- « Ça s’appelle un sort de tempête, tu vois ? C’est avec ça qu’on tue les dragons, tu leurs lances ça dans la gueule et ils ne peuvent plus cracher le feu, ça les rend complètement docile, tu peux mêmes les caresser. »

- « T’as déjà caressé un dragon ?! »

Le petit serdaigle en avait des étoiles dans les yeux. Blaze faisait tourner d'un geste de la baguette un petit tourbillon d'eau au dessus de la table. A peine de quoi remplir un verre de cantine, mais largement assez pour impressionner des débutants en sorcellerie.

- « Une fois oui, dangereux ça, le faites pas sans un sorcier expérimenté pour vous aider, mais si vous connaissez les bons sortilèges, c’est pas si difficile, ça demande juste de la technique et du travail. »

Le nouveau statut de préfet de Blaze avait l’intérêt – il l’avait très vite compris – d’attirer l’attention sur lui, en particulier celle des première années très demandeurs d’anecdotes et d’informations sur Poudlard et le déroulé des cours. Bien sûr quitte à choisir Blaze préférait briller pour des gens de son âge mais de temps en temps se faire mousser devant une nuée de gamin tout en donnant l’impression d’être le super préfet cool n’était pas désagréable.

Il allait renchérir sur cette histoire de dragon – depuis qu’il en avait approché l’été dernier à Durmstrang il était intarissable sur le sujet – quand une présence familière s’imposa dans la conversation et envoya balader la marmaille. Le tourbillon d'eau retourna gentiment se loger dans le verre du Serdaigle.

Daisy Miller. Une fille de sa classe, justement. Le genre un peu fantasque, sympa mais faut la suivre et qui a tendance à vite prendre la lumière. Ça devait sans doute expliquer le peu de relations que les deux jeunes gens avaient entretenues malgré six années passées ensemble. La maison bleue et argent était sans doute un peu étroite pour eux deux. Blaze avait son propre cercle d’ami chez les aiglons, trainait avec les Brown jusqu’à leur départ, avec les membres de l’équipe de quidditch ou un peu avec Judith Sorensen et Dmitri van Aken, même si ça les gens n’étaient pas obligés de le savoir. Quant aux fréquentations de Daisy… il s’en foutait un peu. Quelque chose de son fond égocentrique l’avait fait se désintéresser relativement de la jeune fille, s’en tenant aux taquineries et compétitions larvées bien naturelles entre personnes d’une même promotion.

- « Salut Daisy. » lança-t-il d’un ton morne.

Il était un peu agacé qu’elle se permette de disperser son auditoire comme une volée de moineaux mais puisqu’elle l’avait qualifié de « préfet adoré » même ironiquement, il était prêt à lui pardonner cet écart.

- « On est surtout là pour les aider à s’intégrer et se sentir bien. » répondit-il avec beaucoup d’hypocrisie. « Mais c’est vrai que c’est pratique d’en avoir un sous la main pour faire les exercices de métamorphose. Tu veux quoi ? »

Elle était venue s’asseoir sur la table en face de lui, les pieds sur le banc et un genoux vaguement baladeur – hasard ou pas – effleurant son bras. Daisy ne l’impressionnait pas. En fait, peu de gens y parvenaient, les angoisses et complexes de Blaze avaient été profondément enfouis sous un couche de déni et de confiance en lui, doublée d’un sentiment de toute puissance. Depuis qu’il avait gagné en âge, en maîtrise de la magie et même en responsabilité, le jeune homme se sentait de plus en plus en terrain conquis à Poudlard et il avait affronté bien plus terrifiant qu’une Daisy Miller au cours de ses aventures dans le château. N’empêche que ce genoux… bon, il n’avait pas seize ans pour rien.

- « Daisy. » lui rendit-il sur le même ton quand elle prononça son prénom.

La jeune fille avait beau midiner, il la fixait un peu en chien de faïence tout de même, pas dupe pour deux sous qu’elle n’était certainement pas venu ici pour le plaisir de sa conversation. Dommage d’ailleurs. Puisque dans la tête de Blaze tout ça pouvait à tout moment virer au combat de coq, mieux valait rester prudent.

Le jeune homme fixa la main tendue une seconde.

- « Si c’est mon sens de la répartie désolé je ne partage pas. » répondit-il avec un sourire.

Si Daisy pouvait jouer le charme, il n’était pas en reste sur ce terrain-là. Puis faisant mine de se désintéresser de la jeune fille, il embrassa du regard le reste de la grande salle avec flegme.

- « Mais tout se marchande, si tu y mets le prix. »

N’est-il pas curieux ? Si un peu. Vaguement. Ca vient tranquillement. D’ordinaire Blaze n’a aucun problème pour s’intéresser à tout, la chose la plus anodine devient soudain une grande aventure, métabolisée par le pouvoir de son imagination et son intolérance à l’ennui. N’empêche que la prudence veut qu’on ne s’extasie pas immédiatement dès la première once de mystère ou de bonne affaire. Réflexe de boutiquier et de charmeur, jouer l’indifférence, faire baisser les prix, se rendre désirable car inaccessible. La base. Et puis avec Daisy, on ne sait jamais très bien sur quel pied danser, mieux vaut la laisser avancer ses pièces, histoire d’y voir un peu plus clair.

- « Pourquoi demander puisque que tu vas me le dire ? »

Tout ça a pris très vite une allure de toucher-couler, petit ping pong verbal entre deux égos, l’objet dont il est question n’est rapidement devenu plus qu’un prétexte. Ce qui compte vraiment, c’est de préserver les apparences. Chacun joue sa partition, sa petite partie adolescente consistant à ne pas se mouiller, à causer l’air de pas y toucher. C’est qu’il ne faudrait pas donner prise, ça serait se compromettre, la réputation et le genre qu’on se donne sont une chose importante à cet âge.

Daisy remet une pièce dans la machine ; « quelque chose de primordial », qu’est-ce qui est primordial à leur âge ? Quelque chose qu’il aurait en sa possession ? Eh merde, la curiosité est suscitée, il s’est fait avoir.
Les phrases s’enchainent et tout à sa prudence, Blaze ne peut pas en placer une. Daisy mène la conversation de front. Et presque toute seule. Sur ce terrain, ils se ressemblent étrangement tous les deux, mais pour Blaze ce n’est pas vraiment motif à la trouver sympathique. Poudlard ne propose qu’une petite scène, bien trop étroite pour accueillir tout le monde. Il en veut à Maxwell Carter pour ça, aussi, le beau gosse avec ses abdos découpés, ses conquêtes et ses fêtes gigantesques. Ca doit être aussi pour ça que Blaze lui a foutu la misère, ces deux dernières années. Pas assez de place pour tout le monde, chaque nouveau Blaze Mansfield est un danger pour l’original, et peu importe que le jeune homme en soit conscient ou non, il le sait. Il le sent dans ses tripes.

Il est temps de reprendre le contrôle. Bien sûr que les filles peuvent entrer dans leurs dortoirs. Cameron Brown a suffisamment invité sa sœur dans le leur pour que Blaze soit parfaitement au courant. L’année dernière encore, c’était presque comme s’ils faisaient ménage à trois. Un équilibre qui convenait à Blaze : en laissant les jumeaux ensemble, au moins lui étaient-ils redevables.
La réciproque toutefois n’est pas vraie : une injustice que Blaze ne s’est jamais expliqué et qu’il juge franchement idiote.

- « Tu crois que je n’ai jamais invité de fille dans mon dortoir ? » répond-il sur le même ton qu’elle. « Enfin pour ça faudrait déjà que tu passes les pièges. »

La première partie de la réplique était géniale, la seconde fait franchement gamin. Il se maudit intérieurement. Blaze aimerait bien être un de ces gars ténébreux à la James Bond, films qu’il dévore pendant les vacances d’été avec sa sœur. James Bond a toujours la bonne réplique dans son sac, un idéal de masculinité sur lequel Blaze tente de se calquer. Malheureusement, entre la fiction et la réalité, il y a souvent un gouffre.

Daisy embraye sur un souvenir de la soirée bizutage. Cette simple évocation arrache une ombre de sourire à Blaze. Sa plus grande réussite – de son point de vue – depuis qu’il est à l’école. Rien que pour ça, ça valait le coup d’être préfet.

- « C’est vrai. » concède-t-il d’un hochement de tête. « Et là je déborde de joie à l’idée de te faire payer trèèèès cher ce truc primordial, tu vois ? »

Le ton est badin tant qu’il ne sait toujours pas à quoi s’en tenir. L’enjeu devient toutefois déjà plus concret quand Daisy propose de régler ça par un défi. Comment refuser un défi ? La garce l’a bien cerné sur ce coup-là ; et même si depuis quelques mois les farces de Blaze ont pris un tour un peu plus sérieux sous le règne de Sorensen, le garçon carbure encore bel et bien à cette énergie adolescente qui le fait se sentir vivant. Certain sont pétris d’espoir, il est pétri de risques.

L’œil soudain plus brillant, il écoute maintenant avec attention. Les défis, c’est important. On ne se défile pas, comme l’a si bien dit sa camarade, une fois donné son accord, c’est à la vie à la mort, au moins.

Tape sur l’épaule, effleurements, Blaze reconnait là toutes les notes de la partition qu’il a joué à Sidney quelques jours plus tôt. Jouer, c’est bien le mot, un ensemble de geste visant à prendre l’ascendant sur l’autre pour prouver qu’on est plus à l’aise que lui. Sauf que cette fois les rôles sont inversés et ça, ça l’agace. Il n’est pas Sidney et Daisy n’est pas Blaze. Quoiqu’elle puisse y ressembler assez furieusement parfois, c’est clair.
Sans parvenir à complètement effacer le traitre rosissement de ses joues à la mention du mot tabou « sexuel », il balaye le tout d’un mouvement de tête. On ne la lui fait pas à lui.

- « On a tous des limites différentes à la témérité, je comprends t’inquiète, c’est pas honteux. »

Paf.

Daisy est déjà sur le départ. Un coup d’œil pour les petits serdaigles un peu plus loin qui suivent du coin de l’œil un échange dont ils ont été exclus. Tant pis pour eux. Daisy est peut être agaçante mais elle sait hameçonner, il faut le lui reconnaitre.
Avec toute la nonchalance dont il est capable, Blaze lui emboîte le pas. Un coin de son cerveau travaille à se demander ce qu’il va réclamer une fois qu’il aura remporté la partie. Jusqu’ici il est resté vague « un service » ça veut tout et rien dire, mais à l’occasion ça pourrait se révéler utile. Au hasard, lorsque Sorensen entrera vraiment en action. Alors Blaze relèvera son armée de débiteurs pour trancher la tête de l’hydre. Enfin, quelque chose dans ce ton-là, quoi.

- « 24h de ma servitude contre 24h de la tienne… j’ai l’impression de me faire arnaquer un peu. »

Petite provocation avec le sourire, mais au fond il y croit un peu. Blaze Mansfield, eh, ce n’est pas rien, mais Daisy Miller, au fond, il n’est pas certain de savoir combien cela vaut.

- « Et en plus je devrais te filer l’objet… ? »

Il ne sait toujours pas ce que c’est d’ailleurs. Et pas question de l’interroger dessus, maintenant qu’il a affirmé que Daisy cracherait le morceau toute seule. Question de principe.

- « Je veux 72h. » dit-il d’un ton catégorique, pour voir jusqu’où Daisy est prête à pousser le pari et aussi parce que ça lui permet de faire monter les prix. Au pire on tranchera la poire en deux à 48 et il sera gagnant quand même. « C’est quoi le jeu ? »
 

Elle a eu raison de l’éviter jusqu’à présent, elle s’en rend compte dorénavant. L’instinct se trompe rarement. Blaze a de ses attitudes dangereuses qui vous rince et vous rend un peu trop limpide aux yeux des autres. Elle utilise les mêmes ressorts mais ça ne la protège pas plus que ça à vrai dire et encore moins maintenant. L’éloquence de l’adolescent s’insinue, l’audace paye et il fait preuve d’une roublardise qui force à le regarder pour de bon.

« Pourquoi demander puisque que tu vas me le dire ? » L’intrépide plaisante, l’intrépide attaque. Un bref instant, elle se dit qu’il ne lui donnera pas ce satanée livre, juste pour le plaisir de refuser. Mauvais plan, mauvais choix. Le problème avec Blaze c’est que son charme dépasse de bien loin son bon sens parfois. Elle plisse légèrement le regard quand il appuie sur le très d’un paiement éventuel, une moue capricieuse glissant malgré elle sur son visage. La chipie prend un autre virage. Il faut appâter et ça elle s’y connait. C’est délivrer qu’elle ne maitrise pas, l’idée de renoncer ou offrir quoi que ce soit lui étant parfaitement étrange. Ca ne prend pas toujours, pas vraiment, pas tout à fait, pas comme elle le voudrait. Elle enchaine et débite discours, promesses et défis avec conviction, la voix légère, un ravissement nuisible sur le bout de la langue. L’ascendant se fige pourtant dans l’écrin des paroles et elle réprime un hoquet de surprise à la réponse de Blaze à propos de sa supposée témérité. Goujat avec ça. L’insolence manque de la faire s’étouffer et elle se contente de lui opposer une mine hautaine, tour d’ivoire et crème glacée sur le bout du nez. Il ne serait pas au courant tout de même ? Non, bien sur que non. Personne ne croit Maxwell à l’exception de son crétin de meilleur ami, et ce dernier n’a que faire d’elle.

Bien.

Tandis qu’elle prend les devants, de désagréables souvenirs affluent. La vérité en ce qui concerne Maxwell, c’est qu’elle a paniqué. Complétement. Un peu de terreur sourde qu’elle a fondu en cruauté vengeresse. C’est une chose que de sentir sa peau frémir sous des tensions inédites, s’en est une autre que de percevoir la brèche d’un désir égal au sien s’accaparer de son corps sans que la volonté ne puisse plus rien y faire. Maxwell n’a eu que ce qu’il mérite au final, elle en est persuadée.
Parce qu’un nigaud n’a pas à lui faire perdre le contrôle de quoi que ce soit et encore moins d’elle-même. C’est aussi simple que ça.

Bien fait. Le leitmotiv scintille dans son esprit et elle relève la tête, l’échine en mât de cocagne devant le paysage écossais qui se déroule devant leurs yeux. Daisy inspire lentement, le vent impassible d’un hiver en devenir emplissant ses bronches. C’est l’un des rares endroits où elle se sent parfaitement à l’aise pour parler, loin des oreilles curieuses et des élèves comploteurs.

Ironique quand on sait qu’elle se tient devant le plus facétieux d’entre eux.
« Il est certain que tu ferais un bien meilleur elfe de maison que moi. » Répond-t-elle enfin. Et de rajouter dans un sourire plein de malice. « Je ne suis pas toujours très obéissante. » La jeune femme rajuste une mèche de cheveux derrière son oreille puis remonte un peu son écharpe sur son cou, l’oreille attentive aux babillages précieux de son préfet.

Blaze marchande et l’attrait revient. Le bon sens se refait la malle. N’est-il pas dingue d’exiger ce genre de choses ? Surtout qu’il y perdra dans tous les cas de figure a-t-elle envie de lui dire. Elle est loin de se douter qu’il pense exactement la même chose. « Je veux 72h. » Daisy sourit puis se met franchement à rire. « Tu es incroyable. » Elle fait mine de réfléchir, dodeline adorablement de la tête. Il lui faut une excuse, une parade, peu importe la teneur. « 72h c’est beaucoup trop. Il y aurait des rumeurs après sur le pourquoi et je ne tiens pas à être compromise. 24h est bien plus sage pour toi comme pour moi… mais puisque tu parles d’intrépidité, soit, mmm. Disons… 48 ? » A la manière d’une acrobate qui se propulse vers son trapèze, elle saisit au vol l’idée qu’il a soigneusement tapissé sous ses pieds sans même qu’elle ne s’en rende compte.

Définitivement un bon marchand.

« C’est quoi le jeu ? » Ah. Nous y voilà donc. Pendant une seconde, l’expression de ses traits accuse l’intérêt croissant qu’il lui inspire. Daisy ouvre la boucle de son sac pour y chercher un de ces stylos à la pointe gout cerise que l’on trouve à Pré-au-Lard puis un petit carnet aux feuilles détachables et légèrement collantes sur le rebord. « Tu connais le Qui-suis-je ? » Elle lève les yeux vers lui, secrètement curieuse déjà. « Nous allons chacun écrire le nom d’un professeur sur notre papier et le premier qui devine ce qu’a marqué l’autre l’emporte. » Les professeurs rétrécissaient le champ des possible à vrai dire. Si elle disait les élèves, ils étaient là jusqu’à demain matin et même si elle aurait aimé savoir quel nom Blaze se serait risqué à mettre en premier, elle le savait déjà bien trop rusé pour ne pas chercher celui – obscur – d’un premier année quelconque. « Jouons ici.» Là où il y a du vent, là où la tricherie est tout à fait permise. « Trois questions chacun pas plus. Sinon tu as perdu d’office. »

Oui. Elle lui offre un sourire mutin.

Qu’est-ce qu’il y a.

Spoiler:

Rapidement, ils abandonnent les feux de la grande salle pour le froid venteux du parc. Ici il y a moins de témoins et les paroles s’envolent, mais Blaze n’est pas du genre à resquiller. Après tout, s’il se mettait à ne pas respecter ses gages, quelle valeur auraient ses défis ? Et le jeune homme tient trop à l’excitation fébrile de ces petites mises à l’épreuve qui viennent trouer son ennuyeux quotidien pour risquer de leur faire perdre de leur saveur.

A la répartie de Daisy, il répond par un sourire entendu. Joli coup, pas besoin de surenchérir, le point est pour elle. Ce n’est pas désagréable ce genre de joutes orales, entre deux esprits vifs. Mais il faut prendre garde à ne pas se laisser griser, un mot de travers, un faux pas et la puérilité de l’exercice apparait au grand jour. C’est un jeu de dupe à somme positive : soit tout le monde gagne, ils passent un moment sympathiques et en ressortent confortés dans leur statut social respectif, soit tout le monde perd et alors il n’y a que gêne et malaise. Pas de demi-mesure.

Daisy avance à son rythme alors qu’ils négocient à présent la somme en jeu. Dans la tête de Blaze, les projets se sont concrétisés à la fraicheur du dehors. 72h, 48h, qu’importe, le jeune homme est friand de cobayes pour ses ambitions adolescentes. Sa soif de pouvoir est immense, ses limites n’ont toujours pas été trouvées. A part peut-être sous Blackman. Encore cette fichue ombre… Il la chasse de son esprit. De l’eau à coulé sous les ponts, il s’est amélioré depuis. Il va s’améliorer encore. Daisy peut l’y aider, il en est sûr. C’est peut-être un jeu pour elle, pour lui aussi, mais dans le fond, il le sait, il y a la guerre.

Il hoche la tête quand elle dit qu’il est incroyable. Elle en doutait ? Même s’il se méfie encore des roublardises, il ne peut pas lutter contre les compliments, c’est son point faible, à coup sûr ils le rendent plus docile, même si cela ne dure parfois qu’un instant.

- « Tu sais que je suis le garçon le plus sage de cette école. » répond-il avec ironie.

Ouais ! Pour le moment il s’en sort bien ! Les répliques viennent aisément, l’adversité le stimule.

- « 48h… à partir de quand je le voudrai. Ça pourra tomber n’importe quand, c’est d’accord. »

Il réprime le vieux réflexe de tendre sa main, paume ouverte, pour toper. Un peu gamin, heureusement le froid les garde enfoncés dans ses poches et le menton sous l’écharpe. On ne gèle pas, mais ce n’est pas la canicule non plus, tout ce qu’il espère c’est que Daisy ne va pas lui demander de faire un plongeon dans le lac. Oh, il le ferait, sans doute, mais d’expérience ce n’est pas l’épreuve la plus agréable qui soit.

Heureusement, la jeune fille s’immobilise non loin de l’école. Le sac sur l’épaule, elle en sort un carnet et un stylo couleur rouge. « Qui suis-je ? » le nom est passe partout alors il hoche la tête pendant qu’elle réexplique les règles. Ok, facile, il voit clairement comment les choses vont tourner, c’est le jeu du post-it, quoi.

Daisy désigne un carré d’herbe. Il fait froid, mais elle n’est pas humide. Ils s’y installent. Les règles sont simples, élémentaires, mais pas assez pour l’endormir complètement. Trois question sinon il perd d’office. Lui. Pas elle.

Il plisse les yeux, vaguement amusé par la roublardise évidente du procédé.

- « Les arnaques c’est un peu ta marque de fabrique, non ? »

La question n’est pas là. La question est : va-t-il accepter ? C’est-à-dire que le jeu est déséquilibré, oui, mais c’est aussi le principe d’un défi. Chiche de monter en haut de l’arbre, ce ne sont pas les deux qui y montent, la plupart du temps seul un s’y colle. S’il y arrive, il a gagné. Sinon, non. Là, c’est pareil. On ne joue pas à un jeu de société, l’enjeu est de deviner un nom en trois questions.

Plusieurs choses se passent en même temps dans la tête de Blaze. D’un côté, ses réflexes boutiquiers lui font calculer ses chances de succès. Il y a au total une dizaine d’enseignants à Poudlard, s’il divise ce nombre par deux à chaque question il peut réduire les possibilité à une chance sur deux voire trouver au troisième coup. Ça se tente.
L’autre partie de son cerveau, la plus forte, se fiche bien de ces calculs. Daisy a bien mené sa barque, elle a tiré sur tous les bons leviers. Provocation, joute verbale assortie d’un peu de charme mutin venant à peine effleurer la possibilité d’un émoi. Impossible de lutter. Il est prêt à négocier tout : le prix, les enjeux, mais le défi, non. Il va la battre, avec ses propres règles. C’est aussi ça, être l’élève le plus malin de l’école.

- « J’accepte. » dit-il sobrement, une ombre de sourire sur le visage, contenance trahie par le flamboiement curieux de ses prunelles. « Mais je commence. »

Puisque le premier à trouver gagne, il a tout intérêt à avoir l’initiative des questions. C’est mathématique.

D’un geste assuré, il récupère le morceau de papier que lui tend Daisy, et le stylo aussi. Un frémissement prudent – ou paranoïaque – y a-t-il un enchantement sur ce-dernier ? Quelque chose qui le trahirait ? Il n’a pas le temps de se poser cinquante question, il finit par accepter le stylo. Tant pis, si c’est une arnaque, elle est bien menée et il ne veut pas passer pour quelqu’un qui prend tout ça trop au sérieux. Mais il prend tout ça très au sérieux.

Alors que la mine s’approche de la feuille, son esprit tourne à tout allure. Il se repasse dans sa tête le nom des enseignants de l’école. Le choix est cornélien. En choisir un trop passe-partout et c’est l’assurance d’attirer l’attention. En choisir un trop particulier et le voilà démasqué en quelques questions.

Si tu ne veux pas te spoiler...:

En prenant soin que ni son écriture ni la longueur de son texte ne le trahissent, il inscrit un nom sur le papier, le plie en quatre bien serré, le tend à la jeune fille, attendant le sien.

- « Première question : est-ce que c’est une femme ? »

Ils s’installent sur un tapis d’herbe givré et elle attend qu’il termine avant d’inscrire à son tour en quelques boucles le nom choisi. Elle hésite mais ne le montre pas, le trait assuré, le pliage définitif avant de lui tendre à son tour. Ce qui compte c’est toujours l’aplomb et le sang-froid. Elle sait bien qu’à force de faire semblant, le mensonge se teinte de vérité.

« Première question : est-ce que c’est une femme ? »

La brune secoue son visage de gauche à droite, tâche de rester neutre, les joues tout de même rose d’un vent léger. « Non. » Le papier tourne entre ses doigts délicats. Quel professeur aurait pu mettre Blaze ? Le jeune homme peut être opaque, impossible à déchiffrer. Daisy papillonne avec lenteur, marivaude avec patience, l’ivoire venant racler la pulpe des lèvres. Un de ses professeurs favoris ? Il est toujours bon en cours, un peu trop à son goût d’ailleurs. A-t-il des préférences seulement ? C’est le souci, elle ne connait pas vraiment les goûts de son préfet, même si elle suppose qu’il flirte volontiers avec l’insurrectionnel et le danger. Il n’y a qu’à voir ses fréquentations qu’elle juge peu conforme. Le nez se fronce et elle finit par se lancer. « Les cheveux blonds ou bruns ? » Il n’y a pas beaucoup de roux dans cette école et encore moins dans le corps professoral.

Elle tâche de se souvenir de tout les professeurs de Poudlard. Elle a éliminé plusieurs cours de son cursus notamment les potions et la botanique et se souvient à peine de ceux qui les enseigne. Après ses ASPICS, l'un et l’autre lui ont semblés à priori moins indispensable. Les plantes et les potions sont des choses que l’on peut acheter, se procurer, marchander. On ne peut pas le faire avec les sortilèges et encore moins avec la métamorphose.

Daisy offre un petit sourire sage à Blaze, attendant sa réponse. Elle a milles questions à lui poser en vérité maintenant qu'il se tient devant elle mais chaque chose en son temps.

Et puis, elle pourra le faire quand il sera à son service, non ?

Pareil:

Le jeu commence et tout disparait. Même les enjeux. Il n’y a plus que la gagne, la concentration intense qui fait que Blaze mobilise soudain toute son énergie dans un seul et unique but : la victoire. Merlin que ça fait du bien !

Pas une femme, soit. Dans sa tête, la petite liste des enseignants s’actualise. Hunt, Tyrell, Aylmer, Alexander, van Aken. Il hocha la tête. Cinq candidats, malheureusement c’est un chiffre impaire, impossible à couper en deux. S’il divise bien, il n’aura plus que deux noms sur sa liste et la dernière question lui offrira la victoire. Sinon, il faudra ruser. En attendant, c’est à Daisy de poser sa question.

Bond ou brun les cheveux ? La question le surprend, pas si facile de s’en souvenir comme ça, mais avouer qu’il ne sait pas reviendrait à se trahir. Blond, c’est blond. Blaze balaye toute émotion de son visage.

- « Blond. »

Un instant, un instant seulement il hésite à feindre de laisser échapper un « blonde », pour induire Daisy en erreur. Mais c’est grossier, et sa camarade n’est pas si bête. Au mieux elle choisira d’ignorer l’information, au pire elle se foutra de sa gueule. Restons sur quelque chose de plus sage, d’ailleurs c’est à lui de poser la question suivante.

Des critères, il y en a des tas. Il pourrait demander si le nom commence par un A – quoique ce serait un coup à ambiguïtés si Daisy a choisi van Aken – mieux vaut choisir une autre lettre.

- « Est-ce qu’il y a un L dans son nom de famille ? »

Si c’est Hunt ou van Aken, il aura gagné au prochain tour. Une question suffira à départager le vrai du faux. S’il n’est pas de ce lot-là, en revanche, la dernière question sera décisive. Il faudra réussir à en éliminer deux d’un coup.

Blond. Bien. Il reste donc…

Daisy prend le temps de compter sur ses doigts., les noms fantomatiques sur ses lèvres roses. L’infirmière, Thornstein, Cooper et Hatwell. Elle observe Blaze comme si le nom victorieux était inscrit sur son visage. L'infirmière serait probable. Il y a tout un tas de crétins qui font la queue avec des pseudos bobos de rien du tout juste pour qu'elle leur tartine d'un peu d'onguent sur la peau. Consternant.
Une pointe de jalousie plus tard et elle change la liste qu'elle s'est crée dans son esprit. Thornstein est tout aussi possible: elle terrorise outrageusement son petit monde après tout. Quand à madame Hatwell, elle est directrice de leur maison. Cooper, elle ne sait même plus ce qu'elle enseigne ce qui rendrait son choix positivement fourbe.

Comme tout un chacun sait, Fourbe est le second prénom de Blaze.

Inutile de demander s’il s’agit d’un homme ou d’une femme en tout cas. Aucun professeur masculin n’est blond dans cet établissement. Sauf peut-être Van Aken mais gris ça ne compte pas.
Le préfet ne lui laisse pas le temps de réfléchir plus longtemps et elle a un petit mouvement d’humeur, la langue qui claque sur le palais comme une reprise à l’ordre qu’elle voudrait effective de suite. Peine perdue. Blaze n’obéit jamais ou seulement quand ça l’arrange. « Est-ce qu’il y a un L dans son nom de famille ? » Oh. La question est si pertinente qu’elle a bien envie de lui jeter un truc à la figure tout à coup. « Oui. » Fit-elle d'un ton mécontent, une moue clairement dédaigneuse sur le museau.

Un peu de diversion ne serait pas de trop. « Tes cheveux bouclent un peu, tu sais ? J’aime beaucoup. » Elle a un sourire qu’elle espère doucereux, cherchant en vérité in petto à savoir ce qui pourrait départager l’infirmière, la prof de défense contre les forces du mal, celle d’arithmancie et leur directrice. « Tu mets des bigoudis ? » demande-t-elle, un peu absente. Elle veut avoir le temps de penser à la question parfaite et possiblement qu’il ne pense plus à rien d’autre que les potentiels bigoudis sur sa tête. « Ah ! Je sais ! Est-ce que tu as cours avec elle ? » Elle fronce son nez. « Et ne ment pas ! » Elle aurait dû demander si elle avait cours avec. Elle pense partager la plupart de ses classes avec le jeune homme mais n'en est pas certaine. Il a quoi comme autre cours déjà ? Oh...

@Blaze H. Mansfield

Comme face à un joueuse d’échec, Blaze sent la concentration de Daisy. Assis l’un devant l’autre, les mots doux se font plus rares désormais, chacun semble s’adonner à la seule activité qui compte vraiment : la gagne. Elle dissipera tout le reste, on peut jouer au plus malin mais cela ne vaut rien si c’est pour se taper une défaite ensuite, celui qui remportera la victoire pourra afficher la modestie ironique des vainqueurs, son adversaire jouera sur l’autodérision, feindra que cela ne l’affecte pas. Mais tous deux sauront qu’au fond, l’un a été meilleur que l’autre et vient d’en offrir la preuve. Il y aura certainement des revanches, mais pour aujourd’hui c’est comme ça.

Un L, bien. Il hoche la tête silencieusement, reprend le fil de son calcul, où en était-il déjà ? Tyrell, Aylmer, Alexander, Tyrell, Aylmer la voix de Daisy le perturbe plus qu’il ne voudrait l’avouer, ce n’est pas simple de sauver les apparences, se la jouer mastermind tout en cogitant intensément. Tyrell, Aylmer, Alexander, merde, il faut trouver un moyen d’en éliminer deux d’un coup. C’est vrai que Blaze a toujours bien aimé ses cheveux, ils lui permettent d’afficher des petites coupes soignées l’air de rien, avec un brin de négligence quand une mèche ou deux se rebiffent. Un instant, un bref instant il jette un regard noir à Daisy avant de se reprendre et de lui sourire.

- « C’est la marque des esprits agiles je crois, ça fait des boucles. »

D’un geste mental il balaie la discussion de ses pensées. Que dire des cheveux plats, alors ? Plat comme un manque d’imagination. Tyrell, Aylmer, Alexander. Il faudrait pouvoir poser deux questions en une et soudain Daisy lui offre la clef. Cours avec elle. Avec ELLE. Comme le regard noir, la fugacité d’un sourire puis plus rien. Blaze sait qu’il a gagné. Les cheveux, c’était une mauvaise piste pour Daisy et maintenant la pauvre va s’enliser dans un bourbier. En plus, cela permet à Blaze de jouer sur les mots.

Il fixe la jeune fille avec toute la neutralité du monde, secoue la tête.

- « Non je n’ai pas cours avec elle. »

Légèrement, parce qu’il est pétri d’arrogance, Blaze ne peut s’empêcher d’appuyer imperceptiblement sur le dernier mot, comme pour souligner le nœud du problème. Quelqu’un d’un peu plus sage ne l’aurait pas fait, mais comme bien souvent avec lui c’est le corps qui parle plus que l’esprit et sa langue n’en fait qu’à sa tête. Non il n’a pas cours avec elle. Avec lui, peut-être, mais avec elle, non.

Maintenant que Daisy a perdu, reste à gagner. Tyrell, Aylmer, Alexander. Merde. Il ne peut tout de même pas réfléchir pendant dix minutes, il lui faut une question, et vite. Il pourrait demander s’il y a un y mais dans ce cas-là comment distinguer Aylmer et Tyrell ? Ou s’il y a deux l mais comment trancher entre Alexander et Aylmer ? C’est toujours un coup de chance, pour finir.
Un instant il hésite à demander le nombre de a dans son nom. Ça règlerait la question, c’est certain, mais il sent bien que ce n’est pas l’esprit du jeu, sinon autant demander la réponse tout de suite.
Il pose son regard sur elle. Tant pis, il faut se lancer.

- « Est-ce que je suis meilleur que toi dans sa matière ? »

Si elle répond oui, alors c’est Tyrell. En sortilège, la chose est plus complexe, les deux se défendent et si c’est un non, alors c’est l’étude des moldus, un cours que seule Daisy a.
Tout le cœur de la stratégie est là. Si elle pensait être la seule à pouvoir essayer de le perturber, elle se mettait le doigt dans l’œil. Blaze n’est peut-être pas un très grand joueur d’échec, finalement, ni un grand stratège mais le bluff il connait et il compte bien déduire de la réaction de Daisy le nom de leur enseignant. Si elle hésite, alors c’est sortilège. Sinon, c’est métamorphose ou moldu. Et ce sera échec et mat. Ou échec et math, en l’occurrence.

… sans compter le plaisir d’entendre la jeune fille concéder qu’il la surpasse.

Le souci avec Blaze, c’est qu’on ne s’ennuie jamais avec lui. Daisy a pratiquement oublié le livre qu’elle est venu chercher à la base, toute entière au jeu et à ses traits d’esprits. « Très scientifique tout ça. » Elle réprime un sourire à sa réponse en lui lançant un regard amusé avant de revenir à sa réflexion. Quatre noms et une question à poser pour les départager et il sait maintenant qu’il y a du L et il va donc forcément trouver. Daisy se mordille les ongles, la mauvaise habitude impossible à quitter. Il est hors de question d’être au service d’un jeune homme comme Blaze même une heure.

Quelqu’un d’autre n’aurait pas posé de souci mais Blaze était intelligent.

« Non je n’ai pas cours avec elle. » Elle le regarde sans comprendre de suite, devinant seulement qu’il a laissé échapper quelque chose, un peu comme devant ses camelots itinérants qui vous demande de chercher la dame alors que vous ne la quittez pas des yeux et vous savez qu’elle est là mais pouf !

Pouf !

« Comment ça tu n’as pas cours avec elle ? » Gray, donc ? Personne n’a cours avec elle en effet. C’est un piège ? Elle se hisse sur ses genoux et se rassoit, fesses sur les talons. Ou alors… c’est un prof ? Il y en a des blonds ? Elle ne regarde réellement que le professeur Aylmer. Blaze ne tricherait pas hein ? Bien sûr qu’il tricherait, voyons ! Il lui semble maintenant qu’elle se trompe. L’infirmière ou un monsieur. Un monsieur… mais il n’y avait pas de blond. Si ? Sorensen avait les cheveux un peu clair mais à part la dictature courtoise il n’enseignait fichtrement rien. Le professeur Tyrell ? Lui, il a une moustache mais elle n’avait même pas pensé à lui parce que… Quelle idiote ! Ce serait franchement drôle pour le coup. Drôle peut-être mais ça ne l’avançait pas. Gray, Sorensen ou Tyrell ? Réfléchis, réfléchis… Il fallait écarter Sorensen. On avait dit le personnel de l’école, pas son bourreau.

Daisy frousse ses lèvres et l’écho animé de la voix de Blaze lui parvient. « Est-ce que je suis meilleur que toi dans sa matière ? » Le visage s’allonge dangereusement et la brune cille avant de défaire son écharpe en un éclair et de s’en servir comme fouet. « TEMPORAIREMENT » Ca ne fait pas mal parce que c’est du tricot mais c’est bien fait. Elle le dépassera rapidement, oui. D’abord. Incroyable ce genre de questions pernicieuses.
Et puisqu’il veut jouer, elle répète de façon quelque peu exagéré : « Est-ce que je suis meilleur que toi dans sa matière ? » Gnagnagna. « Ce n’est pas ma question, je dis ça pour me moquer de toi. » Daisy ramène une mèche entre ses doigts qu’elle enroule distraitement. « Je sais, est-ce que la personne a une moustache ? » Jane Gray n’en avait définitivement pas elle. La réponse serait donc éliminatoire.

@Blaze H. Mansfield

Le marais semble se refermer sur Daisy alors que Blaze est sûr de sa stratégie. Questions après questions, il élimine les candidats, comme un jeu de qui est-ce ?. Six ans qu’il lance et relève des défis, allant du plus débile au plus retord, son esprit a grandi baigné dans les énigmes et carbure à la motivation d’écraser les autres et de leur prouver que c’est lui, le plus malin. Quand elle répète simplement sa réponse, il lui offre un sourire d’ange, sirotant son incompréhension comme un vrai nectar.

Mais il n’a pas le temps de s’attarder sur les réactions de Daisy : maintenant c’est à lui de poser sa dernière question et elle est cruciale. S’il se débrouille bien, il pourrait parvenir à éliminer le hasard de l’équation, si par contre il sort une question à la con, leur défi sera réduit à un coup du sort. Les secondes passent comme des coups de butoir, si c’est un jeu d’apparence il doit donner l’impression d’être capable de réfléchir vite. C’est le cas, mais Blaze ne peut pas aller plus vite que la musique et alors que face à lui Daisy exprime les tout premiers signes d’impatience il se lance.

La réaction en face ne se fait pas attendre. La jeune fille semble outrée et sous ses yeux défait son écharpe pour le fouetter avec. Celui lui tire un éclat de rire, autant de surprise que du plaisir de l’avoir vexée. Il se protège vaguement avec la main, le danger n’est pas bien grand.

- « Eh ! » feint-il de s’indigner. « Interdit de chopper des infos par la violence ! »

Daisy l’imite, enfin, le singe, il souffle du nez, la perspective de la victoire le met de bonne humeur. Dans sa tête les choses s’alignent, il reprend la logique depuis le début. C'est un homme, ce qui élimine la moitié des candidats possible, il y a un « l » dans son prénom, ce qui ne laisse que trois choix possible, et Blaze est meilleur dans sa matière que Daisy, cela exclue le professeur d’étude des moldus, Alexander. Reste Aylmer et Tyrell. Pour Tyrell, c’est très clair : Blaze est le meilleur de sa classe, ça ne fait aucun doute et il en tire une certaine fierté. En sortilège, il se défend aussi, c’est là que le bat blesse, il reste un léger doute. Léger.

- « J’avais compris ouais. »

Goguenard. Daisy pose à son tour sa dernière question et Blaze retrouve son sérieux. Il a gagné, oui, mais cette histoire de moustache, ça prouve qu’il a pris des risques. Si son adversaire était vraiment persuadée d’avoir affaire à une fille, elle ne s’aventurerait pas sur de tels chemins, et la moustache incrimine clairement Tyrell, mais Tyrell ce n’est pas possible ou alors.

… ce serait un peu marrant.

- « Oui. » répond-il simplement. De mémoire, il n’y a qu’un seul enseignant qui porte la moustache, mais c’est trop tard.

- « Est-ce que c’est Tyrell ? »

Il y a très, très longtemps, un alchimiste nommé Paracelse a dit : "Toutes les substances sont des poisons, il n'y en a aucune qui ne soit pas un poison. C'est la dose qui distingue un poison d'un remède."

Un peu plus de cinq cent ans plus tard – ou quelque chose comme ça – Daisy et Blaze venaient au monde.

Comme quoi.

***

« Est-ce que c’est « Tyrell » ?! » Ils le disent en même temps, les voyelles en équilibre entre leurs lèvres, l’emballement distinct chez Daisy, l’assurance ambitieuse chez Blaze. La brunette cille, surprise et ce, quand bien même elle commençait à fortement se douter qu’ils avaient choisit exactement le même nom. « Incroyable. » Pour un peu, elle pense à une esbrouffe, une erreur. Elle vient chercher les papiers pliés sur eux-mêmes et les dépose entre eux, bien ouvert, l'écriture en guillotine sèche. Tyrell - Tyrell. « Eh bien. » Elle lève ses iris couleur noisette sur le visage du jeune homme. Il y a un fou rire qui lui dégringole silencieusement le long de la poitrine, un contrecoup de l’emballement. Il y a aussi autre chose.

Elle ne peut pas le laisser gagner. Alors, elle sourit, rit même un peu pour de bon. « Je l’ai dit avant toi. » Elle dodeline joyeusement de la tête, comme s’il s’agissait là d’une évidence. Elle en est persuadée de toute manière. Il lui semble bien à elle qu’elle a dit la première syllabe une seconde avant lui... une demi-seconde ? Amplement suffisant.
Quand, elle se relève, elle vient tapoter le genou de son préfet du bout rond de sa mary-jane vernis. « Tu concèdes ? » L’ivoire étincèle. Le cœur se barde d’une adrénaline en tambour souterrain. Il y a quelques brins d’herbe glacée parsemant sa jupe dont elle ne s’occupe pas pour l’instant. « Et puis il fallait juste dire le nom, pas poser une autre question alors… » Elle espère que ce sera suffisant. Il le faut bien et Daisy hausse les épaules mignonnement. Il ne peut que concéder, n’est-ce pas ? Il met toujours un tel point d’honneur à se montrer aventureux jusqu’aux bords des précipices qu’un jour où l’autre le petit glissement était inévitable. Qu’est-ce qu’elle va lui faire faire ? Les idées s’entrechoquent et s’entremêlent. Blaze n’est pas vraiment un verre de soda, plus type champagne. Autant le garder pour les grandes occasions. « Ne sois pas si inquiet, ça va me vexer. Je suis un ange. » De quoi le pétrifier un peu d’effroi et à voir la façon dont il la dévisage, Daisy est à peu près certaine qu’elle ne constitue pas vraiment sa personne préférée du moment. Un petit rire lui échappe. Il est joli quand il bourdonne d’exaspération. Elle s’en amuse un peu. Juste un peu.
Bon d’accord : beaucoup. « Après, tu voudras rester de toi-même sous mes ordres, tu verras. Tu ne pourras plus te passer de moi. » Elle exagère mais c'est trop tentant. « On se voit plus tard ? » Elle pourrait en chanter de joie tiens. Tant et si bien qu’elle en oublie le pourquoi initiale de sa venue d’ailleurs : le livre. De métamorphose. Justement.

Bravo.

@Blaze H. Mansfield

Daisy vient de poser sa dernière question et la partie est terminée, les jeux sont faits et c’est lui qui a gagné au bout du compte. Encore une fois. Il ne sait pas pourquoi il s’est pris la tête avec cette fille, finalement elle est comme toutes les autres, elles jouent, elles perdent, elles ne sont pas nombreuses à avoir la trempe de Skyler. Ou de Judith, peut-être. Ne reste maintenant plus qu’à avoir le triomphe modeste, histoire de tourner le couteau dans la plaie.

Il parle. Elle parle, et le nom sort en même temps. Comme prévu. A croire qu’ils étaient bel et bien sur la même longueur d’onde au bout du compte, reste que le talent les a départagé. Emporté par le plaisir intime du triomphe, les pensées de Blaze se gonflent d’orgueil alors que son visage se pare d’un sourire discret.

- « Ouais. » se contente-il de proférer lorsqu’elle commente la coïncidence.

Peut-être pas si incroyable que ça au bout du compte, Blaze s’est toujours dit qu’il y a quelque chose de familier chez cette fille, un peu copycat. Mais l’original vaut toujours mieux que la copie, Daisy doit s’en rendre compte, non ? Déjà, elle récupère les papiers pour vérifier, lui ne peut s’empêcher de jeter un coup d’œil aussi. C’est bel et bien le nom du professeur de métamorphose qui est tracé sur les deux, chacun d’une écriture différente, mais avec le même stylo.

Mais quelque chose l'ennuie. Daisy devrait être morose. Si elle est bel et bien une sorte de reflet, comme il le suppose, alors elle ne devrait pas supporter la défaite. Blaze sait se montrer beau joueur lorsqu'il perd, ça ne l’empêche pas d’avoir l’échec coincé dans la gorge et la rancune tenace. Pourtant Daisy semble bien s’amuser, c’est… troublant. Déjà son propre sourire s’atténue un peu. Rien qu’un peu. Rien qu’un tout petit peu.

« Je l’ai dit avant toi. »

Il manque de s’étrangler.

- « Quoi ? »

Pure indignation devant tant de malhonnêteté. Les masques tombent, ou s’inversent plutôt, l’espace d’un instant c’est la jeune fille qui triomphe et lui qui s’agace. Comment ose-t-elle lui voler sa victoire ? Il l’a mérité ! Il a été meilleurs. Alors qu’elle se relève, lui reste assis, pas question de bouger de là tant que l’affaire n’est pas réglée.

« Tu concèdes ? »

- « Tu rigoles ? » il répond de but en blanc.

Non mais pour qui elle se prend ? C’est tellement n’importe quoi qu’il en perd un peu sa répartie. Comment elle compte justifier un truc pareil d’abord ? Un fond de curiosité s’éveille et avec lui une machinerie intime et lointaine, le jeu reprend, il a l’instinct pour ces choses-là.

Au moins Daisy ne le déçoit-elle pas là-dessus, offrant son argument. Une question de trop. Blaze plisse les yeux. C’est… contestable. Mais pour ça il faudrait se lancer dans une bataille sémantique, pinailler sur les mots, sur le « beau jeu », sur l’esprit du défi. Quel est-il cet esprit d’ailleurs ? Son humeur se partage en agacement et intérêt. Mais surtout l’agacement quand même.

Il va pour répondre, elle remet une pièce dans la machine. Ses yeux se plissent encore plus, le regard est noir, et légèrement brillant. On ne va pas se mentir, que Daisy joue la carte du charme pèse dans la balance. Il aurait déjà envoyé balader un mec depuis longtemps. Ses sentiments sont mitigés mais à la regarder elle l’exaspère, avec ses petites moues et ses rires légers. Elle croit qu’elle trompe quelqu’un ? Sûrement pas lui.

- « Je ne suis pas inquiet. » C'est lui qui se vexe. Faudrait pas qu’il se laisse trop marcher sur les pieds non plus. « Les anges ne trichent pas de manière aussi grossière. »

Il veut lui montrer son mépris, lui saler un peu sa victoire, parce que oui, d’une certaine manière, il concède. Moins par honnêteté vis-à-vis des règles qu'à cause de ce soupçon de curiosité qui le chatouille. Blaze ne peut pas résister à quelque chose de nouveau et ça… ça pourrait bien l’être. Un aventurier ne recule jamais devant l’imprévu.

Lorsqu’elle lui répond qu’il pourrait bien finir par aimer ça, il lui répond par une grimace. D’une certaine manière, il n’attend que ça. Quelque chose de stimulant, qui balaie un peu cet infernal ennuie qui le menace toujours, ce besoin jamais assouvi de se surpasser, de résoudre, d’explorer.

- « T’as intérêt à être à la hauteur. »

Lui aussi peut poser ses conditions, et rien ne lui casserait plus les couilles que de découvrir qu’il a concédé une victoire pour rien.

Et sur ce, ils se plantent là mutuellement.