— Assise, les jambes ramenées contre sa poitrine, Haley s’était pelotonnée contre son oreiller, ses affaires de cours éparpillées sur son lit. Un livre ouvert sur le cours de sortilège, l’autre sur le cours de métamorphoses, ses yeux passaient de l’un à l’autre avec ennui. Si elle s’écoutait, elle aurait boudé pendant encore un certain temps son cours sur les animagus et se serait attaqué à celui, plus intéressant, des enchantements. Mais le choix ne s’offrait pas à elle : elle devait travailler sur un sujet en duo avec une autre élève et se devait d’arriver avec un minimum de travail préparatoire. D’autant plus qu’elle ne connaissait pas assez précisément le niveau d’implication de son binôme et si celle-ci était appliquée ou non. Dans un cas comme dans l’autre, elle voulait prendre de l’avance : si la serdaigle se révélait trop laxiste, il fallait bien que quelqu’un fasse le travail afin d’obtenir une bonne note. Au contraire, si elle avait la bosse des métamorphoses, elle se devait d’être au niveau.

En réalité, l’anxiété était de la partie ; c’était elle qui la poussait à se recroqueviller sur son lit en regardant d’un air désespéré son devoir. Une fois n’était pas coutume, elle n’avait pu se mettre ni avec Artemis, ni avec Rosa. Le professeur avait décrété qu’elle serait avec une serdaigle qu’elle ne fréquentait que très peu, quand bien même elle l’avait déjà vu en compagnie de ses deux meilleurs amis. Des mystères qui entouraient la vie de la poufsouffle, celui de ses fréquentations restait sûrement le plus obscur : par un étrange coup du sort, elle avait trouvé en Rosalie une amie suffisamment importante pour qu’elle ne cherche pas à aller voir ailleurs. La gryffondor avait joint à leur duo un serpentard et Haley s’était très rapidement satisfaite des deux énergumènes, ne cherchant alors pas à sympathiser avec les autres. S’ils venaient à elle, pourquoi pas ? Elle daignerait à lever les yeux de ses livres quelques instants pour briser la glace, mais elle ne faisait que très rarement le premier pas. Ainsi, jamais elle n’avait abordé ni n’avait été abordée par Daria. Jusqu’à maintenant.

« Ouste Mac, je dois y aller ! » La jeune fille poussa son chat, qui était venu en croisade pour obtenir des câlins de sa maîtresse, et referma ses livres, fourrant ses parchemins et ouvrages dans son sac. Il était temps de se rendre à la bibliothèque pour son rendez-vous estudiantin. Bien heureusement pour elle, qui passait un temps certain entre les rayons de livres, la salle commune des poufsouffles avait été placée à quelques couloirs de distance de la bibliothèque. Chaque jour depuis quatre ans, elle bénissait le choixpeau magique de l’avoir envoyée dans la maison située le plus à proximité du sanctuaire des travailleurs. Machinalement, elle attrapa quelques friandises gentiment disposées dans la salle commune, sûrement laissées là par les elfes de maison, vieille tradition des jaunes et noirs qu’elle n’expliquait que par les antécédents culinaires de leur fondatrice, et quitta en trombe la pièce.

La poufsouffle ne perdit pas plus de temps, prenant la direction du point de rendez-vous. Elle arriva quelques secondes avant que la silhouette d’une serdaigle ne surgisse depuis l’angle d’un autre couloir. « Oui, merci et toi ? » répondit-elle avec politesse, lui rendant un sourire qu’elle trouvait toujours très maladroit, avant d’emboîter le pas de son binôme. Elle se contenta d’un hochement de tête approbateur à la suggestion de l’aiglonne, prenant place en face d’elle.

Il y eut un court instant de flottement, comme si toutes deux cherchaient par où commencer. Pourquoi était-ce toujours si difficile pour elle de prendre ses aises avec des élèves qui côtoyaient pourtant les mêmes salles de cours qu’elle depuis plus de trois ans ? À son grand soulagement, Daria prit les devants. « Oui, bien entendu. » répondit-elle d’un ton neutre, sans animosité aucune. « Ce n’est, à vrai dire, pas l’un des sujets qui me passionne le plus, mais puisqu’on ne peut y couper... » Elle accompagna sa déclaration d’un geste en direction de son sac, ôtant de la besace le manuel de métamorphose et le déposa sur la table, ainsi qu’un parchemin sur lequel était noté, de son écriture soigneuse, le sujet du cours. « En au moins quatre-vingt-dix centimètres de parchemin, on doit faire une étude approfondie des animagus... au moins, le sujet a le chic d’être assez vague pour nous laisser un peu de marge de manœuvre. » fit-elle en relevant les yeux de ses notes prises durant leur dernier cours de métamorphoses. Si Haley était d’une nature réservée, elle trouvait en général très rapidement ses aises dès lors que le travail se mêlait à la discussion. Il était un vecteur naturel de confiance en elle à travers duquel elle pouvait puiser une assurance qu’elle peinait à avoir en d’autres circonstances et se laissa donc très rapidement envahir par le but de leur présence en ces lieux. « Il y a, à mon sens, deux approches possibles : la première serait d’aborder le sujet d’un point de vue historique. » Elle ouvrit son livre au chapitre portant sur les animagus, tapotant distraitement le bord de la page en reprenant d’un air docte et impliqué : « Le travail est quelque peu prémâché par notre manuel de cours, mais je serai surprise que la bibliothèque ne contienne pas quelques ouvrages qui en parlent plus en profondeur. » Prise au jeu des suppositions, elle ne laissa pas le temps à son interlocutrice de placer le moindre mot qu’elle reprenait déjà la parole, ses yeux brillant d’une lueur soudainement plus passionnée. « La seconde approche est sûrement un peu plus complexe : nous connaissons la théorie pour devenir animagus, mais je pense qu’il pourrait être intéressant de développer la question de la forme que prennent les sorciers lorsqu’ils se transforment. Celles-ci divergent en fonction des personnes, je suppose que ce doit être en lien avec la psyché de chacun... » Son regard croisa celui de la brune, rappelant imperceptiblement à l’ordre Haley, dont la voix perdit en intensité avant de mourir. N’allait-elle pas trop vite en besogne ? Elle avait monopolisé la parole, prit les devants avec une certaine assurance qui s’était désormais envolée. Comme prise en flagrant délit, elle se mordit le bord de la lèvre avec anxiété, concluant d’une voix moins vive, proche du marmonnement : « Enfin... voilà. Je ne sais pas ce que tu en penses ? »

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— L’attitude de la jeune serdaigle avait un petit quelque chose de rassurant : elle était ponctuelle et arborait un grand sourire qui ne pouvait que laisser une bonne impression à Haley. Travailler avec une nouvelle personne était toujours source d’anxiété chez elle car elle ne cessait d’imaginer les pires scenarios qui pouvaient rendre le binôme catastrophique ; au-delà de la simple question de l’entente, elle craignait toujours de se trouver face à quelqu’un qui ne travaillait pas comme elle et qui s’accordait mal avec sa manière de fonctionner. Qu’il soit fainéant ou bourreau de travail, elle avait toujours peur de ne pas parvenir à trouver une forme d’alchimie et de faire échouer son partenaire de travail à cause de son propre mal-être. Mais pour l’heure, Daria était entourée d’une aura d’enthousiasme assez communicative qui l’aidait à se dérider légèrement et puisqu’elle était amie avec Artemis et Rosalie, ça ne pouvait pas être une mauvaise personne, si ?

Les deux filles allèrent s’installer dans un coin de la bibliothèque propice à la discussion, étalant leurs affaires sur la table et ne perdirent pas une minute de plus avant d’attaquer le vif du sujet. Son binôme avait pour elle le mérite d’être efficace et d’aller droit au but ; elles ne perdaient pas de temps en diverses tergiversations futiles et si rien ne les empêchait de prendre quelques libertés en quittant un peu les sentiers battus par leur travail imposé, il ne fallait pas perdre de vue l’objectif final. Contre toute attente, ce fut la poufsouffle elle-même qui se laissa aller à une première remarque hors du champ des métamorphoses. « Je ne sais pas trop, il y a tellement de sujets intéressants... ça doit être amusant d’être animagus au début, mais on trouve vite des limites à l’utilité que ça peut avoir. Compte tenu de la complexité du processus pour le devenir, je préfèrerai pour ma part m’atteler à des disciplines plus... profonde. » confia-t-elle en réponse à la question de sa partenaire de travail, le ton un peu plus hésitant sur les derniers mots alors qu’elle passait sur le registre de la réflexion plutôt que de l’affirmation.

La poufsouffle opina du chef avec satisfaction lorsque Daria donna son assentiment pour sa seconde proposition. Elle semblait plutôt accommandante, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Fidèle à la réputation de sa maison, l’aiglonne fit montre d’une certaine appétence au travail, listant ce qu’elle savait déjà du sujet ainsi qu’un premier axe de travail. Bénéficier du témoignage de quelques animagi pourrait en effet être un plus, un petit quelque chose qui montrerait qu’elles ne s’étaient pas contentées de quelques vagues recherches mais qu’elles y avaient mis du cœur à l’ouvrage. « Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’animagi en Grande-Bretagne. Ma mère peut sans doute avoir accès aux noms de ceux répertoriés par le ministère, mais je ne me vois pas vraiment envoyer un hibou à un inconnu pour lui en demander ce qu’il en pense. » fit-elle alors que ses joues se coloraient d’une distraite teinte rosée. Ses yeux balayèrent un instant la pièce, son champ de vision ne rencontrant rien d’autres que des étagères pleines à craquer de livres et parchemins, de quelques élèves en recherche de la perle rare et d’ouvrages voletants tout seuls jusqu’à leur place originelle. « Il doit sûrement y avoir quelques livres sur la question... » Elle tapota distraitement son manuel du doigt. « Peut-être des témoignages d’animagi qui pourront compléter ce qu’on a déjà vu en cours. » Aller farfouiller dans la bibliothèque en quête d’interviews et autres livres portant sur les rares détenteurs de la capacité de se transformer en un animal pouvait être intéressant, mais ça n’était pas la chose la plus pressante. Avant de s’éparpiller en recherches, il fallait déterminer des contours précis à ce qu’elles voulaient faire figurer dans leur devoir.

« Oh fait... » Haley glissa la main dans la poche de sa robe de sorcière pour en extraire son contenu. « Tu veux quelques dragées surprises ? On en a plein dans notre salle commune, je me suis dit que ça pourrait être un bon stimulant ! » Elle éparpilla sur la table, entre leurs divers manuels et notes de cours. Rien de mieux qu’un peu de sucre pour attiser les connexions cérébrales, même si en réalité, c’était bien plus dans le but de briser un peu la glace avec cette élève qu’elle ne fréquentait que très peu. Il fallait toujours à Haley quelques bons prétextes pour entamer une conversation, ça la mettait bien plus en confiance. Elle en piocha elle-même une au hasard et la glissa entre ses lèvres. Le goût ne tarda pas à se répandre sur sa langue, agressant son palais d’un immonde parfum qu’elle ne tarda pas à identifier comme du vomi. Une grimace dégoutée passa sur le visage de la jeune fille. « Beurk. » Elle dut se faire force pour avaler sa salive. « La personne qui a créé ces choses est d’une cruauté sans égal. »

Une fois remise, relativement difficilement, de ses émotions culinaires, elle tira vers elle le livre de métamorphoses et feuilleta dedans. Agiter ses mains l’aidait à réfléchir, comme si le fait d’activer ainsi une partie de son corps guidait par la même occasion son cerveau. Son ouvrage évoquait succinctement la méthode, laborieuse et au combien longue, pour devenir un animagus, la question juridique qui y était attaché et quelques considérations techniques sans grand intérêt pour ce qui les intéressait actuellement. « Il me semble avoir lu quelque part que les formes d’animagi sont souvent semblables à celles des patronus, même si ces derniers peuvent changer. » La comparaison trouvait vite ses limites, mais elle pouvait donner une idée du caractère très personnel de ce type de métamorphose. Elle releva la tête vers sa camarade. « Si tu devais devenir un animagus, tu prendrais quelle forme, à ton avis ? » Elle quittait un peu le sujet de leur devoir, mais ce n’était pas le temps qui leur manquait et elle était finalement très curieuse d’apprendre à connaître un peu plus la jeune serdaigle. Puisque le cours faisait un magnifique support pour en savoir un peu plus sur elle, il aurait été idiot de ne pas en profiter.

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— Haley dénigrait quelque peu la discipline des métamorphoses au profit d’autres qui avaient plus d’intérêt à ses yeux, quand bien même cette négligence pour la matière du professeur Lindberg ne l’empêchait pas de travailler avec assiduité et de mettre du cœur à l’ouvrage dans ses devoirs. Sans grande surprise, elle dévia assez rapidement du sujet originel qui les réunissait dans la bibliothèque pour donner son avis personnel sans que l’aspect moins catégorique de la serdaigle ne la gêne outre mesure. « Hmm... » Pianotant machinalement l’ouvrage du bout des doigts, elle prit quelques instants de réflexion. Il y avait tant de choses qui pourraient l’intéresser. Être animagus n’était pas tout à fait sans intérêt et, par certains aspects, c’était même assez séduisant mais bien d’autres disciplines l’étaient tout autant, si ce n’était plus. Si ça ne tenait qu’à elle, elle apprendrait sûrement toutes les disciplines magiques d’excellences. Malheureusement, même le plus doué des sorciers ne pouvait se vanter de tout maîtriser et elle ne faisait, à son grand damne, pas exception. Elle devait donc faire un choix. « Je sais que des legilimens sont parfois utilisés par le département de la justice magique lors d’interrogatoire, je pense que c’est une discipline qui pourrait me plaire. » Legilimancie ou occlumancie d’ailleurs. Les deux allaient souvent de pairs, quand bien même il était très rare de maîtriser les deux disciplines. Elles étaient en tout cas complémentaires.

À défaut de travailler sur sa matière de prédilection, la poufsouffle était néanmoins porté par le flot de réflexions de Daria, qui avait le don d’attiser son esprit naturellement curieux. Elle-même commençait à se prendre au jeu, délaissant quelque peu le plaisir que lui procurait la critique pour se plonger pleinement dans le cœur sujet. De toute façon, elle n’avait pas vraiment le choix, puisqu’elles avaient un devoir à rendre. « Étant donné que des animagus ont parfois usés de leurs capacités pour des missions d’espionnage, ça veut dire qu’ils comprennent toujours les autres êtres humains. » déclara-t-elle d’un ton docte. Elle aimait beaucoup les ouvrages d’histoires de la magie, ils faisaient presque office de roman pour elle ; pourquoi chercher de la distraction dans des fictions lorsque la réalité comportait son lot de rebondissement et où l’on apprenait que les histoires de capes et d’épées avaient réellement existées ? Et puisque ça lui donnait souvent un train d’avance dans le cours qui y était consacré, ça ne mangeait pas de pain. « Mais est-ce qu’ils peuvent communiquer avec une autre espèce, c’est une bonne question... ce serait extraordinaire ! Ça voudrait dire que la magie peut servir de vecteur linguistique... en quelque sorte. » Ses doigts se figèrent au-dessus de la page qu’elle tapotait depuis plusieurs minutes. L’excitation commençait à la gagner alors qu’elle envisageait diverses utilités qu’un tel pouvoir, qu’elle mésestimait jusqu’alors, pouvait avoir. Puisqu’elle pouvait facilement se laisser gagner par l’anxiété et se sentir incapable de communiquer naturellement avec les autres, toute forme de magie qui pouvait lui octroyer un semblant de maîtrise dans les relations humaines était bonne à prendre. Mais pour obtenir leurs réponses, le mieux était encore de demander directement aux premiers concernés, les animagi eux-mêmes. Pour cela, il fallait encore une certaine audace dont Haley faisait parfois cruellement défaut, ce qui ne semblait, en revanche, pas être un problème pour la serdaigle, qui se révélait plus affirmée que ce que la poufsouffle aurait pu imager de sa part. Elle la connaissait si peu, en fin de compte ; quatre années passées à côtoyer les mêmes salles de cours, et les mêmes amis, pour demeurer de parfaites inconnues, ou presque... s’en était navrant. « Mes deux parents travaillent au Ministère, à vrai dire. Ma mère est juge au magenmagot. » fit-elle non sans qu’une mélodie de fierté ne vienne colorer sa voix. « Dans ce cas-là, je peux peut-être lui demander... ça ne coûte rien d’essayer. Dans le pire des cas, la réponse arrive trop tard, mais au moins, nous aurons un témoignage intéressant à connaître pour notre propre culture personnelle ! » C’était un début de plan mais, pour l’heure, rien qui ne puisse leur permettre de présenter un travail abouti au professeur. En attendant, elles pouvaient se reposer sur le contenu non négligeable d’informations dont la bibliothèque devait sûrement disposer.

Mais avant tout de chose, un sujet presque aussi important accapara l’esprit d’Haley, qui proposa une petite dégustation. En les prenant, elle n’avait pas été certaine d’avoir l’occasion d’en proposer à sa binôme, mais dans son but originel, les dragées pouvaient tant servir à briser un silence gêné – l’une de ses plus grandes craintes lorsqu’elle devait être en tête à tête avec quelqu’un qu’elle ne connaissait pas bien – qu’à donner du courage avant de s’atteler à un travail harassant. « Ce n’est pas moi qu’il faut remercier, mais Helga Poufsouffle ! Il y a peut-être plus épic comme fondateur de maison, mais quelqu’un versé dans l’art culinaire magique, ça a tout de même ses avantages. » Son visage se fendit d’un sourire amusé et qu’elle espérait complice ; sans doute était-il un peu maladroit et gêné, mais le cœur y était. Elle désirait que ce binôme se passe pour le mieux, en partie parce que la serdaigle était une amie de Rosalie et Artemis et qu’elle ne voulait pas donner l’impression d’être une associable constamment recluse avec ses livres et qui restait caché derrière les deux mêmes élèves. « Un bon stimulant je ne sais pas, mais un brin de divertissement dans une journée studieuse, j'en suis persuadée. » La poufousffle opina du chef tout en retirant le papier autour de sa dragée. « Trop fidèle. » répondit-elle en rigolant. « Je n’ai pas eu autant de chances que toi sur le parfum. » Elle eut une dernière grimace alors qu’elle avalait sa salive dans l’espoir vain d’ôter tout vestige du goût de la friandise. « Goût vomi, pour ma part. Parfois, je me demande comment les vendeurs des dragées surprises ont fait pour ne pas mettre la clef sous la porte avec des parfums dégoûtant comme celui-là... » maugréa-t-elle, quand bien même, malgré quelques mauvaises expériences culinaires comme celle-ci, elle continuait d’apprécier les dragées surprises. Le côté surprise devait représenter un attrait suffisamment fort pour que les sorciers continuent de prendre le risque.

Alors que Daria s’armait de plume et parchemin, elle-même noircissait sa feuille des quelques choses qu’elles avaient déjà évoquées, notant au passage – en guise de mémo – qu’il lui faudrait sûrement envoyer un hibou à sa génitrice pour quémander le contact d’un animagus. « C’est vrai que ce doit être amusant de pouvoir voler... » Tant d’endroits lui deviendraient accessibles si elle était capable de se transformer en oiseau et ce devait être assez jouissif de pouvoir planer au grès du vent. « Mais s’il fallait que je choisisse un animal dont je me sens plus proche, je dirais... » Elle laissa sa voix traîner quelques secondes, les yeux levés au ciel alors qu’il égrenait dans son esprit plusieurs possibilités. « Peut-être un chat. » Comme les petits félins, elle aimait le confort de l’intérieur, la chaleur de l’âtre d’un feu... et elle avait également un petit côté prédateur. Oui, elle serait sûrement un chat. Ou un animal semblable, quelque chose de peut-être moins évident, mais qui devait partager quelques caractéristiques avec les félidés.

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— À mesure qu’elles discutaient, Haley arrivait à se décontracter un peu. Se retrouver à travailler avec une nouvelle personne n’était pas si terrible que ça, finalement ! Elle se permettait même quelques digressions, prenant plaisir à découvrir un peu plus qui était sa camarade. Bientôt quatre ans passés sur les mêmes bancs d’école, et pourtant elles n’avaient jamais trouvé le temps – ou le courage – d’aller voir l’autre pour apprendre à se connaître. Daria n’était pas la seule de sa classe avait qui elle n’avait jamais noué de lien très profond, mais il n’était jamais trop tard pour remédier au problème ! « Peut-être... » Elle prit quelques instants de réflexion, regardant distraitement son manuel de métamorphose comme si elle escomptait de lui qu’il lui souffle la solution à l’épineuse question qu’était l’avenir de la poufsouffle. « Je pense que ma mère serait contente que je tente cette carrière. » Sans être totalement poussée par sa génitrice, celle-ci n’hésitait toutefois pas à lui présenter sa propre profession comme une carrière respectable et enviable. Un avenir qui siérait parfaitement à Haley et qui ferait honneur à ses parents. Mais le département de la justice magique n’était pas le seul but digne de ce nom qu’elle pouvait se fixer, la membre du magenmagot accepterait sans nul doute de soutenir sa fille unique dans de nombreuses autres carrières. Tant qu’elle n’aspirait pas à être vendeuse à la sauvette sur le chemin de traverse – ou pire, mère au foyer ! – elle la soutiendrait dans ses projets. « J’ai encore un peu de temps avant de me décider... » Encore que le moment fatidique de faire un premier choix cornélien se faisait de plus en plus proche. Les BUSES étaient pour l’année d’après, et ceux-ci détermineraient une partie de son avenir. Un sourire un peu forcé fendit son visage, comme si, à nouveau, l’anxiété repartait à l’assaut et l’agressait violemment de questions aux allures de panique : et si elle loupait ses BUSES ? Si elle ne validait pas les matières fondamentales et était forcé d’abandonner ses plans de carrière florissante ? Et si elle validait ses BUSES, quelle matière conservait-elle ? Elle risquait de faire le mauvais choix trop tôt, de se fermer quelques portes qui, peut-être, finiraient pas attirer son attention. « Tu as une idée, toi, de ce que tu voudrais faire plus tard ? » demanda-t-elle finalement, presque pour chasser l’appréhension naissante. Reporter l’attention sur Daria avec l’avantage d’offrir une bonne distraction à l’esprit angoissé de la jeune poufsouffle ; elle n’était après tout pas la seule à subir ce genre de dilemme et qui mieux qu’une personne appartenant à la maison de serdaigle, maison réputée être constituée de jeunes gens travailleurs et talentueux, pouvait comprendre ses angoisses ?

« Légilimencie et occlumencie... À nous deux, on fait la paire ! » fit-elle en rigolant. Ses raisons à elle n’étaient-elles pas également puériles et égoïstes ? Haley pouvait toujours prétendre que l’intérêt qu’elle portait à la discipline puisait sa source dans un projet professionnel dûment réfléchit, mais force était de reconnaître que l’idée de maîtriser une discipline réputée complexe et souvent assimilé à une grande maîtrise magique la motivait tout autant, si ce n’était plus. Aucun de ses parents n’était légilimen, aussi pouvait-elle se démarquer d’eux en le devenant. « Qu’est-ce qui t’intéresses particulièrement dans l’occlumencie ? » Ses joues s’empourprèrent légèrement, donnant une teinte vermeille à sa peau nacrée. « Enfin... si c’est pas trop indiscret, bien sûr ! Ne te sens pas obligée de me répondre. » Mine de rien, si pouvoir s’introduire dans l’esprit des autres avait un caractère très facilement attractif, protéger son esprit des attaques extérieurs dénotait sûrement d’un caractère plus prudent... peut-être plus sage. À moins qu’elle n’ait de sombres secrets qu’elle veuille cacher au monde, mais elle imaginait mal son binôme de travail en dangereux mage noir.

Trêve de bavardages inutiles, le sujet du jour n’est ni celui des diaspines magiques liées à l’esprit, ni celui de leur avenir, mais bien leur cours de métamorphose et du devoir qu’elles avaient à faire pour la semaine suivante. Le sujet, bien que n’étant pas celui qui passionnait le plus la poufsouffle, trouvait un certain intérêt à ses yeux, sous l’impulsion de sa camarade. L’enthousiasme de celle-ci était assez communicatif et poussait l’anglaise à s’investir dans la discussion. Enfin de compte, ne pas être en binôme avec Rosalie ou Artemis pouvait avoir un avantage ; sans ça, elle n’aurait sûrement pas eu l’occasion de converser avec Daria avant bien longtemps et serait passé à côté d’une discussion attrayante ! « Déjà, être animagus pour se transformer en vache, si tu veux mon avis, c’est pas génial... alors s’il faut manger comme l’animal, c’est la double peine ! » Une raison de plus, à son sens, pour préférer les autres disciplines. Elle pouvait toujours rêver de se transformer en un animal intéressant, mais le risque d’être déçue était trop grand pour tant d’efforts.

À mesure de leur discussion et de leurs questionnements – plus ou moins sérieux – une ébauche de devoir commençait peu à peu à s’installer. Le plus dur restait encore à faire, mais elles semblaient tenir le bon bout et prévoyaient même d’interroger les premiers concernés par le sujet de leur devoir. L’avantage d’avoir des parents qui travaillaient tous deux au ministère se faisait indéniable ; elle se doutait que sa mère ne lui refuserait pas de la mettre en contact avec des animagus du registre si c’était pour un devoir. « Mon père est au département des accidents et catastrophes magiques. » Directeur du bureau de la désinformation, ça n’était pas rien tout de même, mais ça aurait sûrement fait trop prétentieux de le présenter ainsi. La fierté qu’elle avait à l’égard des professions de ses deux parents n’était pas assez forte pour qu’elle la vante avec si peu de retenue.

Bien que certainement dissemblable sur de nombreux points, l’aiglonne et Haley avaient tout de même quelques points communs. Cette dernière était heureuse d’être tombée sur quelqu’un de studieux et qui mettait du cœur à l’ouvrage dans son travail, mais était-ce étonnant de la part d’une serdaigle ? Encore que l’acharnement au travail fût un attribut plus souvent donné aux poufsouffles, l’érudition appartenait indéniablement aux bleus et bronze. Tous ne l’étaient pas pour autant, les membres de cette maison ayant pour beaucoup une certaine appétence pour l’art, quel qu’il soit. C’était bien là ce qui avait sûrement empêché le choixpeau d’envoyer l’anglaise chez les aiglons : elle n’avait aucune forme d’imagination et n’avait jamais fait montre de prédisposition artistique. À l’inverse, Daria estimait que poufsouffle aurait également pu lui convenir. « Le choixpeau a hésité avant de t’envoyer à serdaigle ? » Le jour de leur répartition, elle n’avait pas prêté attention aux autres, trop accaparé qu’elle était par l’attente du moment où elle-même devrait revêtir le couvre-chef. « Moi, je pense que je n’aurai pas fait une très bonne serdaigle... l’érudition, c’est une chose, mais la créativité me manque cruellement ! » renchérit-elle en rigolant.

Si elle n’avait rien de l’aigle, être un chat lui semblait une idée plus plausible. Un félin accoutumé à son confort, quoique le côté parfois trop paresseux pouvait contrebalancer un peu cette idée. Son interlocutrice avait un avis un peu différent... quoique empreint d’un caractère amusant. « Chat et chien... eh bien, heureusement que nous ne sommes pas des animagus alors, nous risquerions de ne jamais finir ce devoir si nous nous entendions aussi bien que chat et chien ! » Heureusement, l’alchimie semblant plus propice au travail que ce que laissaient présager leurs pronostics animaliers.

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— Les passions d’Haley n’en étaient pas tant que des inclinaisons familiales plus ou moins conscientes. Elle se rêvait bien d’une carrière au département de la justice magique, mais simplement parce que sa mère y travaillait et lui avait transmise son amour pour son travail. Elle ne niait pas que son attirance pour le domaine magico-juridique devait beaucoup à son éducation, mais qui pouvait prétendre ne pas subir l’influence de ses parents ? La poufsouffle acceptait simplement plus facilement l’idée que d’autres, son caractère étant grandement dénué de désir d’oppositions et de révolutions. Elle laissait ces choses aux personnalités fortes, comme celle de Rosalie, enviant parfois la gryffondor de ce dont elle était capable sans toutefois réellement vouloir l’imiter. Et après tout, puisque le monde des sorciers était rempli de gens qui, comme elle, suivaient la voie tracée par leurs géniteurs, elle n’avait pas de raison particulière de faire autrement.

Elle opina du chef à l’écoute des paroles de Daria, sans toutefois les partager pleinement. Elle avait une lecture légèrement différente, sûrement empreinte d’un plus grand fatalisme, mais qu’importe. Par simplicité – et parce qu’elle ne souhaitait pas lancer un débat qui risquerait de les froisser – elle demeura silencieuse. Au fond, la possibilité de découvrir plus en profondeur les professions inconnues n’était d’ailleurs pas une mauvaise idée... seulement, certains domaines restaient inexorablement familiaux et beaucoup de sorciers tenaient à cet ordre établi. Aucun fabricant de baguette ne laisserait des inconnues apprendre leur métier et tous préfèrent léguer la boutique aux enfants. « Il me semble me souvenir que mon père m’avait dit qu’à l’approche des BUSEs, on nous donne des prospectus sur les différents corps de métiers, pour nous aider à choisir les matières à garder en sixième année... » commença-t-elle d’un ton pensif. « C’est comme ça que lui a su dans quel département il voulait postuler. » L’homme avait toutefois toujours su vouloir mener une carrière ministérielle, sans doute par esprit de vengeance quant au passé de fuite de la famille Strauss. « Mais je n’ai jamais entendu parler d’une sorte de centre d’information, en dehors peut-être d’un bureau au ministère de la magie. » Elle marqua une courte pause. Quels que soient ses rêves d’avenirs, Haley avait toujours visé, à l’instar de ses parents, le ministère de la magie, aussi n’était-elle pas trop au fait des autres métiers. Elle haussa finalement des épaules en reprenant : « Mais c’est vrai que c’est dommage qu’on n’ait pas plus d’informations. J’aimerais bien que des intervenants viennent à Poudlard pour nous parler de leurs métiers... à part des aurors, on n’a pas eu grand-chose. » termina-t-elle en riant, quoique rire fût un peu forcé. La jeune anglaise était d’un naturel à aimer les habitudes et la routine, ainsi elle doutait fort de pouvoir s’intéresser à une profession à laquelle elle n’avait pas eu le temps de longuement réfléchir pour s’y préparer. Mais si l’intervention de professionnels ne changeait sûrement pas ses avis bien arrêtés, il n’en serait pas moins intéressant à ses yeux d’en bénéficier.

En fin de compte, les deux demoiselles avaient plus en commun qu’elle ne l’avait pensé en l’écoutant parler : elle aussi avait une vie toute tracée par l’influence maternelle, quoique dans un domaine très différent. Une danseuse étoile. À la réflexion, la serdaigle avait le corps parfait pour ce genre de choses : longue et fine, elle était très gracieuse et sa posture était droite. « Ça doit être fantastique de mélanger magie et danse ! » L’idée lui plaisait réellement. Pour quelqu’un dénuée de toute forme d’imagination comme elle, les inventions des autres étaient précieuses car son seul vecteur de rêverie et de fantaisie. Nul doute que le choixpeau avait repéré chez la petite danseuse cette fibre artistique.

Daria parlait beaucoup des moldus et de leur monde. Sûrement était-elle une née-moldue, ou au moins avait-elle dû grandir dans un milieu très proche. Par pudeur et parce qu’elle craignait que la question soit mal interprétée, Haley garda le silence plutôt que de l’interroger à ce sujet. « Ça ne te manque pas de ne pas pouvoir danser autant que tu le voudrais ? » Peut-être qu’à sa place, elle-même serait fort marri d’être forcée de passer autant de temps dans une école au détriment de la formation qu’elle avait longuement attendue.

La serdaigle était pleine de surprise : danseuse, sorcière et désireuse d’apprendre l’occlumencie. Au fond, elle appréciait cette forme d’ambition chez elle, quand bien même elle se dénigrait – à moins que ça ne soit de la fausse modestie, mais ça n’y ressemblait guère – en décrivant ses motivations. Elle était donc bien une née-moldue. Le savoir n’apportait pas – ni ne changeait – grand-chose, mais au moins sa petite curiosité personnelle était désormais satisfaite, comme s’il fallait la nourrir régulièrement d’informations pour qu’elle se sente comblée. La poufsouffle hocha pensivement du chef en écoutant les explications de son interlocutrice, avant de finalement la secouer à sa conclusion. « Je ne trouve pas ça puéril... ou peut-être l’est-ce, mais dans ce cas-là, je le suis tout autant que toi et bien mal placée pour te critiquer ! » Elle eut un petit rire, avant de renchérir. « En fait, je trouve que le plaisir de maîtriser une discipline d’excellence comme celle-ci, c’est un beau défi à relever ! Et s’il sert à donner une leçon à ceux qui se prétendent mieux que toi, c’est une occasion à ne pas rater ! » Elle détestait être surpassée, c’était un fait indéniable, et avoir l’impression que d’autres se considéraient comme meilleurs ou supérieurs, pour une raison ou une autre, l’insupportait d’autant plus. Haley n’avait pas l’inconvénient du sang, sa famille comptait suffisamment de sorciers pour que la plupart les respecte un temps soit peu, mais elle avait d’autres défis et d’autres complexes... être entourée de personnes aux réussites souvent remarquables – des personnes toujours haut placé dans les sphères politico-sorcières – en était un. Au fond, elle partageait une part de ce mal-être que pouvaient avoir les nés-moldus, quoique à une échelle différente.

Du travail et de la discipline, il en fallait également pour devenir animagus. Pourtant si de nombreux domaines pouvaient intéresser la poufsouffle, celui de se transformer en animal la laissait plus dubitative. La discussion avec Daria n’arrangeait rien à cette vision peu reluisante, particulièrement s’il était question de se transformer en vache. Secrètement, elle espérait presque que l’animagi qu’elles choisiraient à contacter prenne la forme d’un bovin afin de pouvoir le questionner sur son ressentit. Elle se voyait toutefois assez mal demander à ses parents de rechercher spécifiquement le nom d’un tel animagi au ministère.

« Il s’occupe des relations entre le ministre de la magie et le premier ministre moldu. Quand il y a des accidents, des criminels ou autres... il prévient le ministre moldu, et veille à ce que les mesures soient prises pour éviter que des sorciers ne fassent de bêtises devant les moldus, ou leurs fassent du mal. » expliqua-t-elle d’un ton docte lorsque la serdaigle la questionna plus en détails sur le métier de son géniteur. « Et c’est de lui dont dépendent les sorciers qui vont voir les nés-moldus pour leur expliquer qu’ils sont sorciers. Quand il a commencé sa carrière, c’est ce qu’il faisait, d’ailleurs. » Il n’avait pas exercé cette fonction très longtemps, quelques mois tout au plus, mais à présent qu’elle savait que la serdaigle était une née-moldue, elle estimait approprié d’évoquer des sujets qui lui étaient plus familiers. « En somme, c’est un peu le bureau des relations avec les moldus ! Avec un nom qui fait un peu peur... bureau de la désinformation, ça fait toujours un peu dictature, je trouve. » Elle afficha un sourire amusé, avant de renchérir en rigolant. « Mais il n’a rien d’un dictateur, promis. En fait, c’est cool d’avoir un père qui travaille avec les moldus, j’ai pu faire pleins de choses dont ma mère ne connaissait même pas l’existence ! Quand j’étais petite, mon père m’a même emmené voir un film dans un cinéma moldu. Il avait été invité par le ministre moldu à l’inauguration d’une nouvelle salle, à Londres ! » En réalité, elle s’était fortement ennuyée ce jour-là : son père avait passé toute l’après-midi à discuter politique avec le moldu et ne s’était pas du tout occupé d’elle. Même le film n’avait guère su remonter le niveau une fois la surprise de découvrir ces images bougeant et criant à la manière des tableaux magiques.

Sans réelles surprises, Daria lui confirma son intuition : elle était une serdaigle jusqu’au bout des ongles. Érudite et artistique, elle faisait parfaitement honneur à sa maison. Sa répartition n’avait guère dû prendre beaucoup de temps, pas plus que celle d’Haley d’ailleurs, qui avait eu le mérite d’être rapide et efficace. « Le choixpeau n’avait pas beaucoup hésité non plus, pour moi. Je n’ai pas la trempe des gryffondors, ou la verve des serpentards... poufsouffle me correspond bien mieux. Et c’est juste à côté de la bibliothèque, c’est un gain de temps fantastique ! »

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