. Après un dernier sourire, elle la regarda s’éloigner définitivement avant d’attraper ses affaires et de disparaître à son tour.