ft. quelqu'un et Michaela O'Delee

La rentrée au collège de sorcellerie avait un petit quelque chose d’étrange… Pas vraiment mauvaise mais n’annonçant rien de bon pour autant. Les statues dans le parc, les tableaux toujours plus nombreux dans les couloirs… et puis cette histoire de mérite bizarre là… c’était difficile de savoir quoi en penser. Michaela, en tout cas, restait dubitative. Elle ne voulait pas jouer au même jeu que les autres là, à d’improviser complotistes ou alarmistes, mais faire comme si de rien n’était ne marchait pas longtemps. Un tour dans les couloirs et puis c’était fichu, suivie du regard qu’elle était par une demi-douzaine de portraits qui n’avaient pas l’air très commode. Elle n’avait pas recroisé le charmant duc de l’an dernier, même pas sa vieille amante… comme si les tableaux sympas avaient tous été remplacés par des autres qui l’étaient bien moins. Et ça, c’était juste ce qui se passait du côté de la direction ! Parce que, du reste, ça n’était pas forcément mieux… Elle avait perdu une camarade de dortoir — Eliana — elle s’en était rendue compte en remontant à Gryffondor après la répartition. Hilary avait l’air au bout de sa vie… Et puis Marlon avait toujours ce maudit insigne épinglé sur le revers de sa cape d’uniforme… C’était le destin tout entier qui s’amusait à lui faire des coups foireux depuis des jours et des jours… Mais bon… c’était Poudlard. Ça se saurait si les années se passaient correctement. Il fallait voir le bon côté : au moins, personne ne s’en prendrait à leurs baguettes. Maigre consolation mais toujours mieux que rien.

Quoi qu’il en soit, elle n’avait pas l’intention de se laisser abrutir par la surveillance constante qu’on lui imposait. Ils étaient tous logés à la même enseigne, non ? Il y avait bien peu de chance qu’on la surprenne, elle, plus que les autres. Et puis il y avait des causes qui ne souffraient d’aucun risque. Et c’est comme ça qu’elle se rassurait en ce samedi après-midi, sagement assise dans un coin tranquille de la bibliothèque, le nez collé à un parchemin arrachés à ses fournitures censées lui tenir une bonne partie de l’année… Des dessins au brouillon à n’en plus finir repoussés sur le côté… la langue un peu sortie en signe de concentration, son stylo tapotant discrètement contre son menton… Le tableau n’était peut-être pas brillant mais elle ne faisait finalement pas trop tache au milieu des autres travailleurs. Du moins, tant qu’elle ne disait ni ne faisait quoi que ce soit de plus… ce qui, connaissant la bête, n’allait pas durer bien longtemps. Il ne suffit que d’une hésitation pour qu’elle lève la tête de sa feuille et jette un regard un peu absent autour d’elle. Quelqu’un travaillait à la table d’à côté… Elle ne prit même pas la peine de chercher à savoir qui c’était qu’elle se pencha discrètement — avec une discrétion tout aussi relative qu’à l’accoutumée — dans sa direction.

— Psssst…? souffla-t-elle dans l’espoir d’attirer son attention. À « extermination de masse », y’a un « s » à « masse » ou pas ?

ft. @Azure Zinnia et Michaela O'Delee

Sûrement que ses parents auraient préféré qu'elle profite du début calme de l'année pour prendre de l'avance sur le programme... Après tout, les BUSEs attendaient au bout du chemin et elle n'avait pas vraiment le droit à l'échec. C'est que ça serait la honte d'avoir sauté une classe pour se rétamer au premier diplôme venu ! Et, plus égoïstement, elle ne voulait pas se foirer pour rester avec Hayden et Rosalie... et que Marlon ne vienne pas lui claironner dans les oreilles qu'il l'avait prévenue et que ça ne serait jamais arrivé si elle n'en faisait pas qu'à sa tête... D'accord, il aurait probablement raison mais plutôt mourir que de lui laisser l'occasion de lui dire un truc pareil ! Alors, ses BUSEs, elle les aurait coûte que coûte ! Mais bon, on n'était qu'en Septembre, ça pouvait bien attendre deux ou trois mois... ou six... ou huit... D'autant plus qu'elle avait trouvé de quoi s'occuper. Une occupation des plus importantes qui nécessitaient mine de rien un petit coup de main pour éviter de passer pour une illuminée illettrée. Illuminée, elle gérait, le reste, un peu moins. Michaela attira donc l'attention de sa voisine. Cachée derrière ses cheveux, elle ne voyait pas bien qui s'était. Une Gryffondor mais des brunes à cheveux longs, y'en avait pas qu'une dans la maison ! Il lui fallut attendre qu'elle lève la tête dans sa direction pour reconnaître son ancienne camarade de chambre : Azure. Un sourire amical étira ses lèvres, avant qu'il se fasse amusé en voyant l'air presque choqué qu'elle affichait. Bah quoi ? C'était une question d'orthographe, pas de quoi se mettre dans un tel état ! Au pire, elle ne savait pas, y'avait pas mort d'homme. La rouquine était tout-à-fait disposée à se bouger le popotin pour essayer de demander à quelqu'un d'autres ou de trouver un dictionnaire — même si elle doutait de trouver quoi que ce soit d'utile dedans.

— Eeee… je dirais non.
— Parfait, merci.

Ça tombait bien, elle n'en avait pas mis. Elle s'apprêta à reprendre son truc comme si elle ne s'était jamais arrêtée mais la voix de sa camarade se fit à nouveau entendre :

— Coudonc, tu fais une dissertion sur quoi au juste ? Ça sonna macabre.
— C'est pas une dissert', avoua-t-elle dans un gloussement un peu idiot, je suis en train de faire des tracts pour lutter contre l'assassinat de millions d'animaux qui finissent chaque année dans nos chaudrons. J'irai les distribuer avant chaque cours de potions, la semaine prochaine.

Aucun secret, aucune discrétion, rien du tout. La bibliothèque entière pouvait l'avoir entendu parler de faire de la propagande dans les couloirs sans que ça ne l'inquiète rien qu'une seconde.

— Tu veux m'aider ? Franchement, si tu savais dessiner ce serait trop bien. Je voulais faire une chauve-souris avec des yeux en croix pour décorer mais on dirait que ça a été fait par un enfant de 5ans qu'aurait pas de bras...

Et encore, même un môme manchot s'en sortirait sûrement mieux qu'elle...

ft. @Azure Zinnia et Michaela O'Delee

C’était bien beau d’avoir des convictions et de belles idées mais encore fallait-il avoir les compétences de les mettre correctement en place… Parce que même si Michaela n’était pas la pire des quiches quand il était question de grammaire et d’orthographe, ses copies n’en étaient pas moins tachées de fautes en tout genre… Sur une rédaction seulement lue par un professeur, ça n’était pas dramatique mais sur des tracts offerts aux yeux du monde, ça pouvait rapidement faire mauvais genre… Heureusement, sa voisine accepta de lui venir en aide sans hésiter bien longtemps. Sûrement que ça s’en serait arrêté là si ça n’avait tenu qu’à elle, déjà repartie entre les lignes de son parchemin, mais Azure en profita pour rebondir sur sa question et relancer la conversation. Oh, honnêtement, ça n’était pas pour la déranger ! Il y avait toujours eu quelque chose d’un peu dérangeant dans cette bibliothèque. Le calme et le silence lui filaient le cafard et les gens qui n’arrêtaient pas de faire « shhhhhh » dès qu’on avait le malheur de prononcer rien qu’un mot lui donnaient — un peu — des envies de meurtre. Alors que quelqu’un cherche à discuter de son plein gré ne pouvait que la mettre en joie. Et puis il fallait bien reconnaître que la tête qu’elle avait faite valait la peine qu’on lui accorde son attention deux secondes. La rouquine en profita pour lui demander un petit coup de main pour palier à ses lacunes artistiques… mais quelque chose dans son attitude lui laissait entendre que c’était mort d’avance. Est-ce qu’elle faisait partie de ces flippettes qui — comme son frère — avaient volé leur place chez les courageux et prenaient peur à la moindre petite rébellion ?

— Navré. J’ai même pas une plume avec moi; et j’avoue ne pas être très doué pour dessiner. Du moins avec une plume.

« Du moins pas avec une plume » ? Est-ce qu’elle était en train de sous-entendre que ce n’était qu’une histoire de matériel…? Parce que si c’était le seul problème… Elle tira de sa trousse cinq crayons de couleur mal taillés et un crayon à papier dans le même état qu’elle lui tendit dans un sourire innocent. Ça n’était pas du matériel de professionnel mais pour ce qu’elle en espérait, ça suffisait largement. On pouvait dire ce qu’on voulait mais, quand même, malgré tous les miracles que la magie parvenait à faire, il y avait des choses, comme ça, qui étaient mieux chez les moldus.

— J’ai ça, si tu veux.

Ça n’était peut-être pas ça le vrai problème mais au moins si par chance ça l’était, voilà qui était réglé ! Mais déjà le regard de sa camarade lui échappait, fouillant visiblement la salle à la recherche de ce que l’adolescente supposa être une porte de sortie. Si ça se trouvait, elle voulait tellement peu être associée à une histoire de propagande pourtant très juste qu’elle voulait fuir. Dans trois secondes elle allait lui dire « désolée, y’a quelqu’un qui m’appelle » et disparaître en un quart de seconde ! Mais finalement, elle ne choisit pas cette option-là :

— Si ma frangine était dans le coin, ça serait elle qui serait le mieux placé pour t’aider, mais je ne la vois pas.
— Oh ? T’as une sœur ?

Il fallait bien reconnaître que depuis l’année dernière, elle était un peu à la ramasse niveau commérages. Elle avait suivi les choses importantes — les histoires de Killian, ce qui pouvait servir sa révolution ou des choses comme ça — mais était largement passée à côté des histoires de famille… à l’exception des van Aken. Parce que quand même, être de la famille du prof de potions, c’était pas rien ! Elle essaya quand même de se souvenir si elle avait vu Azure avec une fille qui lui ressemblait mais force était de constater que non… rien ne lui revenait.

— J’avais compris que tu étais très mal à l’aise qu’on tue des animaux pour leurs peaux, mais je peux savoir pourquoi il faut sauver les chauves-souris au juste ?[/color]

Mika hocha la tête à ses premiers mots avant de poser sur son interlocutrice un regard surpris par la suite. La lumière se fit rapidement chez Azure mais, peu importe, elle décida malgré tout de se lancer dans une tirade pleine de bonne volonté :

— Pas que les chauves-souris mais je peux pas tout dessiner non plus, j’aurai jamais assez de place, commença-t-elle à expliquer avant de se redresser légèrement, comme soudainement prise par une mission protectrice. Tu sais que le marché des ingrédients de potions assassine impunément des centaines de milliers d’animaux par an ? Le monde sorcier s’en fiche ! Personne ne fait rien pour trouver une solution ! À notre époque, c’est inadmissible ! Même dans cette école, on apprend des potions à base d’ingrédients d’origine animale qui finissent à la poubelle dès qu’on a fini. En gros, les pauvres sont clairement morts pour rien ! Tu trouves ça normal, toi ?

Si ça se trouvait, elle s’en fichait complètement… mais qui ne tente rien n’a rien, après tout, non ?

ft. @Azure Zinnia et Michaela O'Delee

Finalement, Azure accepta les crayons qu’elle lui tendait sans trop se plaindre. Elle n’était pas sûre que ça voulait dire que ça ne la dérangeait pas de lui filer un coup de main mais bon, dans le fond, elle s’en fichait un peu, tant qu’elle le faisait. Elle ne lui avait pas mis la baguette sous la gorge alors elle était tranquille avec sa conscience. Bon, d’accord, sa camarade n’avait pas l’air super emballée — encore moins que ça, même — si on en croyait son regard fuyant et la réponse plus que sommaire qu’elle lui offrit à sa question. Juste un hochement de tête. Ok. Elle avait une soeur. Mais elle aurait pu en dire un peu plus, quand même. Non pas que ça l’intéresse vraiment mais quitte à faire la conversation, autant la faire bien ! Mais Michaela n’insista pas. Elle n’était pas stupide et si elle voulait avoir ce qu’elle voulait, autant ne pas la brusquer. Et puis, sans prévenir, la jeune fille se leva en attrapant ses affaires. Durant une seconde, elle crut qu’elle allait la planter là mais, au contraire, elle tira la chaise face à elle et vint s’y installer. Un sourire reconnaissant étira les lèvres de la rouquine.

— Honnêtement, je trouve que faire des potions est littéralement dégoutant.

Elle n’était pas spécialement d’accord sur ce point… Dans l’ensemble, c’était intéressant. Ça demandait de la concentration, de la précision, un minimum de réflexion… Et puis le champ des possibles était immensément vaste. C’était sans l’ombre d’un doute l’une de ses trois matières préférées… si on oubliait le très gros défaut des ingrédients…

— Quand je vois les yeux de poissons que je dois écraser avant de mettre dans le chaudron, j’en aie presque la nausée. Je doute qu’ils pensent à changer des formules qui fonctionnent J’ai aucune idée de comment ça fonctionne à partir du moment où je les mets dans un chaudron; je reste toujours très étonnée quand j’arrive à reproduire la recette.

Sur quoi elle se mit à tailler un des crayons. Michaela l’écouta en étouffant un petit rire amusé en imaginant sa tête surprise face à un chaudron qui n’explosait pas. Ça n’avait rien de moqueur, elle pouvait comprendre l’idée. Après tout, comme elle refusait généralement de mettre certains ingrédients dans ses préparations, il n’était pas rare que ça fasse n’importe quoi également… Mais elle avait le mérite de s’y attendre.

— Chose est certaine, je n’ai aucune idée de comment ils se procurent leurs ingrédients. Outre les orties… on en a ramassées des masses en cours de Botanique la dernière fois !

L’adolescente haussa négligemment les épaules… À dire vrai… Elle ne savait pas exactement non plus. Elle n’avait pas réussi à trouver beaucoup d’informations sur le sujet, ce qui l’avait confortée dans l’idée que c’était tellement horrible qu’il valait mieux le cacher. Un peu comme ce qui se faisait chez les moldus.

— T’as vu les élevages moldus ? Genre les poules en batterie, par exemple ? lui demanda-t-elle alors qu’elle triturait distraitement le coin de son parchemin. Bah j’ai tendance à croire que c’est à peu près la même chose… mais en pire parce que les sorciers sont quand même graaaave en retard sur les questions de droits des êtres vivants qui ne sont pas… bah des sorciers en fait… Genre super horrible, avec des conditions super pourries… Juste pour la rentabilité et sans aucun respect pour les créatures.

Peut-être que van Aken avait des contacts dans le milieu des apothicaires…? Peut-être qu’il pourrait lui donner des noms, histoire qu’elle se renseigne. Bon, il allait plus probablement la regarder de haut et lui conseiller de se mêler de ses affaires si elle se risquait à lui demander mais, dans le doute, ça pouvait toujours se tenter…

— Le truc, c’est que je pense qu’il y a moyen de changer les recettes qui fonctionnent, faudrait même pas tout refaire, juste les adapter. Y’a tellement de plantes dans le monde, dont certaines avec des propriétés similaires aux ingrédients d’origine animale, que ça laisse des possibilités infinies, faut juste prendre le temps de se pencher dessus ! Ce que personne fait…

Elle lâcha un soupir à fendre l’âme et s’adossa à sa chaise comme si le poids du monde venait de lui tomber sur les épaules.

— J’essaye, un petit peu, mais c’est pas très concluant pour l’instant… mais j’ai réussi à faire du gloss ultra brillant et longue tenue la dernière fois, c’est toujours mieux que rien.

Bon, c’était pas le but de la manoeuvre, loin de là… et puis elle se maquillait pas, quoi…

ft. @Azure Zinnia et Michaela O'Delee

Depuis cet été, le hasard avait décidé de mettre Azure sur sa route à la moindre occasion… et si elle n’avait pas vraiment su quoi en penser tout de suite, il fallait bien reconnaître que la jeune fille n’était pas désagréable et qu’elle ne s’amusait pas à la prendre de haut parce que « on s’en fiche des animaux » ou elle ne savait plus exactement tout ce qu’on avait pu lui balancer ces dernières années pour la faire taire. Bien sûr, Michaela n’était pas certaine qu’elle soit sincèrement intéressée par la cause qu’elle défendait mais elle avait le mérite de faire semblant, au moins, alors ça lui allait. Le bruit du crayon en train de se faire tailler remplaça un instant la conversation. Ça voulait dire qu’elle allait lui filer un coup de main ! C’était loin d’être gagné pourtant ! Mais, comme quoi, il ne fallait jamais baisser les bras !

— Élevage, élevage ? Pas vraiment. Et je ne sais pas ce que tu veux dire par poule en batterie…. Ils jouent de la musique avec des poules ?

Ce fut plus fort qu’elle, la rouquine éclata d’un rire enfantin qui lui attira les regards réprobateurs de ses voisins. Elle leur offrit un sourire désolé et un haussement d’épaules qui l’était beaucoup moins avant de se reconcentrer sur sa camarade.

— Ce serait trop drôle ! reconnut-elle même si elle savait pertinemment que ça ne serait pas forcément un meilleur traitement pour les pauvres poules. Mais imagine plutôt un grand hangar avec pleiiiiin de cages du sol au plafond et beaucoup trop de poules dans les cages. Elles peuvent pas bouger, elles voient jamais la lumière du jour, y’en a même qui meurent dans les cages et les autres qui lui marchent dessus… Horrible. Vraiment horrible.

Sur quoi elle hocha la tête d’un air grave. Elle avait regardé plein de reportages sur le sujet durant les vacances de cette année et celles de l’année dernière et il fallait bien reconnaître que les gens qui avaient eu l’idée de faire ça étaient les pires monstres que la Terre ait portés. Enfin… à peu de chose près. Y’avait sûrement pire pire en vrai… mais quand même ! Ils en tenaient une sacrée couche !

— C’est affreux !

Ah bah ça ! Ça faisait des semaines, des mois même, qu’elle essayait de le faire comprendre à l’humanité toute entière et que tout le monde s’en fichait complètement ! La manière dont étaient traités les animaux dans le monde moldu et pire encore ici était juste dégueulasse et il était clairement temps d’ouvrir un petit peu les yeux ! Enfin, si Azure, rien qu’Azure, comprenait l’urgence de la situation, elle pouvait se dire qu’elle avait réussi sa mission. C’était pas parfait, loin de là, mais ce serait au moins un bon début !

— Ça ferait… un bon sujet d’étude pour un futur livre pour quelqu’un qui aime faire des potions. Les ingrédients de rechange. Effet Garanti.

Elle ne put s’empêcher de sourire en l’entendant. Oui… Elle savait. Plus ou moins… En tout cas, l’idée lui avait déjà traversé l’esprit. Et peut-être un peu plus que ça.

— J’aimerais travailler là-dedans, plus tard, avoua-t-elle alors qu’elle regardait la pointe du crayon rouge se poser sur la feuille. Dans la recherche, je veux dire. Pour trouver « les ingrédients de rechange ». Refaire les recettes pour limiter les massacres d’animaux et tout. Mais le problème, c’est qu’il faut avoir de bonnes notes en potions pour pouvoir continuer après Poudlard… Et pour avoir de bonnes notes en potions, faut faire exactement ce que contre quoi je veux lutter. Ça n’a absolument aucun sens, j'te jure…

Un nouveau soupir lui échappa avant qu’elle ne hausse les épaules une fois de plus. C’était trop contradictoire pour elle, vraiment. Rentrer dans le moule avant essayer de le faire péter, c’était stupide. Mais ça ne l’étonnait pas trop. Le système scolaire était foireux… et le système tout court d’une manière plus générale…

— Tu sais ce que tu voudrais faire, toi, après l’école ?

ft. @Azure Zinnia et Michaela O'Delee

Michaela aurait été bien incapable de dire à quel moment le sujet avait pris un tournant si sérieux… non pas que le sort des animaux ne l’était pas, loin de là, mais quand même… Il était question de gribouiller une chauve-souris sur un parchemin et voilà qu’elles en étaient arrivées à la difficulté d’envisager un plan d’avenir sans avoir à renier ses convictions pour y arriver… C’était affreusement vrai, en même temps. Si elle voulait continuer les cours de Potions après ses BUSEs et plus encore après Poudlard tout court, il lui faudrait avoir de (très) bonnes notes… et si elle voulait avoir de (très) bonnes notes, il fallait qu’elle fasse ce qu’on lui demandait de faire… à savoir cautionner l’assassinat de milliers de créatures pour les fourrer dans un chaudron… Compliqué. Et si elle ne doutait pas vraiment que van Aken pourrait l’encourager à innover et récompenser ses recherches, encore fallait-il que ça donne de vrais résultats. Parce que si elle se plantait purement et simplement comme ça avait été à peu près le cas jusque là, elle se ferait juste saquée et ce serait foutu.

— Hum. C’est vrai que dit comme cela…

La rouquine hocha la tête en soupirant avant d’interroger sa camarade sur ses propres envies pour la suite. Elle était un peu plus jeune qu’elle, d’accord, mais elle avait peut-être un rêve ou quelque chose comme ça. Tant pis si c’était pas super réaliste, ça pouvait quand même en dire pas mal sur les gens. Et puis il fallait bien reconnaître qu’elle avait une vision des métiers possibles dans le monde magique assez restreinte alors ça pourrait peut-être l’éclairer un peu. Ou pas…

— Je l’ignore.

En même temps, rien ne pressait. Elle avait plusieurs années pour se décider, c’était pas pressé ! Après, tous les enfants avaient eu envie de faire un truc, même si c’était juste « maitresse » ou « infirmière », c’était déjà une base. Quand elle était toute petite petite, elle voulait faire comme son père : conduire des bus pour voir du pays… et puis elle avait eu envie d’être vétérinaire… et maintenant, elle voyait les choses en grand : il n’était pas question de sauver quelques animaux mais d’arrêter un massacre. C’était plus héroïque, plus indispensable également…

— J’ai pris des options pour essayer d’ouvrir un peu mes horizons, mais pour le moment, on dirait que ça ne mène rien.
— T’as pris quoi comme options, déjà ?

Elle n’avait rien contre les profs mais il y avait quand même des matières qui n’ouvraient pas grand chose… Étude des runes, des moldus, Arithmancie… C’était pas avec ça qu’on pouvait se construire une idée d’avenir potable, autant l’avouer… mais bon, peut-être que ça faisait partie de ses plans… Qui savait si elle n’aurait pas envie de devenir traductrice officielle anglais-runes anciennes pour le Ministère, après tout…?

ft. @Azure Zinnia et Michaela O'Delee

Il fallait bien reconnaître que Poudlard n'était pas connu pour sa politique exceptionnelle en matière d'orientation scolaire. Soit on savait à peu près ce qu'on voulait faire et dans ce cas l'école essayait d'aiguiller convenablement... Soit on savait pas et là, c'était le drame. Le fait d'abandonner des matières à la fin de la 5ème année pouvait fermer des portes si jamais on abandonnait pas les bonnes ou qu'on changeait d'avis en cours de route, c'était pas super. Et puis il n'y avait même pas un petit cours ou une conférence ou n'importe quoi pour faire un tour d'horizon de ce qui était possible. Rien qu'au Ministère, il devait y avoir des centaines de jobs différents et tout ce qu'on en montrait en règle générale c'était « les bureaux » et « les Aurors ». Entre les deux, le vide total, comme si le gouvernement pouvait marcher qu'avec ça. Et c'était partout pareil. Dans l'ensemble, on pouvait rajouter « profs » et « joueurs de Quidditch » et on avait l'éventail de possibilités que les élèves étaient en mesure d'envisager. Restreint. Très. Trop...

— Divination, Runes et Créatures Magiques ?
— Et t'aimes bien ?

Elle n'avait pas l'air super sûre d'elle... Pourtant, ça n'était pas une question piège. L'adolescente lui répondit par un sourire encourageant. C'était mieux que rien. Elle n'avait pas une très grande idée de ce qu'on faisait en Divination, quand elle voyait Rosalie, elle avait l'impression que c'était un peu de l'arnaque, genre Sorcière 2.0 du monde moldu, mais bon, en dehors de ça, ça devait pas être si mal ce qu'elle avait choisi.

— Professeur Hunt est sympa. J’ai bien aimé son dernier cours, sur la classification des créatures… mais pour l’heure, aucune créature en vue !

Elle ne put s'empêcher de rire discrètement en l'entendant. Elle avait eu de la chance, comme elle n'avait jamais fait sa troisième année, elle était tout de suite entrée dans le vif du sujet, l'an dernier. Premier cours, PAF ! une créature ! Mais elle imaginait sans trop de mal la frustration que ça devait être d'attendre des créatures dans un cours de soins.

— T'inquiète, ça va venir ! Et puis c'est hy-per important la classification!

Pas toujours très juste mais bon... Comme tous les vieux trucs, ça méritait une petite mise à jour que personne ne prenait vraiment le temps faire.

— Tu as quoi, toi ?
— Soins et Étude des moldus.

Elle n'avait rien contre Alexander, c'était un bon prof... mais ce cours c'était quand même une sacrée arnaque ! Déjà parce qu'elle l'avait choisi alors que ça devenait obligatoire ce qui faisait qu'elle avait eu plus d'heures que prévu dans cette matière... Et puis ce qu'on y apprenait, c'était un peu naze. Ça disait pas grand chose sur la façon que les sorciers avaient de voir les moldus, c'était juste superficiel et touchait des trucs bateaux comme « l'électricité » ou des machins comme ça... Elle aurait aimé que ça aille plus loin, qu'on entre vraiment dans un choc des cultures plus que juste « comment on peut allumer la lumière sans un Lumos ? » mais bon...

— Je sais pas si je vais continuer l'an prochain, avoua-t-elle finalement. Études des moldus, elle était à peu près sûre d'arrêter, Soins c'était moins définitif mais il y avait quand même de grandes chances.

Sa camarade changea finalement de couleur et rajouta un autre morceau de chauve-souris à son dessin. Michaela n'y avait pas fait très attention jusque là, la laissant dessiner tranquille sans lui mettre la moindre pression.

— T’en penses quoi ? Je suis mauvaise ou complètement nulle ?

Le regard de la rouquine se posa sur l'oeuvre d'Azure et elle ne put s'empêcher de glousser bêtement. C'était pas tout-à-fait une chauve-souris mais, franchement, ça faisait l'affaire ! C'était même mieux, au moins, ça marquerait l'esprit des gens !

— Tu ne trouves pas que ça a l’air d’une mouche…?
— Un peu, concéda-t-elle dans un haussement d'épaules. Mais c'est trooooop mignon ! J'adore j'adore j'adore !

Son enthousiasme lui valut quelques « shhh » réprobateurs venant de la table d'à côté mais elle ne parut pas s'en formaliser.

— J'ai le droit de l'utiliser pour les tracts, alors, on est d'accord ? Ça te gêne pas ? Je mettrai ton nom, hein, je vole rien.

Ce serait sûrement les tracts les plus cool de l'histoire de l'école !

ft. @Azure Zinnia et Michaela O'Delee

C'était délicat, quand même, à treize ans, de choisir des matières qui pourraient s'avérer utile par la suite. Autant il y avait parfois des évidences – SaCM dans son cas – parce que ça se rapprochait d'un intérêt ou d'une passion quelconque, autant le reste... c'était quand même sacrément au pif ! Elle avait pas voulu continuer les cours de vol à la fin de sa première année parce que, franchement, elle avait appris les bases et ça lui suffisait largement ; elle n'avait pas pris divination parce que ça puait l'arnaque ; l'étude des runes c'était un peu poussiéreux ; l'arithmancie lui filait des migraines rien qu'à jeter un œil sur le manuel et rattraper une année entière de ce truc c'était même pas la peine... alors de fil en aiguille, il ne restait plus qu'études des moldus. Pas un vrai choix, rien d'imposé non plus. Un entre-deux avec lequel elle avait réussi à composer jusque là mais qu'elle espérait quand même voir prendre fin bientôt.

— Moldus. J’aurais pas cru.

Michaela haussa simplement les épaules. Et ouaiiiis, bah comme quoi... Elle avait espéré mieux, mine de rien, en faisant une croix à côté de cette matière dans le bulletin de choix. Elle voulait des débats, des explications, une logique... Elle était prête à admettre que son avis diffère de celui des sorciers, bien sûr, mais elle avait besoin de plus que des simples certitudes foireuses tirées de nulle part. C'était trop facile de dire « c'est comme ça » et puis rien. Mais non... Au lieu de ça, elle avait appris à faire un schéma pour représenter l'électricité et avait eu une vision assez précise des règles du football. Des choses que, dans son cas, elle aurait pu apprendre toute seule sans avoir besoin de poser son derrière sur une chaise pendant des heures.

— Pourquoi ? Tu veux changer d’option ?
— On peut pas... Mais à la fin de la cinquième année, t'arrêtes des matières. Ça va venir vite maintenant !

Un an. Juste un an. Et ce serait les BUSEs, la sixième année, le début de la fin, en réalité. Il allait falloir se construire un projet viable et réaliste, quelque chose qu'elle pourrait présenter tant à ses professeurs aux professionnels par la suite. Elle espérait pouvoir trouver un potionniste qui la prendrait sous son aile, faire des études dans le domaine... Elle ne voulait pas passer encore des années et des années sur les bancs de l'école mais juste un petit peu, assez pour se perfectionner et réussir à atteindre ses objectifs par la suite. Mais pour ça, il fallait gérer aux examens de fin d'année... et se débarrasser des trucs nuls genre étude des moldus ou astronomie. Mais bon, sa camarade recentra la conversation sur le dessin qu'elle faisait pour elle et la rouquine ne put s'empêcher de s'enthousiasmer... un peu trop fort. C'était pas vraiment une chauve-souris mais qu'est-ce que ça changeait ? C'était un dessin mignon, qui aurait au moins le mérite d'interpeller tout le monde. Que ça les fasse rire, même de manière moqueuse ou pas, au moins ils s'arrêteraient pour jeter un œil à ses tracts ! Et puis, elle, elle le trouvait cool, ce dessin !

— Oh non ! Tout mais pas cela ! J’ai déjà trop honte d’être si piètre en dessin, pas nécessaire que tout le monde soit au courant !

Une fois de plus, l'adolescente haussa les épaules. C'était comme elle voulait... Mais qu'on ne vienne pas l'accuser de vol, de plagiat ou elle ne savait pas quoi après, hein !Bon, il y avait peu de chance mais on était jamais à l'abri de rien. Elle avait lu tellement de trucs dans le genre dans les journaux ou sur les réseaux sociaux qu'elle préférait se mettre à l'abri.

— Tu le garde ou pas, ça fait plaisir. Mais pas mon nom, j’vais mourir de honte pour la prochaine année si quelqu’un me demande de refaire un autre dessin en public.
— Bon, bah ça marche alors ! Je garde et je mets pas de nom ! Ce sera « la chauve-mouche anonyme », plaisanta-t-elle alors qu'Azure remettait les crayons dans sa trousse.

Elle jeta un nouvel œil au dessin, souriant toute seule rien qu'en le regardant. Vraiment, il était cool. Pas de quoi en avoir honte ! Bon, peut-être qu'elle n'avait pas vu de chauve-souris depuis longtemps... Mais c'était bien la preuve qu'on les massacrait, y'en avait plus assez pour les voir maintenant !

— Au fait, tu sais quelle heure il est ? J'ai promis à Hayden que je le rejoindrais à dix-sept heures...?

Elle fouilla dans son sac pour en sortir la vieille et grosse montre « empruntée » à son père qu'elle avait glissé là à force de recevoir des regards réprobateurs de ses voisins quand elle cognait contre le bois de la table, et ouvrit de grands yeux en voyant la petite aiguille sur le cinq et la grande à un petit trait à peine du douze.

— Naaaaan, la poisse ! Je vais être à la bourre, râla-t-elle toute seule en fourrant à la hâte ses affaires dans son sac. Je suis vraiment désolée... mais on se voit plus tard, ok ?

De toute façon, elles étaient dans la même salle commune, difficile de se louper. Elles auraient bien l'occasion de se recroiser. La rouquine repoussa sa chaise et lança un dernier regard à sa camarade.

— Et encore merci pour le dessin !

Maintenant, il ne lui restait plus qu'à se grouiller si elle ne voulait pas faire attendre son ami... Allez, au pas de course !