Un long dimanche de pluie [Selene & Nikita]

Il pleuvait sur Londres ce dimanche et, en plein cœur du mois d’août, ajouté à ça qu'on était un jour saint, la plupart des lieux où se réfugier d’ordinaire avaient fermé : marchand de glace, boutiques de sport et tous ces endroits où aimaient normalement se réunir les jeunes gens pour passer le temps – non pas les pubs, à quatorze ans Nikita n’était pas autorisé à boire, fallait-il le rappeler ?
Toujours est-il que ce-dernier glandait dans le hall de l’ambassade en ce début d’après-midi, n’ayant trouvé pour toute distraction que de jouer avec sa baguette, inutile jusqu’à la rentrée. De quoi vous la faire autant redouter qu’attendre avec impatiente, ne serait-ce que pour le plaisir de lancer à nouveau des sorts. Le jeune homme tentait depuis plus d’une demi-heure de la faire tourner au bout de ses doigts comme la pale d’un hélicoptère, assis en chaussettes dans l’un des épais fauteuil de la confortable salle d’attente, là où des invités de marque venaient normalement poser leur cul jusqu’à ce qu’on les accueille correctement. Mais pas le dimanche. Le dimanche, les gens normaux restaient chez eux et Nikita avait tout le hall pour lui, à partager seulement avec le réceptionniste – trois fois son âge, à demi obèse et tout plongé dans un roman idiot sur les amours d’une princesse de Russie et d’un Polievik. Le jeune homme ne savait toujours pas si le réceptionniste s’identifiait d’avantage à la princesse ou au démon, toujours est-il qu’il n’était pour l’occasion d’aucun secours à son ennui.

Ce n’était, en soi, pas faute de choses à faire : devoirs de vacances, rangement de sa chambre, sans parler de la quantité de bouquin qu’il avait lui-même emmené dans ses affaires, mais on se lassait de lire, sa chambre lui convenait en bazar et il n’éprouvait aucune envie de faire ses devoirs, là maintenant.

La baguette chuta de ses doigts pour la… cinquantième fois ? heureusement amortie par la moquette du hall. Nikita se pencha pour la ramasser et lorsqu’il releva le nez, deux personnes se trouvaient sur le perron de l’ambassade. Un homme et une fille qui lui ressemblait un peu. Nikita les observa secouer leur parapluie et le ranger dans le pot prévu à cet effet pendant que, du coin de l’œil, le réceptionniste faisait disparaitre son livre et d’un air tout à fait professionnel entreprit de se lisser les moustaches et de croiser les doigts.
Alors que les deux nouveaux arrivant lui passaient devant, l’homme le gratifia d’un hochement de tête poli auquel Nikita répondit avant de laisser traîner son regard sur la fille. Ce n’était pas tant qu’ils étaient si intéressants que ça mais il n’avait vraiment rien à faire.

« Orion Paulet, s’annonça l’homme, j’ai rendez-vous avec son excellence l’ambassadeur. »

Nikita dressa une oreille, l’air de rien, tout en feignant de se concentrer de nouveau sur sa baguette qui ne voulait décidément pas tourbillonner au bout de ses doigts.

« Je préviens monsieur l’ambassadeur de votre arrivée, assoyez vous je vous en prie il sera là d’un instant à l’autre. »

La baguette lui échappa de nouveau et, vexé, Nikita la ramassa pour la cinquante et unième fois. Pendant ce temps, l’homme et sa fille – c’était probablement sa fille – prenaient place dans deux autres fauteuils, un peu éloigné du sien. Tant mieux. Les affaires quotidiennes de son père ne le concernaient pas et sauf à ce qu’on lui demande expressément de s’y investir il préférait s’en tenir éloigné pour ne pas hériter de quelque corvée, du genre être invité à un repas officiel pour montrer sa bouille, ses manières et ô comme il était bien peigné. Il leva les yeux au ciel, la baguette retomba par terre.
Tout à sa fierté adolescente, il prit soin de ne pas croiser le regard de la fille qui de toute façon ne l’intéressait pas alors que déjà s’entendait dans le grand escalier le pas pressé de son père.

Ce-dernier arriva, tout sourire, bras écarté, fort de son imposante barbe noire et de ses grandes capes boutonnées qui juraient un peu avec le style plus habillé des Britanniques, à l’occidentale.

« Monsieur Paulet ! son père avait la voix grave et basse et avenante comme un courant d'air remontant d’une cave. Bienvenue à notre ambassade, c’est un plaisir de vous accueillir. »

Le regard de Feodor Yaga se reporta sur Selene avec un sourire matois. « Et sa fille. Mademoiselle… » il se pencha vers elle avec déférence. Lui aurait-elle tendue la main qu’il y déposait un baiser. Nikita ne manquait rien du spectacle. Il en était par ailleurs coutumier, mais la curiosité lui faisait se demander qui étaient ces gens qui avaient choisi le dimanche pour un rendez-vous. Peut-être simplement l’emploi du temps de son père qui n’offrait pas d’autres créneaux.

Feodor eut un sourire pour Orion Paulet mais son visage fut comme attiré du côté de Nikita qui sentit le piège, mais trop tard.

« Oh vous avez rencontré mon fils Nikita ? »

Le fils en question rentra les épaules par réflexes, comme si cela avait pu lui permettre de se soustraire au regard parentale, disparaître dans l’épaisseur capitonnée du fauteuil, mais il fallait se rendre à l’évidence, il n’échapperait pas à des présentations formelles et se redressa sur ses deux jambes, parcourant d’un pas mutiques les quelques mètres qui le séparaient des invités.

- Bonjour.

Son père lorgna un quart de seconde sur ses chaussettes, croisa le regard de son fils en moins de temps encore, mais suffisamment pour impliciter quelque chose comme Franchement… ta tenue ! puis son attention se reporta sur Orion Paulet. « Je vous fais monter dans mon bureau. » puis sur sa fille, à qui il adressa un sourire, puis sur son fils à qui il n’en adressa pas « Nikita peux-tu t’occuper de notre invitée ? Nous ne serons pas long je pense ? »

Puis sans vraiment attendre que tout le monde donne son accord, il invita d’un geste l’homme à le suivre en direction des grands escaliers, et Nikita se retrouva là comme un benêt avec la fille.

Il lui adressa une espèce de regard indéchiffrable, accompagné d’une contraction de la mâchoire. Il détestait devoir jouer les mondains, surtout avec des filles, surtout quand il ne les connaissait pas. Avisant les cheveux humides de l’adolescente, tout ce qu’il trouva à dire fut un simple « tu veux te sécher ? ». Ce n’était peut-être pas grand-chose, mais vue la saucée qu’il y avait dehors, une serviette et un âtre étaient une valeur sûre pour commencer.

@Selene O. Paulet

(SELENE ☉ NIKITA)
un long dimanche de pluie

Toute à sa lecture, Selene entendit trop tard le pas, léger mais pressé, de la gouvernante. C’est que la rentrée approchait — vision à la fois lointaine et dangereusement imminente — et qu’elle se sentait chaque jour un peu moins prête à l’affronter ; chaque jour un peu plus décidée à la braver. Pour l’aider, elle compilait consciencieusement, en des listes nettes et parfaitement organisées, toutes les informations sur ses camarades tirées de ses journaux intimes. Chaque prénom cité entre les couvertures de cuir avait le droit à une fiche personnelle où les caractéristiques de leur relation — aussi brève soit-elle — étaient consignées. Elle ne comptait pas les emmener avec elle — enfin, peut-être, elle ne savait pas encore très bien —, ça serait dérangeant que quelqu’un tombe dessus par inadvertance, mais le simple fait de les rédiger et les relire l’aidait à colorer le tableau grandement incomplet qu’était Poudlard. Elle referma précipitamment le carnet dans lequel elle était en train d’écrire, se doutant que, lorsqu’elle le rouvrirait, l’encre aurait séché sur les deux pages collées et qu’il lui faudrait recommencer, et adressa un regard curieux à la femme qui se figea dans l’embrasure de la porte.

Une vingtaine de minutes plus tard, le dimanche après-midi de Selene acheva son volte face. Père marchait d’un pas décidé dans les rues trempées de Londres, suivit en silence par sa fille qui tentait autant que possible de faire bon usage du parapluie qui lui avait été confié. Les vents capricieux n’aidant pas, elle arriva à la destination dont elle ne connaissait rien plus mouillée que sèche, aussi désorientée que plus tôt, lorsque son père l’avait sommée de l’accompagner. Mère était quelque part en Angleterre en train de déjeuner avec tout un tas de dames importantes et Emma prenait ses après-midis chaque dimanche. Puisqu’il était hors de question que Selene, la pauvre Selene, l’amnésique Selene, reste seule sans surveillance, elle avait été entraînée dans le sillage des affaires de son père, affaires qui ne pouvaient attendre une météo plus clémente ou un jour plus propice. Ils pénétrèrent dans l’imposant bâtiment qui affichait la mention d’Ambassade de Russie à l’extérieur, égarant de nombreuses gouttes sur la moquette qui tapissait le sol. Calquant son pas sur celui de son père, Selene glissa une œillade étonnée en direction d’un garçon de son âge, assis en chaussettes dans l’un des fauteuils. Si sa présence à elle lui semblait déjà plus que surprenante, elle ne s’attendait certainement pas à croiser un autre adolescent entre les murs d’un lieu aussi prestigieux, certainement pas un dimanche. C’était peut-être le fils du réceptionniste qui les regardait approcher, moustache luisante et doigts croisés, même s’il n’y avait pas une once de ressemblance entre les deux. Ou bien l’enfant d’un diplomate présence entre ces murs qui avait, lui aussi, entraîné son enfant à sa suite, faute d’une présence quelconque pour le surveiller.

Père donna son nom ainsi que la raison de sa venue, permettant par la même occasion à sa fille de savoir ce qu’ils faisaient ici. Sans tout saisir de ce qui occupait les journées de son père, Selene avait néanmoins compris que les affaires commerciales n’étaient pas tout et quelques ambitions politiques se glissaient ici et là, dans les décisions de partenariat ou les choix d’invitations. Autant de choses dont elle était tenue à l’écart et dont elle n’avait trouvé aucune mention dans ses carnets, preuve que ça ne datait pas de son accident. Alors qu’ils prenaient place dans deux fauteuils se faisant face, Selene laissa son regard errer sur la pièce à la décoration luxueuse avant de s’intéresser au garçon qui faisait tournoyer sa baguette entre ses mains. Il affichait une concentration appliquée, renouvelant ses efforts à chaque fois que le bout de bois tombait d’entre ses doigts. Seule l’arrivée de l’homme que son père était venu rencontrer la tira de sa contemplation. Affable et souriant, il s’avança vers Orion Paulet avant de baisser son regard jusqu’à sa fille qui s’était redressée et se tenait droite, un pas derrière lui. « Selene. Enchantée, monsieur l’ambassadeur. » compléta-t-elle, terminant les salutations de quelque politesse sagement récitée. Aucun regard noir paternel ne vint la trouver, signe qu’elle avait fait ce qu’il attendait. C’était le minimum, après tout. Un autre regard, un autre paternel, un autre enfant interpellé. Le garçon se leva sous l’injonction parentale et se présenta succinctement. Une seconde plus tard et les deux adultes s’éloignaient en direction de l’escalier, laissant à leurs enfants le bon soin de s’occuper ensemble. « Ah je veux bien, oui. Merci. » fit-elle, reconnaissante d’avoir l’occasion de ne pas grelotter tout le long du rendez-vous de son père.

Elle se laissa guider par le garçon qui connaissait les lieux, laissant sa curiosité déchiffrer le titre du livre dans lequel le réceptionniste s’était plongé, avant de l’oublier complètement. Un autre remerciement agita ses lèvres lorsque Nikita lui tendit une serviette avec laquelle elle put éponger les dégâts qui dégoulinaient le long de ses mèches blondes. « Tu n’es pas obligé de m’occuper, je peux patienter toute seule, s’ils n’en ont pas pour longtemps. » Notant de nouveau la baguette magique qu’il n’avait pas lâchée et additionnant les présentations qui étaient, selon toute vraisemblance, les premières, elle se risqua à lui demander : « Tu vas à Poudlard ? »

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Maintenant que Nikita y regardait de plus près, la jeune fille semblait un peu perdue. Pas comme une gamine rendue affolée par l’absence de son papa, ni quelqu’un de profondément perché, sous drogue par exemple, non, il semblait juste, à voir son infime temps de réaction trop long pour être bien naturelle, qu’il lui fallait réfléchir à ce qu’elle faisait, avant de le faire, ce qui donnait à tous ses gestes et ses paroles un je-ne-sais-quoi de décalé.
Même pour un anglophone non-natif comme Nikita, ça se sentait, et il ne pu retenir un haussement de sourcil sévèrement curieux, qu’il dissimula en allant chercher la serviette promise. Il y en avait quelques-unes dans les toilettes, épaisses et de bonne qualité, l’ambassade pouvait se permettre ce luxe, aussi eut-il tôt fait de revenir avec son trésor qu’il tendit à la jeune fille.

- Tiens.

Ceci dit, il l’observa se sécher d’un regard plat, comme s’il s’agissait plus d’un devoir que d’une quelconque forme de politesse ou de galanterie. Il s’agissait de ne pas embrasser son père, mais celui-ci n’avait pas non plus à lui refourguer entre les pattes ses invités et Nikita ne se semblait redevable de rien.

- D’accord, répondit-il d’un ton neutre lorsqu’elle lui assura qu’il n’avait pas besoin de l’occuper. C’était un discret soulagement, jouer les singes savants ne l’amusait pas plus que ça et il n’était jamais très à l’aise avec les inconnus, surtout les filles, surtout s’il se sentait une forme de devoir envers elles ou, pire, une sorte de mission. En cela il appréhendait sa rentrée à Poudlard comme le début d’un long chemin de croix.

Il serait volontiers retourné s’avachir sur les fauteuils du hall pour… pour quoi faire d’abord ? Refaire tourner sa baguette au bout de ses doigts ? C’était presque aussi chiant que de parler aux inconnus, mais au moins était-il tranquille, pas besoin de jouer son rôle de petit enfant sage. Ca avait le don de le mettre mal à l’aise.

D’une certaine manière, la question de la jeune fille – Selene c’était ça ? – trancha pour lui et il détourna le regard des fauteuils avec une ombre de regret.

- Oui, en septembre.

Il eut un soupire léger.

- Viens, on va s’asseoir.

C’était mieux que de rester plantés dans le hall comme des idiots.

Il retrouva son siège et s’y engouffra, repliant les jambes sous lui en tailleur puis pencha la tête en avant pour regarder Selene par en dessous, posture qui mettait en scène sa curiosité, à défaut de n’en rien montrer par le ton de sa voix.

- Excuse moi de demander ça mais je ne connais pas ton père ? Je ne suis pas familier des familles anglaises.

En parlant, il articulait un peu trop excessivement chacun de ses mots, de sorte à gommer au mieux le lourd accent russe qui trahissait ses origines la plupart du temps. De facto, son élocution en devenait légèrement plus lente que la normale, et l’intonation de ses phrases gommait les sentiments qu’il pouvait mettre derrière celles-ci.

- Quel âge as-tu ? Tu es à Poudlard aussi j’imagine ?

Ce n’était pas tant qu’il s’intéressait, mais quitte à faire la conversation… Il se laissa aller dans le fauteuil. La discussion avait très rapidement pris une tournure d’interrogatoire.

- Il y a quatre maisons c’est bien ça ? La tienne ?

(SELENE ☉ NIKITA)
un long dimanche de pluie

Telle une invitée égarée entre les murs trop hauts de l’ambassade, Selene emboîta machinalement le pas au garçon, Nikita, accrochée à ce mince fil d'ariane qui lui offrait une direction à suivre, un comportement à adopter. Elle s’arrêta au bout de quelques pas, comprenant qu’il n’était pas question de changer de pièce mais simplement de revenir avec une serviette pour qu’elle puisse se sécher. Son absence se prolongea quelques secondes seulement après qu’un claquement de porte se soit répercuté entre les pierres du hall. Avachi derrière son bureau, le réceptionniste était plongé dans un livre dont les pages un brin jaunies, dépliées en leur centre, suggéraient qu’il avait débuté sa lecture il y a quelques temps déjà. Le garçon revint lui offrir le tissu tant attendu dont le blanc immaculé se gorgea bientôt de l’eau qui alourdissait sa chevelure. Brisant le silence qui s’épaississait, Selene déchargea son interlocuteur des responsabilités accordées par son père en assurant qu’elle pouvait s’occuper toute seule. Après tout, les deux adultes ne devaient pas en avoir pour très longtemps, à en croire les paroles de l’un. Nikita semblait parfaitement désintéressé par toute cette situation — ce qu’elle pouvait comprendre, après tout, elle était une goutte qui venait agiter la surface tranquille de son dimanche après-midi — mais il restait pourtant là, immobile, tandis que les derniers frissons causés par la pluie fraîche quittait son corps. Politesse, envie de discuter avec quelqu’un de son âge, de profiter de l’absence provisoire de la présence paternelle, qu’importe ce qui la poussa, elle osa une question pour troubler leur observation mutuelle et silencieuse. Selene épongea son visage de quelques tapotements, termina par ses mains et replia sommairement la serviette humide, tandis que Nikita lui confirmait qu’il serait présent en septembre, pour la rentrée. Est-ce que ça voulait dire qu’il n’était pas à Poudlard, avant ? Il coupa net ses interrogations en lui proposant d’aller s’asseoir, ce qu’elle acceptait d’un léger sourire, déposant la serviette repliée sur le verre d’une table basse avant de prendre place sur le siège le plus proche de celui que le garçon fit sien.

Sa position à elle resta bien plus formelle que la sienne, mais elle ne pouvait se permettre une telle familiarité dans un lieu aussi impressionnant, d’autant plus que ses souliers humides auraient laissé des traces sur le tissu capitonné des fauteuils. La voix du garçon s’élança, articulée et empreinte d’un léger accent que Selene ne parvenait pas à identifier mais qu’elle relia malgré tout à la Russie, pays auquel était rattaché l’ambassade où ils se trouvaient. Il avait une façon de prononcer ses r qui était plus lourde que ce à quoi elle était habituée, plus perçante, presque dure. Sa question la laissa interloquée : qu’était-elle censée lui répondre quand il s’interrogeait sur le fait qu’il ne connaissait pas son père ? Orion Paulet n’était pas une personnalité aussi publique que pouvait l’être le Ministre de la Magie, mais sa fille supposait que le champ de ses contacts était tout de même étendu puisqu’ils ne pouvaient jamais traverser un lieu public sans quelqu’un ne le salue et ne l’entretienne d’affaires quelconques pendant de longues minutes. « Il s’appelle Orion Paulet. » Comme ce nom était bizarre à prononcer. Orion, constellation mythique empreinte de légendes. Un prénom qu’elle ne prononçait jamais, qu’elle entendait parfois, un prénom aussi vide de sens que leur relation était creuse. « Les Paulet sont une vieille famille anglaise et mon père est dans les affaires, puis dans la politique aussi, un peu. » C’était ridicule, elle ne savait même pas ce qu’il faisait réellement. Des affaires, ça oui, il avait toujours un tas de personnes à rencontrer, de papiers à signer, d’ordres à donner, mais ce qu’il faisait réellement ? Elle entendait parler de marchandise, d’import, d’export, mais ce que cela signifiait de plus, elle n’en avait pas la moindre idée. « Et toi, alors, tu es le fils de l’ambassadeur, de Russie c’est ça ? Vous êtes à Londres depuis longtemps ? » Elle ne se mettait pas trop en danger, en posant cette question, n’est-ce pas ? Il semblait clair comme de l’eau de roche qu’ils ne s’étaient jamais rencontrés, donc elle ne risquait pas de commettre d’impair en ne se souvenant pas de son nom ou de quelque chose de plus important. Ça la soulageait, un peu, beaucoup, ça lui dénouait une tension omniprésente. De faire face à quelqu’un qui n’était qu’une page vierge et non pas une suite de lignes encrées dans ses petits carnets. Elle pouvait être un peu plus elle-même, alors.

Du bout des doigts, elle essuyait une poussière sur son pantalon et croisa les jambes, s’enfonçant un peu plus dans le fauteuil confortable, sa tête rencontrant le dossier, ses yeux étudiant le visage de Nikita. Elle acquiesça d’un hochement de tête quand il lui demanda si elle était à Poudlard, elle-aussi, réprimant l’envie de lui avouer qu’elle en savait aussi peu que lui à ce sujet, qu’il y avait aussi peu d’images du château qui remplissaient sa tête, qu’elle avait l’impression qu’elle ferait sa première rentrée d’ici septembre. Mais non, bien sûr que non, tout ça elle le garda pour elle. « Quinze ans. Et toi ? » Heureusement que tout ne s’était pas perdu entre les eaux froides du petit lac du Royaume-Uni. Comment et pourquoi certaines choses n’avaient pas disparu ? Selene n’en savait rien. Mais tout comme elle savait intuitivement ce qu’était Poudlard depuis son réveil, ou comme elle avait décelé dans cette figure autoritaire et dans cette autre, passive et soumise, ses parents avant qu’ils ne lui adressent le moindre mot, les maisons de l’école dansaient devant ses yeux avant même qu’elle ne se plonge dans l’Histoire de Poudlard, pour se rafraîchir la mémoire. Alors, au moins sur ça, elle était capable de lui en dire un peu plus. « Exact. Poufsouffle, Serdaigle, Serpentard et Gryffondor. Je suis à Serdaigle. » Ça, elle le savait parce qu’elle l’avait lu dans l’un de ses carnets, souvenirs corroborés par les broderies bleues et argentées sur ses uniformes. « Tu étais dans quelle école, avant ? À quoi est-ce que ça ressemblait ? »

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Ramassé dans son fauteuil, les jambes croisés par-dessous lui, Nikita scrutait Selene d’un œil félin. Ce n’était pas complétement un hasard d’ailleurs, impressionné par l’aura du Kot Baioun le chat sorcier il avait quelque fois essayé d’adopter ses postures et son attitude, pour un résultat bizarre.
A défaut d’être vraiment convainquant, cela avait le mérite de lui aiguiser l’œil et il se targuait d’arriver à lire dans le comportement de ses interlocuteurs, quelques indices sur leurs personnalités. Si cette lecture à froid n’y suffisait pas, la légilimancie pouvait achever le travail. Pour ce qu’il percevait actuellement de la jeune fille : pas grand-chose. Ou quelque chose de profondément confus. Soyons clair, elle avait l’air d’avoir reçu un coup sur la tête et, sauf à être naturellement lunaire, devait être un peu idiote. Ceci dit, ce n’était guère étonnant venant d’une britannique, Nikita n’attendait pas d’elles des miracles.

Affaires, politiques, il hocha la tête. Ça expliquait sa venue à l’ambassade, mais elle s’était gardée de lui préciser dans quel secteur son père travaillait, par méfiance envers lui ? C’était de bonne guerre. Elle tenta bien de dévier la conversation mais, pas fou, Nikita n’entendait pas lâcher prise si aisément.

- Nous sommes arrivés début juillet. Ton père travaille dans quoi ? C’est quelqu’un d’important dans le coin ?

S’il l’avait voulu, il lui aurait été facile de lire ces informations directement dans l’esprit de la jeune fille, mais il voulait d’abord voir si elle allait lui mentir. Ce que les gens essayaient de cacher était souvent d’une valeur supérieur à ce qu’ils acceptaient de révéler du premier coup.

Polie, la jeune fille répondait à chacune de ses questions de manière précise, mais succincte. Au moins leur discussion avait-elle le mérite de l’efficacité.

- Quatorze.

Il hocha la tête à l’énumération des maisons qu’il connaissait déjà. Contrairement à Koldovstoretz, Poudlard attribuait des « équipes » dès la rentrée des élèves et selon leur personnalité, disait-on. Serdaigle signifiait, de mémoire, un esprit curieux et universitaire, un sérieux dans les études. Peut-être était-ce là la raison du mutisme de Selene ? elle était peut-être asociale ? Une espèce d’intello pas dégourdie ?
Lorsqu’elle le questionna sur sa précédente école, Nikita se laissa aller contre le dossier du fauteuil, bras croisés, dans une posture qui transpirait – involontairement, promis ! – un fond de morgue.

- Koldovstoretz. L’école de sorcellerie russe.

Une ombre de satisfaction lui avait éclot au coin du visage et il darda sur Selene un regard qui semblait dire « t’y connais rien ».

- C’est un secret. L’endroit est incartable. Dissimulé.

Abandonnant sa position, il revint se pencher en avant, sans quitter la jeune fille du regard, comme pour lui souffler un secret odieux.

- Les secrets millénaires de la vieille Moscovie nous y sont révélés. Des magies dont on n'a pas idée, les élèves sont rares à en recevoir les enseignements, expliqua-t-il sur un air de mystère, omettant au passage d’expliquer que si l’école était désertée, c’était qu’une bonne part de la société sorcière de Russie s’était tournée vers Durmstrang il y a des années de cela.

(SELENE ☉ NIKITA)
un long dimanche de pluie

Face à Selene, le garçon respirait une confiance que les lieux ne faisaient que magnifier un peu plus. Dans ce fauteuil, il avait les airs d’un grand personnage qui observait d’un œil inquisiteur une invitée pas tout à fait à sa place. Bien que son assurance soit quelque peu intimidante, la jeune fille appréciait pour la première fois le goût d’une rencontre avec une personne de son âge qu’elle ne connaissait pas. De fait, il n’y avait rien de dangereux à ne pas se remémorer, aucune relation passée susceptible de teinter leurs échanges, aucun préjugé quant à leurs personnalités. C’était étrangement rafraîchissant, encore plus au cœur de la lourde humidité qui enveloppait Londres et ses pavés. Selene répondit tranquillement aux — nombreuses — questions de Nikita, essayant d’en dire autant que possible sans pour autant s’engager sur un chemin impraticable. C’est qu’il devait être curieux d’une foule de choses, étant nouvellement arrivé en Grande-Bretagne, et si la jeune fille n’avait jamais déménagé — du moins, pas qu’elle se souvienne — elle éprouvait une sincère empathie face à quelqu’un qui avait probablement perdu plusieurs de ses racines.

Cependant, même avec toute sa bonne volonté, il y avait des choses — tout un tas — qu’elle ne savait pas. « Nous sommes arrivés début juillet. Ton père travaille dans quoi ? C’est quelqu’un d’important dans le coin ? » Quelles étaient exactement les affaires qui occupaient Père ? Était-il quelqu’un d’important dans le coin ? De quel coin parlait-on, exactement ? Autant de questions auxquelles elle ne pouvait apporter que des réponses basées sur des présomptions. La notion de son importance, surtout, lui posait des difficultés. Elle ne côtoyait le patriarche Paulet que dans leur grand appartement londonien, ombre violente qu’elle évitait autant que possible, ne s’offrant qu’aux confrontations qu’il décidait de son propre chef. À ses yeux, il était plus qu’important, il était essentiel dans les rouages bien huilés de leur cage familiale, un poids qui n’avait rien de positif néanmoins. Pour le reste… Selene avait bien été obligée de lire quelques éléments de l’histoire de sa famille, ainsi savait-elle que ce nom, Paulet, était celui d’une longue lignée de riches sorciers, et elle pouvait supposer que cela conférait une certaine importance à ceux qui le portait. Son père était constamment vêtu de costumes sans le moindre pli, qu’il recouvrait d’une longue cape fluide dès qu’il s’en allait vaquer à ses occupations, et sa mère avait toujours de belles robes et un lourd collier de perles autour de son cou. Bon, mais cela ne l’aidait pas beaucoup. En revanche, la perspective du regard noir posé sur elle, silencieux comme toujours et pourtant tellement prolixe acheva de la convaincre. « Important, oui. Il connaît beaucoup de monde. Je crois qu’il travaille dans le commerce international, mais je ne pourrais pas t’en dire plus, il ne parle pas beaucoup de ça à la maison. » Il ne parlait pas beaucoup tout court puisqu’il était souvent soit enfermé dans son bureau, soit à l’extérieur pour un quelconque rendez-vous. « Ton père est ambassadeur, alors ? Ça ressemble à quoi ? » Peut-être qu’à quatorze ans, puisque c’est l’âge qu’il lui révéla avoir, succinctement, il avait déjà été dans plusieurs pays, suivant son père et les affaires de ce dernier là où ça les menait.

Des paternels, la conversation glissa vers Poudlard, ce grand château mystérieux niché quelque part en Écosse qui accueillerait bientôt tout un tas de nouveaux et d’anciens élèves, Selene et Nikita compris. Cependant, là d’où venait son interlocuteur l’intéressait au moins autant qu’une école qu’elle avait fréquenté mais dont elle avait tout oublié. Il y aurait de quoi satisfaire sa curiosité sous peu, alors que pour le reste, seul Nikita était présentement à même de lui révéler de nouvelles choses. « Koldos… » essaya-t-elle de répéter pour elle-même, échouant lamentablement à reproduire les dures sonorités. Elle abandonna l’idée alors que le garçon reprenait la parole, précisant que l’école n’était sur aucune carte, protégée magiquement. « Hm, il me semble que c’est le cas de Poudlard aussi. Sûrement que toutes les écoles de magies sont protégées comme ça. » pensa-t-elle à voix haute. Les similitudes s’arrêtèrent là alors que Nikita se penchait vers elle, comme pour la mettre dans une confidence des plus mystérieuses. Par mimétisme, elle l’imita, se penchant vers lui sans s’en rendre compte, l’oreille tendue. De ce qu’elle avait lu, elle, Poudlard n’enseignait aucun secret millénaire et les élèves étaient plutôt nombreux. Kolvo… Koldro… L’école russe semblait bien plus occulte que ne l’était celle du Royaume-Uni. « Wow… Tu dois connaître plein de choses impressionnantes alors. » Du moins, à la hauteur de leurs quatorze et quinze ans. « Ça va pas trop te manquer, une fois à Poudlard ? Ton école a l’air vraiment plus… fascinante. » fit-elle, cherchant un instant le bon mot pour décrire ce qu’elle ressentait. « Et qu’est-ce que tu penses de Londres, jusque-là ? » lui demanda-t-elle dans la foulée, se remémorant qu’il avait dit être arrivé au début du mois de juillet seulement.

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A défaut de se sentir bien à sa place en Grande-Bretagne, Nikita pouvait au moins se sentir à sa place dans son fauteuil. D’ailleurs, l’ambassade n’était-elle pas en quelque sorte un petit morceau – expatrié comme lui – du territoire de Russie ? Aussi se sentait-il parfaitement à l’aise pour ce qui était de questionner son invitée, quitte à prendre le risque de se comporter en hôte désagréable.
De toute façon, elle avait l’air pas mal perchée, à coup sûr elle ne comprenait rien à la situation.

Le commerce international ne disait pas grand-chose au jeune homme – depuis combien d’année son pays avait-il été coupé de ces grands flux là ? – mais il voyait l’idée générale, quand bien même Selene ne soit pas entrée dans les détails. D’ailleurs, disait-elle la vérité en expliquant qu’ils ne parlaient pas beaucoup de ces sujets chez elle ? Elle pouvait bien mentir, ça n’aurait pas été si étonnant, pour dissimuler des secrets familiaux. C’est en tout cas ce qu’il aurait fait, lui. Un instant il fut à nouveau tenté de pénétrer dans la caboche de la jeune fille mais se retint. Le risque d’être pris la main dans le sac n’était pas négligeable et il ne voulait pas provoquer un scandale.

Il hocha simplement la tête, comme prenant note des paroles de son invitée, avant de répondre pour lui-même.

- Ça ressemble à ça, dit-il en désignant d’un geste flegmatique le hall. Mais il vient juste d’être nommé en Grande-Bretagne.

Elle n’ignorait pas au moins que leurs deux pays venaient tout juste de reprendre des relations diplomatiques officielles, quand même ? Comme la jeune fille ne semblait pas capable de faire la conversation tout seul, il poursuivit ses explications : Il faut discuter avec des gens importants au nom de la Russie. C’est pour ça que je pense que ton père est quelqu’un qui pèse.

Il plongea son regard dans celui de Selene, histoire de voir si elle allait consentir à en dire plus ou non.

La discussion dérivant immanquablement sur le sujet de la rentrée, sujet ô combien fascinant tant Poudlard demeurait pour lui un lieu nébuleux, sujet à fantasme autant qu’à appréhensions. Et pour gérer ça, le mieux était encore de le dévaloriser au profit de son ancienne école.
Alors qu’il était plutôt content de son petit effet, la réponse de Selene, relativisant l’incartabilité des lieux, lui arracha une ombre de grimace. Elle se rattrapa heureusement en ayant malgré tout l’air impressionnée lorsqu’il évoqua les magies secrètes de Koldovstoretz.

Avec l’humilité du prince, il haussa les épaules.

- Je ne sais pas. Peut-être que Poudlard sera à la hauteur.

Il en doutait sincèrement cependant. Koldovstoretz était littéralement immergée sous un lac et cernée d’un serpent géant, à côté de ça, c’était évident que l’école de magie britannique ferait pâle figure, quels que soient ses propres secrets.

- Fascinante elle l’est, répondit-il crânement. Dommage que je ne puisse pas t’en dire plus, tu serais bluffée.

Dommage aussi de ne pas pouvoir utiliser la legilimancie, mais c’était un pouvoir à employer avec parcimonie. On ne tenait pas à ce que la moitié du monde sorcier apprenne que la Russie formait ses nouvelles générations de magiciens à percer l’esprit de leurs adversaires. Discrétion s’imposait, la mère Patrie comptait sur lui.

- J’ai failli me faire kidnapper, rebondit-il tout de go sur la question de Selene. Dans l’allée des embrumes, je n’avais pas ma baguette.

Et pas son chat, aussi, mais ça il le garda pour lui.

- Est-ce toujours aussi malfamé par chez vous ?

(SELENE ☉ NIKITA)
un long dimanche de pluie

Aux questions nombreuses du garçon se succédaient des réponses bien plus succinctes. Il était peut-être de ceux qui préfèrent interroger les autres plutôt que de trop en relever sur eux-mêmes. Malheureusement, il n’était pas très bien tombé puisque Selene n’était pas capable de lui en dire tant que ça, ses propres souvenirs morts noyés au début de l’été, son esprit presque aussi neuf que celui d’un nouveau-né. Néanmoins, elle s’efforçait d’entretenir la discussion, tant bien que mal, lui offrant quelques informations sur le métier de son père et sur l’importance qu’il occupait dans la société sorcière anglaise — c’était un bien vaste monde et en grande partie inconnu aux yeux de la jeune fille, mais elle faisait de son mieux pour lui fournir des détails clairs, aidée par rien de plus que ses déductions propres, quelques mots dont le patriarche Paulet était avare, quelques morceaux de conversation surprises de l’autre côté d’une porte. — avant de faire pivoter l’aiguille de leur tête-à-tête et de l’interroger sur son père à lui. « Ça ressemble à ça. Mais il vient juste d’être nommé en Grande-Bretagne. » Selene balaya le hall des yeux en même temps que Nikita le désignait d’un geste indifférent. Ça ne lui en disait pas beaucoup sur la fonction même d’ambassadeur, si ce n’était qu’elle fournissait à l’homme un lieu de travail — et à sa famille un lieu de résidence ? comment marchaient les ambassades, exactement ? — plutôt luxueux. « Il faut discuter avec des gens importants au nom de la Russie. C’est pour ça que je pense que ton père est quelqu’un qui pèse. » Ça faisait du sens. Selene hocha la tête, une petite moue d’approbation se dessinant sur ses traits. « Ben, il a de l’argent et il connaît beaucoup de monde, est-ce que c’est important pour la Russie ? » demanda-t-elle avec une candeur presque dangereuse en de tels lieux. À travers le prisme de sa mémoire vierge, elle était incapable de dire ce que son père faisait précisément, ni ce qui l’attirait en politique, ni quels buts ils poursuivaient en se rendant ici. Elle voyait simplement deux adultes qui avaient des affaires à mener de concert.

Délaissant les affaires des grands de ce monde pour des sujets plus d’actualité pour des adolescents de leurs âges, ils en vinrent à parler de Poudlard, de la rentrée qui se dessinait, plus proche que jamais, et de l’ancienne école de Nikita qu’il avait quittée pour venir ici. « Je ne sais pas. Peut-être que Poudlard sera à la hauteur. » Selene ne nota pas l’ombre qui venait de passer brièvement sur le visage de l’adolescent, ni l’air supérieur qu’il prenait dès qu’il parlait de son ancienne école, ou, plutôt, elle l’interprétait comme les émotions d’un garçon dont on avait arraché les racines pour les replanter ailleurs en Europe. Ce n’était pas faux, c’était en même temps très loin de la vérité. « J’espère, ce serait dommage que tu regrettes trop ton ancienne école. Est-ce que vous étiez répartis dans des maisons aussi, en Russie ? Tu vas garder un semblant de continuité ou bien tu vas repartir de zéro ? » l’interrogea-t-elle, peut-être plus curieuse encore qu’il ne l’était. Car de l’intérêt, elle en avait à revendre, aussi bien pour les perspectives qui l’attendaient à Poudlard en tant que nouvel élève que pour cette fascinante école sur le continent, baignée d’un voile de mystère dont Nikita ne leva même pas un petit bout, se contentant d’attiser plus encore sa curiosité par un : « Fascinante elle l’est. Dommage que je ne puisse pas t’en dire plus, tu serais bluffée. » Une étincelle de déception brilla au fond de ses prunelles, mais Selene n’insista pas. S’il ne pouvait pas, il ne pouvait pas, point final.

Puisque les affaires paternelles se décidaient dans un bureau au-dessus de leurs têtes et que Nikita n’avait pas le droit de lui parler de son ancienne école, Selene passa à un tout autre sujet, lui demandant ce qu’il pensait de Londres. Enfin, peut-être n’était-il pas beaucoup sorti de l’ambassade s’ils venaient tout juste d’arriver… Une pensée qui fut immédiatement balayée par les révélations du garçon. « J’ai failli me faire kidnapper. Dans l’Allée des Embrumes, je n’avais pas ma baguette. » Les yeux écarquillés, Selene se demanda un instant s’il se moquait d’elle, mais son air parfaitement sérieux lui disait que non. Elle savait, à peu près, ce qu’était l’Allée des Embrumes puisque sa mère lui avait formellement interdit de s’en approcher cet après-midi où elle s’était retrouvée libre de vaquer à ses propres envies pendant que la silhouette maternelle s’éloignait pour d’autres occupations. « Kidnapper ? Mais par qui, comment ? Qu’est-ce qu’ils te voulaient ? C’est parce que tu es le fils de l’ambassadeur ? » ajouta-t-elle, les sourcils froncés. C’était vraiment si dangereux que ça ? « Est-ce toujours aussi mal famé chez vous ? » Par réflexe, elle secoua la tête. Mais en vérité, elle n’en savait trop rien, même si un vieux sentiment de souvenirs perdus lui donnait envie de croire que non. En tout cas, elle n’avait jamais mentionné un tel événement dans aucun de ses carnets. Mais il est vrai que ceux-ci parlaient de certaines choses, à Poudlard, qui faisaient froid dans le dos… « Non, en tout cas, je n’ai jamais failli me faire kidnapper. Mais je ne suis jamais vraiment allée jusque dans l’Allée des Embrumes, c’est ce coin-là qui est risqué. » expliqua-t-elle comme si elle savait parfaitement de quoi elle parlait, alors qu’elle ne faisait que répéter des propos appartenant à d’autres, sans jamais avoir été en mesure de vérifier leurs dires.

(c) SIAL ; icons sial

Au risque de se répéter dans ses pensées, Nikita fut bien obligé de faire à nouveau le constat que cette fille était d’une naïveté assez confondante. Comparée à Gwendolyne, la différence était frappante et n’aurait-il connu que l’une ou l’autre, il aurait pu être tenté de tirer des conclusions radicalement opposées sur le caractère des Anglaises.
Avoir de l’argent et connaître du monde étaient précisément deux des choses qui intéressaient le plus la Russie. Argent signifiait pouvoir, influence et – en général – de grandes connaissances magiques qui permettaient au sorcier les possédant de se distinguer. Quant au réseau, il était nécessaire pour naviguer dans le panier de crabe politique qu’était ce pays étranger. Il était presque tenté de le lui balancer à la gueule tant la naïveté de Selene était surprenante mais considérant que son père n’aurait sans doute pas apprécié qu’il se moque de leur hôte, il se contenta de hausser les épaules d’un air d’évidence.

Le sujet dériva assez naturellement vers Poudlard – sujet logique pour des adolescents de leur âge – et de son ancienne école, Koldovstoretz. Chacun n’ayant vu qu’un seul des deux châteaux, la conversation ne pouvait que déboucher sur un dialogue de sourd mais pour cette fois, le côté bonne pâte de la jeune fille se révéla une bonne chose puisqu’elle n’eut pas la puérilité de renchérir aux affirmations de Nikita, abondant même en son sens ce qui lui fit assez plaisir.
Se rehaussant dans son fauteuil, content de parler de son ancienne école, il eut une petite moue mitigée.

- Pas exactement. Nous ne sommes pas répartis dès le début mais il y a bien des maisons à partir de la deuxième année. Chacune correspond à une spécialisation magique. On appelle ça des Cours. D’abord la Cour grise, puis trois couleurs, moi j’étais dans la noire.

Celle des duels et de la magie offensive. Une bizarrerie étant donné son niveau catastrophique en magie de combat, mais c’était le parcours le plus prestigieux et il aurait été malvenu qu’un Yaga ne suive pas la voie royale. De toute façon, il y avait si peu d’étudiants à Koldovstoretz ces dernières années que les places ne valaient plus très chère…
Il balaya l’hypothèse selon laquelle il lui faudrait repartir de zéro. Son père lui avait confirmé que c’était hors de question.

- Non ce serait insultant et je ne suis pas plus mauvais qu’un Anglais, répondit-il, trahissant sans s’en rendre compte quelques pensées qu’il gardait jusque là dissimulées. Toi tu as quinze ans alors tu dois entrer en 5ème année c’est ça ? Moi en 4ème, il paraît qu’il y a des options aussi chez vous à la fin de la cinquième, c’est un peu comme chez nous dans ce cas, tu sais quelle option tu vas choisir ?

Quand il était parti sur sa lancée, l’anglais devenait presque comme un jeu et pouvait déboucher sur des phrases à rallonge.

L’annonce de sa tentative de kidnapping eut l’effet escompté et le jeune homme laissa passer sur son visage une ombre de fierté satisfaite.

- Peut-être, répondit-il quand elle lui demanda si on avait essayé de l’enlever à cause de ses origines, même s’il en doutait sincèrement, la faute plus probable à la bourse de galions qu’il avait eu la sottise de se trimballer au vu et au su de tous. C’était de pauvres gens, ils ont été défaits.

Il hocha ensuite la tête.

- Risqué, oui. Il faut une bonne escorte, ou bien avoir le droit de faire de la magie, pour nous c’est dangereux, les sorciers s’en prennent aux innocents. »

(SELENE ☉ NIKITA)
un long dimanche de pluie

Selene n’était pas aussi stupide que le laissaient penser ses grands yeux bleus placides, non, ce n’était pas de la sottise mais plutôt une maladresse causée par ce paternel un peu trop brutal, pas ces liens qui l’enserraient de toutes parts, par cette amnésie qui rendait ses pas aussi malhabiles que ceux d’un jeune enfant. Elle sentait bien le regard de Nikita peser sur elle d’une drôle de façon et les étincelles au fond de ses prunelles n’étaient pas tout à fait sans lui rappeler celles qui passaient parfois dans celle de son père. Ce même mépris qui se distillait un peu partout, dans quelques mots ici et là, dans quelques rictus des fois. Peut-être qu’elle se faisait des idées et que ce n’était rien d’autre qu’une incompréhension culturelle, ou peut-être que c’était le naturel du jeune garçon ; peut-être bien aussi qu’être dans des lieux aussi impressionnants lui faisait tourner la tête et lui donnait de fausses impressions.

Dans tous les cas, cela importait peu. Ils étaient seuls dans cet immense hall d’entrée, leurs pères partis vaquer à des occupations bien adultes, et il était hors de question que Selene commette le moindre impair. Et puis, en fin de compte, peu importe ce que portait le regard du garçon, il était entré dans cette conversation de son plein gré et n’hésitait pas à répondre à ses questions sur l’école qu’il avait dû quitter en venant en Angleterre. Selene était curieuse, autant de Poudlard qu’elle lisait dans ses livres et dans ses notes, que de cette lointaine contrée d’où provenait Nikita et où il avait étudié. « Pas exactement. Nous ne sommes pas répartis dès le début mais il y a bien des maisons à partir de la deuxième année. Chacune correspond à une spécialisation magique. On appelle ça des Cours. D’abord la Cour grise, puis trois couleurs, moi j’étais dans la noire. » Noir ne lui semblait pas vraiment être une couleur mais elle se garda bien de le mentionner à haute voix. « Elle correspondait à quoi ? » À ses yeux qui redécouvraient le monde, Poudlard n’était pas dénué de magie, loin de là, mais Koldovstoretz en était drapé de plus encore. C’était qu’à force de lire tout ce qu’il y avait à savoir de son école où elle avait passé quatre années, elle en venait un peu à se lasser. Tout était nouveau dans ce que Nikita lui contait, elle n’avait pas à faire semblant de connaître des choses qu’elle n’aurait pas dû oublier, et elle n’avait pas vraiment envie qu’il s’arrête. C’était rafraîchissant, de ne pas avoir besoin de peser chacun de ses mots par crainte de dire une énormité. Au moins, face à un sujet inconnu, elle était en territoire conquis.

Ils poursuivirent leur échange, Selene se demandant s’il allait devoir recommencer depuis le début, du moins repartir quelques années en arrière. C’était aussi un peu sa crainte, à elle, si elle ne parvenait pas à retrouver des bases solides qui lui permettraient de se rendre jusqu’aux examens. Néanmoins, Nikita ne semblait pas agité des mêmes troubles, convaincu qu’il n’était pas moins bon qu’un autre — ce que Selene approuva d’un hochement de tête, avant de déceler cette drôle de tournure qu’il avait employée. Mettant ça sur le compte de l’anglais qui n’était pas sa langue maternelle, elle repoussa cette singulière sensation qui se serait faite noyée sous le flot de questions, de toute façon. « Toi tu as quinze ans alors tu dois entrer en 5ème année c’est ça ? Moi en 4ème, il paraît qu’il y a des options aussi chez vous à la fin de la cinquième, c’est un peu comme chez nous dans ce cas, tu sais quelle option tu vas choisir ? » Franchement, elle préférait autant qu’ils ne parlent pas trop d’elle et qu’ils se concentrent sur lui, c’était plus facile, plus reposant. « C’est ça, » confirma-t-elle avec un sourire gêné qui s’étira jusque dans sa posture, la faisant se tortiller sur le siège jusque là si confortable. Il lui fallait, en plus de démêler les mots balancés à toute vitesse, retrouver le fil de ses pensées et des notions apprises. La liste des matières qu’elle suivait dansait devant ses yeux, sans qu’elle ne puisse tracer la ligne entre les options « J’ai déjà choisi, je garde les mêmes. J’ai, hm… » Qu’est-ce qui semblait un peu moins basique que le reste ? « Botanique, Arithmancie, Astronomie, Runes, enfin, il y a aussi des cours obligatoires. Et toi ? Tu as pu consulter la liste et te faire une idée ? Et ta maison, alors, t’as une préférence ? » Selene était sincèrement curieuse mais aussi plus à l’aise de parler de lui que de s’exposer.

Une ombre stupéfaite passa sur son visage lorsque Nikita lui révéla avoir failli se faire kidnapper, ici, à Londres, proche du Chemin de Traverse. Mère l’avait avertie que l’Allée des Embrumes n’était pas un endroit à fréquenter pour une adolescente, mais elle ne pensait pas ce lieu si dangereux. Était-ce à cause de l’âge du garçon, de son origine russe ou, plus précisément, parce que son père était le tout nouvel ambassadeur ? « Peut-être. C’était de pauvres gens, ils ont été défaits. » conclut-il et Selene hocha la tête, rassurée de savoir que tout était bien allé pour lui, en fin de compte. « Tant mieux. » fit-elle avec une moue réellement soulagée pour lui. Rien de tel ne lui était jamais arrivé — une amnésie était bien suffisante pour l’été tout entier, elle était bien contente de n’avoir rien d’autre à gérer — mais elle rassura Nikita, lui affirmant que tout Londres n’était pas aussi risqué. « Risqué, oui. Il faut une bonne escorte, ou bien avoir le droit de faire de la magie, pour nous c’est dangereux, les sorciers s’en prennent aux innocents. » Un léger malaise l’enveloppa face à cette généralité. Tous les sorciers ne s’en prenaient pas à tous les innocents… N’est-ce pas ? Ce n’était pas comme si elle avait quoi que ce soit pour étayer son ressenti, mais quand même. Son regard papillonna vers les escaliers, mais les adultes en avaient sûrement pour encore longtemps. « Mes parents m’interdisent simplement de m’y rendre. Si on reste sur le Chemin de Traverse, on ne risque rien, tous les sorciers ne cherchent pas à s’en prendre aux adolescents. » En tout cas, elle n’avait rien rencontré de tel lors de ses errances estivales, il y avait déjà quelques semaines de cela.

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- Noire, la Cour des duellistes et de la magie offensive, expliqua-t-il comme une évidence. C’est la Cour de la force. Les Yaga y vont la plupart du temps, cela correspond d’avantage à nos aptitudes.

Pas tant que ça aux siennes, en vérité, mais cela Selene n’était pas obligée de le savoir. Le sujet dérivant assez naturellement sur les options de chacun, la réponse de la jeune fille fut de lui dresser une espèce de liste des matières qu'elle suivait à Poudlard et il s’apprêtait à en faire de même pour celles que lui suivait à Koldovstoretz lorsque ce fut comme une illumination. Le caractère taiseux de Selene, ces questions intéressées sur son école, ses secrets, sur lui, sur son parcours.

Il se roidit.

Tout devenait clair soudain, on l’avait chargée de le faire parler. Même leurs méthodes étaient… malin, malin, il fallait bien l’avouer. Lui envoyer une grande blonde, là, avec son visage pas désagréable à regarder et ses airs ingénus. Pas étonnant qu’elle ne connaisse rien du travail de son père, ce n’était très probablement pas son père du tout ! En fait, il n’était même pas certain que Selene soit son vrai nom, et qui pouvait bien dire si elle était vraiment scolarisée à Poudlard ?

Assaillie par une sueur froide, Nikita remonta en pensée toute la conversation, énumérant dans sa tête les informations qu’il avait livré. Les Britanniques avaient la culture de l’espionnage, il aurait dû être plus prudent…

- Ma maison, heu…

Perturbé par sa lucidité nouvelle, il moulina à la recherche de la meilleure réponse à donner.

- J'aimerai aller à Poufsouffle. C’est la maison des gens honnêtes.

Tu parles Charles. Poufsouffle était la maison des débiles et Selene pouvait se gratter pour l’honnêteté, elle en avait assez soupé pour son compte, ça oui, la grognasse infiltrée. Tout en contrôle, le jeune homme s’était légèrement redressé et n’affichait plus l’espèce de nonchalance qu’il avait eut jusqu’ici. Se rendant compte de son changement d’attitude, il fit mine de se relâcher légèrement dans le fauteuil, mais sans y parvenir complétement et sa pause n’avait pas grand-chose de naturelle. Surtout, il ne quittait plus la jeune fille des yeux à présent.

Il hocha roidement la tête lorsqu’elle lui expliqua que ses « parents » lui interdisaient d’aller dans l’Allée des embrumes, bien décidé à ne plus croire un seul mot qui sortait de la bouche de cette fille. Nikita cogitait à présent à tout allure pour chercher une sortie à ce guêpier. Comme si elle avait senti que sa mission venait d’échouer, la jeune fille jeta un coup d’œil vers l’escalier mais ces-derniers restaient vides à présent. Impossible de s’échapper, pensa le jeune homme, et le chasseur vient de devenir la proie.

Il afficha une espèce de sourire affable.

- Tu as de la chance que tes parents tiennent beaucoup à toi, visiblement.

Autant dire, ses patrons du ministère…

- Dis moi Selene, tu accompagnes souvent ton papa en mission, enfin, tu vois, pour son travail ?

Le lapsus était volontaire. Nikita avait été entraîné à la légilimancie en Russie, dont il faisait une arme au service de sa nation. S’il y avait bien une occasion de s’en servir, c’était pour percer à jour les petites manigances des agents du gouvernement anglais. Il en aurait le cœur net !

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➤ 1 ; 2 = Nikita perce discrètement l'esprit de Selene et parvient à lire ses prochaines pensées
3 ; 4 = Nikita se heurte aux défenses naturelles de l'esprit de Selene et doit reculer
5 ; 6 = la tentative d'intrusion échoue violemment, si la jeune fille n'arrive pas à reconnaitre la légilimancie, elle sait au moins que quelque chose de bizarre vient d'avoir lieu
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'Le Hasard' : 1

(SELENE ☉ NIKITA)
un long dimanche de pluie

Selene hocha la tête d’un air entendu, comme si ce que lui expliquait Nikita résonnait en elle et trouvait un sens derrière l’importance qu’il accordait à chacun des mots prononcés dès qu’il était question de son ancienne école. Il avait l’air d’en être fier et elle ne voulait pas le peiner en laissant son visage s’habiller de toutes les interrogations qui persistaient dans son esprit. Koldovstoretz restait un monde étranger et peuplé d’ombres qu’elle peinait à discerner. En ça, ce n’était pas très différent de Poudlard, sauf qu’elle était censée connaître l’un depuis quatre ans déjà alors que l’autre venait seulement de lui être évoqué. En tout cas, cela ne la dérangeait pas le moins du monde d’écouter le garçon, encore et encore, tisser la toile d’une contrée lointaine aux coutumes bien différentes

Si elle se souvenait bien de ses lectures, Poudlard avait différents cours liés à la magie, comme ceux de sortilèges ou de métamorphoses, mais elle ne se souvenait de rien dédié entièrement aux duels ou à la force pure. Elle tenta, tant bien que mal, de lui offrir un aperçu des leçons qui ponctuaient les emplois du temps des élèves britanniques, énumérant quelques noms qui lui semblaient plus relever des options que des cours obligatoires avant de retourner plusieurs questions à Nikita : quelles matières il comptait suivre, quelle maison il espérait rejoindre… Rien de trop curieux mais tout de même un peu. À ces mots, elle sentit le garçon perdre le fil, se raidir un peu dans son fauteuil. Est-ce qu’elle lui en demandait trop ? Il n’avait peut-être pas envie de parler de choses qu’il ne connaissait pas encore très bien ; ce qu’elle était à même de comprendre à cent pour cent. Venait-elle de commettre un impair ? Son regard se baissa sur ses genoux, ses pensées cherchant comment rattraper le léger malaise qui s’était installé.

Elle s’apprêtait à lui faire savoir qu’il n’avait absolument aucune obligation de répondre s’il n’en avait pas envie quand il balbutia du bout des lèvres « Ma maison, heu… », bien loin du ton assuré qu’il avait depuis le début cette rencontre. « J'aimerai aller à Poufsouffle. C’est la maison des gens honnêtes. » Un doux sourire étira les lèvres de Selene. Peut-être qu’il avait juste été déstabilisé parce qu’il ne se rappelait plus des caractéristiques de chaque maison, surtout si celles-ci divergeaient à ce point de celles auxquelles il était habitué. « Et de la loyauté, ainsi que de la justice. » ajouta-t-elle en plongeant dans les choses récemment apprises. « En plus, il y a du noir sur leur blason, ça te rappellera ta cours. » C’était presque un peu dommage, s’il avait été à Serdaigle, elle aurait au moins connu un visage parmi la foule anonyme dont elle ne se rappelait plus. Encore que le Choixpeau pouvait tout à fait décider de ne pas tenir compte de ses souhaits et l’envoyer ailleurs, mais elle avait lu que si on lui demandait très fort, il respectait nos choix. Légende ou réalité, ça, elle n’en savait rien.

La mention de son enlèvement raté laissa Selene stupéfaite et soulagée qu’il ne lui soit rien arrivé de grave, in fine. Elle comprenait un peu mieux les directives maternelles au sujet de cet endroit. « Tu as de la chance que tes parents tiennent beaucoup à toi, visiblement. » Sur ses genoux, ses poings se raidirent inconsciemment. Avait-elle réellement cette chance ou n’était qu’une belle fable créée de toutes pièces par le couple Paulet ? Parce qu’elle n’avait pas l’impression que le regard noir de son père tienne tant que ça à elle, ni que l’évitement constant de sa mère soit une si grande marque d’affection. Ces pensées lui coupèrent presque le souffle. C’était la première fois qu’elle les verbalisait aussi clairement, mettant le doigt sur cette frustration qui s’accumulait depuis son réveil de l’hôpital. « Dis moi Selene, tu accompagnes souvent ton papa en mission, enfin, tu vois, pour son travail ? » En mission ? Ses yeux se parèrent d’étincelles intriguées. Ce devait être un lapsus causé par la langue étrangère qu’il était en train de parler. Selene revoyait Orion Paulet quitter sa chambre d’hôpital parce qu’il avait un rendez-vous important, laissant derrière lui sa fille esseulée ; lui, encore, revenir bien après l’heure du dîner car des affaires l’avaient retenu longtemps ; toujours la même silhouette paternelle la convoquer dans son bureau pour lui donner quelques derniers ordres avant une réception guindée. Ne me fais pas honte. Un sourire amer ombragea ses traits. « Non, pas souvent. Je reste beaucoup chez nous, à réviser. » Parce qu’il fallait bien qu’elle fasse disparaître cette stupide amnésie, n’est-ce pas ? Là étaient les ordres paternels et mieux valait ne pas désobéir.

Légilimancie:

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Assez aisément, Nikita parvint à pénétrer l’esprit de la jeune fille. Ses défenses semblaient étranges, moins résistantes mais surtout plus indécises, comme si elle n’avait pas exactement su quoi protéger. Cela faisait une sensation bizarre, l’impression d’avancer dans un semi-brouillard. Rapidement, des images sans queue ni tête avaient commencé à se succéder, des paroles aussi, une sensation de tension, vis-à-vis de ceux qui se prétendaient son père et sa mère. Confirmation que ces deux-là n’étaient pas ce qu’ils paraissaient ? Nikita voulu croire que oui et s’enfonça plus loin, mue par le courage des soldats au front, et la curiosité de trouver cet esprit si ouvert et vulnérable.
Il aperçu un bureau et la voix impérieuse de cet homme – qui lui rappela un peu son propre père au passage – mais la relation qui semblait l’unir à Selene n’avait en apparence rien de filiale. Un commanditaire, un patron, peut-être. Il se trouva ensuite dans un hôpital, où l’on mentionnait une amnésie. Il ne comprenait pas. Tout autour de lui n’évoquait que de la confusion, et cet esprit était dépeuplé de vie, tous les tiroirs qu’il ouvrait étaient vides, les parchemins étaient blancs, les fenêtres n’ouvrant que sur du brouillard. C’était très déstabilisant.

Il commença cependant à sentir cette résistance naturelle qu’une présence prolongée tendait à créer, comme si la tête de Selene se défendait d’elle-même contre l’intrusion, à la manière des anticorps, et Nikita revint dans son corps. A peine quelques secondes s’étaient écoulées seulement. Il nota les poings crispés de la jeune fille, mais celle-ci n’avait pas eu l’air d’avoir remarqué son intrusion. Il s’en félicita.

Hochant la tête tout en réfléchissant à tout allure, Nikita tenta de résoudre l’étrange puzzle qu’il venait de découvrir. Assurément, cette fille n’avait rien d’ordinaire, et beaucoup d’indices confirmaient ses soupçons que quelque chose clochait. Mais d’un autre côté, cette vision d’hôpital, l’amnésie…

Dans un coin de sa tête, un vieux souvenir lui revint, de ses cours d’histoire sur la guerre froide, remis au programme par le ministère de la magie en raison des événements touchant la Russie et de son isolement du monde. Des histoires d’espionnages, d’agents infiltrés, à qui l’on effaçait la mémoire, la taupe parfaite, incapable de se trahir, ne sachant même pas qui elle était.

Il ouvrit des yeux ronds. D’une manière hallucinante, les morceaux venaient de se recoller et tout s’expliquait ! On avait volontairement effacé la mémoire de Selene, très certainement pour faire d’elle une agent infiltrée ! Sa présence ici n’était qu’une première étape, un pied dans la porte visant – vraisemblablement, à se servir de lui pour pénétrer l’ambassade des Yaga ! La pauvre était chargée de nouer une amitié – ou plus – avec lui « ne me déçoit pas » puis au moment opportun, on lui rendrait ses souvenirs, et sa véritable nature !

C’était machiavélique !

- A réviser…

Le complot était à ce point alambiqué qu’il avait du mal à se remettre les idées en ordre. Mais si son analyse était juste, la Selene qui se trouvait en face de lui ne devait garder aucun souvenir de sa mission et nager dans le flou le plus total. Que devait-il faire dès lors ? En parler à ses parents, assurément, mais sinon ? Comment retourner cette situation aux allures de guêpiers ? Qu’attendait-on de lui exactement ?

- Tu es déjà allée au ministère de la magie ? demanda-t-il tout de go. Il n’était pas question de dévoiler qu’il avait percé le pot-aux-roses, mais il voulait malgré tout confirmer ses soupçons avant d’en informer ses parents. Et si Selene ne gardait aucun souvenir de sa mission, peut-être la trahirait-elle involontairement ? C’était la faille, avec les agents dormants. « On dit qu’ils ont des étages secrets avec des tas de choses cachées dedans. »

Ne pas trop en dire, ne pas paraître suspect.

- Ce doit être génial d’explorer ces étages tu ne crois pas ? Il doit y avoir plein de trucs à découvrir là-bas, tu y as déjà accompagné ton papa ?

(SELENE ☉ NIKITA)
un long dimanche de pluie

En avait-elle, de la chance, vraiment ? Tout ce que Selene connaissait de sa relation avec ses parents étaient ces rares mentions dans ses carnets qui tournaient plutôt autour de sa vie à Poudlard — l'été excepté quand il lui fallait rentrer à Londres — et rien ne manifestait une grande différence avec son quotidien. La conclusion qui lui venait tout naturellement était donc qu'il en avait toujours été de même : Père et ses directives qui faisaient oeuvre de loi, ses exigences et ses attentes placées si haut ; Mère et ses yeux baissés, ses sourires qui fleurissaient à l'écart de son mari, son rôle d'épouse toujours parfaitement accordé. Le fil de ses pensées traversa plusieurs souvenirs, des scènes aussi précises que floues, qui allaient de son réveil à l'hôpital aux quelques confrontations directes avec le patriarche Paulet — si on pouvait parler de confrontation quand il s'agissait simplement de sa fille qui hochait la tête en silence et repartait de son bureau avec plus de frustration que jamais. Une drôle de sensation réveilla un élan douloureux familier à la base de son crâne et Selene chercha à interrompre le flot de sa mémoire pour en reprendre le contrôle et le faire cesser. Elle n'avait guère envie de sentir une migraine exploser et, même si elle était bien incapable de les contrôler, elle savait que cesser de trop ressasser ce qui se passaiat dans sa tête les ralentissait, au moins un peu.

Quand elle mentionna qu'elle avait passé son été à réviser, Nikita ouvrit des yeux tous ronds, manifestant une surprise qui étonna, à son tour, Selene. Est-ce que c'était si étrange que ça ? Si elle se pliait aux décisions parentales par manque d'alternative et non par envie de passer des journées le nez plongé dans des livres qui se succédaient sans relâche, elle n'y voyait rien de si extraordinaire. C'était comme ça, voilà tout. Mal à l'aise à l'idée d'avoir dit quelque chose qui pourrait rejaillir sur son père comme autant de gouttelettes honteuses, Selene se tortilla un peu sur son siège, se redressant pour se recomposer un semblant d'allure. Il fallait qu'elle en dise moins ou bien il ne serait pas content ; mais il ne fallait pas non plus qu'elle se montre froide avec le fils de l'ambassadeur, ou bien ce serait pire.

« À réviser… » Perdue entre deux eaux tumultueuses, elle hocha machinalement la tête lorsque le garçon laissa ce verbe rouler sur sa langue. Peut-être qu'ils ne révisaient pas de tout l'été, en Russie, et qu'elle assistait à un sacré décalage culturel. Autour d'eux, la lumière des lustres se faisait plus agressive à chaque minute et Selene sentait déjà sa tête s'alourdir, la fatigue pénétrer sous sa peau et serpenter jusqu'à ses yeux, prête à répandre son venin douloureux dans ses tempes. Pas maintenant, pensa-t-elle en se frottant le côté gauche avec son poignet. « Tu es déjà allée au ministère de la magie ? » Prise de court par la question, elle laissa retomber son bras, ses yeux clairs luisant de mille interrogations. « Euh… Oui, il y a longtemps, je ne m'en souviens pas très bien. » mentit-elle du bout des lèvres. Peut-être s'y était-elle déjà rendue, peut-être pas. Les bureaux de Père n'y étaient pas localisés, à sa connaissance, mais elle savait que de nombreuses affaires l'entraînaient en ces lieux, alors pourquoi pas ? Elle était bien là, aujourd'hui, en ce long dimanche de pluie. « On dit qu’ils ont des étages secrets avec des tas de choses cachées dedans. » Derechef, Selene hocha la tête, toujours un peu déstabilisée par le brusque changement de sujet. « Ce doit être génial d’explorer ces étages tu ne crois pas ? Il doit y avoir plein de trucs à découvrir là-bas, tu y as déjà accompagné ton papa ? »

Comprenant que la curiosité d'expatrié de Nikita venait simplement de glisser d'un endroit à un autre, abandonnant Poudlard au profit du mystérieux Ministère de la magie, Selene poussa un peu pour qu'un sourire joyeux retrouve son chemin sur ses lèvres, essayant de ravaler l'appréhension de la migraine qui avait commencé à bourgeonner. « Comme je disais, ça fait longtemps, je ne m'en souviens pas trop. Il paraît que les étages les plus secrets sont interdits, à moins d'avoir les autorisations adéquates. » fit-elle, fouillant entre les pages d'un livre lointain qui se trouvait quelque part au milieu de sa pile et qui parlait justement du fonctionnement de la société magique ici, en Angleterre. On parlait évidemment du Ministère, en long, en large et en travers, et des mystères qui n'étaient pas tous connus, même de ses membres les plus éminents. « Tu aimerais y aller ? » demanda-t-elle avec un sourire curieux. « Enfin, peut-être que c'est déjà le cas. De toute façon, je ne crois pas que tu pourrais pénétrer dans les lieux les plus secrets, ça ne doit pas être autorisé aux enfants. » Non, de ça, elle était même certaine, et pas besoin de lire le moindre grimoire à ce sujet pour en être convaincue. Qui laisserait des adolescents errer impunément entre les murs d'un édifice où se tenaient des choses aussi importantes ? « Le Ministère t'intéresse beaucoup ? Où est-ce que tu as appris tout ça ? » lança-t-elle, dans une nouvelle tentative de faire rebondir la conversation sur Nikita.

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En voyant l’air pris au dépourvu de Selene lorsqu’il mentionna le ministère de la magie, Nikita su qu’il avait visé juste. Qu’elle ne se souvienne pas très bien de ses passages là-bas était logique, si la théorie du jeune homme selon laquelle on lui avait lavé la mémoire en faire un agent dormant se révélait juste Tout au triomphe de sa découverte, il s’autorisa un élan de pitié envers l’adolescente. Elle devait être un peu perdue, la pauvre. Puis l’empathie disparu. Si elle était dans cette situation, c’était sans doute qu’elle s’était portée volontaire, à moins que le ministère de la magie Britannique lobotomise des gens sans leurs accord, auquel cas l’Angleterre était tombée à un niveau d’horreur et de barbarie proprement terrifiant.

La jeune fille semblait perturbée. Pas besoin d’être légiliman pour s’en rendre compte et malgré qu’elle essaye de le cacher, ses sourires et ses hochements de tête avaient quelque chose d’un peu plus roides qu’au début de leur conversation. Peut-être Nikita était-il en train de forcer sur des souvenirs disparus ? Ou bien elle était moins innocente qu’il ne le pensait et tâchait de garder bonne figure, sachant très bien que la conversation dérivait vers des horizons dangereux pour sa mission…

- Comme je disais, ça fait longtemps, je ne m'en souviens pas trop. Il paraît que les étages les plus secrets sont interdits, à moins d'avoir les autorisations adéquates.

- C’est normal, répondit-il d’un ton amusé, il ne faudrait pas que nos petits secrets soient éventés.

Un instant, il douta de jouer trop avec le feu. Ne valait-il pas mieux terminer cette conversation comme si de rien n’était et courir trouver son père pour tout lui raconter ? Mais s’il arrivait avec uniquement des soupçons, ce-dernier était susceptible de ne pas le prendre au sérieux. Et puis Nikita n’était pas encore complétement certain de sa théorie. Disons, 70%. Il restait malgré tout des zones d’ombres.

- Tu aimerais y aller ? Ce fut à son tour d’être surpris « Enfin, peut-être que c'est déjà le cas. De toute façon, je ne crois pas que tu pourrais pénétrer dans les lieux les plus secrets, ça ne doit pas être autorisé aux enfants. »

La remarque lui tira un haussement de sourcil. Se fichait-elle de lui ? Elle n’avait qu’un an de plus, si elle était autorisé à descendre, alors lui pouvait l’être aussi, mais tout le monde n’avait simplement pas la « chance » d’être un espion du ministère.
L’ironie de la situation le saisit avec une demi-seconde de retard. N’était-il pas lui-même un espion, à bien y regarder ? N’étaient-ils pas deux espions jouant un jeu de dupe, chacun tentant de comprendre quelle était la mission de l’autre. Cette perspective lui tira un frisson et il se renfonça dans son fauteuil.

Selene renchérit avec un petit sourire, il avait soudain la désagréable impression que c’était à son tour d’être acculé. Comme si les rôles de proie et de chasseur venaient de nouveau de s’inverser.

- Le Ministère t'intéresse beaucoup ? Où est-ce que tu as appris tout ça ?

- J’aimerai beaucoup y aller si tu veux tout savoir, répondit-il prudemment. « Et je ne suis pas si enfant que ça, pas plus que toi. C’est sans doute au ministère qu’on trouve les plus grands sorciers n’est-ce pas ?

Ça tombait plutôt sous le sens. Les nuls et les traîtres n’y avaient sans doute pas leur place.

- Tu dois être toi-même assez puissante si tu y es descendu, non ? Je n’aimerai pas être ton ennemi.

(SELENE ☉ NIKITA)
un long dimanche de pluie

Un léger malaise commençait à s'instiller dans son esprit sans que Selene ne puisse mettre le doigt sur les causes de celui-ci. La conversation avait pris un tournant étrange mais elle aurait bien été en peine d'expliquer pourquoi. Aussi se raccrochait-elle à ce que lui dictait la raison qui mettait bien des choses sur son amnésie, se répétant que Nikita venait de l'étranger et que ce décalage confus provenait sûrement de là. À bien y réfléchir, une première rencontre pouvait-elle être parfaitement normale lorsqu'il s'agissait de deux adolescents, l'un fraîchement débarqué sur le sol anglais, l'autre profondément déconnectée de ses souvenirs et de sa réalité ? Malgré tout, contrairement aux débuts de leur échange, Selene n'était plus si excitée que ça par la perspective de nouer un lien avec un futur camarade. Elle craignait bien trop de faire un faux pas qui lui coûterait des remontrances, d'autant plus qu'ils effleuraient maintenant un sujet qu'elle maîtrisait encore moins que les autres, ne connaissant plus rien au Ministère de la Magie, rien d'autre que les quelques livres lus au cours de l'été et qui en parlait plus ou moins. « C’est normal, il ne faudrait pas que nos petits secrets soient éventés. » Même si Nikita semblait abonder dans son sens, son trouble augmenta. Il ne pouvait pas savoir son plus grand secret à elle, c'était impossible, parfaitement impensable. Pourtant, les battements de son cœur s'accélèrent et les émotions voilèrent son regard alors qu'elle peinait à sourire comme si de rien n'était. Est-ce qu'un sourire pouvait sonner faux ? « En effet. Enfin, ça doit être ce qu'ils se disent, au Ministère. » articula-t-elle difficilement tant elle essayait de faire disparaître cette impression douloureuse qu'il savait qu'elle avait perdu sa mémoire et qu'il allait s'empresser de tout raconter à leurs pères dès que ceux-ci termineraient leur rendez-vous.

Parler d'autre chose ne pouvait qu'aider, alors Selene, quitte à se perdre sur un chemin inconnu, plongea la tête la première dans ce sujet qu'elle maîtrisait mal mais qui avait le mérite de les faire parler d'autre chose que de sa propre personne. « J’aimerai beaucoup y aller si tu veux tout savoir. Et je ne suis pas si enfant que ça, pas plus que toi. C’est sans doute au ministère qu’on trouve les plus grands sorciers n’est-ce pas ? » Le sourire entendu de Selene à l'idée qu'il veuille se rendre au Ministère se transforma en une nouvelle moue confuse quand il rétorqua qu'il n'était pas plus enfant qu'elle. Ce n'était pas du tout ce qu'elle sous-entendait et les premières syllabes s'égarèrent entre les deux sous formes de balbutiements avant qu'elle ne trouve le fil de ce qu'elle voulait lui dire. « N-Non, je ne sous-entendais pas que tu étais plus… que j'étais moins… C'est comme tu as dit, c'est là-bas qu'on trouve les plus grands sorciers, alors je doute qu'on nous laisse entrer dans les endroits les plus secrets, voilà. Tu aimerais aller dans un endroit en particulier ? » lui demanda-t-elle naïvement, pour rechanger le sens de la conversation qui avait décidément bien trop tendance à replacer les lumières sur ses frêles épaules. « Tu dois être toi-même assez puissante si tu y es descendu, non ? Je n’aimerai pas être ton ennemi. » Son sourire vacilla une nouvelle fois. Qu'est-ce qu'elle était allée lui raconter pour qu'il se fasse une telle idée ? Pitié, qu'il ne la répande pas trop, elle ne se sentait pas puissante du tout, loin de là, et si elle était déjà descendue dans les entrailles du Ministère, ça avait forcément été dans les traces de son père. Mais il était un peu trop tard pour revenir en arrière et Selene se retrouvait empêtrée dans de demi-vérités que Nikita avait réarrangées à sa manière, sans qu'elle ne puisse rien faire pour les démêler. « Ah, mais on est pas ennemis, de toute façon, hein ? » fit-elle dans un petit rire maladroit.

Quelque part, le claquement d'une porte résonna, se répercutant sous les hauts plafonds jusqu'à eux. Selene échangea une œillade curieuse avec Nikita mais bientôt le soupçon se confirma alors que les deux silhouettes paternelles se matérialisaient, encore plongées dans une discussion qui leur appartenait, en haut des escaliers. Elle quitta le fauteuil devenu inconfortable au fil de cette étrange conversation et adressa un petit sourire à son camarade. « Alors, on se revoit à Poudlard. Tu n'auras qu'à me trouver si tu as besoin de quelque chose. J'espère qu'on deviendra bons amis. » Elle avait ajouté ces derniers mots presque précipitamment, se souvenant du regard qui en disait long de son père, lui qui n'était plus très loin maintenant qu'il avait commencé à descendre vers eux, et des attentes qui l'enserraient de toutes parts. Il souhaitait qu'elle devienne proche du fils de l'ambassadeur, d'accord, elle pouvait faire son possible. Quelques secondes s'écoulèrent encore avant que le patriarche Paulet ne rejoigne sa fille, échangeant quelques politesses d'au revoir avec l'ambassadeur russe, Selene se raidissant bien malgré elle maintenant que son père était de nouveau à ses côtés, adoptant cette posture qu'elle n'avait qu'en sa présence. Et sur un dernier geste de la main en direction de Nikita, elle le suivit alors qu'il quittait l'ambassade.

HS:

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