@Roxy M. Reid

Eléonore avait passé des vacances absolument délicieuses. Pour la première fois, elle avait pu participer aux voyage de classe, elle s’y était amusée comme une petite folle, était revenue pas bronzée pour deux mornilles, mais ravie. Ses parents avaient eu l’air heureux par procuration, ce qui était clairement l’une des choses qu’elle préférait chez eux, cette capacité à la soutenir quoi qu’elle fasse. Elle n’avait jamais été aussi consciente de sa chance que depuis que Roxy lui avait parlé de ses propres parents. Son père relevait le niveau et sauvait l’honneur, mais elle n’avait pas les mots pour qualifier les agissements de sa mère et de sa grand-mère. De toute façon, Roxy savait bien ce qu’elle en pensait.

Malgré sa joie des vacances, elle fut comme chaque année particulièrement contente de retrouver Poudlard, tout comme elle fut ravie de voir que Fergal Armitage en était devenu le directeur. Tout cela aurait pu augurer une année de qualité si Mika n’avait pas été retrouvée morte dès le premier soir. Elle avait eu beau y réfléchir, elle ne savait toujours pas comment le drame avait pu se produire. Elle n’avait pas croisé la rouquine, passant son trajet avec Charles. Est-ce que si elle avait été plus attentive à ce qui l’entourait, le drame aurait pu être évité ? Parfois, elle se posait la question.

En tout cas, aujourd’hui n’était pas un jour à ressasser de sombres pensées. Il faisait beau et Roxy lui avait donné rendez-vous sur les rives du lac, ce qui promettait un moment de qualité. Elle se dépêcha donc d’enfiler un gilet, le temps était clément, mais le fond de l’air s’était déjà rafraîchi, et elle se hâte de rejoindre les berges. Elle n’eut guère besoin de chercher longtemps pour voir la brune et elle agita le bras pour lui signaler sa présence

- J’arrive !

Elle s’élança en courant, faillit se prendre le pied dans une racine, se rétablit comme par miracle et arriva un brin essoufflée auprès de son amie, avant de se laisser tomber sur la nappe. Ramenant ses jambes pour s’asseoir en tailleur, elle s’étira en lançant

- Oh ce que ça fait du bien de se retrouver ! Quoi de neuf, Rox’ ?

Léo lorgna sans aucune discrétion sur les sandwichs, la nourriture avant tout, quand elle détacha son pendentif pour le poser sur l’eau avec délicatesse. Immédiatement, la blonde se pencha, comme effrayée à l’idée que son amie puisse perdre son bijou. Mais bien loin de le regarder disparaître, la breloque enfla jusqu’à devenir un vrai bateau, sous l’œil éberlué d’Eléonore. Elle reste bouche bée une bonne dizaine de secondes, soit un temps infini pour quiconque la connaissait et elle se  leva brusquement pour aller l’admirer de plus près. Elle se retourna vers la brune, les yeux remplis d’étoiles

- Il est magnifique !  

Elle tendit le bras, comme pour essayer d’effleurer le bois, avant de se raviser. Il était tellement beau qu’elle avait presque peur de le casser. En dehors même de son aspect, elle avait suivi assez de cours à Poudlard pour être capable d’apprécier la prouesse magique consistant à le conserver sous forme de bijou. Trépignant d’impatience comme une enfant, elle supplia presque Roxy, alors que leur simple présence ici témoignait qu’elle allait sans doute obtenir ce qu’elle souhaitait.

- Est-ce qu’on peut monter dessus ? Naviguer sur le lac ?

Les eaux sombres semblaient calmes. Cela ne voulait pas dire que le calamar géant ne se cachait pas à proximité, mais pour l’instant, il n’y avait pas de danger à première vue. Et s’il y en avait eu un, cela l’aurait seulement aidé un peu plus à se prendre pour une pirate.

- Ca a dû te prendre une éternité … Parce que, c’est toi qui l’as fait, hein ? Comment t’as réussi ?

Pas du genre à se simplifier la vie. Elle le savait de base, elle en avait eu la confirmation avec sa confession de l’an dernier.

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Il y avait quelque chose de rassurant à voir Roxy dans ce contexte léger. C’était la preuve que leurs anciens différends étaient définitivement enterrés et c’était une pensée réconfortante. En fait, cette année entière semblait être sous un jour assez doux. Pour elle qui avait connu Blackman, cela changeait agréablement. Elle sourit à son amie et laissa échapper un rire quand elle l’entendit parler de console

- La chance, mes parents ne veulent pas qu’il y en ait à la maison !

Elle en avait eu à l’époque de l’hôpital, puis quand elle était partie à Poudlard, ses parents avaient décrété comme nouveau principe éducatif que les consoles allaient empêcher leurs filles de lire, ruiner des moments en famille et prendre le peu de temps dont ils disposaient durant leurs retrouvailles. Elle n’avait jamais protesté outre mesure. Si pour aller dans une école de sorcellerie elle avait perdu le droit aux jeux vidéos, elle trouvait que l’échange était honnête.

- J’suis allée au voyage de classe, c’était sympa, mais il s’est rien passé de folichon. J’sais pas si c’est une bonne nouvelle ou si c’était ennuyeux du coup.

Y avait de la verdure, plein de verdure. C’était sympa et elle y avait rencontré Bailey, ce qui était chouette, mais elle ne pouvait pas dire qu’elle allait en garder des souvenirs impérissables. A l’idée de déjeuner sur le bateau, elle trépigna d’impatience sur place, comme une gosse, promettant

- Non, j’ai pas mal de mer, juré ! J’ai le mal de rien du tout !

Le mal de l’infirmerie, au maximum, mais il n’y avait pas de lien direct avec leurs aventures alors elle pouvait passer cette information sous silence. Elle écouta soigneusement son amie quand elle lui raconta la construction du navire et finit par conclure, fascinée

- Finalement, je veux bien louper l’école si j’ai des projets comme ça !

Elle la regarda passer en premier et déplier l’échelle. A sa façon de se mouvoir, elle avait le pied marin ou en tout cas plus l’habitude qu’elle de l’embarcation. Toute à son impatience, elle bondit vers l’échelle dès que Roxy l’y invita et posa ses doigts sur l’échelle, forçant contre ce qui semblait être un début de résistance. Un dixième de seconde après, elle fut repoussée par une sorte de champ invisible. Sa main la brûla et elle partit en arrière, tombant sur les fesses.

- Aïe !

Elle plaqua sa main droite contre sa poitrine, des fourmis lui chatouillant encore les doigts et elle regarda Roxy en grommelant

- Ton rafiot ne m’aime pas.

De navire fabuleux, l’embarcation venait de se transformer en barque miteuse dans son esprit boudeur. Elle allait avoir un bleu sur les fesses et elle ne parlait même pas de son ego meurtri par ce râteau qu’elle n’avait clairement pas vu venir. Elle se releva sans s’approcher et plissa les yeux, l’air suspicieux

- Pourquoi je ne peux pas monter ? C’est quoi le délire ? Il va me mettre à l’eau si je réessaie ?

Elle commençait à se demander si ce bout de bois n’était pas animé d’une vie propre. Cela aurait demandé des quantités de magie phénoménales, mais après tout, Roxy était restée loin de Poudlard un bon moment, elle en avait peut-être eu le temps.

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Le sourire de Léo s’élargit encore à l’idée d’être invitée l’année prochaine à jouer aux jeux vidéos avec Roxy. Elle avait l’impression que sa vie était très compartimentée, l’été, elle n’avait jamais vraiment l’occasion de revoir des gens de Poudlard et c’était presque comme si la magie n’avait jamais existé. C’était aussi reposant que c’était perturbant. Après, elle en comprenait la nécessité, sa sœur, Louise, comme ses parents n’avaient aucun pouvoir, cela aurait créé une différence entre les deux filles d’y marquer de l’importance. Elle haussa les épaules sur le voyage et admit

- C’était la première fois que je pouvais venir et ma mère me laisse pas vraiment traîner dehors. Elle est un peu inquiète dans son genre, alors ça avait des avantages.

Mais un bateau, c’était mieux que toutes les classes vertes du monde. Enfin, ce fut sa première pensée avant que ledit bateau ne lui envoie une sacrée décharge électrique pour ne pas qu’elle grimpe. Alors que Roxy redescendait en se confondant en excuse, Léo, drapée dans sa dignité, lança un regard peu amène au rafiot et marmonna

- Pas besoin d’un Episkey. Même pas mal.

C’était de la fierté mal placée. Elle n’avait effectivement pas besoin de soin, mais elle avait senti passer le sortilège. Néanmoins, elle avait l’impression que si elle l’admettait, le navire allait prendre vie pour lui rire au nez et se moquer d’elle. Voilà pourquoi elle préférait mine que cela avait été un peine un chatouillis. Roxy eut l’intelligence de ne pas la contredire, même si Eléonore était tout à fait consciente qu’elle n’était pas dupe. La brune était trop maligne et la connaissait trop bien pour se faire avoir. Elle arqua un sourcil quand la Poufsouffle lui confirma que sa création ne l’aimait pas et qu’elle risquait de recommencer pour l’instant, tout en lui demandant de ne pas bouder. Oh, mais elle ne boudait pas ! Elle était juste en train de remettre sérieusement en question son envie de croisière sur une barque qui ne voulait pas d’elle. Elle avait vu Titanic et l’histoire était très claire : il n’y avait jamais assez de place pour deux en cas de naufrage et si en plus le bateau ne l’aimait pas …

Les explications de son amie eurent au moins le mérite de détourner son attention en éveillant sa curiosité.

- Quel était ton endroit sûr ?

Elle ricana méchamment quand la brune mentionna que ses professeurs ne pensaient pas qu’ils puissent avoir besoin d’un moyen de fuite. Elle avait été née-moldue sous Blackman, elle savait très bien pourquoi il y aurait eu mille raisons de prendre la fuite. Comme tous les souvenirs douloureux, elle n’en parlait pas, mais cela ne voulait pas dire qu’elle avait oublié. Chaque humiliation avait laissé une empreinte assez vive dans sa mémoire. Elle était juste plus dure au mal, ou plus résiliente, que certains de ses camarades. Son regard s’adoucit quand Roxy poursuivit ses explications et quand elle finit par comprendre le cadeau et la responsabilité qu’elle lui faisait. Si elle était le premier membre de l’équipage, elle était son second. Avec tout ce que cela comportait. D’un ton ferme, elle conclut

- Mais tu ne vas pas mourir.

La mort restait une idée sinistre qu’elle évitait comme la peste. Ce n’était pas le genre de conversation avec lequel elle était à l’aise, pas plus que l’idée d’un testament. C’était bien trop glauque pour elle. Contrairement à ses avertissements, elle réussit son sortilège du premier coup, ce qui fit sourire la blonde. Roxy se sous-estimait. Elle prit une inspiration et se dirigea vers l’échelle d’un pas décidé après cela, animée par la volonté de ne surtout pas montrer à ce bateau qu’elle avait quand même une légère appréhension de se faire à nouveau envoyer sur les roses. Plissant les yeux par réflexe, elle tendit prudemment la main vers l’échelle et ferma les yeux en attendant la douleur, qui ne vint pas. Elle regarda son amie, puis s’illumina

- Ok ça fonctionne, je monte !

Et elle se hissa sur le pont avec la souplesse d’un chat, découvrant le décor autour d’elle d’un air émerveillé.

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Roxy grimaça, peu convaincue par ses excuses, mais elle eut le bon goût de ne rien ajouter. Quand Léo se roulait avec délice dans la mauvaise foi la plus crasse, il valait mieux faire mine de ne rien avoir entendu. Sinon c’était prendre le risque qu’elle tente de creuser toujours plus profond. Enfin, puisque tout le monde faisait mine qu’il ne s’était rien passé, il était temps de passer à autre chose, comme où est-ce que ce bateau était capable de les emmener si on attendait de lui un endroit sûr. Après avoir presque perdu sa main parce que le rafiot était caractériel, elle devait admettre qu’elle n’était pas entièrement certaine de savoir si elle devait lui faire confiance ou non. Voilà pourquoi elle n’était pas contre le fait de savoir ce que Roxy considérait être un endroit sûr. En réalité, elle devait admettre que si elle y réfléchissait elle-même, ce n’était pas une question simple. Si elle avait dû choisir, quel lieu lui aurait inspiré une telle sérénité qu’elle y serait retournée quoi qu’il arrive ? Elle aimait Poudlard. C’était en quelque sorte sa maison, mais elle ne s’y sentait pas en sécurité depuis sa première année, elle avait connu Blackman. Après, elle ne se plaignait pas, elle avait voulu de l’adrénaline, Poudlard lui en avait offert une overdose. La réponse la plus simple aurait dû être sa maison, sinon. Mais ce n’était pas entièrement vrai. Elle y avait des bons comme des mauvais souvenirs. Elle sortit de ses pensées quand Roxy lui répondit et elle acquiesça doucement

- Ouais, je comprends. Je crois que si je devais choisir, j’aurais pas un endroit précis non plus, juste l’idée de m’éloigner du danger.

Elle observa la coque du bateau, les doigts à quelques centimètres comme si elle allait le frôler sans pour autant oser le toucher.

- Je pense qu’il passerait. Personne n’essaie jamais de quitter Poudlard par l’eau à cause du calamar géant, les défenses doivent être plus faibles. Puis le principe, c’est d’éviter que les gens entrent menacer Poudlard, pas qu’ils en sortent, non ?

Elle n’avait pas conçu les sortilèges et elle n’avait même pas la prétention d’être en capacité de les comprendre. Par contre, si elle avait dû protéger une école, elle était certaine qu’elle n’aurait pas bloqué le moyen d’en sortir. Comme ça, en cas de danger, les élèves auraient toujours une chance de s’échapper. Léo haussa les épaules à sa remarque et la contredit d’un ton chantant

- Moi, j’adooooorerais être immortelle. J’aurais le temps de tout voir, tout faire et jamais le moindre problème.

Elle qui avait l’impression qu’on lui avait dans une certaine mesure voler du temps aurait aimé le récupérer. En fait, il y avait trop d’expériences qu’elle voulait vivre. Naviguer sur le lac en était déjà une pas mal du tout pour commencer.

Une fois sur le pont, elle oublia une grande partie de son animosité envers le bateau. Le point de vue en hauteur lui offrait un nouveau panorama beaucoup trop cool et finalement, en ayant connaissance des sortilèges de protection, elle avait l’impression d’être dans une sécurité relative ici. C’était appréciable. Roxy lui fit faire le tour du propriétaire et elle dut admettre que si ce n’était pas grand, c’était quand même cosy et bien pensé.

- Si le but c’est de pouvoir partir avec, t’as des réserves d’eau et un peu de stock de nourriture ?

Elle était assez premier degré comme fille. On lui avait dit que c’était une sécurité, alors elle vivait le truc à fond. Encore un quart d’heure et elle se mettait à dessiner une carte pour s’échapper sur le premier bout de papier qui traînait. Heureusement, sa crise de survivalisme fut vite tuée dans l’œuf quand Roxy lui proposa un mini sandwich. Réfléchir, c’était bien. Manger, c’était mieux.

- Je ne dis jamais non à de la nourriture !

Principe souligné par la joie dans sa voix. Alors qu’elle croquait dans l’un d’entre eux, Roxy lui demanda de réfléchir à un équipage possible. Léo fronça les sourcils, signe d’une intense réflexion. L’air de rien, il y avait pas mal de paramètres à prendre en compte. Déjà, il fallait des gens fiables. Des gens qu’on avait envie de supporter sans les noyer. Et des gens capables de servir à quelque chose. Autant dire que les candidats n’allaient pas se bousculer au portillon.

- Haley ? Elle est intelligente, elle doit pouvoir apprendre des sorts pour le bateau si besoin et pragmatique. C’est ma coloc donc je sais qu’on peut vivre avec elle dans un espace réduit sans s’entretuer. Vous vous entendez bien en plus, non ?

C’était une idée pas mal franchement.

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Roxy commença à lui détailler pourquoi ne pas avoir de destination précise était un avantage en cas de danger et Léo ne put qu’acquiescer à sa démonstration. C’était intelligent. Elle n’y avait pas pensé, obnubilée par sa question de savoir quel serait son refuge, mais c’était logique. Roxy cessa brusquement de parler pour afficher un sourire gêné et conclut qu’elle avait l’air sans doute paranoïaque. Léo s’accouda au bastingage et secoua la tête

- J’étais en première année sous Blackman et je suis née-moldue. Je crois qu’on n’en a jamais parlé. En même temps, on n’est plus très nombreux à l’avoir vécu, les gens ont oublié ou ne veulent pas se souvenir. Moi non plus j’aime pas ça. Mais tout ça pour dire que je ne te trouverais jamais paranoïaque après ça.

Elle n’en parlait jamais ou presque. Ce n’était pas un secret et elle estimait qu’elle avait été chanceuse, elle n’était pas celle qui avait subi le plus. Elle avait aussi un caractère à être capable d’avancer après. Cela ne voulait pas dire qu’elle avait oublié ou qu’elle n’avait pas eu peur. Juste que comme chaque preuve de vulnérabilité, elle préférait la taire soigneusement pour être certaine de ne plus lire de pitié dans le regard de ses interlocuteurs. Voilà pourquoi elle acceptait le principe d’un bateau de secours comme si c’était la chose la plus normale du monde de devoir préparer sa fuite dans une école. Ce n’était pas sain. Mais elle comprenait. Même plus, elle savait apprécier la perspective à sa juste valeur. A sa question de si elle savait nager, elle acquiesça

- Yep. Je nage pas souvent, mais je sais nager. T’auras pas besoin de venir me sauver.

Elle réfléchit au problème des défenses magiques et finit par demander

- On peut pas essayer avec un canoë de sauvetage ? Ca sera plus facilement remplaçable que le bateau, non ?

Ca aurait été criminel de couler un si bel ouvrage. Elle devinait les heures et les heures de travail pour arriver à ce résultat et elle aurait trouvé ça rageant de le perdre.

- J’aimerais bien rencontrer Adrian ! J’ai mille questions à lui poser, mais je sais pas s’il accepterait de répondre.

Ce constat était d’un glauque absolu et il était difficilement compréhensible qu’une gamine aussi pleine de vie que Léo puisse avoir des interrogations sur la mort. Heureusement, la conversation revint sur des sujets bien plus terre à terre. Genre, la nourriture. Léo plissa les yeux. C’était vrai qu’elle n’avait jamais vu de conserves chez les sorciers maintenant que Roxy en parlait. Ni même de surgelés. Ca devait tellement horrible de devoir faire la cuisine dans ce monde. Ils faisaient comment, ils allaient au marché tous jours ?

- Installe peut-être juste du riz ou des pâtes ? Ca se périme pas et ça fera le travail le temps d’arriver. Je pense pas que le bateau se lance dans un tour du monde non plus.

Les elfes allaient bien pouvoir leur en fournir, non ? Ils étaient toujours quand elle passait leur négocier un gâteau aux cuisines. Et soyons clairs, elle était toujours prête à négocier un gâteau. Alors qu’elle engloutissait avec bonheur un deuxième mini-sandwich, Roxy sembla approuver son choix d’équipage, ce qui la fit sourire. Pour un second, elle était pas mauvaise.

- Chest qui Fchlemming ?

Elle lui avait demandé cela la bouche pleine, indifférente au fait qu’elle était difficilement compréhensible pour le reste de l’humanité. Et après avoir dégluti, elle ajouta

- Et c’est qui Elinette ? J’la connais ?

Ce prénom ne lui disait rien, elle était donc certaine que la fille en question n’était pas à Poufsouffle. Pour le reste, elle aurait été bien en peine d’en dire quoi que ce soit. Après si Roxy lui voyait des qualités, elle avait tout à fait confiance en son jugement, elle était maligne et elle cernait mieux les gens qu’elle.

- On cherche des gens qu’on veut mettre à l’abri ou des postes spécifiques pour l’équipage ?

S’il était question d’abri, elle voulait protéger Charles, sans aucun doute possible. S’il fallait quelqu’un de pragmatique, l’honnêteté la forçait à dire que le nom de Bailey serait plus indiqué.

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Léo observa Roxy, songeuse. Elle aussi avait été présente durant cette sombre période. Elle était du bon côté de la barrière, mais elle n’avait jamais été comme certains sangs purs dont elle se méfiait comme de la peste. L’avantage de l’adversité était sans doute qu’elle révélait le caractère des gens, pas celui qu’ils voulaient montrer au reste du monde mais bien leur visage caché. Pour certains, cela avait été une bonne surprise, pour d’autres une bien mauvaise découverte. Elle en avait appris des choses, mais elle avait surtout passé sa deuxième année à s’en détacher. Il n’y avait pas le temps de s’apitoyer, pas le temps d’être traumatisée. Elle n’avait pas quitté le statut de pauvre petite chose dans le monde moldu pour le devenir dans sa nouvelle école. Maintenant qu’elle avait réussi à tout entourer, elle était presque soulagée que les rescapés soient si peu nombreux. Il n’y avait personne pour lui rappeler la Eléonore de cette époque. Est-ce que Roxy en avait des souvenirs ? Elles n’étaient pas encore réellement amies à l’époque. Seule Skyler était un témoin direct, mais elle ne dirait jamais rien. Dans son genre, c’était une vraie tombe.

- Oh c’est vrai que Bella a une planche de surf et elle dit toujours qu’elle n’a pas l’occasion de l’utiliser ! Faut absolument lui proposer

Elles n’étaient pas proches, mais une sortie, c’était toujours ça de pris, non ? Elle rit à ses explications sur Adrian, plus par réflexe que par réel amusement. Si elle était morte enfant, est-ce qu’elle serait restée à hanter ses parents sous forme de fantôme, à les assommer de ses bavardages ? Elle ne savait pas trop quoi penser de l’ectoplasme. Elle avait la sensation d’éprouver une forme de compassion. Il devait se sentir si seule. Il avait refusé de quitter la terre, sans doute par peur de l’au-delà et voilà qu’il se retrouvait en pratique bien plus isolé que de n’importe quelle limbe. Au début, fantôme lui paraissait un sort enviable. Après ces quelques mots avec Roxy, elle commençait à se demander si cet ersatz de vie valait réellement le coup.

- Tu crois que ça lui fait quoi d’être mort ?

Elle avait laissé échapper la question sans trop réfléchir, sans se rendre compte qu’elle était sûrement un peu plus sinistre que ce qui était attendue d’une discussion en goguette sur un bateau.

- T’es en train de me dire que t’as recréé un fauteuil pour vieux sur le modèle moldu ?

Elle avait un talent clair et net pour les enchantements et la métamorphose mais pour une raison mystérieuse, elle investissait tout de même sa maîtrise dans des domaines pour le moins inattendus. A croire que le but était de surprendre plus qu’autre chose.

- Va pour Elinette, alors !

La description n’en faisait pas la fille la plus drôle du monde, mais elle entrevoyait comment la jeune fille pouvait être attachante dans une forme de vulnérabilité. Elle pouvait comprendre cela. Elle avait un côté maternant qui ne pouvait pas rester insensible. Elle se mordilla la lèvre, ne sachant pas vraiment que dire et finit par lâcher

- J’ai compris que l’équipage était féminin, mais Charles m’a invitée au bal et … Je l’aime bien.

Ce qui lui faisait penser qu’elle avait une sacrée dette envers Gwen qui avait accepté de lui apprendre à embrasser quelqu’un en prévision de cette invitation. Cela méritait peut-être bien qu’elle souffle son nom

- Gwendolyn est sympa et carrément débrouillarde ! Elle m’a aidée la dernière fois que j’en avais besoin, quitte à donner de sa personne.

Résumé le plus soft dont elle était capable.

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Léo haussa les épaules. Elle, elle comprenait Adrian. Elle ne savait pas quel aurait été son choix. Est-ce qu’il ne valait pas mieux quelques années supplémentaires avec ses proches quitte à être triste ensuite ? Ou est-ce qu’il fallait être plus optimiste et parier qu’ils allaient nécessairement se retrouver dans l’au-delà ? Un jour, elle aurait le courage d’aller poser la question à Adrian. Elle jeta un coup d’œil à Roxy et laissa échapper un rire

- T’es la seule personne de cette terre à avoir réussi à créer quelque chose la base d’un Stana.

D’ailleurs, si elle en saisissait l’utilité pratique, ça avait quand même l’air affreusement lent comme objet non ? Quand on était vieux et que chaque minute pouvait être la dernière, qui avait envie d’en perdre cinq dans un fauteuil moche et ralenti ? Sur le reste elle acquiesça sagement à ce que lui rappela poliment Roxy. Ah oui, c’était sûr qu’expliqué ainsi, cela paraissait difficile d’ajouter un laisser-passer pour Charles. En plus, elle ne pouvait même pas se lancer à vendre qu’il avait des capacités hors du commun en situation de crise. La réalité était qu’il était trop angoissé pour s’en sortir seul dans ce genre de cas.

- Ouais, c’est vrai que dit comme ça, c’est compliqué.

S’il ne pouvait pas faire partie de l’équipage, elle pourrait au moins le sauver en cas de besoin ? Elle n’imaginait pas Roxy ne pas avoir mis un système de sécurité permettant de sauver d’autres élèves. Elle était trop altruiste pour ne vouloir que sauver sa peau.

- C’est quel mec déjà qui a motivé ce choix ?

Ca devait être un sacré goujat pour que tout l’équipage se dise qu’il était merveilleux de finir nonne sur un navire. Ou alors c’était elle qui avait grandi. Avant les garçons lui étaient indifférents. C’était de bons camarades de jeu, mais l’analyse s’arrêtait là. C’était la première fois cette année qu’elle envisageait d’en considérer un autrement. Et … Ce n’était pas désagréable. C’était même plutôt intéressant.

- On pourrait trouver un terrain d’entente. Genre, il fait pas partie de l’équipage, je lui parle pas du bateau, mais j’ai le droit de le sauver si la situation est dangereuse. T’en penses quoi ?

C’était son navire après tout et c’était elle la chef. Léo était largement en capacité de se plier à son autorité ou en tout cas d’essayer de faire des concessions. Après tout, même dans ses rêves les plus fous elle n’aurait pas été capable d’atteindre son niveau d’enchantement, ça méritait bien qu’elle lui témoigne une forme de respect.

- Qui porte pas de culotte ? C’est quoi ce surnom ? Oh et je t’assure qu’elle a effectivement de bonnes histoires à raconter …

Roxy la gratifia d’un regard curieux et assez perspicace pour lui indiquer qu’elle pressentait qu’une de ses histoires avait effectivement un lien avec elle. Elle se dandina une fois ou deux, pas nécessairement à son aise et finit par couiner

- Jeluiaidemandécommentembrasserungarçonpourlebal.

Elle avait débité cette phrase à une telle vitesse que le résultat final ne donna pas grand-chose de concluant. Roxy parut déboussolée, elle se sentit ridicule, bref, ce ne fut pas une franche réussite. Avec un soupir, elle reprit plus doucement

- Quand Charles m’a invitée au bal, je me suis dit que je l’embrasserai. Sauf que je l’avais jamais fait donc j’ai demandé de l’aide à Gwen. Elle a été vraiment sympa.

Roxy était une amie trop chouette, c’était une évidence, mais ce n’était pas vraiment à elle que Léo pensait en premier quand il s’agissant d’une romance hypothétique. Roxy, elle avait les pieds sur terre. Haley bavait sur Misha, c’était un fait, mais ça ne voulait pas dire qu’elle savait comment s’y prendre. Gwendolyn avait le mérite d’avoir un peu plus d’expérience.

@Roxy M. Reid

Roxy était une personne adorable. Elle l’avait toujours été. C’était une amie de qualité. Cela ne voulait pas dire qu’elle supportait tout sans manifester le moindre agacement et Léo commençait à la connaître assez bien pour savoir que le sujet Charles la fatiguait. Elle était bien trop gentille pour le lui dire frontalement, de même qu’elle était trop bien élevée pour le lui faire savoir silencieusement, mais en échange, Léo était assez maligne pour s’en rendre compte. Et pour considérer que son impression était la bonne quand la Poufsouffle lui répliqua sur un ton qui n’appelait pas de réponse qu’elle n’aurait jamais laissé qui que ce soit dans la merde. Bien sûr. Elle n’avait jamais pensé ou dit le contraire, mais ce n’était pas le moment de se disputer sur des histoires de sémantique. Le mieux était encore de clore le sujet.

- Je ne lui dirai rien. Promesse de petit doigt.

Elle lui tendit solennellement son auriculaire pour qu’elle puisse s’en saisir et sceller le pacte qu’elles venaient de passer. De toute façon, elle n’aurait jamais rien dit à Charles sans l’autorisation de Roxy. Ce bateau, c’était son travail et sa réussite à elle. Pas la sienne. Elle ne se serait jamais senti le droit de se l’approprier, même juste pour parler de son existence.

- Tu n’es pas amie avec Misha, pourtant ?

Hilary … Elle se demandait si la blondinette allait bien. Elle supposait que cette existence au couvent devait lui convenir puisqu’elle n’était pas revenue depuis à Poudlard. Cela ne signifiait pas que Léo était en mesure de comprendre. Elle avait passé son enfance son enfance à essayer de ne pas finir enfermer dans un hôpital, alors s’y résoudre volontairement, sans pathologie, pour des croyances que rien ne permettait pas de démontrer, ça la dépassait. La diversion de Gwen sans culotte arriva à point nommé pour ajouter un peu de légèreté à la conversation et Léo éclata de rire. Elle n’était pas capable d’imaginer le couvent, mais elle arrivait sans peine à se figurer Gwen agissant ainsi. C’était ce qu’elle admirait chez elle, elle n’avait peur de rien et surtout pas du regard des autres. Elle n’estimait pas être particulièrement peureuse, mais elle aurait aimé être téméraire à ce point. Même si à titre perso, elle aurait gardé sa culotte.

- C’est pas chou, c’est pathétique.

Elle avait gémi ces mots avant de laisser tout de même échapper un sourire, preuve qu’elle se fichait qu’on rigole de cette histoire. C’était Roxy, rien ne serait jamais méchant.

- Vers la droite bien sûr.

L’ironie était évidente. C’était juste bizarre, qu’on aille à gauche ou à droite. Elle frissonna quand Roxy parla de machine à laver et la gratifia d’une grimace dégoutée

- Certains se basent là-dessus ?

Mon dieu ce qu’elle avait été chanceuse que Gwen lui file un cours direct. Elle pâlit un peu à la question suivante de Roxy et bégaya

- Comment tu sais qu’elle m’a embrassée pour me montrer ?

A leur regard déboussolé à chacune, ce n’était peut-être pas entièrement ce qu’elle avait voulu dire.