C’était un peu bizarre, mais tout se passait bien. Oui, vraiment bien, contre toute attente, ça allait vraiment super. Très très bien.
Après le bal de fin d’année et la lettre de Michaela, ils avaient pris le train ensemble, et ça s’était bien passé. Pas de baiser quand même ni rien mais le voyage n’avait pas été gênant, ils avaient rigolés comme d’habitude et s’étaient promis de se revoir au voyage de classe, d’ici deux semaines.

Thomas avait ensuite filé directement chez ses grands-parents pour la première quinzaine de juillet, très excité à l'idée d'enfin raconter à ses cousins plus âgés son expérience de Poudlard et d’en confronter un ou deux qui lui avaient raconté des conneries. Pas de fontaine de chocolat dans toutes les chambres, il avait vérifié et aucun dragon ne dormait sous les combles de la plus haute tour du château.

Les vacances étaient sympas mais tout du long, Thomas avait gardé à l’esprit le voyage prévu par l’école. Retourner à Poudlard – ou ailleurs en fait – mais sans corvées ni devoirs, c’était exactement ce dont il avait envie, et puis il y retrouverait Dmitri et Michaela et quelques autres personnes qu’il avait croisé au cours de son année scolaire, autant dire qu’il en parlait beaucoup à table. Il avait également passé pas mal de temps à essayer d’arracher des informations sur leur destination à ses grands-parents, sans succès, puis s’était résolu à essayer de deviner tout seul, d’après les précédents voyages.
Il en était parvenu à la conclusion que très certainement le voyage de cette année se déroulerait au Mexique quand son grand-père lui annonça qu’il partait pour la forêt écossaise et qu’il valait mieux prendre quelques vêtements chauds par sécurité. C’était bien quand même, Thomas alla simplement enlever ses tongues de sa valise.

C’était sa grand-mère qui l’avait fait transplaner jusqu’à Pré-au-lard et il avait eu le nez fin en lui demandant de les faire apparaitre dans une ruelle pour que ses copains ne le voient pas en train de vomir. Ça aurait été vraiment la honte.
Après s’être rafraichi avec une rasade d’eau, il avait rejoint le petit groupe d’étudiants de tout âge et rapidement abandonné sa grand-mère pour chercher Michaela – c’était ça qu’un petit-ami était censé faire, d’après lui. Il y avait réfléchi.

Et puis… tout avait été emporté dans un entremêlement de protocoles administratifs, de discussions anodines où on se demandait comment s’était passé le début du mois de juillet, si on avait des infos précises sur ce qui allait se passer dans la forêt et si on avait bien rempli son carnet de santé. 16h tapantes, tout le monde disparu de nouveau mais cette fois Thomas ne vomit pas, parce qu’il n’en eut pas le temps, déjà on les accueillait avec des consignes de sécurité, une visite rapide des lieux et l’attribution des chambrées.

Il avait eut le temps de promettre à Michaela qu’il la revoyait dès qu’il s’était installé mais cela pris un peu plus de temps que prévu parce que, la pleine lune approchant, on voulait préciser avec lui deux-trois petites choses, à commencer par qui lui distribuerait sa potion tue-loup et aussi à quelle heure viendrait le monsieur du ministère le chercher le jour fatidique.

Chemin faisant on était déjà le soir et Thomas se fit la réflexion qu’il n’avait toujours pas vraiment eu le temps de discuter avec Michaela loin des oreilles indiscrètes, leur relation n’ayant débuté que la veille du départ en train de Poudlard, il y avait pourtant pas mal de questions encore en suspens, lui semblait-il, à commencer par cette histoire de baiser qui lui semblait un bon point de départ dans un couple, et aussi des détails du genre « c’est quand ton anniversaire pour pas que je l’oublie ? » ça l’aurait foutu mal.

Aussi, parce que la première soirée des vacances était libre, il proposa à la jeune fille une promenade dans la forêt.

- « Tu dis si c’est lugubre ! » Il avisa les alentours, dès qu’on s’éloignait du camp et de ses feux, les bois redevenaient des bois, légèrement inquiétants. « Je voulais que ce soit romantique. » confia-t-il légèrement déçu.

Thomas n’avait aucune idée de comment rendre les choses romantiques, à dire vrai. Sa copine pouvait sans doute s’appuyer sur des livres ou des films, mais lui en avait vu plusieurs dont Titanic et tout ce que faisaient les personnages principaux était infaisable sans bateau et sans voiture.
Il n’allait quand même pas lui proposer un concours de crachat, si ?

Du coup, était-ce une si bonne idée de s’éloigner du camp ? Il n’en était pas sûr. Il voulu prendre la main de la jeune fille mais n’osa pas non plus.
Décidément, tout ça s’annonçait très compliqué…


@Michaela O'Delee

Est-ce qu’il était mal à l’aise ? Ce n’était peut-être pas le mot approprié. Thomas appréciait beaucoup Michaela, elle avait été l’une des premières élèves à venir lui dire bonjour – et elle n’était même pas dans sa classe – l’avait invité au bal ce qui restait quand même une des, sinon la, meilleure soirée qu’il avait passé à Poudlard et de manière générale, elle s’était toujours montré une bonne amie et de bons conseils. Thomas la trouvait très intelligente.
Mais être son ami n’engageait pas à grand-chose, quelquefois il disait des choses naïves ou stupides et elle trouvait cela amusant, c’était tout, il n’y avait pas à se prendre la tête.

Maintenant qu’ils formaient « un couple » il semblait à Thomas qu’il avait changé de stature et qu’il devait plus se montrer à la hauteur. Or paradoxalement, il lui semblait que pas grand-chose n’avait changé entre eux et cela soulageait autant le jeune homme que cela le rendait confus. Il lui semblait bien qu’il n’y avait pas vraiment de marche à suivre claire, sinon ses représentations floues ou très ambitieuses de ce que devrait normalement être une relation parfaite, force était de constater que même avec de la bonne volonté il était loin de correspondre aux codes du chevalier-servant. D’ailleurs, ceux-ci le rendaient un peu mal à l’aise et il avait des difficultés à juste agir normalement, comme si désormais « faire comme avant » était devenu anachronique.

Lorsqu’elle lui demanda s’il était « en train de flipper », il aurait peut-être confessé que la forêt interdite, au crépuscule, avait quelque chose d’inquiétant, mais ce n’était clairement pas comme ça que devait se comporter un petit-ami, ça lui paraissait évident, et il releva le menton avec fierté.

- « Je suis garde-chasse, moi ! La forêt c’est mon domaine ! »

Mais en disant cela, il n’y croyait pas trop. D’ailleurs il n’était qu’apprenti, et encore, tout juste en première année.

Heureusement, et c’était vraiment rassurant, Michaela ne semblait pas lui en vouloir du tout. En fait elle se montrait pas mal indulgente et lui assura que ces bois sombres que lui trouvait vaguement inquiétants étaient parfaits et il lui rendit un sourire.
Ça ne résolvait pas toutefois la question de quoi faire ensuite et Thomas serait sans doute resté les bras un peu ballant si Michaela n’avait pas eu le bon sens de prendre les choses en main en glissant le sien en dessous. Le garçon resta figé l’espace de deux longues secondes, ne sachant sincèrement pas quoi faire, puis épousa le geste et – sans doute légèrement plus roidement qu’avant – reprit la marche désormais contre sa copine – wo trop bizarre !
Comme il n’était pas foutu de faire deux choses à la fois, se concentrer sur cette proximité nouvelle et reprendre la conversation, la jeune fille du également prendre l’initiative de ce côté-là et il se sentit bien idiot de ne pas réussir à juste agir normalement mais rolala il fallait vraiment qu’il se détende c’était sûrement ridicule à voir de l’extérieur...!

N’empêche qu’entendre Michaela lui confier qu’il lui avait manqué lui fit plaisir. D’ailleurs la réciproque était assez vraie ! Même si, parfois, dilué dans le flot des interactions avec ses cousins, le souvenir de la jeune fille pouvait s’estomper quelques heures, il revenait souvent accompagné d’une impression bizarre, à la fois la satisfaction très concrète d’avoir une « copine » et une amie qui l’attendait quelque part, et aussi l’appréhension de savoir si leurs retrouvailles se passeraient bien et s’il n’allait pas être trop nul et tout gâcher.

- « Pareil ! » s’empressa-t-il de répondre. « Mes cousins étaient hyper impressionnés c’est dommage j’avais pas de photo de toi pour… oh mais voilà ! Faut qu’on fasse ça, prendre une photo, en plus celles des sorciers bougent ! »

Il avait vu des photographies animées, assez fascinantes, et l’idée de posséder la sienne, avec Michaela dedans, lui plaisait bien.

- « Bon là il fait sombre, demain ? »

L’avantage de ne pas réussir à focaliser son attention était qu’il avait un peu oublié la proximité physique de sa copine et s’était donc de nouveau détendu. Il indiqua un petit chemin qui serpentait entre les arbres.

- « Il parait qu’il y a un élevage d’hippogriffes qu’on peut visiter dans la région, on pourra aller voir aussi. » Et une idée brillante lui vint. « Si on peut monter dessus à deux, ça ce serait romantique. »

Vraiment, Michaela était accommodante. A chaque fois que Thomas se posait une question ou angoissait sur quelque chose, la jeune fille, comme si elle lisait dans ses pensées, trouvait le moyen de le rassurer indirectement. S’entendre dire que sa présence était rassurante, quand le reste de l’année il était certainement le plus démuni des élèves de Poudlard, incapable de jeter le moindre sort, avait le don de lui rendre la confiance en lui dont il lui arrivait de manquer.

Puis, elle sembla ravie lorsqu’il lui proposa de prendre une photographie, ajoutant même qu’elle demanderait pour voir comment rendre celle-ci animée. Thomas ne connaissait ni Hayden ni Noah, mais il lui faisait confiance quant au choix de ses amis.

A chaque fois, Thomas répondait pas un sourire un peu bête, ne voyant pas plus loin que la fin de sa phrase et l’angoisse à l’idée d’avoir dit une bêtise, que Michaela pourrait se vexer ou juste être déçue, quand la jeune fille lui faisait comprendre que tout allait bien il se sentait heureux mais également un peu démuni, cette information faisant office de finalité.

En résultait de réguliers petits moments de silence avant que l’un d’eux ne reprenne la parole, juste à se promener dans les bois et profiter de l’intimidante proximité physique qui n’était pas si désagréable quand on commençait à s’y habituer.

Cependant, Thomas savait bien que trop de blancs risquaient de paraître suspects et saisissant au vol la première idée qui lui traversa l’esprit, proposa d’aller visiter l’élevage d’hippogriffe qu’on leur avait expliqué se trouver dans la région. Ca lui semblait une bonne idée, raccord avec leurs centres d’intérêt et dans lesquels – miracle ! – il possédait une ébauche d’expertise ce qui lui épargnerait pour une fois d’avoir à poser des questions évidentes sur le monde de la magie.

En plus, ça lui semblait romantique. En tout cas si ça ce ne l’était pas, alors il était à court d’idées…

Micahela parut très emballée par sa proposition, resserrant un peu plus fort sa prise son bras ce qui semblait être un signe positif. Puis elle lui demanda s’il avait déjà dirigé un hippogriffe. La réponse était non, Thomas fut tenté de mentir un instant puis se ravisa, si le projet se concrétisait il serait rapidement mis face à la réalité et cela la ficherait mal.

- « Heu, non… » avoua-t-il. « Mais je sais comment les approcher sans danger. »

Il allait se lancer dans des explications compliquées puis une meilleure idée lui vint en tête.

- « Je sais, je vais te montrer ! »

Thomas rompit un peu brusquement le lien entre eux et d’un bond alla se placer face à sa copine, avec un air de ravi de la crèche.

- « Les hippogriffes sont des animaux très fiers. » expliqua-t-il, non moins content de lui. « Donc il faut les saluer comme ça. »

Et il se fendit en deux, très bas, comme on le lui avait appris.

- « Si tu es d’accord, tu peux te pencher aussi, ça veut dire qu’on peut s’approcher, sinon il faut reculer lentement, il est peut-être de mauvaise humeur. »

Thomas avait beau ne pas toujours être bien sûr de ce qu’il faisait, quand cela concernait les créatures fantastiques, il gagnait assez miraculeusement en confiance en lui, assez en tout cas pour ne pas voir le potentiel ridicule de la situation. Il se retrouvèrent donc tous deux, penché l’un devant l’autre, à imiter les hippogriffe, pour la plus grande satisfaction du jeune homme.

Ça avait l’air de bien plaire à Michaela aussi, qui gloussait en face de lui, et ce son donna encore plus d’énergie à Thomas pour bien faire.

- « Super ! et maintenant on se redresse douuuuucement… » ce qu’il fit, avec sa tête ébouriffée de ravis de la crèche, fixant Michaela d’un grand sourire.

Il y eut un léger silence. « Bon heu voilà et normalement là on peut se rapprocher… » sa voix avait déclinée sur les dernier mot et il déglutit un peu, son sourire s’effaçant légèrement. C’était… le moment où il fallait s’embrasser, non ? Ça y ressemblait en tout cas. La vache… son premier baiser.

Thomas prit une rapide respiration, déglutit une seconde fois discrètement et fit un pas en avant vers Michaela, puis un deuxième, un peu plus petit. Ils n’étaient plus très loin à présent et ce regard soutenu était un peu intimidant.

Avec toute la maladresse du monde, façon automate rouillé, Thomas leva son bras et ne su pas trop qu’en faire, le laissa un peu flotter dans les airs quelques secondes de trop avant de finir par se décider à poser la main contre l’épaule de la jeune fille et, se penchant en avant, déposa sur ses lèvres un baiser, qui dura une petite poignée de secondes, assez pour que ce soit suffisamment, mais pas trop parce qu’l craignait que ça ne soit bizarre sinon. Et puis penché comme ça il commençait à avoir du mal à tenir l’équilibre.

Il se laissa ensuite repartir en arrière, rompant le lien et se sentant rouge comme une tomate, eut un regard fuyant avec d’adresser à la jeune fille un sourire gêné. « Cool. »