FEB. L’art de voler. Comment pouvait-on appeler cela un art alors qu’il s’agit clairement d’un délit ? Quelque chose de mal, puni par la loi, généralement, ou du moins lorsqu’on se faisait prendre. Quand on veut quelque chose, on le paye, rien de plus simple. Mais comment faire lorsqu’on n’a pas les moyens financiers ? Un homme sage dirait que c’est un acte répréhensible dans tous les cas, qu’il est moralement mauvais de ne pas échanger un bien contre de l’argent, et que sous aucun prétexte il ne faut s’adonner à ce genre de pratique. Mais Bailey, quinze ans, est certainement loin d’être un grand sage. Les bouquins sur l’éthique ne font clairement pas parti de ses livres préférés et n’ont pas leurs places dans sa bibliothèque. Alors quand aujourd’hui, il s’est retrouvé dans le bar des Trois Balais à Pré-au-lard, seul, dans un endroit bondé, avec un seul serveur qui semblait débordé par sa clientèle … il a décidé de s’adonner une nouvelle fois à ce qu’on appeler l’art de chiper des choses. Il s’était dirigé vers le comptoir, était passé de l’autre côté, avait pris la première bouteille sous son nez et l’avait dissimulé sous son manteau. Quelques secondes plus tard, il était déjà dehors. L’instant d’après, il courrait pour mettre autant de distance qu’il le pouvait entre le bar et sa propre personne. Plutôt fier de lui, il reprenait le chemin de Poudlard, le cœur léger. Le serveur n’avait sans doute rien vu, trop occupé à courir partout. Il ignorait si l’un des clients s’était aperçu de quelque chose … mais dans tous les cas, personne ne semblait l’avoir suivi, ce qui était techniquement une bonne chose. Il enleva la bouteille de sous son manteau et la glissa dans son sac à dos.

Tout content, il entreprit son grand retour vers Poudlard. Il savait que Zia était occupé avec son crush du moment. Elle avait un date je-ne-sais-où au village pendant toute l’après-midi, donc clairement il n’allait pas pouvoir lui raconter sur le champ sa petite aventure. Bailey prit tout de même la décision d’aller se balader un peu dans le parc. Après tout, il restait encore quelques heures de luminosité, inutile d’aller s’enfermer immédiatement entre les murs du château, n’est-ce pas ? Ainsi, il traversa le parc, avec dans l’idée de rejoindre un coin près du lac, à l’abri des regards, au calme, et généralement peu peuplé : un paradis pour lui en bref. Mais il fit demi-tour à mi-chemin, comme illuminé par une idée qui venait de lui traverser l’esprit. Il accéléra le pas pour se diriger vers le château cette fois-ci. Et il poussa les grandes portes pour entrer dans le hall de l’école. Et il fonça dans quelqu’un, faisant tomber la personne au passage. Il s’arrêta brusquement en voyant la pauvre Eléonore sur le sol. Ce n’était clairement pas son intention. Il lui tendit une main en se confondant en excuse.

– Promis je voulais pas te faire manger le sol. MAIS, ça tombe bien que tu sois là, je te cherchais justement.

Comme quoi le hasard faisait bien les choses, puisque Bailey était justement à la recherche de la poufsouffle. Elle était la raison pour laquelle il avait fait demi-tour, pour la trouver histoire de lui proposer un plan légèrement farfelu, et peut être un peu hors caractère pour lui. Mais évidemment, en premier lieu, il aida la demoiselle à se remettre sur pieds, espérant également qu’il ne lui ait pas trop fait mal en la bousculant violemment de la sorte.

– Tu te souviens de cet été ? On devait voler et partager une bouteille ?

En effet, les deux jeunes s’étaient embarqués dans une escapade légèrement folle pendant le voyage scolaire. Leur plan ne s’était évidemment pas déroulé comme prévu, et ils n’avaient donc jamais eu l’occasion de finir ce fameux plan. Mais techniquement, aujourd’hui le serpentard pouvait lui proposer un remake de cette idée approximative. Il baissa légèrement la voix pour ne pas qu’on l’entende. Après tout, il ne pouvait pas se vanter d’une telle chose à l’école sans risquer de s’attirer des ennuis.

– J’ai mis du temps, mais elle est désormais en ma possession.

Annonça-t-il légèrement fier de lui. En fait, il l’était beaucoup, mais comme à son habitude, il restait tout de même un minimum dans la retenue.

– Alcool, un coin réservé près du lac, un désir inhumain de braver le règlement, et l’opportunité de faire quelque chose de complètement stupide qui finira surement en une magnifique retenue. T’en dis quoi ? Partante ?

Il n’y avait sans doute presque aucune chance que cela ne se finisse bien pour les deux, mais après tout, la vie était faite de risque, et elle était bien plus drôle comme ça, n’est-ce pas ?

@Eléonore G. Wright

FEB. Ce n’était pas dans ses habitudes d’être enjoué ou de sourire, pourtant cette après-midi-là, on aurait pu apercevoir une légère moue sur son visage. Maintenant qu’il avait trouvé Eléonore … ou du moins qu’il lui était rentré dedans, il pouvait désormais lui exposer son plan. Il faut dire que cet été, tout était tombé à l’eau lorsqu’il n’avait pas réussi à accomplir sa mission. Cela faisait des mois, il avait mit du temps, mais en ce beau samedi, il avait réussi là où son moi-passé avait échoué. Dans son sac se trouvait une superbe bouteille chipée dans le très connu bar des trois balais dans le village de Pré-au-Lard. Certes, beaucoup de personnes diraient que ce n’était pas bien de voler … encore moins quand il n’y avait aucune utilité. Il n’avait pas fait cet acte répréhensible parce qu’il mourrait de faim, seulement parce qu’il en avait envie … avec une grande intention de ne pas respecter le règlement de l’école d’ailleurs. Et dans sa chute, il semblait décidé à y emmener sa camarade de Poufsouffle. Leur dernière interaction avait été forte. Dans le sens où il s’était montré, malgré lui, très vulnérable. Mais aujourd’hui, il n’avait absolument pas l’intention de réitérer l’expérience, bien au contraire. Il préférait lui proposer un plan bien plus simple et plus léger.

La jeune femme semblait assez surprise de le voir mais également de savoir qu’il la cherchait. Peut être pensait-elle qu’après l’incident il n’aurait plus jamais osé venir la voir pour quoi que ce soit. Alors Bailey répondit par l’affirmative en hochant la tête. Il lui tendit ensuite sa main pour l’aider à se relever. Une fois qu’elle était à nouveau debout sur ses deux pieds, il se décida enfin à lui expliquer la raison de sa présence, et surtout le plan légèrement machiavélique qu’il avait en tête. La question était maintenant de savoir si elle acceptait de braver le règlement avec lui ou non.

– Je te raconterais plus loin, à l’abris des oreilles indiscrètes.

Lui annonça-t-il lorsqu’elle lui demanda comment il avait fait pour se procurer la fameuse bouteille. Mais quelques secondes plus tard, elle accepta avec enthousiasme sa proposition, ce qui arracha un petit sourire au serpentard. Elle l’abandonna ensuite quelques secondes pour aller chercher son manteau dans la salle commune. Et elle fut très rapide d’ailleurs, Bailey n’avait même pas eu le temps de dire ‘ouf’ qu’elle était déjà de retour. Visiblement elle avait couru, ce qui confortait Bailey dans l’idée qu’elle n’avait pas accepté par pitié pour lui. Bonne nouvelle donc.

Les deux adolescents quittèrent donc le hall d’entrée pour se diriger vers le parc. Il y avait quelques personnes dehors mais la plupart des habitants de l’école avaient sans doute préféré de ce brin de soleil pour aller se vider la tête au village. Et tant mieux pour eux, moins il y avait de potentiels témoins, mieux c’était. Arrivé dans un petit coin près du lac et à l’abri des regards, Bailey se laissa tomber sur le sol contre un arbre, et posa son sac devant lui. Il en sortit son trésor, dont il n’était pas peu fier.

– Je l’ai subtilisé aux trois balais. Le serveur était pas très attentif.

Déclara-t-il en réponse à la question que la jeune femme lui avait posé plusieurs minutes auparavant alors qu’ils étaient encore dans le hall. Il haussa les épaules. Peut être qu’Eléonore penserait que c’était mal de voler. Mais techniquement elle savait que Bailey n’y voyait pas beaucoup d’inconvénients, puisque c’était déjà son plan quelques mois auparavant. A la base, c’était bien la poufsouffle qui voulait laisser de l’argent, pas lui.

Il ouvrit finalement la bouteille et la porta à ses lèvres. Il n’avait clairement pas pensé à prendre des verres. Donc bon, ils seraient obligés de faire sans.

– Quel est donc ton meilleur souvenir de ces vacances de noël, El ?

Demanda le jeune homme en lui tendant la bouteille tout en prenant soin de laisser quelques centimètres pour qu’elle ne puisse pas réellement l’attraper. Comme une façon de dire sans vraiment le dire que la réponse à sa question lui offrira l’accès à sa première gorgée. Après tout, s’ils allaient passer l’après-midi à boire, Bailey pouvait bien faire un effort de conversation pour une fois. Cela semblait plus simple avec El, sans qu’il ne sache réellement pourquoi.

FEB. Eléonore semblait connaître l’ancien préfet des Poufsouffle. D’une part parce qu’il appartenait à sa maison, et d’autre part, surement parce qu’il ne passait pas réellement inaperçu. Le genre de personne que Bailey avait toujours évité. Pas qu’il ne le juge, mais ils ne se comprenaient pas. Trop m’as-tu-vu, trop à se mettre en avant, trop sur le devant de la scène. Alors qu’il était tout à fait le contraire. Mais aujourd’hui, bien qu’il ne veuille toujours pas se mettre en avant, il faisait un pas en la direction de la jeune femme en l’invitant à braver les interdits avec lui. Désormais bien installé dans le parc, les deux adolescents semblaient prêts à se livrer à des jeux. Et Bailey proposa une question à la demoiselle sous forme d’un jeu bien connu. Elle comprit presque immédiatement où il voulait en venir sans qu’il n’ait besoin de tergiverser sur la question. Ne la connaissant finalement que très peu, il ne prit pas grand risque avec sa première question. De toute façon, l’alcool qu’ils avaient l’intention de consommer se chargerait surement de corser les questions dans un futur proche. Quel était donc son meilleur souvenir des vacances ? Il se doutait que la jeune femme avait du rentrer pour fêter les fêtes en famille. Il faut dire qu’ils étaient assez peu à rester à l’école pendant cette période, et si elle avait été présente, Bailey l’aurait surement remarqué. Elle prit le temps de réfléchir, tout en se tortillant une mèche de cheveux. Surement un geste machinal qu’elle faisait sans même s’en rendre compte. Lui attendait patiemment, ne craignant absolument pas ce silence qui s’était installé. Après tout, le silence ne l’avait jamais dérangé jusqu’à maintenant.

Puis elle reprit la parole pour lui faire part de l’un de ses souvenirs. Et elle lui apprit en même temps qu’elle avait une sœur prénommée Louise. Joli prénom dérivant de l’allemand. Une glorieuse combattante si ses souvenirs étaient bons. Une moldue donc. Intéressant. Le gêne sorcier était généralement plus fort dans la lignée des sorciers. Mais ses parents l’étaient aussi. Seconde information donc. Elle était donc une née-moldu … importante qualification donnée par les sorciers pour justifier de leur sang. Comme lui, en soit. Bailey avait appris à ne pas se vanter de sa condition, dés qu’il avait appris en mettant les pieds à Poudlard que tous les sorciers n’étaient pas logés à la même enseigne, surtout ceux qui ne venaient pas d’une lignée digne. Il avait appris à ses dépends qu’avoir des parents moldus n’était pas une fierté. Avoir les siens en était loin d’une, et ça il le savait bien longtemps avant qu’on ne lui apprenne à Poudlard.

– Elle est plus jeune que toi ?

Est-ce que cela avait réellement une importance ? Peut être pas. Lui n’avait ni frère ni sœur. Il ne connaissait pas la force (ou non) du lien que pouvait entretenir deux enfants du même sang. Sa vie n’avait été que solitude. Mais il préférait grandement être fils unique. La solitude était à préférer plutôt qu’avoir à protéger quelqu’un d’autre dans sa structure familiale bien trop déséquilibrée. Eléonore lui prit finalement la bouteille des mains, considérant surement qu’elle l’avait mérité après avoir répondu à sa question. Elle en profita d’ailleurs pour la lui retourner en prenant soin de la modifier quelque peu. Peut être se doutait-elle qu’il n’était pas rentré … ou peut être avait-elle encore quelques souvenirs de leur entretien après les vacances d’été. Surement la deuxième option. Il prit le temps de réfléchir, laissant un doux silence s’installer entre eux. Un silence presque reposant qui lui permettait de chercher dans ses souvenirs quelque chose qui pourrait faire une belle histoire. Il ne trouvait cependant pas grand-chose à dire.

– Le banquet de première année, à mon arrivée à Poudlard. Je crois que je n’avais jamais vu autant de nourriture au même endroit. Un rêve.

Il ne donnait pas grand-chose, comme d’habitude. Pour autant, de son point de vue, il lui en disait déjà beaucoup. Pour être impressionné par autant de nourriture, cela veut dire qu’on en a eu peu avant. Choisir sa première fois à Poudlard … loin d’être anodin non plus. Et même si ce souvenir n’était peut être pas le meilleur, il était cependant le plus important dans un sens. Mais comme toujours, avec Bailey, tout prenait son sens dans le non-dit.

Et il reprit la bouteille des mains de la jeune femme pour la porter à ses lèvres. Le liquide lui brûla agréablement la gorge. Braver les interdits avait quelque chose d’excitant. Et partager ce moment avec Eléonore rendait ce moment plutôt agréable pour l’instant. Il réfléchit un instant. La balle était dans son camp. C’était donc à nouveau à son tour de trouver une question pour sa camarade. La question était de savoir : qu’avait-il envie d’apprendre sur la jeune femme ?

– Qui est la personne que tu aimes le moins dans l’école ?

Ce genre de chose pouvait en apprendre grandement sur une personne Il essayait encore de cerner la jeune femme. Evidemment, ce n’était pas cette question qui l’intéressait le plus sur Eléonore au final. Mais il savait se montrer patient dans sa collecte d’information.

FEB. Ce genre de situation n’avait jamais été son élément. Un jeu anodin de questions et de réponses pour en savoir davantage sur son interlocuteur … Bailey n’y avait rarement joué. Généralement, loin de ses futilités, il préférait se terrer dans des conversations qui ne le forçaient pas à parler de lui, de sa vie, de son passé. Mais il avait amené cette discussion en entrainant la jeune Poufsouffle dans le parc, une bouteille sous le bras. Il ne pouvait ignorer ce qui l’attendait. El était ce qui se rapprochait le plus d’une amie. A l’exception de Zia, il n’avait pas développé des liens forts avec des personnes de son âge. Elle était gentille, souriante, et rassurante dans un sens. Il appréciait sa compagnie, voilà pourquoi il se retrouvait une nouvelle fois en tête-à-tête avec elle, prêt à lâcher quelques informations superficielles à son sujet pour en apprendre un peu plus sur la demoiselle. Elle avait une sœur moldue, comme le reste de sa famille. El avait donc un pied dans les deux mondes. Sa sœur était plus jeune de quelques années, débutant une crise d’adolescence selon les dires de la jeune fille. Une crise … Bailey avait toujours trouvé cela étrange. C’était ce qu’on lui avait dit parfois … lorsqu’il avait atterri dans le bureau de son directeur de maison à plusieurs reprises, après une énième retenue … un adolescent en crise, révolté contre le monde. C’était l’âge, disait-il. De son point de vue, les adultes se servaient simplement de ce mot pour décrédibiliser leurs pensées, leurs ressentis, comme pour laisser sous-entendre qu’ils étaient possédés et qu’un jour ils retrouveraient la raison et sortiraient naturellement de cette … crise. Lui n’avait pas l’impression d’en subir une. Il était révolté … à sa manière, pour des raisons qu’il trouvait plutôt rationnelles. Il revint au moment présent, entendant la voix douce d’Eléonore quand elle parlait de sa sœur. Il sentait cet attachement profond qu’elle avait pour cette petite fille avec qui elle partageait le même sang. Il observait avec envie ce sentiment qu’il ne connaîtrait jamais.

– Elle s’appelle comment ?

Demanda-t-il pour mettre un nom sur le visage imaginé d’une personne qu’il ne connaissait qu’à travers les dires d’Eléonore. Il la pensait être une version plus jeune de la fille en face de lui. Blonde, les yeux clairs, peut être quelques boucles. Et il fut tiré une fois de plus de ses songes par une question. Il hocha la tête comme toute réponse pour lui indiquer qu’il n’avait ni frères ni sœurs. C’était mieux ainsi, s’était-il souvent dit. Mais il ne pouvait nier non plus avoir déjà rêvasser à l’idée d’avoir quelqu’un sur qui se reposer, quelqu’un pour combattre la solitude étouffante de la demeure familiale. Le fait qu’il ne réponde que d’un signe n’invitait pas à la conversation sur le sujet. Il n’avait rien à dire de plus dessus de toute manière. Il n’avait personne, fin de l’histoire.

Mais il reprit le dessus. Après tout, c’était à son tour de poser une question. La bouteille dans la main, il prit à nouveau une gorgée pour se laisser un instant de réflexion. Qui était donc la personne qu’elle aimait le moins dans le château. Jamais, il n’aurait pu deviner sa réponse. Car il ne la connaissait pas. Il ne savait pas qui était Eléonore en dehors de leurs moments seuls. Il ne pourrait surement pas citer un prénom d’une de ses amis, même s’il voyait qui elles étaient de visages dans l’ensemble, pour les avoir vu passer quelques fois. Elle prit le temps de la réflexion avant de lui offrir le nom d’un Serdaigle.

– Dans quel sens ?

Il ne connaissait pas Sidney, seulement de nom … et encore. Il ignorait tout de ce type, et ne pouvait donc avoir aucun avis personnel sur celui-ci. Mais il voulait savoir de quelle manière il avait contrarié El’, probablement pour jauger de la gravité, ou de l’absence de gravité, de la situation. Elle en avait profité pour lui reprendre la bouteille des mains, et porta le goulot à ses lèvres pour se féliciter de sa réponse. Il l’observa, sans un mot, sachant que la prochaine question serait pour lui. Il fut surpris des mots prononcés par la jeune femme. Et il serait facile pour elle de s’en rendre compte. Pendant une seconde, ses yeux s’étaient arrondis, et ses sourcils s’étaient légèrement froncés. Elle avait réussi à le prendre au dépourvu. L’instant d’après, ses traits s’étaient relâchés, laissant apparaitre une façade pensive. Les secondes passèrent et un calme s’installa … Bailey posa enfin son regard sur la jeune femme. Il devait dire quelque chose maintenant, cela semblait faire bien trop de temps qu’il s’était tut.

– Je sais pas, j’ai pas très envie de sortir avec n’importe qui.

La vérité était aussi qu’il n’était jamais sorti avec personne tout simplement. Mais ça, El’ le devinait peut-être … en parti … en vu de la scène qu’il avait fait pour se dénuder. Quoi qu’elle pût surement mettre ça aussi sur le compte du fait qu’il n’ait pas envie de montrer ses hématomes. Bailey ne s’était jamais retrouvé proche d’une fille. Zia ne comptait pas. Elle était son amie, il ne l’avait jamais regardé autrement que comme cela. Il avait eu l’occasion de voir les couples se faire et se défaire au sein de l’école. Tout était si superficiel. Et il était un trouillard. Trop effrayé à l’idée de devoir se mettre à nu (métaphoriquement et littéralement) devant une fille.

– Il y a des jolies filles, et si tu veux des noms, je peux t’en donner. Mais sortir avec quelqu’un … il faut avoir quelque chose à donner …

Et envie de recevoir.

Il ne lui avait surement pas donné la réponse qu’elle attendait. Bailey avait tendance à toujours faire trop compliqué plutôt que facile. Mais pour lui, il méritait tout de même la bouteille, et ainsi il la reprit des mains de la jeune fille, et l’approcha doucement de ses lèvres. A cette vitesse, les deux adolescents risquaient de ne pas être très frais vers la fin d’après-midi.

– Et toi donc ? Oh, et aussi, si tu pouvais prendre la place de n’importe qui dans l’école pendant 24h, tu choisis qui, et pourquoi ?

Ca fait deux, trois questions … Il haussa les épaules, après tout c’était son jeu, il pouvait bien en faire ce qu’il voulait, n’est-ce pas.

FEB. Louise. Un autre prénom français. Ses parents étaient-ils attachés à ce pays d’une manière ou d’une autre ou aimaient-ils simplement la consonnance de cette langue ? Bailey se sentait glisser sur une conversation sur l’environnement familial. Et s’il était intéressé par celui d’Eléonore, il doutait que le sien soit aussi intéressant. Il ne put s’empêcher d’avoir un léger rictus quand elle lui posa sa prochaine question. Sa famille à lui n’était pas composé d’un père et d’une mère aimante. Il n’avait pas de frères et sœurs, peu de famille proche ou lointaine, mais surtout peu de contacts avec qui que ce soit. Il n’y avait qu’elle. Du plus loin qu’il se souvienne. Leurs ADN était leur point commun, mais pour lui, il n’y avait pas grande chose de plus. Bailey se doutait cependant qu’El n’allait pas accepter une énième pirouette pour éviter une question aussi simple. Et si le but était de ne pas éveiller plus de soupçons qu’elle n’en avait déjà, il se devait au moins de lui apporter un semblant de réponse. C’était étrange d’en parler pourtant. Il ne le faisait que très rarement. Même Zia n’avait que trop peu posé de questions. Elle se doutait surement, mais face à la véhémence du jeune adolescent, elle n’avait jamais poussé.

– Ma mère, moi, et parfois le type du moment.

Répondit-il simplement d’un air presque détaché. Ils étaient seuls parfois. D’autre fois, il y avait un homme que sa mère ramenait. Ses relations duraient plus ou moins longtemps. Ses goûts en matière d’homme n’étaient pas fantastiques. Ils étaient souvent macho, vulgaire, sexiste, prou aux emportements. Mais au moins quand il y avait un homme dans les parages, il devenait presque invisible. Egoïstement, il tendait à apprécier ces moments où sa mère était prise dans les disputes et la toxicité d’une relation amoureuse, car il pouvait se complaire dans une paisible solitude. Son préféré : Calvin. Une ordure comme type, un mec immature, insupportable, qui prenait beaucoup de place, qui aimait insulter à tout va, mais ma foi, inoffensif.

Les adolescents continuaient ce jeu de questions. Lui qui n’avait jamais été d’une nature très curieuse semblait tout de même apprécier ce moment de confidence dans lequel il apprenait des facettes de la personnalité d’Eléonore. Elle n’aimait pas un certain Sidney qui visiblement n’avait pas été tendre avec elle dans le jugement qu’il s’était fait de la Poufsouffle. Bailey écouta silencieusement. Le fait qu’on puisse penser qu’elle soit une mauvaise amie lui faisait du mal. Preuve que cette valeur était importante pour elle. Bailey était plus cynique. Ils étaient tous humains, et de par leur nature, ils ne pouvaient pas être vertueux en permanence. Être un bon ami était possible, mais pourtant, l’humain ne pouvait s’empêcher de décevoir de temps à autre. Car ils faisaient tous des erreurs, car ils étaient tous immatures à un moment ou à un autre, car se tromper était quelque chose de naturel.

– Parfois on fait simplement ce qu’on peut à un moment T avec les informations qu’on a. Ce n’est pas à quelqu’un qui n’est pas dans ta tête de te juger pour tes actions.

Répondit-il. Eléonore n’avait surement pas besoin ni même avait-elle demandé son opinion sur la question. Mais après tout, ils jouaient à un jeu de l’honnêteté, donc ce n’était pas si déplacé que de donner son avis sur quelque chose qu’elle lui confiait.

Les filles … une grande histoire. Plutôt inexistante pour Bailey d’ailleurs. Il ne s’était jamais trop attardé sur la question. Bien sûr, il avait l’âge de voir si elles étaient à son goût ou non, il n’était pas aveugle, mais il n’avait jamais eu de petites amies. Et il ne cherchait pas non plus grandement à en avoir une. Etre vulnérable face à quelqu’un, se donner physiquement et psychologiquement … ce n’était sans doute pas quelque chose qu’il était prêt à faire pour le moment. Et puis soyons honnête, aucune fille ne s’était non plus intéressée à lui dans le passé ou dans le présent, la question ne s’était donc jamais réellement posée. Elle ne voulait cependant pas réellement le lâcher sur le sujet, et lui demanda alors de lui donner au moins le nom d’une jolie fille. Il la regarda en laissant échapper un léger rire.

– Toi.

Dit-il en levant les épaules avant de récupérer la bouteille pour la porter à ses lèvres. Il était sincère. Eléonore était une jolie fille, et il aurait dû être aveugle pour ne pas le remarquer. Mais elle était surtout gentille, et c’était ce qui la rendait jolie également. Pour Bailey, rien n’était que purement superficiel.

Mais elle lui annonça étrangement qu’elle était en couple avec Charles. Bailey la fixa d’un air surpris. Pourquoi n’avait-elle pas l’air sûr elle-même de ce qu’elle était en train de lui dire ? Il était loin de pouvoir donner des leçons de relations amoureuses, mais on n’était pas censé être sûr de ce genre de chose ? Elle lui reprit assez rapidement la bouteille des mains visiblement à nouveau motivé à faire descendre le niveau de cette bouteille déjà bien entamé. Avait-elle envie d’en parler ? Peut être pas.

– Deux personnes qui te permettent d’être vu donc … intéressant.

Laissa-t-il échapper comme s’il réfléchissait à haute voix. Il réfléchit un instant, sans réellement trouver de personne. Rien ne lui venait en tête à cet instant. Il se contentait de sa vie parce que c’était ce qu’il connaissait. Mais l’espace d’un instant, ne serait-ce pas excitant d’expérimenter la vie d’un autre point de vue ?

– Blaze Mansfield.

Finit-il par dire.

– Pour comprendre ce qu’il se passe dans la tête d’un garçon sûr de lui à l’extrême.

A son tour de reprendre la bouteille. A cette vitesse les deux adolescents n’allaient pas finir dans un très bon état. Plus ils buvaient, plus le trajet dans l’école pour rejoindre leurs dortoirs respectifs serait compliqué. Mais Bailey n’avait pas réellement envie de s’arrêter là, ou de reculer maintenant. Cela faisait bien longtemps qu’il ne s’était pas senti léger comme cela.

– Un défaut et une qualité pour moi ?

Cette question avait pour simple but de comprendre quelle image il pouvait renvoyer à la jeune femme. Comment le percevait-elle donc après ces quelques échanges étalés sur l’année scolaire ? La curiosité l’emportait aujourd’hui.

FEB. Les questions semblaient innocentes jusqu’à présent, mais Bailey sentait la situation se refermer sur lui en l’entendant continuer à demander des indications à propos de son statut familial. Il pensait simplement raconter une anecdote, c’est-à-dire le fait qu’il vivait principalement avec sa mère, et de temps en temps avec les types qu’elle ramenait. Ils ne faisaient jamais long feu la plupart du temps. Bailey ne leur donnait que très peu d’importance ou d’attention … et d’une certaine manière, ils faisaient exactement la même chose avec lui. On l’ignorait, ou alors on essayait de lui donner des ordres tel que de ranger le lave-vaisselle ou de surveiller son langage. Rien qui ne méritait de s’attarder trop longtemps dessus. De toute façon qu’un type soit présent ou non à la maison, Bailey passait le moins de temps possible entre les quatre mûrs qui lui servaient de toit. Il préférait l’extérieur, le calme et la solitude des bois avoisinant. L’avantage quand sa mère avec un mec dans sa vie était qu’elle faisait bien moins attention à tous ses déplacements. Eléonore semblait vouloir en savoir plus. Il comprenait. Après tout, ils avaient eu un moment plus ou moins dérangeant en début d’année lorsqu’elle s’était rendu compte qu’il avait quelques bleus sur le corps. Il ne pouvait pas lui en vouloir de s’inquiéter. Mais il ne désirait absolument pas que ses inquiétudes ne prennent de trop grandes proportions. Et s’il ne voulait pas que ce soit le cas, il allait devoir faire redescendre ses doutes rapidement.

– Ca va. Ils sont pas méchants.

Répondit-il simplement en haussant les épaules. Ce n’était pas vraiment un mensonge. La plupart étaient juste des gros ours mal léchés, mais on ne pouvait pas les qualifier d’ordures pour autant. Bailey ne se laissa cependant pas prier pour passer rapidement à un autre sujet de conversation. Inutile de s’attarder sur celui-ci, sinon Eléonore allait continuer de s’engouffrer dans cette brèche qu’il avait, malgré lui, laissait entrouverte quelque peu.

Les relations amoureuses n’étaient pas son fort, et il avait du mal à s’imaginer entrer dans une relation maintenant. Mais la demoiselle lui demanda tout de même de lui donner le nom d’une fille qu’il trouvait jolie. Bailey avait beau être distant, il n’en était pas moins humain, et évidemment il pouvait apprécier la beauté purement physique d’une personne si celle-ci se trouvait devant lui. Il réfléchit un instant avant de proposer son prénom. Visiblement, elle en était assez surprise, ne s’attendant pas à cet aveu. Un léger sourire apparut sur le coin des lèvres du Serpentard, visiblement amusé par une telle réaction de la part de son interlocutrice. Elle répéta avec un ton interrogatif. Lui se contenta de la regarder dans les yeux, plutôt étonné qu’elle ne s’imagine pas être quelqu’un de joli. Mais après tout, la confiance en soi était quelque chose qu’il fallait construire, et à ce moment dans leurs vies, ils n’avaient généralement pas la maturité nécessaire pour s’accepter tel qu’ils étaient. Après un moment de silence, elle reprit cependant la parole pour se confier sur l’un de ses complexes : des cicatrices disgracieuses.

– Tu sais quel genre de tatouage tu voudrais ?

Bailey avait entendu le fait qu’elle ne soit pas une grande amatrice d’aiguilles, ce qui sous-entendait qu’elle en avait l’expérience. Pourquoi ? Cela il l’ignorait. Et même si la curiosité était humaine, il ne tenait pas à la mettre dans une position où elle se sentait obligé de lui dire quelque chose sur elle qu’elle n’avait pas envie de partager.

Alors qu’il s’était tenté à une analyse de ses choix, la jeune femme le corrigea. Elle ne cherchait pas tant le pouvoir mais plutôt le contrôle sur sa propre vie. Intéressant, donc elle avait le sentiment de pas avoir le contrôle … Il se demandait dans quel domaine, pourquoi, et si elle le cherchait réellement ou si elle subissait cette absence de contrôle. Tant de choses dont il n’aurait pas la réponse aujourd’hui. Mais elle semblait tout de même surprise du choix de Bailey, comme si elle ne s’attendait pas à une réponse aussi superficielle de sa part.

– Je fais avec ce que j’ai. Mais ce type renvoie une image de force intéressante, le genre de personne qui tend à fédérer. Je ne tiens absolument pas à devenir lui, mais il pourrait faire l’objet d’une expérience sociale intéressante le temps d’une journée.

Il n’était pas sûr d’être très clair dans le message qu’il voulait passer. Bailey n’avait aucunement envie de devenir un jour comme Blaze Mansfield. Mais il fallait admettre que sa position et ses actions pouvaient être des expériences intéressantes.

Pour ce qui était d’un défaut et d’une qualité, la demoiselle ne se fit pas attendre pour lui répondre presque immédiatement. Visiblement elle n’avait pas réellement besoin de réfléchir pour savoir à quel adjectif l’associer. Il eut un léger rictus en l’entendant associer ‘secret’ à ‘défaut’. Pour lui, cela n’en était pas un. Au contraire, ce n’était que de l’auto-préservation.

– Têtue et solaire.

Dit-il avant de récupérer la bouteille pour s’en servir à nouveau quelques gorgées. Elle avait bien diminué celle-ci depuis qu’ils avaient commencé leurs discussions. Et à l’allure où ils buvaient, ils risquaient de ne pas tenir très droit quand il retournerait au château plus tard dans l’après-midi.

– J’ai chaud. Je crois que l’alcool commence à monter. Toi tu sens rien ?

FEB. Et la conversation sur sa famille s’arrêta presque naturellement, presque poussé par un accord inconscient qu’ils étaient allés au bout de ce qu’il pouvait lui partager aujourd’hui. Cela l’arrangeait bien évidemment. Il aimait bien Eléonore et n’avait pas envie d’être sec avec elle, mais il ne tenait pas non plus à continuer sur cette pente. Alors autant laisser cette discussion mourir tranquillement. Et puis, ils étaient là pour passer du bon temps n’est-ce-pas ? C’était le cas d’ailleurs pour lui, pour le moment. Bailey appréciait la compagnie de la jeune fille. Elle était douce, gentille, et plutôt drôle. Elle était le genre de personne avec qui il était simple d’être détendu. L’alcool aidait surement aussi mais il ne se sentait pas autant dans le contrôle que d’habitude. Il avait l’impression de pouvoir souffler quelque peu, et c’était assez agréable. Il ne se contrôlait cependant pas sur sa consommation d’alcool. Gorgée après gorgée … il remplissait son estomac d’un liquide fort … chose qu’il regretterait surement à un moment ou à un autre. Mais pour le moment, cela ne lui traversait absolument pas l’esprit, pas même une seconde.

Elle voulait faire un tatouage pour cacher des cicatrices. Plutôt intéressant. Lui n’avait jamais pensé à une telle chose. Après il ne savait pas à quoi ressemblait les cicatrices de la jeune femme. Lui en avait quelques-unes, très légères, rien de choquant, dû à quelques petits accidents lorsqu’il était plus jeune. Mais il n’avait jamais pensé à les faire recouvrir. C’était une partie de lui. Bailey n’était pas trop dans le paraître. Il se fichait de ce qu’on pensait de lui et de son physique, parce que pour lui ça n’avait pas tant d’importance que cela. Mais il comprenait tout de même qu’Eléonore puisse avoir envie de faire disparaitre quelque chose qui la dérange sur son corps. Sans en connaître les raisons, et même s’il le savait, elle avait tout à fait le choix de prendre des décisions en fonction de ce qu’elle pensait et ressentait.

– Nan. C’est nul comme animal sur ta peau. Il faut un truc plus cool … genre une biche.

Dit-il en rigolant. Peut être n’avaient-ils pas réellement la même définition d’un animal cool. Elle ne semblait dans tous les cas pas encore décidé de ce qu’elle allait faire. Elle avait le temps puisqu’elle était encore mineure de toute manière.

Bailey essaya tout de même de lui donner plus d’amples explications pour son choix quelque peu surprenant. Mais en réalité, s’il en avait réellement l’occasion, il ne choisirait peut-être pas Blaze, il faut dire que le garçon était surement aux antipodes de lui, de ses habitudes, de sa vision de la vie. Être populaire et trop imbu de sa personne n’était pas du tout son style pour le coup. Il serait très vite mal à l’aise s’il devait être Blaze pendant une journée. Il pouffa en entendant la jeune femme proposer une activité qu’il pourrait faire avec ce nouveau corps.

– J’irais distribuer une retenue absolument injuste à Jin.

Dit-il avec un petit rictus. En soit, ce serait surement une possibilité vu le passif entre les deux adolescents. S’il pouvait impunément abuser de son statut, il commencerait surement par cela. Ce n’était pas comme si Jin ne le mériterait pas.

Wow, l’alcool commençait clairement à monter. D’un coup, le garçon avait ressenti une vague de chaleur l’envahir. Normal, ils étaient plutôt rapides dans leur consommation depuis un bon moment maintenant … Mais quand même. Bien installé contre son arbre, sa position semblait bien plus avachie qu’une demi-heure plus tôt, prouvant d’une part qu’il était plus relax, et d’autre part qu’il n’était évidemment plus du tout sobre. Mais la proposition de la jeune femme lui fit reprendre ses esprits. Il se redressa presque immédiatement. Un peu trop vite d’ailleurs pour la jouer cool ensuite …

– Impossible. J’ai que mon pull.

Dit-il presque défensivement, avant de reprendre la parole. L’alcool empêchant évidemment de contrôler ses paroles aussi bien que d’habitude.

– J’arrive pas à croire que tu m’ais vu à moitié nu, j’ai cru que j’allais mourir de honte ce jour-là. Si j’avais pu disparaitre, je l’aurai fait …

Totalement vrai.

– Tu me prends pour un coincé ? Vas-y, je serai pas vexé promis.

Voilà un exemple de parole qui ne serait jamais sorti de sa tête sans l’aide d’une alcoolémie certaine.

FEB. Bailey esquissa un sourire en voyait l’air faussement horrifié d’Eléonore. Elle le voyait comme un loup. Il comprenait son point de vue. Elle voyait en lui son côté solitaire, et inaccessible. Peut être était-ce le côté sauvage quelle associait à l’animal. Il faut dire qu’il se reconnaissait quelque peu en ces traits. El le connaissait un peu maintenant. Plus que quatre vingt dix pour cent des personnes de cette école. Ce qui était peut-être flatteur pour elle, un peu triste pour lui, qui démontrait une nouvelle fois son peu d’ouverture à son prochain.

Mais il lui avait tout de même avouer que s’il devait abuser de son pouvoir un jour, il en profiterait pour mettre une retenue à Jin. Elle semblait surprise. Peut-être ne s’attendait-elle pas à ce qu’il ait un avis aussi tranché sur une personne, lui qui prenait soin à montrer son indifférence face au monde et aux gens en général. Mais le Serpentard représentait tout ce qu’il détestait en autrui. Il l’avait rencontré quelques mois auparavant pendant les vacances d’été. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne lui avait pas fait une grande impression. Pire, il l’avait méprisé du début jusqu’à la fin. Et s’il y avait bien quelque chose que Bailey ne supportait pas, c’était les gens qui se pensaient mieux que tout le monde. En tout cas, il avait attisé la curiosité de la poufsouffle qui lui posait désormais quelques questions pour avoir plus d’information sur le sujet. Encore une fois il laissa échapper un petit rire.

– C’est une ordure. Un type détestable qui se prend pour le descendant de Merlin. Il a le don de me tendre.

Répondit-il. Comme à son habitude, il n’était jamais très précis. Mais ces quelques mots donneraient au moins une idée de ses sentiments à l’égard du jeune homme. Quand ils étaient tous les deux dans la même pièce, l’ambiance était souvent électrique. Leur inimité ne les avait pas non plus aidés pendant les matchs de quidditch. Parce que même si Bailey n’avait pas envie de passer pour un gamin immature et rageux, il n’avait pas la moindre envie de passer le souaffle à un pauvre type comme lui qui se pavanait à la moindre occasion.

Les joues de Bailey avaient pris une teinte rosée lorsque la jeune femme lui avait proposé l’idée de se déshabiller en réponse à sa plainte qu’il faisait chaud. Il s’était relevé presque immédiatement, soudainement alerte. Ce n’était pas la première fois que le sujet venait sur la table avec la jeune fille. La première fois, l’été dernier, lorsqu’elle avait enlevé son tee shirt, et qu’il s’était retourné très rapidement pour ne rien voir. La deuxième fois dans la salle de cours lorsqu’elle l’avait aidé avec quelques bleus. Et maintenant … Ses réactions étaient toujours sensiblement les mêmes : beaucoup de gêne et peu d’assurance. El essaya tout de même de dédramatiser la situation tout en lui donnait, peut être malgré elle, une information sur son couple avec Charles : le fait qu’ils ne se soient pas rapprochés physiquement pour le moment. Il n’était personne pour juger de toute manière, ce n’était pas comme si lui avait une quelconque expérience en la matière.

– Tu as réussi à enlever deux fois ton tee-shirt devant moi en quelques mois, donc non je te prends pas pour une coincée.

Répondit-il d’un air taquin, essayant de rentrer dans le jeu pour cacher sa gêne sur le sujet. Il n’était clairement pas à l’aise, et il était très facile de s’en rendre compte, mais au moins il essayait. El ne s’arrêta pas là cependant. L’alcool aidant, elle continua de lui expliquer les rapprochements de son couple. Il la regarda avec un petit sourire sur le coin des lèvres, plutôt amusé par cet aveu. Jusqu’à qu’elle lui retourne évidemment la question pour en apprendre plus sur lui.

– Nan … Mais j’imagine que tu t’en doutais.

Dit-il en haussant les épaules. Ce n’était pas très important pour lui. Il se fichait bien de n’avoir rien fait pour le moment. Ce n’était pas particulièrement un but en soi, contrairement à certains de ses camarades. Il se reposa un peu contre l’arbre, les mains derrière la tête.

– Je crois que j’suis pas encore un fan de la proximité.

Rajouta-t-il d’un air nonchalant.

– Mais tu as envie d’aller plus loin avec ce cher Charles ?

Après tout, elle commençait à attiser sa curiosité aussi, et puis l’alcool aidait à défaire les barrières et à poser des questions qu’on n’aurait jamais posé en temps normal. Le garçon bougea sa main près de son visage pour se faire un peu de vent, histoire de se rafraîchir un peu. L’alcool lui donnait un peu chaud.

– Pour combien, tu sautes dans le lac ?

Stupide.

FEB. Jin, un sacré personnage qui n’était certainement pas dans les bons petits papiers de Bailey. Cela avait tout de suite était physique avec le garçon. Un regard, des mots déplacés, et l’adolescent l’avait mis sur sa liste noire. Il faut dire qu’il était très condescendant. Beaucoup trop. Et qu’on le prenne de haut pour absolument aucune raison, cela ne lui avait jamais trop plu. Heureusement pour le serpentard, Eléonore n’était pas ami avec lui. Il faut dire qu’il n’aurait sans doute que peu apprécié qu’une fille comme elle s’associe avec un type qu’il n’aimait pas. Il esquissa un sourire lorsqu’elle lui proposa même de faire une mauvaise farce à Jin un jour pour le calmer. Si le serpentard ne fut pas très expressif, il fut néanmoins touché par la proposition de la demoiselle. Cela signifiait que s’il avait besoin de quelque chose, elle pouvait se montrer présente pour lui. Bailey n’avait pas non plus beaucoup de personnes en qui il avait confiance, mais El commençait tout de même à en faire partie. Après tout, pour le moment, elle ne lui avait jamais donné d’occasions de douter d’elle. Mais il ne prévoyait pas de faire un sale coup à Jin. Du moins pas pour le moment. Il ne tenait pas à préméditer un acte contre lui. Mais si le garçon le cherchait, il saurait bien évidemment le trouver.

La conversation était légère, surement grâce à l’alcool que les deux adolescents ingurgitaient depuis maintenant quelques temps. Ils n’étaient pas très malins de faire ça à Poudlard, sur la propriété de l’école. À tout moment, ils pouvaient se faire choper. Et ce genre d’entorse pouvait leur valoir une tonne de retenue, peut-être même une exclusion. La nudité ou quasi-nudité avait fait son retour dans la conversation alors qu’El blaguait sur le sujet. Pas deux sans trois apparemment, selon l’expression. Le garçon arbora un léger rictus sans pour autant commenter. Il faut dire qu’il n’avait pas été très à son aise les deux fois précédentes, et si cela arrivait encore, il se doutait qu’il ne serait pas encore très à l’aise. Bien au contraire.

Les confessions continuaient. Et au vu de sa curiosité, Bailey avoua à El qu’il n’avait encore jamais embrassé une fille. Mais ça, elle devait s’en douter vu son comportement à chaque rapprochement physique, aussi innocent soit-il. Il avait le temps comme elle pouvait si bien le dire. Il faut dire qu’il n’était pas pressé. A son âge la plupart des garçons parlaient de ça en permanence. Parfois il avait l’impression que c’était une course d’embrasser le plus de filles, de se rapprocher physiquement, de perdre sa virginité … Lui n’avait pas réellement envie de participer à la course. Du moins pas pour le moment.

– Ah.

Répondit-il surpris lorsqu’elle lui apprit qu’elle n’était pas branchée proximité. Il n’avait jamais pensé qu’El était le genre de fille à se donner facilement. Mais puisqu’elle avait un copain en ce moment, il pensait qu’elle aurait pu avoir plus d’expérience avec le dit jeune homme.

Peut être était-ce l’alcool une nouvelle fois. Surement d’ailleurs … Bailey proposa un défi complètement stupide : celui de sauter dans le lac. La jeune femme se releva presque immédiatement, et l’adolescent la vit tanguer légèrement. Que ce soit elle ou lui, ils avaient déjà pas mal bu et n’étaient sans doute pas dans la meilleure forme. Nager et boire en même temps n’avait jamais été une bonne idée.

– Nan. On va pas faire ça dans cet état. Faut qu’on sa ramène au château pour faire une sieste et être présentable pour le diner. Ca serait dommage de se faire renvoyer.

Dit-il avec un sourire. Ce ne serait pas aujourd’hui que la jeune femme aurait le droit à la révélation d’un secret de sa part. Mais cela ne voulait pas dire qu’elle n’en saurait jamais plus. En réalité, El était plutôt douée pour tirer des informations du jeune homme.