Arrivé(e) le : 03/06/2015 Parchemins rédigés : 10981 Points : 0 Crédit : (c) Année : 5ème année pour la deuxième fois - 16 ans (07/07)
DETAILS EN PLUS Et plus en détails ? Statut Sanguin: Né-Moldu Pouvoirs spéciaux: Poste de Quidditch: Aucun Patronus: Un chiot golden retriever Epouvantard: Une meute d'oiseaux en plein vol Matières suivies et niveau: Points Défis: (1640/2000) Disponible pour un RP ?: Si t'es pas pressé, c'est d'accord ! D'autres comptes ?:
(#) Sujet: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Sam 5 Fév - 0:15
Je ressors de la bibliothèque sans même m'y être arrêté. Comme il fait beau, aujourd'hui, j'avais espéré que les gens en profiteraient pour sortir et que je pourrais y trouver une petite place... Il faut dire qu'avec ce changement de grade, je me retrouve avec des devoirs supplémentaires dans à peu près toutes les matières. Je sais que c'est mérité – mes notes sont pas ouf mais j'imaginais pas que c'était à ce point, au contraire, j'avais presque l'impression d'avoir pas mal progressé en quelques mois – mais la surcharge de travail est énorme. Ça aurait été bien de pouvoir passer l'après-midi là, au calme mais j'avais oublié un détail important : y'a la soirée à Pré-au-Lard, ce soir, et les gens vont pouvoir rentrer tard... alors ils doivent sûrement prévoir la grasse matinée de demain et faire un max de trucs avant pour pas avoir à tout se farcir à la dernière minute... Je lâche un soupir, remonte mon sac sur mon épaule et m'éloigne avec une lenteur affolante. Peut-être qu'il y a personne, à Serdaigle ? Je pourrais aller dans mon dortoir, même, mais je sais que j'aurais envie de faire tout sauf ça... Non, tant pis, je vais aller ailleurs. Un autre soupir et je commence à grimper les marches. Je passe devant une affichette pour la fête... je sais même pas comment j'ai pu oublier... En même temps, comme j'y vais pas... La question s'est même pas posée, en vrai. Après le fiasco du bal, c'est mort, je tente plus rien. Le malaise qui m'accompagne depuis ce soir-là se fait plus grand encore. Il faut dire que c'était vraiment un carnage... Rien qu'en y repensant, ma gorge se serre un peu. Ça, le reste, tout est à jeter ces derniers temps. J'ai même pas eu de nouvelles de Maman depuis sa dernière lettre pour me dire que j'allais rester là. Harriet s'est fait des amis – heureusement pour elle ! – du coup on se voit moins... La solitude est pesante. C'est de pire en pire avec les jours. J'ai toujours cru que ça m'allait, d'être tout seul, mais je dois bien reconnaître qu'en fait, je l'étais pas tant que ça, à la maison... Et quand je l'étais, c'était parce que j'en avais envie. C'était pas pareil. C'était chez moi. C'était rassurant. C'était... c'était avant. Ici, le peu de trucs bien qu'il y avait, c'est de l'histoire ancienne.
J'arrive au sixième étage sans même y faire attention. Les escaliers ont été sympa, aujourd'hui... Même eux ont perdu de leur charme, en vrai. Ils font partie du décor. Ils m'agacent, parfois. La magie n'est plus ce qu'elle était. Moins attirante, moins fascinante, moins nouvelle forcément... Enfin peu importe. Je sais pas trop pourquoi je suis monté jusque là. J'aurais pu aller dans la salle où Harriet m'a montré son ancienne école pendant les vacances... Ou juste dans une salle toute simple... Mais non, mes pas prennent le chemin de celle que Blaze m'a présentée le premier jour. Celle qui lit dans la tête des gens. Celle qui me fait un peu flipper. Mais je crois que j'en ai plus grand chose à faire. D'un côté, si tout le monde savait, peut-être qu'on me renverrait à Rochdale. Ce serait pas un mal, sérieusement. Mais je sais même pas si Maman est rentrée... Mes lettres n'ont jamais eu de réponses et elle m'a même pas écrit pour me souhaiter un joyeux Noël ou une bonne année... Tant mieux en même temps parce que ça l'a pas été ! Peut-être qu'elle est mieux dans sa famille et qu'elle se rend compte que je suis un boulet dans sa vie. C'est là-dessus que je passe devant la porte une première fois. « Je veux pouvoir travailler tranquillement. » Elle me ferait pas ça, n'est-ce pas ? Il doit sûrement y avoir une explication. Les hiboux se sont peut-être perdus. Tous... Je passe une deuxième fois devant la porte... mais sans m'en rendre compte, c'est plus tout-à-fait la même demande. « Je veux un endroit calme. » J'ai beau m'accrocher à des espoirs stupides, je sais très bien qu'il y a que deux explications possibles : soit elle est pas rentrée sans même me le dire et elle a pas vu mes lettres ; soit elle est rentrée et elle a fait exprès de pas me répondre. Je sais pas ce qui serait le pire. Dans les deux cas, je me sens littéralement abandonné. Et lorsque je passe une troisième fois devant la porte, le message est plus clair ; plus désespéré aussi : « Je veux être à ma place quelque part ». La porte se dessine dans la pierre, une clenche sort comme par magie et c'est le cœur lourd que j'y appuie sans même prendre la peine d'attendre quelque chose de l'autre côté de la planche.
Peut-être que j'aurais dû, ça m'aurait évité de buguer à mi-chemin entre l'intérieur et l'extérieur. C'est une petite chambre qui me fait face. La tapisserie bleue sur les murs se décolorent par endroit, les rideaux blanchâtres qui pendent aux fenêtres donnant sur une cour de graviers font un peu pitié... Au-dessus du lit, collé au mur de droite, une photo de Londres composée de quinze feuilles mal imprimées ; sur le lit des draps avec des dinosaures qui auraient pu appartenir à un enfant... En face, contre l'autre mur, un bureau avec un bocal en verre qui sert de fourre-tout au lieu de contenir un poisson posé dans un coin, une pile de vieux patrons pliés dans un autre ; deux immenses panneaux en liège où sont punaisés plein de photos de mode découpés dans des magazines, quelques morceaux de tissus et des post-its de toutes les couleurs occupent toute la place au-dessus. Un peu plus loin, une armoire recouverte de stickers dépareillés – ceux qu'on trouve en cadeau dans les paquets de gâteaux ou de yaourt – ferme mal tellement y'a de bazar dedans... et dans le miroir accroché sur la porte, le reflet d'un mannequin de couture d'un autre temps qui empêche presque de circuler... et le mien, livide, sous le choc. Parce que cette chambre pitoyable et trop petite, c'est la mienne... dans l'état où je l'ai laissée à la maison... à peu de chose près : il manque au moins ma machine à coudre et ma lampe sur le bureau, mon téléphone et la vieille Nintendo DS qui appartenait aux enfants d'Aida sur la table de chevet... C'est... une reconstitution approximative de ma chambre...
Je fais un pas à l'intérieur et laisse la porte se fermer derrière moi. Il me faut un moment pour reprendre mes esprits. Je suis perdu dans cet endroit familier. J'effleure un morceau de dentelle qui dépasse de l'armoire sans oser l'ouvrir pour voir si c'est bien mes affaires ou juste une illusion, laisse mes doigts glisser sur les images accrochées au-dessus de mon bureau sans vraiment les reconnaître et me risque à caresser le coton plein de dinosaures des draps. La boule qui ne lâche plus ma gorge depuis des jours enfle brusquement. Je m'assois sur le bord du lit. Mes oreilles bourdonnent un peu. Dans un geste machinal, je sors Gus de mon sac de cours – qu'il ne quitte que pour aller se coucher – et retire mes chaussures – parce que Maman m'a engueulé un million de fois quand je m'installais sur le lit avec – avant de me laisser tomber sur le dos. Au plafond, la peinture s'écaille un peu. Tous les défauts me sautent aux yeux. J'ai l'impression de poser un œil neuf sur tout... d'être parti trop longtemps. Et je crois que cette constatation pourtant évidente est la goutte de trop. Un petit rien qui, au milieu du reste, achève de faire s'écrouler mon monde. Avant même que je n'ai le temps de réaliser ce qu'il se passe, je fonds en larmes pour la première fois depuis que je suis arrivé à Poudlard, ma peluche serrée contre moi et le visage enfoui dans mon oreiller. Ça sent la lessive à la pêche, celle que j'aime pas mais que Maman prend parce que c'est la moins chère du magasin. Ça dure pas longtemps, dix minutes, quinze peut-être, mais quand je me calme enfin, je me sens un peu mieux. Et comme un gros bébé, aussi, mais tant pis. J'avais besoin de relâcher la pression, je pense.
Je reste de longues secondes un peu hébété avant d'essuyer grossièrement mes joues avec la manche de mon sweat beige et de tirer mon bouquin d'Astronomie, une plume et un parchemin de mon sac. C'est pas tout ça mais maintenant que j'ai trouvé un endroit tranquille pour bosser, faut s'y mettre... mais quand même. J'ai du mal à me concentrer. J'arrête pas de relever la tête dans un mélange de surprise et d'habitude. J'imagine que j'ai le temps, de toute façon. Blaze a dit que personne pouvait entrer quand il y avait quelqu'un... ou quelque chose comme ça. Normalement, je me serais dépêché pour que les autres puissent profiter de la salle mais là, tout de suite, je pense plutôt à rester jusqu'au couvre-feu. Tant pis pour le dîner, je m'en fous. Je suis incapable de dire combien de temps ça m'a pris mais j'arrive finalement à boucler le premier exercice de mon devoir, plein de calculs bizarres – et sûrement faux – un peu partout, vautré à plat ventre sur mon lit, les jambes se balançant au rythme d'une musique qui ne passe nulle part. Ça fait une éternité que je ne me suis pas senti apaisé comme ça, presque détendu. J'ai l'impression de respirer enfin après une apnée interminable. Je me redresse à moitié pour pouvoir tourner la page et passer à l'exercice d'après quand un bruit se fait entendre derrière la porte. Je sursaute mais n'y fais pas plus attention que ça... après tout, personne peut rentrer.
Mais je réalise trop tard ma connerie de croire quoi que ce soit qui sort de la bouche de Blaze parce que, déjà, la porte s'ouvre. J'ai tout juste le temps de fourrer Gus sous mon oreiller dans un réflexe de survie sociale et étouffe un couinement paniqué. La bulle éclate, la parenthèse rassurante prend fin... c'est Poudlard qui inonde à nouveau mon existence et je me sens perdre pied dans la foulée... Et quand je me retourne enfin, une ou deux secondes après, c'est pire que tout ce que j'aurais pu envisager : c'est Charles qui se tient sur le seuil. Les yeux écarquillés – peut-être encore un peu rouges, même, j'en sais rien et je veux pas savoir – j'accuse péniblement le coup. Je me sens plus ridicule encore... et plus mal aussi. Je prends soudainement conscience du décor en bordel, des dinosaures sur mes draps, des chats-tartines sur mes chaussettes... Mes joues s'enflamment, mon estomac joue à la corde. J'ai envie de mourir. J'ouvre la bouche sans que rien n'en sorte, je dois avoir l'air d'un poisson hors de l'eau... c'est pas si faux, l'oxygène manque presque. Je fais l'effort de m'asseoir, comme si ça pouvait encore arranger les choses... Mon regard ne sait plus trop où se poser, si c'est sur lui – c'est gênant – ou sur ce qui m'entoure – c'est aussi gênant. Mon cœur bat à tout rompre. J'ai envie de dire tellement de choses à la fois que les mots se battent et meurent avant d'avoir été prononcés... Tout ce que je parviens à bredouiller est un simple :
— S-salut...
qui hurle tout à la fois le désespoir, la honte, la culpabilité, la panique et tant de choses encore... Et qui fait clairement pitié. Plus d'un mois qu'on ne s'est pas adressé la parole, presque deux, après des échanges réguliers et ce qui devait sûrement ressembler à une humiliation à ses yeux... et c'est tout ce que je trouve à dire. « Salut »...? Par pitié, qu'on m'achève.
Dernière édition par Sidney Driscoll le Lun 28 Fév - 22:08, édité 1 fois
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(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Dim 6 Fév - 18:10
My happy place
”Ma mère-grand, que vous avez de grandes oreilles ! — C'est pour mieux écouter, mon enfant. Ma mère-grand, que vous avez de grands yeux ! — C'est pour mieux voir, mon enfant. — Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents ! — C'est pour mieux te manger, mon enfant !” Daisy se jeta sur son fils qu’elle couvrit de chatouilles, laissant l’enfant rire aux éclats. “Non, maman, arrête !” “Jamais, maman va te dévorer !” Le petit suffoquait de rire, il n’y tenait plus. Alors, enfin, Daisy se redressa, laissant Charles reprendre son souffle en séchant les larmes qui perlaient sous ses yeux espiègles. “Mais, maman, je ne comprends pas” fit-il alors en se penchant vers le livre ouvert sur les genoux de l’adulte. “Comment le petit Chaperon rouge a fait pour ne pas se rendre compte qu’elle parlait à un loup ?” Daisy haussa des épaules, dans une moue évidente d’ignorance. “C’est vrai qu’elle n’a pas été très futée. Ceci étant, beaucoup de gens ne sont pas ce qu’ils prétendent être. Alors, c’est parfois plus facile qu’il n’y paraît de laisser berner.” Charles demeura interdit, considérant les propos de la jeune femme. Difficile de comprendre, à six ans, ce qu’elle venait de lui expliquer. “Pourtant, il avait de grandes dents. Ça se voit tout de suite.” “Tu as raison. Seulement, tous n’ont pas de grandes dents dans la vraie vie.” “Alors, ils ont quoi ?” Le silence tomba un instant, entrecoupé de quelques roulements de vagues lointains. Les vacances d’été n’étaient pas spécialement plus magiques que n’importe quel moment du quotidien et à vrai dire, la seule différence notoire résidait dans ce mouvement de la mer derrière la bâtisse qu’ils louaient pour l’occasion. Tumultueuse en tempête, délicate au soleil. La houle semblait servir de toile de fond à un schéma éternel - des dîners en famille, des histoires du soir, des leçons de vie difficiles à appréhender. “Et bien, c’est justement là que c’est difficile. Ils n’ont rien de particulier.” Charles fronça des sourcils en fermant le livre. “Moi, je suis sûr que je saurais reconnaître les loups des humains.” "Evidemment" répondit sa mère dans un souffle en embrassant son front. “Tu es trop perspicace pour te faire avoir, et de toute manière, je serai là pour t’aider.” Charles s’endormit presque aussitôt, fatigué de ses baignades, épuisé de ses parties de cache-cache avec son père, tiraillé de ses rêveries sur les grands méchants loups qu’il vaincrait de son intelligence. Daisy disparut dans le noir de sa chambre, dans le craquement familier du parquet qui le fit sursauter en cette douce matinée de février.
Naturellement, Daisy n’était pas là, puisque Daisy était morte. Le bruit des vagues s’était dissipé en faveur du ronronnement mécanique de Gédeon, sagement endormi sur ses pieds. Charles, quant à lui, n’avait plus de sa fierté enfantine, reclus dans la honte d’avoir été moqué par un monstre d’apparence humaine. Deux mois s’étaient écoulés depuis la soirée du solstice d’hiver, deux longs mois à ressasser son humiliation et sa solitude. Comme si cela ne suffisait pas, il ouvrait tous les matins des yeux rougis de peur, la conjoncture de ce château ne faisant qu’empirer. Les tensions extérieures grandissaient presque aussi vite que ses confusions intérieures. Que Diable faisait-il ici ? Pourquoi une journée supplémentaire dans cet Enfer ? Il n’avait pas sa place parmi les autres sorciers, aussi bien parce que ceux-ci le rejetaient que parce qu’il ne voulait lui-même pas de cet univers menaçant. Et pourtant, pour une obscure raison, on le forçait à s’y réveiller chaque matin, à arpenter des escaliers magiques, à brandir une brindille de bois. Passant une main sur son visage encore imprégné de fatigue, Charles chercha une seule bonne raison de quitter son lit en ce samedi. Bien entendu, il n’en eut aucune. Alors, il se leva de manière mécanique, comme il le faisait depuis des années désormais, tapissant ses rêves derrière une apparente indifférence couverte de peur. Il prit sa douche, revêtit une chemise en velours marron, se brossa les dents. Sa matinée passa d’une lenteur morne, ayant pris suffisamment d’avance dans ses devoirs pour faire autre chose, mais n’ayant pas assez d’activités pour combler le temps. Il songea à chercher Hilary, ou Rosalie, mais il se rendit à l’évidence qu’elles avaient toutes les deux certainement mieux à faire que de tenir sa présence silencieuse en cette si jolie journée. Alors, il abattit le temps par une lecture acharnée, une main sur son ouvrage, l’autre sur le pelage de Gédeon qui n’avait pas bougé d’un pouce.
Treize heures passées, il convint qu’il était temps pour lui de quitter son dortoir. Peut-être aurait-il dû se diriger vers le parc, pour profiter de ces premiers rayons de soleil depuis des mois, ou même suivre la cohorte d’adolescents qui avançaient gaiement vers Pré-au-Lard pour participer à un nouvel événement de l’école. Il n’en eut pas l’enthousiasme - que ferait un robot parmi l’enchantement de la Saint-Valentin ? - et se contenta finalement de rester sur son lit, les yeux fixés sur la voûte du plafond. Le rayon de soleil qui transperçait par les vitraux des fenêtres dessinait une multitude de particules de poussières qui poursuivirent un instant son rêve interrompu. Les vagues décoraient ses vacances d’enfance, mais la poussière dorée qui voletait devant son regard évasif avait elle aussi accompagné ses souvenirs. La nostalgie fut presque aussi rude que son rêve qui le hantait encore malgré ses tentatives de penser à autre chose. En effet, sa mère ne lui apparaissait plus aussi souvent qu’avant. Pire, il s’était aperçu qu’il commençait à omettre des éléments de son visage. Il figurait très nettement la photo qu’il avait conservée dans son porte-monnaie, mais impossible de se rappeler en détail de ses expressions. Elle avait une fossette. A gauche, ou à droite ? L’un de ses sourcils était naturellement plus arqué que l’autre. Ou au contraire, arrondi ? Charles ferma ses yeux, engrainé dans cette réflexion qu’il savait pourtant stérile. De fait, seul le noir parut sous ses souvenirs hésitants. Tout cela, c’était de sa faute. S’il avait eu la décence de se remémorer le visage de sa mère, peut-être n’aurait-il pas lamentablement oublié ses plus simples conseils. L’humiliation du bal du solstice, il l’avait donc méritée. Son sort dans cette école, c’était bien fait pour lui. Quel enfant ingrat il était. Tu es pitoyable.
Le Poufsouffle se leva d’un bond, manquant d’asphyxier sous la dureté de ses propres pensées. Gédeon lâcha un miaulement de mécontentement avant de s’étirer pour désengourdir ses pattes. Lorsqu’il rouvrit ses yeux, son maître avait quitté la chambre. Sans trop savoir vers quoi il se précipitait de la sorte, Charles arpentait les couloirs presque déserts, le cœur furieux et le souffle court. Il en avait assez de ces crises d’angoisse répétées, il devait changer d’environnement, bouger, faire tout ce qu’il pouvait pour ne plus s’enraciner dans ses pensées tortueuses. Il se dirigea d’abord vers l’extérieur, mais s’arrêta sur le seuil des portes. Le soleil était effectivement resplendissant et le ciel d’un bleu éclatant, la seule constante de ses souvenirs. Alors, il rebroussa le chemin, incapable de se soumettre au regard de sa mère là-haut, pas ainsi, pas dans cet état. Il monta les escaliers sans s’interrompre, jusqu’à s'essouffler. Au moins avait-il un motif valable pour manquer d’air, et pas un stupide sentiment d’anxieté. Il voulut s’asseoir sur le sommet des marches, mais déjà celles-ci se fâchèrent, commençant à tournoyer dans le vide. Il sauta sur le palier le plus proche et atterrit ainsi au sixième étage, dans lequel il s’engagea comme un fantôme, le dos voûté, le regard dans le vide. La froideur obscure du château avait quelque chose d’aussi repoussant que réconfortant. Il l’avait un jour admis à Hilary, qui avait esquissé un sourire d’amusement. “Si tu veux quelque chose de réconfortant, essaie plutôt la salle sur demande” avait-elle répondu. Elle lui avait alors expliqué l’existence de cette pièce saugrenue, qu’il n’avait jamais visitée. Après tout, qu’aurait-il souhaité voir ? Sa maison natale le mettait mal à l’aise. Il n’avait pas assez voyagé pour connaître des espaces reposants. En vérité, par manque d’intérêt, il ne s’était jamais davantage penché sur la question, mais maintenant qu’il approchait de cette pièce secrète, il commença à caresser la curieuse lubie d’y faire un détour. La demeure des vacances. Le bruit des vagues. La poussière d’or. Peut-être y retrouverait-il même le livre du petit Chaperon rouge, avec la première page arrachée par accident et ses dessins au feutre sur quelques illustrations.
Seigneur, qu’il se sentit idiot en s’arrêtant devant le mur. Et paradoxalement, depuis qu’il s’était mis cette idée en tête, il avait fait fit des palpitations effrayées de son pouls et de ses pensées parasites qui épuisaient ses songes. Aussi ne parut-il pas véritablement surpris lorsqu’une fissure éclairée dessina une porte devant lui. Il en avait envie, de cette escapade. Non, il en avait besoin. La magie était dangereuse, mais peut-être que pour une fois, il pourrait se complaire des risques et sauter à pieds joints dans la nostalgie, qu’importe la souffrance qu’elle génèrerait. De toute manière, il ne pourrait pas se sentir plus désœuvré qu’il ne l’était déjà. Alors, résolu, il posa sa main gantée sur la poignée et ouvrit la porte, prêt à écouter les houles, prêt à sentir le parquet craquer, prêt à tomber sur Sidney. A tomber sur Sidney ? La surprise fut féroce. Cruelle, même. Il croyait parvenir à un refuge, il se retrouva dans la tanière du loup. A moins qu’il ne s’agisse que d’un ensorcellement ? Le Serdaigle n’était peut-être pas réel. Mais où était-il tombé ? Était-ce un piège ? Allait-il se faire agresser ? Est-ce que… “S-salut”. La voix du jeune homme le paralysa, le laissant debout sur le pas de la porte qu’il venait de franchir. La magie pouvait-elle faire apparaître des chimères parlantes ? Pour la première fois, Charles regretta de ne pas être plus curieux en cours de sortilèges. Il aurait adoré avoir la réponse à cette interrogation et ainsi appréhender cet environnement, au lieu de quoi, il se sentit pris d’étourdissements sous le poids de son incompréhension. “Euh, tu es réel ?” s’entendit-il répondre dans un murmure. Question stupide, il en eut conscience… Un mirage ne serait jamais honnête sur ce point. Ce ne fut que le grincement de la porte derrière lui qui le tira de ses profondes réflexions ; la pièce venait de se refermer sur lui, avec le fantôme de Sidney et un décor… Et bien justement, quel décor ? Charles quitta donc le regard du jeune homme pour considérer la chambre où il venait d’être dévoré. Rien à voir avec la sienne ; celle-ci était drastiquement plus personnelle. Un lit avec des dinosaures, des panneaux de lièges transpercés de punaises et de tissus, un mannequin. Mais où était-il tombé ?
Alors, enfin, après de longues secondes de contemplation silencieuse et de mutisme déboussolé, Charles finit par comprendre, ce qui le rassura et le terrorisa à la fois. En effet, Sidney était bien réel et il venait d’entrer dans son décor à lui. Il ignorait tout de la salle sur demande, mais n’était-il pas logique que celle-ci ne puisse pas abriter plusieurs souhaits à la fois ? Comme un logiciel bien rôdé, elle ne pouvait pas saisir différents paramétrages. Il lui fallait une donnée à la fois et en l’occurrence, il venait de rejoindre les rouages choisis par le Serdaigle dont il retrouva le regard. Peut-être aurait-il dû trouver quelque chose d’intelligent à dire pour rattraper sa maladresse précédente, au lieu de quoi, dépassé par toutes ces informations et par la présence réelle du grand méchant loup, Charles se contenta d’une question encore plus idiote. “C’est ta chambre, j’imagine ?” Lui qui avait critiqué le comportement du petit Chaperon rouge se retrouva ainsi avec la même naïveté ; figé dans un environnement hostile à s’enquérir de détails inutiles. Il aurait plutôt dû rebrousser chemin… Et pourtant, consterné par l’allure des évènements auxquels il ne s’était pas attendu dans une journée aussi anecdotique, et gêné d’avoir enfreint l’intimité d’une personne qui le détestait déjà, il lui parut difficile de partir sans la moindre explication. “Pardon, désolé, je voulais pas… J-je m’y attendais pas. Je pensais arriver chez moi, mais…” Le rouge lui monta au joue. Sidney, assis à même le sol devant lui, le mettait affreusement mal à l’aise, aussi bien pour ce qu’il lui avait dit le soir du bal que ce qu’il ne lui avait au contraire jamais expliqué. Se pourrait-il qu’il lui avoue enfin pourquoi il avait de si grands yeux ? De si grandes dents ? A moins qu’il ne préfère, à l’inverse du loup, le jeter hors de cet espace privé. Cette hypothèse était finalement plus effrayante encore que d’être dévoré sur place.
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Dashiell Dashner
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Arrivé(e) le : 03/06/2015 Parchemins rédigés : 10981 Points : 0 Crédit : (c) Année : 5ème année pour la deuxième fois - 16 ans (07/07)
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(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Lun 7 Fév - 22:40
Lorsque la porte s'ouvre, la tranquillité qui s'était installée dans cette chambre ni tout-à-fait familière ni franchement étrangère disparaît d'un coup. Je reste là, hébété, à fixer un Charles qui n'a pas l'air dans un meilleur état que moi. J'étais tellement sûr que personne ne pourrait venir que je ne me suis même pas imaginé rien qu'une seconde dans cette situation... et je me sens plus bête encore. À découvert, peut-être aussi. Je veux dire... je suis pas le gars le plus mystérieux du monde mais... c'est ma chambre. Et personne n'y est jamais rentré. Enfin, sauf ma famille... Pourtant, avant, c'était un vrai lieu de passage. Je me rappelle de mes copains de classe qui venaient parfois jouer à la maison le week-end et de tous mes jouets étalés sur le tapis... et d'Oliver qui était là-bas comme chez lui... c'est la dernière personne à avoir mis les pieds dans mon intimité... Jusque là. Durant une seconde, les boucles floues et blondes de mon ancien ami se superposent à la tignasse brune de mon visiteur. La nausée est violente et je m'efforce tant de détourner brièvement les yeux que de rompre ce silence écrasant qui s'est installé. Mon intervention est pitoyable mais mon cerveau n'est pas en mesure de fournir mieux pour l'instant. Il faut accuser le coup, d'abord, et improviser ensuite. Je n'ai jamais été doué pour ces choses-là de toute façon... Aborder les gens... faire la conversation... revenir après deux mois de silence...
— Euh, tu es réel ?
Et il faut bien reconnaître que son intervention ne m'encourage pas à persévérer dans ce sens, bien au contraire... La bouche entrouverte, l'incompréhension plantée sur le visage, je ne sais pas quelle réaction adopter... alors je ne réagis même pas. Est-ce que c'est une façon blessante de me faire remarquer ma disparition de ces dernières semaines ? Est-ce que c'est des reproches même pas déguisés ? Ce serait mérité... tellement mérité, même, que je baisse les yeux sans m'offusquer ni répliquer... La question est légitime... et je n'ai même pas de vraie réponse à y apporter. Techniquement, oui... mais dans le fond, qu'est-ce que j'en sais ? C'est un peu tous mes proches qui s'effacent au fil des jours, comme si il n'y avait plus assez pour garder contact... Alors je n'en suis plus très sûr... Le silence retombe. Il bourdonne, presque menaçant. Le malaise n'est pas bien loin, peut-être qu'il est même déjà là, assis sur ma chaise de bureau, à s'amuser de la scène ridicule qui se joue devant lui. Je ne comprends pas comment on a pu en arriver là. Tout avait l'air si évident avec lui... Pas forcément bruyant, loin de là, mais tout de même. Nos conversations étaient aussi agréables que ces moments passés chacun dans nos pensées, à profiter du calme et de la présence de ce semblant d'ami... Je ne craignais pas son jugement, ni ses moqueries, je n'avais pas peur qu'il me trouve trop bizarre ou qu'il se lasse... parce qu'on était un peu pareils, je crois. Mais il ne reste pas grand chose de ça aujourd'hui. J'ai à peine ouvert la bouche que j'ai l'impression qu'il me déteste. Et c'est sûrement pas qu'une impression. Quand je me risque à relever discrètement les yeux vers lui, son regard est parti à la découverte de ce qui l'entoure... Je regrette d'être venu ici et d'avoir demandé – c'est faux, je n'ai rien demandé du tout – cet endroit ! Je vois tout ce qui ne va pas, tous les défauts qu'il y a partout, les trucs de fille ou de bébé, les milles et une raisons qu'il aurait de se mettre à ricaner avant d'aller raconter à je ne sais pas qui à quel point je crains. Je crois – j'espère ! – qu'il n'est pas comme ça mais dans le fond, qu'est-ce que j'en sais ? On ne se connaît pas tant que ça... et puis, ça n'est même pas vraiment mon ami... Parfois, je me demande si Oliver aurait supporté le boulet que je suis devenu, s'il aurait eu la patience d'attendre que la panique passe, s'il aurait respecté mes silences... J'ai envie de me dire que oui, parce qu'il est le meilleur ami que j'ai jamais eu mais en même temps, je me dis que c'est pas très sûr... Il se moquait parfois des plus timides de l'école, de ceux qui déjeunaient dans leur coin ou qui n'étaient jamais invités nulle part... C'était drôle et méchant à la fois, avec l'arrogance de celui qui sait qu'il n'aura jamais à subir ça. Et c'était sûrement vrai : il n'aurait jamais eu à subir ça parce qu'il n'aurait été tout seul... alors que moi... Le regard de Charles se repose sur moi avant que je n'ai eu le temps de lui échapper. Je ne sais pas ce qu'on attend, l'un et l'autre. Il serait plus raisonnable qu'on s'en aille. Peu importe qui. Mais on ne fait rien. Au lieu d'esquisser le moindre geste, je le fixe timidement, à mi-chemin entre la honte et le désespoir.
— C’est ta chambre, j’imagine ?
Je hoche la tête en même temps que je vire écarlate. Oui... c'est ma chambre... Je n'arrive pas à déchiffrer le ton de sa voix. Venant de quelqu'un d'autre, je l'aurais sûrement pris comme un « c'est tellement pathétique que ça ne peut qu'être ta chambre » mais je ne distingue pas vraiment d'animosité pour autant... en tout cas, pas de méchanceté si flagrante. Il n'a pas l'air de se foutre de moi... il a juste l'air aussi mal à l'aise que moi. Et je m'en veux d'être encore à l'origine d'un truc négatif. Je gâche tout ce que je touche. C'est l'histoire de ma vie, littéralement... Mon meilleur ami, l'école, l'appartement de Peckham, Maman, la magie... Ma vie en général, en réalité, n'est qu'un tas de gâchis que j'ai causé. Et maintenant lui... Je peux comprendre, en vrai, que tout le monde me zappe. J'en ferais sûrement autant si je pouvais. Me débarrasser enfin de moi une bonne fois pour toutes et ne plus avoir à composer avec mes conneries... Avoir la paix pour de bon. Je lisse machinalement un pli sur le lit sur lequel je suis toujours assis, je bouge à peine dans l'espoir de cacher mes chaussettes à dessin débiles... Quitte à être surpris, j'aurais voulu avoir l'air cool, détaché, le genre de gars qu'on a envie d'avoir dans ses amis – tout ce que je ne suis pas et que je ne serais jamais – mais au lieu de ça, j'ai juste l'air d'un gros demeuré...
— Pardon, désolé, je voulais pas… J-je m’y attendais pas. Je pensais arriver chez moi, mais… — Oh, c'est tout ce qui sort, d'abord. Un hoquet de surprise étouffé, alors que je réalise que je me suis même pas demandé ce qu'il faisait là, pourquoi il est rentré dans cette pièce, alors que c'est évident qu'il est là pour la même chose que moi ! Je...
Je peux partir, si tu veux.
— ...je...
Mon regard glisse sur mon parchemin plein de calculs sûrement faux que j'ai galéré à appliquer à la trajectoire de l'une des lunes de Jupiter, sur mon livre encore ouvert, sur le bout à peine visible de la queue de Gus qui dépasse de sous mon oreiller et que j'ai envie d'enfoncer d'un geste emprunt d'instinct de survie que je retiens pourtant, conscient que ça attirerait encore plus l'attention au lieu de cacher ma peluche. Je vais ranger mes affaires et te laisser la place.
— ...je...
Ma gorge est devenue sèche, ma voix déjà faible d'habitude est presque morte, rendue vaguement éraillée par l'hésitation qui la retient. Les mots ne sortent pas. Pourtant je sais que c'est ce qu'il y a de mieux à faire. Il est venu pour être chez lui, la moindre des choses c'est de le laisser pouvoir être chez lui... Mais en même temps... En même temps j'ai pas envie de faire la même erreur de deux fois. Si je m'en vais, là, c'est clair qu'il n'y aura pas un autre moment comme celui-ci. J'ai jamais ne serait-ce qu'espérer qu'il arriverait mais maintenant que c'est le cas, je crois que mon inconscient refuse d'être assez stupide pour tout gâcher. Mon regard arrête enfin de s'égarer et se repose sur Charles, croise le sien, s'y accroche une seconde. Mon ventre se serre un peu. L'avoir en face de moi me fait réaliser qu'il m'a vraiment manqué. Qu'il me manque encore. Il est un peu ce qui se rapproche le plus de cette chambre dans ce monde : un refuge paisible, où je me sens à ma place... enfin... il était. J'ouvre la bouche une nouvelle fois mais je fais marche arrière avant d'avoir lâché le moindre son. Je suis trop bête ! Je me mords la lèvre, agacé, gêné, lassé d'être si « moi »... Je fuis son regard, y reviens la seconde d'après. Je sais plus, j'ai juste envie d'être loin, de disparaître, de revenir en arrière... Qu'il m'aime bien.
— ...je suis désolé pour... pour la dernière fois...
Les mots sont tremblants, saccadés, maltraités... mais affreusement sincères. Sûrement qu'il m'en voudra trop pour que ça change quelque chose, que c'est trop tard – qui revient au bout de deux mois ? qui attend que le hasard s'en mêle, même, trop lâche pour revenir ? – mais au moins il saura que c'était pas volontaire, que j'ai jamais vraiment voulu le planter au milieu de ce Hall... Que je regrette.
(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Mar 1 Mar - 18:15
My happy place
En fin de compte, ce ne furent ni les dents acérées ni les yeux avides du grand méchant loup qui eurent raison de Charles, mais son curieux bafouillement qui intensifia dangereusement le rouge de ses joues. De fait, la sensation de picotement qui courait sur son visage grimpa jusqu’au bout de ses oreilles, le contraignant à détourner le regard. Tout cela, c’était de sa faute à lui. Certes, Charles se considérait pitoyable, étrange, peu fréquentable ; mais il avait au moins la décence de ne pas se jouer d’autrui, là où Sidney se complaisait dans la moquerie. L’attente qu’il instaura, chuchotant du bout des lèvres un aveu qui ne venait pas, fut insupportable pour le Poufsouffle qui se résolut d’ouvrir un bouton de son col de chemise, le souffle court. Non seulement le silence était pesant, mais il fallait en plus qu’il se retrouve au milieu d’un environnement qui n’était pas le sien et dans lequel il détonnait. Cette chambre, cette parcelle d’intimité, était hostile à son regard du seul fait qu’elle appartenait à Sidney. C’était comme un trop plein de familiarité alors même que leur relation s’était effondrée. Peut-être aurait-il mieux fait de partir sans un regard supplémentaire, sans une annonce additionnelle. Pourtant, ses talons demeurèrent solidement ancrés sur le sol, s’opposant fermement à son malaise, à son envie de fuir, à sa tête toute entière penchée sous le poids d’une vaine analyse de la situation. Qu’y avait-il à comprendre de plus ? Il était entré dans une salle à la recherche de répit, et était tombé nez à nez avec un ami, enfin, avec un copain, ou plus exactement, avec une connaissance, qui avait eu honte et pitié de lui, suffisamment pour l’abandonner en pleine soirée de Noël. Tout était parfaitement limpide, peut-être autant que les prunelles translucides du Serdaigle qu’il s’entêtait d’ignorer par embarras : il devait prendre cette maudite porte et fuir, contrairement à ce que voulaient ses fichus pieds ancrés par terre. Alors quoi, son corps était en pleine mutinerie ? Il estimait qu’il en avait assez des ordres du cerveau ? Ce n’était pourtant pas comme s’il essayait simplement de s’extirper d’une situation dangereuse. Son instinct lui hurlait depuis le début que Sidney était tout sauf une présence menaçante, mais il avait fini par lui prouver la légitimité de ses craintes. Alors, ce ridicule duel de corps et d’esprit devait cesser. La raison avait obtenu gain de cause, comme toujours. Tout était logique, anticipable, cohérent. Abandonner Sidney comme il avait lui-même décidé de partir était tout aussi raisonnable. “Je suis désolé pour... pour la dernière fois…” Or, cette phrase n’était ni logique, ni anticipable, encore moins cohérente ; et puis au Diable la raison, Seigneur, la réaction que lui valurent ces quelques mots ne fut en rien cartésienne, non, au contraire, Charles demeura pantois de stupéfaction, quelque part entre de la méfiance et de l’incompréhension.
Erreur système. Le peu de sens qu’avait encore cette rencontre sembla s’échapper par la fenêtre devant lui pour ne laisser qu’une immense absurdité teinter leurs prunelles hagardes. Bien. Il ne s’agissait que des excuses parfaitement méritées, alors naturellement, le Poufsouffle se devait d’agir en conséquence en appliquant le système opportun. Accepter les excuses, hocher la tête, se retirer poliment. “Euh…” Ses lèvres se refermèrent presque aussitôt. Il avait oublié que son corps refusait désormais de suivre les ordres de son esprit. Pourtant, il avait été bien docile pour Rosalie. Il avait consenti à la pardonner en quelques répliques, parce qu’il n’était pas rancunier ni réellement capable de grief. Sûrement parce qu’avec Sidney, les excuses étaient différentes. Sincères, peut-être, penaudes, probablement ; en réalité, il ne s’agissait pas tant des propos du Serdaigle en soi, mais de la manière pour Charles de les recevoir. C’était difficilement gérable. “Je comprends pas” lâcha-t-il finalement en guise de réponse. Véridique. Il ne comprenait plus grand chose, désormais, si tant est qu’il eût compris quoi que ce soit depuis le début. Si le cramoisie de ses joues s’était atténué, en revanche, sa gêne était identique, peut-être même plus accentuée encore maintenant qu’il était tenu de consulter le regard de Sidney devant lui. Après tout, on ne peut dignement entendre des excuses sans considérer la personne en face. Sa mère se serait retournée dans sa tombe si elle avait au moins eu l’essence de le faire. Hésitants, ses yeux finirent par se poser sur le visage de son interlocuteur, qui semblait en vérité aussi gauche que le sien, retenant des émotions qui ne se cristallisaient qu’entre leurs iris chargées de non-dits. Ainsi, ce fut cet échange oculaire qui parvint à rassembler ses pensées diluées dans l’égarement, et non l’excuse tant attendue. “T’es désolé de quoi ?” enchérit-il finalement après un instant de latence, laissant les mots rouler sur ses lèvres pincées. Désolé de l’avoir laissé en plan ? Désolé de s’être joué de lui ? De lui avoir fait croire en un lien imaginaire ? De ne plus lui avoir donné aucune nouvelle ? De l’avoir évité dans les couloirs ? Il fallait des précisions, des détails, pour parfaire ce flou qui s’opacifiait de plus en plus entre eux. “Parce que, tu sais, t’as bien le droit de pas m’apprécier” reprit-il avant de se racler la gorge, essayant tant bien que mal de chasser la boule qui neutralisait les émotions de sa voix, “mais c’est autre chose de me faire croire l’inverse pour finalement me fuir sans un mot.” Cette fois, Charles se mordit les joues. En avait-il trop dit ? Certainement. Son cerveau lui avait intimé de partir, sa langue avait décidé de claquer la vérité, dans une apathie qui ne reflétait que sa déception, mais qui avait sonné comme de la rancœur. Était-il en train de devenir le grand méchant loup de leur histoire ? Se pourrait-il qu’en réalité, ce soit lui, le monstre ? Et que Sidney n’ait que tenté de sauver sa peau ?
Cette considération le terrorisa. Tout résolu qu’il était d’en vouloir à Sidney et d’attendre ses excuses, il n’avait même pas essayé de se remettre en question. Quelle étroitesse d’esprit ! On ne résolvait pas un problème mathématique sans considérer l’ensemble du raisonnement. Charles détacha aussitôt ses yeux du visage de Sidney, trop honteux pour continuer à détailler la délicatesse de ses traits, et entreprit de scruter la poignée de la porte à sa droite. Il était temps de se retirer et de laisser le petit chaperon rouge se reposer de son affront. Il porta ses doigts gantés sur le mécanisme, mais suspendit finalement son geste, se contentant de jouer avec le léger mou du ressort. Il devait s’y résoudre : il était incapable de partir. Sidney l’avait fait avec une grande aisance le soir du bal, mais lui en était tout bonnement incapable, même en étant coupable de cette situation. Ce que devait ressentir Sidney face à son envie désespérée d’échapper à sa présence, il l’avait vécu. Et il ne pouvait de toute évidence pas lui infliger cela en retour. “Pardon, je voulais pas parler comme ça” chuchota-t-il sans défaire ses yeux de la poignée avec laquelle il jouait nerveusement. “C’est juste que… Je préfèrerais que tu me le dises franchement, si tu me détestes.” Il y avait certes songé trop tard, mais même maintenant que toute son énergie était déployée pour essayer d’identifier les moments où il avait pu effrayer Sidney, rien ne lui revenait en mémoire. Il avait toujours cru faire bonne impression, ou au moins, paraître tolérable, suffisamment pour se voir offrir des bonbons le soir d’Halloween, ou pour avoir des réponses aux notes qu’il lui glissait à la volée. En quoi aurait-il pu être objectivement mauvais ? Pitoyable, certes, anxieux, à tous les coups. Mais rien de foncièrement nocif, ou alors, jamais intentionnellement. Et la seule perspective d’avoir mal agi sans le savoir, d’avoir démontré une facette erronée de son caractère, d’avoir pu faire peur à quelqu’un d’aussi doux que Sidney était tétanisante. En fin de compte, c’était peut-être la raison pour laquelle il ne parvenait pas à partir. Ce n’était pas tant une affaire de mutinerie de son corps, ou de préserver le Serdaigle de l’humiliation qui l’avait happé quand lui-même avait fui le soir du bal. Il en allait d’une insidieuse angoisse, lourde, celle-là même qui l’avait conduit jusqu’au sixième étage à la recherche d’un havre de paix, celle-là même qui s’était liquéfiée en tombant sur le regard polaire du jeune homme. Celle-là même qu’il tenta de maîtriser en glissant à nouveau ses prunelles sur la silhouette de Sidney sur son lit. Tu me détestes vraiment ? Cette question ne sortit jamais de sa bouche, mais sembla se dessiner sur son visage tendu, quelque part entre de l’appréhension et de la résolution. Pas lui. Le château entier pouvait bien le détester, et par ailleurs, c’était déjà le cas dans la mesure où le monde magique lui était hostile et qu’il ne s’y sentait toujours pas bienvenu. Mais pas lui, pas quelqu’un d’aussi indulgent, pas quelqu’un d’aussi tranquille. Ou alors, cela aurait signifié qu’il était le pire des monstres, une espèce encore plus bestiale que le grand méchant loup, et que sa mère l’avait mis en garde en vain, et pire, qu’elle avait couvé une horrible bête et qu’elle serait morte dans le mensonge d’avoir fait quelque chose de bien. Sidney ne pouvait pas le détester pour de vrai. Sidney ne devait pas lui porter ce coup.
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Dashiell Dashner
À SAVOIR
Arrivé(e) le : 03/06/2015 Parchemins rédigés : 10981 Points : 0 Crédit : (c) Année : 5ème année pour la deuxième fois - 16 ans (07/07)
DETAILS EN PLUS Et plus en détails ? Statut Sanguin: Né-Moldu Pouvoirs spéciaux: Poste de Quidditch: Aucun Patronus: Un chiot golden retriever Epouvantard: Une meute d'oiseaux en plein vol Matières suivies et niveau: Points Défis: (1640/2000) Disponible pour un RP ?: Si t'es pas pressé, c'est d'accord ! D'autres comptes ?:
(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Mer 2 Mar - 17:04
D'un côté, j'aurais préféré qu'il n'entre jamais ici. Je ne suis pas certain d'être prêt à ouvrir la porte de ma chambre à qui que ce soit. Il n'y a aucune intimité, ici. Aucun endroit où je me sente mieux qu'ailleurs... Alors, là, c'est un peu comme jeter entre les griffes d'un monde que j'ai du mal à comprendre le seul véritable refuge de mon existence... Mais en même temps... C'est Charles... J'ai envie de croire que c'est pas si grave. Mais qu'est-ce que j'en sais ? Ça fait des semaines qu'on s'est pas adressés la parole. Oh, c'est largement ma faute, j'avoue ! Mais quand même... je veux dire... s'il avait vraiment voulu qu'on garde contact... 'fin... il aurait pu... Peut-être que j'attendais que ça, en vrai. Un signe, n'importe quoi, juste pour savoir qu'il me détestait pas. Mais c'est faux, je suppose : il me déteste. N'importe qui me détesterait après s'être fait planter comme ça. Et je m'en veux d'avoir fait en sorte qu'on en arrive là. D'accord, le bal, c'était pas une bonne idée mais... mais on s'entendait bien, avant, non ? J'en avais l'impression, en tout cas. On s'entendait assez pour s'écrire souvent, pour essayer de se voir de temps en temps... C'était pas l'amitié la plus incroyable du monde mais c'était bien. Pas besoin qu'on soit inséparables pour savoir qu'il était là, pas loin. Et puis du jour au lendemain... Au début j'ai juste pensé que c'était une question de temps, qu'on aurait l'occasion d'en reparler après les vacances... sauf qu'à la rentrée je voyais déjà plus comment aller le trouver. Pour dire quoi ? Il avait sûrement pas envie de me voir de toute façon... et les jours ont passé et c'était évident. Il avait pas envie de me voir. Mais maintenant qu'il est là, je refuse de le laisser filer sans lui dire que je suis désolé. Il me croira peut-être pas, ou alors c'est trop tard, mais au moins... Alors même si ça me coûte et que ça me demande des efforts incroyables, que les mots s'accrochent, butent un peu, qu'ils refusent de sortir simplement, je me lance. Ma voix résonne dans le silence de ma chambre, elle me paraît plus ridicule encore que d'habitude... Durant une seconde, nos regards se soutiennent. Je ne sais pas à quoi je m'attends mais force est de constater que lorsqu'il ouvre la bouche, ce n'était pas ça que j'espérais :
— Euh…
Et puis rien. Le silence. Une nouvelle vague de gêne. J'aurais sûrement dû me contenter de récupérer mes affaires et de le laisser être chez lui. C'était ça qu'il attendait, pas que je me réveille une éternité plus tard pour dire des choses qui n'ont plus d'importance aujourd'hui. Franchement, ça fait à peine six mois que je suis là dont deux qu'on se parle plus... en temps adolescent et par rapport à la durée totale du « lien » qui nous a uni un jour, ça fait presque une vie. Il est sûrement passé à autre chose, c'est presque comme si on s'était jamais adressé la parole. Une connaissance de couloir, quelqu'un à qui tu dis merci pour une porte tenue – et encore, je l'évite tellement bien que c'est même jamais arrivé depuis Noël – mais c'est tout. Je dois bien reconnaître que ça me fait de la peine parce qu'en dehors d'Harriet, il était l'un des rares repères que j'ai réussi à me faire dans cette école... Et, mieux qu'Harriet, même, il était un peu « la maison » dans ce monde bizarre. Il était... c'est naturel de parler au passé. Aussi naturel que blessant...
— Je comprends pas.
Moi non plus... Je vois pas ce qu'il y a de difficile à comprendre... Je suis désolé ? Juste désolé ? Sincèrement désolé ? À moins que ce soit seulement pour me faire comprendre que c'est mort, que j'avais qu'à me bouger avant...? Mais il aurait peut-être eu la décence de me le dire clairement, non...? Je n'en suis pas sûr mais j'espère. J'ouvre la bouche et la referme sans savoir quoi répondre à ça. Je ne sais pas. Je ne sais pas ce qu'il attend, ni même s'il attend quelque chose. Je ne sais pas quoi lire sous ses mots, j'ai presque l'impression que ce lien étrange, ces ressemblances surprenantes, n'ont jamais existé tant je me retrouve face à quelqu'un dont je ne maîtrise finalement pas le langage.
— T’es désolé de quoi ? Parce que, tu sais, t’as bien le droit de pas m’apprécier...
Je secoue imperceptiblement la tête, essayant de me raccrocher à quelque chose. Je l'apprécie ! Si sa question m'a troublé devant la salle de bal – je ne sais même plus si c'était une question – c'est parce qu'elle me forçait à admettre que c'était le cas ! M'attacher vraiment à quelqu'un, risquer de tout perdre une fois encore... et ça a pas loupé, ça loupe jamais... Mais j'ai jamais voulu lui faire croire que ça n'était pas le cas !
— ...mais c’est autre chose de me faire croire l’inverse pour finalement me fuir sans un mot.
Le reproche est mérité mais difficile à encaisser. Son ton est froid. Il me déteste. C'est officiel. Il me déteste... Et tout ce que je peux faire face à ça, c'est de baisser honteusement les yeux. J'aurais dû me contenter de prendre mes affaires et de lui laisser la place. Mes doigts glissent sur mon devoir d'Astronomie, le bougent imperceptiblement entre les pages de mon manuel. Je vais tout ranger et... et partir. Mon ventre se serre à cette idée. C'est stupide parce que c'est pas comme si j'avais mille et un autre choix de toute façon. Qu'est-ce que je peux faire de plus, hein ? Lui dire que c'est pas du tout ce qu'il s'est passé ? Qu'est-ce que ça changerait ? Il va juste croire que j'essaye de me foutre de lui une fois de plus et il me détestera davantage et j'aurais rien gagné du tout. Au contraire... Pourtant, je n'arrive pas à me résoudre à fermer mon bouquin, ni à fourrer Gus dans mon sac... pas même à me lever de mon lit pour mettre les voiles. C'est même pas tant que j'ai pas envie de lui laisser la place ; il a le droit d'être là autant que moi, c'est juste que... que j'ai pas envie que ça s'arrête comme ça. Que ça s'arrête tout court. Ma gorge se serre un peu. Je dois être pathétique, là, à agir comme un gamin qu'on gronde, à désespérer parce qu'un gars que je connais à peine et qui me doit que dalle veut plus être mon ami. J'ai quoi, sérieux ? Sept ans ?! Sûrement, oui... j'ai sept ans et je suis en train de dire adieu à ce qui aurait pu être, dans une autre vie, mon meilleur copain. Je m'agite un peu, les lattes du lit couinent. J'ai l'impression d'étouffer dans cette chambre pourrie !
— Pardon, je voulais pas parler comme ça.
Sa voix couvre à peine le bruissement des draps mais elle suffit à me faire relever brusquement la tête. Je n'arrive plus à suivre. Ce qui se passe n'a aucun sens. Il fait tout et son contraire, m'incrimine – à raison – et s'excuse dans la foulée – sans raison. Il a le droit de m'en vouloir, il a le droit de me le faire savoir, il a le droit de plus jamais vouloir entendre parler de moi. C'est normal. J'avais juste à être moins débile et à faire les choses bien. Ça aurait changé, pour une fois ! J'ai l'impression que je ne suis bon qu'à tout faire foirer dès qu'il y a un truc de bien quelque part... Je savais que ça finirait par arriver ici aussi. C'était obligé. J'aurais juste voulu que ça tombe sur quelqu'un d'autre. Ne pas le blesser, lui. Ne pas lui donner de raison de me détester... Il a toujours eu l'air tellement gentil, tellement réservé... j'ose même pas imaginer le mal que ça a dû lui faire d'avoir l'impression d'être pris pour un con... Alors que c'était loin d'être le cas ! J'ai jamais voulu ça ! Il me faut un temps interminable mais je finis par réaliser que sa main est posée sur la poignée de la porte. Tous les muscles de mon corps se tendent aussitôt. Il... il va partir ? Me planter là en laissant derrière lui rien d'autre que des reproches, une culpabilité immense et des souvenirs désagréables remués sans même le savoir ? Si je ne le vois pas, je n'ai aucun mal à croire que mon regard est désespéré, peut-être même suppliant.
— C’est juste que… Je préférerais que tu me le dises franchement, si tu me détestes. — Non !
Ce n'est rien d'autre que exclamation spontanée et enrouée, à peine plus forte que les chuchotements qu'il a laissés filer. Mais toutes les émotions contenues dans ce simple mot suffisent à me faire virer écarlate. Mon cœur s'affole. Il fait froid, tout-à-coup... Ou trop chaud, je ne sais pas. Je m'agite à nouveau, plus conscient que jamais de l'attention qu'il m'accorde. Ça me met mal à l'aise. Je n'ai pas l'impression de la mériter.
— Non, je répète d'un ton plus mesuré, plus habituel peut-être aussi, je... je te déteste pas.
Je sais bien que ça ne suffit pas, que je lui dois des explications mais j'ai l'impression que ça nécessite un courage que je n'ai pas. Machinalement, ma main glisse sous mon oreiller, cherchant la gueule édentée de mon crocodile en peluche. Le tissu rose est élimé depuis longtemps, un peu rêche d'avoir été trop tripoté. J'essaye d'être discret, de ne pas avoir à le sortir... Je ne pense pas que Charles se moquerait, pas ouvertement en tout cas... mais j'ai pas envie qu'il me voit comme un gros bébé débile. Mais, en tout cas, le contact de Gus me rassure un peu. C'est pas incroyable mais ça suffit à faire reculer un peu l'angoisse que la situation a fait naître, assez pour entreprendre un semblant d'explication.
— C'est juste qu-que j'ai paniqué... y'avait du monde et je voulais pas qu'on pense qu'on... 'fin que tu...
Que tu sois assez désespéré pour être avec moi ? Quelque chose comme ça, oui... C'était Bella et Elizabeth, c'était ce qu'on pouvait attendre d'une soirée comme ça, c'était ce à quoi j'avais pas voulu faire attention avant de le retrouver devant la porte de ma salle commune et de réaliser que c'était la pire idée du monde...
— ...je voulais pas que t'aies la honte...
Ma voix est si faible qu'elle meurt presque avant d'avoir achevé cette phrase. Sous le coussin, je m'accroche littéralement à l'animal. Mon cœur résonne dans tout mon corps, j'ai l'impression de n'entendre que ça. Mon regard se fait à nouveau fuyant, se posant sur n'importe quoi pour un peu que ça ne soit pas lui. Il doit me trouver ridicule. Je le suis probablement.
— T-t'avais déjà l'air mal à l'aise... alors je... et...
Et il avait passé la soirée à me donner l'impression de vouloir être n'importe où sauf là, avec n'importe qui sauf avec moi... J'ai fait ce que j'ai pu pour essayer de composer avec tout ça, de gérer la situation tant bien que mal... mais il y a un moment où c'était juste trop pour moi. C'était même pas contre lui, loin de là, je lui en veux pas de pas avoir eu envie qu'on remarque trop qu'on avait eu la bêtise d'y venir ensemble – j'aurais pas voulu qu'on me remarque avec moi non plus, à sa place – c'est juste que la fuite a fini par être instinctive. Quelque chose qui tenait presque de la survie, j'en sais rien. J'ai pas réfléchi, j'y arrivais plus. C'était juste trop.
— ...et après... j'ai plus... 'fin... je savais pas...
Je perds le fil, le stress revient. Je cherche des mots qui ne viennent pas, essaye de faire taire le sang qui bat à mes oreilles. C'est oppressant. Si ça se trouve, il me parle mais j'arrive même pas à entendre... et j'ose pas poser les yeux sur lui... et il doit me trouver pitoyable. Il doit être en train de se dire que c'était mieux quand on se calculait pas et il a raison. À cette pensée, ma gorge se serre violemment et c'est un filet de voix aigu et faiblard qui répète :
— Je suis désolé.
Ça ne changera sûrement plus rien mais c'est le mieux que je puisse faire...
(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Jeu 3 Mar - 18:31
My happy place
Et la lumière fut. Comme un miracle, la voix de Sidney s’éleva entre eux, s’envolant dans cette pièce inconnue pour venir dégager les lourds nuages qui voilaient l’esprit du Poufsouffle. La peur, la honte, l’inquiétude coulèrent en une fine pluie de soulagement qui le laissa incrédule. Son regard ancré dans celui de son interlocuteur laissa ainsi passer un éclair de stupéfaction qui résonna sur les commissures de ses lèvres, tirées en arrière. Non ? Non. Non ! Comme lisant dans son esprit, le Serdaigle réitéra son exclamation avant d’affirmer franchement le contraire. Non, il ne le détestait pas. A vrai dire, il aurait tout aussi bien pu s’arrêter là, sans se sentir redevable d’une quelconque justification, laissant ainsi le temps nécessaire pour Charles de comprendre toute la tempête qui venait d’éclater. Il ne le détestait pas - il n’était donc potentiellement pas un monstre et Sidney lui-même ne s’était jamais moqué de lui. Sa mâchoire se détendit malgré lui, sans même réaliser qu’il grinçait des dents depuis quelques minutes. Même sa main sur la poignée lâcha sa prise, son corps entier abandonnant sa retenue face à l’annonce tant espérée. La mutinerie était terminée, Sidney venait de donner raison à son instinct. C’était peut-être pour cette raison que son cerveau était paralysé, incapable de lui faire pleinement appréhender la situation. Il venait d’avoir tort. Ses angoisses tortueuses étaient infondées. Depuis quand se trompait-il dans ses équations ? “C'est juste qu-que j'ai paniqué...” Voilà une première parcelle d’explication qui venait compléter les lacunes de son raisonnement. De la panique, donc. C’était en effet logique, la fuite pouvait résulter de la peur, comme il ne le savait que trop bien. “y'avait du monde et je voulais pas qu'on pense qu'on... 'fin que tu...je voulais pas que t'aies la honte…” Encore une fois, tout cela se tenait. Peut-être même trop bien. Charles lui-même avait effleuré ce type de pensée, lorsqu’il avait reçu des courriels d’Elizabeth, lorsqu’il avait échangé avec Rosalie. Une réflexion qui l'avait profondément inquiété, à vrai dire, mais qu'il avait délibérément choisi d'épingler dans un coin de son esprit sous peine d'annuler son invitation et de laisser Sidney en plan. Tout le château semblait croire que le bal requerrait la présence de couples, là où ils avaient décidé de venir en… Amis ? Connaissances ? Si cette optique leur avait paru rassurante, elle n’en était pas moins demeurée maladroite une fois en présence de toute cette foule apprêtée et de tous ces regards extatiques. Tout cela n'était probablement que dans sa tête, mais l'expérience n'en demeurait pas moins réelle. Ainsi donc, Sidney avait succombé de cette angoisse sociale, et souhaité les préserver de cette humiliation.
Charles hocha la tête à cette conclusion, sans parvenir à consulter autre chose que ses prunelles fuyantes. Il ne l’observait peut-être plus, mais lui ne se gênait guère, cherchant à lui transmettre ce que ses lèvres ne parvenaient pas à formuler dans un trop plein d’émotions. Non, il n’avait jamais eu honte de lui et à l’inverse, sa seule crainte était que Sidney soit mal à l’aise. C’était pour cela que leur duo fonctionnait bien : ils apportaient chacun à l’autre un mécanisme qui, ensemble, roulait sans grincement. Si l’un d’entre eux venait à se crisper en la présence de l’autre, leur dynamique était bonne à la casse. Il avait été idiot d'aller à ce bal sans clarification préalable. “T-t'avais déjà l'air mal à l'aise... alors je... et…”“Quoi ? Mais non !” Seigneur, combien de malentendus allaient-ils encore exprimer ? Il n’avait pas eu honte, et il n’avait pas été mal à l’aise. Enfin, bien évidemment que la présence fourmillante de cette foule l’avait dérangé lui qui préférait la solitude, mais il ne s’était pas senti gêné pour autant, ou tout du moins, pas en raison de Sidney. Au contraire. Le savoir à proximité l’avait rassuré, un peu comme quand Hilary était avec lui. Savoir qu’une épaule familière est là en cas de relâchement, c’est comme disposer d’un gel hydroalcoolique quand on risque d’effleurer une matière infectée… Un soutien, un réconfort. Mais bien sûr, cette image était trop stupide pour qu’il la formule oralement et de toute évidence, ne serait-il pas déjà stupide en soi d’exprimer un tel attachement à une simple connaissance ? Aussi se garda-t-il de préciser sa pensée alors qu’au contraire, Sidney semblait s’enfoncer dans des explications abstraites. “...et après... j'ai plus... 'fin... je savais pas…” Le silence retomba, le corps entier de Sidney se figea. Maintenant que le cœur du quiproquo avait été crevé, toute la tension précédente sembla retomber comme une plume, laissant Charles constater avec désarroi combien leur lien s’était entaché de maladresses et inquiétudes inutiles. Sidney semblait au bord de l’implosion, essayant tant bien que mal de recoller des morceaux qui en fin de compte, n’auraient jamais dû être brisés. Son état l’attristait sincèrement dans la mesure où il ne s’y identifiait que trop bien. “C’est pas grave” chuchota-t-il en cherchant toujours un regard qui ne vint cependant pas. De fait, Sidney semblait s’enfoncer davantage dans la gêne, allant jusqu’à laisser échapper une nouvelle excuse qui n’avait rien de la tonalité habituelle de sa voix. Ce fut le coup de trop pour Charles qui ne supportait pas de le voir dans un tel état pour une seule méprise. Tout était limpide : ils n’avaient rien compris l’un à l’autre, ce soir-là, chacun nerveux de l’ambiance de la soirée, chacun oppressé des considérations extérieures. Ils en avaient omis la seule chose qui comptait : le fait d’être ensemble. Sidney ne l’avait jamais rejeté, il s’était enterré lui-même. Charles n’avait jamais été méprisable, il s’était seulement trop montré sur la retenue.
Aussi incertain était-il, dans la mesure où toute cette situation manquait encore terriblement de précisions, Charles se résolut d’une chose : il n’aurait jamais laissé Hilary dans un tel état sans la rassurer, ni quiconque, d’ailleurs. Personne ne méritait de se faire un tel sang d’encre pour lui, pour un malentendu, pour rien. “C’est pas grave” répéta-t-il un ton plus haut en avançant de quelques pas vers le lit où se tenait Sidney. Il posa sa main sur le rebord, hésita un instant, puis consulta le regard de son camarade pour y lire son assentiment avant de prendre place sur l’extrémité opposée du lit. Droit comme un I, son corps ne montrait aucun signe d’aisance. Effectivement, Charles n’était pas certain qu’il soit très courtois de prendre place dans la chambre de quelqu’un comme si de rien n’était. Mais son instinct lui intimait de briser cette absurde défiance. Ils n’étaient pas comme ça, entre eux. Ils s’envoyaient des mots à la volée, ils s’échangeaient quelques rêveries. Ils ne se toisaient pas à distance en fabulant sur des malentendus et en opacifiant leur réserve. “Je… Je crois juste qu’on s’est mal compris, tous les deux” fit-il alors en détachant son regard pour le fixer sur les lacets de ses Converses. “Oui, c’est vrai que j’étais un peu, disons, sur la retenue” poursuivit-il comme il se serait adressée à ses chaussures, sans émotion malgré ses oreilles cramoisies, “mais ça n’avait rien à voir avec toi. Je suis… Je suis juste pas habitué à ce genre d’évènement, alors, je cogitais un peu… M-mais j’étais quand même content d’y être, au final. Alors que toi, t’avais pas vraiment l’air… Enfin, je croyais que c’était toi, qui avais honte.” Il se racla la gorge en se redressant davantage, alors même que son dos était déjà parfaitement droit, avant de se mettre à tripoter nerveusement ses gants. “Alors, tu vois, je pense vraiment que… Ben, que, c’était juste un malentendu.” Une éloquence douteuse, mais une conclusion sincère. “Alors, t’es parti parce que, euh, parce que t’étais mal à l’aise, c’est ça ?” reprit-il en tournant son visage vers celui de Sidney. Il l’avait déjà dit, d’une certaine manière, mais mieux valait vérifier si son raisonnement était pertinent. Ce soulagement était trop intense pour être réel, après tout. Un peu comme cette chambre. Trop intime pour qu’il s’y trouve, et pourtant, les lattes coutinantes du lit étaient bien là, sous ses jambes. Et à dire la vérité, il se satisfaisait presque plus de cette pièce que de celle qu’il avait eu l’intention d’invoquer. Au moins avait-il eu l’occasion de retrouver l’une des rares présences qui lui permettaient de tenir dans cette école.
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Dashiell Dashner
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(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Sam 5 Mar - 12:35
Pour une fois, je suis bien content de ne pas pouvoir savoir ce qui se passe dans la tête des gens. Je ne suis pas sûr que j'aurais supporté de voir à quel point il doit me trouver ridicule alors que je m'enfonce dans des explications bafouillantes qui perdent jusqu'à leur sens au fil des secondes. Non seulement j'ai agi comme le pire des imbéciles l'autre soir mais en plus je suis incapable de me rattraper aujourd'hui. Je me gonfle. Vraiment. Parfois – souvent – j'aimerais être quelqu'un d'autre. Je ne rêve pas de prendre la place des gars les plus populaires du collège ou quoi, non, juste d'être normal. D'avoir plus de deux neurones qui se battent en duel et d'être en mesure de faire une phrase lambda sans être au bout de ma vie. De comprendre que les gens me veulent pas tous du mal... et que même si c'était le cas, au pire on se foutra de moi et y'aurait pas mort d'homme. Arrêter de paniquer au moindre truc... Parce que, sincèrement, c'est épuisant. Moralement et physiquement. Je crois que je vais finir dingue si je reste ici jusqu'en juillet... et pire encore si je reviens l'année prochaine. J'avais pas du tout prévu de rester si longtemps. Jusqu'à Noël, quoi. Pour faire un test. Voir comment ça se passe, si y'avait moyen d'être à ma place ici.... Mais Maman en a décidé autrement. Elle devait être trop contente de plus m'avoir dans les pattes et de pouvoir reprendre une vie normale... en vrai... Même si je comprends, ça me fait de la peine. Je sais que c'est exagéré mais depuis les vacances, j'ai l'impression d'être orphelin. Là où il ne s'est pas passé une seule journée en neuf ans – en seize ans, en réalité – sans qu'on ne soit ensemble, elle a presque disparu du jour au lendemain. Je m'accroche à l'espoir qu'il y a une bonne raison mais c'est de plus en plus compliqué. Je m'efforce de balayer mes pensées et de me reconcentrer sur mes explications... qui ne ressemblent plus à grand chose. Mais Charles a la gentillesse de ne pas le relever.
— Quoi ? Mais non !
Bah... quand même un peu... Je revois ses mains fourrées au fond de ses poches, ses épaules voûtées, son regard un peu fuyant, toute la distance qu'il avait l'air de vouloir mettre entre nous... Je suis prêt à croire que je suis pas doué pour comprendre les gens mais tous les signes allaient quand même dans le même sens, hein... Mais y'a pas de mal, vraiment, je comprends. J'aurais sûrement été pareil à sa place. Mais je n'ai pas envie de le vexer en insistant ni de risquer la dispute alors je ne relève pas. On mettra ça sur le compte de ce qu'il veut et puis voilà... Mais je sais ce que j'ai vu... peut-être que je l'interprète pas exactement comme il faut, d'accord, mais il n'empêche qu'il n'avait pas l'air à l'aise du tout. Et ça, je sais le reconnaître en étant quasi sûr de pas me planter, ça m'est trop familier pour passer à côté. J'entends à nouveau sa voix mais c'est trop faible pour que je ne déchiffre quoi que ce soit. Ou alors c'est les battements de mon cœur qui se font trop bruyants, j'en sais rien. J'imagine que ça doit être quelque chose qui ressemble à « je vais y aller » ou à « laisse tomber »... N'importe quoi qui ressemblerait à la suite logique mais redouté du néant qu'on a connu ces derniers jours... alors je me contente de la seule chose que je peux faire : terminer mes bafouillages dans une dernière excuse tout aussi sincère que la première mais plus pathétique encore. Je n'ai pas envie que ça s'arrête là, comme ça, pour ça... D'accord j'ai eu tort, d'accord ça se fait pas... mais j'ai jamais voulu le blesser... est-ce que ça compte pas rien qu'un petit peu...?
— C’est pas grave.
P-pardon ? Mais je n'ai même pas le temps de chercher un sens derrière ses mots qu'il se met à bouger. Mon attention n'attendait rien de plus pour lui revenir et je relève brusquement la tête, craignant malgré moi de le voir prendre la porte. Sûrement qu'à sa place, je l'aurais fait dans les premières secondes, que je n'aurais pas attendu aussi longtemps pour rien... Mais non, au lieu de partir, il vient dans ma direction. J'ai du mal à comprendre. Je le regarde faire, plus perdu que je veux bien l'admettre. Sa main se pose sur le rebord de mon lit. Je la fixe bêtement alors que je commence à réaliser qu'il est vraiment dans ma chambre. Je veux dire, ce n'est plus seulement une erreur de salle, quelque chose qu'on n'a pas maîtrisé. Il est entré, pour de vrai, et sans y faire sa vie – il est trop bien élevé pour ça, je crois – il ne reste pas sur le seuil. C'est toute l'intimité de la pièce qui vole en éclats, l'antre gardée loin du monde... Et je n'arrive pas à le regretter. C'est... c'est pas grave, en fait. Juste surprenant, un peu troublant aussi. Et un peu stressant, j'avoue. Je relève les yeux avec une prudence presque enfantine et croise les siens qui semblent attendre mon accord. Je hoche la tête sans même m'en rendre compte et l'observe s'installer sur le matelas. Je retiens un sourire niais mais c'est pas facile. Il faut dire que ça a l'air irréel. Charles Ehrlich est assis sur mon lit – mon vrai lit, celui de Rochdale, pas d'ici – comme si c'était la chose la plus normale du monde... Je galère à intégrer simplement cette information. Ma main sort aussi distraitement que discrètement de sous mon oreiller, abandonnant Gus dont la présence ne me semble plus aussi indispensable tout-à-coup... Et peut-être que je n'ai pas trop envie qu'il remarque sa présence non plus, de toute façon. Je ramène maladroitement mes jambes contre moi, mes bras entourent mes genoux dans un geste machinal et vaguement protecteur avant que mon menton ne s'y pose l'air de rien. Je ne me sens pas en danger, pas du tout – peut-être que Maman l'aurait senti à ma place, le danger mais elle n'est pas là alors je décide de ne même pas y penser – mais je suis loin de ma zone de confort, là. C'est toutes mes habitudes qui ont volé en éclats. Personne n'a jamais mis les pieds ici, personne n'est jamais venu se poser sur mon lit, personne n'a pu voir à quel point ma chambre était nulle, à mi-chemin entre un truc de gamin et un truc de fille... Et j'aurais préféré qu'il n'ait jamais ça sous les yeux. J'ai envie qu'il m'aime bien, pas qu'il se demande quel genre de débile je peux être.
— Je… Je crois juste qu’on s’est mal compris, tous les deux.
Son regard lâche le mien pour se poser sur le sol. J'espère bêtement qu'il est propre et qu'il n'y a pas grand chose qui traîne.
— Oui, c’est vrai que j’étais un peu, disons, sur la retenue mais ça n’avait rien à voir avec toi. Je suis… Je suis juste pas habitué à ce genre d’évènement, alors, je cogitais un peu… M-mais j’étais quand même content d’y être, au final. Alors que toi, t’avais pas vraiment l’air… Enfin, je croyais que c’était toi, qui avais honte.
Il était content d'y être...? Pour de vrai...? J'ai jamais pensé que... 'fin... qu'il pouvait ressentir autre chose que du regret et de la déception. C'était tellement bizarre, tellement... J'en sais rien. Pas comme d'habitude ? Il y avait jamais eu autant de distance, de silence gênant... Il n'y avait rien de naturel dans cette soirée, même avant qu'il y ait du monde. J'étais sûr qu'il avait tout détesté, moi le premier. Je me risque à secouer la tête sans savoir s'il peut le voir ou non. J'avais pas honte. Enfin... J'avais honte pour lui, pas pour moi. De quoi j'aurais pu avoir honte, sérieux ? J'avais un ami assez proche pour venir avec moi à un truc comme ça... Et puis il y avait eu Elizabeth, et Bella, et tout ce qu'on allait sûrement dire sur notre dos... Je dirais pas que je m'en fichais, c'est pas vrai, mais je m'en fichais moins pour lui que pour moi... J'ai pas grand chose à perdre, ici. Peut-être qu'ici quelques mois je partirai pour toujours alors... Mais lui ? J'avais peur qu'on pense qu'il... 'fin... qu'il s'intéressait à moi moins innocemment que ça. Le pauvre. Il mérite pas de tomber aussi bas. Mais au-delà de ça, j'avais pas honte. Je peux pas avoir honte qu'on me voit avec lui, ça n'a pas de sens !Là-bas, à l'autre bout de mon lit, Charles se redresse un peu plus, comme si c'était possible. Il a l'air gêné, pas vraiment à sa place... et si je comprends parfaitement, ça me fait un peu de peine. Ça aurait été Oliver, sûrement que je lui aurais envoyé mon oreiller ou que je l'aurais poussé du bout du pied pour l'enquiquiner et dédramatiser la situation... Mais ça aurait été Oliver... il ne se serait jamais senti autrement que comme chez lui... Oh, il se serait moqué du bocal du poisson mort, et de la dentelle qui dépasse de mon armoire... il aurait sûrement griffonné des trucs douteux sur la photo de Londres au-dessus de mon lit et des moustaches sur les mannequins découpés dans les magazines... mais il n'aurait pas été crispé sur le bord de mon lit... plutôt vautré à ma place sur l'oreiller, prêt à me virer si j'avais le malheur de m'étaler. Pour la première fois, le fossé qui les sépare est évident. Et mon incapacité à savoir comment rassurer Charles également...
— Alors, tu vois, je pense vraiment que… Ben, que, c’était juste un malentendu.
Son regard me revient et je ne peux retenir un sourire discret, aussi rassuré que coupable. C'était juste un malentendu... J'ai envie de le croire aussi. On s'est pas compris, c'est dommage mais pas dramatique... pas définitif surtout. J'aurais quand même voulu nous éviter ça. Pas me barrer... ou pas laisser passer deux mois avant de lui faire savoir que j'étais désolé...
— Alors, t’es parti parce que, euh, parce que t’étais mal à l’aise, c’est ça ?
Même si c'est un peu plus compliqué que ça en vrai, je me contente de hocher la tête. C'est l'idée, de toute façon. Et j'ai pas envie de repartir dans des explications qui expliqueront rien parce que je suis trop nul pour réussir à les formuler correctement.
— Ç-ça craint, hein, j'admets alors que je détourne les yeux presque malgré moi, jetant un œil désintéressé aux tissus poussiéreux punaisés sur le mur d'en face. Tu...
Je ne suis pas sûr d'avoir envie de poser la question parce que je ne suis pas sûr que la réponse soit vraiment celle que j'espère... mais en même temps je ne suis pas sûr non plus d'avoir envie de rester dans l'ignorance. Je veux dire... ça fait déjà deux mois, c'est assez long comme ça... non ?
— Tu m'en veux pas... pas trop...?
D'un côté, s'il est toujours là, c'est sûrement que ma présence lui est pas insupportable non plus. Il serait parti, sinon. Il sait sûrement que je l'aurais pas forcé ni retenu. Non pas que j'en aie pas envie mais... mais de quel droit...? Machinalement, presque timidement, mon regard lui revient, le détaille. Il m'a manqué. C'est rassurant de le voir là. Enfin... Pas là là... mais... vous avez compris. Je me laisse tomber contre mon oreiller en lâchant un soupir étouffé mais soulagé. Je sens la bosse formée par ma peluche, dans mon dos, c'est désagréable mais j'ose pas la bouger de peur qu'il la remarque. Normalement, j'aurais sûrement laissé retomber le silence, parce qu'il a jamais été gênant avec lui, mais là... je sais pas... j'ai l'impression qu'on s'en sortirait jamais et j'ai pas très envie qu'il reparte de là en se demandant pourquoi il est resté si longtemps.
— Si j'avais su que... que tu viendrais, j'aurais pensé à un endroit mieux...
Même si, objectivement, je ne connais pas d'endroits mieux. Non pas que je pense qu'il n'y a pas mieux que celui-ci, c'est pas vrai, juste qu'en dehors de la maison et de Saint-Chad, j'ai pas de souvenirs de beaucoup d'autres endroits... Surtout que le pauvre voulait aller chez lui...
— Si tu veux on peut al-, mais je me reprends avant de terminer ma phrase : enfin... j-je peux te laisser la salle.
Genre « on peut aller ailleurs »... C'est pas parce qu'on a échangé deux mots et que la situation a l'air moins chaotique que prévu qu'il a envie de perdre tout son après-midi avec moi...
(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Mer 16 Mar - 19:22
My happy place
Rien n’était plus surréaliste que ce regard accroché au sien. D’un bleu de crépuscule, les prunelles de Sidney avaient maintes fois erré dans son esprit, entre cours, devoirs et escaliers, entre colère, incompréhension et chagrin, pour finalement se retrouver là, dans un modeste décor qui n’avait rien de magique, dans un état d’esprit stupéfait qui n’avait rien de son raisonnement habituel. Charles demeurait interdit, gêné, mais aussi rassuré, et quelque part mal à l’aise, et pourtant confortable. Son timbre de voix l’avait trahi, oscillant entre spontanéité et indécision, tandis que la droiture de son corps ne laissait tout au plus transparaître qu’une certaine politesse. Il en fallait, pour se tenir sur le lit de quelqu’un. On ne s’imposait guère chez autrui… Et à vrai dire, Charles avait déjà l’impression de décevoir les valeurs inculquées par ses parents par le seul fait d’être demeuré dans une propriété qui n’était pas la sienne sans autorisation. D’un autre côté, il y avait là dérogation. Cette rencontre fortuite avait eu le mérite de faire le point sur une situation qui était restée en suspens. Et Seigneur, il n’y avait rien de pire qu’un calcul laissé à l’abandon. Il pouvait désormais reprendre son analyse - continuer à identifier les petits tics de Sidney, à creuser sa vertigineuse profondeur, à considérer les constellations dans ses yeux. “Ç-ça craint, hein. Tu…” Mais déjà, son regard fuit pour se porter sur le mur devant eux. Charles, en revanche, ne se priva pas d’ainsi contempler son profil. C’était pour la science. Il lui fallait explorer davantage les traits du jeune homme, maintenant qu’il lui était à nouveau consenti d’être à ses côtés. “Tu m'en veux pas... pas trop...?” Hochant la tête sans pour autant répondre, le Poufsouffle esquissa un sourire qui ne fut certainement jamais perçu. Non, il ne lui en voulait absolument pas et il n’était en vérité pas certain de ne lui en avoir jamais voulu. De la déception, de l’incompréhension, de l’égarement, tout cela il l’avait ressenti dans la douleur de sa solitude, quand Sidney était parti en courant le soir du bal. De l’amertume, aussi, avec le temps. On disait que l’enchaînement des jours permettait de soigner les blessures, mais tout cela était résolument faux. Deux preuves avaient infirmé cette croyance populaire : la mort de sa mère, qu’il n’avait jamais digérée même avec les années passant, le rejet de Sidney, qui avait progressivement élargi sa peine. Comme toutes plaies non pansées, celles-ci s’étaient insidieusement infectées. Dieu merci, il avait retrouvé la familiarité de Sidney et toute cette stupide histoire avait pris un certain sens. Ne lui restait que l’abcès de sa mère qu’il garderait à vie, jusqu’à ce qu’il la retrouve dans l’Au-Delà. “Non” consentit-il finalement alors que Sidney se laissait tomber contre son oreiller. “Je comprends ta réaction, en vrai. J-je… J’aurais été capable d’agir comme ça, moi aussi. Ca m’est déjà arrivé de fuir, quand je stressais trop.” Portant à nouveau son regard sur ses mains jointes, il se demanda s’il devait lui évoquer des exemples pour appuyer son affirmation. Pas que le Serdaigle pense qu’il lui disait seulement ce qu’il voulait entendre… Il aurait dû le voir, quand Rosalie lui avait menti. Il avait quitté l’amphithéâtre où ils jouaient aux échecs sans se retourner, laissant la Gryffondor en place. Le jour où il avait eu une mauvaise note aussi, en primaire. Il avait quitté la classe en larmes. Mais peut-être que toutes ces anecdotes humiliantes ne nécessitaient pas de formulation orale, peut-être n’avait-il besoin d’aucune preuve. Dans le fond, même s’ils n’étaient pas véritablement amis (ou bien l’étaient-ils ?), Sidney le connaissait suffisamment. Il savait qu’ils étaient semblables. Et tout ce qui comptait désormais, c’était de savoir qu’il n’était pas parti à cause de lui, mais à cause de ses propres peurs. Le reste, les autres, les présupposés, tout cela n’avait pas vraiment d’importance.
La voix de Sidney, qui s’éleva à nouveau après quelques secondes, le tira de ses pensées pour le ramener dans cette chambre. Sa formulation laissa entendre une sorte d’excuse, ou pire, de honte, qui suscita aussitôt sa curiosité. Aussi leva-t-il les yeux de ses mains pour considérer à nouveau l’espace autour d’eux, sans plus se retenir maintenant que sa présence était tolérée. Il détailla alors le panneau empli de notes et de tissus, la couverture dinosaure qui tira ses commissures de lèvres en une expression amusée, le mannequin dans un coin. Il n’aurait probablement jamais figuré ce décor pour dépeindre l’environnement de Sidney et, paradoxalement, il ne voyait pas meilleur lieu pour lui. Cette chambre était simple, mais caractéristique ; enfantine, mais affirmée. Exactement comme le Serdaigle. Il n’était pas le centre de l’attention et pourtant, il dégageait indubitablement quelque chose. “Si tu veux on peut al-, enfin... j-je peux te laisser la salle.” “Non, c’est très bien, ici” répondit-il alors en observant l’écaillement de la peinture du plafond. “Enfin, je peux te laisser tranquille, si tu préfères, mais…” Il garda le silence un instant, considérant désormais le poster de Londres au-dessus du lit, avant de glisser son regard jusqu’au visage de Sidney allongé à ses côtés. “Mais c’est sympa, de découvrir d’où tu viens.” Ses oreilles rosirent sans qu’il n’en comprenne le motif. Après tout, il était sincère. Il avait ainsi l’impression d’en apprendre davantage sur son camarade, sans avoir besoin d’explications, ni de récits. Ils n’étaient pas doués avec les mots, et cette illustration directe était ainsi bien plus confortable et parlante. D’autant qu’il était venu à la recherche d’un havre de paix et que cet endroit s’y prêtait bien… Pas d’ensorcellements, pas de fioritures, pas d’excès. Juste une chambre tranquille avec une présence familière. “Par exemple, je savais pas que t’aimais la couture” reprit-il en désignant d’un geste du menton les tissus épinglés sur le mur. Une activité surprenante, à dire la vérité - oh certes, Hilary lui avait déjà tricoté une écharpe… Mais la couture, c’était encore autre chose. Plus travaillé, plus délicat. Il fallait une patience minutieuse et surtout, beaucoup de créativité. Une compétence dont il ne pouvait se targuer, et qui rendait Sidney d’autant plus particulier. Bon sang, était-il officiellement temps de le considérer comme un ami ? “T’as déjà fabriqué des vêtements ?” demanda-t-il alors en consultant sa propre chemise, soudain soucieux de son apparence. Le souvenir de son terrible accoutrement le soir du bal l’effraya brutalement… Dire qu’il avait osé se présenter à lui avec des vêtements mal taillés et un nœud papillon excessivement kitsch. Peut-être avait-il plu à Rosalie, mais à un connaisseur, il avait dû paraître ridicule… Si le jeune homme ne lui avait pas fait comprendre qu’il n’avait souffert que de son angoisse, Charles aurait à nouveau cru qu’il l’avait laissé en plan par seule honte de sa personne. Il y avait de quoi - quel être humain un tant soit peu doté de bon goût serait fier de s’afficher à ses côtés ? A cette pensée se supplanta aussitôt l’aura apaisante qui se dégageait de ces quatre murs. Ici, personne ne pourrait le juger. Il était libre d’être moche, maladroit, incertain. Alors, son dos s’arqua très légèrement, en signe d’un relâchement évident. Il en était désormais intimement convaincu : Sidney ne se moquait pas, et ne se moquerait jamais de lui. Alors, finalement, la réponse s’imposa d’elle-même. Oui. Oui, ils étaient amis - une certitude qui plia ses lèvres dans un sourire retenu. Le voilà, le réconfort qu’il était venu chercher.
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Arrivé(e) le : 03/06/2015 Parchemins rédigés : 10981 Points : 0 Crédit : (c) Année : 5ème année pour la deuxième fois - 16 ans (07/07)
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(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Sam 19 Mar - 16:40
L'aura calme et apaisante qui se dégage de Charles depuis la première fois qu'on s'est croisés, dans les toilettes du deuxième étage, n'a pas de mal à revenir et à s'étaler dans toute ma chambre. Les minutes qui s'étirent, le silence qui – s'il n'est pas vraiment le bienvenu aujourd'hui – paraît évident, les regards qui en disent plus long que tous les mots du monde... Avant, j'aurais dit qu'on se comprenait... maintenant, je n'en suis ^lus si sûr. Ce que je sais en tout cas, c'est qu'il y a chez lui quelque chose que je retrouve chez moi, sans réussir à mettre exactement le doigt dessus et prendre pleinement conscience de ce que ça signifie. Je ne suis pas certain d'avoir envie de chercher, de toute façon, la constatation me suffit, peu importe si les détails m'échappent. On se ressemble. Sûrement plus qu'on ne l'imagine. Et je dois bien reconnaître que j'aime assez l'idée... Pour moi, hein, pas pour lui... parce que le pauvre... Il prend la peine de me rassurer, de faire un exposé maladroit sur le malentendu dont il est question. J'ai envie de croire que c'est que ça. Qu'est-ce que ça peut être d'autres, de toute façon...? Il n'y a qu'à voir le malaise palpable qui s'était posé entre nous pour comprendre qu'on avait pas envie de ça, ni l'un ni l'autre, que c'était pas franchement prévu... Et puis, si c'était autre chose, est-ce qu'il serait là, sur le bord de mon lit...? Probablement pas... Sur le bord de mon lit... J'ai beau me le répéter encore et encore, de le voir, même, puisqu'il est là, devant mes yeux... l'information ne s'imprime pas. C'est tellement surprenant, insensé, irréel... Je ne suis même pas sûr qu'en rêve j'aurais réussi à imaginer ça... Non pas que ça soit dans mes habitudes de rêver d'avoir mes camarades poser sur mon lit mais... peu importe. Le malaise passe un peu. Je reprends mes marques petit à petit et consens à me détendre. Juste un peu. Tout va bien, on crée juste quelque chose de nouveau. De nouveaux souvenirs, de nouvelles habitudes... L'idée est plaisante. Surtout avec lui.
— Non. Je comprends ta réaction, en vrai. J-je… J’aurais été capable d’agir comme ça, moi aussi. Ça m’est déjà arrivé de fuir, quand je stressais trop.
Et je n'ai aucun mal à le croire. Bien sûr qu'il comprend. Bien sûr que ça lui ait déjà arrivé. Sans le connaître vraiment, je le sais. Alors que ça n'a aucun sens, vraiment... Mais c'est plus fort que moi. C'est comme si on avait partagé tant de choses qu'il n'avait pas besoin de mettre des mots dessus, que c'était évident, ça aussi. Le silence retombe. Il a l'air ailleurs. Je l'imagine en train de ressasser les mauvais moments, le stress, les fuites... Exactement comme je l'aurais fait à sa place. Et, même si c'est bête, ça me rassure un peu plus. Retrouver Charles, c'est comme retrouver un bout de mon monde. Ça n'a absolument aucun sens, je serais incapable de l'expliquer et pourtant c'est exactement ça. Comme si le hasard avait fait en sorte que nos chemins se croisent dans ces toilettes alors que c'était tout ce dont j'avais besoin à ce moment-là... et tout ce dont j'ai encore besoin aujourd'hui. Mais si ces retrouvailles sont les bienvenues, j'aurais quand même préféré qu'elles aient lieu ailleurs... Dans un endroit bien, là où il n'aurait pas eu tout le loisir de remarquer que je suis rien d'autres qu'un imbécile gamin et ennuyeux. Et dans cette chambre, c'est tout ce qu'il y a de plus évident... J'aimerais qu'on aille ailleurs... et en même temps je m'imprègne bêtement de sa présence dans mon cocon. Il n'y détonne pas. C'est assez bizarre... Le nez levé, les yeux rivés sur ce qu'il l'entoure, je le regarde faire. L'attention qu'il porte à chaque truc me met mal à l'aise et, en même temps, donne à ma vie une importance qu'elle ne mérite pas vraiment.
— Non, c’est très bien, ici.
Je me sens rougir de plaisir. J'ai bien conscience que c'est faux, hein, évidemment. C'est pas « très bien », mais s'il s'y sent à l'aise alors ça me va. J'achève de me détendre et me laisse même aller contre mon oreiller, les jambes à moitié pliées pour lui laisser toute la place qu'il pourrait vouloir – même s'il n'en prend pas beaucoup, à peine posé sur le bord – et Gus se faisant sentir dans le bas de mon dos.
— Enfin, je peux te laisser tranquille, si tu préfères, mais… — Non. Je préfère pas.
C'est à peine un souffle, pas sûr qu'il l'ait entendu, mais ça a au moins le mérite d'être sincère. Sans hésitation ni bafouillage. Je ne veux pas qu'il me laisse tranquille. ...au contraire.
— Mais c’est sympa, de découvrir d’où tu viens.
Oh... s'il savait... je viens d'une ville que je connais même pas vraiment après neuf ans passés là-bas mais qui m'a l'air sans intérêt par rapport à là où on habitait avant... d'une maison minuscule laissée à l'abandon depuis toujours... d'une famille qui se barre en ruines à cause de moi... Il n'y a pas grand chose de sympa là-dedans... Ma chambre, c'est sûrement ce qu'il y a de moins pire, en réalité. Et vu l'état de la chambre en question, c'est assez déprimant quand on y pense... Mais peu importe. Il n'est pas obligé d'avoir une vue sur tout le reste et c'est tant mieux. Alors oui, peut-être que c'est sympa de découvrir ma chambre, que ça en dit plus sur moi que je l'aurais jamais fait tout seul et tout... Tant que ça s'arrête à ça, ça me va... et en même temps, je me trouve assez cruel de le penser. Je veux dire... si on est amis... je suis censé lui faire confiance, non...? ça devrait pas me poser de problème qu'il voit le reste aussi, n'est-ce pas...? Mais peut-être qu'on est pas assez amis pour ça, encore... Peut-être qu'on le sera jamais vraiment.
— Par exemple, je savais pas que t’aimais la couture.
Je hausse distraitement les épaules. Je m'en cache pas vraiment... mais je l'affiche pas à tout va non plus. Certains le savent. Harriet... Thomas... Si l'occasion se présente, j'en parle sans trop de problème... mais l'occasion ne s'était jamais vraiment présentée jusque là avec lui.
— C'est un peu toute ma vie, j'avoue dans un sourire vaguement gêné, conscient que c'est pas vraiment le genre de chose qu'on attend d'un garçon. Maman m'a souvent répété que je ferais mieux d'apprendre à bricoler, que ça nous serait plus utile, et que ça serait plus vendable auprès des filles plus tard. J'imagine qu'elle a raison. Mais j'ai jamais vraiment écouté. J'aurais mieux fait d'apprendre à bricoler mais je suis incapable de planter un clou sans y laisser un doigt. Chacun son truc et ça, clairement, c'est pas le mien.
J'ai du mal à détourner les yeux de son profil occupé à observer tout mon bazar. Ça fait bizarre, un peu, mais c'est agréable. Un sourire discret ne lâche plus mes lèvres. Je dois avoir l'air bête mais je m'en fiche. J'ai pas l'impression que ce soit si grave. Il m'en voudra pas. Il me jugera pas non plus, j'en suis convaincu.
— T’as déjà fabriqué des vêtements ?
Je hoche la tête. Souvent, je me contente de les reprendre parce que les vêtements que je récupère sont pas à ma taille – il faut dire qu'il y a pas grand chose pour les remplir... – mais j'en ai fait quelques uns, autre que des robes de princesse et des déguisements de super héros... Que j'ai jamais mis... parce que j'ai la mauvaise habitude de rêvasser devant des tenues haute-couture ou digne des tapis rouges... et que si ça fait bien sur les stars, c'est beaucoup moins pratique pour aller faire les courses ou sortir les poubelles... alors ça encombre mon armoire pour pas grand chose, ça attend que je daigne les massacrer pour en faire autre chose de pas plus portable, ou qu'on m'invite soudainement à un gala, ce qui n'a aucune raison logique d'arriver un jour dans mon existence.
— Oui, quelques fois... mais franchement c'est immettable pour un humain normal.
J'étouffe un rire amusé, conscient de mes propres travers... C'est juste du temps de perdu pour prendre la pose deux minutes devant le miroir qu'il y a sur la porte de mon armoire, d'imaginer une vie de ouf que j'aurais jamais, d'échapper un petit peu au cocon carcéral dans lequel je baigne depuis des années... et puis la vraie vie reprend le dessus et je passe à autre chose. La base quoi... Et là, sans prévenir, un petit miracle se produit : la position de Charles change. Il a l'air de se détendre aussi. Il n'est plus aussi droit qu'il ne l'a été jusque là, et ça ressemble clairement au plus beau moment de ma journée.
— Tu... 'fin... Y'a de la place, tu sais, tu peux t'installer... faire comme chez toi...
Je partage volontiers, je suis même prêt à me pousser un peu plus ou à changer de place s'il préfère les oreillers. Bon, faudra qu'il supporte la peluche qui est en train de s'imprimer dans mes reins mais au pire, en la poussant un peu plus, j'imagine qu'il la sentirait pas... Durant une seconde, j'hésite à le faire pour que ça me fasse moins mal mais j'ai pas envie de prendre le risque qu'on la voie... alors tant pis. Mon regard se perd à nouveau du côté du Poufsouffle. Le soleil sur ses cheveux, ses mains sagement posées sur ses genoux... J'ai l'impression de le redécouvrir un peu... et j'aime bien ça.
— Et du coup... toi...? Elle ressemble à quoi ta vie loin d'ici ?
C'est très... très indiscret comme question, j'en ai parfaitement conscience... mais je me dis qu'il en voit suffisamment de la mienne pour pouvoir me permettre de la poser... mais bon, s'il n'a pas envie de répondre, c'est pas dramatique, je pourrai comprendre.
(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Lun 28 Mar - 19:15
My happy place
Aussi sauvagement qu’elle était apparue, la tension retomba dans un étonnant silence. Le poids dans son ventre glissa le long de ses jambes, les crispations de sa mâchoire se détendirent jusqu’à ses oreilles, les vertèbres de son échine s’arrondirent dans une posture moins formelle, alors même que la chambre autour d’eux demeura sensiblement identique ; un peu enfantine, un peu spéciale, un peu touchante. Aucune brise ne s’infiltra pour soulever les morceaux de tissu ou pour entremêler leurs cheveux. C’était probablement la limite de la magie qui s’opérait dans cette pièce ; elle pouvait recréer à la perfection des souvenirs visuels sans se soucier de tous les autres sens qui donnaient à la mémoire sa saveur si intime. De fait, les lieux semblaient refléter à la perfection la chambre de Sidney - ne serait-ce qu’à en juger sa position sur le lit, confortable, à l’aise - et ce sans aucune interruption, l’illusion se maintenant de bout en bout de leur entrevue. Pourtant, au fur et à mesure des secondes, des réponses, des remarques, l’atmosphère s’était allégée, comme si le grain du temps coulait moins lourdement, comme si les prunelles saphir du Serdaigle s’éclaircissaient doucement. Il alla jusqu’à lui affirmer qu’il ne préférait pas qu’il s’en aille, confortant le ressenti de Charles qui s’imprégna un peu plus du décor. Il pouvait s’y accoutumer, il y était ouvertement autorisé. Il pouvait prendre possession des lieux, il y était le bienvenu. Aussi son regard s’amusa-t-il à découvrir toutes les particularités cachées parmi l’abondance de détails qu’il s’était obstiné d’éviter de prime abord, trop accaparé par la seule présence de Sidney. Des morceaux de tissu, notamment, un mannequin, des projets visiblement jamais achevés. Son camarade confirma ainsi ce qu’il fut aisé de saisir ; il était passionné de couture, allant jusqu’à déclarer qu’il s’agissait de toute sa vie. Un sourire amusé releva les commissures du Poufsouffle alors qu’il lui demandait s’il avait donc déjà constitué un habit par lui-même et, conformément à ses attentes, Sidney acquiesça. Naturellement, il atténua sa valeur d’une critique qui attira à nouveau le regard de Charles sur lui. Sidney n’était pas humble ; il avait une très mauvaise vision de lui-même. C’était incompréhensible, un véritable paradoxe social. Les pires pourritures se vantaient de leur vertu quand les plus estimables rampaient de honte. Oh, certes, il n’avait pas encore eu la chance de découvrir l’une de ses œuvres textiles, mais il devinait déjà des esquisses travaillées, un timide professionnalisme, une créativité délicate. Tout ce qui faisait de Sidney un ami appréciable même dans ses silences. Un ami tout particulier. “Et c’est quoi, un humain normal ?” demanda-t-il alors avec un sérieux qui se refléta jusque dans les traits de son visage. Cette remise en question de ses compétences était aussi absurde qu’inutile ; absurde, parce que Charles ne doutait pas de toute la patience que pouvait mettre Sidney dans ses compositions, inutile parce qu’il ne s’agissait même pas d’un argument valable. Il lui épargna bien volontiers un exposé sur la normalité du genre humain dans une société sorcière où il existait des fous et des désoeuvrés, des bienveillants et des nuisibles, des sang-purs et des moldus, se contentant de fait d’une simple question qui n’appelait en réalité pas de réponse. Personne n’était normal… Rien de tout ceci n’était normal. “Tu voudras bien me montrer une tenue que t’as faite, un jour ?” reprit-il, cette fois dans une véritable demande. Il était véritablement curieux de savoir ce que les mains de Sidney et son esprit taciturne pouvaient fabriquer… Et d'apercevoir son imagination, aussi. Peut-être aurait-il ainsi pu trouver un meilleur symbole que cette chambre pour deviner toutes les nuances qui coloraient le caractère de son camarade.
Mais déjà, la conversation s’inversa, passant de ses propres pensées aux lèvres de Sidney qui lui confirma qu’il pouvait prendre place à son aise. Charles hocha la tête en signe d’assentiment sans bouger d’un pouce pour autant. C’était déjà beaucoup d’être accepté ici (il était en définitive peu probable qu’il s'accommode autant de la présence de Sidney dans sa propre chambre) et il n’était donc pas sûr de pouvoir empiéter sur les lieux plus qu’il ne le faisait en étant assis sur son lit. La perspective de s’installer comme il aurait fait chez lui lui fit même monter le rouge aux oreilles ; déjà, parce qu’il venait à peine de se résoudre à l’amitié qui le liait au jeune homme et que de considérer cet espace comme chez lui était franchement perturbant, ensuite parce qu’il ne se sentait pas les épaules pour agir aussi librement. Il n’avait pas envie de risquer le moindre geste qui aurait pu embarrasser son hôte, ni d’être plus présent qu’il ne l’était déjà… Au contraire, il aurait voulu être petit, tout petit, pour continuer à rester là sans que Sidney se soucie de lui, pour continuer à détailler toutes ces décorations, pour continuer à s’imprégner de lui sans exister. En vérité, le seul fait que Sidney poursuive en lui retournant la question le gêna ; il n’était pas habitué à parler de lui, et surtout pas de son quotidien en dehors du château. Il jugeait sa vie aussi creuse que sa stature. Sans relief, elle était trop peu palpitante pour valoir le détour d’une conversation, d’autant plus maintenant que le dialogue entre eux venait à peine d’être rétabli. “Hm…” Mais déjà, sa voix s’évanouit dans sa gorge. Que diable pouvait-il donc dire ? Qu’il passait ses étés entre sa chambre et les champs familiaux, à tuer le temps pour ne pas sentir le poids des secondes entre son père et lui ? Qu’il esquivait au mieux sa présence pour mieux se soustraire au vide de son regard ? Qu’il s’était forgé un monde intérieur d’un imaginaire strict et parfaitement millimétré pour se donner l’illusion d’une vie plus ordonnée que le chaos que sa mère avait laissé en partant ? “Mon père est agriculteur” reprit-il finalement après un silence qui lui parut une éternité, le regard à nouveau raccroché à ses chaussures. “Du coup, j’essaie de lui donner un coup de main de temps en temps avec les bêtes. Des vaches jersiaises” crut-il bon de préciser pour au moins aiguiller Sidney dans le brouillard de son quotidien. Puis, s’apercevant qu’il était en train de donner une image particulièrement manuelle de sa personne alors qu’il était tout sauf habile de ses doigts, il ajouta, “Autrement, je passe pas mal de temps à lire et, quand l’occasion se présente, je vais au musée.” Et voilà qu’il crut, à l’inverse, se montrer trop prétentieux d’une éducation qu’il n’avait pas. Aussi lui sembla-t-il bon, voire vital, de donner un exemple pour mieux fonder ses propos. “Je connaîs assez bien le château de Norwich, on y va presque à chaque fois qu’on se rend en ville. Y a des tableaux de Tillemans, mais bon, je préfère quand même les sculptures.” Oh, Seigneur, qu’il avait l’air pompeux, maintenant. C’était de pire en pire, il en avait conscience, alors il décida dans un sursaut de conscience de faire ce qu’il faisait de mieux : changer de sujet et éviter tout autre épanchement sur l’ennui de son existence. Pas d’ardeur créative, comme Sidney. Pas de passion en capacité de lui arracher un “c’est un peu toute ma vie”, à lui aussi. “Et sinon, pourquoi Londres ?” demanda-t-il sans transition, donnant un coup de menton en direction du poster au-dessus du lit. Une question stupide qui trouverait probablement une réponse tout aussi futile… Mais écouter la voix de Sidney évoquer des banalités était déjà nettement plus prenant que de s’entendre déblatérer les légèretés d’une vie qu’il n’aimait pas mener. Et puis, maintenant qu’il était là, chez lui, il lui semblait ne rien savoir de Sidney ou tout du moins, pas assez pour être légitime d’agir comme chez lui, malgré la demande expresse du jeune homme. De fait, il ne s’autorisa que de poser sa main derrière lui pour reposer sur son bras droit, le buste légèrement en arrière de sorte à continuer à avoir le visage de Sidney en vue. A mesure que leur discussion avançait et que cette pièce lui devenait usuelle, il lui semblait que les traits du jeune homme s’allégeaient, eux aussi, comme s’ils s’ouvraient à son regard. Un peu comme les tableaux de Tillemans. Il était empli de petits détails qui n’attendaient qu’à être découverts par les plus patients en mesure de les distinguer.
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Dashiell Dashner
À SAVOIR
Arrivé(e) le : 03/06/2015 Parchemins rédigés : 10981 Points : 0 Crédit : (c) Année : 5ème année pour la deuxième fois - 16 ans (07/07)
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(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Lun 28 Mar - 21:53
Il n'y a rien qui va à ce moment précis : y'a un garçon que je connais pas tant que ça assis sur mon lit, dans ma chambre, et qui pose des questions sur ma vie... tout ce que je suis censé détester le plus au monde, je crois... et pourtant, j'aime bien ce que je suis en train de vivre. C'est... étrange... mais étrange bien. Peut-être que c'est exactement ce que je suis venu chercher dans cette école... Enfin, non, je suis pas venu chercher des gens qui m'interrogent sur mon existence ni de devoir partager mon intimité à ce point-là mais... 'fin... ça fait ado normal quoi. Discuter tranquille avec un ami et tout... J'arrive à me détendre, à baisser la garde. Je me sens en sécurité. Je ne dirais pas vraiment en confiance mais il y a quelque chose qui s'en rapproche un peu, dans la limite de mes moyens. Ça me dérange pas qu'il ait sous les yeux à quel point ma vie peut être nulle parce que je sais qu'il va pas s'en servir contre moi après. J'en suis quasi-sûr. Je serais incapable d'expliquer vraiment pourquoi ou comment ou je sais pas mais depuis le début il arrive à me rassurer sans rien avoir à faire. N'importe qui d'autre au monde ferait exactement la même chose, je serais littéralement au bout de ma vie... Et là... et là j'espère presque qu'il n'a pas grand chose à faire de son après-midi pour que ça continue un peu... Mais bon, j'ai pas trop d'espoir. Il y a le truc de la Saint-Valentin, ce soir... Je ne dis pas qu'il va aller forcément au village, avec tout le monde et tout, mais c'est le genre de soir où t'as envie de faire autre chose que de perdre ton temps à raconter tout et n'importe quoi avec le premier débile venu. Durant une seconde, je me demande s'il a une copine... Il y en a qui l'affichent ouvertement – Blaze par exemple – mais je le vois pas franchement être dans ce cas-là... Mais c'est pas parce qu'il l'affiche pas que ça existe pas... Je sais pas... et je n'ai pas le temps de m'interroger plus que ça que la conversation suit son cours...
— Et c’est quoi, un humain normal ?
Sa question n'a rien de surprenant mais, en même temps, elle me dérange un petit peu... à moins que ce soit son sérieux...? J'ai l'impression d'avoir dit une bêtise alors qu'en fait, c'était juste la vérité. C'était pas dit dans le genre « je suis nul » ou quoi juste... juste « les looks de stars c'est pas pratique ». Je hausse les épaules, je baisse les yeux. J'ai peur de dire encore un truc de travers, qu'il puisse le prendre pour lui ou je sais pas.
— ...euh... bah... Un humain qui passe pas sa vie sur les tapis rouges...?
Parce qu'il n'y a qu'à voir les photos accrochées au-dessus de mon bureau, c'est clairement pas portable dans la vie de tous les jours. Et tant mieux, en vrai. Parce que la vie de tous les jours – la mienne en tout cas – fait pas rêver... alors que ce qu'on voit dans les magazines bah... un peu quand même. Je préfère coudre des trucs que je mettrais jamais en rêvassant à une existence incroyablement grandiose que de coudre des trucs que je mettrais tous les jours en réalisant que ce sera juste pour aller faire les courses au bout de la rue... Je n'insiste pas plus que ça, craignant de m'enfoncer plus qu'autre chose, et attends sagement qu'il reprenne. Heureusement, il ne met pas longtemps à le faire :
— Tu voudras bien me montrer une tenue que t’as faite, un jour ? — Oh, je hoquette de surprise à sa demande. J'ai jamais eu trop de « public », autant l'avouer... alors c'est un peu bizarre de m'imaginer lui montrer exprès ce que je fais juste comme ça... mais en même temps, je l'ai déjà fait avec Harriet puisque c'était un peu ce que j'ai fait pour Noël... alors je finis par hocher la tête, un sourire intimidé sur les lèvres. Oui, bien sûr, si tu veux.
Il risquait d'être déçu, quand même. Il n'y a rien de ouf, hein, c'est juste des trucs inspirés des défilés et compagnie... on ne peut pas vraiment dire que je fasse preuve d'un génie incroyable. Mais si ça lui fait plaisir, je veux bien le faire. En attendant, je me risque à lui faire savoir qu'il peut s'installer un peu mieux, prendre ses aises, faire comme chez lui... mais s'il hoche la tête à son tour, il ne bouge pas d'un pouce. Ça me fait sourire... parce que j'aurais sûrement réagi exactement pareil. Tant pis, au moins, il sait qu'il peut et que ça me dérange pas. Ça me surprend de réaliser à quel point je le pense vraiment. Ça me dérange pas. J'en profite pour lui retourner la question, pour chercher à en savoir un peu plus sur lui. Je n'ai aucune idée de qui il est en dehors de Poudlard. Je ne sais pas d'où il vient, comment il tue le temps, à quoi ressemble sa vie loin d'ici... Et ça m'intéresse un peu. J'ai envie d'apprendre à le connaître. J'ai envie de pouvoir dire un jour qu'on est amis... et même si c'est déjà un peu le cas, ça sonne bizarre d'être ami avec quelqu'un dont on connaît presque rien.
— Hm…
Et là, calé contre mon oreiller, quelque part entre l'Écosse et Rochdale, je me sens comme un gamin à qui on s'apprêterait à raconter une histoire. Pourtant, quelque chose cloche un peu... il a pas l'air super à l'aise. Je peux comprendre, c'est toujours gênant de parler de soi et tout mais... mais c'est que moi. Il risque rien, déjà... et puis, sa vie sera forcément mille fois mieux que la mienne alors c'est tranquille.
— Mon père est agriculteur.
Son regard s'échappe à nouveau. Je visualise pas le problème. Je veux dire... c'est cool, non ? J'imagine le grand air, des tracteurs, la campagne, tout ça... Tout ce que je connais de l'agriculture, ça vient des rediffusions de Farmer wants a wife qu'on regardait souvent avec Maman... alors sûrement que c'était grave romancé et qu'il y a pas des petits agneaux à chaque fin de chemin mais quand même...
— Du coup, j’essaie de lui donner un coup de main de temps en temps avec les bêtes. Des vaches jersiaises.
Je n'ai pas la moindre idée de ce que ça peut être comme vaches... Les noires et blanches ? Les marrons ? Celles avec des cheveux ? Franchement, je me sens un peu nul... mais les premiers coups de pinceau qu'il donne sur le portrait qu'il fait de lui me plaisent pas mal, en vrai. J'aime pas trop les animaux – ils me font peur – mais je suis sûr à 100% qu'il est doué avec. Il est si doux, si calme... ils doivent se sentir en confiance, eux aussi. J'espère que c'est pas les vaches avec des cheveux parce que sinon je serais à deux doigts de croire qu'il reste là juste pour retrouver un peu ce qu'il connaît chez lui... et si je retiens un sourire débile à cette pensée plus débile encore, je dois bien avouer que ça me déplairait pas vraiment... lui rappeler chez lui, je veux dire... comme lui me rappelle un peu chez moi. Enfin... Pas vraiment chez moi chez moi mais... je sais pas... être avec lui, c'est comme être à la maison... et ça fait du bien. Alors même si je lui rappelle une vache ou je sais pas quoi, je prends.
— Autrement, je passe pas mal de temps à lire et, quand l’occasion se présente, je vais au musée.
C'est à mon tour de baisser les yeux. Je n'ai jamais supposé qu'il était stupide, loin de là, mais je sais pas... je me suis jamais dit non plus qu'il devait être hyper cultivé et connaître plein de trucs et tout... Genre, j'ai juste pas réfléchi à ça... Mais maintenant qu'il en parle... Heureusement qu'on parle pas beaucoup en général, parce qu'il s'ennuierait à en mourir avec moi... non...? Je veux dire... c'est pas avec les deux bouquins que j'ai jamais finis et mes visites de musées qui remontent à une décennie que j'arriverais à faire la conversation. Il y a un nœud qui se forme dans mon estomac, une honte un peu vicieuse qui prend bien soin d'appuyer sur les premières différences flagrantes qui se dessinent...
— Je connais assez bien le château de Norwich, on y va presque à chaque fois qu’on se rend en ville. Y a des tableaux de Tillemans, mais bon, je préfère quand même les sculptures.
Je ne sais plus où me mettre. Je ne suis pas foutu de placer Norwich sur une carte, je savais même pas qu'il y avait un château là-bas et autant dire que j'ai jamais entendu parler de Tiltruc... Alors je sais que c'est pas grave, que je peux vivre sans savoir ce genre de connaissances et que dans le pire des cas, c'est pas une fin en soi, y'a moyen de faire changer ça... Mais j'ai pas envie de le décevoir... Et j'ai pas envie qu'il réalise que j'ai la culture d'un bulot mort... Il m'impressionne un peu, tout à coup... Il s'éloigne du garçon discret et silencieux dans lequel j'arrivais à me reconnaître. Il faudrait que je trouve un truc à répondre, n'importe quoi, même juste « ah ouais ? Et t'aimes bien quoi comme sculpture ? » mais il risque de voir dans mon regard vide que je capterai à sa réponse... ou pire s'il me demande « et toi ? », je suis même pas sûr d'en trouver une à donner... Ça m'a jamais vraiment posé de problème de pas connaître grand chose, à la maison... parce que Maman est un peu pareil, autant l'avouer... Elle a jamais été très sorties culturelles et préfère passer ses week-ends devant la télé plutôt qu'à aller s'entasser avec plein de monde dans des salles poussiéreuses pour regarder des peintures souvent moches... Et si Aida s'intéresse à plein de choses et qu'elle a l'air d'en connaître un rayon sur à peu près tout, elle a toujours eu un côté « vieux sage » qui allait bien avec alors... ça me semblait juste normal. Elle connaissait tout sur tout et pas moi, comme dans les films, tout était à sa place... Mais là... Là c'est différent. Et j'aurais voulu que ça le soit pour de vrai, différent... être capable de rebondir sur les trucs qu'il aime bien, qu'on se trouve des points communs... qu'il ait envie de rester... de revenir.
— Et sinon, pourquoi Londres ?
Il me faut bien trois interminables secondes pour comprendre où il veut en venir et je lève machinalement la tête, les joues rougissantes, vers les feuilles accrochées au-dessus du lit. Pourquoi Londres... Parce que c'est le truc le plus exotique que je connaisse ? Parce que ça sent un peu la liberté ? Parce que c'est mille fois mieux que la ville pourrie où on a atterri ? Parce que ça me rappelle avant sans me le rappeler vraiment...? On y allait régulièrement, à Londres... enfin, assez souvent en tout cas... Tante Jessica aimait bien nous emmener à l'aquarium et j'enquiquinais toujours Maman pour qu'elle me donne une pièce avant d'y aller, pour pouvoir faire le truc du penny tout plat avec des dessins dessus... Il doit m'en rester dans mes affaires, je les ai tous faits je crois. Je pourrais sûrement trouver des explications qui font rêver, des faux mensonges un peu plus jolis que la vérité... Mais... mais c'est Charles... Alors sans raconter grand chose, je peux au moins être honnête...
— Parce que je... 'fin... j'habitais à côté quand j'étais petit... et ça me manque, parfois.
Pas de mention de musées géniaux – je connais que Madame Tussauds je crois – ou de la vie de peintres ou d'écrivains qui auraient vécu dans le coin et dans les pas desquels j'aurais voulu marcher... Non. Juste les souvenirs devenus flous d'un gamin. Pas glorieux.
— Tu vis près de Norwich, du coup...? je reprends rapidement, pour ne plus être le sujet de cette conversation... Je sais toujours pas où c'est mais j'imagine qu'il doit bien y avoir une carte à la bibliothèque... ou peut-être dans mon agenda...? je crois qu'il y a ça. Et t'aimes bien lire quoi ?
Sûrement que ça me dira rien mais tant pis... même si je me sens comme le plus gros naze de cette école quand il parle de ce qu'il aime faire... j'aime bien l'écouter parler.
(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Mar 5 Avr - 19:49
My happy place
Humain banal, nom masculin (latin publicus humanus) : 1 - Un être humain qui s’inscrit dans la moyenne statistique, qui s’apparente à la norme. Ex. : Il aime le chocolat ; il est banal, cet humain. 2 - Un humain qui ne passe pas sa vie sur les tapis rouges. Ex. : Regarde son survêtement ! Voilà un être humain banal. Charles fronça des sourcils dans la description ainsi formulée par son cerveau, surpris d’apprendre qu’il existait cette seconde définition, lui qui n’avait que la première en tête. Sidney ne divisait donc pas le genre humain entre les gens “normaux” et les gens bizarres, cette détestable vision binaire que le Poufsouffle s’était déjà apprêté à contredire ; non, il divisait les individus selon s’ils avaient la chance d’un jour fouler le tapis rouge. “T’es un couturier de stars, donc” conclut-il en croisant le regard de son camarade. Cette idée l’amusait, dans la mesure où Sidney n’exhibait aucune forme d’extravagance, bien au contraire. Dans son large sweat à capuche beige, il reflétait une apparence plutôt discrète à laquelle seul son regard bleuté dérogeait. Ses cheveux également, à bien y songer - rares étaient les garçons à avoir cette longueur. Mais difficile de croire que des prunelles et des cheveux suffisent à faire de quelqu’un autre chose qu’un simple publicus humanus. Ce qui n’était guère dérangeant en soi. C’était ce garçon que Charles appréciait, et pas une autre expression de lui-même ; précisément parce qu’il était fidèle à ce qu’il dégageait et que cette intégrité avait quelque chose de touchant dans une école où les charmes et les sortilèges dénaturaient la réalité. Puis, Sidney consentit à lui partager, à l’occasion, une tenue qu’il avait fabriquée de ses mains, ce qui leva les oreilles de Charles dans un sourire. Il était heureux d’avoir droit à cette parcelle secrète de Sidney, de disposer d’un accès privilégié pour ses aspirations. Le garçon maladroit et embarrassé qu’il avait croisé dans les toilettes du deuxième étage semblait déjà loin par rapport au jeune homme rêveur et créatif qu’il avait à ses côtés… Une distance que Charles voulut rattrapper en évoquant quelques points clés de son existence afin de paraître à son tour plus intéressant que le toqué qu’il avait affiché. Il lista d’abord la profession de son père, puis, honteux de paraître plus manuel et doué de ses bras qu’il ne l’était, il enchaîna sur ses lectures et l’art. Voilà qu’il parut pédant et creux - il se rattrapa en parlant du seul musée qu’il connaissait bien en citant un artiste pour mieux appuyer ses propos. Catastrophe, il parut d’autant plus arrogant, lui qui au contraire, appréciait les peintures pour leur véracité scientifique, et non pour leurs fioritures. Alors, plutôt que de continuer à s’enfoncer sous le regard de Sidney, Charles préféra reporter à nouveau la conversation sur le Serdaigle, pointant un élément du décor en secours. Londres. L’une des curisoités qui tapissaient les murs sans que le Poufsouffle ne soit en mesure de comprendre le lien avec la vie encore inconnue de Sidney. Celui-ci évoqua alors son enfance à proximité de la capitale, sous-entendant un déménagement qui lui valut un hochement de tête. Charles n’avait jamais quitté son village, ni sa maison, à l’exception des vacances. Son père travaillait la terre et avait lui-même hérité d’un domaine qu’il avait ainsi toujours connu. De fait, le jeune homme eut du mal à se figurer l’impact d’un déménagement - tout en saisissant parfaitement le manque souligné par Sidney. La nostalgie était certainement la réponse la plus logique à ce déracinement. “Et pourquoi vous avez décidé de partir pour…” Mais ses mots se suspendirent. Il ne savait même pas où habitait Sidney, à présent. Quel imbécile… Il était là, dans une parfaite réplique de sa chambre, sans même savoir où la réelle se situait vraiment sur une carte. “... euh, là où t’habites maintenant ?” conclut-il, non sans rougir de honte de ne pas avoir posé la question plus tôt. En vérité, Charles pensait à une multitude de demandes qu’il aurait aimé formuler les unes à la suite des autres ; où habitait-il ? Avait-il des frères et sœurs ? Comment était sa vie, avant Poudlard ? Quelle part avait eu la magie sur son enfance ? Que pensaient ses parents de son intérêt pour la couture ? Avait-il grandi dans cet environnement ? Mais ses lèvres demeurèrent fermées après sa prise de parole, conscient d’une part qu’il serait très impoli d’inonder Sidney de questions aussi intrusives et d’autre part qu’ils auraient le temps de creuser tous ces sujets. Il ne comptait plus l’abandonner, après tout… D’ailleurs, il n’en avait même jamais eu l’intention. Leur amitié naissante avait donc toutes ses chances de s’enrichir au cours du temps. Mieux ; en conservant ses questions pour lui, il entretenait une source qui lui permettrait de ne plus s’embarrasser de silence ou d’absence. Il avait de quoi solliciter quelques nouvelles rencontres. Et la perspective de revoir régulièrement Sidney, surtout après ces derniers mois où sa distance avait été étouffante, valait bien mieux que sa curiosité.
Sidney, de son côté, déduisit assez aisément qu’il vivait à proximité de Norwich, ce à quoi Charles acquiesça en silence. “Reepham, c’est au nord” ajouta-t-il après un instant, s’apercevant un peu tard que Sidney avait en réalité posé une question derrière ce qui lui avait paru être une affirmation. “Ma mère a grandi près de Londres” reprit-il alors, s’apercevant que cela lui faisait au moins un point commun avec la géographie de Sidney. “Mais on n’y allait presque jamais.” De fait, Daisy s’était mis ses parents à dos en quittant la bourgeoisie familiale pour la vie de campagne, et Charles n’avait ainsi jamais rencontré ses grands-parents maternels. Il n’en avait pas de réel regret. Si sa mère n’avait pas jugé important de se battre pour l’amener auprès de sa famille, c’était certainement qu’il n’y avait rien de bon chez les Williams… Et quel sens y aurait-il à les rencontrer maintenant que le seul pont entre eux et lui était mort ? Aussi les Ehrlich n’avaient-ils fait que du tourisme dans la capitale que Charles ne connaissait pas assez bien à son goût. La ville regorgeait de musées, d’expositions, de monuments, mais il ne lui en restait hélas que quelques vagues souvenirs et la gare de King’s Cross. La voix de Sidney le ramena alors dans cette chambre pour s’enquérir de ses lectures, ce qui alluma dans le regard du jeune homme un éclat d’enthousiasme. Il n’avait pas nécessairement l’occasion de parler de ses livres, d’ordinaire ; à Poudlard, rares étaient ses connaissances qui s’intéressaient à la lecture, et à Reepham… Et bien, son père ne lisait pas et ne s’intéressait pas non plus à lui. Quant aux vaches, et bien, elles ne savaient tout simplement pas lire. “J’aime les romans policiers” fit-il en grattant un instant ce qui semblait être une tâche sur les draps, mais qui n’était en réalité qu’une petite zone décolorée autour de la patte d’un diplodocus. “En fait, j’adore les énigmes, donc toutes les histoires qui contiennent des mystères avec des indices pour les résoudre, je les dévore” précisa-t-il dans un sourire de plaisir. “Un de mes livres préférés, c’est Mort sur le Nil, d’Agatha Christie. En vrai, je suis fan de tous ses livres, pour l’ambiance, l’époque, les personnages… Mais celui-ci, je sais pas, je le trouve génial.” Oh, il aurait pu en dire bien davantage, en expliquant par exemple qu’il avait tout de suite deviné que Simon Doyle n’était pas vraiment épris de Linnet Ridgeway, mais que pour une obscure raison, il s’était convaincu que l’assassin ne pouvait pas être lui. Il aurait également pu citer sa déception en voyant l’adaptation cinématographique, qu’il avait attendue si longtemps, et qui était en fin de compte polluée de décors en 3D qui ne rendaient nullement hommage à l’Egypte. Mais il préféra se taire, réalisant qu’il avait déjà beaucoup parlé de lui et de ses lectures, et que Sidney devait déjà le trouver suffisamment prétentieux pour s’enfoncer encore plus dans un débat littéraire. “Tu connais ?” demanda-t-il en relevant le visage pour consulter son camarade du regard. Il y avait de l’espoir, quelque part derrière ses prunelles, d’une réponse positive ; et d’un autre côté, il ne se serait pas vexé d’un non, appréciant à l’inverse l'idée de conter l’histoire à quelqu’un de novice, de montrer combien ce roman était fascinant. Sans même s’en apercevoir, emporté dans son explication et son excitation de partager ça à quelqu’un qui avait expressément demandé à connaître ses lectures, Charles avait fini par plier le bras sur lequel il reposait jusqu’alors pour se retrouver accoudé sur le matelas, presque allongé comme son camarade pour être à la hauteur de son visage. Il était loin de la retenue affichée quelques minutes auparavant, réalisant à mesure que les minutes défilaient que son lien avec le jeune homme s’était non seulement rétabli, mais renforcé. C’était à se demander si leurs retrouvailles étaient réellement fortuites, ou si quelqu’un là-haut ne les avait pas poussés à partager cette chambre… Cela aussi, Charles aurait souhaité le partager à Sidney. Était-il croyant, comme lui ? Ou plus exactement, comme il l’était, avant ? Une nouvelle question qui demeura sur le pas de ses lèvres, préférant attendre que celles du jeune homme se délient pour, encore, peupler ses pensées.
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Dashiell Dashner
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(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Sam 9 Avr - 18:25
Je ne peux m'empêcher de prendre ça pour ce que c'est vraiment : une bêtise ; et affiche un sourire amusé alors que je hoche la tête avec un sérieux si maltraité qu'il n'a pas l'air crédible pour un sou. C'est un peu prétentieux mais sur le – très – long terme, je crois que c'est exactement ce que je voudrais faire. Bien sûr, ça tient du rêve et ça n'arrivera jamais mais... voir mon travail dans les magazines, habiller les plus grands noms du cinéma, des trucs comme ça... Ce serait tellement cool... Mais après, objectivement, je sais que j'en serais tout bonnement incapable... Regardez-moi, sérieux. J'ai déjà du mal à aligner deux mots quand je dois parler à mes camarades de classe qui sont ni plus ni moins que des ados comme les autres... Alors des stars ! C'est mort, je ferais un malaise avant d'avoir ouvert la bouche, même ! Mais au moins, ça a eu le mérite de détendre un peu l'atmosphère et c'est plus tranquille que je l'interroge maladroitement sur sa vie à lui. C'est un peu injuste, quand on y pense, il a une vue totale sur ce qui me ressemble le plus au monde – même si c'est pas brillant – alors que moi, je sais même pas ce qu'il fait de ses journées... Même ici, en vrai, je sais juste qu'il aime bien le lac et la bibliothèque... C'est limite quand même. Et j'ai envie de changer ça. J'ai envie d'apprendre à le connaître. De voir si cette impression agréablement bizarre de le comprendre, de me retrouver un peu en lui est juste une impression ou si c'est fondé sur quelque chose. Et manque de chance... il me fait vite comprendre que c'est seulement dans ma tête. Les livres, les musées, les peintures, tout ça... C'est loin d'être mon univers. Je dis pas que ça m'intéresse pas... en vrai j'en sais rien. J'y ai juste pas été habitué. Je lis très mal alors ça me gonfle très vite, et du reste, c'est un peu difficile de visiter des trucs quand le plus loin que j'ai été en neuf ans c'est à quelques rues de chez moi... Pourtant, d'un côté, ça m'étonne pas trop. Il a l'air de connaître plein de trucs et puis, il a dit lui-même qu'il aimait bien passer du temps à la bibliothèque... Alors à part si c'est un parfait demeuré qui met une éternité à faire le moindre devoir – et très franchement, j'y crois pas une seule seconde – c'est assez évident que c'est pour les bouquins. Mais ça m'a pas traversé l'esprit... Et d'un autre côté... Ça me déçoit assez. Enfin... non. Ça me déçoit pas, c'est pas le bon mot mais... J'ai l'impression de m'être totalement planté, en plus d'être le plus gros crétin du monde. J'ai pas envie qu'il réalise qu'il va vite se faire chier avec moi parce que si par malheur il a envie de discuter, je connais rien à rien et que je serais incapable de faire la conversation. J'imagine que tous ses amis doivent avoir les mêmes centres d'intérêt, qu'ils doivent parler bouquins pendant des heures, se filer des titres à n'en plus finir et compagnie. Peut-être que c'est bien, hein, mais à mes yeux, c'est un peu l'angoisse. Et plus je me rends compte du fossé qui est en train de se creuser entre nous, plus j'ai du mal à relever les yeux vers lui. J'ai pas envie de voir qu'il s'en est rendu compte, lui aussi, qu'il sait plus comment faire pour en rester là et retourner auprès de gens intéressants. J'ai peur de le décevoir. Alors que c'est bête, on se connaît même pas tant que ça. C'est pas parce qu'on s'est vus deux ou trois fois dans notre vie dont un bal raté qui nous a poussés à nous ignorer pendant une éternité que ça veut dire quoi que ce soit. Est-ce qu'on est vraiment amis, même...? Une petite voix me hurle que oui et même si j'ai envie de la croire, ces dernières secondes font vaciller mes certitudes. Et puis, sans prévenir, il change de sujet et me remet sous le feu des projecteurs en s'intéressant à la photo accrochée au-dessus de mon lit... Si j'hésite une seconde, je décide de ne pas mentir. Je reste vague mais sincère. C'était chez moi, avant. Enfin... Presque. On était à une vingtaine de minutes du centre de Londres, quelque chose comme ça. On y allait régulièrement, même avec l'école. C'était étrange d'y retourner, cette année. On l'avait bien fait, avec Maman, quand pour acheter ma baguette et tout ça... mais je me rendais pas vraiment compte, je crois... Et puis, je faisais que suivre. Là, j'ai pris conscience que toute ma vie d'avant était à quelques minutes de là, que je pouvais retourner voir notre immeuble ou Hollydale, si je voulais... Mais j'ai flippé et j'ai rien fait. J'aime me dire que j'aurais pas eu le temps, de toute façon. Ce qui, pour ma défense, est pas totalement faux. Et puis, qu'est-ce que j'aurais retrouvé, de toute façon ? Il reste sûrement aucune trace de notre passage là-bas... et c'est tant mieux.
— Et pourquoi vous avez décidé de partir pour… ... euh, là où t’habites maintenant ?
Son « pourquoi » me crispe tellement que je ne remarque ni son hésitation ni son rougissement. Il a toujours été le refuge tranquille de cette école. Celui que je pouvais retrouver en sachant pertinemment qu'il ne me poserait aucune question gênante, qu'il me laisserait vivre ma vie sans prendre la peine de venir y fouiner... Et là, même si je sais que c'est légitime, que je viens moi-même de dire qu'on a bougé, ça me fait de la peine qu'il ne soit plus qu'un gars parmi tant d'autres, un comme tous ceux que j'ai fui en arrivant ici. On a pas eu le choix. C'était devenu tellement le bordel qu'il fallait qu'on bouge. D'après Maman, c'était presque une question de vie ou de mort... et je pense, en grandissant et avec les quelques souvenirs qu'il me reste, qu'elle en rajoute pas trop quand elle dit ça. Je repense souvent aux menaces, aux insultes, aux rats morts sur notre paillasson... Ils auraient fini par s'en prendre à nous, un jour ou l'autre. À moi, en tout cas. Je hausse les épaules, mon geste est plus sec que je l'aurais voulu, plus sur la défensive aussi. J'ai pas envie de parler de ça. Ni maintenant ni jamais. Ni avec lui ni avec personne d'autre. Ça le regarde pas.
— C'est ma mère qu'a décidé, je me contente de répondre, le regard fuyant et avec, pour la première fois depuis qu'il s'est installé sur mon lit, l'envie de partir d'ici.
Le silence retombe. Les secondes s'étirent. Elles me mettent mal à l'aise. C'est rare avec Charles, pourtant. Dans mon dos, Gus me fait plus mal que jamais, comme pour bien me rappeler l'étendue des secrets que je garde et qui me font risquer les rares amitiés que j'ai réussi à me faire ici. Harriet s'en fout, j'imagine. Elle me pose jamais de questions non plus. Notre première rencontre a dû lui donner le ton et elle n'a jamais vraiment cherché plus loin. Elle se contente de ce que je dis, même si je dis pas grand chose... Et lui... lui faisait pareil jusque là. Et maintenant je sais plus... Je finis tout de même par me risquer à répondre à sa deuxième question, même si c'en est pas vraiment une :
— On...on est à côté de Manchester, maintenant.
Je ne prends pas la peine d'en dire le nom, on s'en fiche sûrement. C'est pas comme s'il comptait me rendre visite, de toute façon, et pour un peu qu'il cherche ou quoi, il se rendrait compte de l'endroit pourri que c'est et j'ai pas franchement envie. Il a déjà une vision trop juste de la nullité de mon existence, autant laisser planer un peu de mystère... Quelques secondes de silence de plus et je repousse sur lui toute l'attention de cette discussion. Lui semble avoir moins de mal que moi à répondre... et je me sens plus bête encore. Soit il n'a rien à cacher – c'est pas impossible – soit il me fait... confiance...? Je pars plus volontiers sur la première, après tout, c'est pas vraiment des sujets gênants. Juste des villes. Rien de ouf... normalement.
— Reepham, c’est au nord.
Je hoche machinalement la tête, même si ça me dit pas grand chose. Reepham, au nord de Norwich. Faudrait que je regarde sur une carte où c'est, Norwich. Juste par principe. Histoire de m'endormir moins bête.
— Ma mère a grandi près de Londres. Mais on n’y allait presque jamais.
Je ne sais pas quoi penser de ce passé qui s'est glissé dans sa phrase. ...maintenant ils y vont un peu plus ? Sûrement, en même temps, avec le Chemin de Traverse et tout... Tout Poudlard doit passer régulièrement par Londres. Si on y était restés, peut-être que j'aurais passé toutes mes vacances là-bas, à tout apprendre du monde magique. Une tristesse vague me tombe dessus sans prévenir. Sin on y était restés, tout aurait été différent, c'est certain. Enfin... pas tout tout mais... quand même. J'enchaîne sur ses lectures, puisqu'il a l'air d'aimer ça. Je m'attends à ce que ça me dise pas grand chose mais bon, au point où on en est...
— J’aime les romans policiers. En fait, j’adore les énigmes, donc toutes les histoires qui contiennent des mystères avec des indices pour les résoudre, je les dévore.
Quelque chose dans sa voix a changé. Quelque chose qui me pousse à relever les yeux, presque timidement, dans sa direction... et je fais bien, vraiment. Le sourire qui étire ses lèvres m'en arrache un sans même que je m'en rende compte. Et durant une seconde, je me dis qu'on s'en fout pas mal même si on a rien en commun. On se comprend quand même. Enfin... je crois. Parce que le sourire qu'il a, là, je sais que j'ai exactement le même quand je parle d'autres trucs.
— Un de mes livres préférés, c’est Mort sur le Nil, d’Agatha Christie. En vrai, je suis fan de tous ses livres, pour l’ambiance, l’époque, les personnages… Mais celui-ci, je sais pas, je le trouve génial.
Pendant qu'il m'explique ça, il bouge un peu. Il abandonne sa retenue pour s'étaler un peu plus sur mon lit. Il a l'air moins gêné, plus à sa place. Je le regarde faire sans rien dire, craignant un peu que le moindre mot de travers lui fasse regretter de prendre ses aises. Pourtant, intérieurement, c'est limite la danse de la joie. Je me suis jamais senti aussi bien dans cette école qu'à cet instant précis. C'est bête, non ? Mais... mais c'est une situation tellement normale, tellement rassurante, tellement... tellement géniale ! J'en oublierai presque son livre... En même temps, je ne sais pas quelle est l'ambiance, ou l'époque, ni même qui sont les personnages... Je suppose juste que c'est un roman policier parce qu'il aime ça et que c'est en Égypte parce que sinon le Nil aurait rien à faire là... et encore, j'en suis pas sûr. Mais je m'en fiche un peu. Je veux bien qu'il me raconte l'histoire s'il veut, qu'il débatte un peu tout seul de ce qu'il s'y passe. Le ton qu'il emploie à quelque chose de plus plaisant encore. C'est pas juste répondre à des questions, c'est avoir envie de le faire et... et moi j'ai envie de l'écouter. Son regard me revient sans que je ne cherche à le fuir. J'attends seulement qu'il reprenne, les joues un peu rouges d'avoir été pris en train de l'observer.
— Tu connais ?
Je secoue la tête, désolé. J'aurais voulu lui dire que oui, qu'on en parle jusqu'à ce qu'il soit l'heure d'aller se coucher et qu'il soit agréablement surpris de tous les points communs qu'on pourrait se trouver mais... c'est pas le cas.
— Je... 'Fin... je lis pas des masses...
Et c'est rien qui ressemble à ça. Des bandes-dessinés, des vieux bouquins genre « livres dont vous êtes le héros », des machins pratiques. Mais les romans, tout ça... c'est pas trop mon truc. Trop de pages, pas d'image, le temps que j'avance, j'ai oublié les persos d'avant... Mais c'est peut-être pas si grave, si...?
— Ça parle de quoi ?
Bon, d'accord, c'est une enquête policière sûrement mais doit y avoir plus à en dire que ça... et ça avait l'air de lui faire tellement plaisir d'aborder le sujet que j'ai envie qu'il continue. Je le lirai jamais, de toute façon, alors il peut se lâcher et tout me raconter s'il veut. Moi, en tout cas, je crois que je veux.
(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Mar 19 Avr - 14:40
My happy place
Le ciel était devenu son ennemi. De fait, depuis que l’infinité des prunelles de Daisy s’était éteinte derrière des paupières blafardes, Charles ne percevait plus que l’insolence des journées d’été où le bleu éclatant irradiait un bonheur auquel il demeurait imperméable. Seuls les jours de nuages ou les pâles matinées hivernales avaient droit de resplendir de leur timidité. L’aveuglément fracassant du soleil, pour sa part, n’était qu’une provocation de plus dans un monde qui lui semblait déjà trop hostile. Peut-être par ce biais inconscient, ou plus probablement par la seule loi de la génétique, les yeux de Charles s’étaient éclaircis d’une nuance fumée, laissant à son regard une empreinte presque morose qui seyait au sérieux de ses traits. Ceux de Sidney, en revanche, et il s’en apercevait maintenant que le jeune homme était nonchalamment allongé à ses côtés dans l’intimité de cette chambre, reflétaient précisément cet éclat qu’il détestait. Pourtant, à mesure qu’il s’autorisait une contemplation silencieuse, ses iris ne dégageaient rien de mauvais, drapant le contour de ses pupilles d’un cobalt que le ciel devait même jalouser. Dans le fond, c’était peut-être pour cela que Sidney lui était foncièrement sympathique. Il n’avait pas les yeux bleus de la couleur du ciel, comme tous les autres élèves qui affichaient une ressemblance arrogante avec le toit du monde. Il avait les yeux bleus comme les pierres précieuses, comme la terre, dans une sécurité familière qui lui permettait de déambuler à l’abri des dangers. Il pouvait s’y perdre à loisir, il n’y risquait rien, à l’inverse de ses propres mots, qui dans l’embarras de vouloir découvrir le Serdaigle, cernèrent une question qui sembla le glacer. En effet, sa réponse fut froide, aussi bien dans sa raideur que dans son imprécision. Sa mère l’avait décidé ainsi. En réalité, il ne s’agissait même pas d’une réelle réponse - pourquoi l’avait-elle décidé ? Comment l’avait-elle décidé ? Et pour quel motif n’avait-elle pas pris en compte les volontés de Sidney ? - mais Charles se résolut de s’en contenter. Une énième fois, il laissa sa curiosité rebondir entre les parois de son crâne en prenant soin de n’afficher qu’un air entendu. Il ne demanderait rien de plus, rien qui risquerait à nouveau de tendre Sidney, rien qui risquerait de lui donner envie de se redresser et de quitter cette chambre. Les murs du château étaient trop sombres ; il se sentait résolument bien plus tranquille ici alors que ses angoisses s’étaient fermées sur le pas de la porte, loin de Manchester. Cette pensée courba ses commissures de lèvres, réalisant combien son camarade habitait loin de lui dans leur vie de tous les jours. Cette école était donc véritablement leur seul moyen d’un jour se rencontrer, une certitude qui le laissa dubitatif un instant. De tous les maux que lui avaient infligés Poudlard, il pouvait au moins brandir cette chance, car en vérité, sur toutes ses années à Reepham, il n’avait jamais trouvé personne avec ce regard - enfin, avec cette aura, ou avec cette sympathique, appelez cela comme vous voulez. Personne avec qui discuter aussi posément sur un lit trop mou, dans une situation trop personnelle. Rares étaient les conversations dans lesquelles il se sentait à l’aise. Gauche et maladroit, il le serait en définitive toujours, mais au moins parvenait-il à esquisser des réponses capables de les garder sur ce lit encore quelques instants.
Aussi s’y installa-t-il encore plus confortablement, pliant son coude qui commençait à fourmiller d’engourdissement. La tête ainsi retenue sur son poing et le buste tout juste redressé par cette posture, il releva un peu le menton pour soutenir le regard curieux de Sidney qui lui admit ne pas connaître le livre dont il faisait mention. Son interrogation raisonna en lui comme un éclair de bonheur. Il lui donnait l’autorisation de s’y pencher un peu plus, de partager avec lui cette enquête sur le bord du Nil qui avait bercé ses nuits d’été. Quand il ne trouvait pas le sommeil, il lui arrivait encore de s’imaginer sur ce bâteau, élégamment vêtu pour se fondre avec le début du vingtième siècle, à la recherche de précieux indices qui lui permettraient enfin de deviner la réalité tout en s’assurant une reconnaissance. Dans le fond, Charles ne rêvait d’aucune gloire, se fichant bien peu des retombées d’un pouvoir aussi futile que celui de la célébrité. En revanche, il espérait secrètement avoir un jour l’occasion d’être sujet à la gratitude, pour le seul plaisir d’être réellement considéré par autrui au lieu de n’être que l’ombre d’un garçon qu’on ne remarquait jamais. Il était futé, il était bon à l’école, il était sage - et jamais personne ne l’en avait félicité, à commencer par son père. La perspective d’être un jour ce héros de l’ombre, qui avait élucidé une affaire criminelle et qui avait rétabli la justice, le consolait de ce manque qu’il n’avait en vérité jamais formulé. C’était peut-être même pour cela qu’il souhaitait devenir vétérinaire, un jour. Pouvoir sauver des vies et être remercié de se rendre utile. Pas adulé, ni admiré. Juste utile. “Oh, c’est rien” fit-il en réponse à Sidney qui lui admettait ne pas beaucoup lire. “Moi je lis beaucoup parce que je m’ennuie beaucoup” précisa-t-il alors en tripotant les draps de sa main libre dans un geste pensif. “Et aussi parce que je sais pas faire grand chose… Si je savais coudre, comme toi, je perdrais pas mon temps à rêvasser comme ça.” Il s’abstint d’ajouter que s’il avait son talent, il fabriquerait ses rêves plutôt que de les tisser dans son seul esprit, préférant ne pas s’éterniser sur sa désolante situation et la platitude de sa personne. Surtout qu’il avait désormais tout un arc narratif à décrire et de fait, sa voix retrouva l’enthousiasme qu’elle avait exhibée en évoquant ce roman pour la première fois. “En gros, c’est une enquête criminelle en temps réel. Hercule Poirot, le héros, se retrouve dans une croisière sur le Nil, à bord d’un bateau privé où un couple fête son voyage de noces… Et un matin, Linnet Ridgeway, la mariée, est retrouvée morte. C’est forcément quelqu’un de la croisière qui l’a tuée, sauf que tout le monde a un alibi. Du coup, tout se joue sur les détails de l’enquête. De toute façon, ce sont toujours les détails qui changent la donne.” Comme la nuance cobalt des yeux de Sidney, comme sa curieuse froideur en citant sa mère. Charles avait appris à se montrer observateur, absorbant des précisions que tous ne prenaient pas le temps de contempler et qui pourtant, pouvaient révéler bien des vérités.
Après un instant de silence durant lequel il hésita, Charles finit par développer davantage l’enquête, réalisant d’une part qu’il ne pourrait jamais soutenir le génie de ce roman s’il n’en contait pas les rouages et d’autre part qu’il lui fallait gagner un peu de temps s’il voulait rester encore avec Sidney. Ainsi, il présenta les personnages principaux, en commençant naturellement par Jacqueline de Bellefort et Simon Doyle, avant de s’attaquer à la narration en tant que telle, comme la manière dont avait été assassinée l’héroïne et les alibis de chacun la nuit du meurtre. En réalité, il finit par raconter l’ensemble de l’ouvrage, ne s’arrêtant qu’à quelques instants avant son dénouement. “Je vais peut-être pas te spoiler la fin” fit-il en guise de conclusion, un sourire qui se voulait mystérieux mais qui était en réalité gêné d’avoir autant pris la parole figurant sur ses lèvres. Il avait tenu à présenter ce roman qui avait bercé ses nuits, content de pouvoir partager cette petite parcelle de fantaisie à quelqu’un qui ne pourrait pas le juger, mais maintenant qu’il s’était entendu parler aussi longuement, il lui parut n’avoir été qu’un sombre idiot imbu de sa personne. “Pardon, je parle trop” reprit-il alors d’un ton bien plus formel en abattant son excitation afin de ne plus se laisser emporter. Sidney était peut-être devenu son ami, il n’en demeurait pas moins un être humain normal qui avait sans doute mieux à faire que de l’écouter raconter des crimes imaginaires. Son regard se défit enfin du jeune homme pour se porter entre eux, où reposait un ouvrage encore ouvert documenté de parchemins. Charles y devina des formules d’Astronomie. “Désolé” répéta-t-il en prenant ainsi conscience qu’il venait de s’étaler alors que Sidney était initialement venu travailler, “vraiment, je voulais pas du tout te déranger pendant tes devoirs.” Les exercices étaient là, sous ses yeux, depuis le début, mais il venait enfin d’y faire pleinement attention, d’abord accaparé par le décor autour de lui, ensuite par les questions de Sidney, et enfin par Meutre sur le Nil. Certes, le Serdaigle lui avait déjà confirmé, de manière plus ou moins explicite, qu’il pouvait rester avec lui dans cette pièce - mais ainsi empiéter sur son travail et divaguer sur un sujet qui ne l’intéressait certainement pas alors qu’il était venu chercher de la concentration ne faisait pas parti du contrat tacite qu’il avait signé en s’asseyant sur ce matelas. “Tu veux peut-être que je te laisse continuer à travailler ? Je comprendrais tout à fait” enchaîna-t-il en se redressant pour reprendre une posture plus convenable. Il n’avait toujours pas envie de partir, aussi misérable pouvait-il paraître, aussi hautain avait-il pu se montrer… La vérité, c’est qu’il serait resté là encore longtemps avec tout son ridicule, tout son désintérêt, toute sa bassesse, car tant que Sidney tolérait sa présence, il se fichait éperdument d’être inconfortable dans son propre corps. Mais il n’avait pas le droit d’imposer tout ce pathétisme au jeune homme qui lui accordait déjà bien plus de crédit qu’il ne le méritait. Il était bien miraculeux que la douceur de son regard daigne autant panser la dureté du sien.
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Dashiell Dashner
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Arrivé(e) le : 03/06/2015 Parchemins rédigés : 10981 Points : 0 Crédit : (c) Année : 5ème année pour la deuxième fois - 16 ans (07/07)
DETAILS EN PLUS Et plus en détails ? Statut Sanguin: Né-Moldu Pouvoirs spéciaux: Poste de Quidditch: Aucun Patronus: Un chiot golden retriever Epouvantard: Une meute d'oiseaux en plein vol Matières suivies et niveau: Points Défis: (1640/2000) Disponible pour un RP ?: Si t'es pas pressé, c'est d'accord ! D'autres comptes ?:
(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Dim 24 Avr - 20:49
Plus les secondes passent, plus Charles s'installe. C'est bête mais de le voir faire me fait plaisir. Avec quelqu'un d'autre, je me serais sûrement senti mal à l'aise, je l'aurais mal vécu. Je veux dire... c'est ma chambre. Le seul endroit au monde où je peux être qui je veux sans me prendre la tête, sans craindre d'être jugé ou qu'on vienne m'embêter... mais là, c'est différent. Je sais que ça n'arrivera pas, qu'il s'en fiche que mes draps ressemblent à ceux d'un enfant ou que j'ai des passions débiles qui devraient être celles d'une fille. J'ai pas peur qu'il se mette à se moquer ou qu'il me prenne de haut. C'est Charles. Et même si je me rends compte que je ne le connais pas tant que ça, que ses questions me dérangent – alors qu'il n'insiste même pas et qu'elles sont légitimes dans le fond – ça suffit à être la plus évidente des explications. C'est Charles. On en vient finalement à parler bouquins, de ceux qu'il préfère. Sa voix change imperceptiblement, il y a quelque chose de plus plaisant encore à l'écouter. J'y connais pas grand chose, je suis pas du genre à bouquiner pour le plaisir, mais je suis prêt à faire des efforts juste pour percevoir encore ce ton que je ne lui avais jamais connu.
— Oh, c’est rien. Moi je lis beaucoup parce que je m’ennuie beaucoup.
J'ai du mal à suivre parce quand il parlait de sa vie, ça avait l'air fourni... non ? Les vaches, les musées, les peintures... Ça laisse tant de place que ça à l'ennui ? Vraiment...? Je trouve ça triste. Durant une seconde, rien qu'une, j'imagine une vie dans laquelle on pourrait se retrouver pour trouver n'importe quelle occupation nulle à faire ensemble. Comme des amis. Mais il y a sûrement beaucoup trop de kilomètres entre nous pour nous permettre de faire ça un jour. Et puis, il en a sûrement pas envie. Il a sûrement des amis, chez lui. Des gens de sa vie d'avant, je sais pas. J'en aurais aussi si on avait pas tout plaqué... si j'avais pas tout gâché.
— Et aussi parce que je sais pas faire grand chose… Si je savais coudre, comme toi, je perdrais pas mon temps à rêvasser comme ça.
Je suis sûr que c'est faux et qu'il sait faire plein de trucs. Tout le monde sait faire des choses, il faut juste avoir envie de mettre le doigt dessus, c'est tout. J'aimerais bien le pousser un peu à réfléchir à la question et admettre qu'il exagère un peu. Savoir ce qu'il sait faire, aussi... Et puis, on peut jouer à ça tous les deux, en réalité. Parce que si j'avais pas le niveau de lecture d'un môme de primaire en échec scolaire, sûrement que je prendrais plaisir à le faire et que je perdrais moins de temps à coudre des trucs qui serviront jamais à rien et plus à essayer d'avoir un semblant de culture. Mais je m'évite l'humiliation de le lui expliquer et me contente de hausser les épaules. Heureusement, il ne se dénigre pas plus longtemps et reprend l'histoire de son bouquin. Il retrouve son enthousiasme et moi mon sourire. Je le lirai jamais, ce livre, mais il a l'air tellement content d'en parler que j'ai envie qu'il me le raconte dans les moindres détails, faire un peu comme si je le connaissais, moi aussi. Partager quelque chose avec lui, pour de vrai, plus qu'un bal avorté ou des regards lancés au travers du miroir des toilettes...
— En gros, c’est une enquête criminelle en temps réel. Hercule Poirot, le héros, se retrouve dans une croisière sur le Nil, à bord d’un bateau privé où un couple fête son voyage de noces… Et un matin, Linnet Ridgeway, la mariée, est retrouvée morte. C’est forcément quelqu’un de la croisière qui l’a tuée, sauf que tout le monde a un alibi. Du coup, tout se joue sur les détails de l’enquête. De toute façon, ce sont toujours les détails qui changent la donne.
Sans vraiment m'en rendre compte, je m'abandonne plus encore contre mon oreiller, comme un enfant à qui on lirait une histoire. J'ai toujours adoré qu'on me fasse la lecture quand j'étais petit. Tante Jessica était douée, pour ça. Elle faisait toujours plein de voix pour différencier les personnages, elle vivait ce qu'elle nous lisait. Et même si c'était des histoires super nulles à la base, ça finissait toujours par être super bien. Mon regard ne le lâche pas, peut-être que je perds un peu le fil de ce qu'il me raconte, parfois, trop occupé à remarquer l'étincelle qui illumine son regard ou ses gestes moins réservés. J'ai l'impression de le redécouvrir totalement... comme s'il y avait un autre Charles derrière le garçon silencieux que j'ai croisé la première fois. Je me demande ce qu'il y a encore à découvrir, ce qu'il cache d'autre comme ça. Il est inarrêtable, je trouve ça drôle. C'est typiquement le genre de choses qui m'angoisse, d'habitude. Quand on me parle trop... Surtout quand on attend de moi que je suive tout, que je retienne... les mots finissent par perdre leur sens, ils me renvoient à mes silences, ils creusent un peu plus le fossé qui me sépare « des gens normaux ». Mais là, ça va. Mon attention va et vient. Tantôt accrochée aux personnages qu'il me décrit, tantôt à ses lèvres sur lesquelles l'histoire coule avec une fluidité étonnante ou aux reflets d'or qui fleurissent dans ses cheveux quand il bouge la tête. Sûrement que s'il me faisait passer une interrogation, après, il serait déçu de voir que je n'ai pas été aussi attentif que je l'aurais dû mais j'espère donner assez le change pour ne pas le vexer. Dans le fond, j'ai écouté, juste... pas tout. La situation a un je ne sais quoi de troublant... dans le meilleur des sens du terme.
— Je vais peut-être pas te spoiler la fin.
Je renoue péniblement contact avec la réalité dans un gloussement étouffé et un haussement d'épaules maladroit. Il peut s'il veut, ça me dérange pas. Ça changera pas le cours de ma vie, je pense. Et puis au moins, je saurais la fin., parce que c'est frustrant d'avoir grossièrement suivi l'histoire et de rester dans l'ignorance juste pour éviter un spoil !
— Pardon, je parle trop.
Son enthousiasme a l'air d'être de l'histoire ancienne, la satisfaction de me raconter son livre préféré aussi... Est-ce qu'il a remarqué que j'avais pas tout écouté et que c'est le moyen de me faire comprendre que ça ne se fait pas ? Je me sens tellement bête ! J'ai bien aimé l'écouter, c'est juste que... je sais pas mais c'était bien, vraiment ! Son regard m'échappe, je culpabilise encore plus.
— Mais... non... je souffle, sincèrement désolé.
Il peut parler autant qu'il veut, de ce qu'il veut, ça me dérange pas du tout ! Au contraire ! Je suis content qu'il se sente assez à l'aise avec moi pour monopoliser la conversation sans avoir peur de gêner. Si, avec lui, les silences ne sont pas pesants, ses mots ne le sont pas davantage. Il n'a pas besoin de s'excuser pour avoir eu envie de parler ! C'est plutôt à moi de le faire pour avoir décroché un peu par moment... mais je n'ai pas le temps de le faire qu'il reprend déjà :
— Désolé vraiment, je voulais pas du tout te déranger pendant tes devoirs. — Pendant mes... quoi ?
Il me faut bien trois interminables secondes pour comprendre où il veut en venir, mes yeux suivant les siens jusqu'au manuel encore ouvert entre nous. Oh... mes devoirs... c'est vrai... Je les ai complètement oubliés. Je me sens rougir bêtement. Il va me prendre pour le pire cancre de l'école. Il finit par se redresser, abandonnant l'aise qui lui allait pourtant si bien. La déception se fait sentir. Une pointe de tristesse peut-être aussi... C'est la bulle géniale dans laquelle on était plongés qui vient d'éclater, la vraie vie qui nous rappelle à elle. Sans trop savoir pourquoi, je me redresse aussi. Ma chambre perd son charme, ce n'est presque plus qu'une salle comme une autre dans laquelle il m'a rejoint sans le vouloir.
— Tu veux peut-être que je te laisse continuer à travailler ? Je comprendrais tout à fait.
Je secoue doucement la tête, dans un geste presque intimidé... et du bout des doigts, fuyant son regard comme un môme conscient de dépasser les bornes, je referme mon livre sur le début de mon exercice et mes calculs probablement faux.
— Non, je... je veux pas, j'avoue avant de rougir de plus belle en réalisant ce que je viens de dire. Enfin... je veux dire... je vais pas continuer à travailler... J'y comprends rien à l'astronomie de toute façon... je reprendrai demain... T-tu peux rester encore un peu... enfin... si tu veux.
Mes derniers mots se font presque suppliants. Ça fait des mois qu'on ne s'est pas adressés la parole, j'ai pas envie que ça se termine comme ça... On a toute la soirée pour discuter de tout et de rien, je veux qu'on puisse en profiter... et puis, il n'a pas eu l'air de beaucoup se forcer pour rester jusque là, n'est-ce pas...? Alors s'il y a un semblant de justice dans ce monde, il ne m'abandonnera pas. Pas déjà... Pitié, faites qu'il ait envie de rester...!
(#) Sujet: Re: My happy place — CHARLES ET SIDNEY Jeu 28 Avr - 16:29
My happy place
C’était à se demander ce qui était le plus plaisant. La présence compréhensive de Sidney, la distance du château, la sensation d’être enfin de retour à la normale. Charles détailla une nouvelle fois la pièce autour d’eux, s’attardant sur ses particularités, les morceaux de tissu, les rayons du soleil sur le sol, se demandant comment diable il avait pu passer à côté de la salle-sur-demande aussi longtemps. Toutes ses angoisses retenues dans l’impersonnalité du dortoir, alors qu’il aurait pu se rendre ici, entre ces quatre murs réconfortants, à rêvasser loin de la magie et des dangers de Poudlard. Puis son regard retourna un peu spontanément sur son camarade allongé à ses côtés. S’apaiserait-il vraiment de la sorte s’il ne sentait pas son poids sur le matelas ? Après tout, même chez lui, dans le monde réel, l’anxiété ne le quittait pas. Une petite boule de nerf pressant son torse en permanence, lui rappelant combien il n’avait sa place nulle part, combien il n’était pas à son aise dans son propre corps. Cette quiétude, parenthèse dans un quotidien sans dessus dessous, venait-elle alors vraiment de la réplique d’une chambre moldue, ou des yeux du Serdaigle dans les siens ? Sans avoir de réponse, le Poufsouffle se lança dans le récit de son roman préféré, aussi heureux de pouvoir partager ce conte à quelqu’un d’attentif qu’enthousiaste de profiter encore de quelques instants de ce cadre. Il ne suspendit l’histoire qu’à sa conclusion, soucieux de ne pas dévoiler tous les secrets dont il laisserait le plaisir à Sidney, réalisant presque aussitôt que les secondes s’étaient enroulées en minutes, les minutes par paire. Il avait bien trop parlé, ce qui ne lui ressemblait guère, ce qui renvoyait une mauvaise image. Si Sidney ne l’avait pas déjà fiché comme un pédant, il venait certainement de le catégoriser comme un prétentieux qui aimait s’écouter parler dans le vide... Alors, plutôt que de forcer à nouveau sa présence déjà bien trop écrasante pour la légèreté du jeune homme, Charles décida de lui offrir son départ. « Non, je... Je veux pas. » Simple politesse de sa part, sans doute, à en juger la rougeur soudaine de ses joues. Le Poufsouffle se redressa donc, quand son camarade reprit la parole, un peu plus assuré, précisant de fait qu’il avait quelques difficultés en astronomie. Mieux, il lui proposa de rester de lui-même, ce qui rassura le garçon - la politesse était de décliner sa proposition de partir, l’envie était de lui offrir franchement de rester. Il se demanda s’il était encore temps de se rallonger, afin de reprendre le confort de sa position précédente, avant de conclure qu’il serait plus que gauche de reprendre ses aises alors même qu’il venait de briser le fragile confort qu’ils avaient bâti.
Aussi demeura-t-il à nouveau assis, le dos droit, désireux de s’installer comme avant, mais contraint de faire preuve de plus de retenue. Il ne sut plus quoi inventer pour lancer une nouvelle discussion, à cheval entre sa sympathie et sa gêne, quand son regard trouva une bouée de secours. Les devoirs qu’il avait pointés du doigt quelques instants auparavant. « Moi, j’aime bien l’astronomie » fit-il alors en désignant d’un coup de menton les ouvrages entre eux. « Du coup, si tu veux, enfin, vraiment, si ça te dit, je pourrais t’aider. » Ça, il saurait gérer. Une conversation intime, des détours rêveurs, c’était dans l’immédiat au-dessus de ses moyens. Il ne pouvait pas replonger de la sorte dans une complicité encore toute fraîche. En revanche, sauter à pied joint dans un travail scolaire était amplement à sa portée. Sans attendre la réponse de son camarade, il attrapa l’ouvrage qu’il venait de refermer pour le feuilleter en lisant sommairement quelques chapitres avant de retrouver l’exercice en cours, où l’attendait une feuille de parchemin égratignée de quelques calculs à l’encre. « Oh, je me souviens de ces formules. » Il suivit des yeux le raisonnement de son camarade, y relevant quelques incohérences, mais une franche détermination à trouver le résultat. Un sourire souleva ses oreilles. Ces notes étaient à l’image de sa chambre : personnelles, hésitantes, inventives. « Ça te va alors, si on fait ça ensemble ? C’est tranquille ici, parfait pour étudier » ajouta-t-il en croisant le regard de son camarade. Il avait certainement dû comprendre qu’il s’était contenté de trouver une excuse pour rester un peu plus, mais dans le fond, il s’en fichait bien, désormais. Sidney semblait content de l’avoir à côté de lui, et lui-même se satisfaisait de cette entrevue. Il aurait fait tous ses devoirs du monde pourvu qu’il lui accorde la chance de rester un peu plus longtemps dans leur havre de paix… Même si en réalité, il lui suffit de conclure ces exercices d’astronomie qui accaparèrent leur temps encore une petite heure jusqu’à ce qu’il leur devienne nécessaire de quitter les lieux. A noter que leur au revoir fut aussi maladroit que le reste de leurs échanges - un signe de la main, un chuchotement honteux. Mais au moins leur rencontre se conclut-elle d’une autre façon que par une fuite au milieu de la cohue.
HRP:
Désolée de la conclusion sur une ligne, j'ai débordé sur mon temps de pause et fallait brusquer un peu mon inspiration. J'espère que ça te va comme fin, auquel cas on peut le clôturer !