Teddy avait enfin reçu un peu d’argent de poche de sa mère. Enfin, plus exactement, cette dernière avait accédé à sa requête de récupérer l’argent qu’elle avait gagné pendant l’été pour ces menues dépenses de l’école. Elle avait bien entendu prétexté quelque chose comme le déguisement d’halloween, de quoi rapiécer ses gants en peau de dragon. Sa mère n’était probablement pas tout à fait dupe quant à l’usage réel de cet argent, mais Juniper n’avait pas trop rechigné. Teddy n’avait pas pour habitude de lui demander quoi que ce soit, elle connaissait d’avance la réponse : si tu veux quelque chose travaille et gagne de quoi te le payer. Difficile dans ces conditions de lui refuser un retrait à la banque. Chez les Von Meissen, l’argent était une denrée rare. Teddy était abonnée aux cadeaux de Noël ou d’anniversaires utiles, cet hiver elle aurait droit à une nouvelle paire de chaussure et elle espérait, des soutiens-gorges à sa taille. Le sortilège de Maximilianna l’avait bien dépannée mais ne faisaient pas de miracle sur l’usure.
Mais ce n’était pas ce à quoi allait servir le virement maternel. La poufsouffle avait quelques dettes à régler, notamment auprès d’Irvin Hunter qui l’avait dépannée d’un joint un début d’année. Maintenant qu’elle avait mis la main sur un peu de matos, il valait mieux ne pas laisser traîner ça. Elle avait l’avait roulé avec soin, et glissé dans sa poche. Ce serait plus discret que de refiler ça dans un parchemin ou un livre : ni elle ni lui n’était très versé dans l’étude. Il fallait maintenant trouver le septième année. Elle avait fait tous les coins où il traînait habituellement : salle inutilisée, salle sur demande (en tout cas s’il était là, la présence de la jeune fille n’était pas bienvenue, aucune porte ne s’était ouverte), terrain de quidditch… Elle avait passé une tête dans la salle commune de sa maison sans qu’on puisse la renseigner. En temps normal, elle se serait découragée et aurait attendu le petit déjeuner, mais l’affaire en question avait tout de même besoin d’un peu de discrétion.

Et elle se connaissait : si ça traînait trop longtemps dans sa poche, ce serait vite fumé…Si ce n’était Dmitri – il fallait bien un mec sérieux dans l’équipe – aucun de ses amis n’aurait vraiment refusé l’occasion. Dans un éclair de lucidité, elle se dit qu’il était peut être en retenue dans la salle des trophées. Elle pouvait toujours jeter un œil et lui dire de le rejoindre plus tard. Du moins si c’était Veturia qui surveillait. Sinon elle aviserait. Mais elle n’eut pas besoin de réfléchir plus longtemps, puisque la porte était entrebaillée. Pas de retenue. Elle la poussa sans frapper, mais sans discrétion non plus.

Ce n’était pas Irvin qui était là. Mais son frère. « Salut. Caelan, c’est ça ? » Elle n’était plus vraiment sûre du prénom. Il faut dire que ce n’était pas vraiment le genre de choses dont elle discutait avec son frère. « Dis-voir, j’ai un truc à filer à ton frère, et j’ai fait tout le château sans le trouver. » Teddy le dérangeait visiblement en pleine lecture, mais elle n’en avait pas pour longtemps… « Tu sais où il est ? J’imagine qu’il a un date.» Du coup s’il n’était pas là, le taux de probabilité qu’il soit fourré avec une meuf était quand même très élevé. « Tu voudrais bien…prendre la commission ? » Après tout, ça vaut le coup de tenter. Elle a vraiment la flemme de se retaper tout le château dans tous les sens.

@Caelan E. Hunter

Caelan n'avait pas du tout l'habitude de traîner ici. Les trophées et les médailles ostensiblement mis en valeur aux murs, et sur lesquels ne figurait pas le nom des Hunter, ne lui inspiraient qu'une légère indifférence. Et puis il n'avait jamais été mis en retenue de toute sa scolarité. S'il était entré dans cette salle, c'était parce qu'il pleuvait dehors, que la salle commune des Serdaigle était bien plus bondée et bruissante que d'habitude, tout comme la bibliothèque. La salle sur demande était prise. Les salles inutilisées du quatrième étage, il n'y allait jamais, il se passait souvent des choses un peu louches là-bas.

Il aurait pu aller tout simplement dans son dortoir, mais nul doute que ses camarades de chambre lui auraient demandé ce qu'il lisait et il n'avait pas vraiment envie d'avoir à justifier son attrait pour les "Créatures magiques dans le folklore moldu". Un livre véritablement passionnant qu'il avait emprunté hier et qu'il voulait à tout prix terminer aujourd'hui. Pour ça, il ne devait pas être dérangé et quoi de mieux qu'une salle de retenue sans retenues ? Satisfait de son choix, Caelan s'était installé à une des tables du fond. Ca lui permettait de garder un oeil sur les deux entrées/sorties de la pièce. Au cas ou quelqu'un comme Shayne débarquait sans prévenir d'un côté, il lui suffirait de calculer le bon moment pour partir en trombe de l'autre.

Les minutes s'étaient égrénées sans qu'il ne s'en rende compte. Le dos bien droit, les pieds bien à plat, les yeux rivés sur son livre qu'il tenait à deux mains, le jeune Hunter buvait la description du Long, le dragon chinois au corps serpentin et à la gueule barbue. Comment ce dragon pouvait-il voler s'il n'avait pas d'ailes ? Ce n'était pas logique. Décidément, les moldus avaient beaucoup d'imagination. Il lui poussait même des cornes en bois de cerf pour qu'il puisse entendre. Un léger rictus se forma sur les lèvres du garçon.

« Salut. Caelan, c’est ça ? »

Le Serdaigle sursauta et il tourna la tête vers la voix qui venait de surgir de la porte la plus proche. Pendant une seconde, avec ses grands yeux, il avait l'air d'une bête acculée mais il se reprit rapidement et se morigéna mentalement. La vigilance était de mise quand il était seul, que ce soit dans le château ou à l'extérieur, et il s'était trop laissé embarquer par ce qu'il lisait.

"Bonjour, Teodora", répondit-il poliment en posant son livre sur la table. A treize ans passés, sa voix n'avait pas encore mué et son timbre restait trop fluet à son goût mais il n'y pouvait rien. De toute manière, pour ceux qui avaient connu son grand frère Callum, pour ceux et celles qui s'étaient lié d'amitié avec son grand frère Irvin, il resterait sans doute à jamais le 'petit' Hunter. Teodora Katarina Von Messein par son père, Greengrass par sa mère, pensait sûrement ça de lui et pas grand chose d'autre. Ca ne le dérangeait pas plus que ça.

Que pouvait-elle bien lui vouloir, elle qui ne lui avait de mémoire jamais adressé la parole en deux ans ? Les yeux légèrement plissés, il attendit patiemment et dans un parfait immobilisme l'explication de la quatrième année. Ca lui donnait aussi le temps de calmer un peu les battements de son coeur. Du moins, c'était le projet initial, avant qu'elle ne lui dise qu'elle ne savait pas où était Irvin. Caelan avait mémorisé par coeur l'emploi du temps de son grand-frère et le nom des personnes qu'il appréciait cotoyer. Quand Irvin avait cours ou était avec des ami.es fiables, pas besoin de le traquer. Mais là, c'était la fin de semaine et une de ses amies avait fait tout le château sans le trouver ?

Son grand frère était encore en train de faire une bêtise. Ca pouvait être un date comme le suggérait Teodora. Ca pouvait être pire.

Après un lent et discret soupir, Caelan se leva gracieusement de sa chaise et prit son livre dans la paume de sa main gauche. Puis il s'avanca à pas mesurés vers la 'grande' tout en retenant son envie de déserrer sa cravate qui l'étranglait un peu. Seuls ses sourcils légèrement froncés pouvaient trahir son agacement. "Non, je ne sais pas où il est. Mais je vais le trouver. Dans quelles pièces tu as déjà cherché ?" Le garçon se tenait maintenant à une distance courtoise de la fille. Ils n'avaient vraiment qu'un an de différence ? Elle devait faire une bonne tête de plus que lui.

"Je prends la commission", déclara Caelan en tendant la paume ouverte de sa main droite. Le menton relevé, le visage neutre, il la regardait droit dans les yeux. Que pouvait bien être ce truc qu'elle voulait filer à Irvin ?

La jeune fille lança un sourire contrit à Caelan qui avait sursauté à son approche. Elle ne comprenait pas vraiment comment on trouvait l’envie de se poser suffisamment longtemps pour lire. Mais…elle devait avouer que quand elle se plongeait dans les partitions ou la composition, le monde pouvait trembler à côté d’elle sans qu’elle ne bouge d’un poil. Il avait l’air un d’un faon pris dans la lumière. Teddy ne se trouvait pourtant pas si inquiétante. Elle le laissa jauger la situation. Et faire un mauvais choix. Elle soupira. Qui dans ce château, s’emmerdait encore avec son prénom chiant de bourgeoise en entier. Cela échappé encore de temps à autre à Maxi. Les professeurs l’appelait surtout par son nom de famille heureusement. Elle arqua un sourcil agacé, avant de blaguer à moitié : « C’est Teodora Katarina Von Meissen et on se vouvoie, ou c’est Teddy, Teo, Ted, fait ton choix. » Il n’était quand même pas coincé au point de la vouvoyer ?

La poufsouffle se sentit légèrement sondée par le regard suspicieux du troisième année. C’était un peu…étrange. Elle avait l’impression qu’il se jouait bien plus dans sa tête qu’une simple explication. Ça sentait les emmerdes ? Elle, elle avait juste une dette à régler, elle n’était pas médiatrice sociale des familles. Le gamin soupira, rangeant ses affaires comme un ministre ennuyé avant de lui répondre avec la même tête que sa mère quand elle égarait un papier. « Le terrain de quidditch, les vestiaires – filles et garçons – , salles inutilisées, salle sur demande, balcon du monde, sa salle commune…franchement à part les salles de bains des mecs et des préféts, je crois pas que j’ai loupé un endroit. Sauf s’il est aller se fourrer dans la forêt ou la bibliothèque. » La dernière option était bien évidemment une blague, elle n’avait jamais vu Hunter ouvrir un bouquin. Comme Kenneth et elle, les feuilles lui servaient surtout à faire s’évaporer leurs neurones, pas à remplir leur cervelle.

Il y avait un peu de défi dans la posture du garçon. Cela amusa Teddy qui baissa les yeux vers lui, sortit le joint sans toute fois le poser dans sa main. « Je lui enverrai un hibou. Pour le prévenir que ma dette est payée. » C’est que cette merde coûtait cher et si Caelan décidait de le fumer ou de ne pas lui donner, ils s’arrangeraient entre eux. Si elle ne tenait pas précisément les comptes avec ses amis, Irvin n’en faisait pas réellement parti. Bien sûr ils se croisaient en soirée, Ok, ils s’étaient embrassés l’année dernière, mais ce n’était pas non plus un gars sûr. « N’oublie pas. » dit-elle en déposant le joint soigneusement roulé dans la paume du garçon.

Teodora n'avait pas apprécié qu'il l'appelle par son prénom, sûrement parce qu'elle ne l'aimait pas. Mais aucune des suggestions alternatives qu'elle avait proposé ne plaisait à Caelan : le nom complet était trop long et tout le reste était bien trop familier. La bienséance imposait de ne pas user de diminutifs avec des personnes qu'on ne connaissait pas bien. Alors le petit Hunter avait simplement hoché la tête pour montrer qu'il avait bien compris sa requête. Le choix entre Teddy, Teo ou Ted pouvait attendre et, le temps qu'il se décide, il lui suffisait simplement de ne pas la nommer.

Il l'avait écouté avec attention, rayant mentalement de sa liste les lieux où Teodora avait déjà cherché Irvin. Le simple fait qu'elle évoque la bibliothèque le fit souffler sèchement entre ses dents. Si seulement. Si seulement Irvin était resté le grand frère sage, travailleur et effacé. Si seulement il avait pris la suite de Callum et préservé le cercle protecteur autour d'eux, ça aurait évité bien des problèmes. Maintenant, c'était à lui, le petit frère, de faire attention au grand et à ses fréquentations. Problème : il n'y pouvait pas grand chose. Et ça, Caelan en était parfaitement conscient.

Les yeux du garçon s'écarquillèrent légèrement quand il vit ce que Teodora tenait dans la main. Sérieusement ? C'était ça qu'elle voulait donner à Irvin ? C'était ça qui ne pouvait pas attendre ?

Caelan serra les dents. Dans sa tête s'écrivait un scénario à embranchement multiples, et aucun de ces embranchements n'avait une fin heureuse. S'il ne disait rien à Père, ce dernier finirait de toute manière par le savoir et le soupçonnerait d'avoir voulu lui cacher la vérité, et ça, Caelan ne le souhaitait pas. S'il disait tout, Père allait demander les noms de celles et ceux qui consomment avec Irvin et le connaissant, il n'en resterait pas là.

Incertain sur la meilleure manière de procéder, le garçon scrutait du regard le joint qui était maintenant dans sa main. Jamais de la vie il ne fumerait un truc pareil. Ca sentait bizarre, la même odeur qu'il reniflait parfois en passant devant des grands qui sortaient des toilettes ou revenaient de dehors. Il glissa immédiatement ce truc nauséabond dans la poche intérieure de sa robe. Mieux valait qu'il ne soit pas vu avec ça, sinon il allait rapidement revenir dans cette salle et pas de son plein gré. Ceci dit, il était peut-être temps qu'il ait enfin une retenue... il fallait surtout que le motif soit bien répété à tout le monde. Ca alors ! Le petit Hunter tout calme et bon élève est un bad boy, comme les grands. Ca lui ferait un début de réputation. Fausse, la réputation, mais ça n'avait jamais été un problème et comme un bon Hunter, il ne ferait absolument rien pour dissiper les rumeurs à son sujet. Père comprendrait. Il approuverait même sûrement.

Finalement, Teodora lui faisait plutôt un joli cadeau. Il avisa à nouveau la fumeuse, les yeux légèrement plissés, un très maigre sourire au coin des lèvres et colla nonchalamment son épaule contre l'embrasure de la porte. "Ne t'inquiète pas, je ne vais pas oublier. C'est toi qui l'a roulé ?" murmura-t-il d'un air qui se voulait complice. "Je me suis toujours demandé quel goût ça a. Et ça fait quoi comme effet ?" Il attendit quelques secondes en scrutant sa réaction et fit mine de regarder à droite et à gauche dans le couloir avant d'ajouter, plus bas encore et presque timidement : "A qui je peux demander si je veux essayer ?" Ses lèvres se tordirent en une moue gênée. "Je veux pas qu'Irvin le sache."

Teddy ne connaissait pas vraiment Caelan, du moins pas plus que les quelques mots pas vraiment flatteurs qu’avait prononcé Irvin à son sujet. Elle n’y avait pas prêté spécifiquement attention, dans la mesure  où elle s’en battait un peu les reins des chamailleries entre frères de la haute. Clairement Callum ne l’avait jamais calculée, ou alors avec le même air que si elle était une trace de merde sur sa chaussure. Et Caelan était un bébé de seconde, de troisième année maintenant qui avait apparemment pour passion de coller aux basques de son frère pour le fliquer. Ce qui théoriquement, aurait dû lui facilité la tâche pour le trouver. Il ne prit pas vraiment la peine de se corriger sur son prénom… Elle n’était pas spécialement étonnée : si Irvin disait vrai sur sa famille, ça devait déjà l’étouffer un peu de lui faire la conversation.

La jeune fille n’était pas du genre à chercher la compagnie de quelqu’un qui ne voulait pas d’elle, mais elle était également têtue, et s’était donné une mission qu’elle tenait à mener à bien. Elle n’avait pas envie d’être la meuf qui taxe sans jamais rendre. D’ici à ce qu’il lui demande de l’embrasser pour payer les intérêts il n’y avait qu’un pas. Il était assez spécial Irvin, Teddy n’était pas vraiment sûre qu’il l’apprécie réellement et qu’il n’en profite pas un peu pour se moquer d’elle parce qu’elle était plus jeune. En tout cas, le petit frère était bien plus effarouché que lui, considérant son air choqué lorsqu’elle lui tendit le joint. Oh ça va, c’est pas non plus un truc fort. Faut se détendre. C’est avec un certain dégoût qu’il le rangea dans sa poche. Bon, autant pour sa crainte qu’il le fume sur le chemin. Il semble réfléchir.

Et jette un regard en coin à Teddy, sourire aux lèvres. Ça sent l’embrouille. Qu’est-ce que ça peut lui foutre qui roule quoi en achetant à qui ? Y’a deux secondes il était près à se décrocher les yeux plutôt que d’y toucher. « Yep. » répond-t-elle simplement. Ce ne serait pas la première fois qu’elle se ferait prendre, donc elle voulait bien l’admettre. « Un goût de plante, de tabac si c'est coupé, c’est surtout l’odeur qui est plus ou moins forte. Vomis pas dessus et lave ta robe avant de rentrer chez papa ! » dit-elle un peu moqueuse. « L’effet ça dépend des gens, du moment. Tu peux être détendue comme une carpette sur un canapé à regarder le plafond en pensant à rien, soit glousser comme un débile pour pas grand-chose non plus. Et si t’es dans un mauvais jour, bah ça peut juste te rendre lent comme une loque ou mega angoissé par le vide de l’existence. » Après tout, Caelan était un bébé, elle n’allait pas lui vendre la meilleure expérience de sa vie, des fois c’était cool, vraiment très très cool, et d’autres bon… Elle aurait mieux fait de s’abstenir. En tout cas, il valait mieux voir avec Dash qu’avec un sombre crétin dans une ruelle pourrie de Pré-O.

« Demande à un pote qui fume ? Il balancera pas à ton frère si ?» Alors là chaton, si tu penses que je vais balancer les copains qui fournissent, c’est un peu mort. Ils sont marrant tous les deux, finalement à vouloir s’éviter des balances, les deux frèros feraient bien de se rouler un spliff et d’arrêter de se casser les couilles. En plus, la plupart des gens s’en carrent d’Irvin non ? On fume pas pour le plaisir d’aller balancer les autres, c’est pas vraiment l’esprit. Mais elle évite bien de faire la remarque, pas ses oignons, plus on reste loin des sang-purs, des vrais, mieux on se porte. Et puis elle est curieuse de voir si le petit Caelan va insister. Après tout, elle pourrait le faire fumer. Mais sa première leçon serait qu’il vaut mieux choisir une salle avec des fenêtres.

Teodora avait le nez fin. Ca sentait effectivement un peu l'embrouille et, tandis qu'elle répondait, Caelan ne dévia pas son regard d'elle. Très concentré, il notait mentalement tout ce qu'elle voulait bien lui dire, mais aussi la façon qu'elle avait de lui dire. Il n'y avait pas forcément besoin d'être Legilimens pour repérer un mensonge ou de l'ironie. A ce petit jeu qui n'en était pas un, le petit Hunter avait encore des progrès à faire mais il se débrouillait.

La fille sang-pur avait l'air sincère, quoique peu prudente. Elle n'était pas gênée de parler de drogue à un quasi inconnu, se moquait un peu de son côté 'fils à papa' et de sa jeunesse avant de malgré tout l'inciter à fumer en lui expliquant les super sensations que ça pouvait lui procurer. Bon, elle parlait aussi des effets moins sympathiques, même si Caelan n'avait aucune idée de ce qu'elle voulait bien dire quand elle évoquait le 'vide de l'existence'. C'était encore un truc d'ado ? En tout cas, le Serdaigle comprenait mieux pourquoi Irvin avait parfois l'air, euh... dans les nuages et insensible à tout ce qu'il pouvait bien lui dire.

"Ca doit être agréable de ne penser à rien", commenta le garçon sans laisser transparaître d'émotion. Peut-être que c'était pour ça qu'Irvin fumait ? La tête de son frère, comme la sienne, devait être pleine de choses à penser, de gens à qui faire attention, de leçons à retenir, de petits secrets à préserver. Un Hunter était toujours à l'affût et ça pouvait être très fatiguant. C'était pire depuis le départ de Callum. Caelan avait l'impression que son Père lui en demandait encore plus cette année, vu qu'il ne pouvait visiblement pas compter sur Irvin. Et, en plus de tout ça, il avait l'obligation de rester parmi les premiers dans toutes les matières.

Si seulement fumer ce qu'il avait dans la poche aurait pu l'aider à avoir d'encore meilleures notes ou à gagner du temps sur ses devoirs, il aurait allumé le joint sur le champ. Il aurait testé, juste une fois, juste pour voir. Mais d'après Teodora, il y avait quand même de grandes chances qu'il perde le contrôle et qu'il passe pour un demeuré en gloussant comme un dindon. Et ça, il ne pouvait pas se le permettre.

Toutes ses tergiversations en interne se résumèrent pour Teodora par un simple soupir. Mais tout de suite après, le garçon fronça les sourcils, les yeux toujours rivés sur la grande. Pourquoi était-il quand même tenté ? Tout en essayant de lutter contre ce désir naissant et indésirable, il résuma en quelques mots ce qu'il pensait de la fille en face de lui : elle n'était pas bête, elle avait refusé de donner le nom des fournisseurs. Elle n'avait pas froid aux yeux. Elle avait l'air de se moquer des répercussions, malgré sa lignée. Pour le coup, il émanait d'elle une sorte de légèreté et d'insouciance dont le petit Hunter était à cet instant un peu envieux.

« Demande à un pote qui fume ? Il balancera pas à ton frère si ?»

Si, bien sûr que si. A Poudlard, beaucoup de choses finissaient par se savoir. Peut-être même que Teodora allait cafter toute leur discussion à Irvin à la première occasion. C'était une des possibilités qu'il avait calculé. "Je n'ai pas de potes qui fument", concéda-t-il en chuchotant. La vérité était plus simple encore : il n'avait pas de 'potes' tout court, à part peut-être Dmitri mais le grand blond ne fumait pas, ou alors il le cachait drôlement bien. "Et... Teddy... toi tu fumes. Je sais que tu n'es pas une pote, mais tu es la seule au courant." Il appuya le mot seule en ouvrant un peu plus les yeux. "Alors si ça ne te dérange pas, je préférerais passer par toi et surtout, que ça reste entre nous."

Dans quoi est-ce qu'il s'embarquait au juste ? Son instinct, sa logique, tout lui disait que c'était une très mauvaise idée, et il les collectionnait en ce moment. Il avait déjà bravé son paternel deux fois ces derniers mois, en choisissant de suivre le cours de Soin aux Créatures Magiques et en s'inscrivant sur la liste pour intégrer l'équipe de Quidditch de Serdaigle. La réaction de Père n'allait pas tarder, il le sentait. D'un jour à l'autre, il allait recevoir une lettre lui intimant de rentrer dans le rang au plus vite. Peut-être qu'il ne valait mieux pas en remettre une couche maintenant.

"Mais... enfin, je comprendrai si tu me dis non", fit le garçon en haussant les épaules avant de soupirer : "Tu as sûrement mieux à faire que de fournir un Troisième Année."

Teddy n’était pas du genre à être réticente quand il s’agissait de se poser avec quelqu’un et un joint, mais le comportement du jeune serdaigle éveillait un certain sens de la conservation. Qu’est-ce qu’il lui voulait exactement ? Lui attirer des emmerdes ? Elle ne l’avait pas attendu pour avoir quelques heures de colle, et objectivement, tant qu’elle passait d’une année sur l’autre, ses parents se moquaient bien de ce qu’il se passait à Poudlard.
« C’est reposant ouais. » dit-elle avec un sourire amusé. Ses pensées n’étaient pas d’une complexité folle, elle n’était pas comme Silas, n’avait pas pour objectif de changer le monde, ni même de lutter contre quoi que ce soit. Elle avait déjà tout un flot de pensées, de sentiments et d’envies qu’elle ne maîtrisait pas vraiment à dompter, et c’était le maximum qu’elle puisse faire. Alors parfois, oui c’était agréable de mettre ce flux sur pause, de regarder le ciel et d’imaginer des formes dans les nuages.

Que pouvait-elle dire de plus ? Le gamin semblait en grande discussion avec lui-même. Il soupira, sans qu’elle sache vraiment quelle en était la cause. S’il était gavé par les réponses, il ne fallait pas poser les questions. Et elle n’avait pas la journée. Alors il finit par faire sa demande, qui acheva de l’étonner. OK. Il cherchait définitivement à lui causer des emmerdes, ce n’était pas possible autrement. Il avait pris le shit comme un bâton de merde, et il fallait maintenant qu’elle partage ses tuyaux… ça sentait l’enfumage à plein nez, même pour Teddy. Elle botta en touche.

Caelan riposta avec des yeux de chatons. Mooh pauvre petit Si une part d’elle avait envie de se moquer – ce qu’elle ne manquerait pas de faire…L’autre ne mettait pas vraiment en doute cette affirmation. Elle ne voyait pas souvent Caelan accompagné, si ce n’était parfois de Dmitri. Dmitri l’Abstinent, qui s’il était premier sur la bagarre et les mauvais coups, éviter l’alcool, la drogue et les filles. Du moins à la connaissance de Teddy. Ça ne la gênait pas le moins du monde, puisqu’ils s’entendaient très bien quand il s’agissait de ne rien faire au fond du cours de botanique ou de trouver une connerie pour occuper un après-midi ennuyeux.
Et... Teddy... toi tu fumes. Je sais que tu n'es pas une pote, effectivement, à moins que tu deviennes pote avec les personnes avec qui tu échanges plus de deux mots d’affilée.manqua-t-elle de répliquer. Teddy n’était pas spécialement gentille, mais ce n’était pas une teigne non plus.
mais tu es la seule au courant."

Holy shit, c’est quoi ça, l’école de théâtre ? D’ailleurs elle était au courant de quoi ? Qu’il voulait essayer de fumer, comme 60% des ados, qu’il n’avait pas d’amis qui fumaient, comme 40% autres pourcents ou simplement qu’il n’avait pas d’amis tout court ? Il voulait quoi un câlin ? Si elle était honnête avec elle-même, elle l’aurait donné plus volontiers que le nom de ses amis qui avaient des contacts. Elle haussa un sourcil dubitatif. « Bah ouais, j’ai mieux à faire. Déjà parce que je fournis qued’ je suis comme tout le monde j’achète. Pré’O les ruelles sombres tout ça tout ça. » Ce n’était pas vraiment un mensonge, elle avait déjà acheté aux types chelous qui zonaient à Pré’O les week-ends, mais en général, il suffisait de demander à Dash, à Kenneth, à Silas ou à Saige. On était rarement en rad. Mais la petite tête de fouine en face d’elle n’en saurait rien. S’il voulait se fournir, il prendrait les mêmes risques que les autres et puis c’est tout.

Mais malgré tout… Teddy ne pouvait s’empêcher d’être tentée de tourner le garçon du droit chemin. Peut-être qu’il se trouvait malin à vouloir jouer les grands, à s’imaginer qu’elle ne se doutait pas que l’objectif était plus de l’emmerder ou d’emmerder son frère que de fumer quoi que ce soit. Peut-être aussi qu’il avait juste treize ans et qu’il était un peu paumé. Dans tous les cas, il aurait sûrement plus d’emmerdes qu’elle. La famille Hunter avait l’air méga relou, là où la sienne était seulement inexistante. Au pire elle ferait la déception de sa mère, se ferait engueuler par son père, une fois de plus, comme toujours qu’est-ce que ça changerait ?
« T’sais, si t’avais pas cette petite réputation de balance, ça motiverait quand même un peu plus à te dépanner. Mais bon, je vais comme si je te croyais de bonne foi une seconde. Tu me la fais à l’envers, t’inquiètes pas que je te rendrais la pareille. » dit-elle sur le ton de la conversation. Ce n’était pas une menace, la simple réalité. A la différence de Caelan, elle n’avait pas peur pour sa réputation. Ni de ses frères. S’il voulait jouer, les mêmes règles s’appliqueraient à tous les deux. Run for your life, baby

« Déjà première leçon pas ici, y’a pas de fenêtre qui s’ouvre. Suis-moi » dit-elle en quittant la salle des trophées, laissant juste le temps à la tête d’ampoule de remballer son bouquin avant de filer dans le couloir. A droite, à gauche, le petit escalier de service qui débouche sur l’extérieur du château. Ce n’est pas vraiment une planque, puisqu’après tout, c’est un escalier tout ce qu’il y a de plus classique et que la porte donne sur le parc. Mais deuxième leçon, à trop en faire on a l’air suspect.

Teddy s’assoit en tailleur sur le sol, sans trop de considération pour la propreté de ses vêtements et sort un cône déjà entamé. « Assied-toi, ouvre la bouche. » Puis se doutant que la proposition devait paraître incongrue au doux agneau en face d’elle, elle précisa. « Je te souffle la fumée dedans, tu tousseras moins. Je souffle, tu fermes la bouche. T’laisses bien descendre dans ta gorge. T’expires par le nez. T’attends deux trois minutes, je te laisserai tirer direct dessus si ça monte pas. » Est-ce que ce choix était uniquement dicté par le fait de ne pas le faire tousser ? Absolument pas. Déjà parce qu’il n’y avait aucune garantie qu’il ne tousse pas comme tout à chacun à ses débuts, ensuite parce qu’il ne lui restait qu’un demi-joint et qu’elle ne tenait pas à en gâcher s’il faisait n’importe quoi avec, et surtout parce qu’elle savait qu’il serait mal à l’aise de l’avoir si près de lui.
Ça se méritait une première fois après tout. Elle s’approcha de Caelan une fois qu’il fut prêt, pris délicatement le rouleau entre ses lèvres, mit ses mains en paravent de part et d’autres de leurs bouches, et souffla une longue taff à son camarade avant de se remettre à bonne distance.

Caelan se sentit soulagé que Teodora ne l'aie finalement pas pris en pitié. Il allait pouvoir s'extraire tranquillement de la situation dans laquelle il venait lui-même de s'empêtrer sans pour autant passer pour un pleutre. Il nota quand même qu'on pouvait se procurer ce genre de substance à Pré au Lard, que les Cool Kids de l'école appelaient familièrement Pré'O.

"Pré'O... d'accord", répéta-t-il en se remettant bien droit. Il était prêt à dire poliment au revoir à Teodora et à oublier les trente dernières secondes mais la rousse qui lui faisait toujours face embraya.

« T’sais, si t’avais pas cette petite réputation de balance, ça motiverait quand même un peu plus à te dépanner.»

Caelan ne put se retenir de froncer les sourcils. Il était sincèrement étonné. Depuis quand il avait une réputation de balance ? En deux ans à Poudlard, il était resté dans son coin à n'embêter personne et il n'avait jamais rien cafté aux professeurs ou au personnel, ni ce que faisait Shayne, ni ce que faisait Irvin. Il n'eut toutefois pas le temps de questionner Teodora à ce sujet car, à sa grande surprise, la fille venait de revenir sur son refus.

Par Merlin...

Elle n'était pas bête, elle avait repéré son petit jeu. Mais alors pourquoi persistait-elle ? Soit elle était trop gentille, soit elle se fichait des conséquences, soit elle était juste bizarre, porteuse d'une logique qui échappait au petit Hunter. Peut-être bien même qu'elle était les trois à la fois. Dans tous les cas, ça n'arrangeait pas ses affaires. "Euh", fut tout ce qu'il trouva d'intéressant à répondre à son avertissement avant qu'elle ne l'invite à la suivre. Il lui fallut un temps de latence avant de ranger son livre et d'optembérer, tout en se demandant pourquoi diable il le faisait. Il la connaissait à peine. Pouvait-il lui faire confiance ? Et si c'était elle qui se jouait de lui depuis le début ? Mais dans quel but ?

Le garçon en eut un frisson dans le dos, mais ce n'était pas comme quand Shayne débarquait à l'improviste. C'était un autre genre de frisson, celui qu'il avait eu en cochant Soin aux Créatures Magiques pour ses options de troisième année, ou quand il avait proposé sa candidature pour l'équipe de Quidditch de Serdaigle. Le sentiment prenant qu'il bravait un interdit, qu'il s'engageait dans un chemin inconnu parce que ce chemin n'avait pas été calculé pour lui. C'était vraiment pas bien, et un peu excitant aussi.

Teodora s'assit à même le sol dans une cage d'escalier. Le genre d'endroit exigu qu'il évitait d'habitude, où tout pouvait arriver, surtout si c'était louche. Un rapide coup d'oeil donna l'impression à Caelan que personne ne les attendait. Si traquenard il y avait, il était vraiment très bien préparé. Il ne comprenait juste pas pourquoi elle prenait la peine de s'asseoir. Ni pourquoi il devait s'asseoir lui aussi ni pourquoi il devait... ouvrir... la bouche...

Ok, il avait compris. Enfin, il était presque sûr que c'était ça.

"Mais..." commença Caelan, et le reste de sa phrase ne vint jamais. Il avait voulu de l'imprévu, il était servi. Les yeux plus ouverts que d'habitude, il écouta la Quatrième Année lui annoncer ce qui allait se passer de manière inévitable et son imagination de garçon prude de treize ans fit le reste. Il avait beau acquiescer de la tête aux consignes, il avait soudain la gorge un peu sèche : ce qu'elle proposait était tout à fait contraire aux bonnes moeurs et aux normes dont on lui avait bourré le crâne depuis sa plus tendre enfance. Il entendait déjà Callum lui intimer "Non" de sa voix de basse glaçante, ce qui lui donnait l'étrange sentiment que son aîné était là derrière lui alors qu'il avait quitté Poudlard un an plus tôt.

C'était clairement le moment de prendre congé et tant pis si Teodora se moquait et en parlait, lui soufflait sa 'bonne' éducation. Il observa la fille d'un air circonspect en se mordillant l'intérieur des lèvres, cligna des yeux, allez, juste une fois, puis s'assit en tailleur en face d'elle. Les mains crispées sur ses genoux et le coeur battant, il se répéta mentalement les consignes que la grande venait de donner : fermer la bouche, laisser descendre, expirer, attendre. L'essentiel était de ne pas paraître ridicule à ses yeux.

Quand elle approcha son visage près, bien trop près du sien qu'elle effleurait de ses mains, le garçon ferma les yeux, bouche ouverte et la lippe légèrement tremblotante. Le feu n'avait pas attendu la fumée pour monter à ses joues. Mais Caelan était consciencieux dans chacune des tâches qu'il décidait d'entreprendre. Malgré les remous chaotiques dans sa poitrine et cette fumée étrangère qui colonisait maintenant les parois de sa gorge, il appliqua bien toutes les consignes jusqu'au bout, n'ouvrant de nouveau les yeux qu'après avoir expiré par le nez.

"Ca v-" réussit-il à éructer avant de tousser une fois, deux fois, trois. Il inspira longuement et reprit d'une voix rauque qui sonnait étrangement à ses propres oreilles : "Ca va. Ca fait juste un peu bizarre." Il pensait plus au fait qu'elle lui ait soufflé dans la bouche qu'à la fumée elle-même. La substance ne lui faisait pas grand effet, croyait-il en lorgnant du côté des boucles de Teodora.

Il observa ses longs cheveux de longues secondes, plutôt perplexe. Elle était vraiment très rousse, en fait. C'était fou comme elle était rousse. Et bouclée.

Caelan avait envie de le lui faire remarquer et ne se retint que de justesse. Il sentait ses ongles raper le tissu de son pantalon au niveau de ses genoux et leur intima d'arrêter, avant de réfléchir à quoi dire d'intelligent à Teodora pour bien lui faire comprendre qu'il venait de réussir cette épreuve haut la main. Le mieux, c'était sans doute de converser comme si tout ce qui venait de se passer était tout à fait normal. "Euh... pourquoi tu dis que je suis une balance ?", l'interrogea-t-il en haussant un sourcil. Sa tête pencha mollement vers la droite sans qu'il ne songe à la redresser. "C'est par rapport à Irvin ? Parce que si c'est lui, je n'ai jamais rien dit à personne. Je m'inquiète, c'est tout. C'est mon grand-frère."

C'était normal, non ? songea Caelan en se redressant bien droit. "T'as des frères ? Ou des soeurs ? Des frères et soeurs ?"

La jeune fille se sent d’humeur joueuse… Peut-être que c’est une mauvaise idée, peut-être que le gamin va réellement lui mettre la misère. Mais quoi? Une retenue, un mot dans son gros dossier? Elle ne s’en inquiète pas vraiment, tant qu’elle ne met pas ses potes dans la panade, elle s’en sortira bien, ce n’est pas vraiment important. Mais s’il veut tester pour de vrai, et bien, elle compte bien lui sortir le grand jeu. Fuite par le petit escalier, et fumette au grand jour.  Enfin, un peu discrètement quand même, il ne faut pas abuser de sa chance.

Et puis elle ne va pas juste lui tendre le joint et le laisser tirer, déjà parce qu’elle n’est pas sûre qu’il y arrive. Et ensuite parce qu’elle a envie de lui retourner la tête un peu, à ce chaton timide. Ce n’est pas charitable, mais c’est amusant. La tête qu’il fait quand Teddy annonce les règles du jeu vaut le détour. Mais il ne se défile pas. Pourtant elle imagine que ce n’est pas l’envie qui lui manque. Il rougit, mais ouvre la bouche. Alors elle souffle lentement son poison. Le laisse fermer la bouche. S’étouffer à moitié, évidemment, ce n’est pas une technique avec 100% de réussite.

"Déso on a tous toussé un peu à un moment où un autre." elle lui offre un sourire compatissant. Moins moqueur. Après tout, il ne s'était pas dégonflé malgré son envie criante de fuir. "Ouais, laisse le temps aux effets de monter. Après y a des gens pas très sensibles." Ce n'était pas le cas de la jeune fille. Et probablement pas 100% le cas dû garçon dont le regard semblait déjà se troubler un peu. Mais elle ne fit pas de commentaires, la suite serait suffisamment évocatrice sans qu'elle en remette une couche.

"Ouais, j'ai peut-être un peu exagéré. Mais Irvin se méfie, tu te méfies, ça a l'air pas net votre truc." Dit-elle simplement. Ça a l'air compliqué, et elle n'a pas vraiment envie d'être au milieu.
Elle sourit amusée quant à la formulation de son cadet. Ouais, juste un peu bizarre hein?
"Non, j'ai pas de frère, ni de soeur. Juste un chat depuis la rentrée. Mais il fait sa vie." C'était mignon de le voir s'inquiéter pour son frère. Bizarrement, elle ne doutait pas que ce soit vraiment le cas.

"Et tu peux pas…juste lui parler?" Teddy n'y connaissait rien en relation de fratrie. Mais elle était quasiment sûre que ce serait plus efficace que de jeter des regards suspicieux et des soupirs agacés. Après tout, Irvin n'est pas un mauvais gars, en tout cas pas pire qu'un autre. Il a juste l'air gavé des milliers de règles qu'il subit chez lui. Comme les trois quarts des autres ados. Mais peut être que chez les sang-purs bien élevé, ça prend d'autres proportions. Teddy connaît les codes, a appris à se fondre dans le décor si nécessaire : question de survie. Mais elle évite à tout prix d'avoir à jouer la partie. Et elle est reconnaissante à sa mère de ne pas lui imposer cette mascarade - de toute façon Juniper elle-même n'y croit plus vraiment - en dehors de quelques événements guindés du coven.
Chez elle, il n'y a pas beaucoup de règles… en tout cas pas sur ce qu'il se passe à Poudlard.
A la maison, ne pas contrarier son père, ne pas tomber enceinte, faire attention à l'argent qu'on n'a pas, ne pas foutre la honte au coven. Au coven, se rendre utile, un service pour un autre. Mais dans l’ensemble, elle pouvait bien fumer un joint ou embrasser qui elle voulait sans que ça n’éveille l’intérêt de quiconque.
“J’éteins ou tu veux retirer une taff?” demande-t-elle au garçon alors qu’elle étend ses jambes et s’étire comme un chat dans les pâles rayons de lumière. Il serait sûrement plus raisonnable qu'il s'arrête là, elle ne compte pas lui bourrer le crâne et le rendre malade. Mais c'est quand même plus sympa de poser la question.

Que Teodora compatisse et relativise le fait qu'il aie toussé 'comme tout le monde' ne fit pas grand chose pour atténuer la gêne de Caelan. Il n'aurait pas du tousser, voilà tout. Mais au moins, elle n'avait plus ce petit air moqueur et agaçant, preuve qu'il avait fait le bon choix en ne battant pas en retraite. Peut-être même que, par ce rite initiatique, il allait maintenant être vu comme un grand, un vrai. En tout cas, c'était toujours mieux, et sensiblement plus agréable, que les rites désuets de la famille Hunter.

"Lève-toi et va-t'en", lui intimait Callum dans l'oreille. Il n'avait jamais entendu si bien son grand frère depuis son départ de Poudlard. Mais en essayant de déplier ses jambes un peu cotonneuses, Caelan se dit que c'était un trop grand effort à faire, là, tout de suite. Il était bien comme ça, assis en tailleur à même le sol dans un escalier.

"Ouais, laisse le temps aux effets de monter. Après y a des gens pas très sensibles."

"Je crois que j'en fais partie", assura-t-il à Teodora tout en la gratifiant d'un sourire un peu suffisant. Chez les Hunter, on était pas des mauviettes et on savait se contrôler en toute circonstance. Sauf Irvin, pensa-t-il en levant la tête pour regarder l'escalier. Mauvaise idée. Les marches de l'escalier semblaient avancer d'elles-mêmes, comme s'il s'était transformé en cet artefact moldu qu'on appelait escalator. Rien que le nom était rigolo et Caelan pouffa en braquant de nouveau son regard sur Teodora.

"Ouais, j'ai peut-être un peu exagéré. Mais Irvin se méfie, tu te méfies, ça a l'air pas net votre truc."

"Ouais..."

Mince, ouais quoi ? Ouais, elle avait exagéré ou ouais, c'était pas net leur truc avec Irvin ? Sûrement les deux. "Ouais", confirma le garçon en hochant ostensiblement la tête. Lentement, ses doigts se décrispèrent et ses mains glissèrent de ses genoux pour aller se poser un peu derrière lui au sol, ce qui le fit pencher légèrement en arrière.

"Non, j'ai pas de frère, ni de soeur. Juste un chat depuis la rentrée. Mais il fait sa vie."

"Oh, t'as un chat ?" reprit Caelan. Il adorait les chats. "J'adore les chats. J'aurais bien aimé en avoir un mais..." non. Ce n'était pas un souvenir dont il aimait se rappeler. "J'ai un hibou, il s'appelle Bean."

"Et tu peux pas…juste lui parler?"

Caelan avait du mal à suivre le fil de la conversation parce que Teodora parlait un peu trop vite. Parler à Bean ? "Bien sûr, je lui parle en gaélique, j'ai l'impression qu'il comprend mieux. Après, c'est norm- Oh ! Irvin ! Non, Irvin je lui parle pas en gaélique. Sauf quand il le mérite et en ce moment, c'est pas souvent, il m'envoie toujours bouler. Mais ouais, je m'inquiète quand même." Euh, il l'avait déjà dit. Le petit Hunter renifla et reprit d'une voix plus molle : "S'il continue à faire n'importe quoi, Père ne va pas le rater. Il s'énerve pas souvent mais quand il s'énerve-" Soudain, un sursaut de lucidité le prit. Il n'était quand même pas en train de raconter des secrets familiaux à une quasi inconnue, aussi gentille fut-elle ? "Après, c'est pas grand chose. Et puis c'est comme ça", temporisa-t-il en haussant nonchalament les épaules. Il y avait des choses à ne pas dire, jamais.

"J’éteins ou tu veux retirer une taff ?"

La question mit du temps à parvenir aux oreilles de Caelan, qui avait penché encore plus la tête sur la droite. Il était soudain très intrigué par la manière que Teodora avait d'étendre ses jambes et de s'étirer, un peu à la manière d'une panthère, mais une panthère rousse. L'odeur de l'herbe embaumait légèrement les lieux et, en la reniflant, le garçon ne la trouvait plus si étrange. Les rayons du soleil rougisseaient encore plus les cheveux de la fille en face de lui et c'était vraiment passionnant à regarder. Bien sûr, il allait garder tout ça pour lui. Il y avait des choses à ne pas dire, jamais.

"J'aime bien le soleil dans tes cheveux."

Hm. Il venait de glousser, là ? La voix de Callum résonna si fort à ses oreilles qu'il en eut un haut le coeur : "Tu es ridicule, tu nous fais honte. Pars d'ici tout de suite." Il avait entendu ça tellement de fois et jamais, ô grand jamais, il n'avait osé désobéir. Son regard se porta sur le cône que tenait la fille entre ses mains. "Euh, merci, c'est bon", assura-t-il à Teodora avec un sourire tout en agitant un peu trop rapidement sa main droite devant lui. Avec un petit effort, le Serdaigle déplia ses propres jambes suffisament pour se relever et, une fois debout, il se pencha pour récupérer un peu maladroitement la sacoche qu'il avait déposé il ne savait quand à côté de lui.

"Hm, peut-être un peu d'air ?" marmonna-t-il à voix haute en l'accrochant en bandoulière à son épaule. Son nez venait d'inspirer de nouveau les effluves psychotropiques qui émanaient du joint. Il avisa la porte située non loin de Teodora et qui devait donner sur le parc, s'il ne se trompait pas. "Ah." Puis il baissa le menton pour aviser sa camarade. "C'était..." autre chose ? bizarre ? drôle ? "Sympa." Ses joues se remirent à chauffer en repensant aux dernières minutes un peu vaporeuses dans sa tête. L'envie de la supplier de ne rien raconter de tout ça à personne lui montait soudain à la gorge et il hésita quelques secondes avant d'ouvrir grand les yeux, comme si cette évidence lui revenait subitement : "C'est vrai, faut que je trouve Irvin !"

Le pas rapide mais moins assuré que d'ordinaire, le garçon se dirigea vers la porte qui donnait à l'extérieur. Mais comme il devait passer par Teodora, il s'arrêta tout près d'elle et lui demanda : "T'es sûre que tu veux pas m'aider ?"

Il ne lui avait sans doute jamais demandé de l'aider, et il ne savait pas pourquoi il lui demandait mais ce n'était pas très grave.

Teddy observe du coin de l’œil son camarade se ramollir à mesure que la fumée lui monte au cerveau.

"Je crois que j'en fais partie" Elle ne prend pas vraiment la peine de le contredire, il se rendra compte suffisamment si c’est vrai ou pas. Ou probablement, il aura l’impression qu’il gère et elle rigolera bien. Un peu comme l’alcool qui donne l’impression qu’on peut conquérir le monde alors qu’on ne serait pas foutu de remettre ses chaussures dans le bon sens après une certaine dose.

Elle ne sait pas trop à quoi son ouais répond, mais ce n’est pas l’important. Les histoires de famille des autres ne l’intéresse pas vraiment, mieux vaut s’en tenir loin. Heureusement, le chat fait parfaitement diversion. Elle rit devant l’enthousiasme embrumé de Caelan : « Bean ? Cool. Mon chat, c’est Von Misère. Comme Von Meissen. C’est Kenny qui m’appelle comme ça. » Elle trouve toujours cette trouvaille géniale. D’autant qu’elle est fauchée comme les blés. Et qu’elle n’est pas la dernière à mettre la misère dans l’école. Parfait non ?

Elle écarquille les yeux en écoutant la diatribe du petit serdaigle ? Le gaélique ? Oh putain, il parle de son hibou. Ouais, pas sensible à la beuh du tout.  « Thran, a chara ! *» Mais quand il se laisse aller à la suite, elle n’a plus vraiment envie de rire. C’était pas grand-chose, mais le souvenir de la beuglante de son père lui retournait encore les tripes. « Je vois, ce que tu veux dire.» dit-elle simplement en lui pressant l’épaule, signifiant par là qu’elle n’insisterait pas. Teddy n’avait évoqué que vaguement le contenu du courrier avec ses amis, ce n’était pas pour forcer la main à un gamin à moitié défoncé. Elle aurait détesté se trouver à sa place. Elle s’étire doucement, dorant au soleil le long de la conversation. Il ne fait pas chaud…mais c’est toujours agréable. Peut-être qu’elle est vraiment un bouton d’or dans le fond, un peu de soleil et hop.


Caelan la détaille, sans qu’elle ne sache dire vraiment pourquoi. "J'aime bien le soleil dans tes cheveux." Elle se moque gentiment : « AH ça y est je crois que ça fait effet. Ou alors c’est juste moi. ». Elle ne peut pas être charitable à tous les coups. Elle passe sa main dans ses cheveux, laissant le soleil se fondre dans ses boucles. Elle n’a jamais eu honte d’être rousse, sa chevelure c’est sa marque de fabrique.  Puisque l’adolescent semble être raisonnable, elle mouille ses doigts pour éteindre le joint sans le casser. Elle finira ça plus tard.

Caelan en profite pour gesticuler maladroitement. De l’air ? Pourvu qu’il ne lui gerbe pas dessus… mais non ça a l’air d’aller. « Ouais, c’est cool. » lui répond-elle gentiment.  Sautant du coq à l’âne, le gamin se souvient de la quête initiale. Ok, il est carrément défoncé. Elle passe son bras sous le sien au passage.
«  Nan, je crois pas qu’on va aller trouver Irvin, Caelan. » dit-elle en l’entraînant dehors, vers le parc. « On va marcher un peu, ou squatter un banc. Et puis, tu vas éviter de croiser ton frère tant que t’as les yeux rouges et que tu trouves mes cheveux trop beaux. » Elle marque un temps de pause, histoire que l’info monte au cerveau et précise : « Parce que je lui dirais rien, mais si tu vas le voir dans cet état, le résultat sera le même.  »
Il n'y a pas urgence à la seconde près. Enfin, à quelques heures près d'ailleurs... Elle s'amuse beaucoup à le taquiner, mais elle ne voudrait pas qu'il est vraiment des ennuis. C'est pour ça qu'elle m'aime n'a rien fumé : elle aurait bien été capable de courir le château pour trouver Irvin et griller Caelan sans même y penser!


* tête de pioche, en gaélique irlandais

Pour la première fois depuis longtemps, Caelan avait juste envie de sourire à tout.

Il avait souri quand Teodora avait pressé son épaule en affectant un air profond, puis quand elle lui avait parlé en gaélique. A moins que ce ne soit dans l'autre ordre. Non, en fait, il avait sûrement rêvé le gaélique parce que "Tran, a chara !", c'était une des expressions préférées de sa mère quand il était plus petit. Teodora ne pouvait pas avoir deviné ça, à moins qu'elle ne soit legilimens ou qu'elle soit entrée dans ses rêves. Ou peut-être qu'il l'avait dévoilé à sa camarade avant d'oublier ? Non, il ne parlait jamais de sa mère.

« AH ça y est je crois que ça fait effet. Ou alors c’est juste moi. »

Il avait souri au gentil air moqueur de la fille, puis hoché simplement la tête pour approuver l'une ou l'autre des propositions. Quelque part, ça le gênait encore un peu qu'elle ne le prenne pas au sérieux mais, au fond, est-ce que c'était si grave que ça ? Il avait l'habitude et passer pour inoffensif avait ses avantages, plus que d'être considéré comme une balance.

Son sourire s'était élargi quand elle avait passé un bras sous le sien, comme s'il ne pouvait pas marcher tout seul après juste une bouffée d'herbe ! Il s'était pourtant laissé entraîner en bas de l'escalier louvoyant et, même si la descente lui avait causé des haut-le-coeur, il était resté souriant. Elle lui parlait avec cette douceur autoritaire, avec cette manière singulière d'annoncer ce qui allait se passer comme quelque-chose d'inévitable. On va marcher un peu, on va squatter un banc. "Oui, maman", marmonna le garçon d'une voix trainante et non dénuée de douceur. Le plus important, de toute façon, c'était qu'elle avait dit 'on'.

"Et puis, tu vas éviter de croiser ton frère tant que t’as les yeux rouges et que tu trouves mes cheveux trop beaux."

Pour le coup, Caelan cessa de sourire un instant, perplexe. Ahhh, il lui avait vraiment dit pour ses cheveux ! Très bien. "C'est vrai que... j'ai les yeux rouges ?" demanda-t-il alors avec un air un peu benêt, comme si Teodora venait de lui faire un des plus beaux compliments qu'il puisse recevoir. Il cligna théâtralement des paupières pour jauger l'état d'irritation de ses cornées mais ne sentit rien d'inhabituel.

« Parce que je lui dirais rien, mais si tu vas le voir dans cet état, le résultat sera le même.  »

En entendant ça, le plus jeune des Hunter haussa nonchalamment les épaules. "Bah, de toute manière, il s'en fiche de ce que je fais." Malgré son sourire en coin, sa voix s'était cassée, mais c'était sûrement l'effet de la fumée qui lui grattait encore un peu la gorge. Et puis, après tout, Teodora avait raison. Pourquoi il s'embêtait autant à empêcher son frère de faire n'importe quoi, au risque de se voir affublé d'une mauvaise réputation, quand Irvin ne prenait quasiment jamais de ses nouvelles ? Passer du temps avec la rousse, c'était clairement plus... cool, comme elle disait.

L'air frais du parc lui fit le plus grand bien, du moins le pensait-il. Le léger vent qui balayait la superbe pelouse lui donnait envie de gambader et, lâchant le bras de Teodora, le garçon se mit à avancer plus vite sans trop savoir vers où, jusqu'à ce que ses yeux s'ouvrent en grand devant ce qui s'apparentait à une des merveilles du monde. Les planches étaient alignées à la perfection, les pieds penchés et courbés juste comme il fallait pour une stabilité imparable. Une véritable oeuvre d'art, tant dans son inspiration que son exécution.

"Hé ! Regarde, y'a un banc ! Tu voulais pas t'asseoir ?"

Visiblement heureux de sa trouvaille, Caelan trottina jusqu'à cet incroyable objet et ne fut pas mécontent de pouvoir y poser son séant. Ses jambes flageollaient encore un peu. En attendant que Teo, Ted ou Teddy ne vienne le rejoindre, il retira la sacoche de son épaule pour la poser à côté de lui sur le banc, défit un peu le noeud de sa cravate qui l'étranglait trop et prit une grande inspiration. Immédiatement après, il fronça les sourcils.

Est-ce qu'il n'était pas encore en train de faire n'importe quoi ? Sa tête lui semblait plus légère et il n'avait pas particulièrement envie de se ridiculiser plus qu'il ne l'avait déjà fait. "Ted..." commença-t-il avec un regard vitreux pour sa camarade, "on est d'accord, ça reste entre nous ? Je sais pas trop ce que je dis, là". Il pouffa à cette réalisation. C'était bien la première fois de sa vie et il n'arrivait pas à savoir si ça lui plaisait ou si ça l'horrifiait un peu.

"Combien de temps ça dure ?" s'enquit-il avec un soudain sérieux. Il n'avait pas pris grand chose, franchement. Ca devait être l'affaire de quelques minutes ! Et en attendant, il valait mieux qu'elle ne lui pose pas trop de questions. Pour ça, il avait une technique qui marchait à tous les coups. Les questions, c'était lui qui allait les poser. "Hé, Teo... il paraît que tu joues d'un instrument de musique moldu ? Une cithare ? Je me suis toujours demandé ce que ça faisait comme son. Tu pourras me montrer un jour ?"

Caelan avait définitivement l’air de planer, un sourire satisfait sur le visage mêlé à un air de relative perplexité. En tout cas, il avait l’air bien moins nerveux. Et de raconter n’importe quoi.
« Si tu m’appelles maman, tu vas être défoncé dans tous les sens du terme » dit-elle en éclatant de rire. Sérieux, est-ce qu’on fumait des joints avec sa mère ? Probablement pas. Enfin, Teddy ne s’imaginait absolument pas faire quoi que ce soit de fun ou d’interdit avec la sienne. A part la comptabilité et un air perpétuellement ennuyé, il n’y avait pas grand-chose dans la vie de Juniper. Kenneth faisait souvent des blagues à son sujet – peut- être que si elle avait l’air moins chiante, Teddy aurait pu trouver sa mère jolie - …mais en tout cas la poufsouffle aurait donné cher pour que Juniper entende les conneries de son camarade et décroche peut être un sourire. « C’est ta mère qui t’appelle comme ça ? » Elle demande gentiment. Teddy n’était pas vraiment habituée aux marques d’affection. Juniper l’appelait néanmoins Teo. Les petites grands-mères du coven par contre, se laisser souvent aller à ces petits surnoms en irlandais.
"C'est vrai que... j'ai les yeux rouges ?" , elle acquiesça amusée. Se frotter les yeux ne servirait pas à grand-chose, si ce n’est d’aggraver le problème. Quant à savoir si Irvin se fichait de ce que faisait Caelan, elle n’en savait pas grand-chose. Mais une chose était sûre, l’avis du serdaigle à l’instant T différait grandement de celui qu’elle avait croisé dans la salle des trophées. Aussi, le laissa-t-elle ronchonner comme un bébé sans relancer la machine, et se contenta de se diriger vers le parc. Teddy était de toute façon prête à pariée qu’il pourrait tout au plus retrouver son dortoir s’il n’était pas déconcentré par un papillon ou un brun d’herbe en chemin.
Et le garçon lui donna plutôt raison en lâchant son bras pour aller gambader tel un jeune chiot dans la prairie. Sa bonne humeur était plutôt contagieuse. « Wow, c’est merveilleux, ils ont pensé à tout » Elle se moquait un peu ok, mais c’était pas méchant. On aurait presque dit que Caelan découvrait la présence des bancs dans le parc qu’il fréquentait depuis 3 ans, elle avait le droit. Et il pourrait faire de même si un jour il la croisait en train de s’extasier sur la blancheur des pâquerettes. La jeune fille se laissa tomber sur le banc à côté de Caelan.
Il sembla soudain préoccupé. Teddy lui ébourriffa les cheveux avant de répondre doucement : « Tu dis rien qui puisse être retenu contre toi je crois, mais promis, je ne répèterai pas. » Après tout, ce n’était pas vraiment un scoop, elle avait effectivement une merveilleuse chevelure, et il y avait des bancs dans le parc. Quant à ses histoires de famille, qui ça pouvait bien intéresser ?

Pour l’effet, c’était difficile à dire. «Boh, t’as pas fumé beaucoup, une heure ou deux je pense. P’tet un peu plus. » Mais c’était juste une taff, il y avait quand même peu de chance qu’il plane à 3000 pendant plus de deux heures. «Boh, t’as pas fumé beaucoup, une heure ou deux je pense. P’tet un peu plus. Ça va, tu te sens comment ?» Parce que de l’extérieur, il avait plutôt l’air de s’amuser mais s’il se taper une crise d’angoisse existentielle, ce serait dommage de passer à côté. Elle ne l’avait pas forcé à faire quoi que ce soit. Mais c’était quand même un gros bébé et elle n’allait pas le laisser chouiner tout sel dans son coin.
En tout cas, il ne pouvait pas lui faire plus plaisir qu’en posant cette question. Teddy adorait qu’on sache qu’elle est musicienne. Et encore plus qu’on lui pose des questions sur le sujet. « En fait, je joue de la guitare. Et c’est une guitare avec des cordes ensorcelées pour faire le même bruit qu’une guitare électrique mais sans électricité. Et du coup je joue plutôt du hard rock/punk moldu ouais. Mélangé à du chant traditionnel irlandais et des petites impros. » dit-elle avec enthousiasme. C’était dommage qu’elle n’ait pas pris sa guitare, elle aurait largement pu s’en donner à cœur joie dans le parc. En même temps, elle n’allait pas courir après Irvin beuh dans la poche et guitare sur le dos.