L’hiver vient, Thomas se souvenait d’avoir lu cette phrase sur la jaquette du DVD d’une vieille série. Et c’était vrai ! Les températures allaient se faire de plus en plus basses et certains des habitants de la forêt auraient du mal à le supporter. Pour ceux qui avaient des poils ou des plumes, ça irait, mais tous n’avaient pas cette chance et préoccupé par ses devoirs de garde-chasse le jeune homme avait eu l’idée de construire des petites maisons en bois pour les fées. Celles-ci se contentaient en général de fabriquer des nids de brindille et de mousse ou de se loger dans des trous d’arbres, mais avec leur peau nue et leurs petites ailes toutes fines, les pauvres sortaient peu pendant les mois de janvier et de février.

Ca tombait bien parce que Thomas avait un contentieux à régler avec ces sales petites bêtes ! Allez savoir pourquoi, peut-être une parole déplacée, il ne s’en souvenait plus, elles n’arrêtaient pas de l’embêter quand il s’aventurait sur leur territoire, en tirant sur sa chemise ou ses cheveux et essayant de lui voler son matériel. Il avait bien essayé de porter un bonnet, mais elles l’avaient volé aussi ! Si le jeune homme avait à un moment pensé à se venger, Duncan l’en avait dissuadé. Non seulement son rôle était de prendre soin des créatures magiques – même celles qui étaient insupportables – mais en plus, lui avait-il dit, « monsieur Chastel, je ne donne pas cher de votre peau face à ces petites pestes. »

Bon.

Va pour la paix. Parce que pas mal de plantes s’étaient mises en sommeil avec le froid, Thomas avait un peu de temps libre pendant ses heures de travail et avait donc demandé l’autorisation de se lancer dans son projet : une petite douzaine de maisons en bois, de la taille d’une botte, avec une petite porte pour permettre aux fées de se loger dedans sans subir les rafales de vent ou de neige. Elles pouvaient même servir pour échapper aux augureys qui étaient l’un de leurs prédateurs naturels, Thomas avait vu plusieurs fois l’un de ces oiseaux planer au-dessus de la forêt par temps de pluie.

Il avait installé son « atelier » à l’orée des bois, face au par cet à mi-chemin de la cabane du garde-chasse, en tout et pour tout une table, une chaise, et sa boîte à outil. Ce n’était pas simple, le jeune homme n’était pas spécialement doué en bricolage, mais avec un peu de patience et plusieurs essais, il été parvenu à fabriquer une maison de guingois, qui avait une drôle de tronche, mais pas de courants-d ’air.

Thomas était parti chercher des provisions à la cuisine avant de se remettre à son œuvre lorsque, revenant du château, il aperçut un gamin juste à côté de sa table.

- Eh ! lui cria-t-il en accélérant le pas. « Touche pas, c’est dangereux. »

Et trop heureux de jouer les grands, il désigna sa petite scie à bois. Sans ses gants épais en peau de monstre, Thomas s’y serait ouvert la main déjà deux fois.

@Natan Moreau

Parce qu’il n’était pas un véritable sorcier – et par voie de conséquence par un véritable élève de Poudlard – d’ailleurs il n’était ici qu’en formation, d’un point de vue strictement légal, il fallait vraiment que Thomas se sente en confiance au sein d’un cercle d’ami pour qu’il trouve le courage d’élever la voix et de faire entendre une opinion qui aille dans le sens inverse de celle des autres. Une espèce de sentiment d’illégitimité l’encourageait plutôt le reste du temps à se faire discret et ne lever la main en cours que lorsque vraiment, il était complétement certain de ce qu’il avait à dire.

N'empêche que le temps passant, le jeune homme avait fini par réussir à s’affirmer. Surtout et presque seulement lorsque cela concernait son travail, la forêt interdite, où il avait petit à petit, à force de traîner dans les jambes de Duncan et maintenant de Hopkins, développé un début d’expertise, du moins se plaisait-il à le penser. Sans doute n’était-ce pas un hasard s’il était le seul étudiant autorisé à aller dans la forêt interdite, alors même qu’il n’avait pas de baguette pour se défendre.

A la place de quoi, il pouvait compter sur son arbalette et son perroquet.

Poudlard était une école dangereuse, si on n’y prenait pas certaines précaution, et en temps que loup bêta Thomas savait qu’il était de son devoir de protéger ses camarades, y compris d’eux-mêmes.

Arrivé aux côtés de Nathan, il s’empara sans trop de délicatesse de la scie que celui-ci avait entre les mains et la posa fermement sur la table, histoire d’asseoir son autorité. L’autre se justifiait déjà, même si ses explications ne ressemblaient franchement pas trop à des excuses. Même plutôt il avait l’air de lui faire la morale. Thomas sentit ses joues s’empourprer légèrement.

- Je l’ai juste laissé deux minutes ici, si c’est pas tes affaires tu touches pas et c’est tout, tu vois bien que c’est des objets dangereux.

Sérieux il se prenait pour qui ce petit Serpentard ? Il était bien à l’image de sa maison, tient…

- J’ai parfaitement conscience du danger figure toi, c’est pour ça que je porte des gants, moi.

Se faire donner des leçons par un « petit » est de nature à irriter même le plus placide des adolescents. Thomas n’est assurément pas querelleur, mais après plus d’un an passé en tant que garde-cha… apprenti du garde-chasse, il entend quand même se prévaloir d’un minimum d’expertise que Nathan, aussi légitimes soient ses griefs, lui dénie en cherchant à avoir le dernier mot. Et puis merde, quoi ! C’est ses outils à lui quand même, les gens n’ont pas à venir y mettre leur nez comme ça ! C’est quoi la prochaine étape ? On va lui piquer ses bottes de marche ?

- Me servir de leçon parce que TU te mets en danger ? Non mais on croit halluciner. « Remets toi un peu en question-là, j’ai pas à rendre de compte parce que TU fais une bêtise. »

C’est vrai ça ! Ou alors il est à côté de la plaque ? Et puis quoi encore ? Si demain un élève se fait éborgner par un botruc après s’être aventuré dans la forêt, ce sera aussi de sa faute pour ne pas y avoir mis une clôture ?

- Décevant de quoi ? demanda-t-il sur la défensive. « T’es qui pour me juger ? »

Il n’aimait pas trop l’attitude du jeune Serpentard, qui le confortait dans l’idée que cette maison – sa cousine mise à part – était sans aucun doute la moins fréquentable de l’école. Un vieux stéréotype dont il avait hérité de son grand-père, Gryffondor, qui ne résistait pas à l’examen du réel puisqu’il avait épousé précisément une Serpentard, mais cela ne l’empêchait pas de plaisanter sur le sujet. Le jeune Thomas l’avait sans doute un peu trop pris au premier degré étant petit, et cela avait participé à forger son imaginaire autour des maisons de l’école.

- Et bien sache que toucher, ranger les outils, c’est le boulot des gardes-chasses, répondit Thomas, poings sur les hanches. « Et si les outils ne sont pas rangés c’est qu’il y a une raison aussi. »

Certes il n’était jamais contre un coup de main, mais il estimait malgré tout que c’était à lui de les solliciter, et pas aux autres de prendre des initiatives dans des domaines que, clairement, ils ne maîtrisaient pas. Un coup à ENCORE détruire la récolte de potiron si on laissait faire tout et n’importe quoi, il en savait quelque chose.

La réaction un peu prétentieuse du Serpentard agaça Thomas un peu plus. Il n’avait pas de leçons à recevoir d’un gamin, dans un collège, c’étaient les plus âgés qui avaient la priorité sur les plus petits, ça se faisait comme ça et puis c’est tout. Surtout qu’en l’occurrence, en tant qu’apprenti de Noelia, il avait quelques arguments à faire entendre.

- Et moi je te dis que c’est pas tes oignons. Minus, rajouta-t-il mesquinement.

Thomas avait beau avoir bon fond, il n’était pas non plus un lapin de trois semaines et connaissait la hiérarchie de l’école, en tout cas de son ancienne école. Ses ruminations autour de la meute, et de son rôle à Poudlard l’avait également ceint de responsabilités plus ou moins fantasmées, réelles pour certaines – comme surveiller et ranger les outils – mais un peu plus imaginaires aussi, comme lorsqu’il s’agissait de patrouiller les abords de la forêt et de surveiller qu’aucun accident n’y survenait en l’absence d’un adulte.
Certes il n’était pas vraiment un adulte lui-même, mais, de son point de vue, pas tout à fait un élève non plus et les connaissances qu’il était le seul à avoir, il comptait bien les mettre au service des autres, quitte à devoir leur passer un savon à l’occasion.