ça sent le sapin (ROSALIE ✿ BLAZE)

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( ça sent le sapin | ROSALIE ✿ BLAZE )

Rosa ? Rosa ! Rosaaaaa. ROSALIE. La voix de Haley arracha un sursaut prodigieux à la Gryffondor, perdue dans ses pensées. De nouveau sur terre, elle se concentra de toutes ses forces pour accorder quelques secondes d’attention à sa meilleure amie avant que la perspective de son rendez-vous au clair de lune ne l’emporte derechef. C’était le plus beau jour de sa vie. Du moins, ça le serait une fois qu’elle aurait retrouvé Blaze Mansfield, qu’ils se seraient baladés sous les étoiles, qu’ils se seraient pris la main, même, et qu’elle aurait enfin eu la chance de l’embrasser. Oui, la blonde voyait les choses en grand. Un peu trop, peut-être, mais puisqu’aux yeux des deux jeunes femmes, le Préfet était fraîchement célibataire et qu’il venait d’accepter de passer un moment en tête-à-tête avec la blonde, il n’y avait pas la moindre raison de douter d’un tel déroulé. Absolument aucune. L’après-midi s’écoula de manière lunaire. Rosalie était tantôt plongée dans des rêveries qui faisaient fleurir un sourire lointain sur ses lèvres, tantôt prise d’une énergie nerveuse qu’il lui fallait dépenser à tout prix, notamment en avalant tout un tas de bonbons. Le sucre était le remède de tous les maux, après tout.

Le dîner terminé — Rosa ne mangea pas beaucoup, trop occupée à jeter des œillades d’une indiscrétion phénoménale à l’autre bout de la longue table commune où était assis le Serdaigle — Hazel et Rosalie se dépêchèrent de grimper dans leur cabane. L’heure était venue de se préparer. Tandis que la Poufsouffle tressait les longs cheveux blonds de la Gryffondor, cette dernière observait avec une attention rare les tenues disposées devant elle. C’est qu’elle n’avait pas grand-chose sous la main puisque l’unique bagage autorisé n’était pas immense et que son père avait refusé — un sourire en coin — de l’agrandir magiquement. Elle avait majoritairement des pulls, des pantalons parfaits pour aller crapahuter en forêt, une ou deux robes mais l’humidité extérieure et la pluie qui semblait prête à tomber d’une seconde à l’autre avaient de quoi la refroidir. Tout en exacerbant son enthousiasme, car quoi de plus romantique qu’un premier baiser sous la pluie ? Quand elle allait raconter ça à Michaela… ! Après de longues délibérations avec elle-même, partagées avec sa meilleure amie, et sur l’approbation de cette dernière, Rosalie opta finalement pour un pantalon fluide kaki et un pull orange pâle dont la présence n’avait rien à voir avec le fait que Blaze en portait un d’une teinte similaire aujourd’hui.

Pas besoin de maquillage — elle était super belle au naturel, comme le souligna Hazel, et la moiteur de la forêt ne formait pas une super bonne alliance avec le mascara loin d’être waterproof de la jeune femme — ni de veste — l’espoir que le Préfet lui prête la sienne en cas de météo défavorable ne la poussa nullement à faire ce choix — juste elle, son joli sourire et ses illusions les plus tenaces, quoique charmante selon le point de vue. Elle, en tout cas, en était ravie. Enfilant ses baskets noires, elle enlaça brièvement sa meilleure amie, attrapa un sachet de bonbons pour se donner du courage et de quoi occuper ses doigts nerveux, puis descendit rapidement l’échelle en bois, sautant une bonne partie par impatience. Elle se réceptionna sans mal sur le sol qui hésitait entre rester boueux ou se figer pour de bon et sautilla gaiement jusqu’à la lisière de leur campement sommaire. La pleine lune était déjà parfaitement visible, obscurcie de temps à autre par des nuages capricieux, tandis que le soleil, lui, se dirigeait paresseusement vers la fin de sa journée. À vue de nez, il restait encore une bonne demi-heure de jour. Rosalie espérait simplement que le jeune homme ne serait pas trop déçu de ne pas pouvoir observer les étoiles si le mauvais temps décidait de s’ancrer. De son côté, c’était le cadet de ses soucis. Tant qu’il était là, la soirée serait merveilleuse.

Sa silhouette se détacha bientôt, quittant sa hutte pour la rejoindre en quelques foulées. Dès qu’elle croisa son regard, un sourire éclaira ses traits, à peine retenu par l’aura intimidante que le garçon dégageait toujours à ses yeux. « Hey ! Tu préfères quoi ? Longer la rivière, parcourir la forêt ou aller en direction du lac ? » proposa-t-elle, incapable de faire un choix par nature, encore moins lorsqu’il s’agissait de son tout premier rendez-vous officiel — encore une fois, il ne l’était que pour elle — avec le Serdaigle. Il fallait que tout soit parfait et, pour ça, elle était prête à se plier à toutes ses envies. La sienne était unique et se trouvait déjà là, le reste lui irait parfaitement.

( Pando )

Quels que soient les reproches qu’on pouvait lui adresser – et Merlin sait qu’il y en avait – on ne pouvait dénier à Blaze sa personnalité solaire et dynamique, une sorte de résilience à toute épreuve qui jusque dans l’adversité transformait les épreuves en motivation et les déceptions en défis. C’était sans doute cette énergie en lui qui, en rejaillissant sur les autres quand il les entrainait dans ses projets, avait forgé sa popularité à Poudlard, et ce malgré le fait d’être par ailleurs un insupportable connard, autocentré et narcissique.

Mais depuis la fin de l’année, sans qu’on se l’explique trop, c’était comme si le soleil s’était éteint et restait à sa place un astre sombre. Les sourires et les minauderies qu’il distribuait comme des bonbons s’étaient taris et c’était presque si on n’osait plus l’aborder, parce que ce qu’il dégageait à présent puait la négativité à plein nez, et qu’à moins de vouloir se faire pourrir sa scolarité, mieux valait éviter de l’emmerder quand il broyait du noir.

La raison de ce revirement prolongé était tenue secrète par le premier intéressé. Plongé en plein confusion quant au socle sur lequel il s’était construit, année après année, pendant toute son adolescence, la chute avait été violente et il peinait désormais à s’en remettre. Blessé dans son égo – les fêlures narcissiques sont les pires – cet entrain qui l’avait caractérisé jusqu’alors paraissait s’être écoulé dans la faille. La flamme ne brulait plus, il ne parvenait plus à retrouver comme avant son enthousiasme curieux qui lui faisait considérer n’importe quoi comme une aventure excitante.

Si ça n’avait tenu qu’à lui, il ne se serait pas rendu au voyage, mais sa mère avait signé l’inscription deux mois plus tôt et puis, il y avait Skyler et Misha. N’empêche, il trainait pas mal les pieds.

Le pire étant sans doute que le premier à souffrir de ce coup d’arrêt était Blaze lui-même ! Autant le jeune homme s’adorait – sans doute un peu trop – quand il rayonnait, autant maintenant qu’il broyait du noir, il avait du mal à se supporter lui-même. Rendu à une expression brute de sa personne, sans clinquant ni emphase, ne restait que les aspérités détestables de son caractère et Blaze n’était pas assez aveugle pour ne pas en sentir la rugosité.

Alors quand Rosalie lui avait envoyé une lettre pour lui proposer une promenade, il avait pas mal hésité. Tout, tout lui criait de refuser. Skyler était là, ils s’étaient remis ensemble et même si ce n’était pas vraiment la passion des débuts le jeune homme comptait bien ranimer ce qui pouvait l’être. Il avait des ambitions, des projets pour cette relation. Rosalie n’était qu’un jeu risqué et sans lendemains, et il n’était pas d’humeur à jouer.
Alors quoi ?

Le fait est que meurtri dans son égo, plus que jamais Blaze avait un besoin quasi-vital de se sentir aimé. Désiré, admiré. Il n’était plus un petit garçon, sa mère se montrait moins prodigue en câlins et en compliments, et ça lui allait, il fallait grandir, mais ça lui manquait quand même aussi. Sidney n’était pas venu au voyage, Hayden trainait avec des gens de son âge, Misha ne lui offrait pas ce genre de regards admiratif et pour ce qui était de Skyler, les choses demeuraient compliquées.

Rosalie, par contre, c’était de l’égo en barre. Le fast food du narcissisme. Il le savait et à la manière d’un mort de faim, il s’était vu rédiger une réponse rapide et sobre, presque contre sa volonté, dans un geste qui s’apparentait plus à celui d’un addict en manque que d’une personne rationnelle et maître d’elle-même.

Le simple fait d’envoyer s’envoler le papier d’un coup de baguette lui avait procuré une décharge malsaine de dopamine. L’espace d’un quart de seconde il s’était à nouveau senti tout puissant, avait regoûté à cette assurance naturelle qui le définissait.

Le mal était fait, pas question d’annuler. Il s’assura quand même que Skyler avait quelque chose de prévue avec des copines ce soir, soirée pyjamas ou atelier pâte à crêpe, qu’importe pourvue qu’elle ne soit pas dans les parages, et prétextant une envie de solitude il se laissa glisser hors de sa cabane dans un crépuscule bien entamé.

Elle n’était pas loin, plutôt jolie dans la pénombre, et il répondit à son grand sourire par un geste de la main. Rosalie prenait les devant, il hocha la tête. Peu importait la destination tant qu’on s’éloignait des lumières traitresses du camp. Il était en train de faire une connerie, il en avait la conscience aiguisée, mais sentait aussi qu’il avait BESOIN de cette soirée.
L’espace d’un instant il fut tenté de proposer le lac qui avait le mérite de leur fournir un itinéraire et un objectif clair, mais d’autres pouvaient avoir eu la même idée et il désigna simplement les bois.

- « On part à l’aventure ? » proposa-t-il badinement. « Si ça ne te fais pas trop peur. »

Il redécouvrait avec plaisir son ton et son assurance perdue, goûtant de nouveau à ce sentiment de toute puissance dont il s’était délecté au quotidien pendant des années. Et puis aussi lui vint à l’esprit que des dangers de la forêt, il était certainement le pire. Cela lui donna confiance et avec la souplesse d’un prédateur il franchit l’orée du bois.

- « Le premier qui voit un loup garou remporte la partie ? » proposa-t-il, en rebondissant sur la lettre de la jeune fille.

Le sous-bois lui rappelait un peu celui de la forêt interdite, dans sa partie la plus claire. Rien qui ne soit vraiment terrifiant somme toute, si on y était habitué. De toute façon Blaze n’avait peur de rien. Il sentait le bout de baguette lui tapoter la cuisse à chaque pas, comme une piqure de rappel de son potentiel en sommeil.
Parce que le soleil couchant faisait monter un peu de brume entre les arbres et qu’avec elle venait l’humidité, il notifia seulement que Rosalie allait sans veste et sachant très bien ce qu’il faisait, demanda d’un ton innocent et prévenant si elle n’avait « pas froid, comme ça ? »

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Son cœur battait la chamade. Une mélodie qui lui plaisait particulièrement bien que l’intensité en soit presque douloureuse. Ils étaient beaux, tous les deux. L’une plus heureuse que jamais de recevoir l’attention tant convoitée, espérant une réciprocité des sentiments qu’elle ne pouvait se résoudre à enterrer ; l’amour-propre de l’autre gonflé d’être aussi aisément auréolé des mêmes sentiments si faciles à deviner. Rosalie glorifiait ce garçon qui lui faisait tourner la tête, aveuglée au point d’ignorer l’orgueil le plus élémentaire. Tous les cultes demandaient des sacrifices : celui-ci dévouait sans hésiter sa fierté toute entière. Un sourire chaleureux — qu’elle qualifierait sans aucun doute d’amoureux, elle qui était incapable de distinguer l’amour le vrai de cette fascination qui illuminait ses jolis yeux dorés — se chargea d’accueillir Blaze à ses côtés qui laissait derrière lui les lumières fidèles du campement. Elle avait fait le meilleur choix en l’invitant ce soir, elle en avait la certitude.

Le premier pas était fait, restaient tous les autres, à commencer par ceux qui les entraîneraient dans une direction ou une autre. Déterminée à vivre ce soir son parfait conte de fées, Rosa n’en était pas moins égale à elle-même : incapable de prendre une décision précise. Elle proposa plusieurs destinations, laissant tout le loisir au Préfet de choisir celle qui le tentait le plus. Après tout, la concernant, c’était déjà la plus belle soirée de sa vie — sans exagération aucune, évidemment. « Peur ? Non, jamais. » répliqua-t-elle en rougissant violemment, plus sous l’effet du charme évident du Serdaigle que du mensonge éhonté qu’elle venait de prononcer. Elle détestait les histoires d’horreur et sursautait au moindre bruit un peu inquiétant. Dormir dans une cabane en pleine forêt avait été une torture, les premiers jours, le temps qu’elle s’habitue aux milliers de bruissements qui ne cessaient jamais et qu’elle cesse de se réveiller en panique, certaine qu’un monstre l’attendait à l’entrée de sa hutte. « Va pour l’aventure ! » asséna-t-elle avec une confiance factice. En réalité, elle en avait à l’égard de Blaze : sa présence était rassurante. Il était doué en magie et il excellait au Quidditch, la blonde ne voyait donc aucune situation dans laquelle il pourrait se montrer sous une autre facette que celui de l’élégant, charismatique, doué et extraordinaire jeune homme.

Il n’empêche… Pourquoi avait-elle mentionné les loups-garous, déjà ? Elle n’était pas sans son état normal en écrivant à Blaze — la tête lui tournait, la chance qui lui tendait la main n’attendait plus qu’elle, elle voulait faire bonne impression et montrer qu’elle n’était pas seulement belle mais aussi héroïque que lui — et voilà où ça la conduisait… Un mal pour un bien, dirons-nous, car la présence du Serdaigle valait bien tous les aléas du monde — que ce soit un humain transformé en une bête sauvage ou un sortilège qui faisait pousser des fleurs de son visage. « Deal ! » fit-elle, scellant ainsi cet accord, espérant secrètement que cela n’allait pas arriver. Elle ne tenait pas tant à gagner autre chose que l’occasion de prendre la main de son camarade et, dans ses rêves les plus fous, de l’embrasser sous la lune pleine et ronde qui gagnait du terrain sur le soleil couchant.

S’éloignant du camp, ils prirent le petit sentier qui s’engageait dans le sous-bois, similaire en tout point à celui de la Forêt Interdite. Est-ce qu’on était sûrs que celle-ci ne l’était pas, interdite ? Rosalie ne pipa mot mais n’en pensa pas moins. Plus ils s’enfonçaient sous les arbres, plus les rayons du soleil déclinant peinaient à maintenir une chaleur agréable, plus la brume montait et déposait un manteau humide sur les épaules vêtues seulement d’un petit pull de la Gryffondor. Il fallait serrer les dents et rester vaillante : le jeu en valait la chandelle ! Même si elle en était certaine, Rosalie manqua quand même de défaillir — son pied se coinça juste dans une racine mais elle parvint à ne pas trébucher et à être seulement un petit ridicule à butter de cette façon — lorsque Blaze lui demanda si elle n’avait pas froid. Elle avait l’impression d’être dans un film. C’était typiquement le moment où le garçon demandait ça, la fille répondait que oui mais non, et le garçon déposait quand même sa veste sur les épaules de la fille. « Un peu. » avoua-t-elle, son cœur battant à mille à l’heure. « Mais c’est pas grave, ça vaut le coup. » Les mots filèrent entre ses lèvres, avant même qu’elle ne puisse les penser ou les retenir. Derechef, ses joues prirent une teinte rosée. Bon, c’était vrai, incontestablement vrai, mais était-elle obligée de le dire aussi clairement ? « Toi, ça va ? » demanda-t-elle précipitamment, pour détourner l’attention de son aveu à peine voilé.

( Pando )

Rosalie était charmante, avec ses petits rougissements, ses sous-entendus mal assurés et ses moues qui trahissaient semblait-il malgré elle le moindre de ses atermoiements. Charmantes comme un petit animal qu’on se prendrait à gratter sur le sommet du crâne d’un air attendri. Une petite bestiole pas désagréable à regarder, mais assez insignifiante, au bout du compte.
L’espace d’un instant, Blaze craignit que le regard qu’il lui adressait ne révèle sa condescendance, mais dans l’ombre du soir peut-être était-il passé inaperçu.

Depuis la fin de l’année, son rapport aux autres avait un peu changé. Il avait perdu en bienveillance et l’égocentrisme qui le caractérisait, d’ordinaire dissimulé par son viscéral besoin de plaire, s’était presque mué en misanthropie. Si un jour Rosalie avait pu susciter chez lui une affection réelle, matinée d’un peu de paternalisme en raison de leur différence d’âge, il ne la considérait désormais plus que d’un point de vue utilitaire. Son égo avait besoin d’être pansé, elle serait le pansement, et le reste lui importait bien peu.

Quelques années plus tôt, Blaze aurait certainement trouvé les sous-bois inquiétants, mais depuis, ses excursions dans la forêt interdite et quelques expériences autrement plus angoissantes lui avaient tanné le cuir. Sa baguette dans sa poche était sa meilleure arme et chaque pas qu’il faisait, chaque minauderie de Rosalie, lui insufflait une énergie fébrile. Il se sentait de plus en plus vivant. Ça lui avait manqué.

L’avantage avec Rosalie – et certainement ce qui faisait qu’elle était bien moins intrigante que Skyler – c’est qu’ils partageaient tous deux la même culture romantico-clichée de films d’amour un peu niais et d’aventures stéréotypées où le héros musclé et taciturne lâchait au moment crucial quelques gestes tendres quoique bourrus qui suffisaient en général à ravir la demoiselle qui l’accompagnait. Cette dynamique asymétrique, qui correspondait parfaitement aux schémas patriarcaux que leur éducation leur avait inculqués réciproquement, permettait à Blaze de se faire désirer beaucoup en donnant peu, et à Rosalie d’espérer beaucoup en recevant que dalle.

Généreux, toutefois, il était prêt à donner quand même. Ce qui se jouait là était une pièce de théâtre déjà vue cinquante fois, une partition à quatre main où chacun savait très exactement à quoi mènerait la prochaine note, aucune surprise, aucun frisson, si ce n’est celui de tout maîtriser. Blaze reprenait le contrôle, et ça faisait un bien fou.

- « Attends. » proposa-t-il avec un sourire entendu, et comme on l’attendait de lui, il retira sa veste d’un mouvement souffle qui pouvait vaguement évoquer une pub de parfum et se glissant derrière la jeune fille, la déposa sur ses épaules. « Voilà. »

C’était tellement cliché que ça frisait le comique mais cela avait l’air de plaire à la jeune fille et lui se vidait la tête tout en se remplissant l’égo à chaque frémissement de sa camarade.

- « Ça va tranquille. » dit-il tranquillement, comme une évidence.

Ils étaient désormais en route vers le cliché suivant. La seule question désormais était de savoir comment tout cela se finirait. Pour le moment, Blaze appréciait la petite pièce de théâtre, mais un fond de raison lui soufflait que ce n’était pas une bonne idée DU TOUT d’aller trop loin, et que déjà simplement accepter une promenade avec une autre fille, sans en parler à sa copine, était une connerie sans nom. Il le savait. Il en avait conscience. La conscience cependant ne suffisait pas toujours à agir raisonnablement.

En toute logique, la prochaine étape de leur excursion était de rencontrer un péril. Loup-garou, araignée géante, mangemort, peu importait tant que Blaze venait à bout du danger, sa chemise légèrement déchirée, tandis que Rosalie, reconnaissante et apeurée, s’agrippait à lui comme à un roc au milieu d’une mer déchainée.
Sauf que passée quelques minutes à bavarder l’air de rien, il devenait évident qu’aucun monstre ne hantait cette forêt qui, elle, n’était pas interdite, ce qui contraria un peu Blaze. S’il avait eu plus de jugeote, il aurait demandé à Misha de jouer le rôle de la créature hostile mais tout ce rendez-vous s’était décidé sur un coup de tête, et puis franchement il ne faisait pas confiance à son pote pour mener à bien un plan qui nécessitait de faire preuve de subtilité.
A tous les coups le ruskov allait se prendre les pieds dans une racine et révéler la supercherie au grand jour.

Reste que sans plan B allait forcément arriver beaucoup trop vite le moment où il deviendrait logique de s’embrasser et ce genre de conneries, ce qui ne l’arrangeait pas trop.

Heureusement, ils débouchèrent à ce moment là sur l’une des fameuses clairières de la forêt et même maintenant que le soleil était couché il fallait bien reconnaitre que l’endroit avait son charme.

- « Je nous fais un feu ? » proposa Blaze en tirant sa baguette de sa poche.

Il adorait être majeur. Depuis qu’il savait faire de la magie ses vacances d’été hors de Poudlard avaient toujours été une grande source de frustration, obligé d’adopter une vie de moldu pendant deux mois parce que le Ministère leur interdisait de jeter des sorts hors de l’école. Ceci expliquait d’ailleurs certainement qu’il ait participé à tous les voyages scolaires que proposait le collège.

- « Ça te réchauffera. » ajouta-t-il, prévenant. « Faut juste un peu de bois… »

Et puis, soucieux de faire démonstration de ses talents, il balaya la clairière d’un geste de baguette.

- « Orchideus. »

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1 = réussite critique, les plantes poussent si bien qu'elles deviennent fonctionnelles
➤ 2 ; 3 ; 4 ; 5 = réussite, la clairière se couvre de fleurs nocturnes (ipomées blanches)
6 = échec critique, tous les arbres autour d'eux se mettent à pousser, refermant la clairière sur eux
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Voilà, l'endroit était parfait à présent et déjà leur montait au narine un léger parfum. Incapable de modestie, il adressa un hochement de tête à la Gryffondor genre "ouais je sais j'assure".

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'Le Hasard' : 5

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Nourrie depuis sa plus tendre enfance aux contes chevaleresques, Rosalie vivait présentement un rêve éveillé. Ses fantasmes romantiques — tous plus innocents les uns que les autres — n’avaient encore jamais pris vie aussi intensément. Son cœur — qui avait tourné la page Blaze Mansfield depuis tellement longtemps que cela ne faisait plus le moindre sens — battait la chamade, ses espoirs enflammés par l’intérêt simulé du garçon la drapait des mêmes émotions que ressentaient les personnages principales de ses romans qu’elle aimait tant, son égo s’était tû, muselé par des émotions plus fortes que lui. Elle était une princesse, ce soir, accompagnée du prince charmant. Et comme toute bonne histoire qui se respecte, tout finirait bien. Si la Gryffondor avait été un peu moins naïve, si elle avait osé regardé plus loin que quelques mots échangés avec sa meilleure amie, si elle s’était penchée un peu plus cet éclat de dédain qui brillait dans le regard de son camarade… Peut-être aurait-elle pu éviter le mur dans lequel elle fonçait, les joues rosies de plaisir et un sourire intimidé accroché à ses lèvres.

Comment pouvait-elle se figurer qu’une autre habitait les pensées de Blaze alors qu’il enleva sa veste, surpassant ses rêves les plus fous, et se glissa dans son dos pour la lui déposer sur les épaules. C’était exactement comme dans les films. Cliché, pour certains, absolument parfait pour la blonde. Les notes entêtantes du parfum du Serdaigle l’enveloppèrent en même temps que la chaleur de son manteau. Elle était aux anges, en compagnie de quelqu’un qui était loin d’en être un. Un bourdonnement dans son oreille droite la troubla un instant avant que les acouphènes ne fassent plus importants et que sa vision ne se brouille, mélangeant le présent et le futur pour la faire spectatrice d’un moment parsemé de brume. Elle ne distingue pas tout mais fut capable de reconnaître sans avoir le moindre doute son pull orange couvert de la veste du jeune homme, leurs visages proches, très proches… Les ombres incertaines disparurent aussi vites qu’elles étaient arrivées, ne laissant qu’une sensation désagréable au niveau de ses tympans. « Merci. » souffla Rosalie, reprenant ses esprits, essayant d’apaiser ce cœur qui s’était emballé en comprenant qu’ils allaient s’embrasser. Elle en avait très envie et avait décidé de mettre toutes les chances de son côté, refusant de laisser passer sa chance, même si cela lui coûtait toute son indécision de faire le premier pas, alors elle n’était pas très étonnée… Ravie, en revanche, c’était certain. Ses doigts se resserrèrent au niveau du col de la veste, la maintenant sur ses épaules. Haley n’allait pas en revenir.

Si la Gryffondor espérait qu’ils ne croiseraient pas de loup-garou — elle n’avait vraiment pas envie de vivre une histoire d’horreur au milieu de son histoire d’amour — elle ne pouvait nier que la perspective d’être protégée par le Serdaigle avait quelque chose d’excitant. Néanmoins, leur balade se poursuivait, les deux adolescents badinant l’air de rien, et nulle créature sortie des enfers ne les attaqua. Ils débouchèrent finalement sur une clairière baignée de la lumière de la lune. Les yeux dorés de Rosalie la balayèrent et son esprit se convainquit aussitôt que c’était là l’endroit de sa vision. L’impatience et la crainte de ce moment tant attendu lui donnaient chaud, pour autant, il était hors de question qu’elle retire cette précieuse veste. Ça n’arriverait jamais, elle s’y accrochait comme à une bouée. « C’est vrai que tu peux faire de la magie comme tu veux maintenant, la classe. » Rosalie adorait être flattée, sur ce point, ils se ressemblaient sûrement beaucoup. Mais les rapports de force étaient en faveur du Préfet, dont la seule présence donnait envie à la jeune femme de le couvrir de louanges, tandis qu’elle recevait quelques sourires et une attention qu’elle se figurait être la somme des mêmes sentiments qui l’habitaient.

Volontaire et soucieuse de plaire, elle allait proposer de ramener du bois pour qu’il puisse faire le feu dont il parlait — se souciant d’elle au point qu’il ne voulait pas qu’elle ait froid — mais il la coupa dans son élan de la plus belle des façons. Il balaya la clairière de sa baguette, fleurissant le parterre de fleurs blanches qui rayonnaient sous cette lune immense. Bouche bée, Rosalie observa cette démonstration de magie et de romantisme, les yeux brillants. Personne ne pourrait jamais dire que Blaze Mansfield n’était pas l’homme parfait. Il était tout simplement l’incarnation du prince charmant. « Wahou, c’est magnifique. T'es vraiment le meilleur. » le complimenta-t-elle tandis que les centaines de pétales blancs déployaient un parfum délicat qui les enveloppait dans une bulle que Rosalie jugeait délicieusement intime. « Je vais chercher du bois. » Ni une, ni deux, elle fit marche arrière, revenant aux abords de la forêt, ramassant ici et là quelques branches suffisamment sèches ainsi que du petit bois. Les bras chargés, elle revint au centre de la clairière, là où un tronc couché indiquait qu’ils n’étaient pas les premiers à venir, et le déposa à même le sol pour que Blaze puisse, une nouvelle fois, faire la démonstration de sa magie. « Je t'aiderais bien mais je ne peux pas encore me servir de ma baguette en dehors de Poudlard. De toute façon, tu es bien assez doué, tu n'as pas besoin de moi. » Non seulement il était beau, attentionné, intelligent mais en plus ses sortilèges réussissaient toujours parfaitement.

Dé pour la vision ici*

( Pando )

Satisfait de la réussite de son sortilège, Blaze accueillit les compliments avec une satisfaction qu’il tâcha de teinter de fausse modestie en haussant les épaules d’un air décontracté. Il hocha la tête lorsque la jeune fille se proposa d’aller chercher du bois et jugeant que de son côté, il avait fait le taf, alla s’installer sur un tronc d’arbre laissé en travers de la clairière et qui faisait un bon spot où poser son cul.

Il suivit Rosalie du regard alors qu’elle ramassait quelques maigres branchages, pas de quoi faire une grosse flambée mais assez pour quelques flammes, assurément. De toute façon, il ne faisait pas assez froid pour avoir vraiment besoin d’un feu de joie. Rosalie était jolie, dans la pénombre de la clairière et quelques idées un peu bizarres lui traversèrent l’esprit, qu’il chassa au profit du souvenir de Skyler.

Il n’y avait pas d’avenir pour lui et la Gryffondor, la jeune fille n’était pas à sa hauteur. Et il lui apparut plus clairement que toute cette soirée n’avait d’autre but que de satisfaire son besoin de reconnaissance. Il ne se formula pas ainsi, mais la sensation vague que lui procurait cette idée était suffisamment parlante et lui laissa un goût amer dans la bouche.

La magie de la soirée – si celle-ci avait existé – était définitivement rompue. Rosalie ne semblait pas s’en être rendu compte alors qu’elle revenait déposer devant lui son petit tas de bois ridicule. Évidement qu’elle ne se rendait compte de rien, elle était cruche comme une choppe de bièraubeur.

- « Effectivement. » répondit-il en hochant la tête lorsque Rosalie confessa n’avoir pas son talent.

Il ne désirait plus jouer, désormais. Tout ça lui semblait vain. Il avait obtenu la satisfaction de son ego mais les caresses paraissaient vides de sens, et sans valeur. Ce dont il avait besoin, en définitive, c’était d’agir. Se reprendre en main, s’investir dans sa revanche, et cette partition-là, Rosalie n’en faisait pas partie.

Blaze porta son regard sur elle. Il eut soudain la conscience que s’il le désirait, il pouvait lui faire mal avec quelques mots. Peut-être la faire pleurer, d’ailleurs. Sans brutalité, juste avec des paroles cruelles. Lui expliquer que ses espoirs étaient vains, qu’elle était ridicule à espérer quoi que ce soit de lui. Il se sentit puissant, la méchanceté gratuite, en dévalorisant les autres, le rehaussait. Mais Blaze n’était pas cruel, au fond, il ne souhaitait pas faire de mal. Comme un enfant curieux, il espérait simplement gratter suffisamment pour découvrir chez ses camarades leurs potentiels cachés, comprendre ce qui les animait et, fort de son arrogance adolescente, il lui semblait ce soir que du potentiel, Rosalie n’en avait aucun.

- « Je me demande ce que tu attends de cette soirée. » dit-il finalement avec un certain détachement, tout en passant sa baguette au-dessus du tas de bois qui se mit à fumer doucement. « Laisse moi deviner, tu te verrais bien m’entendre te dire que tu es très jolie et te raconter tout un tas d’histoires sur à quel point on irait bien ensemble et tout ? »

Il soupira. Il ne cherchait pas à faire mal, mais son état d’esprit s’était considérablement durci depuis l’épisode des cachots et tout ce qu’il parvenait à dire, à présent, sonnait sans aucune empathie.

- « Je vais te le dire franchement parce que c’est comme ça qu’on avancera : tu te fais des films. Pour sortir avec quelqu’un faut avoir des choses à partager et on n’a rien en commun. »

Il la dévisagea et reprit, sans lui laisser le temps de répondre : « J’ai besoin de stimulation moi, de m’amuser, et désolé mais t’en apporte pas. On se fait chier avec toi, tout est prévisible, ça va juste pour s’amuser cinq minutes mais derrière il y a rien. »

Il secoua la tête.

- « Ça peut paraître dur, j’en suis désolé, mais c’est la vérité. Je le dis pour toi aussi, pour que ça te fasse prendre conscience du truc tu vois. » et il osa un sourire qui avait la franchise de la compassion « On est des sorciers, on vaut mieux que des romances à la con. Trouve quelqu’un qui te stimule et que tu stimules, deviens badass, je sais pas, tu verras ça sera beaucoup plus kiffant que maintenant. »

Puis il se fendit d’un nouveau soupire.

- « On peut en discuter si tu veux. Sinon je vais te raccompagner jusqu’au camp. »

Il fallait qu’il discute avec Skyler, ça devenait urgent de clarifier la situation, il ne pouvait pas rester à stagner dans sa morosité tout l’été.

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( ça sent le sapin | ROSALIE ✿ BLAZE )

La veste de Blaze sur les épaules, Rosalie s’employa à réunir un peu de bois pour alimenter le feu qu’il venait de créer. La vision qui dansait encore dans son esprit, ancrée dans ses rétines comme le souvenir d’un instant qui n’était pas encore advenu, la rendait impatiente, aussi ne ramena-t-elle que quelques branches, suffisamment pour faire danser un peu plus haut une flamme ou deux. Aux côtés du garçon, elle flottait sur un petit nuage, incapable de se rendre compte de l’air désabusé qu’il arborait, ni de cet éclat froid qui avait pris la place des compliments informulés dans son regard. Tout ce qu’elle était capable de voir, c’était ces images que son don lui avait offertes sur un plateau d’argent et qui se réaliseraient, c’était une certitude. Elle cilla à peine lorsqu’il confirma l’absence de talent de la Gryffondor, sa fierté en prenant un coup mais ses sentiments lui rappelant qu’il ne faisait qu’énoncer un fait. Il était tellement doué que ça n’était sûrement pas une critique, juste une constatation qui faisait tout de même un peu mal. Elle aurait aimé mieux maîtriser la magie, être capable de lancer de grands sortilèges pour l’impressionner, mais elle se raccrochait à l’idée qu’elle avait été une talentueuse attrapeuse, et que ça devait compter un peu pour un joueur émérite de Quidditch, et aussi qu’il était là, avec elle, pour une raison qui ne pouvait être une autre que l’envie de passer du temps avec la jeune femme.

Rosalie avait l’impression de tout ressentir avec une acuité décuplée. Le souffle de Blaze, sa main qui reposait à quelques centimètres de la sienne, le parfum qui se dégageait de sa veste… Alors, quand il tourna la tête vers elle, ses traits baignés par la lueur de la lune, la vision qu’elle avait eue se superposa à l’instant présent. Son cœur loupa un battement avant de se mettre à battre furieusement. C’était le moment. Tout était à l’identique, c’était enfin là qu’elle allait avoir la chance d’embrasser Blaze Mansfield. À l’instar de cet aperçu du futur qu’elle avait eu un peu plus tôt, leurs visages se rapprochèrent — du moins le sien le fit — et elle s’apprêtait à plonger corps et âme dans ce qui était, sans le moindre doute, le plus beau baiser de sa vie quand la voix du Serdaigle mit fin à l’enchantement. Sa vision… Elle n’était pas allée plus loin que leurs lèvres qui se rapprochaient, dans un geste que Rosalie avait forcément interprété comme les prémisses d’un premier baiser. Mais maintenant que les paroles dures du jeune homme se détachaient dans la nuit, le tableau idyllique volait en éclat, chacun se fichant profondément dans ses sentiments.

La température chuta brutalement et la blonde frissonna, figée sur place par les propos douloureux de Blaze. Elle se faisait des films ? Elle tenta bien de se défendre, de protester, mais ses lèvres étaient closes, scellées par la situation qui venait brutalement de se renverser. Toutes ses belles croyances s’effondraient les unes après les autres, dans l’indifférence du Serdaigle la plus totale. On se fait chier avec toi. L’hébétude laissa la place à une tristesse qui enflait dangereusement dans sa gorge, bloquant tous les mots qu’elle aurait pu vouloir prononcer, menaçant d’inonder ses jolis yeux dorés qui ne parvenaient pas à se détacher du visage de Blaze. Son sourire lui fit mal, comme s’il venait de lui planter un couteau dans le cœur. Elle avait envie de lui hurler qu’il était un connard fini, qu’il faisait partie de la pire espèce et qu’il était absolument répugnant, qu’il avait joué avec elle et ses sentiments, qu’elle le détestait… Mais ça n’aurait pas été tout à fait vrai, n’est-ce pas ? De toute façon, elle en était bien incapable, peinant à ne pas se décomposer. Sa fierté venait d’être réduite en poussière mais elle ne voulait pas pleurer devant lui, elle ne voulait pas qu’il se rende compte d’à quel point il l’avait blessée. Elle voulait des explications, savoir pourquoi il était venu ici avec elle si c’était pour lui dire tout ça, pourquoi il avait accepté le rendez-vous, mais un élan d’orgueil lui hurla de ne rien en faire. De ne pas s’abaisser à ça. Elle devait déjà avoir l’air suffisamment pitoyable. « J’ai pas besoin de toi pour rentrer. » parvint-elle finalement à articuler d’une voix étranglée, se redressant un geste un peu trop vif pour ne pas paraître affectée par la situation. La veste glissa de ses épaules mais le froid s’était déjà emparé de tout son corps. Elle quitta la clairière à grandes enjambées, ne pensant plus qu’à retrouver Hazel pour tout lui raconter, habillée de honte et de chagrin.

( Pando )

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