(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Lun 3 Aoû - 18:09
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Lun 3 Aoû - 23:55
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Avec une application qui frisait le grotesque, je m’évertuais à débarrasser notre seule et unique bouteille de la crasse que des années sans le moindre soin avaient laissée s’accumuler. Bien loin de notre confort habituel, ces besognes m’apparaissaient ingrates et dénuées de tout l’amusement qu’avait pu me procurer ce jeu insouciant avec Junior. Il avait pourtant boudé de toutes ses forces avant d’aller préparer du thé pour la toute première fois de sa vie. Mais ici, dans l’hostilité d’un ailleurs inconnu, nettoyer une simple bouteille échauffait mon exaspération. Un instant, mon regard s’évada de la tâche ingrate que j’étais entrain de réaliser pour se perdre dans le ciel pâle de ces terres polaires. Tout n’était que variations d’une même nuance décolorée. Je ne me sentais pas en danger, tout au plus agacée. Point de confort, une chaleur qui laissait à désirer, rien qui puisse rendre l’attente plus supportable, la présence de mon meilleur ami exceptée. Reportant toute mon attention sur la surface du lac troublée par les souillures du verre que je tenais entre mes doigts, je me figeai. C’était le labeur d’un domestique, d’un elfe de maison, et encore : même eux useraient de la magie pour en venir à bout plus efficacement. Néanmoins, ce n’était pas ce à quoi je pensais, mes yeux clairs écarquillés, fixant sans le voir leur reflet que la surface de l’eau rendait mouvant. Knut soufflai-je précipitamment, mon coeur cessant ses battements effrénés pour me laisser tout le loisir d’entendre un craquement satisfaisant. Mais les secondes s’écoulèrent dans un silence de plomb, achevées par un juron assassin. Créatures débiles et incapables. D’un geste rageur, je frappai le sol de mon poing replié, l’éclair de douleur m’arrachant un second blasphème. Inutile de se lamenter, cela n’avait pas fonctionné, mais j’avais peut-être l’espoir insensé que, même si l’elfe n’avait pas pu apparaître aussi facilement à mes côtés, sa magie, qui le liait à nous comme la créature servile qu’il se devait être, lui avait indiqué la direction où je me trouvais, tel un chien sifflé par son maître et qui tend l’oreille. Peut-être que, si c’était le cas, il pourrait réduire les recherches de Grand-Père…
La bouteille remplie, mes doigts tourmentés par la brise glaciale qui se faisait un plaisir de transformer chaque infime goutte d’eau en une aiguille piquante, je me relevai, cherchant mon meilleur ami des yeux, pliant et dépliant mes doigts endoloris. Il n’était pas encore revenu et sa silhouette ne se dessinait même pas à côté de la tôle rouge que je scrutais en silence. Ignorant mon estomac qui protestait contre la faim et sans accorder plus d’importance à la douleur familière au creux de ma poitrine, je rejoignis notre cabane à toute vitesse. Je ne savais pas pourquoi j’étais inquiète, parce que Junior ne devait pas être très loin. Peut-être avait-il décidé que la chaleur de notre taudis valait mieux que de retourner dehors, peut-être qu’il était tombé de sommeil sur le matelas défoncé qui nous servait de lit, peut-être qu’il cherchait un autre récipient à remplir pour rentabiliser le temps passé dans le froid… autant de suppositions qui ne valaient rien, je le savais, mais qui accompagnèrent malgré tout les quelques mètres qui me séparaient encore de l’entrée. Sous une impulsion brusque, la tôle rencontra la tôle et se mit à vibrer de toute part tandis que je fouillais du regard l’unique pièce. Juniorrr ? Une seule seconde fut nécessaire pour voir que mon meilleur ami n’était nulle part, une deuxième pour assimiler ce fait. La casserole rouillée surplombait toujours le poêle, comme un signe moqueur qui m’était adressé.
Était-ce parce qu’il s’arrêta brutalement ou parce que, au contraire, il s’emporta violemment qu’une douleur sourde vint faire palpiter mon coeur ? Que lui était-il arrivé ? Je n’avais rien entendu, pas le moindre bruit, pas même un son étouffé… Qui aurait bien pu s’en prendre à lui sans qu’il ne se défende, sans qu’il ne crie ? Pourtant, pas une seule seconde, maintenant délestée de ces noires pensées qui ne ressemblaient pas aux miennes, je n’imaginai qu’il ait pu m’abandonner volontairement. Nous n’étions pas d’accord sur tout et la situation paraissait peut-être sans issue, mais il ne m’aurait jamais laissée. Pas lui. L’endroit semblait propice aux divagations de l’esprit, un vivier parfait pour faire ressurgir les plus grandes craintes. Je détestais ça et je n’y pouvais rien, alors que les souvenirs de l’épouvantard amené par Thorstein pour son premier cours me revenaient à l’esprit. Une plainte lointaine me réanima subitement. Je posai sans ménagement la bouteille et les verres à même le sol. Le coeur battant à tout rompre, je n’eus qu’à scruter l’horizon pour distinguer sa silhouette, parce que ça ne pouvait être que lui, comme prostré, à même le sol. L’idée de me ménager ne me traversa pas l’esprit, tout entier focalisé sur la présence au loin de mon meilleur ami et la situation dans laquelle il était. En courant, la distance qui nous séparait fut rapidement réduite à néant et chaque foulée me laissait tout le loisir de distinguer un peu mieux la chose, aussi grise et terne que ce qui nous entourait, qui emprisonnait Junior de son corps velu.
De ma vie entière, je n’avais été en proie à un tel sentiment, mélange d’une crainte folle et d’une fureur qui l’était au moins autant. La prudence n’avait jamais été mon fort, mais elle le fut encore moins alors que mon meilleur ami se faisait attaquer par une bête sortie des contes destinés à effrayer les enfants. Je ne pris pas le temps de m’interroger sur ce que c’était, ni même si cela pouvait s’en prendre à moi en retour. Qu’elle laisse Junior tranquille, c’était tout ce qui comptait, la seule chose qui importait. La suite se déroula dans la confusion de ma précipitation. Je donnai un coup dans le crâne aussi dur que de la pierre de la créature, suffisamment puissant pour qu’elle saute en arrière en glapissant. Et mon bras droit, habitué à être prolongé par mon bois de tremble familier, se dressait déjà dans sa direction, alors même qu’il en était dépourvu, prêt à voir brûler cette infamie, ou au moins à la réduire en poussière. L’éclair de magie ne fit que la propulser un peu plus loin, mais acheva de la faire fuir. Elle détala à toute vitesse sous mon regard sombre qui abandonna bien vite le point qu’elle représentait, et qui rapetissait à vue d’oeil, pour glisser jusqu’à Junior, alors que je me laissai tomber à côté de lui. Pourrrquoi tu n’es pas juste allé cherrrcher la casserrrole assenai-je d’une voix étranglée, la tape fâchée que je destinais à son épaule s’effaçant en une étreinte pressée, toute l’angoisse accumulée cette dernière minute s’échappant en quelques battements affolés. Est-ce que ça va ? Mon murmure soufflé à son oreille ne me fit pas desserrer mes bras passés autour de son cou. Il pouvait avoir envie de respirer, de se relever, de s’éloigner de cet endroit où il venait de se faire assaillir, ces considérations étaient pour l’instant trop profondément enfouies sous le soulagement qui m’enveloppait toute entière pour me traverser l’esprit. Et lui avait l’air sonné. J’avais l’impression d’être de retour dans la réserve de Poudlard, ou dans la salle de bain des préfets, à m’accrocher à lui comme s’il risquait de s’évanouir au bout de mes doigts si je faisais l’erreur de le lâcher. Ce qui était alors provoqué par des querelles idiotes et maintenant lointaines était aujourd’hui lié à des craintes bien trop réelles. C’était douloureux, d’avoir peur, éreintant, également.
Je ne sais combien de minutes s’écoulèrent avant que je ne consente à me décoller de lui. Peut-être une seule, ralentie, jusqu’à devenir une petite éternité, par les émotions qui cessaient doucement d’enfiévrer mon pouls et mon imagination ; peut-être dix, peut-être plus. Mais vint le moment où je me reculai, à peine, juste assez pour croiser son regard et m’y perdre un peu, détestant immédiatement tout ce qui le faisait briller. On rrretourrrne au cabanon, je vais rrremplirrr la casserrrole d’eau, et toi tu n’en bouges pas, tu n'en bouges plus. Le ton était assuré mais mes prunelles brillaient d’une interrogation silencieuse. S’il désirait rester ici encore une heure, je ne bougerais pas non plus, bien que je doute qu’il souhaite autre chose que retrouver la sécurité toute relative et la chaleur tiède de notre refuge. L’aller retour, entre ce dernier et le lac, au pas de course, ne me demanderait même pas une minute et j’étais prête à l’enfermer à l’intérieur si cela voulait dire qu’il ne risquait plus rien. D’abord sa chute, maintenant ça, je ne savais pas pourquoi le hasard s’acharnait ainsi sur Junior mais j’aurais échangé sa place avec la mienne si je l’avais pu. À défaut d’en être capable, je pouvais faire tout le reste et je n'en démordrai pas.
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Mar 4 Aoû - 15:54
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Jeu 6 Aoû - 13:14
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C’était insensé, ce coeur qui battait la chamade contre une poitrine déjà défaillante, soumis à une angoisse qu’il n’avait pas l’habitude d’éprouver. Je traversais cette vie qui était la mienne le sourire aux lèvres, le regard flamboyant, assurée de tout : de la supériorité des miens, de notre puissance, de notre noblesse, d’une amitié qui revêtait bien des importances à mes yeux ; ne craignant rien ni personne. Que pouvait un Ministère composé d’idiots et d’incapables quand Grand-Père n’avait qu’à tirer quelques ficelles savamment attachées pour faire taire de pénibles accusations ? Que valait une maladie contraignante quand toute la magie de Grand-Mère s’évertuait à nous offrir des années supplémentaires ? Même ce pôle glacial dans lequel nous avions été projetés contre notre volonté ne parvenait pas vraiment à fissurer mon inébranlable confiance en moi et en mes proches. Du moins, jusqu’à ce que mon meilleur ami ne se blesse, jusqu’à ce qu’il ne se fasse attaquer. Et c’était désormais des battements erratiques, follement inquiets, comme si, pour la toute première fois de ma vie, je prenais conscience qu’il était possible de le perdre, aussi facilement que cela. Une pierre traîtresse qui glissait dans le vide et l’emportait avec elle, une créature sortie des cauchemars enfantins qui le prenait pour cible… Entre les failles de cette peur qui n’avait plus besoin d’un épouvantard pour prendre vie, s’en dessinait une autre, moins palpable peut-être, mais plus vicieuse. Comme un liquide bouillant qui prendrait un malin plaisir à couler dans mes veines et à me clouer sur place. Il pouvait lui arriver quelque chose, n’importe quoi, et si ce n’importe quoi s’avérait définitif, il ne serait plus là. Je n’aurais plus son insupportable mauvaise foi à mes côtés, ni ses sourires charmeurs et ses regards captivant. Plus de mots sur des bouts de parchemins, plus de royaume à fonder ou conquérir, plus d’étreintes, de tendresses, de baisers… Accrochée à lui comme si ma vie en dépendait, il était impossible de déterminer si c’était lui, que je réconfortais, ou mes propres craintes subitement sublimées par ce qu’il venait de se passer. Il m’avait fallu une errance au bout du monde et qu’il soit en danger par deux fois pour que je prenne pleinement conscience, avec une netteté douloureuse, d’à quel point l’absence irréversible de mon meilleur ami me laisserait vide. Je resterai moi-même, parce que je ne savais pas composer avec la faiblesse, mais une version abîmée, moins flamboyante.
Ce futur qu’il me semblait avoir touché du bout des doigts lorsque j’étais entrée dans notre cabanon, vide, s’éloignait à mesure que nous nous perdions dans cette précieuse étreinte. Grand-Père pouvait arriver maintenant, j’avais l’impression qu’il me serait impossible de lâcher mon meilleur ami. Petit à petit, cependant, les pulsations affolées de mon coeur se calmaient, réconfortées par celle de Junior qui résonnaient de concert avec les miennes. Ses excuses répétées pour je ne savais même pas quelle raison me firent plonger mon visage contre son cou. Malgré la fatigue, la marche, le taudis dans lequel nous étions réfugiés, son parfum rassurant m’enveloppait aussi efficacement que s’il venait d’enfiler une chemise propre. Il me fallut un certain temps avant que je ne consente à me détacher, un geste infime qui me demandait bien des efforts, pour lui proposer de retourner au chaud, d’un ton qui ne laissait pas vraiment le choix. Pas obligée de quoi ? De tenirrr à toi au point de m’affoler en ne te voyant pas à l’intérrrieurrr ? Un claquement de langue vint souligner toute l’absurdité de cette idée. L’ironie de mes propos tentait, tant bien que mal, et plus mal que bien, de chasser ces craintes indécentes pour revenir au sarcasme, que je maîtrisais mieux. Je n’étais pas assez bonne comédienne, cependant, pour faire briller une autre lueur que celle qui faisait vaciller la belle assurance de mon regard clair. Je ne disais pas que je ne serais accourue pour aider n’importe qui d’autre : Finnbjörn, Hannibal, même Maxton. J’aurais évidemment été prompte à les secourir, mais sans que mon coeur ne s’accélère à ce point.
Le retour jusqu’à la cabane de tôle rouge se fit dans le silence, son bras enroulé autour du mien. L’adrénaline de l’instant retombée, je me demandais ce qui avait bien pu lui passer par la tête pour qu’il s’éloigne dans cette direction… Ses mots me revinrent à l’esprit, entêtant ? Ce que je voulais ? Qu’il se fasse attaquer par une créature, magique, j’en étais certaine, mais dont j’avais complètement oublié le nom ? J’avais ce souvenir d’un dessin ridicule sur un livre imagé, des lettres qui dansaient devant mes yeux et que je ne parvenais pas à rassembler pour former un mot, encore moins une description. Mais si l’endroit était peuplé d’animaux de notre monde, peut-être des sorciers se trouvaient non loin de nous ? Pour l’instant, ce n’était pas ce dont je désirais me préoccuper et Junior me ramena à lui d’une question qui me fit froncer les sourcils. Évidemment. Comment pourrait-il en être autrement ? Ta mèrrre t’aime plus que tout au monde, elle doit êtrrre entrrrain de rrremuer ciel et terrre pourrr te serrrer contrrre elle. Ton pèrrre n’est peut-êtrrre pas aussi sentimental mais tu rrrestes son fils unique. Et j’imagine trrrès bien Finnbjörrrn aussi stoïque que d’habitude, perrrsuadé que c’est un moyen de me fairrre rrremarrrquer, mais je sais aussi que Hannibal et Grrrand-Pèrrre prrrennent trrrès au sérrrieux le fait que je ne sois pas arrrivée à la maison. C’était donc une évidence, les nôtres étaient en train de nous rechercher. Cela demandait plus de temps que je ne le pensais hier encore, mais j’avais peut-être sous-estimé les méandres des relations internationales. En même temps, ce n’était pas mon domaine, je n’y connaissais rien. Et si je n’aurais pas hésité à briser toutes les lois du monde pour retrouver mon meilleur ami, je savais que mes aînés étaient plus sages que moi et se devaient d’en respecter quelques unes. Tu en doutes ?
Nous continuions d’approcher doucement du cabanon, jusqu’à l’atteindre. La porte à peine franchie, je m’emparai de la casserole, plantait un regard impérieux dans celui de mon meilleur ami, adouci d’un rapide baiser sur sa joue, et je filai à pas rapides jusqu’à la rive du lac. Je l’avais quittée quelques minutes à peine, j’avais l’impression que cela faisait une éternité. Le temps se jouait de nous, dans ces lieux ternes et glacials, au point qu’il en perdait tout son sens. Je ne m’attardai pas sur le ciel pâle ou sur mon reflet, cette fois-ci, me contentant de rincer rapidement la poussière qui couvrait le fond du récipient avant de le remplir d’eau et de revenir jusqu’à notre abri. Junior était bien là, et si je n’en avais pas vraiment douté, je n’avais pas pu empêcher cette pointe de doute de se planter dans mon aplomb. Je vins remettre une bûche dans le poêle avant de poser la casserole sur le tas formées par les restes calcinés et les bouts qui n’avaient pas été encore dévorés par le feu. De l’eau chaude nous ferait le plus grand bien, mais je repensai subitement à cette liqueur inconnue qui emplissait l’un des deux verres. Peut-être que si je le posai sur le dessus du poêle, cela nous donnerait une boisson chaude qui, à défaut d’être aussi bonne que ce que nous avions l’habitude de consommer, se révélerait revigorante.
J’étais en train d’enrouler mes doigts autour du gobelet, quand la question franchit mes lèvres. Tu as dis que tu crrroyais que c’était ce que je voulais… Que tu t’en ailles ? Pourrrquoi ? Quelques minutes à retourner le problème dans tous les sens ne laissait qu’une possibilité que j’avais bien dû mal à avaler. S’il s’était éloigné à l’opposé de notre cabane, à l’opposé du lac où je me trouvais, les mains vides, c’était bien pour partir. Mais partir où, et pour quelle raison ? Je revins jusqu’au poêle pour déposer le verre sur son sommet, avant de faire face à Junior, le coeur un peu plus lourd. Ces craintes d’abandon et de promesses vaines étaient derrière nous… en théorie. Les oubliait-on réellement ?
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Jeu 6 Aoû - 16:24
Dernière édition par C. Junior d'Archambault le Ven 14 Aoû - 15:42, édité 1 fois
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Jeu 6 Aoû - 21:03
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Après cette tornade de tourments, le silence qui accompagna nos pas sur le chemin du cabanon semblait, lui aussi, se remettre de ces émotions. Un silence un peu bancal, mais le bras de Junior passé autour du mien stabilisait le tout. J’avais eu peur… et j’étais certaine de détester cette sensation. Même l’épouvantard de Thorstein n’avait pas étalé cette faiblesse paralysante. Sûrement parce que, avant aujourd’hui, je n’avais même pas conscience de son existence. Ma belle assurance fragilisée faisait peine à voir et j’avais, plus encore que la veille, envie de retrouver les miens et leur puissante stabilité. Que pouvais-je encore craindre, entourée de l’aura souveraine des mes grands-parents, du flegme supérieur de mon aîné et de l’insensibilité impitoyable de mon jumeau ? Que pouvait-il arriver à mon meilleur ami ? Alors que je pensais à l’instant où je pourrais enfin assassiner ce taudis d’un dernier regard méprisant, Junior exposa des doutes qui ternirent ce futur anticipé. Que nos familles nous cherchent, c’était l’évidence même. Junior était le fils unique d’une famille influente et, si l’affection de son père n’était pas aussi évidente que celle de sa mère, cette dernière ne laisserait jamais son précieux enfant perdu dans une nature hostile. Quand aux miens, même si mon frère adoré devait soupirer devant mon retard, assuré que ce n’était là qu’une nouvelle incartade, Hannibal et nos aînés prendraient cela plus au sérieux. De toute façon, nous avions disparu. Notre portoloin n’était jamais arrivé à destination, nous n’étions ni chez les d’Archambault, ni auprès de ma famille. Ils nous cherchaient forcément. Ce que je n’avais pas perçu, avant qu’il ne m’en fasse part, c’était que les doutes de mon meilleur ami ne concernaient pas tant le fait que les nôtres se soient rendus compte de notre absence, mais plutôt qu’ils y voyaient une opportunité. La stupeur se transforma en un éclair sauvage quand il émit l’idée que ma famille serait ravie de ne plus avoir à disposer de mon caractère. Ce n’était pas méchant, je le savais pas. Nous étions en froid lors de l’épreuve de Thorstein et je crois que nous n’avions jamais parlé de cet exercice qui nous avait mis face à nos peurs les plus profondes. Alors, il n’en savait rien, parce qu’il n’aurait jamais dit ça, avec une telle indifférence, dans le cas contraire… n’est-ce pas ? La suite balaya sans ménagement mes états d’âme. En bien, parce que je n’eus pas le loisir de répliquer et de nous entraîner sur les chemins d’une nouvelle querelle, ou en mal, parce que cela planterait la graine d’un poison toxique ? Qu’importe, j’étais déjà de retour à ces peines qui agitaient mon meilleur ami. Mais cette dinde n’est pas toi. Et une cousine, même s’ils l’adoptent et lui donnent ton nom, n’est pas une hérrritièrrre légitime. En plus, ta mèrrre n’a pas l’airrr de l’aimer, du tout. Et quand bien même, tu rrresterrras toujourrrs son fils chérrri. Ses craintes me paraissaient exagérées, mais n’était-ce pas là un des traits principaux qui le caractérisaient ? Et dans ce bout du monde, tout n’était-il pas propice à grossir encore plus le trait ?
Aussitôt arrivés au cabanon, je m’en éloignais pour remplir cette casserole d’eau. Comme nous l’avions convenu avant que tout ne dérape d’une façon si dramatique. J’avais le coeur un peu lourd et les pensées étouffantes. Ce ne fut pas l’air de Junior qui allégea le tout au moment où je revenais les bras alourdis de quelques litres d’eau glaciale. S’il avait bougé, c’était infime. Tout, dans sa posture ou son expression, me donnait le sentiment qu’il ne se sentait pas à sa place. Hier encore, la chaleur du poêle me semblait réconfortante et suffisante pour le temps que nous avions à tenir, désormais, l’air me semblait plus glacial encore qu’à l’extérieur. J’avais du mal à comprendre comment tout pouvait avoir changé aussi vite : entre la volonté de profiter de ces quelques heures loin du monde pour nous retrouver et attendre nos secours, et cette chape lourde, comme si le débris de quelque chose d’immense nous était tombé dessus. Je m’activai, peu encline à me laisser aller, encore, à des dispositions si pathétiques. Je commençais à détester tout ce que je ressentais, sans savoir comment le faire disparaître. C’était peut-être bien cela qui rendait la situation plus oppressante qu’elle ne l’était réellement. Une bûche, de l’eau à chauffer, le souvenir d’une boisson que je n’avais pas jetée… et la question qui franchit mes lèvres juste avant que je ne me tourne face à lui.
Je ne savais plus si j’étais blessée, vexée, peinée ou en colère. Tout ça à la fois, peut-être. Ou simplement vide et lasse. Cette boule, dans ma gorge, semblait s’épaissir, à chaque seconde un peu plus, et j’avais beau déglutir, elle ne voulait pas disparaître, accentuant dans le même temps toute l’exaspération sauvage que j’éprouvais envers moi-même. L’hésitation silencieuse de mon meilleur ami n’arrangea rien, rien n’arrangeait quoi que ce soit, de toute façon. Je serrai un peu plus fort mes doigts autour de ce verre que je portai jusqu’au poêle. J’aurais mieux fait de m’en abstenir, parce que, une fois délestée de son poids, les mots de Junior aussi piquant que mille aiguilles, je n’avais plus rien sur quoi resserrer mes émotions. Stupide, stupide, stupide, c’était moi qui était stupide de ne pas parvenir à me ressaisir. Croiser les bras, planter un regard mécontent dans celui de mon meilleur ami, et lui faire savoir avec fermeté qu’il était idiot de penser ainsi. Chasser d’un geste de la main des doutes qui n’étaient pas les miens, les supplanter par la confiance aveugle qui était la mienne. D’un côté, la suite de nos péripéties me laissait vacillante et ne me donnait pas envie de m’engager dans une querelle avec lui. De l’autre, cette notion d’utilité qu’il brandissait face à moi était sûrement parmi les choses les plus blessantes qu’il avait pu dire. Il aurait été plus sage que je me taise mais je n’avais jamais été connue pour ma sagesse, encore moins pour ma retenue. Je le laissai poursuivre, sans le lâcher des yeux, sans vraiment le voir non plus. Ces émotions avaient entrouvert une porte que j’avais du mal à refermer. Vu les circonstances, c’était sûrement ce qu’il y avait de plus normal, mais je me languissais déjà de retrouver toute la fermeté qui était la mienne. Il avait l’air triste, et désolé, et moi, je me sentais un peu plus froide et vide à chacun de ses mots. Je restai encore silencieuse de longues secondes quand il eut terminé, attendant qu’il daigne relever son regard clair jusqu’à moi. Oui, je rrreconnais que tu ne me serrrs à rrrien. Mon ton était aussi ironique et détaché que si je commentais un fait quelconque. Je crois qu’en vérité, je n’avais jamais été à ce point poussée dans mes retranchements, quels qu’ils soient. Et c’est bien connu, je suis comme Finn, à classer mes rrrelations selon ce qu’elles peuvent m’apporrrter, sans que mes sentiments n’entrrrent jamais en compte puisque je n’en éprrrouve tout simplement aucun. Même mon ton mordant n’était plus aussi brûlant qu’à l’accoutumée, comme si le froid qui régnait dans ce royaume aux allures d’enfer gelait tout sur son passage.
J’avais envie d’hausser le ton et de l’accuser, de lui demander si, puisqu’il devait m’être utile, cela signifiait que je le devais aussi ? Que toute notre relation n’était basée que sur une réciprocité profitable ? Et que le jour où nous trouverions plus utile, surviendrait cet abandon qu’il avait promis de tenir éloigné à tout jamais ? C’est sûrrr qu’êtrrre abandonnée parrr son meilleurrr ami rendrrrait la situation moins désespérrrée pourrr n’imporrrte qui. Alors, quelque part entre toutes les inquiétudes, celles qu’il avait fait remonter à la surface, celle qu’il avait verbalisées, celle qu’il avait tout simplement fait naître dans ce cocon miteux, ma fierté décida de me draper toute entière et de combler le vide laissé. Ignorer cette boule dans ma gorge me semblait la meilleure chose à faire. Avant que les ébauches de doutes ne deviennent des tableaux entiers et avant que je ne me mette à douter du bien-fondé de toute notre amitié. Notre relation avait toujours été hors-normes, mais là, dans ce bout du monde pitoyable, elle me paraissait à la fois aussi solide que le roc et aussi fragile qu’une feuille soumise au vent impétueux. Tout dépendait, en réalité, de si on se plaçait de mon point de vue ou du sien… N’avait-ce pas toujours été le cas ? Sauf qu’aujourd’hui, perdue dans un cabanon pitoyable, loin des miens, soumises à des sentiments que je n’avais pas l’habitude de contrôler, ni même de connaître, je n’avais pas l’énergie, ni même peut-être l’envie, d’être celle de nous deux qui se montrerait pleine d’assurance quant à nous, ce lien qui était le nôtre, quant à tout ce qu’il remettait constamment en question.
Avec un soupir, je me laissai tomber au sol, le dos appuyé contre le lit, face à ce poêle qui réchauffait l’eau du lac à défaut d’autre chose. Du bout des doigts, je jouais avec ma baguette, tandis que mes pensées rejouaient les vingt dernières minutes. Le cabanon vide, le cri, mon coeur qui battait à toute vitesse, et cette créature au corps poilu, le sort qui l’avait touché… Frappée par l’image qu’il m’en restait, mes pupilles allaient de mes doigts au bois de tremble, du bois de tremble à mes doigts. Je n’avais pas eu le temps de m’en emparer, et pourtant… Un autre éclair, de compréhension celui-ci, me traversa. C’est quoi déjà, le nom de ces crrréaturrres qui poussent le désespoirrr des sorrrciers pour se nourrrirrr ensuite d’eux ? fis-je à voix haute, sans me tourner pour autant vers Junior. Si ce qui l’avait attaqué en était une, de ces choses démoniaques, cela pouvait expliquer ces étranges idées qui l’avaient fait fuir, sans pour autant en être vraiment l’origine… Cela pouvait aussi être la cause de ce voile d’affliction qui m’avait enveloppée sur le chemin du lac…
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Ven 7 Aoû - 0:25
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Mer 12 Aoû - 21:13
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Que Junior doute, c’était l’expression habituelle de sa personnalité. J’en avais fait l’amère expérience et le souvenir n’avait rien d’agréable, mais il illustrait à la perfection cette facilité qu’avait mon meilleur ami à tout peser sur la balance de ses incertitudes. Alors qu’il doute des miens, au fond, ce n’était rien d’autre que la continuité de ce trait de caractère. Après tout, il ne les connaissait pas comme moi je les connaissais, il ne vivait pas ce lien complexe et puissant qui nous unissait les uns aux autres. Jamais, dans n’importe quel autre contexte, ses mots n’auraient pu éveiller chez moi autre chose qu’un rire sarcastique et le mépris de cette idée, si simple et pourtant si tortueuse, que ma famille saisirait la première opportunité pour se débarrasser de mes écarts et moi. Notre loyauté était au-delà de ça, au-delà de tout. À quelques mètres de notre cabanon rouge, les dires de mon meilleur ami me crispèrent avant que l’éclair féroce ne passe. Il ne faisait pas que douter des miens, il projetait ses défiances sur ses parents également. Comment sa mère pourrait-elle jamais abandonner son fils unique, son fils adoré, son fils bien-aimé ? L’incrédulité laissa place à une autre émotion, plus lourde, entre le dégoût et le mépris qui transparaissaient derrière les propos de Junior, et autre chose qui venait chatouiller cette foi aveugle que j’avais toujours éprouvée pour lui. Le secret de famille révélé avait les allures d’une mauvaise plaisanterie et les couleurs d’un cauchemar. J’avais bien perçu cette rivalité glaciale entre Junior et Aimée, mais je l’avais simplement attribuée à ce sentiment légitime qui devait ronger mon meilleur ami : celui d’être ainsi envahi par une vermine indésirable jusque dans ses terres les plus personnelles. Quelles raisons aurais-je eues de douter de ce lien qui se dessinait sous l'appellation de cousine orpheline ? Certes, il n’en avait jamais parlé auparavant, lui qui était pourtant friand de me dépeindre ses vacances d’été quand nous n’avions que les lettres pour échanger. Mais toutes les familles avaient leurs tares, et parfois, elles étaient bien plus vicieuses que d’autres. Ta… Ce simple mot me donne la nausée crachai-je avec un dégoût et un dédain au moins aussi mordant que les siens. On pourrrait la fairrre disparrraîtrrre… un accident, c’est si vite arrrivé. Composer avec les sentiments des autres n’était pas quelque chose dans quoi j’excellais. Il suffisait de voir comment j’avais tenté de réconforter Phoenix après le décès de son père. Sauf que Junior n’était pas Phoenix, et même s’ils étaient mon meilleur ami et ma meilleure amie, ce qui nous unissait était bien différent. J’avais des sentiments pour Junior qui ne s’éveillaient que pour lui et qui n’avaient rien à voir avec tout ce que je pouvais éprouver. Un quelque chose en plus qui me poussait à une douceur et une indulgence, entre autres, que jamais personne d’autre ne pouvait seulement soupçonner. Un quelque chose en plus qui me faisait me demander à quel point la situation le rongeait de l’intérieur, alors que n’importe qui d’autre se serait vu gratifié d’une nonchalance désintéressée et de quelques mots plus crus que ce qu’ils attendraient certainement. Du bout des doigts, je caressai son avant bras, mes yeux clairs se perdant dans les traits du profil de son visage. Demi-soeurrr, cousine ou rrreine d’un pays lointain, elle ne pourrra jamais te rrremplacer. Personne ne le pouvait, en réalité, mais ce point-là ne concernait peut-être plus vraiment son cercle familial, plutôt une volonté égoïste et une certitude qui ne l’était pas moins.
La tôle nous rappela à la triste réalité de notre présent. Quelques pas empressés m’emportèrent jusqu’à la rive du lac glacé avant que je ne revienne tout aussi vite et que le bout de métal nous servant de porte ne se referme dans mon dos. J’étais éreintée, mes nerfs étaient complètement usés et je venais d’appréhender le fait qu’il était bien plus facile de se montrer aussi flamboyante et insolente que je pouvais l’être quand toutes les épreuves prenaient fin à la nuit tombée. Nous en faisions tous les deux l’expérience, projetés loin de nos cocons habituels. Le défi était à notre hauteur, mais nous n’avions pas toutes les cartes pour jouer et nous ne connaissions même pas les règles exactes de la partie. Nous nous battions contre des émotions, des peurs, des spectres immatériels qui n’avaient aucune envie de nous abandonner à des étreintes réconfortantes et apaisantes. Mes bras croisés dans une vaine tentative de rassembler les morceaux épars de celle que j’étais en temps normal, j’accueillis ses justifications avec une froideur silencieuse avant de les brûler sous une colère un peu plus fade qu’à l’accoutumée. En face de moi, je ne savais pas dire si Junior était à son tour blessé, vexé, énervé, ou tout ça à la fois. Mais toute à mon ego malmené, encore une fois, je ne voulais pas le voir. Finalement, lasse, je le laissai là, les yeux plantés dans un sol qui n’avait rien à offrir, et je vins glisser au bord du lit malheureux qui était le nôtre. Il fallut quelques secondes encore pour qu’un bruit ne me tire de mes pensées et quelques grincements pour que j’associe les sons aveugles au fait que Junior devait être entrain de fouiller la valise. Sous mes yeux, mes doigts dansaient et jouaient avec ma baguette, mes pensées passant de l’un à l’autre. Il n’avait pas réagi à mes mots et j’étais trop épuisée pour avoir envie de me demander pourquoi. Intérieurement, cependant, les sentiments balançaient : parce qu’il ne savait pas comment me dire que c’était effectivement le cas et qu’il ne voyait plus qu’une copie de Finnbjörn en moi ou parce que c’était tout l’inverse ? De cet éclair de magie que ma main dénuée de baguette magique avait lancé à la créature qui avait attaqué Junior, mon esprit voguait sans que je ne manoeuvre la direction et c’est une question qui vient briser le nouveau silence.
Il n’en savait rien et moi non plus. Je me contentai de hausser les épaules à sa question en retour : est-ce que ça existait ? Pourquoi pas. Ça ressemblait bien à ces êtres maléfiques des histoires pour enfants et Junior avait bien été griffé par quelque chose, alors qui sait ? peut-être que le bout du monde dans lequel nous nous trouvions était le berceau de bien des légendes. On pourrrait êtrrre dans une de ces histoirrres. Ça s’appellerrrait “Ne prrrenez jamais de porrrtoloin pourrr parrrtirrr en vacances” ou “Ne parrrtez jamais en vacances sans vos parrrents” fis-je avec une ironie qui retomba bien vite. Junior s’était accroupi face au poêle et je l’observai faire sans broncher. L’eau devait avoir commencé à tiédir et la température sembla suffisante aux yeux de mon meilleur ami qui trempa ce qui ressemblait à s’y méprendre à une chaussette, excepté qu’elle était en bien piteux état comparé à celles que j’avais l’habitude de porter, dans la casserole. J’haussai un sourcil face à son regard d’une tendresse que je n’assimilais pas très bien à la situation, mes lèvres s’entrouvrant pour lui demander ce qu’il fabriquait avant de se refermer au moment où le tissu humide se posait sur mon visage. Enfin, c’était plus probablement ses doigts dans mon cou qui me réduisirent au silence. Un gloussement un peu surpris m’échappa, soulignant l’incongruité de la situation. Néanmoins, je me laissais faire avec un sourire et une lueur dansante au fond de mon regard en qui en disaient long sur ce que son geste apaisait. Te demander une tasse de thé m’expose à un mécontentement glacial, mais tu me laves le visage avec le sourrrirrre… Je sais ce que je demanderrrai au prrrochain défi que tu perrrdrrras. La tendre moquerie dansait au bout de mes mots et mon sourire espiègle ne tenta de redevenir sérieux que parce que le regard de Junior m’intima à un peu de silence, me demanda de lui laisser un peu de place sans sarcasme pour ce qu’il avait à dire. Me pinçant les lèvres pour ne pas sourire un peu plus, je pris une moue que je voulais grave, fixant sans ciller les traits de son visage.
Le gant improvisé qui glissait sur ma peau faisait du bien, mais pas autant que les mots de mon meilleur ami. Alorrrs pourrrquoi je suis à tes côtés, si ce n’est pas parrr intérrrêt ? Je le provoquais, un peu, et pourtant, nulle impertinence ne venait faire briller mes pupilles opalines rivées sur les siennes. Après tout, il avait l’air de douter une fois sur deux. Ses explications se poursuivirent, faisant briller un éclat différent dans mon regard. Je n’avais pas l’impression de tout faire, encore moins d’être accompagnée d’un poids. Ce n’était pas les vacances qui étaient prévues, mais nous étions ensemble, et peu m’importait que ce soit au Groenland, tant qu’il allait bien. Et, certes, tant que cela ne durait pas des jours et des jours. Je penchai légèrement la tête alors que ses doigts gantés s’égaraient sur ma pommette, savourant ce contact comme s’il n’y en avait pas eu depuis des mois et des années. Finalement, cette impression de ne plus maîtriser des pensées qui s’emballaient en empirant à chaque seconde me rappelait les miennes, sur le premier trajet jusqu’au lac. À mon prénom qui vint assortir ses excuses, je vins enlacer ses doigts qui jouaient encore le long de mon cou. Ça doit êtrrre à cause de la crrréaturrre dont on ne se rrrappelle pas le nom… J’avais aussi des idées étrrranges en allant au lac, comme si tout ce à quoi je pouvais penser n’avait plus rrrien de joyeux admis-je avec une pointe de réticence que je décidai d’assassiner. Nous traversions tout cela ensemble, je pouvais bien lui avouer avoir eu des idées noires, moi aussi. Et d’aborrrd, je n’ai pas eu peurrr. Un petit souffle méprisant m’échappa alors que je relevai le menton dans un geste que je voulais dédaigneux. C’était une piètre tentative d’effacer ces instants où la crainte m’avait envahie, une plus réussie, je l’espérais, de faire renaître un sourire amusé sur le visage de Junior. Mes peurs, mes craintes, elles existaient vraisemblablement… je comptais bien les laisser ici lorsqu’on nous aurait retrouvés.
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Ven 14 Aoû - 16:10
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Mer 19 Aoû - 20:14
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L’annonce amère d’une soeur bâtarde vint fendiller l’image parfaite du portrait de famille des d’Archambault plus efficacement que ne l’avaient fait bien d’autres choses. Qu’étaient la surprotection maternelle, la facilité d’accès des innombrables bouteilles d’alcool paternelles ou l’absence de celui-ci quand il était censé veiller sur nous les soirs où madame retrouvait ses amies ? À peine quelques touches ombragées qui venaient accentuer la perfection du tableau familial. Nécessaires pour que la peinture ne paraisse pas fade et sans profondeur. La normalité même, puisque la perfection n’avait comme nom que celui qu’on voulait bien lui donner. À mes yeux, Junior tel qu’il se dévoilait en ma présence, était bien plus parfait que lorsqu’il endossait ce rôle de fils. Ce secret qu’il venait de me confier, pourtant, n’était plus le simple relief de traits nobles. C’était un motif caché, des traits auxquels on ne faisait pas attention et qui se confondaient à l’arrière-plan, jusqu’à ce que quelqu’un passe par-là, pointe du doigt cet étrange ornement en le qualifiant d’une manière qu’il devenait impossible d’oublier. Et alors, on ne voyait plus que cela. J’étais tout à fait disposée à brûler cette partie-là du portrait de famille, bien plus que mon meilleur ami ne le concevait sûrement. Son gloussement à peine amusé et ses mots résignés reléguèrent vite ma proposition au rang de chimère lointaine. La faiblesse et les erreurs d’un père affectaient aujourd’hui le fils, pris au piège dans une contrée inconnue, et moi, je ressentais pour la première fois cette envie de le rassurer. Elle n’était rien, rien d’autre qu’une tache, insignifiante et indésirable en comparaison de Junior. Il était unique et irremplaçable et, tout à fait égoïstement, je me contentais très bien d’être la seule à le voir ainsi. Il tourna la tête pour croiser mon regard et l’esquisse de son sourire suffit à faire naître le mien. Se sentait-il mieux ? J’osais l’espérer sans vraiment le croire. Il était, à bien des égards, plus complexe que je ne l’étais lorsque les émotions entraient en jeu.
Du moins, c’était le cas à l’extérieur de ces terres polaires. Ici, plus rien ne semblait avoir de sens. Mon assurance vacillante menaçait de faire s’écrouler des certitudes pourtant profondément ancrées. Ça avait été presque étouffant, sur le chemin menant au lac, comme une chape de plomb et de pensées noires qui refusait de me lâcher. Et alors que nous poussons la porte du cabanon et que je m’éclipse rapidement pour aller chercher l’eau promise à Junior, ce n’était pas très loin non plus. La sensation se manifesta de nouveau à mon retour, mes prunelles claires observant mon meilleur ami les bras ballants, l’air d’avoir envie d’être partout tant que c’était ailleurs. Plus le temps passait, plus les contours de cette peur profonde manifestée dans la salle noire de Thorstein prenait un nom. L’abandon était tout ce que je refusais, encore plus venant de lui. Ses promesses, il les avait pourtant formulées de bon coeur, sans jamais y être contraint. Et il suffisait d’une étrange matinée hors du temps dans un lieu loin du monde pour qu’il ne la rompe. La colère s’estompa pour ne laisser qu’une lassitude qui m’accompagna jusqu’au sol sur lequel je me laissais tomber. C’était ça, cette fois, qu’est-ce que ce serait, la prochaine ? Je me sentais plus fatiguée que je ne l’avais jamais été, comme si tout, dans ces terres monochromes, perdaient de ses couleurs et de son sens. Je n’avais même plus l’énergie, encore moins l’envie, de me dresser devant les doutes de mon meilleur ami pour les réfuter de quelques paroles pleines de certitudes. C’était la récurrence de trop, celle contre laquelle je tournais le dos plutôt que de me battre.
Compte surrr moi. Si je peux éviter que quiconque tombe dans le même piège... Mon amertume face à sa nonchalance ne rendait pas mes propos plus crédibles. L’altruisme ne faisait pas vraiment partie de mes défauts. Tout au plus étais-je capable de penser à d’autres personnes, mais le nombre était réduit, tendait à se réduire chaque jour un peu plus. Et, puisqu’il s’agissait de personnes précieuses à mes yeux, cela n’avait rien de charitable ou désintéressé. J’étais peut-être un peu injuste mais comment m’en serais-je rendue compte ? Il était celui de nous deux qui s’était éloigné sans un regard en arrière, pensant que c’était ce que l’autre souhaitait. Et moi, j’étais l’autre, fatiguée de cet endroit pitoyable et de ces émotions pathétiques qui m’agitaient. L’injustice me semblait venir d’ailleurs… et s’effaça dans un gloussement étonné alors que la chaussette tiède que Junior tenait entre ses doigts vint réchauffer ma joue et bien plus que ça. Son sourire insolemment satisfait ne pouvait que m’amuser un peu plus, quand bien même la situation était des plus incongrues. Ou peut-être justement parce qu’elle l’était. Comme un drapeau blanc malhabile agité par des mains qui ne savaient plus comment se racheter. C’était surprenant, complètement indécent, et ses ancêtres s’arracheraient sûrement les cheveux dans leurs portraits qui meublaient l’appartement familial s’ils l’apprenaient, mais je trouvais l’instant délicieusement agréable.
Mon trait espiègle s’effaça sous le sérieux recouvré de son regard dans lequel j’avais déjà bien envie de retourner me perdre. Tout ce que je savais, en cet instant, c’était que ses mots faisaient un bien fou, quand bien même il me restait un peu de provocation à brandir face à ce qui ressemblait à des excuses. Le charrrme suie et vêtement déchirrrés, ce n’est pas vrrraiment irrrésistible, tu sais rétorquai-je avec un sourire moqueur. Je tenais à lui, c’était une évidence, et je n’avais jamais douté de la réciproque, même quand son silence était devenu cruel. L’inverse, malheureusement, me semblait bancal. Comme une vérité que l’on croit les yeux fermés tant que tout est paisible mais qui se fissure au moindre aléa. Est-ce que ça avait toujours été comme ça ? Depuis toutes ces années, inséparables, nous n’avions jamais cessé de nous disputer pour un rien. Des chamailleries d’enfants, devenues des querelles plus adultes… et je n’étais vraiment pas certaine d’apprécier la différence et tout ce qui l’accompagnait. Je compris le message qu’il tenta de me faire passer ensuite appréciant cette sensation retrouvée de pouvoir tout effacer d’un revers mental nonchalant. Est-ce que cela durerait ? Jusqu’à présent, mon assurance ne m’avait jamais fait défaut… aujourd’hui excepté. À mesure que Junior détaillait le fléau émotionnel qui l’avait assailli, ce que j’avais moi-même ressenti plus tôt se dessina avec précision. Mes doigts vinrent trouver les siens et mon coeur s’emballa d’un à-coup, satisfait de retrouver cette sensation de bien-être qui lui avait tant manqué. Je voulais plus que tout retrouver notre bulle et cette délicieuse sensation où tout semblait à sa place. Tout cela, c’était probablement la faute de ces démons sortis des contes pour enfants, même si je ne me souvenais plus de leur nom ou de quoi que ce soit d’autre. Cette possibilité était plus plausible que ces sentiments sortis de nulle part qui ne me correspondaient pas, et de cet abandon brutal de la part de mon meilleur ami. À sa question, je restais muette un instant, plongeant dans ces deux prunelles bleues sans ciller. Mon aplomb redevenait tout doucement aussi solide qu’à l’accoutumée, pas encore assez pour faire taire cette pointe de suspicion. Hors de question d’écouter des émotions créées de toutes pièces par des créatures venues de l’enfer quand bien même ce désespoir qu’elles avaient fait ressortir ne venait pas de nulle part. Sans un mot, j’hochai la tête pour lui signifier que oui, ça allait mieux. Je n’étais pas celle de nous deux en proie aux doutes les plus pernicieux, pas celle non plus qui s’était retrouvée à des dizaines de mètres du cabanon, convaincue que c’était la meilleure chose à faire. Mes espoirs abîmés, s’il y en avait, pouvaient attendre et se répareraient d’eux-mêmes. Je ne pouvais pas lui demander de supporter les miens en plus des siens, je le refusais en bloc, de toute façon. Il y avait déjà trop de mes faiblesses qui avaient été exposées ces dernières heures.
Avec tout le dédain qui était le mien, je lui signifiais d’ailleurs que je n’avais pas eu peur, pas un seul instant, et puis quoi encore. Cette fois, son rire était plus sincère, plus vrai, et vint briser mon air hautain avec trop de facilité. Heureusement, son regard faussement triste m’aida à me reprendre. Ce n’est pas que ça ne lui allait pas, il était très doué dans le rôle de l’enfant déçu dont les larmes remplissaient doucement les yeux pour les faire devenir deux océans culpabilisants. Mais c’était juste un rôle et j’étais trop habituée pour me laisser prendre à ce jeu… encore qu’il était diablement doué. Loin de moi l’envie de te décevoirrr, mon Prrrince, mais ne le serrrais-tu pas encorrre plus si tu te rrrendais compte que je pouvais avoirrr peurrr ? Le sourire teinté d’ironie, je récupérai le gant trempé qu’il venait d’abandonner, le rinçai et le passai autour de mes doigts comme il l’avait fait juste avant. Voyons voirrr ce qu’il en est de ton charrrme une fois prrroprrre. Doucement, je répétais les mêmes gestes que lui, passant le tissu humide sur ses joues sales, son front, l’arrête de son nez, le contour de ses lèvres… Il y avait quelque chose de tendre et de plaisant dans l’instant, qui me laissait tout le loisir d’entrevoir à quel point il serait plus agréable de subir un tel gage comparé à la préparation d’un thé infâme et sans intérêt.
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Jeu 20 Aoû - 1:48
Dernière édition par C. Junior d'Archambault le Mer 26 Aoû - 20:39, édité 1 fois
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Lun 24 Aoû - 18:31
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Combien de temps encore avant que l’on vienne nous chercher ? La question était la même depuis que nous nous étions relevés de ce sol brisé par le gel sur lequel gisait les morceaux de notre portoloin, mais elle avait revêtit divers degrés d’importance selon les moments. Là maintenant tout de suite, Junior face à moi, ses doigts gantés effaçant les traces de notre périple qui maculaient ma peau, elle me semblait dérisoire. Cet endroit nous poussait dans des retranchements insoupçonnés mais notre rythme, si particulier, ne changeait pas, lui. Il restait aussi imprévisible qu’à l’accoutumé, aussi violent, tant dans les querelles que les tendresses que nous retrouvions avec le sourire. Une relation unique qui nous amenait à bien des extrémités. Comme celle de se laisser docilement nettoyer le visage. La chaussette trempée avait toutes les caractéristiques d’un drapeau blanc que je n’avais pas envie de faire brûler, préférant l’accueillir avec quelques gloussements. La légèreté dont mon meilleur ami faisait preuve ne pouvait que vaincre le sérieux dont j’étais encore partiellement habitée et mes dernières réticences partirent bien vite en fumée. Avec ce sourrrirrre, on dirrrait plutôt un charrrlatan commentai-je avec une indifférence trahie par mon sourire. Le silence qui s’ensuivit était paisible et me laissait tout le loisir de me focaliser sur d’infimes détails : la douceur tiède de ce gant de toilette improvisé, le regard concentré de Junior, ses traits qui l’étaient tout autant et les détails de son visage que je connaissais par coeur mais que je ne me lassais pas de contempler. J’étais faite de certitudes, mais certaines étaient plus évidentes à formuler que d’autres. Parmi elles, l’assurance que jamais personne ne pourrait répéter les mêmes gestes. Dans l’intimité de notre piteux cabanon, nous partagions l’un de ces moments dont notre complicité avait le secret, un instant volé à la bienséance qui nous rendait aussi heureux l’un que l’autre.
Muette un instant face à sa question, je me contentai finalement d’hocher la tête. Ce n’était pas tout à fait vrai, pas complètement faux non plus. J’allais mieux puisque les doutes désespérant qui ne laissaient plus de place au reste avaient disparu. Allais-je suffisamment mieux ? Cela ne saurait tarder. Ses doigts se resserrèrent autour des miens, comme pour me promettre que ce serait effectivement le cas, et il n’insista pas plus. C’était mieux comme ça, mieux de laisser le sujet disparaître de lui-même. Je n’avais pas envie de lui mentir en lui soutenant une vérité qui n’en était qu’une moitié, mais je n’avais pas non plus envie d’exposer de nouvelles faiblesses. Elles avaient déjà été trop nombreuses à surgir en trop peu de temps. Certaines extrémités feraient mieux de rester des terres inexplorées. La peur qui avait jailli ne s’était pas embarrassée de telles considérations : face à un Junior blessé, par deux fois, mon coeur s’était emballé et les craintes m’avaient submergées. Je niais cependant ce fait avec un aplomb qui n’allégeait pas l’ineptie de cette affirmation. Évidemment, que j’avais eu peur, mais je m’offusquai quand même de cette supposition, pour la forme, avant de souligner la déception qui serait la sienne si, d’aventure, il se rendait compte que j’étais capable d’éprouver ces émotions-là. Ce serrrait affrrreux surenchéris-je avec le même ton moqueur que celui qu’il venait d’employer tout en m’emparant de la chaussette qu’il venait d’abandonner. Puis imagine que les émotions s’enchaînent ! Ça commence parrr de la peurrr puis vient l’amourrr, et en un clin d’oeil il y en a des dizaines d’autrrres. J’écarquillai les yeux, comme effarée par cette idée, avant de retrouver mon éternel sourire et de lever mon bras à hauteur de son visage : il était temps d’inverser nos rôles.
Il avait quelque chose de plus intime que ce que nous avions déjà partagé dans cette toilette surréelle et c’était un quelque chose que je n’imaginais pas chérir à ce point. Pourtant, j’avais envie que l’instant dure toujours et je prenais un plaisir coupable à effacer les traces de suie et de crasse sur ses pommettes, bien plus que je ne l’aurais jamais supposé. Il était bien le seul auprès de qui un moment si trivial pouvait prendre de telles tournures souveraines et me sembler si délicieux. Les paupières de Junior glissèrent, lui donnait l’air presque endormi, m’arrachant un sourire trop tendre pour être le mien. Si Grand-Père surgissait maintenant tel l’homme puissant qu’il était à mes yeux, à nos yeux à tous, je pouvais parier qu’il se demanderait s’il était bien face à moi. Enfin, la question ne se posait pas, et je profitai éhontément de l’instant, abandonnant une suite de caresses humides sur le visage de mon meilleur ami, prenant tout mon temps, bien loin de mon impulsivité naturelle. Je n’y manquerrrai pas, mon Amourrr soufflai-je pour ne pas trop troubler le calme paisible qui nous enveloppait. Je pris un peu plus de temps que nécessaire et son visage était parfaitement propre lorsque je reposais enfin notre chaussette d’infortune. J’avais plus que jamais envie d’un bon bain chaud, à défaut, une toilette en bonne et dûe forme suffirait, tout, tant que cela m’ôtait cette impression de saleté permanente. Il y a des bains à rrremous chez moi, qu’est-ce qu’on y serrrait bien rêvassai-je un peu, cessant toute projection future pour profiter des lèvres de Junior qu’il posa doucement sur les miennes. Je retins un soupir satisfait quand il les abandonna à leur solitude, passant un doigt sur l’arrête de son nez où perlait une gouttelette que mes soins avaient laissée. Il ne m’en fallait pas plus pour retrouver, aussi facilement que ça, cette sensation de plénitude. Je n’avais besoin de rien d’autre maintenant que nous étions parfaitement réconciliés et je me sentais de nouveau prête à affronter les heures avec fermeté. Ils viendraient, c’était certain. Et d’ici là, nous avions juste à nous lover l’un contre l’autre et à profiter de notre tête-à-tête pour rendre l’attente aussi douce que possible.
Terre à terre, mon meilleur ami se projetait déjà dans la suite, envisageant le pire : que personne ne vienne. Comme pour faire écho à ses dires, mon ventre gargouilla, m’arrachant un gloussement surpris. Je ne ressentais pas particulièrement la faim, peut-être à cause de toutes les émotions qui m’avaient coupé l’appétit, mais Junior n’avait pas tort. J’en ai aucune idée fis-je avec une petite grimace de dégoût à l’idée d’un poisson à peine mort, encore dégoulinant d’eau, posé à même le sol pendant que nous nous demanderions quoi en faire. On pourrra toujourrrs essayer demain, ou plus tarrrd. Mais si les crrréaturrres rrrevenaient ? Est-ce qu’on ne ferrrait pas mieux de cherrrcher autrrre chose, ailleurrrs ? C’était imprécis et vague, mais je savais que je finirais rapidement par tourner en rond entre ces quatre murs de tôle rouge. Pourtant, même si mon impulsivité me hurlerait bientôt de partir à la recherche de quelque chose, il y avait l’importance de cet abri. Nous savions ce que nous avions à laisser derrière nous, sans avoir la moindre idée de ce qu’on pourrait trouver plus loin. J’ai essayé d’appeler Knut, notrrre elfe de maison, en Norrrvège. Ils sont censés pouvoirrr trrransplaner parrrtout et rrrépondrrre aux orrrdres de leurrrs maîtrrres mais il n’est pas apparrru lui expliquai-je, un peu dépitée que cette sublime idée n’ait pas fonctionné. On pourrrait toujourrrs rrréessayer, si ça se trrrouve, ils perrrçoivent quand même quelque chose. Je terminais de dérouler mes pensées dans un soupir avant de me redresser pour alimenter le feu de quelques nouvelles bûches et rejoindre ensuite le lit dans lequel je m’affalai. Nous ne nous étions pas levés depuis bien longtemps, à peine celui d’aller jusqu’au lac, d’en revenir, de survivre aux assauts d’une créature démoniaque et de revenir ici. J’avais pourtant déjà envie de dormir, du moins de m’allonger et de profiter de la seule chaleur qui nous était offerte, le poêle excepté : celle de la couverture. Rehaussé de la notre, c’était un cocon rêvé. Junior se glissa à mes côtés et nous enroula dans le tissu épais du couvre-lit. Je reprenais déjà ma place contre lui, comme une preuve que nous n’aurions jamais dû la quitter. Je me laissais bercer par son parfum, sa proximité, ses bras autour de moi, mes pensées suivant leur cours jusqu’à ce que mes lèvres décident de rompre le silence qui s’était installé. Tu sais, j’ai vrrraiment passé de bonnes vacances chez toi. Bon, pas tous les moments grommelai-je d’un ton mauvais. Mais c’était quand même agrrréable. Je cherchai son regard pour lui adresser un sourire. Alors que j’allais me pelotonner à nouveau contre lui, j’avisai le verre que j’avais mis à chauffer sur le dessus en métal du poêle. J’abandonnai le lit une seconde à peine, le temps de m’en emparer, les doigts protégés par la seconde chaussette que je passais autour du verre, et retrouvai bien vite mon meilleur ami. Je ne sais pas ce que c’est mais ça ne sent pas mauvais, ça pourrra au moins nous rrréchauffer. Et peut-être même combler un peu cette sensation de faim vu comme le liquide était épais. Mon regard clair interrogea Junior : s’il ne voulait pas tester, je le ferais sans hésiter, mais s’il avait envie de commencer, je lui laissais la priorité.
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Jeu 27 Aoû - 0:20
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Sam 29 Aoû - 14:42
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D’un ricanement effronté je balayai ce semblant de réprimande. Mon regard clair avait retrouvé ses étincelles habituelles, les ombres qui l’alourdissaient jusque là s’effaçant sous les caresses impitoyables d’une chaussette humide. Nos taquineries étaient comme une douce chaleur, plus efficace que n’importe quelle autre pour chasser le froid polaire de ces lieux. Sous l’air faussement réprobateur de mon meilleur ami, je discernais ce même abandon qui me plongeait toute entière dans l’instant présent. Tout le reste n’avait plus d’importance, plus d’existence, même. La magie de notre bulle complice ne souffrait pas l’hostilité de ces terres inconnues : qu’importe les querelles, les créatures venues des légendes, les doutes, le froid, la faim, les craintes… elle était plus forte que cela, nous étions plus forts que cela. C’est né huit jours plus tôt que moi et ça se prrrend pour un vieux sage. Un claquement de langue faussement réprobateur vint souligner l’air supérieur que je pris, quelques secondes seulement avant que mes paroles ne se noient dans un nouveau rire. Il mettait bien trop d’application dans chacun de ses gestes pour que je puisse me montrer longtemps impertinente. Et puis… je savourais plus que de raison ses gestes qui abandonnaient des caresses sur mon visage, cette proximité née d’un tête à tête inconcevable jusqu’à ce qu’il prenne vie, cette concentration rêveuse qui brillait au fond de ses yeux bleus, cette sensation apaisante qui me berçait. Rares étaient les fois où je me pliais à la volonté des autres sans rechigner et où rester immobile n’effritait pas le peu de patience que je possédais. Cette fois-ci en particulier, je voulais bien qu’elle dure toujours.
Même le désespoir qui s’était abattu sur nous à l’extérieur du cabanon et qui s'immisça dans notre bulle, entre quelques aveux et une confirmation silencieuse, ne parvint pas à souffler la flamme de notre complicité. Un ton théâtral et un rire moqueur vinrent ironiser sur ma prédisposition à avoir des sentiments. Nombreux étaient ceux qui m’en pensaient incapables, car après tout, je n’en faisais pas étalage. Cruelle, brutale, sans coeur… ma réputation était composée du plus savoureux des champs lexicaux. Néanmoins, il y avait une personne qui inversait toutes ces tendances, et elle était entrain de suivre du regard mes mouvements alors que je me saisissais de la chaussette abandonnée à son triste sort dans l’eau encore tiède. Je n’avais pas la constance des émotions de mon jumeau, pas plus que la retenue de mon aîné ou l’insipide fadeur de ma cadette. Chez moi, tout était toujours trop violent et impulsif, trop entier et véritable. Il n’y avait pas de place pour la demi-mesure. Junior, dans ce lien tout particulier qui nous unissait, était l’unique témoin de traits insoupçonnés. Qui pouvait seulement m’imaginer, moi, si terrible, prête à faire la toilette de mon meilleur ami avec un sourire qui n’avait rien de mauvais ? Qu’importe, je me sentais bien, dans ce tableau, chimérique pour bien du monde, d’une sincérité et d’une évidence désarmante en réalité. Un ricanement moqueur s’échappa d’entre mes lèvres ourlées d’un sourire amusé face à sa posture et son ton exagérés. J’entrepris de lui rendre son éclat habituel, effaçant les traces de nos mésaventures de son beau visage en même temps que les craintes qui étreignaient ses pensées, sa question restant en suspens quelques secondes. Il laissa rapidement ses paupières glisser sur ses yeux bleus, me masquant à son regard, s’abandonnant à mes soins. J’en profitai pour détailler chaque parcelle de sa peau sur laquelle j’égarais mes bons soins, suivant le gré de mes envies plutôt qu’une logique parfaitement ordonnée. Ne t’en fais pas, je m’en accommode trrrès bien jusqu’à prrrésent. J’en plaisantais moi-même quelques secondes auparavant, et pourtant, un étrange pincement me serra le coeur, sans que je sois capable d’en comprendre la raison, ni même les conséquences. La légèreté de nos propos s’accordaient mal avec ce sérieux qui venait troubler mon sourire flamboyant. Et je n’avais pas envie de m’y attarder alors je chassai toute la gravité que j’étais certainement la seul à ressentir d’un ton plus sarcastique. Et puis, si ça devenait trrrop dangerrreux, je pourrrais toujourrrs demander une potion à Grrrrand-Mèrrre. Je suis sûrrre qu’elle doit avoirrr quelque chose pourrr tuer les émotions. C’est peut-êtrrre ce que prrrend Finn pourrr êtrrre toujourrrs si apathique.
Un silence tranquille nous tomba dessus, ajoutant une touche irréelle à ce moment pourtant plus authentique que n’importe lequel. Le visage de Junior retrouvait peu à peu toute son élégance, débarrassé des traces qui le maculaient jusque là et qui, si elles lui donnaient effectivement un air aventurier et baroudeur, n’avaient jamais pu lui ôter une once de son charme naturel. Il pourrait plonger la tête dans le pôele et ressortir noir de suie, se vêtir de haillon et ne plus se coiffer, qu’il resterait paré des mêmes atours à mes yeux. Mais enfin, le retrouver presque aussi soigné qu’à l’accoutumé avait quelque chose de rassurant, quand bien même c’était nos salissements respectifs qui avaient conduits à une telle intimité, et que j’étais prête à lui promettre encore et encore de recommencer pour retrouver la délicieuse magie de cet instant. Avec un sourire en coin, je retrempai brièvement la chaussette dans l’eau pour la débarrasser du plus gros des impuretés, mon meilleur ami me gratifiant d’un regard qui semblait me reprocher d’avoir déjà arrêté, et je la passai dans sa chevelure châtain, avant de coiffer le plus gros de ses mèches rebelles comme je le pouvais de mon autre main. Voilà, prrresque prrrésentable. Il était, évidemment, bien plus que cela, mais la taquinerie clôtura nos toilettes et le gant se retrouva à flotter pitoyablement dans l’eau de la casserole que nous dédaignions déjà. Dans un soupir, je me languis des bains à remous qui agrémentaient notre propriété, à Kristiansand. Qu’avez-vous fait de mon meilleurrr ami soufflai-je avec un sourire un brin moqueur alors qu’il soupirait de manière bien plus exagérée que je ne l’avais fait et m’empêchait d’en dire plus en scellant mes lèvres d’un baiser.
Des considérations plus terre à terre, moins douces, se rappelèrent à nos esprits fatigués et nos estomacs vides. Le mien se mit à protester, nous faisant glousser à l’unisson et éloignant ainsi, encore un peu, les nuages qui ne tarderaient pas à revenir. Manger était essentiel mais cette priorité pouvait attendre encore un peu, tant que nous avions de l’eau. Si par colère j’avais déjà sauté quelques repas, je n’avais jamais connu de situation où il m’était impossible, aussitôt que je le désirais, de trouver de quoi me nourrir. La situation nécessiterait que nous franchissions de nouvelles limites, mais plus tard. Je n’étais pas pressée de retourner à l’extérieur maintenant que nous savions quelles créatures rôdaient. Et peut-être, peut-être que si personne ne venait nous chercher très vite, peut-être qu’il faudrait envisager de trouver un autre abri. L’idée avait des avantages mais bien des inconvénients. Dont celui, majeur, de nous laisser sans certitudes quant à ce que nous serions capables de trouver. D’accorrrd consentis-je, sans trop de mal. Mais si le moindrrre doute rrrevient, il faut se le dirrre, ce pourrrait-êtrrre encorrre ces démons en forrrme de cailloux. Je ne tenais pas vraiment à retrouver mon meilleur ami assailli par les griffes d’une créature agressive. Hormis qu’elles propageaient un désespoir intense et paralysant, elles n’avaient pas l’air bien farouches, fuyant sans demander leur reste. C’était du moins la conclusion que je tirais de notre première et unique rencontre avec l’une d’elles, et parce qu’elles touchaient à l’esprit et aux émotions, je n’étais guère pressée d’en rencontrer une à nouveau. M’arrachant à ce sol dur et froid, je remis quelques bûches dans le feu afin de le raviver, tout en racontant à Junior ce que j’avais tenté, sans grand succès. On ne savait pas, c’était tout ce qu’on pouvait en dire, et j’haussai les épaules sans renchérir. Comment fonctionnait la magie de nos elfes, je n’en savais rien, ne m’intéressant pas à ce qui nous était inférieur. L’implacable logique voulait qu’ils répondent aux ordres de leurs maîtres, mais que faire quand une telle distance nous séparait ?
Je grimpai sur le lit une fois mon feu attisé et me pelotonnai contre mon meilleur ami quand celui-ci me rejoignit, nous isolant sous la chaleur de la couverture. Ses bras autour de mon corps me gardaient tout contre lui et mon visage vint s’enfouir contre son cou. Ainsi entremêlés, masses informes de bras, de jambes et de cheveux, nous nous laissâmes bercer par nos silences et le réconfort que nous trouvions dans la présence de l’autre. Pour rien au monde je n’échangerai ma place. Nous étions sales, perdus, seuls, confus, pourtant je ne souhaitais être nulle part ailleurs. Du moins, avec personne d’autre. Peut-être m’assoupis-je un peu, du moins mes pensées prirent-elle une tournure plus imaginaire, faisant de ce cabanon miteux un château digne d’un conte de fées et de notre errance, une fuite volontaire. Nous étions seuls, mais n’avions à nous soucier de rien de plus que de nous chamailler, encore et encore. Nous étions seuls, mais il n’y avait que les délices d’une telle situation qui subsistaient, et que nos sourires entretenaient. Comme un futur rêvé qui prenait place dans mes songes alors que je somnolais dans les bras de Junior. Était-ce un rêve produit par mon inconscient ou la divagation de mes pensées, je ne savais plus trop, perdue dans un entre-deux qui n’était pas tout à fait le sommeil, pas tout à fait l’éveil non plus. Jusqu’à ce que je brise notre torpeur de quelques mots, alors que mon esprit déroulait les souvenirs de nos quelques jours passés en France, auprès des siens. Du bout des doigts, je chassai une poussière imaginaire sur sa joue, mon sourire approuvant son invitation. Volontier. Il faudrrra bien penser à compenser les mauvais moments fis-je avec une prétention amusée. Je ne lui tenais pas vraiment rigueur de ces quelques ombres au tableau… encore que. C’étaient elles les premières qui avaient surgi dans mon esprit sous l’influence démoniaque des créatures qui charriaient le désespoir. M’affectaient-elles plus que je ne voulais l’admettre ? Peut-être bien. Je tâchai de ne rien en laisser paraître, cependant, alors qu’il resserrait doucement l’emprise de son étreinte autour de moi. Mes doigts égarés sur sa joue comblèrent le court silence qui précéda ma réponse. Ce ne serrrait pas rrrendrrre justice à nos vacances que de dirrre qu’il y en a eu plusieurrrs. Elles étaient parrrfaites, l’heurrre passée loin de toi alorrrs que tu dansais avec je ne sais qui pendant que l’autrrre tâche se pensait maligne à essayer de semer la discorrrde entrrre nous. Il devinerait bien qui était la tâche en question, je n’avais pas besoin de préciser que je parlais de son affreuse demi-soeur. Elle n’avait pas réussi, ma confiance en Junior et en ce lien plus fort que tout étant suffisamment inébranlable pour résister aux assauts d’une petite peste. Pour autant, le voir valser avec cette fille m’avait profondément agacée et ce n’est pas parce que je ne me souvenais plus de ce pincement au coeur que je ne l’avais pas ressenti, sur le coup. Ajouté à cela la présence lointaine de Charles-Auguste qui avait bien tenté de me ravir quelques minutes de mon précieux temps, et c’était définitivement le pire moment de mon séjour en France.
Je m’échappai de ces souvenirs en même temps que de notre couchette, mon regard clair se posant sur le verre que j’avais laissé à chauffer sur le dessus du poêle. Junior me laissa revenir avec un regard sceptique au possible qui ne s’effaça pas sous mes explications. S’il ne voulait pas essayer, tant pis pour lui, je me laisserai tenter pour ma part. Ça ne pouvait pas être pire que de ne rien boire de chaud du tout, et de l’eau sans rien infusé dedans ne me tentait guère. Mon meilleur ami ne me laissa pas plus le temps de le convaincre ou de me lancer que cela, s’emparant du verre et y trempant ses lèvres. Je scrutais son visage, attentive à la moindre réaction, un sourire étirant mes lèvres alors que ses prunelles s’écarquillaient de surprise, visiblement agréable. Puis un gloussement le remplaça quand il afficha une grimace. Alorrrs ? lui demandai-je tandis qu’il me redonnait le verre et que j’en sentais de nouveau tous les parfums. Sa description me donnait plutôt envie d’essayer et j’en avalais donc une gorgée, avant de répondre à sa question. La réalité était fidèle à sa description et, prévenue de l’alcool que la boisson contenait, je ne me laissais pas avoir par l’amertume qui remplaça le goût sucré. C’était dans une bouteille que j’ai trrrouvé dans un des placarrrds, celle que j’ai nettoyé pourrr mettrrre de l’eau dedans. La chaleur qui se propageait le long de ma gorge était des plus agréables, mais nous en avions peu, si peu… Tu en rrreveux ? On peut peut-êtrrre le couper à l’eau, ça serrrait moins forrrt et ça ferrrait une sorrrte de... thé proposai-je, sans trop savoir ce que ça pourrait donner, à part un peu plus d’une chaleur bienvenue.
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Dim 6 Sep - 19:40
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Ven 11 Sep - 23:37
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Face à mon claquement de langue et toute la réprobation que j’étais capable d’afficher, il me retourna un air supérieur et un entrain que je devinais sans mal être faux. Ces quelques jours de différence n’étaient jamais entré en compte dans notre relation, de quelque façon que ce soit. Finnbjörn était peut-être mon jumeau, celui qui était né le même jour que moi et qui sera comme une partie de mon âme pour le restant de mes jours, il n’en était pas moins que c’était avec Junior uniquement que l’égalité la plus parfaite régissait nos rapports. Une relation dont je ne me déferais pour rien au monde. Chaque jour qui passait rendait cette constatation plus réelle encore. Plus définitive. Nos moqueries respectives moururent dans la tendresse des caresses qu’il abandonnait sur mes joues. L’intimité de ce moment mettait à nu bien plus que des traits débarrassés d’une crasse accumulée par notre errance, et sans trop savoir pourquoi, sans trop comprendre comment, une vérité surprenante perça derrière des mots lourds de sarcasme. Sous mes soins, identiques à ceux qu’il avait consciencieusement égarés sur mon visage, et mes propos, je crus voir ses joues rosirent légèrement. Simple fruit de mon imagination, perspective désirée ou réalité plus prosaïque liée au froid que le gant laissait sûrement sur sa peau ? Je n’avais pas vraiment envie de le savoir, peut-être parce que je n’étais pas certaine d’avoir envie de me confronter à une réponse qui ne me conviendrait pas. Chassant le fantôme d’un sentiment encore bien trouble, je repris, un sourire dans la voix, une moquerie sur les lèvres. J’étais bien plus douée pour laisser libre court à mes railleries que pour emprunter ces chemins sombres aux accents étrangers. Et ce pincement au coeur, je ne l’appréciais guère, lui préférant presque les serrements liés à une maladie que je connaissais sur le bout des doigts. Qui aime bien châtie bien répliquai-je avec le même sourire, plus encline à avouer toute l’affection que je portais à mon jumeau adoré qu’à parler d’autres émotions.
Un silence paisible nous enveloppa de nouveau de son étreinte invisible alors que sa question mourrait lentement. Mes pensées, pourtant, retournaient l’interrogation dans tous les sens. J’avais présenté le danger éventuel en plaisantant, mais finalement, les contours véritables que je discernais me laissaient un arrière-goût presque amer. Je savais que raviver certaines conversations était bien plus dangereux que d’allumer un feu, puissant, violent, mais j’étais incapable de ne pas mettre un point final à un échange, surtout aussi intensément singulier que celui-ci. Je suppose que oui conclus-je alors, d’un ton bien trop grave pour être le mien. Heureusement, le sérieux disparu en même temps que les dernières traces de saleté qui maculaient le visage de mon meilleur ami, et ma moquerie acheva de nous ramener à des terres conquises. Ses lèvres s’emparèrent des miennes, figeant l’instant dans une bulle plus solide encore. Avant que la réalité ne nous rattrape, aussi glaciale et terne que les plaines environnantes. Il nous fallait décider de quoi seraient faites les prochaines heures, et je tenais absolument à ce qu’un point, parmi tous les autres, soit clair : je refusais qu’il taise une nouvelle fois ses craintes et que le désespoir le conduise au même point que celui dans lequel je l’avais trouvé. Pour quelqu’un qui connaissait la peur uniquement à travers la définition qu’en donnait le dictionnaire, sans guère exagérer, je n’aimais pas l’éprouver à chaque fois que Junior disparaissais de mon champ de vision. Il était bien mieux, là, sous mes yeux clairs, me laissant tout le loisir de me perdre dans les traits parfaits de son visage. Une moue boudeuse sur le mien, je finis par hocha la tête en signe d’assentiment. D’accorrrd. Me plaindre était une nécessité que je pouvais nous épargner sans peine, mais si je lui donnais ma parole, il était impensable que je ne la tienne pas.
Nous passâmes du sol au lit, de la chaleur de nos toilettes à celle de nos étreintes. Savoir que nous n’avions rien d’autre à faire, hormis attendre en se berçant de la présence de l’autre, avait un quelque chose de délicieusement plaisant. J’aimais la sensation que personne ne viendrait nous déranger, pas tout de suite, du moins, et que nous pouvions rester ainsi aussi longtemps que nous en avions envie, rien ne nous demandait de nous arracher à ce matelas et cette couverture qui avait le mérite d’exister. Aidée par ses doigts qui caressaient doucement ma peau et son souffle qui venait chatouiller le mien, je me laissai aller à somnoler, quelques minutes ou plus encore, jusqu’à ce que mes pensées dérivent vers nos vacances françaises et toute l’envie d’encore que j’en retirais. Qu’importe l’ombre au tableau, j’avais envie de continuer à le peindre, parce que ses sourires et nos moments à deux valaient bien tout le reste. Que s’était-il passé ? Rien qui ne vaille d’être raconté, une danse pitoyable qui n’était pas à la hauteur des nôtres et une présence importune dont le venin n’était que celui de la rancoeur. Oui, c’était ça, rien que ça, à peine ça. Pourtant, un petit reniflement de mépris m’échappa. Elle a parrrlé promise, jalousie, et bien d’autrrres choses encore. Un tas d’ineptie dicté parrr tous les mauvais sentiments que lui inspirait ce marrriage, je suppose fis-je en m’étirant nonchalamment avant de me lover de nouveau contre Junior. Je pouvais faire fi des commentaires amers de cette pathétique intruse, j’avais plus de mal à oublier le sentiment dévorant qui était né de la constatation que mon meilleur ami occupait galamment son temps au bras d’une blonde à la fadeur incontestable. J’aurrrais prrréférrré, moi aussi grommelai-je avec le plus de dignité possible.
Il semblait en rester bien peu, cependant, et je ne tardai pas à trouver une échappatoire à la vue du verre qui chauffait tranquillement depuis que nous nous étions renfermés dans le cabanon. La chaleur dégagée par le petit récipient venait réchauffer agréablement mes doigts que je perdais sur la joue de mon meilleur ami quand il s’en empara, pour goûter ce qu’il contenait, une lueur sceptique au fond de ses yeux bleus. Son exclamation de surprise m’arracha un haussement d’épaules alors que je venais de goûter à mon tour. La prudence la plus élémentaire était peut-être un peu malmenée par mon impulsivité, mais j’avais fait confiance à mon instinct, comme bien souvent, et ça n’avait jamais eu l’air d’un insecticide quelconque. Encore que je n’avais pas pour habitude de voir à quoi pouvait bien ressembler un tel produit. Mais ça n’en est pas. Et mon sourire vint ponctuer ma remarque. À quoi bon accumuler les Et si alors qu’il s’agissait juste d’alcool. J’aurais pu arguer que j’avais parfaitement deviné que ça n’en était pas, mais ce n’était pas le cas, et même si le dédain m’amusait beaucoup, je me sentais plus attirée par l’idée de retourner me perdre dans les bras de Junior que de me glorifier d’un rien. En quelques gestes, je nous servais deux verres d’eau tiède dans lesquels je versai l’alcool divisé en deux, et ne me fit pas prier pour retrouver ma place.
Le demi-sommeil nous emporta de nouveau, après que nos verres vides soient lâchement abandonnés loin de nos corps serrés l’un contre l’autre. Finalement, la fin de l’histoirrre n’est pas vrrraiment celle que je supposais soufflai-je alors que j’étais encore suffisamment éveillée, en référence à mes bouderies de tout à l’heure. Je me retrouvai un moment sur le dos, les doigts dressés vers le plafond, mais l’étincelle de lumière qui les enveloppa provenait plus certainement de mon imagination que de la réitération de la magie qui avait propulsé au loin la créature. Avais-je rêvé ? Je savais que non, au fond de moi, mais lancer le moindre sortilège sans ma baguette me paraissait encore bien inconcevable. Je rêvais, ensuite. De quoi, je ne me souviens plus très bien, mais Junior n’était jamais très loin. Une toux me réveilla une seconde fois, la mienne. Un peu de rouge sur mes doigts attira mon attention, brièvement, rien qui ne vaille la peine que je remue et brise l’étreinte dont mon meilleur ami m’enveloppait. J’essuyai vaguement ma main contre le drap terni par la saleté et me perdis de nouveau dans des songes presque trop réels. Il faisait jour, quand j’ouvris les yeux un peu plus grands, les paupières moins alourdies, l’esprit plus alerte. J’avais faim, les courbatures se faisaient plus présentes, mais la chaleur de Junior suffisait à maintenir la mienne et à rendre tout le reste secondaire. Je me perdais sans me retenir dans les traits endormis de son visage, traçant les contours de celui-ci d’un index léger, avant qu’un bruit sourd ne me fasse sursauter et que je ne me redresse, le regard tourné vers ce qui faisait office d’entrée, une main tâtonnant à la recherche de ma baguette.
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Jeu 24 Sep - 0:27
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Lun 28 Sep - 17:41
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Une à une, nous tournions les pages des sujets les plus graves qui alourdissaient les traits de nos visages d’un sérieux inhabituel. Sentiments trop adultes auxquels nous ne connaissions rien ; impressions vagues qui coulaient entre mes doigts comme de l’eau dès que j’essayais de m’en saisir pour mieux les scruter ; promesses délicates de ne plus rien cacher de ces états d’âmes troubles. Son sourire formalisa notre accord et laissa un nouveau silence nous envelopper tandis que nous retournions chacun à nos pensées, aussitôt que j’eusse nourri le feu de quelques nouvelles bûches. Sous la tiédeur de notre couverture, nous retrouvâmes la chaleur de l’autre et le temps fila loin de ces étreintes qui duraient, encore et encore, tandis qu’une somnolence s’emparait de nous, brouillant un peu plus les contours de notre réalité. J’étais tantôt plongée dans un rêve profond, tantôt dans un entre deux vacillant, tantôt réveillée sans même vraiment m’en rendre compte. Entre deux souvenirs, ou peut-être étaient-ce des songes, ma voix s’éleva pour revenir sur nos vacances en France et épingler le comportement particulièrement irritant de celle qui se révélait être sa demi-soeur. Honte complète, au demeurant, complètement sotte et détestable. Finalement, peu m’importaient les liens qu’il y avait entre cette fille blonde et mon meilleur ami, je ne demandais qu’à oublier cet épisode et mon coeur qui s’était serré face à ce déplaisant tableau. Un haussement d’épaules un peu vague vint ponctuer son affirmation. Entre rester les bras croisés à contempler sa valse avec une pimbêche sortie de nulle part sous le regard courroucé de sa chère mère et suivre Aimée, même pour quelques minutes, afin de fuir la foule, le choix avait été rapidement fait. Il n’y avait pas de regret à avoir. Je savais désormais quelle peste était sa cousine. Il finit par m’arracher un gloussement un peu idiot et, par la même, m’extirpa définitivement de ce semblant de sommeil dans lequel mes yeux clos me maintenaient encore. C’est parrrfait, mon Prrrince. Sa présence n’était jamais que désirable, après tout. Nous pouvions nous suivre éternellement dans une danse sans fin que je n’y trouverais rien à redire.
Réveillée, je ressentis le besoin de m’extirper de notre bulle, le temps de m’emparer du verre qui chauffait tranquillement sur le dessus du poêle. Le liquide était épais, marron, et n’avait pas subi d’autre inspection que celle, rapide, de mon regard clair. C’était dans une bouteille en verre, manifestement une ancienne bouteille d’alcool qui traînait là depuis des semaines, sinon des mois, voire des années, et il me semblait parfaitement logique de le goûter. Junior ne voyait pas les choses de la même manière et me gratifia de quelques mots presque courroucés quand je lui fis part de sa provenance. Désinvolte, je lui rétorquai que ça n’était en rien un poison. En tout cas, ce dernier n’était pas fulgurant. Mon meilleur ami ricana, je l’imitai, avant de retourner à mes mélanges alchimiques. C’était sucré et définitivement alcoolisé : coupé avec un peu d’eau, j’avais l’intuition que ça pourrait donner un thé des plus originaux. Ou alors quelque chose de parfaitement infâme puisque mes seules notions en la matière étaient directement liées aux boissons chaudes que nos elfes nous servaient à tout va, ou encore à l’essai pitoyable dont s’était rendu coupable Junior il y a quelques mois de cela. Nos verres furent remplis et rapidement bus. Déjà nous retournions nous lover l’un contre l’autre dans un silence qui amena avec lui, de nouveau, une langueur toute ensommeillée.
Je laissai échapper quelques mots d’une voix endormie, Junior me répondit de la même manière. C’était un lien incongru réalisé par mon esprit vagabond, rien d’étrange à ce qu’il ne comprenne pas où je voulais en venir. Il s’écoula quelques secondes avant que je ne réponde, la langue engourdie qui articulait mal certains mots. Celle de notrrre mésaventurrre… qu’ondevaitécrrrirrre. Cenest pasunpiège finalement. L’instant d’après, ou la minute, je roulai sur le dos, bras tendu vers le ciel masqué par la tôle qui nous entourait et je sentis bientôt les caresses de Junior qui s’égaraient sur ma paume, me poussant à tourner mon visage vers le sien et à effleurer ses lèvres d’un baiser alors que sa confidence chuchotée sonnait à mes oreilles comme la plus précieuse. C’est que nous avions tous les deux été élevés dans un confort royal, entourés d’une famille et d’une situation des plus nobles, mais lui, plus que moi, avait besoin de ce confort quotidien. J’étais celle de nous deux qui l’entraînait dans des aventures chaque fois plus folles et dangereuses, après tout, tandis que lui ne demandait rien de mieux que de rester à paresser dans la douceur d’un appartement chaleureux. Quelques mots peut-être banals pour n’importe quel profane, pour n’importe qui n’étant pas nous, ou simplement pour toute autre personne que moi. Ils m’étaient déjà bien chers, comme un trésor que je comptais bien conserver jalousement. On rrreparrrtirrra. Ma promesse à peine soufflée se perdit ensuite dans un nouveau silence et dans de nouveaux chemins tortueux que cet étrange sommeil me faisait prendre. Un rêve, une toux, l’impression fugace de comprendre quelque chose d’essentiel, tout n’était que des ombres qui s’enfuyaient dès que je m’approchais un peu trop.
Je quittais cet état de somnolence après un temps indéfini, retrouvant toute la conscience que j’avais de la proximité de mon meilleur ami, abandonnant sans plus attendre les tendresses qu’il m’inspirait le long de sa joue et du reste de son visage. Jusqu’à ce qu’un bruit nous fasse sursauter, provenant de l’extérieur, n’annonçant rien de bon. Je tâtonnai, à la recherche de ma baguette, qui ne devait pas être bien loin, tandis que Junior se levait déjà. Je parvins finalement à enrouler mes doigts engourdis de sommeil et de froid autour du bois inestimable de ma baguette, mais le Serpentard était déjà entrain d’effacer un peu de la crasse qui la ternissait. Le bond qu’il fit en arrière me propulsa hors du lit et je le rejoignis en quelques pas, lèvres entrouvertes, prête à lui demander ce qu’il se passait ou à aller le constater de mes propres yeux. L’index de Junior m’intima au silence. Nous nous faisions face, probablement aussi tendu l’un que l’autre. D’un hochement de tête, je lui signifia que j’avais compris et que je me ferais aussi silencieuse que possible. Néanmoins, je m’éloignai pour aller voir de quoi il retournait, le coeur battant un peu plus fort. Ce ne pouvaient pas être les mêmes créatures que la veille, il n’aurait pas eu l’air aussi paniqué… et en effet, ça ne l’était pas. L’ours était gigantesque et visiblement déterminé à rentrer, ou bien à briser le cabanon rouge contre lequel il abattit une nouvelle fois ses immenses pattes. Je me tournai de nouveau vers Junior, faisant le court trajet en sens inverse, articulant des injures muettes. Qu’est-ce que... commençai-je à chuchoter au Serpentard quand un rugissement me ramena rapidement jusqu’à la fenêtre.
Je ne compris pas tout de suite pourquoi la bête s’était détournée de notre refuge et dévoilait des crocs acérés en direction de la plaine. Jusqu’à ce que j’avise ce qui ressemblait à un traîneau, au loin, et, plus proche, un homme dont je ne distinguais pas grand chose hormis les nombreuses peaux de bêtes dont il était vêtu. Il tenait une lance ridicule pointée en direction de l’ours et ses gestes, s’ils se voulaient menaçants, me semblait purement pathétiques. Un sortilège aurait été plus efficace. Ma pensée prit littéralement vie alors que l’ours, agacé par la pointe que l’homme venait de planter faiblement dans son torse, leva sa patte et vit voltiger le corps faible et bientôt sans vie de son adversaire. Une seconde plus tard, il se ruait sur lui et le cri de son prochain et très proche repas nous figea. Il faut fairrre quelque chose... soufflai-je en relevant mon regard jusqu’à Junior, réfléchissant à toute allure aux options que nous avions. Elles n’étaient pas nombreuses, voire inexistantes. Une seconde, j’avais escompté que l’ours embarquerait son déjeuner pour aller le dévorer ailleurs, dans sa tanière ou je ne sais trop où, mais il semblait déterminé à s’en repaître ici, nous empêchant de sortir de ce qui prenait de plus en plus les allures d’une geôle. Il est occupé, ce serrrait le moment ou jamais de l'attaquer...
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Lun 28 Sep - 22:33
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR Jeu 1 Oct - 12:09
the cold never bothered me anyway
junior & erin
Pendant de longues secondes, nous ne fûmes que les spectateurs muets du carnage qui se déroulait de l’autre côté de la tôle rouge. Le monde monochrome et inhospitalier que nous avions traversé et affronté se teintait de sang. Le cabanon dans lequel nous étions relativement à l’abri n’était plus la seule tache de couleur dans l’étendue désertique au coeur de laquelle elle prenait place : les crocs de l’ours se chargeaient d’en distiller des touches là-bas, à si faible distance de nous. C’était le moment où jamais de faire quelque chose, tandis que l’immense prédateur immaculé était occupé à son déjeuner, mais faire quoi ? Mon regard clair dériva jusqu’à Junior dont toute l’attention était tournée vers ce qu’il se passait au-delà du petit hublot. S’il hocha machinalement la tête à mon murmure, il ne bougea pas, et j’en fis rien non plus, reportant mes prunelles sur le tableau sauvage que nous contemplions. J’étais loin, bien loin de craindre pour ma vie ou pour celle de mon meilleur ami, maintenant que l’ours polaire ne martelait plus notre fragile refuge de ses pattes puissantes. Et la mort d’un moldu ne provoquait rien d’autre qu’une satisfaction négligeable : il n’était rien, voué à disparaître sans que nous y accordions le moindre intérêt, c’était là l’ordre des choses. Mais je me perdais cependant dans les détails de la mise à mort, fascinée par la mâchoire, d’une force et d’une violence inouïe, de la bête, qui déchiquetait avec voracité la carcasse sans vie de sa proie. C’était le moment où jamais de faire quelque chose, assurément pas de voler au secours d’un mort dont la vie avait eu autant d’importance que celle de la pire des vermines, mais quelque chose. Pourtant, nous ne bougeâmes pas, continuant de regarder, comme rattachés à ce qu’il se passait dehors par un fil qui vibrait d’une tension mal contenue. Tant que l’attention de l’ours n’était pas sur nous, il était facile de continuer à se sentir en sécurité.
Facile, également, de supposer que c’était là le moment ou jamais de l’attaquer, pendant qu’il était le plus vulnérable, si tant est que cet adjectif signifie quoi que ce soit face à un monstre pareil. De nouveau, mes prunelles firent l’aller retour, du banquet sinistre de l’animal jusqu’au visage pâle, si pâle, de Junior. Il hocha simplement la tête, de gauche à droite, dans un refus net que je ne cherchai même pas à discuter. Et je retournai à la contemplation morbide de l’ours au pelage blanc sanguinolant. Je ne doutais pas de pouvoir le toucher avec un sortilège : il était gros, si gros que c’était impossible de le louper. Mais je n’avais jamais eu à affronter un tel animal, et derrière ma belle assurance pointait une terrifiante question : si cela ne lui faisait rien ? Ou si, à l’instar de la ridicule lance du cadavre, ça ne faisait que réveiller sa colère qu’il dirigeait dans notre direction il y a encore quelques minutes ? J’aurais été prête à prendre le risque, sans sourciller, si j’avais été seule. Mais il y avait Junior et je refusai d’en faire une cible toute trouvée par mon impulsivité et mon envie de me mesurer à une telle créature. Doucement, la réalité s’imposait à moi qui peinait encore à la mesurer pleinement : nous n’étions plus entourés de la sécurité de nos familles et il n’y aurait personne pour palier mon inconscience si je décidais de me jeter dans la gueule de l’ours. Personne pour le tuer avant qu’il ne soit trop tard, si j’échouais, si je n’étais pas assez vive, si mes sortilèges n’étaient pas assez puissants. Là, dans cette petite cabane rouge, aux côtés de mon meilleur ami, à fixer une bête sauvage qui pouvait nous mettre dans une position délicate en un clin d’oeil si elle décidait avoir encore faim, je me sentis misérable, inutile. Une seconde à peine avant que le sentiment désagréable ne disparaisse, figé par un temps qui sembla s’arrêter.
L’ours avait terminé son repas et se redressa, encore plus impressionnant maintenant que ses babines dégoulinaient d’un sang qui devait être encore chaud et que son pelage taché de ce dernier flamboyait sous nos yeux écarquillés. Les secondes devinrent des heures entières durant lesquelles l’ours évalua les environs jusqu’à ce que son regard noir se pose sur notre cabane. Les heures devinrent des jours entiers et j’avais enroulé mes doigts autour de ceux de Junior sans même m’en rendre compte, la respiration retenue par l’attente mortelle de ce qu’il allait faire ensuite. Et nous, qu’allions-nous faire, s’il fonçait de nouveau droit sur nous ? La question ne se posa pas et ce qu’il aurait pu se passer resta à tout jamais à l’état de supposition. L’ours pivota, retomba lourdement au sol, et s’éloigna. Nous restâmes encore de longues, très longues, secondes, vérifiant sans qu’il soit possible d’en douter que l’animal ne revenait pas. L’immense créature rapetissait lentement jusqu’à n’être plus qu’un point qui s’effaça finalement dans l’horizon. Quand je ne pus plus le distinguer, quand il se fut parfaitement fondu dans le décor désertique qui nous entourait, je sentis le froid au bout de mes doigts et me retournai, à la recherche de Junior.
Nous avions sûrement conscience tous les deux que nous venions d’échapper au pire, mais lui peut-être plus que moi. Il était plus éclairé, moins inconscient. Et face à ses joues mouillées de ses larmes, je ne savais pas quoi faire. Il était facile de me laisser aller à des débordements d’émotions et à manifester ma peur sous le coup de l’émotion, comme lorsqu’il était tombé de cette falaise ou comme quand je l’avais trouvé, la veille, à deux doigts de se faire agresser par une créature maudite. Mais là, je me trouvais dépourvue de toute idée, comme déconnectée d’une réalité que je commençais à appréhender différemment. Ce n’était plus une simple mésaventure, ce n’était plus qu’une question d’heures avant que l’on nous retrouve, ce n’était pas rien, c’était beaucoup, et ça empirait à chaque minute qui s’écoulait. Si Junior refusait que nous sortions, nous ne sortirions pas, quand bien même cette situation ne serait vivable que quelques heures : nous n’avions toujours pas mangé et l’eau que nous avions ramenée la veille ne durerait pas éternellement. Mais tant pis. L’ours était parvenu à entamer ma confiance inébranlable et je me retrouvais prise au dépourvu. À quoi se raccrocher quand nous n’avions toujours pas le moindre signe des nôtres ? Quels espoirs fonder alors que nous étions incapables de sortir de cette cabane sans rencontrer des créatures magiques et des animaux sauvages ? Il y avait de la vie humaine, nous en avions eu une brève preuve, mais les moldus ne pourraient pour nous non plus. Et, de toute façon, cela signifiait quitter notre refuge.
Alors, je me raccrochai à la seule chose certaine dans ce monde qui n’était pas le nôtre et qui perdait, peu à peu, chacun des charmes, mais minimes, qu’il avait pu nous dévoiler. Ne restait que Junior et sa présence rassurante. Avec un temps de retard, je vins l’aider à déplacer la table pour la faire glisser contre la porte. C’était nous contre tout le reste. Une fois cela fait, je fouillai la pièce du regard, à la recherche du plus gros objet à notre disposition. La métamorphose n’était pas mon fort, mais j’étais bien trop déterminée pour considérer ce point-là. Je jetai mon dévolu sur le buffet en bois que nous avions fouillé à notre arrivée. Mon meilleur ami n’allait pas m’en vouloir de faire à nouveau usage de la magie, nous étions tous les deux bien trop à bout de nos réserves pour qu’il s’en formalise, pensai-je au moment de lancer le sortilège sur le meuble. La seconde d’après, il était une épaisse couette dans laquelle nous aurions pu nous enrouler, encore et encore, voire même s’y perdre. Elle remplacerait bien efficacement la couverture usée dans laquelle nous avions trouvé un peu de chaleur ces dernières heures et nous permettrait, peut-être, d’en trouver plus encore pour celles à venir. Le silence était maintenant seulement rompu par le crépitement des bûches qui continuaient de brûler dans le poêle et par les frottements du tissu tandis que nous nous réinstallions sur le matelas que nous venions à peine de quitter. Dormir faisait passer le temps plus vite, dormir contre Junior, enveloppée dans ses bras, le faisait passer d’une manière plus douce. On ferrra quelque chose plus tarrrd soufflai-je finalement, comme la promesse que nous ne resterions pas simplement ici, dans ce lit, à attendre que l’on vienne nous trouver, ou peut-être comme un moyen de me rassurer sur le fait qu’il me restait encore un peu de combativité. Un autre élément qui resta sans réponse. Entre quelques caresses réconfortantes, les mêmes demi-sommeils nous reprirent. Et entre les rêves et à la réalité, les bruits de voix et de pas nous parurent tout droit sortis de nos songes, avant qu’un courant d’air glacial ne nous tire de notre léthargie d’un coup, d’un seul. Nul ours, cette fois, mais trois silhouettes qui se découpaient dans l’embrasure de la porte, baguette à la main, déversant un flot de paroles en direction de l’extérieur, là où d’autres se trouvaient peut-être. Je n’écoutais même pas ce qu’ils disaient, trop contente de pouvoir partager, enfin, un regard et un sourire sincèrement soulagés avec mon meilleur ami, juste avant que ne nous entraîne définitivement hors de cet enfer polaire.
electric bird.
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(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR