erlin. Aujourd'hui. Entre tous, il fallait que cela arrive aujourd'hui, là, assise entre deux groupes d'élèves rivalisant d'efforts pour produire plus de nuisance sonore que leur voisin, au milieu d'une Grande Salle pleine.

La porte des toilettes des filles claqua bruyamment derrière son dos, ne résolvant ni son problème ni sa mauvaise humeur. Soufflant un bon coup, elle constata avec soulagement que les lieux semblaient déserts. Presque désert. La porte de la troisième cabine semblait fermé contrairement aux autres dont les portes étaient juste poussées et Alys se résolut à ne pas exprimer son agacement par des moyens plus bruyants. Elle devait déjà passer pour une brute avec son arrivée, elle n'avait guère envie d'aggraver sa situation en prononçant un mot ou en faisant un geste qui révèlerait son identité à cet intrus involontaire. Il n'y avait plus qu'à ce qu'on la punisse pour dommage sur le matériel de l'école.

Pourtant, elle savait. Elle le savait. Aussi irrégulières que soit ses règles, elles se déroulaient toujours sous le même schéma, un schéma bienvenu puisque des crampes d'estomac se produisaient toujours le ou les jours précédents ses règles, parfois même le premier jour. Excellent, au moins elle était prévenue. Elle avait même eu la très bonne idée de prendre des vêtements de rechange au cas où ça se produirait dans la journée. Bien Alys, prévoyante, prudente, comme d'habitude.

Comme d'habitude.

Un ricanement amer lui échappa alors qu'elle se déplaçait jusqu'aux toilettes, fermant la porte de la cabine avec fermeté, posant son sac à ses pieds.

Aller dans la Grande Salle à l'heure du déjeuner avait été sa première erreur. Le problème des crampes, c'est que ça lui donnait une furieuse envie de se remplir l'estomac. Comme si son corps, lui signalant qu'il allait bientôt se vider, l'incitait à le remplir. Logique complètement absurde puisqu'il y avait peu de chance que le ragoût de boeuf qu'elle avait avalé avec empressement au déjeuner vienne caler un vide inexistant dans son vagin. Mais peu importe, ça soulageait la douleur, et si c'était psychologique, tant pis, elle acceptait tout soulagement avec bonheur.

Ne pas faire demi-tour quand elle avait vu le monde qu'il y avait, avait été sa deuxième erreur. Elle avait l'impression que son estomac se tordait, comme si elle était rongée de l'intérieur et elle savait, depuis le temps elle le savait, elle connaissait le soulagement de se remplir la panse. Alors, elle était passée outre ses réticences de s'assoir dans une Grande Salle remplie de la sanglante totalité des résidents de Poudlard. Merveilleuse perspective s'il en est.

La troisième erreur, ça avait été de balayer la possibilité de prendre juste un morceau, quelque chose comme une part de tarte ou du pain, et d'aller le manger ailleurs. Ces crampes étaient la seule chose qui rendait supportable l'idée de manger. Elle n'avait jamais aimé ça, rester assise pendant des heures pour manger. Sanglante perte de temps. Elle mangeait généralement juste ce qu'il fallait, sans plaisir particulier et basta. Mais ces crampes lui donnaient envie de s'empiffrer jusqu'à ce qu'elle n'en puisse plus. Alors, elle s'était faite violence et s'était assise à l'une des rares places qui restaient, entre deux groupes d'élèves, des très petits et des moyens. Même si "petits" et "moyens" ne voulaient pas dire grand chose quand leur taille variait du mètre 40 au mètre 90. Elle s'était laissée guider par son estomac. Sanglante troisième erreur.

La quatrième avait certainement été la pire. Cela faisait tellement longtemps depuis ses dernières règles. Et tellement longtemps depuis qu'elle avait eu des crampes le jour-même. Elle n'avait pas eu mal la veille, ni l'avant-veille. Non, juste depuis le matin. Depuis quand son corps la prévenait juste cinq heures avant ? Et pourquoi cela devait juste se produire au milieu de la Grande Salle ? Elle l'avait senti et s'était juste tétanisée, serrant les fesses... ou autre chose.

Doux Merlin.

Non.

Bordel de caleçon de Merlin.

Mieux.

Prenant son sac dans la seconde, elle s'était levée et s'était enfuie de la Grande Salle du pas le plus raisonnable qu'elle puisse trouver pour aller dans les toilettes pour filles les plus proches. Avec le monde qu'il y avait dans la Grande Salle, elles ne devraient pas être trop occupé.

Pas trop.

Juste assez pour qu'elle ne puisse pas tempêter inutilement.

Laissant tomber son pantalon en bas de ses cuisses, elle fouilla dans sa poche et en sortit une sorte de petit porte-monnaie. Vive les sortilèges d'extension indétectable. Plongeant son poing à l'intérieur, elle tâtonna son MP3 qui était au-dessus, le repoussa, grimaça quand il fit un cling de mauvaise augure et referma la main sur son pantalon de rechange... quand elle se figea sur place pour la deuxième fois en moins d'un quart d'heure.

La première fois, elle avait cru à son imagination. Mais là, c'était distinct. Qui que soit la seconde personne avec qui elle "partageait" les toilettes, elle faisait du bruit. Et sauf erreur de sa part, c'était... un gémissement. Fermant les yeux pour prier qu'elle arrête ce bruit qui lui évoquait juste l'image de besoins trop gros pour passer, elle repoussa son pantalon, elle ne l'avait heureusement pas tâché, et tâtonna de nouveau pour trouver son slip. Elle venait juste de mettre la main dessus quand elle l'entendit de nouveau.

Expirant profondément, Alys se redressa, regardant le panneau à sa droite comme si elle pouvait fusiller la personne qui était derrière du regard. Comme si cette personne pouvait sentir son agacement. Il se passait définitivement quelque chose et elle ne pouvait pas juste faire comme si elle n'entendait rien. C'était juste gênant. Très gênant.

Rangeant son porte-monnaie de nouveau fermé dans la poche de son pantalon, elle retira sa cape, la pliant soigneusement pour la poser son sac avant de parler pour couvrir un nouveau bruit. Mieux valait maintenant. On ne savait jamais si d'autres personnes rentraient.

~ Bien. Vous n'êtes pas discrets. Alors si vous êtes en train de... faire des galipettes, frappez un coup. Si vous avez un problème qui peut nécessiter un coup de main, frappez deux fois. Si vous voulez faire comme si nous n'étions pas là et s'ignorer, frappez trois fois. S'il y a une sanglante quatrième option, ouvrez juste votre bouche. Sinon, fermez-la.

Finissant de retirer son pantalon qu'elle mit par-dessus sa cape, elle entreprit de changer de slip en s'essayant sur la cuvette pour éviter un accident malheureux, espérant que son... Merlin... son camarade de cabine ouvre sa bouche. Ou l'un de ses camarades de cabine si c'était l'option un. Et Merlin, pitié, faites que ce soit pas l'option un. En fait l'option "plus de bruit" était bien aussi, mais elle trouverait ça juste... suspect.

erlin... Doux et miséricordieux Merlin, pourquoi cela tombait sur elle ?

Alors qu'elle finissait de se changer, tapissant le fond de sa culotte d'une serviette suffisamment épaisse pour tenir jusqu'au diner, Alys entendit deux coups presque hésitants retentir contre la paroi, avant que quatre autres ne se rajoutent, ponctué d'une sorte de sanglot. Elle ignorait qui était à côté mais elle avait manifestement besoin d'un coup de main. Et évidemment, ça tombait sur elle. Elle espérait que sa camarade de cabine n'attendait pas à ce qu'elle lui fasse des mamours et lui offrent des bisous magiques, parce qu'elle n'était assurémment pas doué avec ça.

Finissant de se rhabiller, sa cape sous le bras, son sac à bout de bras, Alys ouvrit la porte de sa cabine et hésita en regardant la porte. Les gens ne devraient pas tarder à se rendre en cours, si ce n'était pas déjà le cas. Avec un peu de chance, elle pourrait chopper une préfète au vol qui s'occuperait de la gamine. C'était un peu leur boulot aux préfètes, non ? S'occuper des problèmes de leurs camarades. Elles avaient surement des compétences qu'elle n'avait pas, comme... l'empathie. La gentillesse. Un talent pour deviner de quel genre de réconfort les gens ont besoin, et être capable de le leur fournir... non ?

Mais ça impliquait de laisser la gamine seule, et, qui qu'elle soit, elle n'avait pas l'air dans son assiette. Si elle s'en allait, elle allait peut-être paniqué, ou autre chose. Elle n'apprécierait certainement pas être laissé seule après avoir eu le courage de dire qu'elle avait besoin d'aide, surtout que ses nerfs semblaient avoir craqués.

Souhaitant que la magie soit encore autorisé pour verrouiller la porte, et croisant les doigts pour que si quelqu'un rentre, ce soit une préfète, Alys accrocha sa cape au-dessus de la porte de la cabine qu'elle venait de quitter et cala son sac sur son dos pour éviter qu'il ne traine par terre plus que nécessaire. Un soupir profond expiré plus tard, elle se plantait devant la cabine fermée. Incertaine sur la marche à suivre, elle toqua à la porte. Bordel, même son père serait plus à l'aise qu'elle dans cette situation.

Bon. Peut-être pas en fait.

~ C'est toujours moi... Je ne suis pas partie...

Excellent. Bien Alys. Première approche extrêmement pertinente. Et si tu essayais de faire avancer les choses histoire de ne pas rester coincé ici jusqu'à la fin de l'année, hum ?

~ Et si tu me disais ce qui t'arrive que je puisse t'aider ? Ou simplement de quoi tu as besoin si tu préfères.

erlin miséricordieux... Quant à savoir si Alys priait intérieurement pour elle-même ou la gamine, même elle n'en était pas sûre. Peut-être les deux. Après tout, si l'autre fille n'avait pas de problèmes, Alys non plus. D'une pierre, deux coups, ça valait mieux le coup d'être généreuse pour une fois, non ?

Passant le bout de l'ongle de ses pouces sur la peau tendre de ses majeurs, Alys attendit aussi patiemment qu'elle le pouvait que son interlocutrice lui parle. Il y avait manifestement quelque chose qui n'allait pas. Quelque chose qui nécessitait son aide, même si elle ignorait quelle forme cette aide pourrait revêtir, mais quelque chose qui faisait aussi paniquer la gamine. Assez pour la faire pleurer et gémir. Ou alors, elle était juste hyper sensible. Alors quand un début de réponse parvint sous la forme d'une question, Alys resta perplexe une seconde. Du sang ? Mais il lui était arrivé quoi à la gamine ? Plus personne n'avait de... Non, d'abord lui répondre, ensuite cogiter. Avec lenteur, comme si elle ne savait pas trop quoi penser de tout ceci, ce qui était clairement le cas, la Reeze répondit :

~ ... Tergeo. Essaye tergeo, ça devrait être plus efficace.

Les différences entre les sortilèges de ménage. Il fallait bien que sa fascination pour les sortilèges et enchantements payent un jour ou l'autre. Sans doute Récurvite fonctionnait-il mais tergeo serait plus efficace. Si on lui avait dit que ses connaissances théoriques lui permettraient un jour de conseiller un camarade sur la manière de mieux retirer les tâches de sang, elle ne l'aurait pas cru.

Non, en fait, elle y aurait cru. On était à Poudlard.

Elle espérait juste qu'elle aurait d'autres moyens d'user de son expertise à l'avenir. En attendant, ça n'expliquait pas pourquoi la gamine avait du sang sur elle. Le règlement interdisant l'usage de magie hors des cours, Alys s'en était épargné sur sa culotte souillée, convaincue que les elfes de maison faisant la lessive saurait gérer le problème, d'autant plus qu'il n'y avait encore que peu de sang, et qu'elle avait une spectatrice qui pouvait la dénoncer. Mais de toute évidence, elle avait été prudente pour rien. Dans quelle situation pouvait-elle se trouver qui puisse justifier ce manque élémentaire de prudence ? Non pas qu'Alys irait raconter quoi que ce soit. Si elle n'éprouvait guère de loyauté envers qui que ce soit, il n'était pas non plus dans sa nature d'aller rapporter quoi que ce soit. En fait, au pire, ça lui servait de moyen de pression si on venait l'ennuyer. Sinon, elle s'en fichait. Mais pour que la gamine ne lui cache pas qu'elle allait user de magie, elle devait vraiment se trouver dans une situation délicate. Avait-elle été poignardée au déjeuner ? Sincèrement, Alys ne voyait pas d'autres alternatives, quoi que les toilettes pour filles n'aurait certainement pas été son lieu de fuite, l'infirmerie était bien plus indiquée.

Mais avant qu'elle ne puisse s'enquérir de la gravité de ses blessures, espérant vérifier son hypothèse et contacter l'infirmière dans ce cas -clairement, elles ne seraient pas sanctionnées pour un peu de magie dans ce contexte et si c'était le cas, elle n'aurait aucun regret- la voix de la gamine s'éleva de nouveau, la laissant pantoise. Trois secondes de silence plus tard, Alys laissa échappé d'une voix presque étranglée, comme si elle avait voulu retenir la spontanéité de sa réponse :

~ Quoi ?

Comment ça, c'était normal que ça fasse mal ? Elle s'attendait pas vraiment à ce qu'Alys ait une quelconque expérience en poignardage, n'est-ce pas ? Un truc devait clairement lui échapper. Sang. Toilettes.

...

Merlin.

Sang, toilettes.

Inspirant profondément, Alys roula des yeux avant d'expirer avec un mélange de soulagement et d'agacement. Poudlard était vraiment un lieu qui mettait le cerveau des gens à l'envers pour que sa première hypothèse soit de s'être fait poignardée dans un couloir. Agacée par sa propre tendance à dramatiser une situation qui n'était qu'un banal passage de la vie, Alys mordilla ses lèvres, essayant de trouver une réponse adéquate rapidement. Elle se taisait depuis trop longtemps, ça n'allait pas rassurer la demoiselle derrière qui, manifestement, vivait ses premières règles.

Clairement, le destin avait décidé de lui faire jouer les sauveuses aujourd'hui. A croire que son corps avait décidé qu'elle avait suffisamment l'habitude pour accepter un p'tit accro à son rituel pour la faire sauver une gamine. Comme si c'était dans ses cordes. D'abord la tranquilliser sur la normalité de la situation puis s'assurer qu'elle avait les moyens de la gérer. En espérant que la rassurer ne prendrait pas trop longtemps parce que si Alys pouvait gérer l'aspect matériel de la situation, l'émotionnel ne la mettait pas à l'aise et elle n'avait pas du tout envie de s'y attarder. S'accroupissant derrière la porte, Alys posa un doigt sur le panneau pour rester en équilibre alors qu'elle s'exprimait plus posément mais fermement :

~ La douleur change suivant les gens. Est-ce que tu as de quoi te protéger ou te changer ? Serviettes, tampons, autre chose ?

erlin... Elles n'étaient pas sortit de l'auberge. La gamine derrière la porte semblait toujours sur le point de faire une crise de panique... ou de fondre en larmes... Ce qui changeait pas grand chose au final pour Alys qui était mal à l'aise devant n'importe quelle perte de sang froid. Okay, bref récapitulatif. Une gamine dont elle ignorait l'âge, mais vraisemblablement en première ou deuxième année, avait ses premières règles derrière cette porte et avait probablement les nerfs qui tenaient que grâce à sa présence, peut-être paniquée par le sang, mais manifestement souffrant atrocement également. Priorité... Tergeo. La gamine essayait manifestement d'être pragmatique, ce qui l'arrangeait bien, mais n'avait pas les nerfs assez solides pour tenter un nouveau sort, non pas qu'Alys allait la fustiger pour ça. Elle n'était probablement pas apte à apprendre un sortilège assise sur une cuvette à moitié prise par la douleur. Elles perdraient toutes les deux un temps précieux et échouer ne l'aiderait pas à se calmer. Elle avait juste besoin que quelqu'un prenne les choses en main.

Et quelqu'un, c'était forcément Alys.

Oh, et comme si ce n'était pas déjà parfait comme situation, la gamine se révélait être une inculte totale en matières de règles, faisant ouvrir grand ses yeux à Alys qui ne se souvenait pas les avoir fermer. Mais on a pas idée de laisser sa gamine neuf mois dans une école en internat sans la prévenir des possibilités... Ou elle n'avait plus de mère. Avec les évènements des dernières années, ce ne serait pas surprenant. Ou alors, c'était un sang-pur. Ces derniers semblaient avoir une culture bizarre, qui sait si on parlait de règles même entre femmes... Mais Alys était en train de s'égarer en explorant cette ligne de pensée, ce n'était pas du tout le sujet actuel.

Expirant profondément, Alys se reprit, organisant psychologiquement les priorités avant que la première d'entre elle ne s'échappe entre ses lèvres :

~ Déshabilles-toi.

Si elle avait pu, Alys se serait tapé la tête contre la porte de la cabine d'exaspération. Oh, bien Alys, vraiment génial. Demandez à une gamine paniquée de se déshabiller de but en blanc, vraiment brillant. Tu veux pas prendre une voix rauque et grave pour parfaire le déguisement du parfait pervers ?

Corrigeant sa maladresse, Alys passa sa main sous la porte, tendue vers la gamine alors qu'elle poursuivait :

~ Juste ton pantalon et ta culotte. Je vais m'occuper directement du sang.

Bien. Mieux. Moins flippante, plus explicative. Ne pas oublier à la menacer de représailles si jamais la gamine avait l'idée de la dénoncer pour usage de magie hors des cours, histoire de surveiller ses arrières. Pour le moment, elle semblait trop bouleversée pour y penser, mais une fois qu'elle aurait repris ses esprits, on ne savait jamais. Alys était trop méfiante et avait vécu trop de fois le coup de poignard dans le dos pour ne pas être prudente, même quand cela paraissait inutile.

~ Ne t'occupes des serviettes et des tampons, j'ai ce qu'il faut sur moi, je vais la mettre directement et je t'en passerais quelques unes pour que tu dures la journée. Si tu peux vérifier si tu n'as pas aussi tâché ton pantalon, que je le nettoie en même temps si y a besoin, ce serait bien.

Bon, Alys ne ferait pas carrière dans la pédiatrie, clairement. Sa voix semblait presque dure, même si elle essayait de l'infléchir vers du simple ferme pour éviter d'ajouter de la pression à la gamine. Mais au moins son discours était clair. Lui assurer de lui filer ce qui était nécessaire, qu'elle n'est pas besoin de s'en préoccuper allait surement tranquilliser un peu la demoiselle, n'est-ce pas ?

Faisant un geste de la main un peu pressant en mode "allez, passe-moi ton vêtement", Alys attendit dans cette posture quelque peu inconfortable, l'autre main trop occupée à la tenir en équilibre pour qu'elle récupère une serviette pour le moment.

erlin, mille merci. Les choses semblaient s'arranger. Manifestement, la gamine avait juste besoin de quelqu'un de pragmatique sur qui se reposer pour des questions pratiques pour se calmer. Heureusement, car c'était la seule chose qu'Alys était capable de gérer. Elle écouta en silence le bruissement des vêtements, jetant un coup d'oeil à la porte des toilettes. Elle mourrait d'envie de lancer un sortilège de verrouillage. Qu'est-ce qui pouvait être pire ? Etre surpris dans la situation actuelle ou attirer l'attention sur une violation du règlement en bloquant la porte ? Sincèrement, elle ne pouvait pas trancher. La seule chose à faire était de se presser pour que jamais elle ne découvre la réponse à cette question.

Alys détourna son attention de la porte d'entrée quand elle sentit un tissu lui toucher la main. Le tirant vers elle, elle bannit de son cerveau toutes pensées qui pourraient se concentrer sur le fait qu'elle tenait la culotte ensanglantée d'une autre élève. La gamine était probablement suffisamment gênée pour deux. Sortant sa baguette magique, Alys murmura rapidement la formule avec un geste de la baguette qui lui vint presque naturellement. Pas comme si elle avait l'habitude d'utiliser ce sortilège mais il y avait des apprentissages théoriques qui se gravaient à vie en vous, des logiques qui vous viennent naturellement et même si elle ne pratiquait pas ce sortilège et ne l'avait jamais appris en cours, une petite étude du sortilège et le spectacle de sa mère l'utilisant à plusieurs reprises suffisaient à le rendre maitrisable. Et en parlant de maitrisable...

~ Tu as intérêt à ne pas me dénoncer, parce que si tu le fais, je te jure que tes crampes d'estomac te paraitront très douces à côté.

Voilà, menace préventive effectuée. Ce n'est pas comme si elle n'avait pas moyen de toute façon. A moins que la gamine l'ait reconnue par un hasard et une malchance terrible, soit elles continueraient d'ignorer l'identité de l'autre, soit elles se reconnaitraient l'une l'autre et ça engendrait de terribles représailles si elle osait ouvrir la bouche. Savoir qu'une gamine panique en ayant ses règles n'était certainement pas un truc qu'Alys trouvait rigolo, mais elle savait à quel point ce serait mortifiant pour elle si ça se savait. Non pas qu'Alys ait l'intention de raconter quoi que ce soit, les ragots n'étaient pas son met favoris et pour le dire à quelqu'un, il fallait encore avoir quelqu'un. Non, les secrets des gens ne l'intéressaient pas, ils n'étaient que des points de pressions potentiels tant qu'elle ne les oubliait pas et ce n'est pas comme si elle s'amusait à en faire la collect' "au cas où". Prudente, méfiante, mais pas parano et maniaque du contrôle.

Le problème du sang réglé, Alys se redressa, fouilla dans sa poche pour récupérer son porte-monnaie qu'elle ouvrit juste assez pour y glisser sa main et tâtonner à la recherche d'une serviette. Est-il nécessaire de préciser qu'il ne lui vint à aucun moment à l'esprit que le bruit produit en se levant puisse faire flipper la gamine voire la faire paniquer avec l'idée potentielle qu'elle pourrait se barrer avec sa culotte ? Ce qui ne serait pas une pensée totalement absurde à la lumière de la menace qu'elle venait de prononcer. Mais Alys était trop concentrée sur sa tâche -une priorité après l'autre- pour seulement l'envisager. Elle finit par refermer ses doigts sur un paquet de serviettes qu'elle ressortit avant de glisser son porte-monnaie dans sa poche et s'accroupir de nouveau. Elle en sortit une, retira l'enveloppe qui l'entourait, retira le plastique qui recouvrait la partie collante et la glissa au fond de la culotte avec des gestes méthodiques et un visage fermé. Une fois fini, elle repassa la culotte sous la porte.

~ Pense à t'essuyer avec le papier toilettes avant de te rhabiller, ça évitera de salir la serviette pour rien tant que tu peux éviter. Dès que tu as finis, dis-moi, je te passerais d'autres serviettes sous la porte pour durer au moins la journée. Après faudra voir auprès de tes camarades de dortoir si elles en ont d'autres. L'infirmière devrait en avoir aussi, elle t'expliquera tout ce que tu as besoin de savoir notamment les...

Matériel, froid et détaché. On aurait dit une conférence sur le port de l'uniforme. Mais il arrive forcément un moment où la gêne rattrape. La voix d'Alys resta en suspens une seconde avant d'arriver à la conclusion qu'elle était obligée de finir sa phrase. Surtout qu'il ne manquait qu'un seul mot.

~ ... tampons. ... Et d'autres trucs...

Alys se releva derrière la porte, prenant au pif six serviettes, laissant suffisamment pour finir la journée elle-même et elle en avait d'autres au dortoir. Avec six, elle devrait tenir confortablement jusqu'au soir, même si elle gâchait une serviette en la changeant trop tôt. Elle rangea le reste du paquet dans le porte-monnaie qu'elle ressortit, ouvrit puis referma une fois le paquet disparu. Remettant le porte-monnaie dans sa poche, elle s'accroupit de nouveau, prête à tendre les serviettes supplémentaires dès que la voix de la gamine se ferait entendre.

erlin, merci, elles arrivaient au bout de cette épreuve. Alys ne commenta pas la réponse à sa menace. La gamine ne soulevait même pas que pire que d'avoir eu l'intention d'user la magie, il y avait toute la situation actuelle qu'elle pouvait balancer. Soit elle assumait, soit elle avait terriblement peur des punitions. Et Alys n'avait pas spécifiquement envie d'entendre la réponse. Ce n'était même pas un retour de menace plausible. Entre faire de la magie et avoir eu l'intention et ne pas l'avoir fait, elle était certaine que c'est elle-même qui trinquerait. Elle s'était contenter de fredonner un "mmm" sans engagement alors qu'elle était occupée.

En attendant, il semblait qu'elle avait touché juste en essayant pas de s'occuper de l'aspect émotionnel de la situation. C'était agréable de voir que le pragmatisme pouvait abaisser les tensions. La gamine lui avait semblé intouchable derrière sa peur et sa douleur, mais manifestement, une fois qu'elle avait reçu des instructions, elle était capable de les suivre et Alys n'entendait presque plus aucun bruit derrière la porte hormis le bruissement des vêtements. Une fois qu'elle entendit ce qu'elle supposa être la fermeture éclair de son pantalon, elle tendit la main sous la porte, la gamine réceptionnant son étrange cadeau et la remerciant au passage. Fredonnant de nouveau, Alys se releva et s'écarta de la porte.

Bien, situation maitrisée, bravo Alys, félicitations, tu t'es presque débrouillée comme une chef. Et maintenant ? Maintenant, la Reeze n'avait pas spécifiquement envie de s'attarder. Au-delà du fait qu'elle avait prévu de passer le reste de l'aprem à la bibliothèque avant son cours de S&E, elle n'avait pas forcément envie de prolonger la situation actuelle. Et elle doutait que la gamine veuille même croiser son regard.

Reposant son sac par terre, elle récupéra sa cape en partant du principe qu'il valait mieux avoir disparu avant que la gamine sorte :

~ Bien, si tu veux éviter la gêne de se regarder, je te conseille de rester là jusqu'à ce que je sorte. J'enfile ma cape, je prends mon sac et les toilettes seront toutes à toi. Un rapide coup d'oeil à sa montre et Alys ajouta : Si tu as cours, tu seras en retard, passe par l'infirmerie directement dans ce cas. Tu feras d'une pierre deux coups : une justification officielle et des infos pratiques sur tes règles.

Aspect pratique avant tout. Rabattant les bordures de sa cape, Alys balança son sac sur son épaule, ouvrant la porte des toilettes et s'en alla sans un mot de plus. Bizarrement, c'était assez viscéral : elle ne voulait plus être là quand la porte s'ouvrirait. Et la bibliothèque l'attendait. Nul doute que Bisset et Vivenberg saurait effacer les dix dernières minutes de son esprit.