Le portrait dans la grande salle [Judith]

Le portrait

La grande salle. L’un des lieux les plus sécurisant de toute l’école, sans cesse animée de brasiers, de cris et de rires. Tant de souvenir dans cette pièce, tant de repas, de chamailleries, d’annonces tristes et joyeuses. La grande salle, sans doute le lieu le plus emblématique de Poudlard.

Et pourtant.

Alors que tu passes dans le hall à une heure avancée de la nuit, l’obscurité et le froid qui en émanent te saisissent et t’arrêtent.

Une grande salle toujours chargée de lumières tamisées, de reste d’odeur de nourriture, d’encre et de parchemin.
La grande salle dégage ce soir une forte odeur d’humus et de terre fraiche, une odeur de mousses et d’humidité, de feuilles mortes en décomposition, une odeur de sous-bois.

Le vent qui transporte ces senteurs charrie de l’air froid là où il ne devrait y avoir que chaleur.

La porte est entrouverte, ne laisse voir que du noir.

Y passer la tête révèle un spectacle dérangeant. Les portraits qui bordaient autrefois les murs du fond de la pièce sont vides, vidés plus exactement, désertés et dans ces paysages la nuit aussi est tombée. Les feux des cheminées sont froids, les chandelles éteintes. Pas même le ronflement discret d’une peinture ventripotente, ou la cavalcade légère d’un elfe venu en épousseter les coins.

Rien que du silence et cette odeur de forêt qui te saisit.

Pourtant il semble que la pièce soit occupée.

Que derrière les rangées de bougies volantes, dressées comme la ramure d’un grand arbre dont les branches recouvrent le plafond, quelque chose se déplace.

Entre.

Moins une voix qu’un sentiment, une invitation soufflée dans un coin de ton esprit.

Bienvenue.

A croire que l’on t’invite à t’asseoir, dans cette vaste pièce déserte, à prendre place pour un banquet d’ombres silencieuses, seul être de chaire et de sang au milieu d’une cour invisible.

HRP

Considérant l'ambiance plus sombre du RP, si celui-ci ne vous plait pas, il est toujours possible de faire demi-tour et d'en rester là.

@Libre

Le portrait dans la Grande Salle

Le portrait & Judith

« Halloween joue les prolongations »

La nuit était déjà bien avancée. De mon lit dont j’avais entrouvert les rideaux, je pouvais voir la lune illuminer le ciel sans nuage. Je ne parvenais pas à dormir. Comme d’habitude. Ce n’était même pas une histoire de sombres cauchemars me réveillant en sursaut. Pour cela encore eut-il fallu que je m’assoupisse. Je connaissais par coeur chaque fil tiré, chaque accroc dans le tissu du baldaquin et son motif n’avait plus de secret pour moi. Le bruit de respiration de mes colocataires emplissait tout l’espace sonore. C’était insupportable, il fallait que cela cesse. Silencieusement, je me glissai hors du lit. J’enfilai une robe de travail noire sur ma chemise de nuit, pris mon sac, ma cape et une paire de chaussures et je descendis dans la salle commune. Tout était calme. Je laçai avec soin mes bottines et me glissai par l’ouverture de la porte. Il n’y avait pas âme qui vive.

Je déployai ma cape d’invisibilité et la fis passer au dessus de ma tête. Mon insigne de préfète me donnait théoriquement le droit de me promener à des heures tardives mais je ne voulais croiser personne ni répondre à des questions saugrenues. Je ne souhaitais pas avoir à justifier la raison pour laquelle je patrouillais seule bien après la fin des tours de garde en vigueur. La seule chose que je désirais c’était être seule et occuper mon esprit dans l’espoir que la fatigue en viendrait à bout. Je savais par avance que c’était un combat vain. De ma tête ou de mon corps, le vainqueur était déjà tout désigné. J’errai ainsi sans but dans les couloirs vides du château. On entendait que le bruit de mes pas qui raisonnait en écho sur la pierre froide. L’éclat de la lune était tellement intense qu’il suffisait à éclairer les couloirs dont les torches s’étaient éteintes. Marcher était un exutoire. Mes pensées se taisaient ou du moins s’apaisaient et les idées fixes cessaient de tourner en boucle. Je ne me concentrais plus que sur les bruits nocturnes et les courants d’air frais qui faisaient onduler la cape.

Après d’interminables détours aux quatre coins de l’école, j’étais parvenue au rez-de-chaussée. Derrière moi se dressaient les grands escaliers de marbre et devant l’immense porte en chêne qui menait au parc. Il faisait froid. Beaucoup plus froid que dans les étages. Comme si quelqu’un avait omis de fermer une fenêtre. La Grande Salle était entrouverte. J’en pris la direction. L’obscurité se faisait plus dense et même la Lune semblait ne pas parvenir à lutter contre la noirceur de la nuit. A l’intérieur, tout était vide. Et étrangement calme, même pour l’heure avancée. Je me glissai à l’intérieur, poussée par je ne sais quel instinct. Un frisson parcourut mon échine et je reserrai ma cape autour de moi. Mes yeux peinaient à s’adapter aux ténèbres. Je sortis ma baguette. « Lumos » murmurai-je. Un halo de lumière vint éclairer l’espace autour de moi. Ce silence était pesant et il me fallut un peu de temps pour comprendre ce qui me dérangeait. Les toiles étaient vides, les personnages étaient tous partis, ne laissant que des fonds multicolores. J’avais la désagréable impression de ne pas être seule mais je ne voyais pourtant rien, pas même une ombre. Machinalement, je me dirigeai vers la table des Serdaigles et m’assis sur un banc, tendant l’oreille. Ma baguette toujours levée semblait flotter dans le vide.

(c) DΛNDELION

Le portrait

Il y a là quelque chose qui rôde, les instincts séculaires des êtres humains, pauvres singes un jour maladroitement descendus de leurs branches, se rappellent à nous dans les moments les plus inquiétant. L’œil est particulièrement doué à reconnaître le mouvement d’un animal dans la forêt, voilà pourquoi il y a tant d’accidents de voiture. Nous savons parfaitement identifier les loups, mais moins une caisse de fer lancée à toute allure sur une nationale.

Qu’importe. Il n’y a pas de voitures à Poudlard, mais quelque chose dans l’obscurité de la salle.

Quelque chose d’impalpable, présent et absent à la fois. Que la petite lumière de ta baguette peine à deviner dans l’immensité de la pièce. Les murs restent dans l’ombre malgré tout, comme si ton sortilège s’y faisait avaler, étouffer par un brouillard de guerre.

Quelque chose du coin de l’œil. Cela bouge.

Au fond de la pièce, un grand portrait qui pourrait être une porte affiche une forêt sombre. Etonnant de ne l’avoir jamais remarqué jusque-là, étant donné le temps que tu passes en ces lieux. Dans cette masse d’arbres, un être est assis sur un trône de bois noir. Son visage est masqué et sur sa tête se déploient la ramure d’un cerfs.

Tu n’as jamais vu se portrait dans l’école, car sans aucun doute tu t’en serais souvenu. Il t’observe à travers les fentes de son masque de bois, sans bouche, sans nez, percé de deux trous pour les yeux.

Sa présence t’inspire celle d’un monarque et l’envie enfouie de ployer le genoux devant sa verdoyante sérénité. Tes connaissances te rappelleront les signes du pouvoir dans anciens druides et des magies primitives.

Bonjour Judith.

Sa légilimancie se heurte à tes défenses, il connaît néanmoins ton nom.

Moi aussi il m’arrive de peiner à trouver le sommeil.

Ses mots son banals mais le timbre de sa voix qui résonne directement dans ton esprit évoquent le bruissement du vent dans les branches et la décomposition des feuilles mortes, dévorées par la terre humide et les insectes qui pullulent dans le secret des sous-bois.

HRP

Considérant l'ambiance plus sombre du RP, si celui-ci ne vous plait pas, il est toujours possible de faire demi-tour et d'en rester là.

@Judith V. Sørensen

Le portrait dans la Grande Salle

Le portrait & Judith

« Halloween joue les prolongations »

L’ambiance était des plus étranges mais je n’étais pas foncièrement mal à l’aise. En partie à cause de la fatigue. Mais mon sang-froid venait surtout d’une scolarité effectuée dans un château où rien ne se passait jamais comme prévu et d’une enfance au sein d’une famille où la normalité ne faisait pas partie du vocabulaire. Je tenais ma baguette bien serrée dans ma main gauche et de l’autre je pris soin de vérifier que mon sac sans fond était toujours à sa place. Cette obscurité était intrigante. Mon sortilège n’était pas très puissant mais il aurait dû éclairer davantage. Au lieu de cela, il dessinait un cercle réduit tout autour de moi. Comme si une bulle l’avait empêché de s’étendre davantage. Je n’étais pas seule. J’en aurais mis ma main à couper, quelqu’un, ou quelque chose, se trouvait là, non loin. Où exactement, je ne pouvais pas le dire. Je me levai, la cape me couvrait toujours, ne rendant visible que le petit morceau de bois que je brandissais devant moi. Je déambulai dans la salle, tentant d’apercevoir d’où venait cette impression. Il n’y avait rien. Rien que des toiles vides, des chandeliers éteints et des tables en bois inertes. J’avais presque l’impression de marcher dans l’un des innombrables corridors du manoir de Kristiansand. Certains étaient aussi froids et lugubres que la Grande Salle cette nuit. A la différence que les portraits que je rencontrais en Norvège étaient peuplés d’innombrables ancêtres dont j’avais autrefois connu les noms.

Et au beau milieu de tous ces fonds sans vie, une forêt. C’était un tableau immense dont le personnage central était un être masqué, assis sur un trône noir. Je m’approchai, levant un peu plus ma baguette pour en apercevoir les détails. On ne voyait pas le visage de l’homme, même ses yeux disparaissaient dans l’ombre de son camouflage. Je ne l’avais vu nul part dans le château. Il faut dire que je n’étais guère du genre à me souvenir de ce genre de détails mais pourtant, quelque chose me disait que c’était la première fois que je le croisais. Il avait un je ne sais quoi de majestueux. Peut-être était-ce la ramure. Après tout, les cerfs n’étaient-ils pas les rois de la forêt ? Les raisons de cette impression étaient sans doute plus profondes. Je pensais immédiatement à ma grand-mère, sans trop savoir pourquoi. Elle aussi dégageait quelque chose qui relevait du sacré. « Bonjour Judith. » La voix n’avait pas raisonné dans l’immensité de la pièce. Elle avait trouvé écho dans ma tête. Et cela ne me plaisait pas du tout. Derrière ma cape, je plongeai mon regard droit dans les deux trous percés dans le bois du masque. « Moi aussi il m’arrive de peiner à trouver le sommeil. » Je savais ce que je devais faire. Inspirant profondément, je me mis à vider mon esprit. J’ignorais quelles forces étaient à l’oeuvre mais je savais reconnaître la légilimancie, mes frères n’avaient jamais démérité dans cet art subtil. Et, grâce ou à cause d’eux, j’avais appris à m’en protéger. Pour résister, il me fallait garder l’esprit léger. Rien de tel pour cela que de se concentrer sur une conversation. « Les peinturrrres n’ayant pas besoin de sommeil, cela doit vous faciliter grrrandement la tâche. »

(c) DΛNDELION

Le portrait

Des tentacules invisibles – des racines plutôt – s’agitent, silencieuses, dans la grande pièce. Tu ne le sais pas mais le portrait est aveugle. Des siècles et des siècles passés dans le noir d’un cachot ont réduit ses yeux à deux globes brumeux. Il voit pourtant. Ce qui passe à sa portée. Il lit dans les esprits faibles et désarmés.

Celui-ci semble capable de se défendre. Peu de sorcière en ont le pouvoir. Mais les racines des arbres détruisent même le plus solide des murs. Elles se glissent dans les brèches et grandissent, descellent les pierres et fragilisent toute la structure. Il leur faut juste un peu de temps pour y parvenir.

Que peut donc une sorcière de seize ans face à une créature sorties des âges anciens ? Les défenses de Judith sont balayées comme on souffle sur des feuilles mortes. Son esprit se révèle.

Elle n’a pas peur. Sa grand-mère. Puissante sorcière du clan Sorensen. Les mages des contrées du nord, ceux qui ont dans le temps envahis les royaumes magiques de Stonehenge et Avebury. Des païens comme lui. Magie puissante, brute, primitive.

Elle cherche à vider son esprit. A ne laisser aucune aspérité où s’accrocher.

Malheureuse.

Il sait trouver les failles dans la roche la plus lisse.

Tu as subi une grande perte.

Son ombre hante encore cette école. Mais tu es la seule à te souvenir de lui.

Un nom.

Quel est son nom ?

Il s’enfonce plus loin dans cette mémoire adolescente. Déjà fort maturée. Mais jeune.

Tu es jeune.

On t’a volé ta jeunesse. Une jeunesse dans les potions et la droiture. Une famille qui t’étouffe mais que tu aimes pourtant.

Paradoxe.

Sauras-tu trouver ta propre voie, Judith ? Sauras-tu démêler ces sentiments contradictoires qui te tiennent le corps comme une pelote de cordes. Seule. Si seule désormais.

Ta fierté est aussi grande que ta solitude.

Je peux t’apporter ce que tu cherches.

Finnbjörn. Erin.

Voilà leurs noms.

Ne plus vivre dans leur ombre.

HRP

1 ; 2 = légilimancie puissante
3 ; 4 = légilimancie faible
5 ; 6 = les barrières de Judith tiennent bon... pour l'instant

Dé lancé ici*

@Judith V. Sørensen

Le portrait dans la Grande Salle

Le portrait & Judith

« Halloween joue les prolongations »

C’était une bien drôle de nuit. Par certains aspects et si je n’avais été totalement sûre de moi, j’aurais pu penser ne jamais avoir quitté mon dortoir. Le sommeil n’était cependant pas venu me chercher et le froid qui faisait frémir ma peau ne venait pas de mon imagination. Ce tableau était définitivement très étrange. Son style était particulier et ne ressemblait en rien aux très classiques portraits que l’on trouvait partout dans le château. Même dans les appartements d’Alexander, on ne voyait jamais ce type d’oeuvre. Il était beau pourtant. Son côté primitif avait quelque chose qui me plaisait davantage que tous ces visages de marbre lisses et sans défaut. Sous le masque cependant, se trouvait peut-être une de ces figures de porcelaine qu’on croisait partout ailleurs. Je ne pouvais rien déceler des traits de son visage. Même en scrutant attentivement les deux trous vides, je ne voyais rien, pas même la couleur d’une iris.

Malgré ma concentration, je ne parvenais pas à résister. Quiconque se trouvait à l’origine de cet artefact était doté d’une magie puissante, bien plus puissante que ce contre quoi je m’étais entraînée jusqu’ici. Les images commençaient à défiler, les souvenirs enfouis remontaient lentement à la surface et l’énorme boule qui me serrait si souvent la gorge commençait son ascension. L’être creusait, loin sous la surface, s’attaquant à mes défenses sans relâche. Il y avait dans ma tête de quoi remplir des centaines de pensines. Le visage de Dobronieva s’imposa à moi, à la fois doux et dur, me toisant de toutes ses espérances et de tous ces espoirs. Elle était la seule à avoir jamais cru en moi. Il continuait de fouiller et l’angoisse reprenait son chemin. La noirceur diluait petit à petit mes idées et des souvenirs macabres rendaient l’air plus froid qu’il ne l’était. J’avais lutté toute la nuit et tous les mois qui avaient précédés pour enterrer ces images et les refouler loin, là où elles ne pourraient plus m’atteindre. Et lui, de l’intérieur de son cadre, les faisait resurgir en brisant tous mes efforts. Ma main se crispa fort sur ma baguette faisant briller les cicatrices blanches qui l’ornaient. Je sentais mon coeur palpiter comme un dément, appréhendant le moment où fatalement, il trouverait. « Finnbjörn. Erin. » Quelque chose explosa à l’intérieur de moi. Il n’avait pas le droit de prononcer ainsi son nom. Il était indigne de me parler de lui. Personne n’en avait le pouvoir. La colère vint remplacer l’angoisse, dévastant tout sur son passage. « SORRRTEZ DE MA TÊTE ! » J’avais hurlé plus que parlé, laissant la vague me submerger et me défendre contre cet envahisseur inopportun. La digue s’était reformée pour lutter contre la tempête. Elle était moins solide cependant. Les défenses construites par les émotions étaient puissantes mais pas faites pour durer. Et je le savais. « Que voulez-vous ? » Faire diversion restait une option valable même si j’avais peu de chance de la voir couronnée de succès. Curieusement, je ne parvenais pas à détacher mon regard de l’oeuvre, tant j’avais envie d’en percer le secret.

(c) DΛNDELION

Résultat du dé lancé dans le flood:

Le portrait

Il en a assez vu. Pour le moment. La petite se rebiffe entre ses racines mais la graine est d’hors et déjà semée. Pourquoi n’est-elle pas partie en courant ? Il n’est qu’un portrait après tout. On peut le déchirer, le recouvrir, le fuir. Mais elle ne part pas.

Ils ne partent jamais.

L’offre qu’il a à leur faire est trop attrayante.

Et les adolescents se croient toujours immortels.

D’autres auraient ri devant ce sursaut de fierté, mais pas lui. Il se retire de cet esprit frondeur.

Mes excuses, je ne souhaitais pas être intrusif.

Sa voix vous tapisse le fond du crâne comme un tapis de mousse, froid, humide, spongieux mais confortable. Étonnement fertile et riche. Il faudrait se racler l’esprit pour en retirer tout l’humus.
Dans le cadre, la créature remue légèrement. Sous ses pieds fleurissent des fleurs aux pétales sombres, noires, bruns et pourpres. Tes connaissances en potion te feront reconnaître les tulipes, les pensées et la belladone.

Tu n’as pas besoin d’aide, Judith.

Tu es forte.

Puissante.

Etonnement mature pour ton âge.

Mais tu te débats contre un ennemi plus grand que toi.

Des souvenirs.

Des regrets.

Et tu ne sais pas comment faire.

Personne ne semble capable de te conseiller.

On ne parle pas de ces choses-là chez toi.

Dans les portraits adjacents la mousse et le lierre gagnent du terrain. Le salon d’une vieille sorcière, les chemin de ronde d’un château écossais verdissent dans la pénombre. Le portrait a cette influence.

Tout ennemi peut être vaincu cependant.

Et la peine cesser.

Les sorciers mettent la gloire en bouteille et l’amour en flacon.

Tu aimes les potions.

Je peux t’enseigner comment enfermer ces sentiments qui te rongent.

Loin de toi, dans une fiole en verre.

Libre à toi de l’ouvrir, de t’y mithridatiser, ou de l’oublier au fond d’un lac.

Tel est ma sagesse.

HRP

@Judith V. Sørensen

Le portrait dans la Grande Salle

Le portrait & Judith

« Halloween joue les prolongations »

Le portrait exerçait une force d’attraction inouïe. Sinon comment expliquer que je ne sois pas déjà partie ? Nous étions au beau milieu de la nuit, j’étais seule dans une pièce bizarrement plongée dans la pénombre et le silence face à un objet magique dont je ne connaissais pas la provenance. Autant d’indices qui auraient dû me faire tourner les talons et remonter dans mon dortoir. Je n’étais pas stupide. Je savais qu’un tel artefact aurait dû m’inspirer davantage que de l’intérêt. Il était bien trop puissant pour être anodin. Peu importe la personne qui en était à l’origine, il s’agissait à coup sûr d’un sorcier très doué. Mon esprit maintenant libéré de cette présence non désirée fonctionnait à plein régime. Je ne ressentais plus aucune fatigue, celle-ci avait été chassée par mon envie d’en connaître davantage.

L’être masqué bougea et à ses pieds apparurent des plantes dont le nom ne m’était pas inconnu. Sa magie était étrange. Il semblait régir à l’envie son environnement. Dans les autres cadres alentours, un bruissement m’indiquait que la végétation gagnait du terrain. Il était non seulement parvenu à en chasser chacun de ses occupants mais il semblait également prolonger sa propre toile au delà de ses limites. Avais-je déjà croisé une créature de ce genre dans mes innombrables lectures ? Les mythologies étaient riches de ces personnages hybrides, mi-hommes mi-animaux mais ici, il s’agissait d’un simple masque. Pourquoi ? Plus je réfléchissais, plus j’avais de questions. Le temps m’était compté car je savais que ma défense ne tiendrait pas contre une nouvelle attaque. J’avais déployé trop d’énergie pour le chasser et il ne m’en resterait sans doute pas assez pour recommencer.

Ma curiosité offrait un refuge appréciable après ce déchaînement d’émotions. Elle avait pris toute la place, refoulant les souvenirs douloureux au second plan. Mais ils étaient tout de même là, tapis dans l’ombre, prêts à refaire surface en une fraction de seconde. La voix subtile du portrait était troublante et son écho restait en tête bien longtemps après qu’elle se soit tue. Il m’avait percée à jour, appuyant sur chaque corde sensible qu’il trouvait, bougeant le moindre levier pour me garder captive. Et il fit mouche, encore. Il ne provoqua aucune colère cependant mais il avait attiré mon attention définitivement. J’avais cruellement envie de connaître ce secret, d’apprendre comment me libérer pour de bon de toutes les cordes dans lesquelles je m’empêtrais depuis ma naissance. « Apprrrenez-moi. » Je voulais savoir.

(c) DΛNDELION

Le portrait

Fardeau du deuil, fardeau de la solitude. Nulle épaule sur laquelle s’appesantir, pas un regard de compassion, la dureté comme guérison. S’affermir le corps. S’affermir l’esprit. Plus dur encore. Ne laisser nulle prise qui ne soit tranchante comme un récif. Porter une armure hérissée. Être un roc, chaque jour du reste de ta vie.

L’esprit de Judith s’est refermé comme un coquillage, laissant entrevoir sa perle. Qu’importe. Il ne cherche pas à en forcer l’entrée pour le moment. Concéder du terrain, il y a d’autres voies dérobées pour atteindre l’intériorité des jeunes gens.

« Apprends-moi » lui dit-elle. Oui. Les tableaux éduquent les enfants de bonne famille depuis des siècles et des siècles. Précepteurs loyaux. Celui-ci pourtant a longtemps vécu loin des siens. A-t-il seulement encore du sang qui coule dans les veines des vivants ?

Je t’apprendrai.

Je te montrerai.

Comment isoler la peine.

Et y voir enfin clair.

Dans le portrait, le creux d’un arbre se fend, dévoile les braises d’un feu tamisé. Bols, cuillères, pilons et feuilles séchées. Alchimie. Herborisme. Les premiers savoirs des premiers sorciers.

Tu auras besoin de certaines matières.

Je ne peux me les procurer pour toi.

Je ne suis qu’une toile.

De la peinture.

Mais toi.

Tu peux agir dans le monde.

Me rapporter certains ingrédients.

Alors je t’enseignerai.

Le creux de l’arbre se referme comme les rideaux d’un théâtre, une pièce qui se termine et la salle plongée dans le noir et le silence. Découvrir qu’on y était seul depuis tout ce temps. Seule spectatrice. Comme on se réveille d’un songe. Seule avec soi-même.

Fergal Armitage.

Le directeur.

Il y a dans son bureau quelque chose dont nous avons besoin.

Je l’ai vu, tandis qu’il était sorti.

Dans une étagère de verre, gardée par un maléfice.

Six reliques dans un petit coffret en bois.

Les phalanges d’une très vieille main.

HRP

@Judith V. Sørensen

Le portrait dans la Grande Salle

Le portrait & Judith

« Halloween joue les prolongations »

De ce que j’avais pu apercevoir au creux de l’arbre, c’était de la magie ancienne, primitive et oubliée. Je ne connaissais qu’une seule personne qui la pratiquait : ma grand-mère. C’était dans ses anciennes sources qu’elle était allée puiser pour sauver la vie de mes aînés depuis leur plus tendre enfance. Pour l’un, cela n’avait pas suffit. Mais ce n’était pas du fait de mon aïeule. Il avait choisi sa fin. Il avait choisi de ne plus lutter et avait suivi le chemin de la facilité. Je ne lui pardonnais pas. Et c’était cette colère autant que le chagrin que je voulais enterrer loin de moi. Cette forêt aurait d’ailleurs fait un magnifique cimetière pour tous ces sentiments tournoyants. Mais on enterre pas les sentiments aussi facilement que les cadavres. Pas à ma connaissance du moins.

On obtient rien sans rien. C’était un principe immuable et indiscutable. Je ne croyais pas à l’altruisme. Je n’avais pas été élevée pour cela. On m’avait éduquée pour grandir dans un monde qui ne me ferait pas de cadeaux. Pourquoi en ferais-je aux autres ? Les pas des Sørensen étaient toujours guidés par un mobile. Aussi sa demande ne me surprit pas. Il allait m’apprendre mais je devais d’abord prouver que j’en étais digne. Et il fallait bien se rendre à l’évidence : s’il pouvait m’enseigner, il ne pourrait en rien me fournir le matériel dont nous avions besoin. Nous étions séparés par bien plus qu’un peu de toile : nous n’appartenions pas au même monde. « Fergal Ermitage. » Ce n’était pas de petites exigences que les siennes. Je n’avais pas une grande affection pour le directeur actuel. Ce n’était juste qu’un garde-chasse qui avait eu de la chance. Il n’avait clairement pas la carrure de son prédécesseur. Mais j’étais très mal placée pour en juger. Néanmoins, entrer dans son bureau pour en dérober un objet visiblement protégé ne serait pas si simple. Même avec une cape d’invisibilité et les quelques potions dont j’avais le secret. Si c’était le prix à payer, il fallait essayer. Je ne craignais pas grand chose. Je n’avais aucun passif dans cette école. Excepté peut-être ce malencontreux incident avec le Professeur Burgess mais elle était partie depuis longtemps désormais. Qu’est-ce que je risquais ? Avec le laxisme ambiant, rien de bien grave. Quelques heures de retenue accompagnées d’un avertissement ? Sans doute. Au pire un passage chez le médecin pour avoir exécuté les ordres d’un portrait que personne n’avait jamais vu. « C’est d’accorrrd. Mais comment ferrrai-je pourrr vous rrretrrrouver ? » La Grande Salle n’était pas son lieu de résidence habituelle où je l’aurais remarqué auparavant. Le château était grand, s’il fallait le fouiller de fond en comble pour pouvoir lui parler, cela serait sans doute peu commode.

(c) DΛNDELION

Le portrait

Lui allait où il voulait, les bois étaient son royaume et les hommes et les femmes de l’ancien temps l’invitaient à pénétrer chez eux, sachant que leurs murs de pierres ne résisteraient pas au lierre et aux racines. Dans les foyers il buvait la tisane d’herbe et les mélanges de baies, jamais de viande, celle-là se conservait pour les sacrifices verts.

Le portrait ne connaissait du monde que des palissades de bois qu’il abattait de sa magie, et des chefs de guerre craintifs cherchant son alliance. Jamais les portes ne l’avaient retenu éloigné. Jusqu’à ce qu’on l’enferme dans un cachot. Scellé de magie runique. Réduit à l’impuissance. Son monde circoncis à un couloir noir. Pendant des siècles et des siècles. Les portraits peuvent-ils s’ennuyer ? Pensent-ils au monde extérieur ? Perçoivent-ils le temps qui passe ?

Ceux de Poudlard semblent pour la plupart étrangers à ces considérations.

Car ce ne sont que de pâles imitations d’êtres ayant existés autrefois.

Une insulte à l’existence.

Tout être attaché à la vie se devrait de jeter à ces monstres un regard ampli de la même répugnance qu’il aurait à voir marcher un cadavre.

Il avait eu le temps, pourtant, d’observer cette école. Les habits du XXIème siècle. Ses habitudes, ses langues, ses visages noirs et ambrés comme ceux des peuples du sud. Franchir une porte. Pénétrer un bureau. Voilà qui n’était rien pour une peinture. Autrement plus inaccessible est ce qui est protégé par un sortilège. Qu’il voudrait tendre la main pour se saisir de quelque chose, celle-ci appartient résolument, définitivement, à sa toile.

Il lui faut une incarnation de chaire. Judith sera la sienne, son vecteur, son agent.

Un homme te guidera jusqu’à moi.

Fais de peinture et d’huiles, lui aussi.

Tu le trouveras dans la salle sur demande.

Sur simple demande.

Demande à voir.

Tobias van Aken.

HRP

Pas de commentaire sur l'erreur de poste Winslow

@Judith V. Sørensen

Le portrait dans la Grande Salle

Le portrait & Judith

« Halloween joue les prolongations »

L’heure passait. Je n’avais aucune idée du temps que j’avais passé hors de mon dortoir, dissimulée sous ma cape. Entre mes déambulations dans les couloirs et cette conversation tout droit sortie d’un livre, le matin ne devait plus être très loin. L’obscurité qui régnait dans la pièce faisait perdre toute notion de temps. Ce que je ne comprenais pas, c’était la manière dont ce portrait aller quitter les murs de la Grande Salle. Car il ne faisait aucun doute que lorsque le soleil se lèverait et que les premiers élèves descendraient prendre leur petit déjeuner, toute trace de ce qui s’était déroulé cette nuit aurait disparu. Et si les êtres qui peuplaient les toiles pouvaient aisément passer de l’une à l’autre, ils ne pouvaient en aucun cas déplacer leur cadre de bois. Etait-il aidé ? Cela aurait du sens.

Mon bras commençait doucement à s’ankyloser. Je tenais toujours fermement ma baguette, éclairant le peu que je pouvais mais la fatigue revenait prendre sa place. Si mon esprit fonctionnait toujours à plein régime, mes muscles tendus réclamaient le droit de faire une pause. Après cette rencontre, nul doute que je ne fermerais définitivement pas l’oeil de la nuit. Mais il faudrait au moins essayer. J’aurais ensuite tout le loisir de réfléchir à ce que j’allais faire. Ce n’était pas le genre de choses dans lesquelles il fallait se lancer tête baissée. Et j’aurais sans doute besoin d’un peu d’aide. Je connaissais d’ailleurs le parfait acolyte pour cela.

Tobias van Aken ? Voilà qui était intéressant. Mon intuition avait vu juste en pensant à Alexander et à ses toiles, c’était une piste à explorer et somme toute assez crédible. La famille van Aken était une ancienne famille de sorciers dont les talents magiques n’étaient plus à démontrer. Un de leur ancêtre aurait pu tout à fait être à l’origine de la créature mystérieuse qui logeait à l’intérieur de ce cadre. J’en avais entendu assez. Il était temps de me retirer désormais. « Trrrès bien, c’est entendu. Je dois parrrtirrrr à prrrésent. Au rrrevoirrrr. » A bientôt sans doute. Je baissai légèrement ma baguette pour éclairer le sol et pris le chemin de la sortie. Je me faufilai par la porte restée entrouverte. Le hall était toujours silencieux et bien qu’il fasse encore nuit, l’éclat de la Lune m’aveugla légèrement, signe que j’étais restée dans le noir trop longtemps. Je n’avais plus besoin de ma baguette à présent. « Nox. »

(c) DΛNDELION

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