Coincés entre la lune et les étoiles, étendus sur la berge du lac noir, complètement trempés et carrément frigorifiés, nous nous laissâmes aller à des rires libérés de toutes contraintes. Ça faisait du bien, de se laisser porter par ces exclamations folles qui parvenaient à repousser, encore un peu, les morsures du froid. Secoués par cette forme d’hystérie qui prenait naissance dans bien des choses — de notre course insensée à notre chute imprudente en passant par ces ruines personnelles que nous fuyions en compagnie de l’autre — nous finîmes par nous redresser et nous faire face, une expression indéfinissable accrochée aux coins de nos lèvres. Son regard opalin hurlait le même plaisir qui avait abandonné toute raison. Nous étions venus chercher quelque chose — d’aussi insaisissable que des frissons qui ne nous secouaient plus, d’aussi instable qu’un besoin de sentir pulser en nous cet élan de vie qu’on nous avait pris — et il semblait bien que nous l’avions trouvé. Pour ma part, c’était le cas. Ma peau s’hérissait du contact des gouttelettes glaciales et mes muscles se tordaient sous ces températures polaires ; mes cheveux plaqués sur mon dos dégoulinaient ; mes lèvres pâlissaient à vue d’oeil et je venais d’échapper à une crise… mais je n’étais pas pressée de rentrer. Les risques d’hypothermie et les autres aussi ne m’inquiétaient guère. Après des semaines d’une torpeur douloureuse, à creuser un vide qui l’était au moins autant, j’avais l’impression de renouer avec mon impulsivité et ma fougue que je croyais perdues sous les ruines recouvertes de cendres. Il n’en était rien. L’instant serait bref, je ne me faisais pas d’illusions, et le retour à Poudlard marquerait le retour de ces sombres pensées et de ces sentiments chagrins, mais pour quelques minutes au moins, j’avais retrouvé une infime partie de ce qui me manquait. Maxton, lui, avait tout l’air de renvoyer les mêmes émotions. « C’est un son plaisant » fis-je après une petite seconde de silence, observant l’éclat de son regard sans savoir quoi en déduire. Les mystères de sa chute écartés, nous nous relevâmes et je notai alors la disparition des boucles d’oreilles que le Gryffondor m’avait offertes. Loin d’être sentimentale, leur perte me laissa tout de même un brin amère quoiqu’il puisse y avoir une forme de poésie à les imaginer se perdre dans les bas-fonds du lac noir. Elles poursuivirent leur noyade, emportant avec elles les derniers moments de cette promenade au creux des enfers, alors que nous reprenions le chemin du château, réprimant des frissons qui faisaient serpenter un froid de plus en plus lourd à porter le long de nos dos.
Quelques pas plus tard, mon regard discerna une silhouette qui n’avait rien d’enfantine. Encore quelques secondes et les traits du garde-chasse se découpèrent dans la fin d’après-midi déjà plongée dans l’obscurité. Un juron norvégien s’échappa d’entre mes &alèvres avant d’être suivi d’une remarque amère. Duncan se dirigeait droit sur nous, il était impossible de se tromper sur ce fait, et nos pas ralentirent d’eux-mêmes, comme pour conserver quelques secondes de plus loin des troubles quotidiens. La promesse de Maxton trancha le silence avant que l’adulte ne se place devant eux, dardant son regard sombre sur les deux élèves. S’il pouvait y avoir encore le moindre doute sur ce qu’il avait exactement vu — deux Sombrals dans les airs et leurs cavaliers ou juste deux camarades qui venaient de faire quelques brasses dans le lac, bravant le froid et la stupidité de cette action ? — il disparut au moment-même où il prit la parole. Son incrédulité arracha un sourire lointain à mes lèvres bleuies qui se transforma en un rictus agrémenté de mépris. « Ce sont des Sombrrrals. Seuls ceux qui ont vu la morrrt peuvent les distinguer. Voilà comment. » Oh, je savais très bien que ça n’était pas là le sens de sa question. Mais s’il pensait réellement que nous allions lui confier nos passés et ses ombres les plus noires parce qu’il nous le demandait gentiment… il était peut-être encore plus bête que bien d’autres. « Enfin, je crrrois que je ne vous apprrrends rrrien » soulignai-je avec une subtilité absente et un ton mordant. Il les voyait également, c’était certain, sinon sa question aurait été toute autre. Peut-être souhaitait-il nous confier ses propres expériences qui l’amenaient à discerner ces majestueux chevaux ailés ? Si c’était le cas, j’étais partante pour l’écouter, mais au chaud, l’eau qui alourdissait nos vêtements et s'infiltrait au plus profond de nous commençait à frôler les limites du supportable.
( Pando )
Vesper L. Corvere
À SAVOIR Arrivé(e) le : 18/05/2020 Parchemins rédigés : 585 Points : 15 Crédit : Tumblr Année : 6ème année
DETAILS EN PLUS Et plus en détails ? Statut Sanguin: Sang-Pur Pouvoirs spéciaux: Animagus Chat Poste de Quidditch: Aucun Patronus: Panthère Epouvantard: Matières suivies et niveau: Points Défis: (755/2000) Disponible pour un RP ?: Bien sûr, on le commence quand ? D'autres comptes ?: Aisling
Maxton resta silencieux une bonne seconde à soutenir son regard quand elle lui confia que son rire était un son plaisant. Il n’avait jamais envisagé qu’elle puisse lui répondre cela. Le compliment était agréable, évidemment. Comme une sensation de chaleur alors qu’il était frigorifié suite à leur chute. Mais il était pris au dépourvu. Erin était moqueuse, ses sarcasmes allaient de pair avec son ironie et leurs commentaires mordants avaient longtemps peuplé leurs conversations. Mais que répondait-on à des paroles qui ne contenaient aucune raillerie ? Encore une preuve que cette étrange fuite en avant ne cessait de modifier leur dynamique. Il y avait eu des esquisses de secrets murmurés, voilà maintenant qu’ils s’échangeaient ce qui aurait pu s’apparenter à des marques d’affection. C’était inattendu. C’était étrangement réconfortant. Finalement, un sourire amusé se dessina sur ses lèvres et il répliqua avec une forme de détachement et de légèreté qui interdisaient tout accès à ses pensées.
- C’est toi qui es plaisante.
Mais peu importait la joie que lui procurait ou non ce moment et de l’envie qu’il avait de rester là, il se releva prestement pour regagner le château. Le temps et la température jouaient contre eux. Les éléments eurent d’ailleurs raison de leurs bavardages. Le chemin du retour n’avait rien d’agréable en raison de l’étau glacé qui les enserrait mais il devint franchement déplaisant quand Benjamin Duncan s’ajouta à l’équation. Alors que le garde-chasse apparut devant eux, beuglant dieu seul savait quelle chanson, les adolescents s’immobilisèrent, attendant la sentence avec une forme de résignation. Seulement, leur interlocuteur eut la réaction la plus surprenante de tout le panel qu’il avait pu imaginer. Il ne s’offusqua pas de les voir trempés de la tête aux pieds, les vêtements collant désespérément à leur peau bleuie, pas plus qu’il ne s’étonna de les retrouver si loin du château à des heures indues. Au contraire, ses premiers ne furent que pour les Sombrals. Maxton arqua un sourcil suspicieux. Cette question signifiait qu’il les voyait. Trouver une camarade qui avait la même capacité que la sienne était déjà un défi lancé aux statistiques, mais qu’un employé de l’école a priori sans histoire rejoigne cet étrange trio n’avait aucun sens. Il y avait donc nécessairement des éléments qui lui étaient cachés qui expliquaient cette situation. Comme souvent, la perspective d’une énigme irrésolue alluma dans ses yeux une lueur de curiosité et de défi. Désormais, il voulait savoir. Cette journée était décidément la meilleure depuis bien longtemps, la présence d’Erin, ce moment avec elle et maintenant un mystère sur lequel occuper son esprit … Quelle fin de journée fructueuse.
Un sourire moqueur fleurit sur ses lèvres quand sa camarade répondit au garde-chasse comme si ce dernier était particulièrement limité. Oh il ne doutait pas qu’il le soit, mais entendre Erin lui rappelait avait quelque chose de particulièrement délicieux. Un dernier pied de nez à l’autorité pour prolonger les effets de l’adrénaline. Ils ne savaient pas encore de quelle punition ils allaient écoper, mais cette simple perspective était totalement insuffisante à les rendre plus dociles. Avec une indifférence qui contrastait avec le dédain dans ses yeux, il répondit du bout des lèvres
- J’étais adopté très jeune enfant. Avez-vous suffisamment d’imagination sur la base de cette information pour supposer ce qui me permet de voir les Sombrals ou est-ce que nous devons discuter avec la directrice de ce qui vous pousse à vouloir connaître les souvenirs manifestement traumatisants de vos élèves ?
Il prit bien soin de ne pas croiser le regard d’Erin. Elle savait qu’il mentait, sa clairvoyance était bien trop récente pour dater de son adoption et il lui avait confirmé. Mais il ne souhaitait pas que l’on vienne creuser ses secrets et cette défense était assez culpabilisante mais plausible pour que le garde-chasse n’aille pas réellement chercher plus loin. Cela aurait peut-être également le mérite de le faire changer de sujet ou du moins c’était le but de la menace de faire appel à la direction. Il savait que Wendell le couvrirait si Appleton devait le contacter. Le deal était simple de toute façon, il taisait un meurtre pour qu’on passe sous silence le sien. Un marché morbide contre l’assurance de s’en sortir. Chacun en savait assez pour dynamiter la vie de l’autre. De nouveaux frissons le parcoururent alors que le froid mordant ne cessait de l’agresser douloureusement. Ses doigts étaient gourds dans ses poches, contre sa baguette et il supposait que ses lèvres devaient être aussi bleues que celles de la Poufsouffle.
- Si nous n’avançons pas vers le château pour que nous puissions nous débarrasser de ces vêtements, je vous assure néanmoins que si vous ne les voyiez pas encore, notre mort par hypothermie vous donnera cette aptitude.
Il avait prononcé ces mots avec la même arrogance que précédemment, avec même une touche d’ironie s’agissant de la clairvoyance de Duncan, mais un claquement de dents à la fin de sa phrase ponctua ses propos avec un peu moins de superbe que ce qu’il aurait voulu faire passer. Pour impulser le mouvement à l’adulte qui semblait incapable de marcher et de réfléchir en même temps, il avança d’un pas vers le château.
