Je pouvais être heureuse d’être à Durmstrang. L’air semblait plus pur et je ne parlais pas du froid, le caractère spartiate du lieu trouvait son pendant dans la richesse de la bibliothèque. Dès que j’avais appris qu’on y aurait accès, je sus à quoi j’allais employer mes vacances. C’était une occasion inestimable de trouver des informations sur un vague projet qui restait à l’état d’un rêve pour l’instant. J’étais sûre que si je ne trouvais pas ici des éléments, je ne les trouverais nulle part. Alors, j’avais un mois, le temps était compté mais je trouverais. Les premiers jours j’avais commencé par étudier tous les rayonnages, à la recherche de celui qui correspondrait le mieux à ce que je cherchais. La bibliothèque était grande et peu fréquentée. Heureusement pour moi, ceux qui me connaissaient savaient que je n’étais pas assez studieuse en temps normal pour passer mes vacances enfermée face à des bouquins. Je m’éloignais bien vite des rayons sur la botanique ou les créatures magiques même si je ne doutais pas que Les mille usages des poils de troll des montagnes devait être passionnant. Ce n’était pas le sujet qui m’intéressait, au moins à ma connaissance. Je quittais aussi à regret les étagères traitant des malédictions runiques dont j’aurais pu faire usage quelques mois plus tôt. Les runes étaient peut-être la matière qui me passionnait le plus mais je n’étais pas là pour ça. Petit à petit, j’avais trouvé quelques livres, souvent sur les étagères les plus hautes, maculées de poussière montrant qu’ils étaient peu utilisés. C’était une honte de les laisser ainsi mais je pouvais comprendre que la spécificité de ma recherche ne soit pas partagée par le plus grand nombre. J’avais noté soigneusement les références sur un parchemin.
Et aujourd’hui, je m’attelais à la partie la plus intéressante de cette tâche, la plus longue aussi. Mon parchemin à la main, d’autres vierges dans mon sac pour prendre des notes, je pris un livre au titre évocateur, Les spécificités du sang pur. La couverture était à moitié effacée, les pages jaunies. Quelques recherches sur l’auteur, dont le nom restait parfaitement lisible, ne laissait aucun doute sur son allégeance. Le précieux ouvrage à la main, je m’assis à une table, sortit ma plus belle plume, un parchemin, et ouvrit le sommaire. Si les premiers chapitres semblaient énoncer des généralités une supériorité des sangs-purs qui ne faisaient pour moi aucun doute, les suivants s’intéressaient aux raisons et aux mécanismes de cette supériorité. À coup de statistiques et de schémas détaillés, on pouvait comprendre que l’axe était de déterminer les différences biologiques entre les sangs-purs et le reste de l’humanité. C’était pour moi un premier pas, comprendre concrètement ce qui différait dans une optique bien précise.
Des bruits de pas dans le rayonnage voisin mirent du temps à attirer mon attention. Pourtant, il semblait bien qu’un autre élève profitait du calme de la bibliothèque pour effectuer quelques recherches. De dos, Haley semblait hésiter. Elle tenait un livre en main, le gardant obstinément fermé comme si elle doutait de son droit à l’ouvrir.. C’était une fille que j’appréciais, encore plus depuis qu’elle avait témoigné au procès contre Appleton et prit partie dans le même sens que moi. Elle était sang-mêlée mais je croyais me rappeler que sa mère était d’une famille sang-pure. Il me semblait même que ma mère et la sienne s’était fréquenté à Poudlard, mais je n’étais pas sûre. À la fois j’étais curieuse de connaître les sujets qui l’amenait ici. Mais en même temps, je n’étais pas sûre de vouloir lui dévoiler mes propres préoccupations. Pourtant, mon regard finit par croiser le sien, du moins je le cru et je ne pus m’empêcher de lui signifier, par politesse mais aussi par curiosité, en lui désignant une table non loin de la mienne :
« Assis-toi là si tu veux, c’est plus simple pour lire. »
Si tant est qu’elle était vraiment déterminée à ouvrir l’ouvrage qu’elle tenait.

« Il est des sorciers pour prétendre qu’il n’y a aucune différence sanguine entre les sorciers. Outre toutes les implications politiques d’une telle pensée qui vise à promouvoir un égalitarisme de façade en niant l’évidence, cela est scientifiquement faux. Les recherches les plus récentes effectuées par les meilleurs médicomages prouvent le contraire. Une brève comparaison de deux échantillons sanguins révèlent des différences fondamentales dans la structure même du fluide. Chez les sangs-mêlées et à plus forte raison chez les sangs-de-bourbe, la viscosité du sang est plus importante, ce dernier coule plus lentement et peut même former des caillots qui sont autant d’obstacles à la pleine circulation de la magie. C’est un fait, quoi qu’en dise les traîtres et tous ceux qui prêchent une tolérance bien dangereuse pour notre société. Il est à noter aussi que plus le sang est pur plus sa couleur est profonde, atteignant même dans certains cas un grenat caractéristique. »
Je fis une pause pour prendre frénétiquement des notes sur ce que je venais d’apprendre. Je ne savais pas encore à quoi pourrait me servir toutes ces informations mais j’étais déjà absorbée par ma lecture comme jamais je ne l’avais été. C’était peut-être ici que je trouverai une solution pour mettre fin à une infamie, dans ce livre ou un autre se cachait peut-être la clé de la pureté que je désirais.
Toute à ma lecture, j’entendis à peine Haley s’asseoir, je ne prêtai qu’une oreille distraite à sa remarque d’étonnement. Moi, je n’étais pas surprise de la trouver ici, elle était bien du genre studieuse à passer son mois entre deux piles de livres. Ce qui m’intriguait plus, c’était le contenu de l’ouvrage qui l’intéressait. Personne n’ignorait la réputation de la bibliothèque de Durmstrang et sa deuxième remarque ne laissait aucun doute sur le fait qu’elle était parfaitement consciente qu’on trouvait ici ce que Poudlard gardait sous clés. Ce n’était pas seulement l’incendie qui avait ruiné la bibliothèque, c’était avant tout cette politique absurde de nous refuser l’accès à tout un pan de la magie. Ici les verrous sautaient pour moi comme pour les autres.
« C’est sûr qu’il y a des connaissances qui nous restent inaccessibles chez nous et qui sont ici à portée de main. »
Bien évidemment, je ne précisai pas quelles connaissances j’étais venue chercher de si bonne heure. Je ne dis pas non plus que l’amour de la connaissance n’était pas mon moteur et que j’avais un but bien précis et concret en tête. Mais sans rien préciser sur moi, je ne m’interdisais pas de chercher des renseignements sur ce qui absorbait mon interlocutrice. Elle avait accepté de prendre place à mes côtes, l’entreprise n’était pas des plus ardues, même si mes contorsions pas très discrètes pour apercevoir un titre ou un mot-clef ne devait pas passer inaperçues. « Artefacts nordiques » voilà qui était intéressant… Ce n’était pas tout à fait orthodoxe comme sujet de préoccupation et le titre de mon ouvrage semblait presque moins compromettant. Après tout, je ne cachais pas mes idées et mon intérêt pour les statuts de sang.
Un léger sourire étira mes lèvres, je jetai quand même un regard autour de moi pour vérifier que personne n’était entré à notre suite avant de lancer d’une voix complice, légèrement ironique :
« Effectivement, les artefacts nordiques ne sont pas au programme de Poudlard… »