Un regard à droite, un regard à gauche, puis un soupir. Voilà comment se déroule ce repas de vendredi soir. On ne peut définitivement pas nous foutre la paix. Ca n'a pas suffit de me rétrograder une nouvelle fois, de me foutre dans un dortoir à part avec les autres grades acier, il faut maintenant qu'on nous colle une retenue pour un crime que l'on n'a pas commis mais dont l'injustice indiffère tout le monde. Par chance - pour mon estomac - le discours de ce cher directeur ne me coupa pas l'appétit et c'est sans peine que je termine mon repas au moment où on nous fait gentiment comprendre qu'il fallait se lever pour rejoindre l'orée de la forêt. Peut-être que je vais passer la nuit dans cette fucking forêt mais au moins je n'aurai pas la dalle, chacun ses petites victoires. Comme on pouvait s'y attendre, on ne nous demande ni notre avis pour cette retenue, ni pour former des groupes. Super ! J'aurai bien passé la nuit à raconter de la merde avec Blaze, mais il faut croire qu'on n'est pas destiné à passer notre soirée ensemble. Par chance, je m'en sors beaucoup mieux que lui, non pas que je pense Bella plus intelligente - ou moins d'ailleurs - qu'Hayden, mais elle est clairement plus canon que lui. Encore une fois, chacun ses petites victoires. Je rejoins donc ma partenaire de galère pour ce soir “Hey ! J'crois qu'on est voué à passer la nuit ensemble !” Répliquais-je non sans une once de plaisanterie. Ca va déjà être chiant de chercher leurs ingrédients de merde, si on ne peut pas plaisanter un petit peu, autant se tirer une balle tout de suite. Surtout que pour être honnête, je ne pensais pas dire ça un jour à Bella. J'ai vaguement entendu dire qu'elle était vélane, ce qui explique pourquoi quand je suis loin d'elle, je ne pense pas du tout à elle, préférant ma préfète à ma co-poursuiveuse, néanmoins quand elle est dans les parages, difficile de la chasser de mon esprit. Je kiffe moyen, on ne va pas se mentir, mais pour l'heure, ça reste contrôlable, espérons que ça continue comme ça ...

“Tu sais à quoi ça ressemble un veaudelune ?" Demandais-je à Bella tout en commençant par avancer dans la forêt. Si au moins un des deux savait ce qu'on était en train de chercher, ça pourrait nous être utile. J'ai pas spécialement envie de chercher au tréfonds de ma mémoire si j'ai un vague souvenir du cours qui abordé le sujet. Déjà d'une, ce n'est pas sûr que je m'en souvienne et puis de deux, ça me gonfle sincèrement d'avance de faire un tel effort pour des tocards qui nous prennent un peu trop pour leurs larbins. “Ca va sinon ?” demandais-je sans trop savoir à quoi allait ressembler cette nuit avec elle car on ne pouvait pas réellement dire qu'on se connaissait vraiment. Certes, on jouait ensemble, mais notre proximité s'arrêtait là et jamais aucun des deux n'a eu l'envie de pousser plus loin notre relation.

Bon au moins, le côté positif de l'histoire - s'il faut en trouver un - c'est que Bella n'a pas l'air d'avoir la mort d'être tombée sur moi et l'inverse est tout aussi vrai. Alors certes, elle aurait certainement préféré quelqu'un d'autre, avec qui elle est plus proche, mais au moins on ne se retrouve pas avec de parfaits inconnus ou des personnes que l'on ne peut pas saquer. On s'accroche à ce que l'on peut, que voulez-vous ! On avance lentement dans la forêt, baguette en main. Je lui demande sans détour si elle sait à quoi ressemble ce pourquoi on nous a envoyé en forêt en pleine nuit - une excuse bidon je sais mais bidon ou non, si on ramène pas des poils de cul de cette bestiole, on est voué à continuer à errer dans cette foutue forêt. Par chance pour nous deux, elle suit en cours et peut donc me décrire la bestiole en question. PAR-FAIT ! “Wouhai, on n'est pas ici pour une promenade de santé ! J'suis sûr que si certains se font attaqués, il jubilerait ce tocard !!” Au moins on est d'accord sur le pourquoi de notre présence ici et aucun de nous ne se fait d'illusion. On va en chier et bien sévère. Franchement, si c'était pas cette bestiole, je suis sûr qu'on aurait pu partir à la quête d'une licorne, rien que pour être sûr qu'on allait galérer sévère ce soir. Bâtard !

J'esquisse un sourire quand elle me remercie de lui demander comment elle va. Vu les moments peu agréables qu'on passe ces derniers temps, il me semble assez normal de poser la question. Je constate en tout cas qu'on partage le même avis sur cette école et sur sa gestion. Je sais que Poudlard jouie d'une réputation plutôt positive à l'étranger, même si je pense qu'elle a pris un sacrés coup depuis quelques années. En même temps quoi de plus normal, ça craint de faire ses études ici. “C'est typiquement anglais, cherches pas !" En réalité, si je voulais être vraiment honnête, ce serait même typiquement humain ce genre de concept. Existe-t-il vraiment un pays qui apprend de ses erreurs passées ? Peut-être, mais j'en connais peu - ou pas immédiatement - et certainement pas la première fois. On finit par apprendre, mais après de nombreux échecs et on a tendance à retomber dans nos travers à la première occasion. Il faut croire que l'être humain est con ! Quand elle me demande comment je vis tout ça et depuis combien de temps je suis ici, je hausse des épaules. “J'ai débarqué ici en ... 4ème année j'crois !” Dis-je en prenant quelques secondes pour réfléchir. J'ai l'impression que c'était il y a une décennie et en même temps, que ça ne date que d'hier, c'est assez étrange comme sensation. “J'vais pas te cacher que j'ai eu le seum contre mon oncle en arrivant ici ! Parce que j'étais bien en Russie, j'avais rien demandé à personne et ... il m'a trainé ici, pour jouer les héros ... Au final il s'est barré et m'a laissé derrière lui ... L'oncle de l'année !!” Dis-je plein d'ironie. C'est fou comme malgré les années, je n'arrive pas à ne pas ressentir de la colère contre lui. Pourtant c'est mon choix de vouloir rester ici, ce n'est pas faute de m'avoir proposé de retourner au bercail. Mais ça n'aurait pas été pareil et puis loin de lui, je suis bien aussi. Il m'écrit souvent et je sais que je vais le voir pour les Grandes vacances, c'est pas comme s'il m'avait totalement abandonné. Après je sais pourquoi il est parti, sa fille avait besoin de lui ... ou plutôt il pense qu'elle a besoin de lui ... on est toujours sur le syndrôme du super héros, vous vous souvenez ? “Et toi, pourquoi t'es là ?”

Autant cela ne me dérange pas d'enfreindre le règlement de temps en temps pour aller me promener le soir dehors, griller une petite cigarette ou faire des conneries avec des potes, autant je m'amuse rarement à me rendre dans la forêt interdite. Je n'irais pas jusqu'à dire que je n'y vais jamais, mais assez rarement et jamais à m'enfoncer très loin dedans. Inconscient mais pas suicidaire ! Je sais cette forêt dangereuse ou en tout cas en théorie et je n'aspire pas des masses à vérifier qu'en pratique ça soit vrai ou non. Pourtant ce soir, j'imagine que c'est le grand soir de vérité. J'ai un fort doute qu'ils se soient assurés qu'on ne risque rien à chercher leur crin débile. On est que de la chair à canon, on n'a aucune valeur pour eux. Mais je suis curieux de savoir ce qu'ils sortiraient comme excuse pour justifier notre disparition ? Une fugue ? Un élève, ok, mais une dizaine ? Je doute que ça passe auprès de nos parents et tuteurs légaux. Enfin moi ce que j'en dis... “Roooooh la petite joueuse ! Un peu de fil et une aiguille et le tour est joué, je serais comme neuf !” Répliquais-je en plaisantant à mon tour. Je plaisante avec elle mais au fond de moi, je ne suis pas super rassuré. Evidemment, je n'en montre rien, mais je n'arrive pas à savoir si on nous a envoyé ici pour nous éliminer ou juste nous punir. On est quand même quelques groupes dans la forêt, même si elle est grande, quelles sont les probabilités qu'on tombe vraiment sur une créature dangereuse ? Infime ... en tout cas, je l'espère ! J'aime à croire qu'on a plus de chance de tomber sur un autre groupe de malheureux, à mon avis personne ne va volontairement s'enfoncer profondément dans la forêt.

Je hoche la tête, en effet, c'était extrêmement difficile pour moi au début. Mais il n'y a pas que l'exil qui fut difficile à digérer, il y a aussi la mort de mes parents. J'ai eu la sensation qu'on m'arrachait le droit de porter le deuil, de digérer tout ce que j'étais en train de vivre. A peine avais-je eu le temps de finir mon année scolaire qu'on m'envoyait ici en Angleterre. Cela ne faisait que quelques jours/semaines, tout au plus, que je venais d'apprendre la mort de mes darons. J'ai à peine pu passer chez moi récupérer quelques affaires, embrasser les membres de ma famille qu'il me restait que j'étais déjà loin. Je sais pourquoi il a fait ça, s'il m'avait laissé l'été en Russie, il aurait certainement perdu ma trace. Je ne l'aurai pas laissé faire et ma famille non plus. Je me serais caché, pour être sûr qu'il ne me retrouve jamais. Est-ce que ça aurait marché ? Je l'ignore, il était auror par le passé, à mes yeux un bien piètre auror mais sait-on jamais, peut-être que je le sous-estime. Je l'ai haï et au fond de moi je sais que jamais je ne pourrais réellement lui pardonner. Je connais ses raisons et je les comprends, mais jamais je n'arriverai à oublier. Il m'a volé ma vie. Mais est-ce aussi simple qu'elle le pense ? Me suffit-il d'attendre d'être majeur pour rentrer chez moi ? Dans les faits, oui, je pourrais me réinscrire à Durmstrang et croiser les doigts pour qu'ils m'acceptent à nouveau. Le feraient-ils ? Je suis loin d'être un enfant de coeur, c'est vrai, mais j'étais pas le pire trouble-fête qu'ils aient connu. Peut-être qu'avec l'appui d'un ou deux profs qui m'appréciaient - et ils ne sont pas nombreux - je pourrais reprendre ma place là-bas. Mais en ai-je encore envie ? D'un côté, ma vie d'avant me manque, c'est une évidence, mais je me rends compte de plus en plus que je ne suis plus le même Misha. J'ai changé, en bien ou en mal, je ne saurai le dire, mais j'ai grandi. J'ai mes amis ici, mes habitudes, je ne suis pas sûr d'avoir envie de tout lâcher de nouveau pour repartir ailleurs, même si je connais ce ailleurs. Je hausse les épaules “C'est plus compliqué que ça ..." Même pour moi ce n'est pas très clair. Je suis partagé entre plusieurs envies et je crois que je n'ai pas envie de prendre de décision. Pas pour l'heure en tout cas !

Elle m'explique que son père travaille dans le commerce magique et qu'elle l'a suivi ne voulant pas, ni le laisser seul, ni être seule. Ses raisons sont bien différentes des miennes, c'est de son propre chef qu'elle est ici. Alors certes, le mal du pays la gagne quand même, ce qui est assez normal, après tout, l'Australie et la Grande Bretagne sont bien différentes. Mais j'imagine qu'elle pourra retourner chez elle pendant les vacances, retrouver le reste de sa famille, non ? “T'as encore de la famille là bas ? Des gens que tu peux rejoindre durant les grandes vacances ?” Elle ne parle que de son père, est-ce que sa signifie que sa mère est morte ? Qu'ils ont divorcé et qu'elle vit avec son père ? Je ne sais pas, peut-être le saurais-je avant la fin de cette nuit. Je vais pour poser une question un peu personnelle quand elle s'exclame soudain en parlant des excréments des veaudelunes. Je m'arrête surpris et la regarde, aussi étonné qu'un brin dégoûté. “Quoi ?” Elle se met à s'expliquer sur son idée et je dois avouer que ça ne m'enchante guère de devoir traquer la merde de ces animaux. Mais avait-on vraiment le choix ? "Chouette ! Super soirée en perspective !” Répliquais-je avant de soupirer. Bon, j'imagine qu'elle n'a pas tort. Ca ne m'enchante guère mais autant chercher ce qu'elle suggère. C'est donc baguette vers le sol qu'on commence à chercher des trucs argentés. Je vais m'en souvenir longtemps de cette soirée, je le sens !