Dès son arrivée dans la chambre, la Gryffondor avait eu l’air un peu ridicule, mais la folie ne tuait personne, bien heureusement. Tentant de poser un premier pied dans la pièce, elle avait tout de suite cherché à changer de trajectoire en remarquant les morceaux de porcelaine cassée au sol, aidé par la voix de celle chez qui elle s’imposait. La perte d’équilibre suivant le changement soudain dans son mouvement suivit sans ménagement. Un saut pour éviter les débris ainsi que les papiers roulés en boule, elle s’était retrouvée presque étaler par terre trois ou quatre fois, reprenant de justesse un semblant de balance avant de continuer sa route incontrôlable jusqu’à la commode, sur laquelle elle put se rattraper. Oh là. Quel spectacle devait-elle avoir donné. Apparemment, elle manquait d’équilibre aujourd’hui.

Finalement, elle avait pu se redresser et constater qu’elle envahissait à présent l’espace d’Azure. S’étant approchée, elle observait ce qui occupait la plus jeune avec une curiosité non feinte, posant la question à voix haute tout à la fois. Elle reçut en retour une question et l’explication — si on pouvait appeler cela comme ça — sur ce qui avait porté la tasse à ce résultat désastreux sur le sol. Opal ne put retenir un sourire mi-amusé. Les frais de sa consternation ? Que s’était-il passé ? « C’est vrai, merci pour l’avertissement, d’ailleurs. » répondit Opal avec un sourire chaleureux. Ne pas l’avoir entendu, le risque de se blesser aurait été réel. Mais tout était bien beau. Aucune blessure, aucun problème. Pas même d’embarras pour Opal malgré son entrée ridicule.

Azure était amusante. Avec sa chorale improvisée d’objets et l’anecdote sur le pot de crème, Opal ne put s’empêcher de lâcher un rire. Le sourire continua d’étirer ses lèvres, comme c’était bien souvent le cas chez elle. Heureuse et légèrement amusée. Puis, Opal haussa les épaules pour répondre à la question qu’on lui retournait. Elle aurait normalement dû être en route pour la bibliothèque, mais c’était bien plus intéressant de rester ici. Tant pis pour son devoir. Elle prendrait du temps plus tard pour le faire.

– Le vacarme dans ta chambre a attiré mon attention. Je me suis demandé un moment s’il n’y avait pas un problème, mais je dois avoir entendu la tasse se frapper contre la porte. J’étais en route pour continuer un devoir normalement.

Et le sous-entendu qu’elle ne comptait pas le continuer maintenant était bien présent dans sa façon de prononcer cette dernière phrase. Elle se contenta de revenir sur ce que faisait Azure, ce qui l’intéressait bien plus. Sur quoi écrivait-elle ? Elle ne cherchait probablement pas une rime pour un devoir, alors Opal se montrait tout de suite curieuse du thème de cette écriture. Était-ce son passe-temps ?

– Tu écris ?

Une nouvelle fois, une question un peu ridicule, qui ne demandait aucune réelle réponse quittait ses lèvres. Comme une confirmation de ce qui se déroulait, de ce qui se disait. Elle parlait plus pour l’énoncer que pour véritablement vérifier. Comme si ça pouvait l’aider à faire le point sur ses pensées et continuer la discussion par la suite.

– Hmmm. Avec théière, tu m’as dit ? Vite comme ça… Je sais pas, gruyère ? Vestiaire ? Carrière ? Ah, si tu me donnes un contexte, je pourrais peut-être mieux aider qu’en te donnant des mots au hasard, ha ha.

Elle ne savait pas ce qu’elle écrivait, mais les propositions lancées n’étaient pas terribles… Pour ne pas dire horribles et probablement inutilisables. Elle avait soudainement hâte d’en savoir plus sur ce qu’écrivait la petite gryffon. Peut-être pourrait-elle aider ? Ça lui changeait de parler d’écriture. C’était différent de ses recherches ou aventures soudaines. Opal n’était pas des plus artistiques, mais ça l’intéressait bien.

Avec son absence de timidité, Opal se penchait déjà vers le bureau pour observer ce qu’écrivait Azure. Avec une curiosité non feinte et aucun essai de cacher qu’elle regardait sans gêne par-dessus son épaule. Si l’état de la chambre était encore quelque part dans le coin de sa tête, l’étudiante de 6e ne cherchait pas à commenter de nouveau. Ou du moins, pas tout de suite. Son attention était maintenant focalisée sur le talent artistique en œuvre devant elle. Quelque chose qu’Opal ne faisait pas, écrire. Oh, elle avait bien des notes, des gribouillis et des indices pour ses aventures, mais il n’y avait rien de poétique. Sa plume ne servait pas à faire imaginer par les mots, mais seulement à couler à l’encre les faits et informations qu’elle trouvait. Un journal de bord plus qu’un recueil d’histoire. Elle prenait bien le temps d’écrire ses aventures parfois, mais c’était des points, surtout pour ne pas oublier.

En ce moment, elle observait Azure réfléchir et tenter de partager des idées sous forme d’arts. Mots et phrases qui étaient pensés, choisis pour donner un tout sensé. C’était intéressant. Et même si elle ne faisait que commencer, qu’essayer, Opal s’en montrait déjà impressionnée par sa volonté d’écrire. Par contre, la jeune Gryffon semblait encore incertaine d’elle. Très critique aussi. Opal avait entendu ce genre de chose des artistes. Et ça l’amusait de se dire que c’était peut-être vrai, en fait. Elle laissa un sourire amical étirer ses lèvres.

– Je pense aussi que la tasse te dirait d’oublier la théière. Elles sont assez susceptibles et rancunières, répondit Opal avec amusement. Parce que parler de non-sens rendait l’atmosphère légère et qu’elle aimait ce genre de moment sans conséquence, sans arrière-pensée. Je ne sais pas ce que tu écris, mais si tu aimes le mot, tu peux l’utiliser. Je ne suis pas très douée en écriture, mais il n’y a pas les métaphores ou figures du genre pour donner la forme à ton texte ? Est-ce que tu mentionnais théière pour parler d’autre chose ? Et si c’est seulement l’objet, ça peut être bien aussi. Dépendant le contexte. Tout est permis, non ? Ton texte, tes règles ?

Opal pouvait être un peu — beaucoup — nonchalante. Ne pas s’en faire, ne pas se casser la tête sur des règles. Prendre les choses comme elles venaient et en faire ce qu’on pouvait et ce qu’on voulait. C’était le mieux à son avis. Ça ne marchait pas toujours, et même elle était proie à ses propres insécurités cette année, mais elle tentait malgré tout de ne pas oublier cette façon dont elle avait choisir de vivre sa vie d’école.

– Est-ce que tu m’en lis un morceau ? Si tu te sens à l’aise. Je suis curieuse de ce que ça ressemble. Je peux te montrer mes notes à moi, mais ce n’est pas très intéressant à lire, je crois. J’essaie de garder le résumé de mes découvertes dans ce château, mais de façon très brouillon et chaotique, ha ha.

Et le sourire qui étirait ses lèvres se transforma en rire. Elle espérait pouvoir convaincre Azure de lui faire lire un bout de ses écrits et elle souhaitait aussi la rassurer dans son envie d’écriture. Parce que si elle voulait et en avait besoin, elle ne devait pas s’arrêter sous prétexte qu’elle n’était pas assez douée. Opal était contre cette idée, tout simplement. Et comme elle appréciait bien Azure, elle aimait lui donner un coup de main lorsque possible.

Toujours amusée par l’histoire de la tasse, Opal gardait un large sourire étampé sur son visage. Et le rire lui vint facilement devant la réponse d’Azure. « Faisons donc ça avant qu’elle ne se venge sur l’une de nous. Je vais t’aider ! » D’un coup de baguette, Opal lança un reparo bien simple, et bien maitriser par la sorcière. Voilà la tasse de nouveau en un morceau sur le sol. Et maintenant que le danger était écarté, Opal pouvait se concentrer sur la découverte du jour : les écrits d’Azure.

Fidèle à son habitude, elle se montra curieuse et intriguée par les textes qu’écrivait sa comparse Gryffon. Et elle ne chercha pas à cacher ses intentions d’épier l’encre coulée sur papier. Pour peut-être aider, même si elle n’était pas douée en littérature et poésie. Elle voulait surtout en savoir plus sur Azure. Il lui semblait la découvrir un peu plus à chacune de leur rencontre. De nouvelles facettes dont elle ignorait tout. Mais le poème qu’elle écrivait ne serait pas celui qui serait récité. Opal observa sans ajouter un mot alors qu’Azure fouillait dans ses piles de papiers, probablement à la recherche d’un de ses écrits qu’elle accepterait de lire.

Ce fut d’un air un peu excessif et grandiloquent qu’Azure se mit à lire. Écoutant chaque strophe, Opal ne put s’empêcher d’être impressionnée par ce qu’elle entendit. Parce que c’était plus profond qu’elle aurait pensé. Pas qu’elle croyait Azure incapable de poésie. C’était surtout parce qu’elle affichait toujours une aura resplendissante et joyeuse qu’Opal ne se doutât pas qu’il y avait ce genre de thème au fond de son âme. La sixième savait que la vie de la plus jeune n’était pas pavée de roses, pourtant. Et les gens qui souriaient le plus pouvaient bien être les plus blessés à l’intérieur. Mais la pensée ne semblait jamais lui traverser l’esprit lorsque les sourires s’échangeaient.

Soudainement, il lui semblait voir cette jeune fille différemment, avec une profondeur nouvelle. Un visage qu’elle n’avait jamais vu. Ou peut-être était-ce simplement l’impression que donnaient les mots énoncés ? De simples mots, de simples pensées écrites, mais qui ne trahissait pas réellement les réflexions d’autrui ? Le poème lui semblait pourtant honnête. Quelque chose d’authentique. Et d’une certaine façon, les mots firent écho en elle. Comme pour lui rappeler que son année n’était pas dans les meilleures. Que sa joie de vivre se voulait aussi forcée par moment. Est-ce qu’elle devait y voir quelque chose de plus fort que l’inspiration du moment chez la jeune Gryffondor ? Le silence s’étira un bref moment suivant les vers. Les laissant pesés dans l’air et dans l’esprit des deux jeunes filles. Puis, Opal reprit la parole. D’une voix douce, comme si elle n’osait pas briser le silence après ce qui lui semblait des révélations.

– C’est vraiment bien écrit. Tu veux m’en dire plus sur tes inspirations d’écriture ? C’est… impressionnant comment tu peux couler le texte sur papier. Je ne suis pas très douée de mon côté pour exprimer mes sentiments ou ressentis.

Peut-être une façon de vérifier si tout allait bien ou si elle voulait en parler. Parce qu’Opal l’aimait bien, Azure. Elle voulait s’assurer que celle-ci se portait bien, qu’elle n’avait pas trop de gros problème. Elle en avait appris un peu sur les enjeux de celle-ci avec un côté de sa famille. Elle s’était proposée, impliquée, si Azure voulait d’un coup de main. Et de nouveau, elle était prête à aider si Azure en ressentait le besoin. Elle se demandait combien elle en ignorait encore sur la plus jeune.