— Des vacances dans une école, ça pouvait en faire râler beaucoup, mais Haley n’était pas la plus mal lotie. Pourtant, comme tout élève de son âge, elle avait besoin de pause. Pour qui travaillait assidûment comme elle, les vacances étaient essentielles pour se ressourcer et reprendre avec plus d’engouement les cours à la rentrée. Alors quand on leur avait parlé d’une excursion dans une réserve de dragons, la poufsouffle avait été aussi enjouée que ses camarades. Voilà une occasion d’apprendre sans en avoir l’impression !

La jeune fille ne cessait de s’extasier à chaque information donnée par les guides, ou devant chaque dragon – quoiqu’avec un peu moins d’emphase que Rosalie – et le vol de dragons avait été tout bonnement magnifique. Elle ne s’était pas privée de faire une abondance de photo avec son nouvel appareil sorcier que ses parents lui avaient offerts en fin d’année pour la récompenser de ses bons résultats. Si elle ne finissait pas la pellicule d’ici la fin de la journée, c’était un miracle : elle se réjouissait d’avance de pouvoir les développer et concocter un petit album photo avec en guise de pièce maîtresse une photo de leur petit trio et l’envolée de dragons en guise fond.

Alors que la journée était déjà bien chargée en souvenirs impérissables, le moment était enfin venu de découvrir la surprise qu’on leur promettait depuis le début de la visite. Emmenés dans une plaine où ils n’étaient pas encore allés, les guides leurs expliquèrent ladite surprise... et la tâche qui leur incombait. Misère.

« Vous êtes sûrs que c’est bien prudent ? » fit-elle d’une voix angoissée en regardant du coin de l’œil un des enclos, à l’intérieur duquel s’amusait un dragonneau déjà beaucoup trop grand et – par Merlin ! – beaucoup trop vivace à son goût. À peine eut-elle le temps de pousser un soupir d’inquiétude et de dévisager les dragons que Rosalie l’attrapait par le poignet pour l’entraîner vers l’une des créatures, traînant par la même occasion un Artemis déjà bien plus emballée qu’elle ne l’était. Flûte, pourquoi fallait-il qu’elle soit la seule à voir le danger manifeste que représentait ces bestioles ? Que la gryffondor soit tout feu tout flamme, ça n’avait rien d’étonnant : elle ne portait pas les couleurs rouges et or par hasard, et sa bravoure n’avait d’égal que son étonnante capacité à se jeter tête la première au-devant des catastrophes. Car oui, la révolution en était une belle, même si Haley se gardait bien d’insister dessus pour ne pas froisser la jeune écossaise. En revanche, le serpentard devrait se montrer plus mesuré. Oh, il l’était, mais ça ne l’empêchait pas d’afficher un sourire intéressé en apprenant de quoi il retournait. Ce fut d’ailleurs lui qui prit la décision d’aller s’occuper d’un suédois à museau court âgé de quatre semaines, comme l’indiquait le panneau devant l’enclos. Cette chose n’avait que quatre semaines ? Bon, au moins, il ne bougeait pas trop, comparé à celui devant lequel ils étaient passés, quelques minutes plus tôt.

Rosalie, fidèle à elle-même, se rua en première vers l’enclos pour attirer plus loin l’animal. Elle ne manquait pas de cran, il fallait lui reconnaître ça. À choisir entre le dragon et les bouses, la poufsouffle n’était pas certaine de savoir ce qu’elle préférait : au moins, avec les bouses, elle ne risquait pas de se faire mordre, brûler vive ou déchiqueter... d’un autre côté, elle avait eu la très mauvaise idée de laisser ses cheveux voler au vent et craignait qu’ils ne viennent se teindre dans des excréments puants. Son regard croisa celui d’Artemis, rassurant un peu la jeune fille sur leurs sentiments mutuels ; au moins, elle n’était pas la seule à trouver que cette surprise n’était peut-être pas aussi bonne que ce que leurs encadrants avaient pu leur faire croire. Mais au fond, elle avait beau faire mine de râler, à mesure qu’elle voyait ses deux amis tenter tour à tour d’attirer le dragon, elle commençait à avoir à son tour envie d’essayer... et puis, aucun de ses camarades n’avait manqué de se faire grignoter par la bestiole, il n’était donc peut-être pas si dangereux que ça ? « À mon tour d’essayer ! » fit-elle en passant devant ses deux amis, armée d’un morceau de viande dégoulinante. « Beurk, pas étonnant qu’il ne soit pas attiré... la viande a l’air de ne plus être de la première fraîcheur ». Imitant le ballet inutile des deux autres élèves, elle secoua la viande dans l’espoir vain de lui donner un air appétissant. Mais que ce soit parce qu’elle était horriblement peu attractive, ou parce qu’Haley se tenait à une distance trop respectable de l’animal – elle n’avait pas osé s’approcher autant que Rosalie – toujours était-il qu’il ne daigna pas bouger d’un centimètre. Au bout de quelques minutes à s’agiter désespérément devant la créature, elle rendit les armes – au sens figuré, comme au littéral puisqu’elle jeta la viande dans le sac qui en contenait plusieurs morceaux – excédée. « On est tombé sur le dragon le plus mou de la réserve je crois. Même Mac Namara est plus vif de lui ! » Ça n’était pas peu dire : c’était tout juste si le chat de la poufsouffle trouvait le courage de traverser son dortoir pour aller manger dans sa gamelle.

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— La tâche était plus ardue que ne l’avait visiblement envisagé Rosalie. Après les essais peu fructueux de ses amis, la poufsouffle n’avait donc plus d’autres choix que de s’y essayer à son tour... elle aurait très bien pu y renoncer avant même de tenter l’expérience, mais l’excitation de sa meilleure amie suffisait à lui ôter toute envie d’abandonner si vite. Ce fut toutefois non sans un certain soulagement qu’elle vit que le dragonneaux lui portait autant d’intérêt qu’à ses compères, demeurant résolument immobile. Elle préférait ça à quelques rots enflammés et s’il pouvait ne jamais s’intéresser à eux, ils ne risqueraient pas d’y perdre un ou deux bras et – mieux encore – n’auraient pas à chercher les bouses de dragon. « Je pense plutôt qu’ils veulent éviter d’avoir à ramasser les excréments » répondit-elle au serpentard en jetant un regard dégouté aux pelles qui attendaient les malheureux qui allaient devoir faire le sale boulot.

« Une bestiole qui crache du feu... aurait peur de nous ? » La jeune fille ricana sous cape. L’hypothèse de Rosalie paraissait saugrenue, mais peut-être était-il véritablement trouillard... elle-même détestait les araignées malgré le rapport de taille qui jouait fortement en sa faveur. Qu’il soit timide, couard ou simplement fainéant, le résultat en demeurait le même : l’animal ne voulait pas bouger d’un centimètre malgré les tentatives plus ou moins motivées des trois élèves. Mais si Haley n’aurait pas trouvé très dérangeant d’abandonner et de laisser simplement faire les soigneurs, la gryffondor n’en démordait pas, allant jusqu’à pénétrer dans le nid du dragon, sous les yeux inquiets de ses deux meilleurs amis. « Rosaliiiie ? » renchérit-elle d’un ton plaintif alors qu’Artemis tentait de dissuader la plus téméraire du trio. La poufsouffle était à deux doigts d’appeler au secours le personnel de la réserve lorsqu’enfin la créature se décida à bouger, provoquant chez elle un gémissement d’inquiétude et un cri de victoire de l’écossaise.

Le regard d’Haley passa du dragon, tenu à distance respectable du nez par la vaillante Rosalie, au serpentard qui allait bravement en quête de bouses. « Je déteste cette surprise... » grommela-t-elle avec beaucoup de mauvaise foi, un léger sourire en coin. Peut-être était-ce l’enthousiasme de ses comparses qui avait fini par la gagner, lui faisant vaguement regretter de ne pas avoir pris de cours de soins aux créatures magiques... La deuxième partie de l’activité n’était peut-être pas des plus agréables, mais s’occuper d’un dragonneaux avait tout de même un côté aventureux non dénué de tout charme. Charme qui s’envola instantanément lorsque ses yeux se posèrent sur Artemis, armé d’une bouse. « Il est hors de question que je touche à ça avec mes mains ! » Et personne ne saurait la convaincre de le faire. Ni une ni deux, elle enjamba la distance qui la séparait de l’entrée de l’enclos et attrapa une pelle qui trainait là, revenant vers le nid et le pauvre garçon qui se dépatouillait d’un air écœuré avec l’excrément. À son tour, elle pénétra dans le nid, grimaçant de dégoût. « Beurk, ça empeste ! » C’était à se demander depuis quand ils n’avaient pas nettoyé l’habitacle de la créature. Au moins, il n’y avait pas à s’attarder trop longtemps sur les lieux pour trouver l’objet de leur désir : l’odeur les guidait. Inspirant profondément une dernière fois avant de retenir son souffle, la jeune anglaise planta le bout de sa pelle sous les déjections à moitiés séchées, peinant à tout attraper. Elle dût s’y reprendre à plusieurs fois, faisant trois allers-retours jusqu’au panier afin de ne rien laisser derrière elle.

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