Même si sur le coup Thomas avait surtout été soulagé que la punition d’Armitage se limite à lui confisquer son arbalète – parce qu’en y repensant, manquer d’embrocher le directeur de l’école avec un carreau était certainement assez grave pour justifier un renvoi – passée la peur de la sanction le garçon ruminait un peu de se retrouver privé de son arme. Pas tant qu’il ait eu beaucoup d’occasions de l’utiliser en situation réelle – aucune en fait – mais outre la fascination qu’elle exerçait sur lui le jeune homme avait éprouvé une certaine fierté au fait de l’emporter avec lui. Comme les sorciers avaient leurs baguettes, lui avait son arbalète. Ok ce n’était pas aussi bien mais c’était au moins ça et maintenant il n’avait plus rien du tout.

Parce qu’il n’était en définitive que cracmol, c’est-à-dire condamné à rester en marge du monde magique et ce malgré toute la bonne volonté qu’il pourrait mettre à s’intégrer, Thomas continuait de chercher sa place là où il le pouvait, c’est-à-dire dans son rôle de garde-chasse et les petits passe-droits qui allaient avec. Apparemment se trimballer avec une arbalète n’en faisait pas partie.

Comme sa malédiction de lycanthropie ne survenait qu’une fois par mois, et qu’il n’avait pas la main dessus, il avait un peu mis de côté l’idée qu’il puisse s’agir d’un super pouvoir et se trouvai donc un peu démuni à présent. Pas de magie, pas de passe-droits, et une grosse grosse fatigue après chaque pleine lune… Une personnalité moins joyeuse que Thomas y aurait trouvé matière à se morfondre, lui n’était qu’un peu frustré.

Quel ne fut donc pas sa surprise lorsque, quelques semaines plus tard, son perroquet lui ramena une invitation de la part du professeur Santa lui proposant de le rejoindre dans le parc en fin d’après-midi pour une petite séance de défense contre les forces du mal. Enthousiasmé par le message, le jeune homme ne prit pas la peine de vérifier s’il s’agissait d’un cours avec toute sa classe ou bien d’un rendez-vous à deux seulement et passa tout le reste de la journée à rêvasser en se demandant ce qu’il pouvait bien apprendre !

Défense contre les forces du mal… ça en jetait quand même ! De ce que ses cousins et amis lui avaient raconté, c’était le genre de classe où on combattait des monstres et où on affrontait ses plus grandes peurs… ! Intrigant.
Il se demanda à un moment si l’enseignant était bien au courant qu’il ne savait pas faire de magie, et si ce n’était pas une erreur et cela le rendit tendu, puis il pensa à autre chose. Une heure avant le rendez-vous, il eut une nouvelle angoisse en se demandant s’il devait venir habillé en uniforme d’écolier, ou en tenue de garde-chasse, mais considérant que le rendez-vous avait lieu en extérieur il préféra la second hypothèse et enfila bottes, gros pull en laine et pantalon épais avant de filer à toute vitesse vers le parc pour ne pas être en retard.

Il fut sur les lieux avec trente-cinq minutes d’avance. Il faisait froid, Thomas se félicita d’avoir pensé à prendre son manteau et de ne pas être venu en chemise et en gilet. Il se mit à se taper dans les mains pour chasser l’engourdissement et piétiner sur place, histoire de passer le temps.

@Professeur C. Santa

Voilà déjà quelque temps que le professeur SANTA donnait des cours particuliers à certaines élèves. Certes la charge de travail était énorme, néanmoins, cela permettait d’occuper l’esprit et de ne pas sombrer dans les mauvaises habitudes, les sombres penchant dévastateurs et destructeurs de son passé.

Charles avait cette fois-ci rendez-vous avec Thomas CHASTEL, l’apprenti garde-chasse. Au vu de sa situation magique, notre professeur était content qu’une solution existe, bien qu’elle semblât incomplète aux yeux du barbu. Comment était-il possible que la magie ne puisse pas régler cela ? Charles n’osait même pas essayer d’imaginer ce qu’il pouvait ressentir, voire enduré de la part des autres élèves.

Il fallut du temps avant qu’il propose cette idée. De peur de froisser le jeune homme, qu’il se sente humilier. Mais ne rien faire n’était pas une solution, cet enfant avait droit à un avenir dans le monde magique, une place tout à fait honorable. L’espoir était un élément auquel notre barbu aspirait énormément. Et cet espoir, ça se partage.

Aujourd’hui était un cours uniquement pour le jeune CHASTEL. Charles voulait découvrir un peu ce qu’il connaissait de certaines créatures, mais surtout des lieux naturels. Comment faisait-il lorsqu’il se déplaçait ? En restant sur le qui-vive, naïvement ? La forêt interdite était un bon exemple, de nombreux danger existaient en ces lieux. Pourtant, il fallait d’abord parler et tâtonner le terrain avant cela. Voir les réflexes du jeune homme. N’oublions pas que la première défense est l’esquive. Pas besoin d’utiliser la magie pour cela.

Charles avait des questions, pas eut le temps de tout étudier sur les cracmols et prendre le risque de lui faire mal était…. Inconcevable.

Une fois sur le lieu du rendez-vous, son gros blouson en cuir noir sur le dos, Charles tira une dernière taffe sur sa cigarette avant de l’éteindre de ses doigts. Avec l’habitude, ça ne faisait plus mal.

Les grosses bottes du professeur, sa carrure, sa barbe bien entretenue et sa démarche, lui donnaient une allure d’ours. Ce qui pouvait en impressionné plus d’un (surtout parmi les premières années).

Voyant son élève, un sourire se dessina sur son visage. Au vu de la tenue, c’était un garçon avisé, prêt à toutes les situations.

« Bien le bonjour mon garçon. Je suis ravi de découvrir votre accoutrement, prêt à toutes les situations, j’aime ça. »

Faisant une courte pause, il réajusta son blouson avant de poursuivre :

« On ne peut pas toujours être prêt à tout, néanmoins, savoir se préparer à n’importe quelle situation est important. Si l’on se base sur le fait que tout peut arriver, quarante pour cent de la préparation est faite. »

Puis, suivit d’une tape sur l’épaule, il lui ajouta :

« Marchons un peu voulez-vous ? Cela maintiendra notre corps chaud et permettra un léger échauffement… vous semblez être présent depuis un moment déjà. »

C’est qu’il faisait encore bien froid, en ce début de mars. L’Ecosse n’était pas connue pour son climat tendre et Thomas avait beau avoir pris l’habitude de travailler en extérieur, avant de commencer à s’activer on sentait l’air humide s’infiltrer sous les vêtements, peu importe le nombre de couches qu’il superposait en s’habillant. Aussi le jeune homme fut-il soulagé de voir arriver au loin le professeur de Défense, sa longue barbe rousse qui le rendait distinguable depuis l’autre bout du parc.

C’était peu dire qu’il avait de l’allure, une vraie tête de… eh bien, de professeur de Défense contre les forces du mal, en fait. Si Thomas avait dû imaginer un magicien enseignant la manière de vaincre des monstres et des démons, probablement qu’il aurait d’une manière ou d’une autre ressemblé au professeur Santa. De tout le corps enseignant, il était en tout cas le plus crédible dans ce rôle. Professeur van Aken mis à part, qui semblait l’ignorer, Thomas avait été étonné non seulement par la jeunesse du corps enseignant de Poudlard, mais aussi de ce qu’ils n’avaient – de son point de vue – pas du tout l’apparence de sorciers comme il se les étaient imaginés avant de venir. Pas de longues barbes blanches, pas de lunettes ni de nez crochus, la plupart étaient en fait assez normaux.

Pas qu’il en ait été déçu, hein, juste surpris.

Heureusement, le professeur Santa ne semblait pas mauvais bougre. Mais comme l’avait enseigné Duncan à Thomas : ne jamais se fier aux apparences, même les animaux les plus gentils peuvent mordre. Aussi le jeune homme resta-t-il sur ses gardes, malgré le sourire que lui adressa l’enseignant.

Il hocha la tête un peu martialement à l’introduction de l’enseignant avant de répondre à son tour.

- Toujours être sur ses gardes, oui, surtout dans la forêt interdite.

Le nom de taloches à l’arrière de la tête que lui avait collé Duncan en le surprenant à rêvasser ‘tu vas te faire bouffer’ qu’il disait, et Thomas avait retenu la leçon. Prudence, rester aux aguets, même s’il avait encore souvent du mal à se concentrer, c’était plus simple de rester attentif quand on marchait dans la forêt, à devoir vérifier là où on mettait les pieds, que dans une salle de classe où la chaleur et le ton ronronnant des enseignants vous endormaient à coup sûr.

Peut-être pas tant que ça sur ses gardes, en revanche, parce que la tape – amicale – sur son épaule le pris un peu au dépourvu et sans demander son reste, il se glissa aux côtés de l’enseignant, tâchant d’égaler le pas que celui-ci avait plus grand.
S’il commença par regarder droit devant lui, Thomas ne pu s’empêcher de jeter un coup d’œil en coin à cette grande forme hirsute qui lui rappelait un peu les gens des Highlands, mais sans l’accent.

- Je ne voulais pas arriver en retard, se justifia-t-il avant de froncer les sourcils. « Vous venez d’Irlande, non ? Il y a les mêmes bêtes là-bas que chez nous ? »

Noelia lui avait enseigné qu’on trouvait des animaux très distincts selon les régions, et au sein même des îles britanniques. Mais Thomas ne savait pas à quel point Santa s’y connaissait en créatures fantastiques. Une autre réflexion lui traversa alors l’esprit.

- On va apprendre à tirer à l’arbalète ?

Peut-être que c’était Armitage, le directeur, qui l’avait demandé à l’enseignant ? Cela aurait eu du sens, même si son arme n’était pas ensorcelée, Thomas aurait été heureux de pouvoir la récupérer, même pour une poignée d’heures.

Le mois de Mars, sale période. Impossible de savoir réellement comment s’habiller, entre le doux qui s’installe et le froid du matin, allez comprendre ce qui se passe. Mais Charles n’était pas sans reste, il savait s’y prendre pour conserver la chaleur en lui. Les muscles du barbu n’étaient pas une décoration. L’ entretien de sa corpulence l’obligeait à prendre soin de sa santé et le sport le réchauffait. Un esprit sain dans un corps sain ! Oui, sauf que là… pas grand-chose de bon chez lui pour le moment.

A la mention de la forêt interdite, Charles sourit. S’il existait bien un endroit à Poudlard où il était possible de se bouger et tester ses réflexes, c’était là-bas. Au début, l’enseignant voulait réaliser dans ce lieu des stages de survie… idée refusée, il ne comprenait pas pourquoi. Charles avait prévu d’encadrer les élèves à distance, de délimiter des zones. Une excellente approche, afin de tester les réelles compétences des apprentis sorciers selon lui. Néanmoins, l’enseignant avait déjà prévu de réaliser quelque chose du genre, qu’avec les dernières années, mais cela resterait très intéressant. Et surtout, les élèves pourraient voir la réalité de la vie… bien que dans cette école, cette notion avait vite tendance à rattraper les gens…

Le jeune homme faisait partie d’un nouveau genre d’apprenti pour Charles. Après tout, jamais un enseignement tel qu’il en avait l’habitude, ne s’était retrouvé inadapté.

Sortit de ses songes par la voix du petit, Charles lâcha un : « Hum ? » avant de se reconnecter à la réalité. Écoutant ses dires, il lui répondit :

« Je viens de l’Irlande du Nord pour être plus précis. »

Réfléchissant un peu, il repensa à elle, oui, cette sorcière qui avait tout de… ce dont le jeune Chastel parlait. Elle n’était pas ici, heureusement. Poudlard deviendrait un véritable enfer sinon. En tout cas, ce serait le cas pour notre barbu. La réponse s’entendait, néanmoins la voix de Charles était plus tremblante et sèche.

« Non et fort heureusement, ce genre de monstre ne se trouve pas ici. »

Sa main droite tremblait, repenser à ce serpent était encore difficile, le rendant fébrile. L’enseignant secoua, ferma et étira ses doigts plusieurs fois et ce, rapidement. Il devait se changer les idées, ce focus sur la situation actuelle. Ce qui importait pour le moment, c’était la formation de ce jeune homme.

« N’oubliez pas que les monstres peuvent prendre n’importe quelle apparence. Et parfois les humains sont plus monstrueux que les créatures. »

Puis il continua en silence, un malaise s’était sans doute installé, mais le jeune homme le brisa en demandant s’il allait apprendre à tirer à l’arbalète.

Charles émit un léger sourire. Il savait que le directeur avait confisqué l’objet, aussi des négociations eurent lieu. Charles avait joué sur le fait que le jeune Chastel manquait d’expérience et de formation avec son arme, mais qu’au final, un élève avec une baguette aurait tout autant pu réaliser aussi cette très fâcheuse expérience à son égard. Charles s’était donc engagé à donner des cours à l’apprenti garde chasse, afin de permettre au petit de revoir son joujou plus tôt. La déception de ne pas pouvoir conserver son bébé près de soi était si triste…. Pensant à sa dulcinée bloquée dans le garage d’Armitage, Charles en avait l’émotion aux yeux. La pauvre, avec ce temps elle devait avoir froid, une pauvre couverture ne suffisait pas ! Charles se promit d’aller la sortir dès que possible, la faisant ronronner à fond les ballons ! De quoi nettoyer son pot d’échappement au passage.

« Vous verrez bien assez tôt. »

Marchant encore un peu, ils arrivèrent devant une sorte de petit camp de fortune. Nous pouvions observer  diverses installations, des cibles, des piquets disposés de manière étranges, des plots et d’autres éléments encore.

Là, Charles s’en alla vers une malle qu’il déverrouilla par magie, pour l’ouvrir et ajouter :

« Je vous en prie, mais attention, interdiction de tirer pour le moment, et on ne vise pas non plus. »

En effet, l’arbalète de Monsieur Chastel était présente. Des explications s’imposaient.

« Je n’ai droit de vous la laisser en dehors de ce cours, qui est d’ailleurs un test. Si tout se passe bien, je pourrais plaider en votre faveur auprès de notre directeur. »

Charles espérait bien pouvoir permettre à ce jeune homme de récupérer ce qui pouvait être l’équivalent d’une baguette magique pour lui. Après tout, les élèves avaient cela et pour le jeune garde chasse avait son arbalète.

Comme souvent les magiciens, le professeur Santa se révélait un peu cryptique dans ses réponses à Thomas. Sans jamais trop en dire, il répondait à ses questions mais n’allait pas plus loin, se permettant même quelques paroles énigmatiques sur la monstruosité des hommes. Thomas savait bien que, souvent, les bêtes avaient meilleur fond, il avait vu assez de film, et s’occupait suffisamment des animaux fantastiques pour le comprendre. Jamais un hippogriffe, tout violent qu’il puisse être, ne se montrerait cruel et les plus dangereux des prédateurs avaient leurs raisons. Mais tout de même. On ne disait pas ce genre de choses sans raison, le professeur lui cachait-il quelque chose ? Un instant, le jeune homme fut parcouru d’un léger malaise et se tue jusqu’au camp. Malaise qui se dissipa heureusement en voyant l’enseignant sortir son arbalète d’un coffre.

Il ne pu retenir un large sourire de s’afficher sur son visage, immédiatement dissimulé avec stratégie. S’agissait de se montrer mature et réfléchi s’il voulait qu’on la lui rendre un jour.

- Oui, bien sûr ! acquiesça-t-il tout en s’emparant de l’objet avec précautions, qu’il pointa sagement vers le sol.

Il hocha ensuite à nouveau la tête aux paroles de l’enseignant. Il ne connaissait pas le professeur Santa, n’étant pas présent à ses cours, mais celui-ci semblait vouloir plaider sa cause auprès d’Armitage. Il avait beau ne pas être le dernier à se plaindre des devoirs qu’on leur donnait à faire, il fallait bien reconnaître que le corps enseignant était cool ici !

Avec satisfaction, Thomas prit le temps de soupeser l’arme, pour en apprécier son poids puis, satisfait de l’avoir en main, reporta son attention vers l’enseignant.

- J’aimerai vous poser une question, puisque vous êtes professeur contre les forces du mal.

Le grand barbu avait quelque chose d’intimidant mais comme Fergal Armitage, il dégageait aussi une aura chaleureuse qui mettait en confiance. Ou peut-être était-ce simplement le fait de s’être vu rendu son arbalète qui amadouait Thomas ?

- Il y a des créatures contre lesquelles tirer à l’arbalète ça ne sert à rien, on m’a parlé d’épouvantard…

Les récits qu’en faisaient ses camarades étaient terribles, mais pas pure curiosité le jeune homme aurait aimé être confronté à l’un d’eux. Il n’était pas certain de savoir exactement ce qu’était « sa plus grande peur ».

- … ou des spectres, ou des Kelpi.

Il avait bien appris sa leçon. Tout du moins révisée en prévision de l’après-midi.

- Enfin bon je me demandais s’il y avait moyen de les neutraliser, même sans pouvoirs. Quand j’ai été mordu par le loup-garou, certaines choses ont changé, je peux voir les détraqueurs par exemple et certains objets magiques, est-ce que ça aurait pu changer autre chose ?