Quand c’est trop, c’est trop

En entendant le discours du professeur Sorensen, que cela lui écorchait la bouche d’appeler professeur, Kath s’était doutée que les choses n’allaient pas aller pour le mieux, mais elle ne s’attendait tout-de-même pas à ça. Sa famille s’était toujours basée sur le statut quo. Suffisamment présente dans le monde des sangs-purs pour ne pas être taclés de traîtres à leur sang, ils démontraient néanmoins toute la bienveillance du monde envers les Moldus de leur terres. Pour autant, personne n’avait jamais été y regarder de trop près et les ennuyer avec leurs fréquentations, mais cela était sur le point de changer.

Plus exactement, à Poudlard même, cela avait déjà changé. Kathleen avait lu avec incrédulité le hibou de chantage d’Erin Sorensen. Non contente de les avoir massacrés de Cognards pendant les sélections, elle la mettait devant l’ultimatum de devoir prouver qu’elle suivait les préceptes du régime en place à Poudlard si elle voulait avoir le droit de faire du Quidditch. Mais cela signifiait rompre avec Aurore et Ombeline, ou alors faire punir un Né-Moldu, ou bien encore se montrer violente en paroles ou en gestes avec lui, ce qui horrifiait la tolérante et pacifiste Poufsouffle. Erin n’obtiendrait jamais ça d’elle, elle ne fonctionnait pas comme ça.

Alors, elle ne ferait pas de Quidditch, cette année, et c’était folle de rage, qu’elle avait couru au terrain de Quidditch, avec la batte qu’elle gardait dans son dortoir. Elle alla emprunter un jeu de balles à sort minime, destiné aux débutants et libéra un Cognard sous-ensorcelés. Elle avait juste besoin d’expurger sa rage. Elle jeta le Cognard en l’air et frappa de toutes ses forces, envoyant la balle loin devant elle, avant qu’elle ne revienne dans sa direction. Elle retapa de toutes ses forces, une fois, deux fois, trois fois, poussant des cris de rage, fusillant Sorensen dans sa tête.

« C’est… n’importe… quoi ! Ils auront même pas assez de joueurs ! Et ils vont tous finir par succomber à cette cinglée ! Et tout ça parce que je suis amie avec des Nés-Moldus, mais je suis amie avec tout le monde ! Nom d’une chouette ! Faut forcément être une garce pour faire des trucs cette année ? »

Elle tomba à genoux sur le sol, les larmes de rage dans ses yeux, et la balle s’effondra lamentablement à ses côtés. Les larmes vinrent s’écraser sur le sol, assombrissant la terre de petits ronds aux endroits où elles tombaient.

« Ce n’est pas juste… pas juste… »

Les larmes coulèrent de plus en plus fort. Kath était complètement écœurée. Faire de son mieux pour en arriver là, c’était la goutte de trop. Elle ne pouvait pas supporter tant d’injustice et d’intolérance, plus encore de la part de ceux dont ça devait être les valeurs prépondérantes, les Poufsouffle.

Quand c’est trop, c’est trop

Kathleen avait l’impression d’être au fond du trou et elle ne savait pas pourquoi elle ne parvenait pas à retrouver le courage d’affronter la situation. Elle avait frôlé la crise d’angoisse à la fin de l’année précédente. Mais cette fois, elle avait atteint la limite de ce qu’elle était capable d’encaisser sans rien dire. Elle n’était pas du genre à se battre contre ceux qui avaient du pouvoir, comme Zey, ni à stigmatiser une partie de la population comme les Sorensen, mais elle craquait et elle n’y pouvait rien. Elle voulait seulement être neutre, qu’on la laisse tranquille, qu’on ne la force pas à faire du mal aux gens.

La main de Niahm sur son épaule attira suffisamment son attention pour qu’elle relève la tête dans sa direction, alors qu’elle se faisait demander ce qui lui arriver. Son camarade pouvait voir dans ses yeux les larmes et la fureur assaisonnée d’angoisse et de désespoir qu’elle ressentait à ce moment-là. Alors qu’elle était généralement prudente sur les contacts, elle se retrouva en un instant dans les bras de Niahm à pleurer à chaudes larmes, parce qu’elle ne parvenait plus à se calmer. Elle avait l’impression que cette année n’était plus qu’un long cauchemar qui ne se terminerait jamais.

« Ho ! Niahm, c’est tellement injuste ! »

Elle pleura pendant plusieurs minutes, sans parvenir à retrouver son calme. Elle était épuisée, nerveusement et moralement, au bout du rouleau. Et son ami était le seul présent, la seule personne sur qui elle pouvait se reposer en ce moment. Elle finit par s’asseoir sur le sol herbeux du stade, essuyant ses yeux et mouchant son nez, vidée mais retrouvant un semblant de calme. Elle prit le temps de respirer et de retrouver son souffle avant de partager avec l’autre Poufsouffle ce qui l’avait mise dans cet état. Le comportement d’Erin à l’égard de Niahm ne diminuait pas son degré de colère, d’ailleurs.

« Après les essais, Erin m’a envoyé un hibou. Elle m’a dit que si je voulais être dans l’équipe, il fallait que je prouve mon allégeance aux sang-purs. Tu sais comment on fait ça ? J’aurais pu quitter Aurore et Ombeline, ou dénoncer un Né-Moldu et le faire punir, ou simplement en molester un pour… m’amuser, j’ai horreur de le formuler comme ça, mais eux doivent pratiquer la chasse aux moldus couramment. Bref. Tu me connais, je ne suis pas capable de faire du mal à quelqu’un. Du coup, pas de Quidditch. Toi, c’est encore pire, tu es né de parents moldus. Elle va tout faire pour te chercher des poux. »

Ils ne feraient pas partie de l’équipe de Quidditch cette année, ni l’un, ni l’autre. Et s’ils voulaient avoir leurs chances l’an prochain, il faudrait que les changements apportés cette année-là soient catégoriques. Et Kathleen n’était pas plus en mesure de faire une révolution que de s’en prendre à des Nés-Moldus. La situation était vraiment peu encourageante. Et Kathleen se sentait de plus en plus désespérée à mesure qu’elle prenait conscience de la situation.

« Je ne sais plus quoi faire. »

Quand c’est trop, c’est trop

Cela faisait toujours du bien d'avoir des amis à qui se confier, quand on était dans un tel état que celui dans lequel la Poufsouffle se trouvait en cet instant. Elle supportait très mal les injustices, surtout quand elle avait travaillé autant qu'elle l'avait fait pour obtenir cette place dans l'équipe de Quidditch. Lorsque les valeurs inhérentes à sa propre maison n'étaient plus respectées, elle ne voyait pas pourquoi il fallait continuer à évoluer dans cette maison-là. Elle était donc en train de se dire qu'il n'y avait plus vraiment de sens à se considérer comme une Poufsouffle si cela impliquait de se soumettre au jugement de valeur d'une personne telle que Erin.

Niahm ne put que lui manifester son accord quant à l'injustice de la situation. Au moins, sa camarade avait pu faire partie de l'équipe. Visiblement, avoir un sang moldu était moins grave qu’avoir un sang pur et apprécier tout le monde. Les règles du jeu de ce système, Kathleen ne les comprenait pas et elle n'avait aucune envie de chercher à le faire, parce que chercher à comprendre les règles du jeu, c'était tolérer que ce jeu se produise et la Poufsouffle trouvait cela extrêmement intolérable. Elle avait compris qu'elle devrait subir cette année, mais pour ce qui était de l'accepter, c'était un combat qu'elle était encore en train de mener.

Sa camarade lui fit valoir qu'il n'y avait pas grand-chose à faire, à part peut-être, prévenir les professeurs. Mais si la façon de se comporter de la Poufsouffle lui paraissait injuste et en décalage avec toutes les valeurs véhiculées non seulement par leur maison mais par Poudlard elle-même, elle savait que le capitaine de leur équipe avait le soutien de l'équipe professorale ou, tout au moins, du directeur de l'école qui faisait partie de sa famille. Elle connaissait les enjeux qui régissait cette nouvelle année et elle doutait que les professeurs puissent y faire grand-chose. De plus, il y avait sûrement des conséquences plus graves qu'une simple privation de Quidditch.

« J'avais pensé à prévenir le professeur Cooper, mais je ne sais pas si ça en vaudra la peine. et puis, ce n'est pas comme si la façon dont on me traite était vraiment importante, Niahm » dit-elle en détournant la tête, un peu désabusée. « Cela n’intéressera personne. »