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The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyLun 3 Aoû - 18:09



The cold never bothered me anyway
ft. @Erin B. Sørensen & C. Junior d'Archambault

J’avais espéré ne pas avoir à me réveiller ici, qu’on viendrait nous chercher dans la nuit, mettant un terme à de trop longues heures d’incertitudes et de froid. Il n’en était rien. Une nouvelle journée recommençait, à moins qu’il s’agisse seulement de la continuité de la précédente… Je n’avais aucune idée du fuseau horaire sur lequel nous nous trouvions et la seule trace du temps qui passait que j’avais était l’heure française qui faisait bouger les aiguilles de ma montre. Chez moi, ça aurait été une nouvelle journée… Ici, je supposais qu’aussi sans être sûr de rien. Qu’est-ce que ça changeait, de toute façon ? Qu’il soit hier ou aujourd’hui ne changerait pas ce qui nous attendait et rien ni personne ne se trouverait déranger par des horaires un peu flous… Parce qu’il n’y avait rien ni personne. Nulle part. Seulement Erin et moi au milieu de rien. Un rien qui commençait à se faire oppressant, plus oppressant encore alors que nous quittions le cabanon pour nous traîner sur les bords du lac. Ça nous donnait au moins un but, c’était toujours mieux que d’attendre seulement que le temps passe. Faire quelque chose, nous occuper… Parce qu’il fallait se rendre à l’évidence, il n’y avait strictement rien à faire à l’intérieur, sinon paresser sur un lit inconfortable. D’ordinaire, je n’aurais rien trouvé à y redire, acceptant ce sort non sans un certain plaisir… mais là, ça revenait à ressasser encore et toujours, laissant mes pensées suivre un cours que je ne contrôlais pas. Il fallait faire quelque chose. N’importe quoi… Les cailloux continuaient de crisser sous nos semelles, dans un bruit répétitif et crispant. Il n’y avait que ça et le chant du vent pour briser le silence de mort qui régnait sur le désert qui s’offrait à nous. Je n’avais jamais eu aussi hâte de rentrer chez moi. J’étais même prêt à faire un effort pour supporter l’erreur paternelle pour un peu qu’on me promette de ne plus jamais me laisser repartir. Tant pis pour les vacances, tant pis pour la Norvège, je voulais seulement retrouver des repères rassurants et l’odeur familière de la maison…

Pas de vision ?

Je secouai simplement la tête en guise de réponse. Rien du tout… Je préférais ne rien voir que de voir quelque chose qui m’assurerait que personne ne viendrait, bien sûr, mais l’espoir que tout ça se termine vite s’étiolait doucement. Je ne m’étais pas attendu à ce qu’on vienne nous chercher instantanément, bien sûr, mais ça faisait presque une journée entière et personne n’avait débarqué. Est-ce qu’on avait seulement commencé à nous chercher, au moins ? Peut-être que notre disparition était passée inaperçue ? Si les Sørensen imaginaient que nous avions seulement traîné un peu plus chez moi et que mes parents croyaient que je ne les avais juste pas prévenus de notre arrivée… Si, objectivement, ça ne se tenait pas le moins du monde, sur le moment ça m’avait l’air parfaitement réaliste. Erin haussa simplement les épaules à ma question. En même temps, il était évident qu’elle n’avait pas dû passer la meilleure nuit de sa vie. Je savais qu’elle avait réussi à dormir un peu mais je ne pouvais même pas être certain de ne pas être à l’origine de son réveil. Rien ne m’assurait que je n’avais pas ruiné le peu de repos qu’elle avait pu avoir… Si ça n’était pas dramatique pour une nuit quelconque, ici ça me semblait bien plus grave.

Autant que possible.

Ça voulait tout et rien dire en même temps mais je ne cherchai pas à creuser.

Mais bien moins que chez tes grrrands-parrrents.

Son sourire en fit flotter un semblable sur mes lèvres mais il ne s’y éternisa pas. Si je gardais de merveilleux souvenirs de ces nuits volées à la confiance maternelle, je n’en avais pas moins l’impression qu’elles avaient eu lieu dans une autre vie… Ça me paraissait si loin… Le manque se fit plus grand encore. Je n’étais pas toujours d’accord avec mes parents, c’était un fait, c’était même de pire en pire en grandissant, leurs choix n’étaient pas nécessairement les miens, mais ils n’en étaient pas moins des figures indispensables à mon existence et en être aussi injustement arraché, sans possibilité de retour en arrière. Aucun contact n’était possible… Rien du tout. Et je pensais à l’état désespéré dans lequel devait être ma chère mère, culpabilisant malgré moi de lui imposer ça alors même qu’une entité quelconque me l’avait imposée à moi aussi… Le lac n’étant qu’à quelques mètres, on y arriva en un rien de temps et il ne nous en fallut guère plus pour comprendre que l’eau n’était pas salée. Sans attendre, j’en tendis un verre à Erin avant de prendre le second et de l’avaler presque instantanément. Elle était froide, très froide, mais elle faisait un bien fou. C’était comme redécouvrir quelque chose de merveilleux après des années à s’en passer alors que nous avions bu la veille… Mais là encore, la veille me paraissait affreusement loin. Je finis par me relever et décidai d’aller chercher le dernier contenant de ce maudit cabanon. Si nous devions tirer un trait sur la douche et les vêtements propres, il était peut-être possible d’envisager un brin de toilette malgré tout. Pas grand chose en soi mais vu notre état, ça ne pourrait certainement pas nous faire de mal. En tout cas, j’étais convaincu que mon moral ne s’en porterait que mieux.

Bonne idée. Je vais rrrincer la bouteille pendant ce temps.

Un hochement de tête, un sourire un peu absent et je fis demi-tour… Un soupir las m’échappa presque aussitôt. Je ne m’étais pas attendu à ce qu’elle envisage de me suivre, après tout ça n’était pas loin, mais tout de même… Elle n’avait même pas sourcillé avant de me laisser disparaître sans un regard en arrière. Elle n’avait pas vraiment eu l’air d’avoir envie que je l’accompagne, de toute façon. Si je ne m’étais pas réveillé à ce moment-là, il y avait fort à parier qu’elle serait partie sans rien dire. Peut-être même sans prévenir… Dans le fond, je la comprenais sans trop de mal. Elle s’en tirerait sûrement mieux sans moi et force était de constater qu’elle avait dû le comprendre aussi. Depuis le début, elle faisait tout toute seule, clairement tout. Moi je n’étais qu’un poids, il fallait qu’elle répare mes bêtises, qu’elle gère mes caprices, qu’elle veille sur mes nuits… Ça faisait même pas vingt-quatre heures et elle en avait déjà assez… elle cherchait à fuir… Je me fis violence pour ne pas me retourner. Je ne voulais pas qu’elle imagine que j’étais désespéré au point de ne rien pouvoir faire seul… ni qu’elle se sente obligée de s’occuper de moi. Et puis… égoïstement, je craignais de voir le soulagement se lire sur son visage. Enfin un peu de tranquillité, vivement qu’il disparaisse ou je ne savais trop quoi encore… Je sentis ma gorge se serrer douloureusement. C’était sûrement l’expérience de trop, celle qui lui faisait comprendre qu’elle ne tirerait jamais rien de cette relation… qu’elle méritait sûrement mieux. Peut-être même que mes parents se le disaient aussi, que c’était le soulagement qui les retenait de venir me chercher. Après tout, ils avaient un autre enfant maintenant, mon père avait semblé satisfait d’agir avec elle comme il le faisait avec moi… Pourquoi s’encombreraient-ils d’un môme débile et capricieux alors qu’ils pouvaient jouir de la satisfaction d’en avoir une autre bien plus à leur image ? Ils devaient être tous les trois en train de mettre en place leur nouvelle vie, une dont je ne ferais certainement pas partie, peut-être même que mon père l’emmenait travailler avec lui, comme il le faisait d’habitude avec moi, versant le peu de fierté que je pouvais lui apporter dans cette fille bien plus prometteuse. Ce serait sûrement mieux pour tout le monde si je ne revenais pas. Ma main se posa sur la poignée de la porte et la poussa machinalement et je restai là, idiot, dans l’embrasure, le regard balayant cette pièce minuscule. Le feu qui brûlait, le petit lit aux draps défaits, la couverture abandonnée sur une chaise… Erin avait été prête à abandonner le peu de confort que nous avions seulement pour s’éloigner. Elle ne me supportait même plus assez pour faire semblant le temps qu’on… le temps qu’on quoi ? Personne ne viendrait ! Tout le monde s’en fichait bien ! Les Sørensen se débarrassaient de l’enfant à problèmes et mes parents n’auraient plus à faire semblant, sous les yeux du monde, qu'ils avaient un gamin à la hauteur ! Ils y trouvaient tous leur compte ! Il n’y avait que ma meilleure amie qui en pâtissait vraiment. Elle se retrouvait là, coincée, à devoir s’occuper de nous deux alors que la situation était particulièrement critique. Surtout pour elle… Si personne ne venait… L’air commençait à manquer. J’avisai la casserole, réalisant toute la bêtise de mon entreprise. Mes considérations étaient ridicules, tout juste à l’image de la cage dorée dans laquelle j’avais toujours évoluée ! Je reculai d’un pas titubant et lâchai la porte qui claqua contre le mur de tôle. Je ne pouvais pas lui infliger ça. C'était assez compliqué ainsi sans qu’elle n’ait à devoir supporter le boulet que je représentais. Pour elle comme pour mes parents, mieux valait que je ne revienne pas. Le poids logé au creux de mon estomac se fit plus lourd encore… plus douloureux peut-être aussi. Elle s’en sortirait mieux toute seule, j’en étais certain. Elle s’en sortirait mieux toute seule…

Je m’éloignai du cabanon le coeur serré, sans même risquer un regard dans sa direction, je savais pertinemment que ça assassinerait le peu de bon sens que j’arrivais à avoir aujourd’hui. J’espérais seulement que mon départ la soulagerait. Un frisson me parcourut. La fatigue me donnait plus froid encore. Je crois que je me fis une raison à ce moment-là, conscient qu’il s’agissait presque d’un de ces sacrifices de romans, courant vers une fin certaine pour la survie d’un autre. C’était sûrement pathétique mais il me semblait que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire. Tout égoïste que j’étais, je l’avais toujours dit, entre elle et moi, le choix était vite fait. Et il l’avait toujours été. Elle avait tout ce qui lui fallait pour tenir un moment et elle finirait bien par mettre la main sur de l’aide. J’avais entièrement confiance. Elle s’en sortirait. Je ne fis qu’une centaine de mètres à peine, deux cent peut-être, quand je réalisai que je n’avais finalement nulle part où aller… En face, il n’y avait que ces paysages funestes, des cailloux à perte de vue. Je savais qu’il n’y aurait ni abri ni rien… Ça ressemblait à s’y méprendre à notre errance de la veille… Mes jambes lâchèrent et je dus me faire violence pour ne pas me mettre à pleurnicher comme un enfant. Si j’avais assez de courage pour rendre à Erin toute la liberté qui lui revenait, j’en avais trop peu pour m’imposer une marche sans fin ni but jusqu’à ce que l’épuisement ait raison de moi. Je ne pouvais pas faire demi tour et continuer ne servirait à rien. Je me recroquevillai presque malgré moi, enfouissant mon visage dans le creux de mes bras alors que j’étais secoué par un sanglot silencieux. Je m’apprêtai à attendre ainsi que le froid fasse son oeuvre, je n’étais pas équipé pour lutter bien longtemps, quand quelque chose me sauta dessus. Un cri m’échappa alors je sentis comme des griffes s'agripper dans le haut de mon dos. Mon coeur battait à tout rompre, j'essayai de me retourner mais ne vis pas ce dont il s’agissait… Sûrement quelque animal sauvage… Durant une seconde, je me débattis, sortant ma baguette par un réflexe ridicule, mais je me fis soudainement une raison : ça irait plus vite ainsi que d’attendre que les températures polaires m’emportent, et ce serait sûrement un soulagement pour tout le monde… Moi le premier.
code by bat'phanie
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyLun 3 Aoû - 23:55

the cold never bothered me anyway
junior & erin


Avec une application qui frisait le grotesque, je m’évertuais à débarrasser notre seule et unique bouteille de la crasse que des années sans le moindre soin avaient laissée s’accumuler. Bien loin de notre confort habituel, ces besognes m’apparaissaient ingrates et dénuées de tout l’amusement qu’avait pu me procurer ce jeu insouciant avec Junior. Il avait pourtant boudé de toutes ses forces avant d’aller préparer du thé pour la toute première fois de sa vie. Mais ici, dans l’hostilité d’un ailleurs inconnu, nettoyer une simple bouteille échauffait mon exaspération. Un instant, mon regard s’évada de la tâche ingrate que j’étais entrain de réaliser pour se perdre dans le ciel pâle de ces terres polaires. Tout n’était que variations d’une même nuance décolorée. Je ne me sentais pas en danger, tout au plus agacée. Point de confort, une chaleur qui laissait à désirer, rien qui puisse rendre l’attente plus supportable, la présence de mon meilleur ami exceptée. Reportant toute mon attention sur la surface du lac troublée par les souillures du verre que je tenais entre mes doigts, je me figeai. C’était le labeur d’un domestique, d’un elfe de maison, et encore : même eux useraient de la magie pour en venir à bout plus efficacement. Néanmoins, ce n’était pas ce à quoi je pensais, mes yeux clairs écarquillés, fixant sans le voir leur reflet que la surface de l’eau rendait mouvant. Knut soufflai-je précipitamment, mon coeur cessant ses battements effrénés pour me laisser tout le loisir d’entendre un craquement satisfaisant. Mais les secondes s’écoulèrent dans un silence de plomb, achevées par un juron assassin. Créatures débiles et incapables. D’un geste rageur, je frappai le sol de mon poing replié, l’éclair de douleur m’arrachant un second blasphème. Inutile de se lamenter, cela n’avait pas fonctionné, mais j’avais peut-être l’espoir insensé que, même si l’elfe n’avait pas pu apparaître aussi facilement à mes côtés, sa magie, qui le liait à nous comme la créature servile qu’il se devait être, lui avait indiqué la direction où je me trouvais, tel un chien sifflé par son maître et qui tend l’oreille. Peut-être que, si c’était le cas, il pourrait réduire les recherches de Grand-Père…

La bouteille remplie, mes doigts tourmentés par la brise glaciale qui se faisait un plaisir de transformer chaque infime goutte d’eau en une aiguille piquante, je me relevai, cherchant mon meilleur ami des yeux, pliant et dépliant mes doigts endoloris. Il n’était pas encore revenu et sa silhouette ne se dessinait même pas à côté de la tôle rouge que je scrutais en silence. Ignorant mon estomac qui protestait contre la faim et sans accorder plus d’importance à la douleur familière au creux de ma poitrine, je rejoignis notre cabane à toute vitesse. Je ne savais pas pourquoi j’étais inquiète, parce que Junior ne devait pas être très loin. Peut-être avait-il décidé que la chaleur de notre taudis valait mieux que de retourner dehors, peut-être qu’il était tombé de sommeil sur le matelas défoncé qui nous servait de lit, peut-être qu’il cherchait un autre récipient à remplir pour rentabiliser le temps passé dans le froid… autant de suppositions qui ne valaient rien, je le savais, mais qui accompagnèrent malgré tout les quelques mètres qui me séparaient encore de l’entrée. Sous une impulsion brusque, la tôle rencontra la tôle et se mit à vibrer de toute part tandis que je fouillais du regard l’unique pièce. Juniorrr ? Une seule seconde fut nécessaire pour voir que mon meilleur ami n’était nulle part, une deuxième pour assimiler ce fait. La casserole rouillée surplombait toujours le poêle, comme un signe moqueur qui m’était adressé.

Était-ce parce qu’il s’arrêta brutalement ou parce que, au contraire, il s’emporta violemment qu’une douleur sourde vint faire palpiter mon coeur ? Que lui était-il arrivé ? Je n’avais rien entendu, pas le moindre bruit, pas même un son étouffé… Qui aurait bien pu s’en prendre à lui sans qu’il ne se défende, sans qu’il ne crie ? Pourtant, pas une seule seconde, maintenant délestée de ces noires pensées qui ne ressemblaient pas aux miennes, je n’imaginai qu’il ait pu m’abandonner volontairement. Nous n’étions pas d’accord sur tout et la situation paraissait peut-être sans issue, mais il ne m’aurait jamais laissée. Pas lui. L’endroit semblait propice aux divagations de l’esprit, un vivier parfait pour faire ressurgir les plus grandes craintes. Je détestais ça et je n’y pouvais rien, alors que les souvenirs de l’épouvantard amené par Thorstein pour son premier cours me revenaient à l’esprit. Une plainte lointaine me réanima subitement. Je posai sans ménagement la bouteille et les verres à même le sol. Le coeur battant à tout rompre, je n’eus qu’à scruter l’horizon pour distinguer sa silhouette, parce que ça ne pouvait être que lui, comme prostré, à même le sol. L’idée de me ménager ne me traversa pas l’esprit, tout entier focalisé sur la présence au loin de mon meilleur ami et la situation dans laquelle il était. En courant, la distance qui nous séparait fut rapidement réduite à néant et chaque foulée me laissait tout le loisir de distinguer un peu mieux la chose, aussi grise et terne que ce qui nous entourait, qui emprisonnait Junior de son corps velu.

De ma vie entière, je n’avais été en proie à un tel sentiment, mélange d’une crainte folle et d’une fureur qui l’était au moins autant. La prudence n’avait jamais été mon fort, mais elle le fut encore moins alors que mon meilleur ami se faisait attaquer par une bête sortie des contes destinés à effrayer les enfants. Je ne pris pas le temps de m’interroger sur ce que c’était, ni même si cela pouvait s’en prendre à moi en retour. Qu’elle laisse Junior tranquille, c’était tout ce qui comptait, la seule chose qui importait. La suite se déroula dans la confusion de ma précipitation. Je donnai un coup dans le crâne aussi dur que de la pierre de la créature, suffisamment puissant pour qu’elle saute en arrière en glapissant. Et mon bras droit, habitué à être prolongé par mon bois de tremble familier, se dressait déjà dans sa direction, alors même qu’il en était dépourvu, prêt à voir brûler cette infamie, ou au moins à la réduire en poussière. L’éclair de magie ne fit que la propulser un peu plus loin, mais acheva de la faire fuir. Elle détala à toute vitesse sous mon regard sombre qui abandonna bien vite le point qu’elle représentait, et qui rapetissait à vue d’oeil, pour glisser jusqu’à Junior, alors que je me laissai tomber à côté de lui. Pourrrquoi tu n’es pas juste allé cherrrcher la casserrrole assenai-je d’une voix étranglée, la tape fâchée que je destinais à son épaule s’effaçant en une étreinte pressée, toute l’angoisse accumulée cette dernière minute s’échappant en quelques battements affolés. Est-ce que ça va ? Mon murmure soufflé à son oreille ne me fit pas desserrer mes bras passés autour de son cou. Il pouvait avoir envie de respirer, de se relever, de s’éloigner de cet endroit où il venait de se faire assaillir, ces considérations étaient pour l’instant trop profondément enfouies sous le soulagement qui m’enveloppait toute entière pour me traverser l’esprit. Et lui avait l’air sonné. J’avais l’impression d’être de retour dans la réserve de Poudlard, ou dans la salle de bain des préfets, à m’accrocher à lui comme s’il risquait de s’évanouir au bout de mes doigts si je faisais l’erreur de le lâcher. Ce qui était alors provoqué par des querelles idiotes et maintenant lointaines était aujourd’hui lié à des craintes bien trop réelles. C’était douloureux, d’avoir peur, éreintant, également.

Je ne sais combien de minutes s’écoulèrent avant que je ne consente à me décoller de lui. Peut-être une seule, ralentie, jusqu’à devenir une petite éternité, par les émotions qui cessaient doucement d’enfiévrer mon pouls et mon imagination ; peut-être dix, peut-être plus. Mais vint le moment où je me reculai, à peine, juste assez pour croiser son regard et m’y perdre un peu, détestant immédiatement tout ce qui le faisait briller. On rrretourrrne au cabanon, je vais rrremplirrr la casserrrole d’eau, et toi tu n’en bouges pas, tu n'en bouges plus. Le ton était assuré mais mes prunelles brillaient d’une interrogation silencieuse. S’il désirait rester ici encore une heure, je ne bougerais pas non plus, bien que je doute qu’il souhaite autre chose que retrouver la sécurité toute relative et la chaleur tiède de notre refuge. L’aller retour, entre ce dernier et le lac, au pas de course, ne me demanderait même pas une minute et j’étais prête à l’enfermer à l’intérieur si cela voulait dire qu’il ne risquait plus rien. D’abord sa chute, maintenant ça, je ne savais pas pourquoi le hasard s’acharnait ainsi sur Junior mais j’aurais échangé sa place avec la mienne si je l’avais pu. À défaut d’en être capable, je pouvais faire tout le reste et je n'en démordrai pas.
electric bird.

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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyMar 4 Aoû - 15:54



The cold never bothered me anyway
ft. @Erin B. Sørensen & C. Junior d'Archambault

Il avait fallu que nous nous retrouvions perdus au milieu de nulle part pour que je réalise enfin le calvaire que je lui faisais endurer depuis tout ce temps. Je ne comprenais pas comment j’avais pu être bête au point de ne rien remarquer. J’avais dû me voiler la face, mettre un soin tout particulier à me concentrer sur les bon aspects de notre relation sans jamais admettre qu’elle en avait marre. Aujourd’hui, rien ne me semblait plus évident. Elle avait été prête à partir et elle l’aurait sûrement fait si je ne l’en avais pas empêchée… Elle n’avait même pas proposé que je l’accompagne, je m’étais tout bonnement imposé. Je ne prétendais pas que ça ne partait pas d’une bonne intention, loin de là, mais le résultat n’en était pas moins navrant. Elle voulait être tranquille et, moi, je ne lui avais même pas laissé ça. C’est qu’elle avait dû être soulagée de me voir si rapidement faire demi-tour ! Elle allait pouvoir souffler un moment et dans le fond, j’imaginais très bien qu’elle n’était pas particulièrement pressée de me voir revenir. Elle devait espérer qu’on vienne rapidement nous chercher, pouvoir me refiler à qui aurait la patience de me supporter et retrouver toute la liberté qui était sienne, sans avoir à veiller sur l’incapable que j’étais. Sauf qu’on ne viendrait pas nous chercher. C’était évident. S’ils avaient dû venir, ils seraient déjà là. Ça faisait une éternité que nous étions coincés dans ce désert sans vie, largement assez pour permettre aux autorités de nous localiser. Peut-être qu’on nous avait cherché, au début, histoire de se dédouaner et de pouvoir garder une bonne image aux yeux de la société… On les plaindrait, on pleurerait avec eux la perte de leurs gamins, mais eux n’en avaient finalement que faire. Ils gardaient les meilleurs et se débarrassaient du reste sans même qu’on puisse leur en tenir rigueur. C’était un malheureux accident, personne n’y était pour rien. Et devant ce cabanon pitoyable, je compris ce que je devais faire pour soulager Erin. Puisque personne ne viendrait jamais, il fallait au moins lui rendre la suite plus facile et l’empêcher d’avoir à gérer deux vies plutôt que seulement la sienne. La porte claqua et je m’éloignai, conscient que c’était un choix juste quand bien même il était affreusement difficile. Je n’avais jamais envisagé ma vie sans elle, ni ici ni ailleurs. Elle avait toujours été le repère le plus stable de mon existence, une alliée parfaite sur tous les plans. Nous n’avions pas toujours été d’accord, loin de là, mais je n’aurais échangé cette amitié pour rien au monde et je pouvais penser sans craindre de rougir du mensonge que c’était la chose la plus précieuse qui m’ait jamais été donné de posséder. J’aurais voulu la remercier pour tout ce qu’elle avait pu m’apporter sans en avoir conscience, lui demander pardon de n’avoir jamais pu en faire autant, mais le moment était passé et je n’avais pas su le saisir. Tant pis. Elle comprendrait, je l’espérais, tout ce que ce départ inattendu signifiait en réalité. Je ne fuyais pas, je lui rendais seulement la vie plus facile, comme elle le faisait depuis de nombreuses années avec la mienne…

Malheureusement, mon chemin s’arrêta bien vite, à quelques minutes de marche à peine de notre refuge. Je ne me suis jamais senti aussi mal, aussi seul et perdu qu’à ce instant précis. Toutes les craintes qui m’avaient accompagné depuis notre arrivée s’étaient drapées d’un épais désespoir qui me faisait presque suffoquer. Il n’y avait plus rien à tirer de tout ça. J’avais peur de la suite tout en étant persuadé que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire. J’aurais sûrement dû continuer à m’éloigner encore, assez en tout cas pour passer la butte caillouteuse et disparaître à tout jamais de la vie de ma meilleure amie mais le courage m’abandonna bien avant. J’étais épuisé avant même de commencer, mon corps tout entier réclamait un peu de pitié et l’inutilité même d’une nouvelle errance, bien trop conscient que rien ne m’attendrait à l’arrivée, avait achevé de m’en détourner. J’étais assez loin pour qu’elle puisse rejoindre le cabanon sans m’apercevoir et pour un peu qu’elle ne se donne pas la peine de me chercher, elle pourrait reprendre sa vie comme si je ne l’avais jamais traversée. C’était du moins comme ça que ça aurait dû se passer. À la place, un animal me sauta dessus, ses griffes traversant le tissu trop fin de mes vêtements. J’eus à peine le temps de me débattre, réalisant avec angoisse que ça ne servirait à rien, quand un bruit sourd la décrocha, un sort achevant de la faire fuir. Je ne pris même pas la peine de m’en offusquer. Les battements de mon coeur résonnaient dans tout mon être, si forts qu’ils m’en donnaient la nausée. Je n’avais pas besoin de chercher d’où ça venait, nous n’étions que deux dans les environs. Erin était encore venue à mon secours. Comme à chaque fois. C’était tout ce que j’avais voulu éviter et pourtant nous y étions une nouvelle fois. Je n’osais même pas croiser son regard alors qu’elle se laissait tomber à côté de moi. Ses doigts abandonnèrent une tape méritée sur mon épaule avant qu’elle ne m’enlace sans prévenir. Je restai interdit un instant, le temps que les nuages oppressants qui avaient voilé mes pensées se dissipent un peu, et lui rendis son étreinte sans me faire prier. Le soulagement était immense. Je ne voulais plus jamais la lâcher.

Pourrrquoi tu n’es pas juste allé cherrrcher la casserrrole ?
Je croyais que c’était ce que tu voulais, couinai-je d’une voix désolée.

J’y avais cru si fort ! Pourtant, dans la sécurité de ses bras, ça me semblait moins évident. Je reconnaissais volontiers que je ne lui étais pas d’une très grande utilité, en général bien sûr mais avant tout dans cette aventure mais… elle n’avait jamais laissé supposer que mon absence lui était nécessaire. Bien au contraire… Elle m’avait fait jurer de ne jamais l’abandonner, elle m’avait promis rien de moins que toujours et voilà qu’un beau matin elle aurait décidé que c’était assez ? Si mon raisonnement était fondé, il me paraissait désormais un peu disproportionné… J’étais passé maître dans l’art de l’exagération, j’en avais parfaitement conscience, mais rares étaient les fois où j’en usais à ce point. J’avais été prêt à risquer ma vie parce qu’elle n’avait pas voulu me réveiller pour aller chercher de l’eau… Ça n’avait aucun sens. Je ne comprenais pas comment j’en étais arrivé là. Je n’étais pas au mieux depuis notre atterrissage, pire encore depuis mon réveil, mais tout de même… Je n’avais pas envisagé de mourir pour autant. Je resserrai presque timidement mon emprise sur sa taille et fermai les yeux, le visage enfoui dans ses cheveux emmêlés. C’était un cauchemar. C’était un horrible cauchemar…

Est-ce que ça va ?

Je hochai péniblement la tête, quand bien même je n’en étais pas très sûr. Physiquement, ça allait. J’aurais peut-être quelques griffures à l’endroit où la créature s’était accrochée mais c’était bien le pire que je risquais. Pour le reste, en revanche, je craignais plus de séquelles. Pas forcément sur le très long terme mais j’avais pleinement conscience qu’il serait difficile de remonter alors que j’étais tombé si bas. Mon coeur acceptait de ralentir un peu la cadence mais mon esprit ressassait à n’en plus finir le flot brouillon des sombres pensées qui m’avaient assailli. Elles n’étaient pas si idiotes que ça, en réalité. Elles prenaient vie dans quelque chose de vrai, elles avaient une part de vérité qui m’effrayait toujours, alors même que j’étais prêt à reconnaître que j’étais allé un peu loin.

Je suis désolé… Je suis vraiment désolé…

Ce qui ne changeait rien au fait qu’elle se retrouvait encore là, à jouer les chaperons pour m’éviter bien des tracas. Je me sentais comme une demoiselle en détresse et je devais bien admettre que ça me paraissait assez humiliant. Mais je lui en étais infiniment reconnaissant. Je m’en voulais de lui imposer ça, pourtant, elle, elle n’avait pas l’air de m’en tenir particulièrement rigueur. Elle restait là, avec moi, à me serrer contre elle comme si notre vie en dépendait, à tel point que j’étais prêt à croire que c’était le cas. Ma vie, au moins, en dépendait très certainement. Je luttais une seconde lorsqu’elle s’éloigna mais finis par capituler. Elle en faisait bien assez pour ne pas jouer les enfants capricieux et réclamer ses attentions plus longtemps. Son regard croisa le mien mais je ne parvins pas à le soutenir vraiment, m’intéressant rapidement aux graviers grisâtres qui maculaient l’herbe à l’agonie.

On rrretourrrne au cabanon, je vais rrremplirrr la casserrrole d’eau, et toi tu n’en bouges pas, tu n'en bouges plus.
Tu n’étais pas obligée…

Mais alors même que les mots m’échappaient, je me rendis compte de leur stupidité. Non, évidemment, elle pouvait très bien me laisser me faire dévorer par je ne savais trop quoi et profiter du spectacle depuis la fenêtre crasseuse du cabanon, comme l’auraient fait tous les amis du monde ! Je me rassurais au moins de retrouver une logique qui semblait m’avoir fait défaut ces dernières minutes. Est-ce que ça allait être ça jusqu’à la fin des temps ? Enfermé dans notre taudis pour être sûre que je ne fasse pas n’importe quoi ? Ça n’était sûrement pas le pire qui puisse m’arriver, c’était un fait, mais elle ? Ça voulait dire qu’elle devrait tout faire seule et en plus s’inquiéter de ma situation… Elle ne méritait pas ça. Pourtant, je hochai péniblement la tête et me relevai plus péniblement encore.

Merci, bredouillai-je en lui tendant la main pour l’aider à en faire de même.

Le retour de tout ce qu’elle pouvait bien faire pour moi était plus que pitoyable, c’était un fait. Mon bras glissa sous le sien comme elle l’avait fait bien des fois depuis que nous avions mis le pied dans ce désert polaire, et je me retournai enfin, apercevant d’ici la tôle rouge qui se découpait sur un fond tout en nuances de gris. C’était plus ridicule encore que ça en avait l’air. La fuite la plus inutile que le monde ait portée. Je retins un sourire nerveux et honteux alors que l’on mettait en marche. Il ne nous faudrait même pas cinq minutes pour y arriver et reprendre comme si rien ne s’était jamais passé. Ou presque… C’était presque comme retourner chez nous. La sensation était étrange. Aussi désagréable que rassurante. Ici, c’était tout ce que nous avions, la seule promesse d’une survie potable. D’une survie tout court en réalité. Tout ce que nous avions… Et peut-être tout ce que nous aurions pendant encore longtemps…

Dis… Tu crois que nos parents nous recherchent vraiment ?

Et si presque tout de ce que j’avais imaginé depuis que j’avais quitté le bord du lac s’était révélé d’une stupidité sans égale au moment même où je l’avais prononcé, ça, ça ne me faisait pas le même effet. Je ne disais pas que c’était d’une logique implacable, bien sûr, mais ça se tenait… et ça expliquait pourquoi nous étions toujours là…
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyJeu 6 Aoû - 13:14

the cold never bothered me anyway
junior & erin


C’était insensé, ce coeur qui battait la chamade contre une poitrine déjà défaillante, soumis à une angoisse qu’il n’avait pas l’habitude d’éprouver. Je traversais cette vie qui était la mienne le sourire aux lèvres, le regard flamboyant, assurée de tout : de la supériorité des miens, de notre puissance, de notre noblesse, d’une amitié qui revêtait bien des importances à mes yeux ; ne craignant rien ni personne. Que pouvait un Ministère composé d’idiots et d’incapables quand Grand-Père n’avait qu’à tirer quelques ficelles savamment attachées pour faire taire de pénibles accusations ? Que valait une maladie contraignante quand toute la magie de Grand-Mère s’évertuait à nous offrir des années supplémentaires ? Même ce pôle glacial dans lequel nous avions été projetés contre notre volonté ne parvenait pas vraiment à fissurer mon inébranlable confiance en moi et en mes proches. Du moins, jusqu’à ce que mon meilleur ami ne se blesse, jusqu’à ce qu’il ne se fasse attaquer. Et c’était désormais des battements erratiques, follement inquiets, comme si, pour la toute première fois de ma vie, je prenais conscience qu’il était possible de le perdre, aussi facilement que cela. Une pierre traîtresse qui glissait dans le vide et l’emportait avec elle, une créature sortie des cauchemars enfantins qui le prenait pour cible… Entre les failles de cette peur qui n’avait plus besoin d’un épouvantard pour prendre vie, s’en dessinait une autre, moins palpable peut-être, mais plus vicieuse. Comme un liquide bouillant qui prendrait un malin plaisir à couler dans mes veines et à me clouer sur place. Il pouvait lui arriver quelque chose, n’importe quoi, et si ce n’importe quoi s’avérait définitif, il ne serait plus là. Je n’aurais plus son insupportable mauvaise foi à mes côtés, ni ses sourires charmeurs et ses regards captivant. Plus de mots sur des bouts de parchemins, plus de royaume à fonder ou conquérir, plus d’étreintes, de tendresses, de baisers… Accrochée à lui comme si ma vie en dépendait, il était impossible de déterminer si c’était lui, que je réconfortais, ou mes propres craintes subitement sublimées par ce qu’il venait de se passer. Il m’avait fallu une errance au bout du monde et qu’il soit en danger par deux fois pour que je prenne pleinement conscience, avec une netteté douloureuse, d’à quel point l’absence irréversible de mon meilleur ami me laisserait vide. Je resterai moi-même, parce que je ne savais pas composer avec la faiblesse, mais une version abîmée, moins flamboyante.

Ce futur qu’il me semblait avoir touché du bout des doigts lorsque j’étais entrée dans notre cabanon, vide, s’éloignait à mesure que nous nous perdions dans cette précieuse étreinte. Grand-Père pouvait arriver maintenant, j’avais l’impression qu’il me serait impossible de lâcher mon meilleur ami. Petit à petit, cependant, les pulsations affolées de mon coeur se calmaient, réconfortées par celle de Junior qui résonnaient de concert avec les miennes. Ses excuses répétées pour je ne savais même pas quelle raison me firent plonger mon visage contre son cou. Malgré la fatigue, la marche, le taudis dans lequel nous étions réfugiés, son parfum rassurant m’enveloppait aussi efficacement que s’il venait d’enfiler une chemise propre. Il me fallut un certain temps avant que je ne consente à me détacher, un geste infime qui me demandait bien des efforts, pour lui proposer de retourner au chaud, d’un ton qui ne laissait pas vraiment le choix. Pas obligée de quoi ? De tenirrr à toi au point de m’affoler en ne te voyant pas à l’intérrrieurrr ? Un claquement de langue vint souligner toute l’absurdité de cette idée. L’ironie de mes propos tentait, tant bien que mal, et plus mal que bien, de chasser ces craintes indécentes pour revenir au sarcasme, que je maîtrisais mieux. Je n’étais pas assez bonne comédienne, cependant, pour faire briller une autre lueur que celle qui faisait vaciller la belle assurance de mon regard clair. Je ne disais pas que je ne serais accourue pour aider n’importe qui d’autre : Finnbjörn, Hannibal, même Maxton. J’aurais évidemment été prompte à les secourir, mais sans que mon coeur ne s’accélère à ce point.

Le retour jusqu’à la cabane de tôle rouge se fit dans le silence, son bras enroulé autour du mien. L’adrénaline de l’instant retombée, je me demandais ce qui avait bien pu lui passer par la tête pour qu’il s’éloigne dans cette direction… Ses mots me revinrent à l’esprit, entêtant ? Ce que je voulais ? Qu’il se fasse attaquer par une créature, magique, j’en étais certaine, mais dont j’avais complètement oublié le nom ? J’avais ce souvenir d’un dessin ridicule sur un livre imagé, des lettres qui dansaient devant mes yeux et que je ne parvenais pas à rassembler pour former un mot, encore moins une description. Mais si l’endroit était peuplé d’animaux de notre monde, peut-être des sorciers se trouvaient non loin de nous ? Pour l’instant, ce n’était pas ce dont je désirais me préoccuper et Junior me ramena à lui d’une question qui me fit froncer les sourcils. Évidemment. Comment pourrait-il en être autrement ? Ta mèrrre t’aime plus que tout au monde, elle doit êtrrre entrrrain de rrremuer ciel et terrre pourrr te serrrer contrrre elle. Ton pèrrre n’est peut-êtrrre pas aussi sentimental mais tu rrrestes son fils unique. Et j’imagine trrrès bien Finnbjörrrn aussi stoïque que d’habitude, perrrsuadé que c’est un moyen de me fairrre rrremarrrquer, mais je sais aussi que Hannibal et Grrrand-Pèrrre prrrennent trrrès au sérrrieux le fait que je ne sois pas arrrivée à la maison. C’était donc une évidence, les nôtres étaient en train de nous rechercher. Cela demandait plus de temps que je ne le pensais hier encore, mais j’avais peut-être sous-estimé les méandres des relations internationales. En même temps, ce n’était pas mon domaine, je n’y connaissais rien. Et si je n’aurais pas hésité à briser toutes les lois du monde pour retrouver mon meilleur ami, je savais que mes aînés étaient plus sages que moi et se devaient d’en respecter quelques unes. Tu en doutes ?

Nous continuions d’approcher doucement du cabanon, jusqu’à l’atteindre. La porte à peine franchie, je m’emparai de la casserole, plantait un regard impérieux dans celui de mon meilleur ami, adouci d’un rapide baiser sur sa joue, et je filai à pas rapides jusqu’à la rive du lac. Je l’avais quittée quelques minutes à peine, j’avais l’impression que cela faisait une éternité. Le temps se jouait de nous, dans ces lieux ternes et glacials, au point qu’il en perdait tout son sens. Je ne m’attardai pas sur le ciel pâle ou sur mon reflet, cette fois-ci, me contentant de rincer rapidement la poussière qui couvrait le fond du récipient avant de le remplir d’eau et de revenir jusqu’à notre abri. Junior était bien là, et si je n’en avais pas vraiment douté, je n’avais pas pu empêcher cette pointe de doute de se planter dans mon aplomb. Je vins remettre une bûche dans le poêle avant de poser la casserole sur le tas formées par les restes calcinés et les bouts qui n’avaient pas été encore dévorés par le feu. De l’eau chaude nous ferait le plus grand bien, mais je repensai subitement à cette liqueur inconnue qui emplissait l’un des deux verres. Peut-être que si je le posai sur le dessus du poêle, cela nous donnerait une boisson chaude qui, à défaut d’être aussi bonne que ce que nous avions l’habitude de consommer, se révélerait revigorante.

J’étais en train d’enrouler mes doigts autour du gobelet, quand la question franchit mes lèvres. Tu as dis que tu crrroyais que c’était ce que je voulais… Que tu t’en ailles ? Pourrrquoi ? Quelques minutes à retourner le problème dans tous les sens ne laissait qu’une possibilité que j’avais bien dû mal à avaler. S’il s’était éloigné à l’opposé de notre cabane, à l’opposé du lac où je me trouvais, les mains vides, c’était bien pour partir. Mais partir où, et pour quelle raison ? Je revins jusqu’au poêle pour déposer le verre sur son sommet, avant de faire face à Junior, le coeur un peu plus lourd. Ces craintes d’abandon et de promesses vaines étaient derrière nous… en théorie. Les oubliait-on réellement ?
electric bird.

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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyJeu 6 Aoû - 16:24



The cold never bothered me anyway
ft. @Erin B. Sørensen & C. Junior d'Archambault

Le spectacle que nous offrions à cet instant-là devait être à la hauteur du pathétisme de la situation. Assis à même le sol au milieu des cailloux et enlacés comme si rien au monde n’était plus évident, nous nous remettions tant bien que mal des malheurs qui s’acharnaient à nous tomber dessus. À me tomber dessus serait sûrement un peu plus juste. Et Erin, elle, était toujours là. Elle ne me lâchait pas. Elle ne m’avait jamais lâché. Quoi qu’il se passe, qu’importe nos désaccords, elle restait à mes côtés, fière et tenace. J’avais toujours su combien je pouvais lu être reconnaissant de sa seule présence, conscient de la chance qui était mienne, mais ce matin (ou qu’importe ce que c’était en réalité) je réalisais que j’avais toujours été loin de la vérité. Sans elle, je n’étais pas grand chose, sinon même rien. Pour la deuxième fois en bien peu de temps, j’avais la preuve irréfutable que je lui devais tout, jusqu’à ma vie, alors que j’étais seulement capable de lui offrir en retour des inquiétudes palpables que je n’avais jamais eu l’habitude de voir chez elle. Parce que c’était ça qui la poussait à accourir systématiquement, n’est-ce pas ? J’avais presque l’impression de sentir son coeur battre aussi fort que le mien.. C’était sûrement mon imagination qui délirait un peu, troublée par ces derniers instants, mais peu importait. Ça ne faisait qu’accroître la culpabilité qui pesait lourdement dans mon estomac.

Pas obligée de quoi ? De tenirrr à toi au point de m’affoler en ne te voyant pas à l’intérrrieurrr ?

Je baissai les yeux, honteux, face à l’ironie piquante de ses mots. C’était aussi agréable que blessant. Elle me ramenait violemment à ma stupidité. Elle avait raison, bien sûr, et j’aurais été bien incapable de lui en tenir rigueur mais… tout de même… Je savais bien que j’avais été idiot, que ma réaction était parfaitement disproportionnée mais, sur l’instant, tout m’avait semblé évident. Qu’est-ce que je pouvais faire d’autre pour lui rendre la vie plus simple, hein ? Elle ne méritait pas d’avoir à supporter mes bêtises, à les arranger systématiquement. Ça n’était pas son rôle. J’étais grand, elle n’avait pas à veiller sur moi comme l’aurait fait ma mère… Et pourtant, pas une seule seconde je m’étais dit que mon absence pourrait l’inquiéter. Elle n’attendait que ça, ça ne la choquerait même pas. Bien au contraire, le soulagement serait tel qu’elle ne chercherait jamais à me mettre la main dessus. Qu’est-ce que j’avais cru, hein ? Que c’était la plus mauvaise des amies du monde ? Je savais pertinemment que c’était faux et son claquement de langue me laissait entrevoir à quel point ça pouvait être vexant que je l’ai oublié rien qu’une seconde. Comment j’avais pu tomber assez bas pour perdre de vue l’amitié inébranlable qui nous liait depuis toujours ? Je l’ignorais parfaitement… J’espérais seulement que rien ni personne ne me laisserait le faire à nouveau.

Je suis désolé, répétai-je comme si je n’avais que ces mots là à la bouche.

Mais elle tenait à moi. Ça semblait sûrement anodin, d’autant plus que je l’avais toujours su, mais au milieu de ce désert recouvert de désespoir que je percevais sans le voir, je récupérai l’information comme le plus précieux des trésors. Je lui étais sans nulle doute plus inutile qu’autre chose mais elle tenait à moi. Les battements de mon coeur ralentirent doucement la cadence, se calmant plus encore à chaque fois que je me répétais ces quelques mots : elle tenait à moi. Rasséréné par ce monde, mon monde, qui recommençait à tourner normalement, je ne me fis pas prier pour acquiescer à sa proposition et me relever enfin, prêt à retourner de là d’où nous venions… et à m’y faire enfermer pour lui assurer que je ne m’échapperais plus. C’était triste d’en arriver là, c’était certain, mais s’il fallait y passer pour me racheter, elle avait tout mon consentement. Le silence accompagna le début de notre chemin, ni lourd ni tranquille. J’étais incapable de savoir si je l’appréciais ou non. Il me renvoyait tant à quelque chose de naturel entre nous qu’à nos disputes pesantes. Je ne savais pas. J’étais encore un peu perdu, je crois… Pourtant, je finis par le briser presque timidement, lâchant quelques craintes supplémentaires dans l’air froid de ce vide polaire. J’aurais aimé qu’elles m’apparaissent aussi infondées que les autres mais force était de constater que ça n’était pas le cas. Peut-être était-ce vaguement exagéré, ça aussi, mais dans le fond il y avait une part de vrai qui me perturba plus encore.

Évidemment.

Je me contentai de hocher la tête, tout-à-fait disposé à prendre ses certitudes pour argent comptant. Si Erin pensait qu’ils nous cherchaient vraiment, alors ils nous cherchaient vraiment. Je n’étais pas en mesure d’en douter, trop incertain de la logique de mes propres raisonnements. Quelque chose m’avait échappé ces dernières minutes, comme si le bon sens s’était envolé. J’avais tout vu bien plus sombre que ça ne l’était réellement et je peinais à me défaire de la noirceur inhabituelle de mes pensées.

Ta mèrrre t’aime plus que tout au monde, elle doit êtrrre entrrrain de rrremuer ciel et terrre pourrr te serrrer contrrre elle. Ton pèrrre n’est peut-êtrrre pas aussi sentimental mais tu rrrestes son fils unique.

À ses premiers mots, un sanglot enfantin se bloqua dans ma gorge. Ma mère m’aimait plus que tout au monde… Si je ne lui disais pas souvent, la réciproque était vraie. Bien sûr, nous n’étions pas souvent d’accord en ce moment et l’adolescence m’apportait ce je ne sais quoi de rébellion, comme si l’idée de voir ma vie rester à jamais entre leurs mains me révoltait plus que de raison, mais j’avais un respect et un amour immense pour elle. Toujours digne, toujours fière, toujours drapée d’une aura bienveillante que je ne connaissais chez personne d’autre… La suite, en revanche, me força à revoir à la baisse la certitude qu’elle avait posé entre nous juste avant. Si la seule chose qui pouvait pousser mon père à partir à ma recherche était ma condition d’unique héritier, peut-être s’en fichait-il finalement…

Et j’imagine trrrès bien Finnbjörrrn aussi stoïque que d’habitude, perrrsuadé que c’est un moyen de me fairrre rrremarrrquer, mais je sais aussi que Hannibal et Grrrand-Pèrrre prrrennent trrrès au sérrrieux le fait que je ne sois pas arrrivée à la maison.

Et si Finnbjörn avait été convaincant, parvenant à faire admettre au reste de son clan que ça n’état qu’une manière d’attirer l’attention sur elle ? Et s’ils réalisaient finalement qu’ils n’étaient bons qu’à réparer ses bêtises pour éviter que le pire ne lui arrive et qu’ils décidaient de lui laisser gérer celle-ci…? Je savais bien qu’avec des si on pouvait mettre Poudlard en bouteille, mais ça ne me semblait pas, à moi, si impossible que ça…

Tu en doutes ?
Je n’en sais trop rien, admis-je en haussant les épaules. Mais peut-être que ça arrangerait tout le monde si nous ne revenions pas. Les tiens n’auraient plus à devoir composer avec tes frasques et à assurer tes arrières… Et mes parents n’ont de toute façon plus aucun soucis à se faire pour leur descendance… Ils ont Aimée, maintenant. À écouter mon père, elle est brillante et son ascendance aussi pure que la mienne… Ils n’auraient même plus à mentir pour donner l’impression au monde de ne pas avoir hérité d’un parfait demeuré.

Un rire attristé m’échappa alors que je secouais doucement la tête. Je ne cherchais plus à m’enfoncer dans ces secrets de famille pathétiques. Au nom de quoi ? De ces liens qui n’étaient même pas assez forts pour les pousser à venir me tirer d’ici ? Ça faisait presque vingt-quatre heures maintenant ! J’aurais eu le temps de mourir deux fois au moins et ils n’avaient toujours pas été fichu de faire quoi que ce soit ! Et puis… C’était Erin. Rien que ça valait toutes les raisons de ne pas jouer la comédie plus longtemps. Je l’avais fait un moment, par respect pour mes parents, pour ne pas humilier ma mère plus qu’elle ne l’était déjà mais, ici, ça ne voulait plus rien dire. Si nous restions coincés dans cet horrible endroit jusqu’à ce que la mort en décide autrement, il me semblait légitime de ne plus m’accrocher à des secrets qui ne valaient rien. Mon père était un vaurien de la pire espèce, elle pouvait bien le savoir que ça n’y changerait malheureusement rien… Il ne nous fallut pas longtemps pour atteindre le cabanon. L’intérieur sentait la poussière tiède et une certaine culpabilité. Ma meilleure amie se saisit de la casserole et m’enjoignit d’un regard sévère de rester ici avant que ses lèvres ne viennent adoucir l’ordre d’un baiser sur ma joue. Un soupir mal à l’aise passa mes lèvres alors qu’elle passait la porte dont les gonds grincèrent en se refermant. Je ne me sentais pas vraiment à ma place, ici. C’était bête, bien sûr, je ne m’étais pas posé la question une seule seconde, la veille, lorsque nous nous étions approprié l’endroit… Mais là, après cette fuite avortée et l’impression tenace de n’être qu’un boulet accroché à sa fine cheville, je me sentais de trop dans ce taudis misérable. Quand elle revint, quelques minutes à peine après m’avoir abandonné, je n’avais pas bougé d’un pouce, toujours planté là où elle m’avait laissé, attendant simplement son retour comme un chien attendrait celui de son maître. Le soulagement que je pus lire dans son regard me fit détourner les yeux, culpabilisant plus encore de la frayeur que je lui avais offerte. Je ne bougerais plus d’ici, j’étais prêt à le jurer pour un peu qu’elle se rassure. Elle n’en demanda pas tant et reprit sa vie dans notre maison branlante. Je la regardai remettre une bûche dans le poêle, y déposer la casserole, se saisir d’un verre oublié sur le sol… Je restai là, les bras ballants, invité gêné dans ce qui avait été rien qu’hier un pied-à-terre dont je disposais aussi librement qu’elle.

Tu as dis que tu crrroyais que c’était ce que je voulais… Que tu t’en ailles ? Pourrrquoi ?

Le malaise se fit plus intense encore, mes doigts crispés les uns aux autres dans une danse abstraite le trahissant sans l’ombre d’un mal. J’ouvris la bouche mais la refermai sans qu’aucun son n’en soit sorti. Qu’est-ce que je pouvais bien répondre à ça ? Que je l’avais crue assez cruelle pour préférer me laisser à mon triste sort plutôt que de me garder auprès d’elle ? Que j’avais sincèrement envisagé qu’il lui serait plus simple d’avoir à faire à ma mort certaine plutôt que de me supporter quelques jours ?

Je… Reconnais que je ne te sers à rien… Comme si la situation n’était pas assez désespérée comme ça, tu es en plus obligée de veiller sur moi parce que je ne suis pas fichu de le faire tout seul…

Ma voix partait dans les aigus, accentuant un peu plus l’aspect pitoyable de ma déclaration. J’avais envie de me gifler de me permettre ainsi de jouer les pauvres et plaintives victimes alors que j'étais coupable de tout…

J’ai cru que t’en avais assez… Je sais que c’est stupide mais j’ai eu l’impression que tu voulais être… tranquille… T’étais prête à partir sans moi et… Enfin… Je voulais juste arrêter d’être un poids pour toi… Je me suis dit que si je m’en allais, ça te ferait ça en moins à gérer. Je… je voulais juste te rendre la tâche plus facile.

J’évitais soigneusement son regard, bien trop conscient de ma bêtise pour oser l’affronter. J’étais en tort, une fois encore, et je n’avais aucun mal à croire qu’elle m’en voudrait. Elle aurait toutes les raisons de le faire, non seulement j’avais failli à toutes mes promesses mais j’avais en plus perdu toute trace de lucidité, allant jusqu’à faire fi des liens forts qui nous avaient toujours unis, aveuglé par je ne savais quoi. Oui, elle avait été prête à me laisser dormir pour aller chercher de l’eau à quelques mètres de là mais, avec le recul, je n’y voyais aucune trace de lassitude… J’en aurais même fait autant à sa place. Et je ne comprenais pas comment j’avais pu faire pour ne pas le remarquer plus tôt…
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Dernière édition par C. Junior d'Archambault le Ven 14 Aoû - 15:42, édité 1 fois
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyJeu 6 Aoû - 21:03

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Après cette tornade de tourments, le silence qui accompagna nos pas sur le chemin du cabanon semblait, lui aussi, se remettre de ces émotions. Un silence un peu bancal, mais le bras de Junior passé autour du mien stabilisait le tout. J’avais eu peur… et j’étais certaine de détester cette sensation. Même l’épouvantard de Thorstein n’avait pas étalé cette faiblesse paralysante. Sûrement parce que, avant aujourd’hui, je n’avais même pas conscience de son existence. Ma belle assurance fragilisée faisait peine à voir et j’avais, plus encore que la veille, envie de retrouver les miens et leur puissante stabilité. Que pouvais-je encore craindre, entourée de l’aura souveraine des mes grands-parents, du flegme supérieur de mon aîné et de l’insensibilité impitoyable de mon jumeau ? Que pouvait-il arriver à mon meilleur ami ? Alors que je pensais à l’instant où je pourrais enfin assassiner ce taudis d’un dernier regard méprisant, Junior exposa des doutes qui ternirent ce futur anticipé. Que nos familles nous cherchent, c’était l’évidence même. Junior était le fils unique d’une famille influente et, si l’affection de son père n’était pas aussi évidente que celle de sa mère, cette dernière ne laisserait jamais son précieux enfant perdu dans une nature hostile. Quand aux miens, même si mon frère adoré devait soupirer devant mon retard, assuré que ce n’était là qu’une nouvelle incartade, Hannibal et nos aînés prendraient cela plus au sérieux. De toute façon, nous avions disparu. Notre portoloin n’était jamais arrivé à destination, nous n’étions ni chez les d’Archambault, ni auprès de ma famille. Ils nous cherchaient forcément. Ce que je n’avais pas perçu, avant qu’il ne m’en fasse part, c’était que les doutes de mon meilleur ami ne concernaient pas tant le fait que les nôtres se soient rendus compte de notre absence, mais plutôt qu’ils y voyaient une opportunité. La stupeur se transforma en un éclair sauvage quand il émit l’idée que ma famille serait ravie de ne plus avoir à disposer de mon caractère. Ce n’était pas méchant, je le savais pas. Nous étions en froid lors de l’épreuve de Thorstein et je crois que nous n’avions jamais parlé de cet exercice qui nous avait mis face à nos peurs les plus profondes. Alors, il n’en savait rien, parce qu’il n’aurait jamais dit ça, avec une telle indifférence, dans le cas contraire… n’est-ce pas ? La suite balaya sans ménagement mes états d’âme. En bien, parce que je n’eus pas le loisir de répliquer et de nous entraîner sur les chemins d’une nouvelle querelle, ou en mal, parce que cela planterait la graine d’un poison toxique ? Qu’importe, j’étais déjà de retour à ces peines qui agitaient mon meilleur ami. Mais cette dinde n’est pas toi. Et une cousine, même s’ils l’adoptent et lui donnent ton nom, n’est pas une hérrritièrrre légitime. En plus, ta mèrrre n’a pas l’airrr de l’aimer, du tout. Et quand bien même, tu rrresterrras toujourrrs son fils chérrri. Ses craintes me paraissaient exagérées, mais n’était-ce pas là un des traits principaux qui le caractérisaient ? Et dans ce bout du monde, tout n’était-il pas propice à grossir encore plus le trait ?

Aussitôt arrivés au cabanon, je m’en éloignais pour remplir cette casserole d’eau. Comme nous l’avions convenu avant que tout ne dérape d’une façon si dramatique. J’avais le coeur un peu lourd et les pensées étouffantes. Ce ne fut pas l’air de Junior qui allégea le tout au moment où je revenais les bras alourdis de quelques litres d’eau glaciale. S’il avait bougé, c’était infime. Tout, dans sa posture ou son expression, me donnait le sentiment qu’il ne se sentait pas à sa place. Hier encore, la chaleur du poêle me semblait réconfortante et suffisante pour le temps que nous avions à tenir, désormais, l’air me semblait plus glacial encore qu’à l’extérieur. J’avais du mal à comprendre comment tout pouvait avoir changé aussi vite : entre la volonté de profiter de ces quelques heures loin du monde pour nous retrouver et attendre nos secours, et cette chape lourde, comme si le débris de quelque chose d’immense nous était tombé dessus. Je m’activai, peu encline à me laisser aller, encore, à des dispositions si pathétiques. Je commençais à détester tout ce que je ressentais, sans savoir comment le faire disparaître. C’était peut-être bien cela qui rendait la situation plus oppressante qu’elle ne l’était réellement. Une bûche, de l’eau à chauffer, le souvenir d’une boisson que je n’avais pas jetée… et la question qui franchit mes lèvres juste avant que je ne me tourne face à lui.

Je ne savais plus si j’étais blessée, vexée, peinée ou en colère. Tout ça à la fois, peut-être. Ou simplement vide et lasse. Cette boule, dans ma gorge, semblait s’épaissir, à chaque seconde un peu plus, et j’avais beau déglutir, elle ne voulait pas disparaître, accentuant dans le même temps toute l’exaspération sauvage que j’éprouvais envers moi-même. L’hésitation silencieuse de mon meilleur ami n’arrangea rien, rien n’arrangeait quoi que ce soit, de toute façon. Je serrai un peu plus fort mes doigts autour de ce verre que je portai jusqu’au poêle. J’aurais mieux fait de m’en abstenir, parce que, une fois délestée de son poids, les mots de Junior aussi piquant que mille aiguilles, je n’avais plus rien sur quoi resserrer mes émotions. Stupide, stupide, stupide, c’était moi qui était stupide de ne pas parvenir à me ressaisir. Croiser les bras, planter un regard mécontent dans celui de mon meilleur ami, et lui faire savoir avec fermeté qu’il était idiot de penser ainsi. Chasser d’un geste de la main des doutes qui n’étaient pas les miens, les supplanter par la confiance aveugle qui était la mienne. D’un côté, la suite de nos péripéties me laissait vacillante et ne me donnait pas envie de m’engager dans une querelle avec lui. De l’autre, cette notion d’utilité qu’il brandissait face à moi était sûrement parmi les choses les plus blessantes qu’il avait pu dire. Il aurait été plus sage que je me taise mais je n’avais jamais été connue pour ma sagesse, encore moins pour ma retenue. Je le laissai poursuivre, sans le lâcher des yeux, sans vraiment le voir non plus. Ces émotions avaient entrouvert une porte que j’avais du mal à refermer. Vu les circonstances, c’était sûrement ce qu’il y avait de plus normal, mais je me languissais déjà de retrouver toute la fermeté qui était la mienne. Il avait l’air triste, et désolé, et moi, je me sentais un peu plus froide et vide à chacun de ses mots. Je restai encore silencieuse de longues secondes quand il eut terminé, attendant qu’il daigne relever son regard clair jusqu’à moi. Oui, je rrreconnais que tu ne me serrrs à rrrien. Mon ton était aussi ironique et détaché que si je commentais un fait quelconque. Je crois qu’en vérité, je n’avais jamais été à ce point poussée dans mes retranchements, quels qu’ils soient. Et c’est bien connu, je suis comme Finn, à classer mes rrrelations selon ce qu’elles peuvent m’apporrrter, sans que mes sentiments n’entrrrent jamais en compte puisque je n’en éprrrouve tout simplement aucun. Même mon ton mordant n’était plus aussi brûlant qu’à l’accoutumée, comme si le froid qui régnait dans ce royaume aux allures d’enfer gelait tout sur son passage.

J’avais envie d’hausser le ton et de l’accuser, de lui demander si, puisqu’il devait m’être utile, cela signifiait que je le devais aussi ? Que toute notre relation n’était basée que sur une réciprocité profitable ? Et que le jour où nous trouverions plus utile, surviendrait cet abandon qu’il avait promis de tenir éloigné à tout jamais ? C’est sûrrr qu’êtrrre abandonnée parrr son meilleurrr ami rendrrrait la situation moins désespérrrée pourrr n’imporrrte qui. Alors, quelque part entre toutes les inquiétudes, celles qu’il avait fait remonter à la surface, celle qu’il avait verbalisées, celle qu’il avait tout simplement fait naître dans ce cocon miteux, ma fierté décida de me draper toute entière et de combler le vide laissé. Ignorer cette boule dans ma gorge me semblait la meilleure chose à faire. Avant que les ébauches de doutes ne deviennent des tableaux entiers et avant que je ne me mette à douter du bien-fondé de toute notre amitié. Notre relation avait toujours été hors-normes, mais là, dans ce bout du monde pitoyable, elle me paraissait à la fois aussi solide que le roc et aussi fragile qu’une feuille soumise au vent impétueux. Tout dépendait, en réalité, de si on se plaçait de mon point de vue ou du sien… N’avait-ce pas toujours été le cas ? Sauf qu’aujourd’hui, perdue dans un cabanon pitoyable, loin des miens, soumises à des sentiments que je n’avais pas l’habitude de contrôler, ni même de connaître, je n’avais pas l’énergie, ni même peut-être l’envie, d’être celle de nous deux qui se montrerait pleine d’assurance quant à nous, ce lien qui était le nôtre, quant à tout ce qu’il remettait constamment en question.

Avec un soupir, je me laissai tomber au sol, le dos appuyé contre le lit, face à ce poêle qui réchauffait l’eau du lac à défaut d’autre chose. Du bout des doigts, je jouais avec ma baguette, tandis que mes pensées rejouaient les vingt dernières minutes. Le cabanon vide, le cri, mon coeur qui battait à toute vitesse, et cette créature au corps poilu, le sort qui l’avait touché… Frappée par l’image qu’il m’en restait, mes pupilles allaient de mes doigts au bois de tremble, du bois de tremble à mes doigts. Je n’avais pas eu le temps de m’en emparer, et pourtant… Un autre éclair, de compréhension celui-ci, me traversa. C’est quoi déjà, le nom de ces crrréaturrres qui poussent le désespoirrr des sorrrciers pour se nourrrirrr ensuite d’eux ? fis-je à voix haute, sans me tourner pour autant vers Junior. Si ce qui l’avait attaqué en était une, de ces choses démoniaques, cela pouvait expliquer ces étranges idées qui l’avaient fait fuir, sans pour autant en être vraiment l’origine… Cela pouvait aussi être la cause de ce voile d’affliction qui m’avait enveloppée sur le chemin du lac…
electric bird.

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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyVen 7 Aoû - 0:25



The cold never bothered me anyway
ft. @Erin B. Sørensen & C. Junior d'Archambault

Est-ce que j’aurais dû, ce jour-là, garder mes craintes pour moi ? Je pense sincèrement que oui. Mais je n’avais pas les idées très claires, embrouillé par le désespoir sans fond qui m’avait frappé de plein fouet. Ça m’avait paru normal de lui faire part de mes interrogations, lui dévoilant alors un raisonnement qui me semblait des plus logiques. S’ils avaient dû venir, ils seraient déjà là. Je ne prétendais pas qu’ils n’auraient pas mis quelques heures, loin de là, mais ça faisait plus que quelques heures désormais… Combien de temps devrions-nous attendre avant d’admettre que personne ne viendrait nous chercher ? Trois jours ? Une semaine ? Des mois ? Il allait falloir nous rendre à l’évidence, nous étions coincés ici et nous le serions jusqu’à ce que nous soyons en mesure d’en partir par nos propres moyens. Si nous le pouvions un jour… D’ici six mois, nous aurions le droit d’utiliser la magie sans problème, la Trace levée. Peut-être pourrions-nous alors tenter de faire un portoloin illégal pour rentrer chez nous… En espérant qu’il soit moins dysfonctionnel que celui qui nous avait amenés ici. Et si ça n’était pas dans nos cordes… Je ne donnais pas cher d’un possible retour. Sur le coup, je ne réalisais pas combien mes paroles pouvaient être blessantes. Je ne pensais pas à mal, en réalité, j’exposais juste un fait : Erin n’était pas une enfant tranquille et nous savions tous très bien que ses bêtises pourraient nuire un jour à leur réputation. Mais ça n’était sûrement pas le moment idéal pour le rappeler… Ce que je ne compris pas. Pas tout de suite en tout cas… Elle ne releva rien de ce qui la concernait, se contentant de rebondir sur quelques craintes plus personnelles… Et sûrement plus fondées encore en réalité.

Mais cette dinde n’est pas toi. Et une cousine, même s’ils l’adoptent et lui donnent ton nom, n’est pas une hérrritièrrre légitime. En plus, ta mèrrre n’a pas l’airrr de l’aimer, du tout. Et quand bien même, tu rrresterrras toujourrrs son fils chérrri.
Ce n’est pas ma cousine. C’est… ma demi-soeur.

Il y avait tant de dégoût et de mépris dans ces deux derniers mots que même si j’avais voulu les cacher j’en aurais été bien incapable. Du dégoût pour elle et tout ce qu’elle présentait. Pour la trahison paternelle, pour l’humiliation infligée à ma mère, pour cette vie parfaite qui avait volé en éclats et toutes les incertitudes qui la remplaçait désormais. Et pour tout ce que ça pouvait engendrer également… Pour un peu que mon père la reconnaisse comme sa fille, elle pouvait être une héritière légitime et prendre ma place sans que personne ne trouve grand chose à y redire… Et même ma mère… Je savais qu’elle ne la portait pas dans son coeur mais est-ce qu’elle s’opposerait à mon père…? Elle ne l’avait jamais fait, jusque là. La preuve en était encore qu’elle acceptait sous son toit le fruit d’un adultère et composait avec sa présence sans ciller, acceptant de débiter des mensonges pour couvrir un mari infidèle… Est-ce qu’elle serait à un silence près ? J’en étais pas certain… Ma présence n’était plus vraiment requise auprès d’eux. Bien sûr, j’étais celui qui perpétuerait la ligne en transmettant notre nom mais, dans le fond, c’était le genre de choses qu’on pouvait contourner. Qu’Aimée accepte de le porter et que les miens fassent pression sur son cher et tendre pour qu’il accepte de laisser la place… Rien n’était impossible et je n’étais plus indispensable… Elle pouvait bien prétendre ce qu’elle voulait, je le savais très bien. À la place de mes parents, peut-être que j’aurais saisi l’occasion de me débarrasser d’une tare pour mettre tous mes espoirs d’avenir dans une enfant digne de ce nom. Je n’étais pas sûr de leur en vouloir, quand bien même leur abandon avait un goût amer. Tout était une question d’apparence dans notre monde, rien n’était trop beau pour les préserver.
Comme elle l’avait dit, Erin me laissa à l’intérieur du cabanon le temps d’aller remplir la casserole. Et je ne cherchais pas à désobéir, attendant sagement son retour. Je n’osais pas bouger, et ne voyais même pas quoi faire dans cette pièce minuscule qui prenait désormais des airs de cellule. Il fallait que je me défasse de ces impressions oppressantes, que je retrouve l’appréhension tranquille de la veille. Je ne savais pas comment mais il allait falloir trouver. Je n’eus pas le temps de mettre le doigts sur une piste qu’elle revint et commença à s’activer. Je ne sais pas ce que j’aurais voulu, à ce moment-là… Mais son ignorance, ou peu importe ce que c’était, me renvoyait au flot brouillon qui m’avait poussé à vouloir partir. Pourtant, ça ne tenait pas vraiment. Elle tenait à moi, elle me l’avait dit. Et j’avais admis tout seul qu’elle n’avait pas essayé de m’abandonner, elle avait juste tenu à me laisser me reposer. Je le savais. Pourtant, les nuages ne s’étaient pas encore tous dissipés et me rendaient son attitude plus parlante qu’elle ne l’aurait été autrement. Était-ce pour ça que sa question me laissa silencieux un instant ? J’étais tiraillé entre ce que je pensais vrai et ce que je savais vrai, incapable de savoir vraiment de quel côté pencher. Je n’étais pas connu pour avoir un esprit particulièrement rationnel, je le savais très bien, j’étais prompt à croire des choses en dépit de tout bon sens, sûrement un peu parce qu’il m’avait fallu lutter contre le monde et son savoir concernant des rêves que mon père lui-même qualifiait encore parfois de croyances de bonne femme… Je suivais volontiers quelque intuition et n’avais aucun mal à renier des évidences pour ce qui me parlait parfois davantage. Mais, normalement, je ne croyais rien qui remettait fondamentalement en question les dires d’Erin. Elle était au-dessus de tout… Mais, aujourd’hui, j’avais pourtant du mal à m’y raccrocher. Elle garda le silence jusqu’à ce que je relève les yeux vers elle, presque penaud. Elle m’avait demandé de lui expliquer, je l’avais fait. M’en voulait-elle ? Elle en avait tout l’air.

Oui, je rrreconnais que tu ne me serrrs à rrrien.

Je sentis mes joues s’empourprer de honte… et peut-être un peu de colère, soulevée brusquement par mon ego blessé. Même si je savais que c’était on ne pouvait plus vrai, il était évident que j’aurais préféré qu’elle le nie.

Et c’est bien connu, je suis comme Finn, à classer mes rrrelations selon ce qu’elles peuvent m’apporrrter, sans que mes sentiments n’entrrrent jamais en compte puisque je n’en éprrrouve tout simplement aucun.

Il me fallut plus d’une seconde pour réaliser qu’elle avait pris mon explication comme une attaque personnelle. Je n’avais jamais supposé qu’elle attendait de moi quoi que ce soit. Je crois sincèrement que j’attendais de moi-même bien davantage que l’humanité toute entière, elle la première. Notre amitié ne s’était jamais basée là-dessus, ni d’un côté ni de l’autre. Nous prenions ce que l’autre avait à offrir sans exigence ni jugement, tout comme nous avions pris l’habitude de donner beaucoup sans attendre grand chose en retour. Et jamais je me serais permis de prétendre qu’elle n’éprouvait pas le moindre sentiment, c’était faux et je l’avais bien vu aujourd’hui encore. Elle était bien plus humaine qu’on le disait dans les couloirs… Bien plus humaine que son frère également. Et c’était sûrement pour ça que ma préférence lui avait toujours été acquise. Dès les premières minutes, elle l’avait largement supplanté et en tout point. Si j’appréciais Finnbjörn, il n’était jamais parvenu à lui arriver rien qu’à la cheville… J’aimais ses emportements, j’aimais ses colères, j’aimais la façon singulière dont ses sentiments répondaient aux miens, pas toujours avec exactitude mais avec une violence qui les rendaient plus forts encore. Au fur et à mesure que cette constatation se déployait dans mon esprit fatigué par tout ce qu’on lui imposait depuis des heures, je sentais les doutes et les craintes s’amenuiser doucement… J’aurais aimé pouvoir le lui expliquer mais elle ne m’en laissa pas le temps et reprit presque aussitôt :

C’est sûrrr qu’êtrrre abandonnée parrr son meilleurrr ami rendrrrait la situation moins désespérrrée pourrr n’imporrrte qui.

À nouveau, je baissai les yeux. J’avais failli rompre la promesse que je lui avais faite… Une fois de plus… Et plus les secondes passaient, plus je m’en voulais. Moins je comprenais, peut-être aussi. Je savais que j’exagérais facilement, que je n’avais aucun mal à faire une montagne d’un petit rien mais je lui faisais confiance. Je ne prétendais pas que je n’avais jamais douté de sa loyauté, c’était faux, et je m’étais tenu éloigner d’elle assez longtemps en début d’année pour nous le rappeler à tous les deux mais je savais que j’avais eu tort et je n’avais pas hésité à la suivre aussi aveuglément que je l’avais toujours fait. Elle avait des défauts, comme tout le monde, mais certainement pas celui de se jouer de moi. Si elle en avait eu marre, elle me l’aurait fait savoir, elle m’aurait envoyé sur les roses et aurait été faire un tour dans le pire des cas… Avant de revenir… Parce qu’on revenait toujours… Elle ne m’aurait certainement pas laissé là, comme ça, sans prévenir, seulement parce que… Parce que quoi, d’ailleurs ? Parce que je l’avais potentiellement réveillée et que sa nuit avait été mauvaise par ma faute ? Ça n’aurait pas été la première fois et elle ne m’en avait jamais tenu rigueur. Petit à petit, je démontais l’angoisse pleine de certitudes qui m’avait étreint pendant de longues minutes. J’avais failli l’abandonner, définitivement, pour une illusion montée de toute pièce par une imagination épuisée. Un bruit me força à reporter mon attention sur elle. Elle s’était assise contre le lit, face aux flammes, et je n’en voyais plus qu’une masse brune emmêlée. Sans un mot, je m’en détournai et rejoignis la valise qui était désormais à découvert puisque j’avais bougé le lit hier. Le cliquetis des loquets métalliques brisa le silence, rapidement imité par le couinement des charnières. Je retins un soupir las alors que j’attrapais une des paires de chaussettes. Je tirai sur le tissu pour défaire la boule et l’inspectai un instant. Ça avait l’air propre. Oh, pas lavé d’hier, c’était certain, mais c’était propre. Ça ferait l’affaire.

C’est quoi déjà, le nom de ces crrréaturrres qui poussent le désespoirrr des sorrrciers pour se nourrrirrr ensuite d’eux ?
Je n’en sais rien, avouai-je en me relevant. Ça existe vraiment ? Je pensais que ça n’était que dans les histoires pour effrayer les enfants.

Je contournai le lit, m’accroupis devant le poêle et en sortis précautionneusement la casserole. Je trempai le petit doigt dans l’eau pour m’assurer que ça n’était pas trop chaud avant d’en faire couler un peu sur la chaussette en réalisant que non. Je l’essorai maladroitement, glissai la main à l’intérieur et me tournai enfin vers Erin. Avec une tendresse teintée d’excuses, je glissai mon index sous mon menton pour l’empêcher de fuir et commençai à effacer de son visage toutes les traces de notre errance passée. Je savais que je n’étais pas doué pour grand chose, certainement pas pour jouer les aventuriers comme elle semblait si bien le faire mais toute demoiselle en détresse que j’étais, je pouvais encore prendre soin d’elle. Non… Je voulais encore prendre soin d’elle. Et la différence me paraissait importante. Je ne faisais rien seulement pour me racheter, je le faisais parce que je tenais à elle. Peut-être même davantage en réalité. Ça n’était pas grand chose, évidemment, et elle aurait très bien pu le faire toute seule mais ça ressemblait un peu à un drapeau blanc en même temps que la réappropriation maladroite de la place que j’avais toujours occupée auprès d’elle.

Je n’ai jamais voulu dire que tu n’étais à mes côtés que parce que tu y trouvais un intérêt. Je sais pertinemment que c’est faux. D’autant plus que ça ferait longtemps que tu n’y serais plus si c’était le cas…

Mes lèvres s’étirèrent faiblement en un sourire taquin pourtant bien loin des douces moqueries qu’on pouvait y lire d’ordinaire quand j’étais avec elle. Mon pouce caressait lentement le haut de son cou tandis que mon autre main s’attardait sur son front, une trace de suie refusant de partir si facilement.

Je disais juste que tu devais te débrouiller toute seule depuis le début… Tu nous as fait bouger du portoloin brisé, tu nous as permis de trouver cet abri, tu m’as soigné, tu as fait le feu, tu m’as débarrassé de je ne sais quoi tout à l’heure… Alors que si on m’avait écouté, nous serions sûrement morts de froid à l’endroit même où nous sommes arrivés.

Je suivis lentement l’arrête de son nez, traçant du bout de mon doigt ganté le contour de ses lèvres, mon regard s’y attardant quelques secondes avant de reprendre sérieusement ma tâche et de glisser sur sa pommette, retirant soigneusement la saleté qui s’y était accrochée.

Je ne sais pas ce qui m’a pris, dehors… C’était comme si plus rien n’allait. Plus j’y réfléchissais et pire c’était… Je sais pas trop pourquoi mais te laisser semblait la seule façon de t’aider… C’était stupide et inconscient mais je te promets que je n'ai jamais vraiment voulu t'abandonner… J'avais juste la certitude que c'était pour ton bien, que tu t'en sortirais infiniment mieux si tu n'avais plus à veiller sur moi... Je ne sais pas comment j'ai pu en arriver à cette conclusion alors qu'hier tout allait bien. Je... Je ne sais vraiment pas. Et j’ai aucune excuse… et je ne m’en cherche même pas. Je suis désolé, Erin. Pour tout. D’avoir douté de toi, d’être parti, de t’avoir fait peur, d’avoir dit des choses qui t’ont fait de la peine… Pour absolument tout…

Elle pouvait plus que légitimement m’en vouloir, bien sûr, je m’en voulais bien davantage, mais j’avais au moins le mérite d’être sincère. Ces dernières minutes m’avaient complètement dépassé et si je n’étais pas encore tout à fait certain de pouvoir croire que nos parents étaient véritablement à notre recherche ou qu’on viendrait nous tirer de là, force était de constater que ma meilleure amie, elle, n’avait jamais eu l'intention de me laisser derrière elle… Et c’était un bon début, sûrement le plus important pour l’instant.
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyMer 12 Aoû - 21:13

the cold never bothered me anyway
junior & erin


Que Junior doute, c’était l’expression habituelle de sa personnalité. J’en avais fait l’amère expérience et le souvenir n’avait rien d’agréable, mais il illustrait à la perfection cette facilité qu’avait mon meilleur ami à tout peser sur la balance de ses incertitudes. Alors qu’il doute des miens, au fond, ce n’était rien d’autre que la continuité de ce trait de caractère. Après tout, il ne les connaissait pas comme moi je les connaissais, il ne vivait pas ce lien complexe et puissant qui nous unissait les uns aux autres. Jamais, dans n’importe quel autre contexte, ses mots n’auraient pu éveiller chez moi autre chose qu’un rire sarcastique et le mépris de cette idée, si simple et pourtant si tortueuse, que ma famille saisirait la première opportunité pour se débarrasser de mes écarts et moi. Notre loyauté était au-delà de ça, au-delà de tout. À quelques mètres de notre cabanon rouge, les dires de mon meilleur ami me crispèrent avant que l’éclair féroce ne passe. Il ne faisait pas que douter des miens, il projetait ses défiances sur ses parents également. Comment sa mère pourrait-elle jamais abandonner son fils unique, son fils adoré, son fils bien-aimé ? L’incrédulité laissa place à une autre émotion, plus lourde, entre le dégoût et le mépris qui transparaissaient derrière les propos de Junior, et autre chose qui venait chatouiller cette foi aveugle que j’avais toujours éprouvée pour lui. Le secret de famille révélé avait les allures d’une mauvaise plaisanterie et les couleurs d’un cauchemar. J’avais bien perçu cette rivalité glaciale entre Junior et Aimée, mais je l’avais simplement attribuée à ce sentiment légitime qui devait ronger mon meilleur ami : celui d’être ainsi envahi par une vermine indésirable jusque dans ses terres les plus personnelles. Quelles raisons aurais-je eues de douter de ce lien qui se dessinait sous l'appellation de cousine orpheline ? Certes, il n’en avait jamais parlé auparavant, lui qui était pourtant friand de me dépeindre ses vacances d’été quand nous n’avions que les lettres pour échanger. Mais toutes les familles avaient leurs tares, et parfois, elles étaient bien plus vicieuses que d’autres. Ta… Ce simple mot me donne la nausée crachai-je avec un dégoût et un dédain au moins aussi mordant que les siens. On pourrrait la fairrre disparrraîtrrre… un accident, c’est si vite arrrivé. Composer avec les sentiments des autres n’était pas quelque chose dans quoi j’excellais. Il suffisait de voir comment j’avais tenté de réconforter Phoenix après le décès de son père. Sauf que Junior n’était pas Phoenix, et même s’ils étaient mon meilleur ami et ma meilleure amie, ce qui nous unissait était bien différent. J’avais des sentiments pour Junior qui ne s’éveillaient que pour lui et qui n’avaient rien à voir avec tout ce que je pouvais éprouver. Un quelque chose en plus qui me poussait à une douceur et une indulgence, entre autres, que jamais personne d’autre ne pouvait seulement soupçonner. Un quelque chose en plus qui me faisait me demander à quel point la situation le rongeait de l’intérieur, alors que n’importe qui d’autre se serait vu gratifié d’une nonchalance désintéressée et de quelques mots plus crus que ce qu’ils attendraient certainement. Du bout des doigts, je caressai son avant bras, mes yeux clairs se perdant dans les traits du profil de son visage. Demi-soeurrr, cousine ou rrreine d’un pays lointain, elle ne pourrra jamais te rrremplacer. Personne ne le pouvait, en réalité, mais ce point-là ne concernait peut-être plus vraiment son cercle familial, plutôt une volonté égoïste et une certitude qui ne l’était pas moins.

La tôle nous rappela à la triste réalité de notre présent. Quelques pas empressés m’emportèrent jusqu’à la rive du lac glacé avant que je ne revienne tout aussi vite et que le bout de métal nous servant de porte ne se referme dans mon dos. J’étais éreintée, mes nerfs étaient complètement usés et je venais d’appréhender le fait qu’il était bien plus facile de se montrer aussi flamboyante et insolente que je pouvais l’être quand toutes les épreuves prenaient fin à la nuit tombée. Nous en faisions tous les deux l’expérience, projetés loin de nos cocons habituels. Le défi était à notre hauteur, mais nous n’avions pas toutes les cartes pour jouer et nous ne connaissions même pas les règles exactes de la partie. Nous nous battions contre des émotions, des peurs, des spectres immatériels qui n’avaient aucune envie de nous abandonner à des étreintes réconfortantes et apaisantes. Mes bras croisés dans une vaine tentative de rassembler les morceaux épars de celle que j’étais en temps normal, j’accueillis ses justifications avec une froideur silencieuse avant de les brûler sous une colère un peu plus fade qu’à l’accoutumée. En face de moi, je ne savais pas dire si Junior était à son tour blessé, vexé, énervé, ou tout ça à la fois. Mais toute à mon ego malmené, encore une fois, je ne voulais pas le voir. Finalement, lasse, je le laissai là, les yeux plantés dans un sol qui n’avait rien à offrir, et je vins glisser au bord du lit malheureux qui était le nôtre. Il fallut quelques secondes encore pour qu’un bruit ne me tire de mes pensées et quelques grincements pour que j’associe les sons aveugles au fait que Junior devait être entrain de fouiller la valise. Sous mes yeux, mes doigts dansaient et jouaient avec ma baguette, mes pensées passant de l’un à l’autre. Il n’avait pas réagi à mes mots et j’étais trop épuisée pour avoir envie de me demander pourquoi. Intérieurement, cependant, les sentiments balançaient : parce qu’il ne savait pas comment me dire que c’était effectivement le cas et qu’il ne voyait plus qu’une copie de Finnbjörn en moi ou parce que c’était tout l’inverse ? De cet éclair de magie que ma main dénuée de baguette magique avait lancé à la créature qui avait attaqué Junior, mon esprit voguait sans que je ne manoeuvre la direction et c’est une question qui vient briser le nouveau silence.

Il n’en savait rien et moi non plus. Je me contentai de hausser les épaules à sa question en retour : est-ce que ça existait ? Pourquoi pas. Ça ressemblait bien à ces êtres maléfiques des histoires pour enfants et Junior avait bien été griffé par quelque chose, alors qui sait ? peut-être que le bout du monde dans lequel nous nous trouvions était le berceau de bien des légendes. On pourrrait êtrrre dans une de ces histoirrres. Ça s’appellerrrait “Ne prrrenez jamais de porrrtoloin pourrr parrrtirrr en vacances” ou “Ne parrrtez jamais en vacances sans vos parrrents” fis-je avec une ironie qui retomba bien vite. Junior s’était accroupi face au poêle et je l’observai faire sans broncher. L’eau devait avoir commencé à tiédir et la température sembla suffisante aux yeux de mon meilleur ami qui trempa ce qui ressemblait à s’y méprendre à une chaussette, excepté qu’elle était en bien piteux état comparé à celles que j’avais l’habitude de porter, dans la casserole. J’haussai un sourcil face à son regard d’une tendresse que je n’assimilais pas très bien à la situation, mes lèvres s’entrouvrant pour lui demander ce qu’il fabriquait avant de se refermer au moment où le tissu humide se posait sur mon visage. Enfin, c’était plus probablement ses doigts dans mon cou qui me réduisirent au silence. Un gloussement un peu surpris m’échappa, soulignant l’incongruité de la situation. Néanmoins, je me laissais faire avec un sourire et une lueur dansante au fond de mon regard en qui en disaient long sur ce que son geste apaisait. Te demander une tasse de thé m’expose à un mécontentement glacial, mais tu me laves le visage avec le sourrrirrre… Je sais ce que je demanderrrai au prrrochain défi que tu perrrdrrras. La tendre moquerie dansait au bout de mes mots et mon sourire espiègle ne tenta de redevenir sérieux que parce que le regard de Junior m’intima à un peu de silence, me demanda de lui laisser un peu de place sans sarcasme pour ce qu’il avait à dire. Me pinçant les lèvres pour ne pas sourire un peu plus, je pris une moue que je voulais grave, fixant sans ciller les traits de son visage.

Le gant improvisé qui glissait sur ma peau faisait du bien, mais pas autant que les mots de mon meilleur ami. Alorrrs pourrrquoi je suis à tes côtés, si ce n’est pas parrr intérrrêt ? Je le provoquais, un peu, et pourtant, nulle impertinence ne venait faire briller mes pupilles opalines rivées sur les siennes. Après tout, il avait l’air de douter une fois sur deux. Ses explications se poursuivirent, faisant briller un éclat différent dans mon regard. Je n’avais pas l’impression de tout faire, encore moins d’être accompagnée d’un poids. Ce n’était pas les vacances qui étaient prévues, mais nous étions ensemble, et peu m’importait que ce soit au Groenland, tant qu’il allait bien. Et, certes, tant que cela ne durait pas des jours et des jours. Je penchai légèrement la tête alors que ses doigts gantés s’égaraient sur ma pommette, savourant ce contact comme s’il n’y en avait pas eu depuis des mois et des années. Finalement, cette impression de ne plus maîtriser des pensées qui s’emballaient en empirant à chaque seconde me rappelait les miennes, sur le premier trajet jusqu’au lac. À mon prénom qui vint assortir ses excuses, je vins enlacer ses doigts qui jouaient encore le long de mon cou. Ça doit êtrrre à cause de la crrréaturrre dont on ne se rrrappelle pas le nom… J’avais aussi des idées étrrranges en allant au lac, comme si tout ce à quoi je pouvais penser n’avait plus rrrien de joyeux admis-je avec une pointe de réticence que je décidai d’assassiner. Nous traversions tout cela ensemble, je pouvais bien lui avouer avoir eu des idées noires, moi aussi. Et d’aborrrd, je n’ai pas eu peurrr. Un petit souffle méprisant m’échappa alors que je relevai le menton dans un geste que je voulais dédaigneux. C’était une piètre tentative d’effacer ces instants où la crainte m’avait envahie, une plus réussie, je l’espérais, de faire renaître un sourire amusé sur le visage de Junior. Mes peurs, mes craintes, elles existaient vraisemblablement… je comptais bien les laisser ici lorsqu’on nous aurait retrouvés.
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyVen 14 Aoû - 16:10



The cold never bothered me anyway
ft. @Erin B. Sørensen & C. Junior d'Archambault

Le secret si bien gardé jusque là passa mes lèvres avec une facilité déconcertante. Je ne cherchai ni à le retenir ni même à regretter d’avoir parlé. Pourquoi faire ? Nous étions coincés ici, rien ne quitterait jamais ses plaines caillouteuses. Et puis il était question d’Erin. Qui était plus digne de confiance qu’elle, hein ? J’aurais sûrement dû le lui avouer bien avant. Dès la lettre de mon père, la rejoindre pour le maudire jusqu’à n’en plus pouvoir et jurer qu’il y aurait un jour une vengeance, quand bien même j’avais parfaitement conscience que ça ne serait jamais le cas… Parce qu’il y avait ma mère et que j’avais trop de respect pour elle pour risquer sa réputation… Parce que si lui n’avait que faire de notre nom, je le chérissais encore assez pour refuser d’en faire la risée de tout le monde sorcier. Je crois que j’avais espéré que ça n’était qu’une vaste plaisanterie ou l’affaire de quelques mois, que quelqu’un trouverait une solution pour me débarrasser de cette « cousine » gênante, que sa famille la réclamerait sans tarder… Ç’aurait été inutile de faire savoir à qui que ce soit combien mon père était un vaurien si ça n’entachait en rien notre existence, non ? Force était de constater que je m’étais largement mépris. Non seulement ça n’avait rien d’une blague mais en plus nous devions vivre avec sa présence et tout ce qu’elle nous rappelait à chaque instant. Je plaignais sincèrement ma pauvre mère. Est-ce qu’il avait eu au moins la décence d’être désolé ? Est-ce qu’il avait fait profil bas ? Je n’y croyais même pas. Je le connaissais trop bien pour savoir qu’il s’était drapé dans toute sa suffisance et avait imposé ses erreurs à sa femme sans même prendre la peine de s’intéresser à elle. Comment avais-je pu me tromper à ce point sur mes parents ? J’avais toujours su qu’ils ne s’aimaient pas vraiment, bien sûr, ils s’étaient mariés parce que leur famille y trouvait leur compter et qu’ils s’étaient sûrement bien entendus mais je les avais toujours cru unis et soudés. J’avais toujours vu une amitié solide et une complicité immense… Peut-être que ça avait été le cas un jour… Peut-être. Mais il n’y avait qu’à voir le froid glacial qui avait régné entre eux ces derniers jours pour comprendre que ça n’était plus le cas. Et si j’avais dû être parfaitement honnête, j’aurais admis que j’étais passé à côté de plein d’appels de détresse tout maternels au fil des années, de la guerre sourde qui s’était engagée lorsque mon père avait repris mon éducation en main à mon retour d’exil à ses encouragements pour le dénoncer si par malheur ses erreurs me coûtaient ma liberté… Mais je n’avais jamais vraiment pris la peine de regarder aussi loin.

Ta… Ce simple mot me donne la nausée. On pourrrait la fairrre disparrraîtrrre… un accident, c’est si vite arrrivé.

Un gloussement un peu triste m’échappa en l’entendant. Ça n’en valait sûrement pas la peine. Qui savait s’il n’y en avait pas dix autres comme elle cachées dans le monde sorcier ? Des enfants illégitimes, fruits de nuit sans lendemain et d’un père trop volage. Si je ne savais pas vraiment ce que me réservait l’avenir de ce côté-là, si avenir il y avait un jour, encore que l’insistance de ma mère laissait entrevoir des pistes qui ne me plaisaient pas, je savais que je ne voulais pas devenir comme lui. Jamais. Aucune épouse au monde, que je l’ai choisie ou non, ne méritait d’être traitée avec aussi peu de respect. Je ne me promettais pas d’être exemplaire, loin de là, mais de ne pas assassiner nos réputations au nom de plaisirs égoïstes qui ne dureraient même pas.

Si elle devient trop envahissante, je n’hésiterai pas à te le faire savoir.

Mais, bien sûr, ça n’avait rien de sérieux. Je n’avais clairement pas l’étoffe d’un assassin. Son sang était pur, et quand bien même cela me désespérait, il n’en était pas moins lié au mien. Je ne lui nuirais pas tant que rien ne m’y obligeait. Je voulais seulement qu’elle s’en aille, qu’elle retourne en France et disparaisse de ma vie le plus simplement du monde. Sans meurtre ni accident. Juste qu’elle comprenne enfin qu’elle n’avait rien à faire ici et qu’elle n’était absolument pas la bienvenue. Même pour un esprit aussi simplet que semblait l’être le sien, le message devrait être assez facile à assimiler.

Demi-soeurrr, cousine ou rrreine d’un pays lointain, elle ne pourrra jamais te rrremplacer.

Ma main se posa doucement sur celle d’Erin alors que ses doigts glissaient sur mon avant-bras. Mon regard accrocha le sien un instant, un sourire emprunt de gratitude posé sur mes lèvres. Rien n’était simple dans ce désert polaire mais elle restait là, stable et bienveillante. J’avais une chance incroyable et toute la mauvaise foi ou le désespoir du monde ne suffisait pas à me faire prétendre le contraire. Je ne savais pas si elle avait raison mais peu importait en réalité. Elle le pensait et c’était tout ce qui comptait pour l’instant. Ça faisait écho à des discussions lointaines, je crois, quand je craignais qu’on vienne me voler ma place auprès d’elle. C’était sûrement idiot mais il me semblait que c’était la plus importante. Je quitterais mes parents un jour, je le savais très bien. Soit parce que je partirais vivre ma vie, soit parce que la leur prendrait fin… mais je n’avais jamais envisagé de la quitter elle. La tension revint au moment de passer la porte de son cabanon. Il y avait quelque chose d’étouffant dans cette pièce, l’impression tenace de n’y être plus vraiment à ma place. J’en avais assez de ces pensées fluctuantes, tantôt rassurantes tantôt désespérantes. Je me raccrochais à ce que je pouvais sans trop savoir à quoi pour autant. Le poids s’allégeait sans disparaître, Erin semblait s’éloigner sans s’échapper… Je ne savais plus vraiment ce qui était vrai, ce qui ne l’était pas… Le tri se faisait au fur et à mesure de nos conversations, virant des craintes pour en faire naître d’autres… Je ne voulais pas qu’elle m’en veuille. Mais c’était sûrement trop tard. J’avais failli l’abandonner… comme ça… sans prévenir, sans même un regard en arrière… Elle n’insista pas et s’assit contre le bord du lit, silencieuse. Je n’aimais pas l’atmosphère qui nous entourait. Ça me semblait si loin d’hier, de nos tendresses, de l’optimisme tranquille qui nous avait pris pour cible. Peut-être que ça n’était pas exactement ce que nous attendions des vacances mais, dans le fond, c’était une parenthèse rien qu’à nous, quelques heures agréables à partager sans que personne ne vienne s’immiscer dans notre intimité. Et là… Là il ne restait plus rien. Je m’en voulais sûrement bien plus qu’elle m’en voulait, en réalité, et je le savais bien… Je récupérai une chaussette propre dans la valise et contournai doucement le lit pour la rejoindre.

On pourrrait êtrrre dans une de ces histoirrres. Ça s’appellerrrait “Ne prrrenez jamais de porrrtoloin pourrr parrrtirrr en vacances” ou “Ne parrrtez jamais en vacances sans vos parrrents”.
Si on rentre, il faudra penser à l’écrire, ce serait dommage que d’autres se fassent avoir.

Je trempai le tissu dans l’eau et, sans prendre la peine de me demander ce qu’elle en penserait, commençai à effacer les traces de poussière et de suie qui tachaient sa peau. Est-ce que c’était stupide ? Probablement. Mais tant pis. J’avais envie de retrouver une proximité habituelle entre nous et de laisser une certaine douceur se réinstaller. Dans mon dos, la chaleur du poêle achevait de me rassurer. Il n’y avait plus vraiment de désert, plus de froid polaire… Peu à peu, le pire se dissipait. Nous n’étions pas sortis d’affaire, peut-être le serions-nous jamais, mais ça pouvait aller. Nous étions ensemble, le reste pouvait attendre. La meilleure amie gloussa mais se laissa faire, ce qui m’arracha un sourire satisfait. C’était certes un moment étrange, de ceux que nous n’aurions certainement jamais vécu ailleurs, mais je l’appréciais à sa juste valeur. Il y avait toujours eu chez elle un je ne sais quoi qui me faisait me sentir bien. Ou mieux, du moins. Dans les pires moments, elle était celle qui parvenait à calmer mes angoisses, parfois même sans rien faire, juste en étant là. Et même là, alors que le désespoir avait été immense quelques instants avant, elle parvenait à chasser les ombres d’un sourire, et m’en tirait un bien semblable sans avoir à faire le moindre effort. Je n’avais jamais connu ça avec qui que ce soit d’autres. Même ma mère, dont j’étais pourtant plus que proche, n’avait jamais été si prompte à me rassurer. Erin avait toujours été très différente, de toute façon. Notre relation éclipsait largement toutes celles que j’avais un jour connues. Et je ne doutais pas qu’elle continuerait à le faire aussi longtemps que nous resterions proches. Pour rien de moins que toujours, elle l’avait promis.

Te demander une tasse de thé m’expose à un mécontentement glacial, mais tu me laves le visage avec le sourrrirrre… Je sais ce que je demanderrrai au prrrochain défi que tu perrrdrrras.

Je levai les yeux au ciel en l’entendant. Ça n’avait rien à voir ! Je me fichais bien d’une tasse de thé alors que là, il y avait quelque chose d’apaisant à abandonner sur sa peau des caresses humides. Et puis, la crasse ne lui seyait pas très bien, de toute façon. Je finis néanmoins par retrouver un peu de sérieux et l’enjoignis silencieusement à en faire de même le temps de me rattraper. Ou du moins essayer. Je voulais qu’elle comprenne que je n’avais pas pensé à mal et qu’à aucun moment je la voyais inhumaine. Elle était tout le contraire et jamais je ne me permettrais de l’oublier.

Alorrrs pourrrquoi je suis à tes côtés, si ce n’est pas parrr intérrrêt ?
Parce que tu tiens à moi, répétai-je docilement comme un enfant ayant parfaitement appris sa leçon. Une lueur taquine vint faire briller mon regard clair alors que je rajoutais l’air de rien : Et aussi parce que tu es incapable de résister à mon charme, bien sûr. Mais là n’est pas la question…

Je repris péniblement mes explications. Ça n’effacerait rien, j’en étais bien conscient, mais j’espérais qu’elle comprendrait que ça n’était pas contre elle, que ça ne l’avait jamais été et que, en réalité, mes propres réflexions m’avaient largement échappées. Je n’aurais jamais eu l’idée de fuir en temps normal. Nous n’étions pas toujours d’accord, nous le serions jamais, mais je ne voulais pas l’abandonner. J’avais l’impression qu’on avait tout traversé ensemble ou presque, je voulais que ça continue. Qu’elle sache qu’elle pouvait compter sur moi autant que je pouvais compter sur elle. Je voulais rester à ses côtés quoi qu’il advienne. Il n’y avait aucune place plus enviable que celle-ci. Mais aujourd’hui, c’était un message difficile à faire passer tant il ne collait pas à ce début de journée. Pourtant, sa main vint étreindre la mienne. J’arrêtai mon ouvrage et serrai doucement ses doigts entre les miens. Je n’avais plus grande envie de bouger. Le monde semblait se remettre doucement à tourner. Dehors, ça n’avait été qu’un mauvais moment, un cauchemar lourd et éveillé…

Ça doit êtrrre à cause de la crrréaturrre dont on ne se rrrappelle pas le nom… J’avais aussi des idées étrrranges en allant au lac, comme si tout ce à quoi je pouvais penser n’avait plus rrrien de joyeux.

Mon étreinte se resserra. Ainsi donc elle existait vraiment…? Et elle vivait là, dans ce bout du monde désertique, aux abords du seul lieu de vie que nous avions trouvé ? L’acharnement du destin me parut plus injuste qu’il ne l’avait jamais été. Ça faisait beaucoup à assimiler en bien peu de temps. Trop, dans le fond. Ça voulait dire que nous ne serions pas en sécurité dehors ? Plus que le froid, il y avait des choses tapies je ne savais où prêtes à nous achever à la moindre occasion ? Je retiens un soupir las. Il nous faudrait pourtant ressortir un jour. Nous n’aurions pas assez d’eau pour tenir des jours et il nous faudrait bien trouver à manger. J’imaginais d’ici des centaines de petites créatures grisâtres nous attendant devant notre porte, attendant la moindre seconde d’inattention pour fondre sur nous et mettre un terme à cette errance polaire… Mais il y avait plus important dans l’immédiat.

Ça va mieux ?

Je n’étais pas très bien placé pour supposer pouvoir l’aider d’une quelconque manière que ce soit mais j’étais largement prêt à essayer. Il n’y avait pas grand chose qui me semblait impossible à faire pour elle, sinon peut-être même rien, alors s’il fallait faire taire mes propres craintes pour parvenir à apaiser les siennes, j’imaginais que ça pouvait être envisageable. Je bataillerais avec mes idées noires plus tard, je ne doutais pas que la nuit serait propice à tout ça si nous étions toujours là, je voulais qu’elle se défasse d’abord des siennes si ça n’était pas déjà fait. Elle d’abord, le reste ensuite.

Et d’aborrrd, je n’ai pas eu peurrr.

Elle se drapa d’un dédain qui lui allait à merveille, levant le nez avec supériorité et m’arrachant un gloussement amusé. Je me défis du tissu humide et essuyai négligemment mes doigts sur mon pantalon — au point où j’en étais de toute façon — avant de poser sur elle un regard aussi triste que possible, presque larmoyant.

Ah non ? Je suis déçu. Je trouvais ça particulièrement touchant… Mais bon, puisque je me suis trompé alors… Tant pis.

Bien sûr, je n’avais jamais voulu lui faire peur rien qu’un instant, elle ne méritait pas ça, mais il y avait quand même quelque chose de rassurant à la sentir s’accrocher à moi comme elle l’avait fait. Elle était douée pour me donner l’impression d’être important, plus douée qu’elle l’imaginait je crois. Et, mine de rien, je lui en étais plus que reconnaissant…
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyMer 19 Aoû - 20:14

the cold never bothered me anyway
junior & erin


L’annonce amère d’une soeur bâtarde vint fendiller l’image parfaite du portrait de famille des d’Archambault plus efficacement que ne l’avaient fait bien d’autres choses. Qu’étaient la surprotection maternelle, la facilité d’accès des innombrables bouteilles d’alcool paternelles ou l’absence de celui-ci quand il était censé veiller sur nous les soirs où madame retrouvait ses amies ? À peine quelques touches ombragées qui venaient accentuer la perfection du tableau familial. Nécessaires pour que la peinture ne paraisse pas fade et sans profondeur. La normalité même, puisque la perfection n’avait comme nom que celui qu’on voulait bien lui donner. À mes yeux, Junior tel qu’il se dévoilait en ma présence, était bien plus parfait que lorsqu’il endossait ce rôle de fils. Ce secret qu’il venait de me confier, pourtant, n’était plus le simple relief de traits nobles. C’était un motif caché, des traits auxquels on ne faisait pas attention et qui se confondaient à l’arrière-plan, jusqu’à ce que quelqu’un passe par-là, pointe du doigt cet étrange ornement en le qualifiant d’une manière qu’il devenait impossible d’oublier. Et alors, on ne voyait plus que cela. J’étais tout à fait disposée à brûler cette partie-là du portrait de famille, bien plus que mon meilleur ami ne le concevait sûrement. Son gloussement à peine amusé et ses mots résignés reléguèrent vite ma proposition au rang de chimère lointaine. La faiblesse et les erreurs d’un père affectaient aujourd’hui le fils, pris au piège dans une contrée inconnue, et moi, je ressentais pour la première fois cette envie de le rassurer. Elle n’était rien, rien d’autre qu’une tache, insignifiante et indésirable en comparaison de Junior. Il était unique et irremplaçable et, tout à fait égoïstement, je me contentais très bien d’être la seule à le voir ainsi. Il tourna la tête pour croiser mon regard et l’esquisse de son sourire suffit à faire naître le mien. Se sentait-il mieux ? J’osais l’espérer sans vraiment le croire. Il était, à bien des égards, plus complexe que je ne l’étais lorsque les émotions entraient en jeu.

Du moins, c’était le cas à l’extérieur de ces terres polaires. Ici, plus rien ne semblait avoir de sens. Mon assurance vacillante menaçait de faire s’écrouler des certitudes pourtant profondément ancrées. Ça avait été presque étouffant, sur le chemin menant au lac, comme une chape de plomb et de pensées noires qui refusait de me lâcher. Et alors que nous poussons la porte du cabanon et que je m’éclipse rapidement pour aller chercher l’eau promise à Junior, ce n’était pas très loin non plus. La sensation se manifesta de nouveau à mon retour, mes prunelles claires observant mon meilleur ami les bras ballants, l’air d’avoir envie d’être partout tant que c’était ailleurs. Plus le temps passait, plus les contours de cette peur profonde manifestée dans la salle noire de Thorstein prenait un nom. L’abandon était tout ce que je refusais, encore plus venant de lui. Ses promesses, il les avait pourtant formulées de bon coeur, sans jamais y être contraint. Et il suffisait d’une étrange matinée hors du temps dans un lieu loin du monde pour qu’il ne la rompe. La colère s’estompa pour ne laisser qu’une lassitude qui m’accompagna jusqu’au sol sur lequel je me laissais tomber. C’était ça, cette fois, qu’est-ce que ce serait, la prochaine ? Je me sentais plus fatiguée que je ne l’avais jamais été, comme si tout, dans ces terres monochromes, perdaient de ses couleurs et de son sens. Je n’avais même plus l’énergie, encore moins l’envie, de me dresser devant les doutes de mon meilleur ami pour les réfuter de quelques paroles pleines de certitudes. C’était la récurrence de trop, celle contre laquelle je tournais le dos plutôt que de me battre.

Compte surrr moi. Si je peux éviter que quiconque tombe dans le même piège... Mon amertume face à sa nonchalance ne rendait pas mes propos plus crédibles. L’altruisme ne faisait pas vraiment partie de mes défauts. Tout au plus étais-je capable de penser à d’autres personnes, mais le nombre était réduit, tendait à se réduire chaque jour un peu plus. Et, puisqu’il s’agissait de personnes précieuses à mes yeux, cela n’avait rien de charitable ou désintéressé. J’étais peut-être un peu injuste mais comment m’en serais-je rendue compte ? Il était celui de nous deux qui s’était éloigné sans un regard en arrière, pensant que c’était ce que l’autre souhaitait. Et moi, j’étais l’autre, fatiguée de cet endroit pitoyable et de ces émotions pathétiques qui m’agitaient. L’injustice me semblait venir d’ailleurs… et s’effaça dans un gloussement étonné alors que la chaussette tiède que Junior tenait entre ses doigts vint réchauffer ma joue et bien plus que ça. Son sourire insolemment satisfait ne pouvait que m’amuser un peu plus, quand bien même la situation était des plus incongrues. Ou peut-être justement parce qu’elle l’était. Comme un drapeau blanc malhabile agité par des mains qui ne savaient plus comment se racheter. C’était surprenant, complètement indécent, et ses ancêtres s’arracheraient sûrement les cheveux dans leurs portraits qui meublaient l’appartement familial s’ils l’apprenaient, mais je trouvais l’instant délicieusement agréable.

Mon trait espiègle s’effaça sous le sérieux recouvré de son regard dans lequel j’avais déjà bien envie de retourner me perdre. Tout ce que je savais, en cet instant, c’était que ses mots faisaient un bien fou, quand bien même il me restait un peu de provocation à brandir face à ce qui ressemblait à des excuses. Le charrrme suie et vêtement déchirrrés, ce n’est pas vrrraiment irrrésistible, tu sais rétorquai-je avec un sourire moqueur. Je tenais à lui, c’était une évidence, et je n’avais jamais douté de la réciproque, même quand son silence était devenu cruel. L’inverse, malheureusement, me semblait bancal. Comme une vérité que l’on croit les yeux fermés tant que tout est paisible mais qui se fissure au moindre aléa. Est-ce que ça avait toujours été comme ça ? Depuis toutes ces années, inséparables, nous n’avions jamais cessé de nous disputer pour un rien. Des chamailleries d’enfants, devenues des querelles plus adultes… et je n’étais vraiment pas certaine d’apprécier la différence et tout ce qui l’accompagnait. Je compris le message qu’il tenta de me faire passer ensuite appréciant cette sensation retrouvée de pouvoir tout effacer d’un revers mental nonchalant. Est-ce que cela durerait ? Jusqu’à présent, mon assurance ne m’avait jamais fait défaut… aujourd’hui excepté. À mesure que Junior détaillait le fléau émotionnel qui l’avait assailli, ce que j’avais moi-même ressenti plus tôt se dessina avec précision. Mes doigts vinrent trouver les siens et mon coeur s’emballa d’un à-coup, satisfait de retrouver cette sensation de bien-être qui lui avait tant manqué. Je voulais plus que tout retrouver notre bulle et cette délicieuse sensation où tout semblait à sa place. Tout cela, c’était probablement la faute de ces démons sortis des contes pour enfants, même si je ne me souvenais plus de leur nom ou de quoi que ce soit d’autre. Cette possibilité était plus plausible que ces sentiments sortis de nulle part qui ne me correspondaient pas, et de cet abandon brutal de la part de mon meilleur ami. À sa question, je restais muette un instant, plongeant dans ces deux prunelles bleues sans ciller. Mon aplomb redevenait tout doucement aussi solide qu’à l’accoutumée, pas encore assez pour faire taire cette pointe de suspicion. Hors de question d’écouter des émotions créées de toutes pièces par des créatures venues de l’enfer quand bien même ce désespoir qu’elles avaient fait ressortir ne venait pas de nulle part. Sans un mot, j’hochai la tête pour lui signifier que oui, ça allait mieux. Je n’étais pas celle de nous deux en proie aux doutes les plus pernicieux, pas celle non plus qui s’était retrouvée à des dizaines de mètres du cabanon, convaincue que c’était la meilleure chose à faire. Mes espoirs abîmés, s’il y en avait, pouvaient attendre et se répareraient d’eux-mêmes. Je ne pouvais pas lui demander de supporter les miens en plus des siens, je le refusais en bloc, de toute façon. Il y avait déjà trop de mes faiblesses qui avaient été exposées ces dernières heures.

Avec tout le dédain qui était le mien, je lui signifiais d’ailleurs que je n’avais pas eu peur, pas un seul instant, et puis quoi encore. Cette fois, son rire était plus sincère, plus vrai, et vint briser mon air hautain avec trop de facilité. Heureusement, son regard faussement triste m’aida à me reprendre. Ce n’est pas que ça ne lui allait pas, il était très doué dans le rôle de l’enfant déçu dont les larmes remplissaient doucement les yeux pour les faire devenir deux océans culpabilisants. Mais c’était juste un rôle et j’étais trop habituée pour me laisser prendre à ce jeu… encore qu’il était diablement doué. Loin de moi l’envie de te décevoirrr, mon Prrrince, mais ne le serrrais-tu pas encorrre plus si tu te rrrendais compte que je pouvais avoirrr peurrr ? Le sourire teinté d’ironie, je récupérai le gant trempé qu’il venait d’abandonner, le rinçai et le passai autour de mes doigts comme il l’avait fait juste avant. Voyons voirrr ce qu’il en est de ton charrrme une fois prrroprrre. Doucement, je répétais les mêmes gestes que lui, passant le tissu humide sur ses joues sales, son front, l’arrête de son nez, le contour de ses lèvres… Il y avait quelque chose de tendre et de plaisant dans l’instant, qui me laissait tout le loisir d’entrevoir à quel point il serait plus agréable de subir un tel gage comparé à la préparation d’un thé infâme et sans intérêt.
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyJeu 20 Aoû - 1:48



The cold never bothered me anyway
ft. @Erin B. Sørensen & C. Junior d'Archambault

Je n’avais jamais rien prévu de ce que cette journée à peine commencer nous réservait. La veille, il n’était question que d’attendre que l’on vienne enfin nous délivrer de notre prison polaire et voilà qu’aujourd’hui il me fallait lutter contre les pensées les plus pernicieuses qu’il m’avait été donné de connaître. Je n’avais jamais souhaité blesser ma meilleure amie, ni même remettre en doute ce qui nous liait. Je ne prétendais pas que ça n’avait jamais été le cas, c’était faux, et parfois je n’avais plus été aussi certain qu’il le fallait… Qu’il s’agisse de son aveu suite à l’incendie du bal de Noël qui aurait pu nous coûter la vie à tous les deux ou de l’annonce de son idylle merveilleuse avec son cher Charles… Mais je ne devais bien reconnaître que les craintes avaient été rares ces derniers temps, pour ne pas dire complètement absentes… Aussi leur retour si brusque me dépassait en tout point et je m’en voulais d’autant plus qu’Erin en avait été impactée. Que je me perde en raisonnements idiots, c’était une chose, mais qu’ils me poussent à tenter de l’abandonner me paraissait inconcevable. Je n’en avais jamais eu la moindre intention avant de revenir à ce cabanon miteux et je devais bien admettre que depuis qu’elle m’avait forcé à y retourner, l’idée m’était complètement passée. Alors je faisais ce que je pouvais pour revenir vers elle, presque maladroitement, prêt à tout pour lui faire comprendre à quel point je pouvais être désolé… et le premier pas qui me vint à l’esprit fut le débarbouillage qui avait failli nous coûter cher. C’était pour lui que nous nous étions séparés, pour lui que je revenais jusqu’ici pour récupérer une casserole mal en point… Assis près d’Erin, j’entrepris de débarrasser son visage des traces laissées par notre errance dans ce désert grisâtre. Elle se laissa faire, gloussante et souriante, et je pris un plaisir tendre à accomplir ma tâche au mieux.

Le charrrme suie et vêtement déchirrrés, ce n’est pas vrrraiment irrrésistible, tu sais.
Je suis sûr que ça me donne un air baroudeur qui me sied à merveille, au contraire !

Je me fendis d’un sourire ouvertement charmeur, ceux-là même qu’on retrouvait sur les publicités pour des potions de beauté qui promettaient des résultats si spectaculaires qu’ils n’arrivaient sûrement jamais et repris mon ouvrage non sans envie. Il y avait quelque chose d’étrangement agréable dans ce partage, la certitude que c’était un moment que nous ne recroiserions jamais. Aussi j’en profitais autant qu’il m’était possible de le faire. Je n’avais jamais imaginé que de jouer le rôle du petit personnel auquel nous accordions pas un regard puisse avoir quelque chose d’aussi réjouissant. Je me sentais bien, là, à laver sa peau des restes de nos aventures. Pourtant, ça n’était pas dans mes habitudes de m’occuper ainsi de qui que ce soit… Mais ce matin, dans ce rien qui nous entourait, sans personne pour veiller sur nous ou s’assurer de notre sécurité, ça me paraissait presque naturel. Un peu idiot mais évident. Ce qui l’était moins, en revanche, ce fut le silence qui suivit ma question. Elle m’avait l’air tout à fait légitime pourtant. Après tout, elle venait de reconnaître qu’elle avait traversé le même genre de moment que moi, le poids du désespoir s’alourdissant à chaque seconde, annihilant absolument tout ce qui pouvait être positif ou joyeux sur son passage… Je n’avais pas envie qu’elle reste ainsi. Je me fichais bien des doutes et des craintes qui pouvaient encore me rester, notamment sur la possibilité qu’on ne vienne jamais nous chercher, les siens me paraissaient bien plus importants. Son regard rivé au mien, son silence s’étirant encore davantage, je ne savais pas quoi en déduire. J’avais presque l’impression qu’elle hésitait, comme pour éviter de m’inquiéter un peu plus… Et si je ne pouvais que lui en être reconnaissant, je n’aimais pas vraiment ces précautions. Je n’étais pas une pauvre petite chose fragile et je n’avais pas envie qu’elle s’oublie en conséquence. Elle s’était montrée prévenante, présente, elle avait fait en sorte de faire fuir les nuages qui assombrissaient mon esprit dérangé, il me semblait normal d’en faire autant sans même me poser de question. Néanmoins, elle se contenta de hocher la tête. Mes doigts se resserrèrent tendrement sur les siens, comme la promesses silencieuse qu’elle pouvait compter sur moi si elle avait besoin d’une épaule sur laquelle s’épancher. …et pour tout le reste en réalité, j’étais là pour elle. Je retins un soupir et admirai une seconde son visage défait de sa crasse. Elle ressemblait davantage à celle que je côtoyais d’ordinaire et rien que ça acheva de me rassurer. C’était stupide un peu bête, dans le fond, mais peu importait. Nous étions toujours au milieu de nulle part, toujours seuls au monde, mais je n’avais plus directement sous les yeux les traces de tout ça. Je pouvais me perdre éhontément dans sa contemplation sans craindre de n’y voir que notre mésaventure. Et puis, même si elle était diablement jolie couverte de poussière et de suie, elle était plus belle encore lorsqu’elle ne l’était plus.

Loin de moi l’envie de te décevoirrr, mon Prrrince, mais ne le serrrais-tu pas encorrre plus si tu te rrrendais compte que je pouvais avoirrr peurrr ?

Sa question m’arracha un sourire tendrement las, comme ceux qu’on adresse à des enfants un peu turbulents. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas entendre ! Comment pourrais-je être déçu de me rendre compte qu’elle pouvait avoir peur de me perdre ? N’était-ce pas une preuve d’attachement plus parlante encore que tous les beaux discours du monde ? Pour moi, ça l’était en tout cas. Même si je préférais ne jamais l’avoir à nouveau sous les yeux.

C’est vrai… J’aurais l’impression que tu es humaine. Quelle horreur, répliquai-je un peu moqueur alors que je la regardais récupérer le gant de toilette improvisé que j’avais laissé sur le bord de la casserole.

Elle le rinça soigneusement et glissa sa main à l’intérieur comme je l’avais fait un peu plus tôt. Mon regard croisa le sien alors qu’elle approchait ses doigts gantés de moi, me tirant sans un mal un sourire amusé.

Voyons voirrr ce qu’il en est de ton charrrme une fois prrroprrre.

Je me laissais faire sans broncher, ricanant bêtement comme un adolescent profitant d’un moment de complicité bienvenu avec une jeune fille charmante. C’était un peu le cas, en réalité. Ça n’était pas la première fois que nous partagions quoi que ce soit ensemble, loin de là, et la tendresse faisait depuis de longues semaines partie intégrante de nos tête-à-têtes mais il y avait quelque chose de plus intime à cette toilette partagée. Si j’avais déjà embrassé d’autres lèvres que les siennes, il n’y avait bien qu’auprès d’elle que j’étais prêt à faire fi de toute bienséance pour jouer les domestiques ou me laisser ainsi débarbouiller comme un enfant… et j’étais quasiment certain que ça n’était guère différent pour elle. Nous ne nous étions jamais embarrassés ni des convenances ni des apparences… Avec le reste du monde peut-être, sûrement même, mais certainement pas entre nous. Et plus nous grandissions, pire c’était j’avais l’impression. La bulle parfaite que nous avions toujours su construire autour de nous lorsque nous étions ensemble nous offrait encore le cocon idéal pour nous laisser aller à des bêtises toujours plus douces. Loin du monde. Loin des exigences que nous imposait nos familles et le devoir de représentation qui y était lié. Je devais bien admettre que ces quelques minutes ressemblaient au meilleur moment de mes vacances, peu importe le plaisir de lui faire découvrir un bout de mon monde ou l’envie de découvrir le sien… C’était ridicule mais spontané et sonnait un peu comme des retrouvailles délicieuses. Je fermai doucement les yeux pour profiter au maximum de son contact sur ma peau, la tiédeur du tissu et la chaleur de ses doigts. Elle pouvait continuer aussi longtemps qu’elle le désirait, je n’avais aucune envie de m’y soustraire.

Rappelle-moi de me salir plus souvent, ma Reine, tu m’as l’air divinement douée pour arranger ça.

J’attendis sagement qu’elle termine, ne perdant pas une miette des caresses humides qu’elle abandonnait sur mon visage, et rouvris les yeux seulement lorsqu’elle s’arrêta. Un sourire étira doucement mes lèvres avant que je ne les pose sur les siennes. Objectivement, c’était une situation chaotique de laquelle il nous faudrait sortir très vite… Subjectivement, une fois cet étrange désespoir dissipé, je passais un moment agréable. Un peu inquiétant, c’était vrai, les heures passaient et personne n’était venu nous tirer d’affaire, mais aussi délicieux qu’il pouvait l’être. Il ne fallait pas que ça s’éternise, évidemment, mais c’était pour le moment largement supportable. Nous n’avions qu’à rester là, tranquillement. Pour de vrai cette fois. Sans abandon ni rien. Nous avions de quoi nous chauffer et de quoi boire. Nous pouvions rester un jour ou deux sans manger, ce serait difficile, très difficile même, mais ça ne nous tuerait pas. Je doutais que nous ayons jamais connu la faim, en réalité, l’un comme l’autre. Normalement, je n’avais qu’à claquer des doigts pour qu’on satisfasse mon appétit sans trop me demander d’où ça venait ni même penser à ceux qui n’avaient pas cette chance, ça n’était clairement pas mon problème… Mais si on ne venait pas… ça risquait de le devenir.

Si d’ici ce soir ou demain personne n'est venu, il faudrait quand même qu’on parte en quête de nourriture, pensai-je à voix haute. Je crois qu’il y a du matériel de pêche, dans la malle… Du fil et des petits crochets… Mais... je n’ai pas la moindre idée de comment ça marche. Tu crois qu’il faut juste laisser le crochet dans l’eau et attendre que les poissons soient assez stupides pour venir s’y accrocher ?

J’espérais qu’on aurait jamais à en arriver là, bien sûr, surtout que je ne savais pas du tout quoi faire d’un poisson vivant pour qu’il soit mangeable mais dans le doute, autant aborder le sujet…
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Dernière édition par C. Junior d'Archambault le Mer 26 Aoû - 20:39, édité 1 fois
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyLun 24 Aoû - 18:31

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junior & erin


Combien de temps encore avant que l’on vienne nous chercher ? La question était la même depuis que nous nous étions relevés de ce sol brisé par le gel sur lequel gisait les morceaux de notre portoloin, mais elle avait revêtit divers degrés d’importance selon les moments. Là maintenant tout de suite, Junior face à moi, ses doigts gantés effaçant les traces de notre périple qui maculaient ma peau, elle me semblait dérisoire. Cet endroit nous poussait dans des retranchements insoupçonnés mais notre rythme, si particulier, ne changeait pas, lui. Il restait aussi imprévisible qu’à l’accoutumé, aussi violent, tant dans les querelles que les tendresses que nous retrouvions avec le sourire. Une relation unique qui nous amenait à bien des extrémités. Comme celle de se laisser docilement nettoyer le visage. La chaussette trempée avait toutes les caractéristiques d’un drapeau blanc que je n’avais pas envie de faire brûler, préférant l’accueillir avec quelques gloussements. La légèreté dont mon meilleur ami faisait preuve ne pouvait que vaincre le sérieux dont j’étais encore partiellement habitée et mes dernières réticences partirent bien vite en fumée. Avec ce sourrrirrre, on dirrrait plutôt un charrrlatan commentai-je avec une indifférence trahie par mon sourire. Le silence qui s’ensuivit était paisible et me laissait tout le loisir de me focaliser sur d’infimes détails : la douceur tiède de ce gant de toilette improvisé, le regard concentré de Junior, ses traits qui l’étaient tout autant et les détails de son visage que je connaissais par coeur mais que je ne me lassais pas de contempler. J’étais faite de certitudes, mais certaines étaient plus évidentes à formuler que d’autres. Parmi elles, l’assurance que jamais personne ne pourrait répéter les mêmes gestes. Dans l’intimité de notre piteux cabanon, nous partagions l’un de ces moments dont notre complicité avait le secret, un instant volé à la bienséance qui nous rendait aussi heureux l’un que l’autre.

Muette un instant face à sa question, je me contentai finalement d’hocher la tête. Ce n’était pas tout à fait vrai, pas complètement faux non plus. J’allais mieux puisque les doutes désespérant qui ne laissaient plus de place au reste avaient disparu. Allais-je suffisamment mieux ? Cela ne saurait tarder. Ses doigts se resserrèrent autour des miens, comme pour me promettre que ce serait effectivement le cas, et il n’insista pas plus. C’était mieux comme ça, mieux de laisser le sujet disparaître de lui-même. Je n’avais pas envie de lui mentir en lui soutenant une vérité qui n’en était qu’une moitié, mais je n’avais pas non plus envie d’exposer de nouvelles faiblesses. Elles avaient déjà été trop nombreuses à surgir en trop peu de temps. Certaines extrémités feraient mieux de rester des terres inexplorées. La peur qui avait jailli ne s’était pas embarrassée de telles considérations : face à un Junior blessé, par deux fois, mon coeur s’était emballé et les craintes m’avaient submergées. Je niais cependant ce fait avec un aplomb qui n’allégeait pas l’ineptie de cette affirmation. Évidemment, que j’avais eu peur, mais je m’offusquai quand même de cette supposition, pour la forme, avant de souligner la déception qui serait la sienne si, d’aventure, il se rendait compte que j’étais capable d’éprouver ces émotions-là. Ce serrrait affrrreux surenchéris-je avec le même ton moqueur que celui qu’il venait d’employer tout en m’emparant de la chaussette qu’il venait d’abandonner. Puis imagine que les émotions s’enchaînent ! Ça commence parrr de la peurrr puis vient l’amourrr, et en un clin d’oeil il y en a des dizaines d’autrrres. J’écarquillai les yeux, comme effarée par cette idée, avant de retrouver mon éternel sourire et de lever mon bras à hauteur de son visage : il était temps d’inverser nos rôles.

Il avait quelque chose de plus intime que ce que nous avions déjà partagé dans cette toilette surréelle et c’était un quelque chose que je n’imaginais pas chérir à ce point. Pourtant, j’avais envie que l’instant dure toujours et je prenais un plaisir coupable à effacer les traces de suie et de crasse sur ses pommettes, bien plus que je ne l’aurais jamais supposé. Il était bien le seul auprès de qui un moment si trivial pouvait prendre de telles tournures souveraines et me sembler si délicieux. Les paupières de Junior glissèrent, lui donnait l’air presque endormi, m’arrachant un sourire trop tendre pour être le mien. Si Grand-Père surgissait maintenant tel l’homme puissant qu’il était à mes yeux, à nos yeux à tous, je pouvais parier qu’il se demanderait s’il était bien face à moi. Enfin, la question ne se posait pas, et je profitai éhontément de l’instant, abandonnant une suite de caresses humides sur le visage de mon meilleur ami, prenant tout mon temps, bien loin de mon impulsivité naturelle. Je n’y manquerrrai pas, mon Amourrr soufflai-je pour ne pas trop troubler le calme paisible qui nous enveloppait. Je pris un peu plus de temps que nécessaire et son visage était parfaitement propre lorsque je reposais enfin notre chaussette d’infortune. J’avais plus que jamais envie d’un bon bain chaud, à défaut, une toilette en bonne et dûe forme suffirait, tout, tant que cela m’ôtait cette impression de saleté permanente. Il y a des bains à rrremous chez moi, qu’est-ce qu’on y serrrait bien rêvassai-je un peu, cessant toute projection future pour profiter des lèvres de Junior qu’il posa doucement sur les miennes. Je retins un soupir satisfait quand il les abandonna à leur solitude, passant un doigt sur l’arrête de son nez où perlait une gouttelette que mes soins avaient laissée. Il ne m’en fallait pas plus pour retrouver, aussi facilement que ça, cette sensation de plénitude. Je n’avais besoin de rien d’autre maintenant que nous étions parfaitement réconciliés et je me sentais de nouveau prête à affronter les heures avec fermeté. Ils viendraient, c’était certain. Et d’ici là, nous avions juste à nous lover l’un contre l’autre et à profiter de notre tête-à-tête pour rendre l’attente aussi douce que possible.

Terre à terre, mon meilleur ami se projetait déjà dans la suite, envisageant le pire : que personne ne vienne. Comme pour faire écho à ses dires, mon ventre gargouilla, m’arrachant un gloussement surpris. Je ne ressentais pas particulièrement la faim, peut-être à cause de toutes les émotions qui m’avaient coupé l’appétit, mais Junior n’avait pas tort. J’en ai aucune idée fis-je avec une petite grimace de dégoût à l’idée d’un poisson à peine mort, encore dégoulinant d’eau, posé à même le sol pendant que nous nous demanderions quoi en faire. On pourrra toujourrrs essayer demain, ou plus tarrrd. Mais si les crrréaturrres rrrevenaient ? Est-ce qu’on ne ferrrait pas mieux de cherrrcher autrrre chose, ailleurrrs ? C’était imprécis et vague, mais je savais que je finirais rapidement par tourner en rond entre ces quatre murs de tôle rouge. Pourtant, même si mon impulsivité me hurlerait bientôt de partir à la recherche de quelque chose, il y avait l’importance de cet abri. Nous savions ce que nous avions à laisser derrière nous, sans avoir la moindre idée de ce qu’on pourrait trouver plus loin. J’ai essayé d’appeler Knut, notrrre elfe de maison, en Norrrvège. Ils sont censés pouvoirrr trrransplaner parrrtout et rrrépondrrre aux orrrdres de leurrrs maîtrrres mais il n’est pas apparrru lui expliquai-je, un peu dépitée que cette sublime idée n’ait pas fonctionné. On pourrrait toujourrrs rrréessayer, si ça se trrrouve, ils perrrçoivent quand même quelque chose. Je terminais de dérouler mes pensées dans un soupir avant de me redresser pour alimenter le feu de quelques nouvelles bûches et rejoindre ensuite le lit dans lequel je m’affalai. Nous ne nous étions pas levés depuis bien longtemps, à peine celui d’aller jusqu’au lac, d’en revenir, de survivre aux assauts d’une créature démoniaque et de revenir ici. J’avais pourtant déjà envie de dormir, du moins de m’allonger et de profiter de la seule chaleur qui nous était offerte, le poêle excepté : celle de la couverture. Rehaussé de la notre, c’était un cocon rêvé. Junior se glissa à mes côtés et nous enroula dans le tissu épais du couvre-lit. Je reprenais déjà ma place contre lui, comme une preuve que nous n’aurions jamais dû la quitter. Je me laissais bercer par son parfum, sa proximité, ses bras autour de moi, mes pensées suivant leur cours jusqu’à ce que mes lèvres décident de rompre le silence qui s’était installé. Tu sais, j’ai vrrraiment passé de bonnes vacances chez toi. Bon, pas tous les moments grommelai-je d’un ton mauvais. Mais c’était quand même agrrréable. Je cherchai son regard pour lui adresser un sourire. Alors que j’allais me pelotonner à nouveau contre lui, j’avisai le verre que j’avais mis à chauffer sur le dessus en métal du poêle. J’abandonnai le lit une seconde à peine, le temps de m’en emparer, les doigts protégés par la seconde chaussette que je passais autour du verre, et retrouvai bien vite mon meilleur ami. Je ne sais pas ce que c’est mais ça ne sent pas mauvais, ça pourrra au moins nous rrréchauffer. Et peut-être même combler un peu cette sensation de faim vu comme le liquide était épais. Mon regard clair interrogea Junior : s’il ne voulait pas tester, je le ferais sans hésiter, mais s’il avait envie de commencer, je lui laissais la priorité.
electric bird.

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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyJeu 27 Aoû - 0:20



The cold never bothered me anyway
ft. @Erin B. Sørensen & C. Junior d'Archambault

Quiconque serait entré à ce moment précis n’aurait jamais pu imaginer tout ce que nous venions de traverser ces dernières minutes, il ne verrait que deux adolescents proches et gloussants, en train de se taquiner au milieu de rien, comme si tout était parfaitement normal… Plus de craintes insurmontables ni de disputes, pas même un regard courroucé ou quelque reproche à peine voilé. Et, finalement, c’était tout nous. Cette valse infinie faite de nuages et de légèreté, tantôt lente et tendre, tantôt cassante et effrénée. Et aujourd’hui plus que jamais, son rythme avait quelque chose de rassurant. Ne pas s’arrêter sur les ombres gênantes, ne pas retenir que ce qui n’allait pas… Nous n’étions pas très doués, pour ça. Nous ne l’avions jamais été. Bien trop liés pour s’éloigner longtemps ou tenir éternellement des bouderies inutiles. Notre bulle s’était reformée autour de nous, comme toujours, et tenait à distance ce monde inquiétant qui s’étendait à l’extérieur. Il n’y avait plus ni créature ni absence, au diable l’isolement total dont nous étions victimes, il ne restait que cette chaussette humide et les caresses attendries que j’abandonnais sur sa peau, la délestant de la crasse qui la maculait depuis la veille. C’était un moment hors du temps, même dans cette parenthèse polaire. J’étais loin des sentiers que j’affectionnais d’ordinaire et, pourtant, pour rien au monde je n’aurais fait autre chose. C’était grisant de m’occuper ainsi d’elle et de la voir se laisser aller totalement à mes soins. Je prenais mon temps, sûrement plus qu’il ne l’aurait fallu en réalité, profitant de son visage sous mes doigts et de la sensation délicieuse d’une exclusivité.

Avec ce sourrrirrre, on dirrrait plutôt un charrrlatan.
Je ne te permets pas, jeune fille.

Je n’en pensais évidemment pas grand chose… Je terminai tranquillement mon ouvrage, me perdant silencieusement dans la contemplation de ses traits alors que la chaussette se noircissait de poussière. Elle était belle, ma meilleure amie. Elle l’avait toujours été, bien sûr, mais il me semblait qu’elle le devenait de plus en plus avec le temps. Le charme de ses sourires était sans égal et je me savais capable de me noyer dans l’océan de son regard, me laissant envoûter sans même prendre la peine de m’en offusquer. Poudlard était plein de jeunes femmes ravissantes, c’était un fait, mais aucune ne lui parvenait à la cheville. Elles étaient jolies mais fades, se fondant sans mal dans le paysage terne du château… Erin était bien loin de tout ça, resplendissante, flamboyante… Elle n’avait qu’à se glisser quelque part pour qu’on ne remarque plus qu’elle. Son aveu brisa finalement le silence et m’interrompit dans mes éloges silencieux : elle avait été victime des mêmes pensées empreintes de désespoir… Cependant, elle ne s’attarda pas sur le sujet et je n’insistai pas pour qu’elle le fasse. Elle me connaissait assez pour savoir que mon attention lui était toute entière offerte et que si d’aventure elle voulait se confier, je l’écouterais aussi longtemps et attentivement que possible. À la place, elle plongea dans une nouvelle bêtise… et je l’y suivis, bien évidemment…

Ce serrrait affrrreux. Puis imagine que les émotions s’enchaînent ! Ça commence parrr de la peurrr puis vient l’amourrr, et en un clin d’oeil il y en a des dizaines d’autrrres.

Un rire un rien bête m’échappa malgré moi. J’aurais aimé prétendre que sa réplique m’avait laissé parfaitement indifférent mais ça ne fut pas le cas. Un petit coup au coeur, un battement raté… Quelque chose que je refusais de m’expliquer. La déception de la plaisanterie, l’espoir fugace d’un sous-entendu… Je ne savais pas très bien. Je ne voulais pas savoir, je crois. Il y avait des choses dont on ne parlait pas et tout ça en faisait partie. Je n’avais aucune envie que ça change. C’était sûrement la fatigue ou la situation, voilà tout. C’était inutile de s’y attarder… Aussi je m’appliquais à ne rien montrer de ce trouble passager.

Fichtre, tout mais pas ça, m’exclamai-je d’un ton théâtral, la main sur le front comme si j’étais à deux doigts de défaillir. Pas l’amour et des dizaines d’autres ! Comment pourrais-tu y survivre ?!

Un dernier ricanement un peu moqueur et Erin me fit taire de la plus douce des manières, reprenant mes gestes tels les siens et ôtant de mes joues les traces de nos mésaventures. Je n’opposais pas l’ombre d’une résistance, m’abandonnant tout entier à ses attentions. Je fermai les yeux et oubliai jusqu’à notre situation. Il n’y avait qu’elle et la douceur de ses caresses, son souffle proche qui refroidissait l’humidité tiède à peine fut-elle déposée. Qui aurait cru un jour que la Grande Erin Sørensen, toujours drapée de son aura de noblesse polaire, s’abaisserait à faire ainsi ma toilette ? Certainement pas moi, je le reconnais volontiers ! Et pourtant… C’était l’un des moments les plus agréables au monde, sincèrement. Comme souvent à ses côtés, j’avais l’impression que rien ne pourrait jamais m’arriver. Là, durant ces quelques minutes de bien-être parfait, le monde aurait pu s’effondrer que je n’aurais pas trouvé utile de m’en inquiéter…

Je n’y manquerrrai pas, mon Amourrr

Je pouvais presque entendre son sourire dans sa voix, et cela suffit à agrandir le mien. Je n’étais pas pressé qu’elle arrête. Le monde s’était arrêté de tourner, et dans cette cabane pitoyable, ça faisait un bien fou. Malheureusement, j’imagine que la crasse finit par disparaître puisqu’elle arrêta son occupation. Je rouvris les yeux presque à contre-coeur.

Il y a des bains à rrremous chez moi, qu’est-ce qu’on y serrrait bien.
Je suis prêt à me montrer moins exigent que toi pour une fois… Rien qu’une douche serait déjà parfaite !

Un sourire exagérément désespéré et mes lèvres retrouvèrent les siennes. Néanmoins, le cocon parfait dans lequel elle m’avait plongé se rouvrait peu à peu à la réalité et à tout ce qui nous attendait encore… Nous n’avions rien mangé depuis le petit-déjeuner de la veille, il faudrait penser à partir à la recherche de quelque chose à avaler… Et, dans tous les cas, de partir à la recherche du reste du monde… Nous ne pourrions pas rester éternellement ici… Nous ne serions pas à l’abri longtemps. Si personne ne venait nous chercher, il faudrait bouger… Au moins dans l’espoir de tomber sur une ville ou un village, quelqu’un avec un hibou ou un service postal même moldu… Peu importait. Écrire à nos parents, au Ministère, à quelqu’un qui pourrait faire quelque chose ou accélérer les recherches… Pour un peu qu’elles existent toujours… En réponse à mes interrogations, l’estomac d’Erin se mit à gargouiller et, comme deux enfants, on gloussa de concert.

J’en ai aucune idée. On pourrra toujourrrs essayer demain, ou plus tarrrd.

Je hochai simplement la tête. Nous pouvions survivre encore un peu sans manger, je le savais très bien, mais mieux valait éviter d’attendre le dernier moment pour nous y mettre… D’autant plus qu’autant que je me souvenais, je n’avais jamais connu la faim et je doutais qu’il en soit autrement pour Erin… Bien sûr, parfois mon estomac gargouillait en fin de matinée alors qu’approchait l’heure de déjeuner, mais c’était bien le pire que j’avais eu à supporter un jour ! Je n’avais pas envie de subir les douleurs et les faiblesses qu’on évoquait parfois dans les romans…

Mais si les crrréaturrres rrrevenaient ? Est-ce qu’on ne ferrrait pas mieux de cherrrcher autrrre chose, ailleurrrs ?
On aura qu’à faire attention. On sait qu’elles sont là, maintenant, on se montrera plus prudents, tentai-je de la rassurer. Mais… J’aimerais qu’on attende ici encore un peu… Au moins jusqu’à demain soir ? Si personne n’est venu, nous partirons à la recherche d’autre chose… d’accord ?

Ça ferait plus de quarante-huit heures, d’ici là… Largement assez pour nous retrouver, non ? Je ne voulais pas qu’on s’éloigne trop vite des restes de notre portoloin, au cas où, mais nous ne pourrions pas moisir ici bien longtemps… Le confort était sommaire, nous étions au milieu de rien et entourés de créatures potentiellement dangereuse… Sans nourriture, sans vêtements chauds… J’étais prêt à me mettre à prier pour un peu qu’on me promette que les secours étaient en chemin. Devoir quitter le cabanon, c’était prendre le risque de perdre le peu que nous avions… Un abri, la chaleur du poêle, de quoi survivre un minimum… Nous n’étions même pas sûrs de trouver quoi que ce soit d’autre ailleurs… Rien ne nous disait que ça n’était pas la seule maison sur des centaines de kilomètres… Et nous ne tiendrions jamais, dehors, si peu vêtus, sur des centaines de kilomètres… Ce serait sûrement un passage nécessaire mais il n’en était pas moins effrayant. Je n’étais pas pressé de tirer un trait sur tout ça…

J’ai essayé d’appeler Knut, notrrre elfe de maison, en Norrrvège. Ils sont censés pouvoirrr trrransplaner parrrtout et rrrépondrrre aux orrrdres de leurrrs maîtrrres mais il n’est pas apparrru. On pourrrait toujourrrs rrréessayer, si ça se trrrouve, ils perrrçoivent quand même quelque chose.

Durant une seconde, le silence retomba sur notre duo… Erin en profita pour remettre quelques bûches dans le poêle et je la regardai faire sans la voir vraiment.

Je ne suis pas très doué en géographie mais… nous sommes sûrement à plusieurs milliers de kilomètres de chez toi. C’est peut-être trop, même pour un elfe… Enfin, après, il est peut-être juste en train de chercher une solution pour transplaner jusque là sans finir désartibuler, on ne sait pas…

La Poufsouffle remonta sur le lit, s’y allongeant comme si ça faisait des heures et des heures que nous l’avions quitté. Le temps s’écoulait étrangement sur ces terres hostiles… Bien trop lent pour nous offrir la moindre prise correcte… Je ne me fis pas prier pour me relever à mon tour et la rejoindre, nous enveloppant tous les deux dans la couverture. Mes bras glissèrent autour de son corps fin, mon visage plongeant tendrement dans la masse emmêlée de ses cheveux. Leur odeur n’était plus tout à fait la même, rendue un peu plus âcre que d’ordinaire par la poussière, la suie et la saleté dans laquelle nous baignons depuis plus d’une journée maintenant, mais je m’en accommodais très bien. Je retrouvais peu à peu la même tranquillité que la veille, seulement troublée par les heures qui passaient sans que personne ne vienne jamais… Ma respiration se cala presque machinalement sur le rythme de la sienne et je me retrouvais à somnoler à moitié, laissant mon esprit voguer où bon lui semblait sans prendre la peine de l’arrêter. Et là, étendu près d’elle, je me surpris à espérer que ça durerait, même si nous devions rentrer. J’étais incapable de savoir avec exactitude ce que je voulais voir perdurer… Cette intimité ? Cette proximité ? Ou l’existence d’un endroit qui n’appartenait qu’à nous ? Les trois, peut-être… Peu importait en réalité. Nous n’avions jamais rien connu de semblable. Plus d’une journée, seuls, sans parent ni camarade… Juste elle et moi dans ce qui s’apparentait presque à un « chez-nous ». Tant que nous serions ici, ça le serait en tout cas. Je voulais garder ça. Que ça prenne corps un jour dans nos vies, les vraies. Ça restait flou, bien sûr, ça n’était qu’une sensation vague et lointaine, mais les contours de quelque chose de plus vaste qu’une simple mésaventure se dessinaient déjà…

Tu sais, j’ai vrrraiment passé de bonnes vacances chez toi. Bon, pas tous les moments. Mais c’était quand même agrrréable.
Ah non ? Pas tous…? Je suis déçu. En tout cas, je ne vois qu’une solution : te réinviter rapidement pour rattraper ça.

Il était évident que ça n’était qu’un prétexte comme un autre pour lui faire savoir que j’avais bien l’intention de faire de cette première fois une habitude. Je retrouvais néanmoins rapidement un semblant de sérieux, mon regard rivé dans le sien et mon étreinte se resserrant tendrement.

Quels étaient les mauvais moments, ma douce ?

Si c’était ceux qu’elle avait passé en compagnie de ma mère, je pouvais toujours m’arranger pour que nous partions loin d’elle, la prochaine fois. Il y aurait bien un cousin pour nous accueillir ou une maison vide à emprunter. J’étais certain que, quoi qu’il lui ait déplu, nous trouverions une solution d’ici notre prochain voyage. J’amorçai un geste pour l’embrasser mais, déjà, elle s’échappait, s’arrachant d’entre mes bras pour rejoindre le poêle. Je me laissai retomber sur les coussins dans un soupir boudeur mais j’eus à peine le temps de finir d’expirer qu’elle était déjà revenue, les mains pleines d’un verre contenant je ne savais trop quoi. Mon regard se fit plus dubitatif que prévu et elle dut sûrement le remarquer puisqu’elle s’expliqua presque aussitôt :

Je ne sais pas ce que c’est mais ça ne sent pas mauvais, ça pourrra au moins nous rrréchauffer.

C’était vague… Qu’est-ce qui nous disait que ça n’était pas un poison pour les créatures que nous avions croisées ? Et puis, je n’avais pas pour habitude de me fier qu’à l’odeur pour boire quoi que ce soit… Mon parfum sentait très bon mais je n’avais jamais eu envie d’en siffler le flacon pour autant ! Néanmoins, je la connaissais assez pour savoir qu’elle goûterait, quoi que ça puisse être et qu’importe si je le faisais ou non… Et je refusais de la laisser prendre bêtement le risque d’avaler quelque chose de nocif si je pouvais le lui éviter… Alors sans grand entrain, mes doigts se saisirent de ce qu’elle me tendait et j’y plongeai les lèvres sans m’offrir une seconde de réflexion. C’était tout d’abord tiède et sucré, un de ces goûts rassurants, un peu vanillé, quelques notes de caramel… Ça rappelait l’enfance et les biscuits engloutis dès la fin de leur cuisson… Mais rapidement, ça laissa place à un fond plus fort et plus amer, un alcool quelconque que je n’identifiai pas, m’arrachant une grimace surprise. Oh, ça n’était pas la première fois que je buvais, et elle était bien placée pour le savoir, mais je savais au moins à quoi m’attendre. Là non. Je m’étais laissé la surprise totale, sûrement pour ne pas me défiler en cours de route. Elle pourrait bien se moquer tant qu’elle voudrait ! J’eus un instant d’hésitation, comme si je m’attendais presque à mourir sur le champ, foudroyé par quelque poison sournois, mais finis par lui rendre son verre.

C’est bon, c’est sucré, reconnus-je simplement, mais je n’ai aucune idée de ce qu’il y a dedans. Une espèce d’eau-de-vie ou quelque chose comme ça… C’est fort en tout cas. Tu as trouvé ça où ?

Parce qu’il était évident que c’était tout à fait le genre de questions à poser après en avoir bu, bien sûr… Mais qu’importe. Si jamais il m’arrivait quelque chose dans les secondes qu’elle prendrait à répondre, elle saurait au moins qu’il ne fallait pas goûter à son tour…
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptySam 29 Aoû - 14:42

the cold never bothered me anyway
junior & erin


D’un ricanement effronté je balayai ce semblant de réprimande. Mon regard clair avait retrouvé ses étincelles habituelles, les ombres qui l’alourdissaient jusque là s’effaçant sous les caresses impitoyables d’une chaussette humide. Nos taquineries étaient comme une douce chaleur, plus efficace que n’importe quelle autre pour chasser le froid polaire de ces lieux. Sous l’air faussement réprobateur de mon meilleur ami, je discernais ce même abandon qui me plongeait toute entière dans l’instant présent. Tout le reste n’avait plus d’importance, plus d’existence, même. La magie de notre bulle complice ne souffrait pas l’hostilité de ces terres inconnues : qu’importe les querelles, les créatures venues des légendes, les doutes, le froid, la faim, les craintes… elle était plus forte que cela, nous étions plus forts que cela. C’est né huit jours plus tôt que moi et ça se prrrend pour un vieux sage. Un claquement de langue faussement réprobateur vint souligner l’air supérieur que je pris, quelques secondes seulement avant que mes paroles ne se noient dans un nouveau rire. Il mettait bien trop d’application dans chacun de ses gestes pour que je puisse me montrer longtemps impertinente. Et puis… je savourais plus que de raison ses gestes qui abandonnaient des caresses sur mon visage, cette proximité née d’un tête à tête inconcevable jusqu’à ce qu’il prenne vie, cette concentration rêveuse qui brillait au fond de ses yeux bleus, cette sensation apaisante qui me berçait. Rares étaient les fois où je me pliais à la volonté des autres sans rechigner et où rester immobile n’effritait pas le peu de patience que je possédais. Cette fois-ci en particulier, je voulais bien qu’elle dure toujours.

Même le désespoir qui s’était abattu sur nous à l’extérieur du cabanon et qui s'immisça dans notre bulle, entre quelques aveux et une confirmation silencieuse, ne parvint pas à souffler la flamme de notre complicité. Un ton théâtral et un rire moqueur vinrent ironiser sur ma prédisposition à avoir des sentiments. Nombreux étaient ceux qui m’en pensaient incapables, car après tout, je n’en faisais pas étalage. Cruelle, brutale, sans coeur… ma réputation était composée du plus savoureux des champs lexicaux. Néanmoins, il y avait une personne qui inversait toutes ces tendances, et elle était entrain de suivre du regard mes mouvements alors que je me saisissais de la chaussette abandonnée à son triste sort dans l’eau encore tiède. Je n’avais pas la constance des émotions de mon jumeau, pas plus que la retenue de mon aîné ou l’insipide fadeur de ma cadette. Chez moi, tout était toujours trop violent et impulsif, trop entier et véritable. Il n’y avait pas de place pour la demi-mesure. Junior, dans ce lien tout particulier qui nous unissait, était l’unique témoin de traits insoupçonnés. Qui pouvait seulement m’imaginer, moi, si terrible, prête à faire la toilette de mon meilleur ami avec un sourire qui n’avait rien de mauvais ? Qu’importe, je me sentais bien, dans ce tableau, chimérique pour bien du monde, d’une sincérité et d’une évidence désarmante en réalité. Un ricanement moqueur s’échappa d’entre mes lèvres ourlées d’un sourire amusé face à sa posture et son ton exagérés. J’entrepris de lui rendre son éclat habituel, effaçant les traces de nos mésaventures de son beau visage en même temps que les craintes qui étreignaient ses pensées, sa question restant en suspens quelques secondes. Il laissa rapidement ses paupières glisser sur ses yeux bleus, me masquant à son regard, s’abandonnant à mes soins. J’en profitai pour détailler chaque parcelle de sa peau sur laquelle j’égarais mes bons soins, suivant le gré de mes envies plutôt qu’une logique parfaitement ordonnée. Ne t’en fais pas, je m’en accommode trrrès bien jusqu’à prrrésent. J’en plaisantais moi-même quelques secondes auparavant, et pourtant, un étrange pincement me serra le coeur, sans que je sois capable d’en comprendre la raison, ni même les conséquences. La légèreté de nos propos s’accordaient mal avec ce sérieux qui venait troubler mon sourire flamboyant. Et je n’avais pas envie de m’y attarder alors je chassai toute la gravité que j’étais certainement la seul à ressentir d’un ton plus sarcastique. Et puis, si ça devenait trrrop dangerrreux, je pourrrais toujourrrs demander une potion à Grrrrand-Mèrrre. Je suis sûrrre qu’elle doit avoirrr quelque chose pourrr tuer les émotions. C’est peut-êtrrre ce que prrrend Finn pourrr êtrrre toujourrrs si apathique.

Un silence tranquille nous tomba dessus, ajoutant une touche irréelle à ce moment pourtant plus authentique que n’importe lequel. Le visage de Junior retrouvait peu à peu toute son élégance, débarrassé des traces qui le maculaient jusque là et qui, si elles lui donnaient effectivement un air aventurier et baroudeur, n’avaient jamais pu lui ôter une once de son charme naturel. Il pourrait plonger la tête dans le pôele et ressortir noir de suie, se vêtir de haillon et ne plus se coiffer, qu’il resterait paré des mêmes atours à mes yeux. Mais enfin, le retrouver presque aussi soigné qu’à l’accoutumé avait quelque chose de rassurant, quand bien même c’était nos salissements respectifs qui avaient conduits à une telle intimité, et que j’étais prête à lui promettre encore et encore de recommencer pour retrouver la délicieuse magie de cet instant. Avec un sourire en coin, je retrempai brièvement la chaussette dans l’eau pour la débarrasser du plus gros des impuretés, mon meilleur ami me gratifiant d’un regard qui semblait me reprocher d’avoir déjà arrêté, et je la passai dans sa chevelure châtain, avant de coiffer le plus gros de ses mèches rebelles comme je le pouvais de mon autre main. Voilà, prrresque prrrésentable. Il était, évidemment, bien plus que cela, mais la taquinerie clôtura nos toilettes et le gant se retrouva à flotter pitoyablement dans l’eau de la casserole que nous dédaignions déjà. Dans un soupir, je me languis des bains à remous qui agrémentaient notre propriété, à Kristiansand. Qu’avez-vous fait de mon meilleurrr ami soufflai-je avec un sourire un brin moqueur alors qu’il soupirait de manière bien plus exagérée que je ne l’avais fait et m’empêchait d’en dire plus en scellant mes lèvres d’un baiser.

Des considérations plus terre à terre, moins douces, se rappelèrent à nos esprits fatigués et nos estomacs vides. Le mien se mit à protester, nous faisant glousser à l’unisson et éloignant ainsi, encore un peu, les nuages qui ne tarderaient pas à revenir. Manger était essentiel mais cette priorité pouvait attendre encore un peu, tant que nous avions de l’eau. Si par colère j’avais déjà sauté quelques repas, je n’avais jamais connu de situation où il m’était impossible, aussitôt que je le désirais, de trouver de quoi me nourrir. La situation nécessiterait que nous franchissions de nouvelles limites, mais plus tard. Je n’étais pas pressée de retourner à l’extérieur maintenant que nous savions quelles créatures rôdaient. Et peut-être, peut-être que si personne ne venait nous chercher très vite, peut-être qu’il faudrait envisager de trouver un autre abri. L’idée avait des avantages mais bien des inconvénients. Dont celui, majeur, de nous laisser sans certitudes quant à ce que nous serions capables de trouver. D’accorrrd consentis-je, sans trop de mal. Mais si le moindrrre doute rrrevient, il faut se le dirrre, ce pourrrait-êtrrre encorrre ces démons en forrrme de cailloux. Je ne tenais pas vraiment à retrouver mon meilleur ami assailli par les griffes d’une créature agressive. Hormis qu’elles propageaient un désespoir intense et paralysant, elles n’avaient pas l’air bien farouches, fuyant sans demander leur reste. C’était du moins la conclusion que je tirais de notre première et unique rencontre avec l’une d’elles, et parce qu’elles touchaient à l’esprit et aux émotions, je n’étais guère pressée d’en rencontrer une à nouveau. M’arrachant à ce sol dur et froid, je remis quelques bûches dans le feu afin de le raviver, tout en racontant à Junior ce que j’avais tenté, sans grand succès. On ne savait pas, c’était tout ce qu’on pouvait en dire, et j’haussai les épaules sans renchérir. Comment fonctionnait la magie de nos elfes, je n’en savais rien, ne m’intéressant pas à ce qui nous était inférieur. L’implacable logique voulait qu’ils répondent aux ordres de leurs maîtres, mais que faire quand une telle distance nous séparait ?

Je grimpai sur le lit une fois mon feu attisé et me pelotonnai contre mon meilleur ami quand celui-ci me rejoignit, nous isolant sous la chaleur de la couverture. Ses bras autour de mon corps me gardaient tout contre lui et mon visage vint s’enfouir contre son cou. Ainsi entremêlés, masses informes de bras, de jambes et de cheveux, nous nous laissâmes bercer par nos silences et le réconfort que nous trouvions dans la présence de l’autre. Pour rien au monde je n’échangerai ma place. Nous étions sales, perdus, seuls, confus, pourtant je ne souhaitais être nulle part ailleurs. Du moins, avec personne d’autre. Peut-être m’assoupis-je un peu, du moins mes pensées prirent-elle une tournure plus imaginaire, faisant de ce cabanon miteux un château digne d’un conte de fées et de notre errance, une fuite volontaire. Nous étions seuls, mais n’avions à nous soucier de rien de plus que de nous chamailler, encore et encore. Nous étions seuls, mais il n’y avait que les délices d’une telle situation qui subsistaient, et que nos sourires entretenaient. Comme un futur rêvé qui prenait place dans mes songes alors que je somnolais dans les bras de Junior. Était-ce un rêve produit par mon inconscient ou la divagation de mes pensées, je ne savais plus trop, perdue dans un entre-deux qui n’était pas tout à fait le sommeil, pas tout à fait l’éveil non plus. Jusqu’à ce que je brise notre torpeur de quelques mots, alors que mon esprit déroulait les souvenirs de nos quelques jours passés en France, auprès des siens. Du bout des doigts, je chassai une poussière imaginaire sur sa joue, mon sourire approuvant son invitation. Volontier. Il faudrrra bien penser à compenser les mauvais moments fis-je avec une prétention amusée. Je ne lui tenais pas vraiment rigueur de ces quelques ombres au tableau… encore que. C’étaient elles les premières qui avaient surgi dans mon esprit sous l’influence démoniaque des créatures qui charriaient le désespoir. M’affectaient-elles plus que je ne voulais l’admettre ? Peut-être bien. Je tâchai de ne rien en laisser paraître, cependant, alors qu’il resserrait doucement l’emprise de son étreinte autour de moi. Mes doigts égarés sur sa joue comblèrent le court silence qui précéda ma réponse. Ce ne serrrait pas rrrendrrre justice à nos vacances que de dirrre qu’il y en a eu plusieurrrs. Elles étaient parrrfaites, l’heurrre passée loin de toi alorrrs que tu dansais avec je ne sais qui pendant que l’autrrre tâche se pensait maligne à essayer de semer la discorrrde entrrre nous. Il devinerait bien qui était la tâche en question, je n’avais pas besoin de préciser que je parlais de son affreuse demi-soeur. Elle n’avait pas réussi, ma confiance en Junior et en ce lien plus fort que tout étant suffisamment inébranlable pour résister aux assauts d’une petite peste. Pour autant, le voir valser avec cette fille m’avait profondément agacée et ce n’est pas parce que je ne me souvenais plus de ce pincement au coeur que je ne l’avais pas ressenti, sur le coup. Ajouté à cela la présence lointaine de Charles-Auguste qui avait bien tenté de me ravir quelques minutes de mon précieux temps, et c’était définitivement le pire moment de mon séjour en France.

Je m’échappai de ces souvenirs en même temps que de notre couchette, mon regard clair se posant sur le verre que j’avais laissé à chauffer sur le dessus du poêle. Junior me laissa revenir avec un regard sceptique au possible qui ne s’effaça pas sous mes explications. S’il ne voulait pas essayer, tant pis pour lui, je me laisserai tenter pour ma part. Ça ne pouvait pas être pire que de ne rien boire de chaud du tout, et de l’eau sans rien infusé dedans ne me tentait guère. Mon meilleur ami ne me laissa pas plus le temps de le convaincre ou de me lancer que cela, s’emparant du verre et y trempant ses lèvres. Je scrutais son visage, attentive à la moindre réaction, un sourire étirant mes lèvres alors que ses prunelles s’écarquillaient de surprise, visiblement agréable. Puis un gloussement le remplaça quand il afficha une grimace. Alorrrs ? lui demandai-je tandis qu’il me redonnait le verre et que j’en sentais de nouveau tous les parfums. Sa description me donnait plutôt envie d’essayer et j’en avalais donc une gorgée, avant de répondre à sa question. La réalité était fidèle à sa description et, prévenue de l’alcool que la boisson contenait, je ne me laissais pas avoir par l’amertume qui remplaça le goût sucré. C’était dans une bouteille que j’ai trrrouvé dans un des placarrrds, celle que j’ai nettoyé pourrr mettrrre de l’eau dedans. La chaleur qui se propageait le long de ma gorge était des plus agréables, mais nous en avions peu, si peu… Tu en rrreveux ? On peut peut-êtrrre le couper à l’eau, ça serrrait moins forrrt et ça ferrrait une sorrrte de... thé proposai-je, sans trop savoir ce que ça pourrait donner, à part un peu plus d’une chaleur bienvenue.
electric bird.

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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyDim 6 Sep - 19:40



The cold never bothered me anyway
ft. @Erin B. Sørensen & C. Junior d'Archambault

Nous retrouvions doucement ce à quoi nous étions habitués. Peu importait, en réalité, l’environnement dans lequel nous évoluions, il n’y avait que nous pour seule constante, notre relation en deux temps et la suffisance que cela pouvait amener. Même ici, au milieu de rien et alors que les craintes se faisaient présentes, je ne me sentais pas parfaitement perdu, et ce parce qu’elle était là. Ça aurait pu être perturbant si ça n’avait pas toujours fait partie de mes habitudes. Erin était et avait toujours été mon principal repère. Celui que je cherchai à la moindre occasion, auquel je m’accrochais dès que quelque chose n’allait pas… Elle souriait, alors je pouvais me détendre. Elle ne semblait pas désespérée par la situation alors je pouvais relativiser. J’avais eu tout l’occasion de voir que ça ne marchait pas avec tout le monde aussi simplement qu’avec elle… Mais rien ne marchait aussi simplement qu’avec elle. Absolument rien. Jamais. Il y avait dans notre relation ce quelque chose d’unique qui la rendait que plus précieuse encore, une confiance absolue qui me permettait de lâcher un peu prise dans les situations les plus chaotiques pour me caler sur elle. Et aujourd’hui, c’était sûrement ce qu’il y avait de plus agréable. Pouvoir mettre entre parenthèse tous les malheurs du monde, rien qu’un instant, et profiter de ces moments que nous ne recroiserions sûrement jamais. Même si rien n’allait, j’aurais voulu qu’ils durent toujours. Profiter de cette intimité parfaite sans qu’on ne vienne jamais nous déranger.

C’est né huit jours plus tôt que moi et ça se prrrend pour un vieux sage.

Un claquement de langue et un air faussement réprobateur vinrent ponctuer son reproche. Je me contentais de hocher la tête avec un entrain surjoué, vaguement supérieur peut-être.

Il serait temps d’apprendre à respecter tes aînés.

Je n’en pensais bien évidemment pas un mot et n’avais jamais réclamé ce rôle dont je me fichais éperdument. Peut-être que si j’avais eu des frères et soeurs, des vrais en tout cas, ça aurait eu une importance quelconque dans ma vie mais il fallait bien avouer que ça me passait largement au-dessus… surtout pour huit jours. Je ne m’éternisai pas sur cette histoire et achevai mon oeuvre avec une tendresse palpable. Parfois, je me demandais si le naturel avec lequel nous nous abandonnions à ces douces habitudes pourrait un jour exister avec une autre. Je n’arrivais pas vraiment à me décider. D’un côté, je n’en avais aucune envie, je ne voulais qu’une Reine et aurais donné n’importe quoi pour qu’on m’assure que mes lèvres ne connaîtraient plus que les siennes… mais d’un autre, je savais pertinemment que ça n’arriverait pas et me surprenais presque à espérer que les traces que ces caresses laisseraient ne seraient pas trop insurmontables. C’était une sensation étrange, entre une envie d’éternité et les contours encore flous d’un avenir imposé. Et comme si elle lisait dans mes pensées, elle déroula le fil des émotions, laissant une incertitude aussi troublante que grisante au milieu de tout ça… C’est que Madame se mettait à parler d’amour, jeté ainsi comme une plaisanterie mais attiré en même temps par la certitude de cette peur qui avait été sienne. Je ne savais pas trop quoi en penser. Rien, sûrement… Nos rôles s’inversèrent et je m’abandonnais tout entier à ses soins.

Ne t’en fais pas, je m’en accommode trrrès bien jusqu’à prrrésent.

Je sentis mes joues rosir légèrement sous la chaussette, comme si elles étaient à nouveau mordues par le froid. Il n’en était rien, pourtant, il n’y avait là que la perspective inattendue et délicieuse qu’il s’agisse plus d’une déclaration que d’une simple blague. Nous n’avions jamais vraiment abordé le sujet, en réalité… Je parlais toujours d’elle comme de ma meilleure amie, ce qu’elle était assurément… Mais de cette jalousie qui nous avait pris tous les deux, des changements qu’elle avait engendrés ou de nos têtes-à-têtes toujours plus câlins, aucun commentaire n’avait jamais fait. C’était comme une suite logique, quelque chose d’évident… Mais à bien y réfléchir, j’étais incapable de savoir si nous étions « ensemble » ou bien s’il s’agissait seulement d’une amitié trop intense. Je n’étais pas certain de le vouloir, comme si lever le voile sur ce qui nous liait pouvait nous précipiter à notre perte. Alors de là à savoir s’il y avait véritablement de l’amour entre nous… Oh, je ne me faisais pas d’idée sur la question : je l’aimais. Ça avait toujours été le cas. On ne pouvait pas être aussi proche de quelqu’un sans rien ressentir pour, c’était évident… Mais de là à discerner si c’était un sentiment amoureux ou autre chose moins dépaysant…

Et puis, si ça devenait trrrop dangerrreux, je pourrrais toujourrrs demander une potion à Grrrrand-Mèrrre. Je suis sûrrre qu’elle doit avoirrr quelque chose pourrr tuer les émotions. C’est peut-êtrrre ce que prrrend Finn pourrr êtrrre toujourrrs si apathique.
Que tu es méchante avec ce pauvre Finn, soufflai-je dans un sourire qui me contredisait totalement avant de retrouver malgré moi un certain sérieux. Ça pourrait devenir dangereux ? Vraiment ?

Peut-être, dans le fond… J’imagine que si ma mère avait été amoureuse de mon père, ça l’aurait été… Je n’osais même pas imaginer les conséquences désastreuses que ça pouvait avoir. Je n’y avais jamais réfléchi mais, vu comme ça, je n’étais plus très sûr d’avoir envie de faire entrer cette variable dans ma vie future. Perdre le contrôle, prendre le risque d’en pâtir, d’agir pousser par autre chose qu’une raison claire et stable… Heureusement, les attentions d’Erin suffirent à chasser ces questionnements stupides. J’avais largement le temps pour tout ça et je préférais me concentrer sur cet instant qui touchait déjà à sa fin. Ce qui me parut une seconde à peine plus tard, elle cessait ses caresses et replongeait le tissu dans l’eau. Je rouvris les yeux, déçu que ça s’achève si vite… C’est que j’étais bien, là, à subir avec envie l’humidité de son nettoyage. J’étais très bien, même. Mais contre toute attente, elle n’en resta pas là et passa notre gant de fortune dans mes cheveux avant d’y glisser ses doigts sous mes gloussements ravis.

Voilà, prrresque prrrésentable.

Je levais les yeux au ciel, comme si ce presque pouvait être vexant alors que j’avais parfaitement conscience qu’il était plus que de rigueur dans un tel cas, et laissai mes lèvres effleurer les siennes. Notre parenthèse enchantée ayant pris fin, la réalité s’imposa à nouveau d’elle-même. Nous n’étions pas chez nous, nous étions au milieu de rien. Il nous faudrait trouver de quoi manger, sûrement d’autres humains également… Nous pouvions nous accorder un répit vaguement plus long, bien sûr, mais il nous faudrait penser à plus long terme à un moment, envisager que personne ne viendrait et agir en conséquence. Et c’était particulièrement effrayant en soi. Nous étions seuls au monde, ici. Nous avions marché des heures la veille sans rien trouver d’autres que cette cabane… Qui savait si nous pourrions trouver autre chose ?! Abandonner notre abri nous mènerait peut-être à notre perte…Je nous voyais presque mourir de froid dans ce désert sans fin… Il fallait tout de même attendre un peu dans les environs, au cas où nos parents, les secours ou n’importe qui seraient en chemin… Mais là encore, nous ne pourrions pas attendre éternellement. Il faudrait finir par se rendre à l’évidence et accepter de continuer en ne pouvant plus compter que sur nous…

D’accorrrd. Mais si le moindrrre doute rrrevient, il faut se le dirrre, ce pourrrait êtrrre encorrre ces démons en forrrme de cailloux.
Mais ça marche dans les deux sens, Erin… N’attends pas que ça passe pour le dire. D’accord…?

Parce qu’elle n’avait pas fait beaucoup mieux que moi sur ce coup-là… Et elle n’avait d’ailleurs toujours rien dit, seulement que ça allait mieux, ce qui restait léger… Je ne pouvais qu’espérer que ses pensées n’avaient pas été trop sombres et qu’elles ne laisseraient rien derrière elle. Que c’était définitivement fini. Elle glissa quelques bûches dans le poêle et remonta sur le lit. Je ne mis qu’un instant à la rejoindre, retrouvant sa chaleur avec un plaisir que je ne boudais pas. D’aussi loin que je me souvenais, c’était la seule fois de notre vie où nous n’avions rien d’autres à faire que de profiter seulement de la présence de l’autre. Rien du tout… Pas de monde à conquérir, ni de cours à rejoindre, pas de parents à satisfaire ou d’image à préserver. On s’en fichait. Dehors il n’y avait rien et à l’intérieur il n’y avait qu’elle. Et je me laissais aller à somnoler à moitié, bercé par son souffle tranquille, rêvassant à une cabane plus belle et plus luxueuse, à un confort partagé… Je voulais un cocon qui n’appartiendrait qu’à nous, dans lequel nous pourrions profiter d’une liberté semblable à celle-ci… J’espérais bêtement la promesse d’un toujours qui n’arriverait sûrement jamais mais, là, serrant contre moi son corps chaud, je refusais simplement de croire qu’on pourrait nous en empêcher. Ce fut elle qui nous tira de cet entredeux ensommeillé. Elle nous ramena à ce qui me semblait une vie antérieure : nos vacances auprès des miens. Je lui proposais sans hésiter de la réinviter très prochainement pour qu’elle n’y connaisse que des bons moments, prêt à modifier tout ce qui aurait pu la déranger pour qu’elle se sente bien.

Volontier. Il faudrrra bien penser à compenser les mauvais moments.

Je hochai à nouveau la tête alors que ses doigts glissaient sur ma joue. Son geste me tira un frisson agréable. Il n’y avait pas à dire, je ne connaissais personne au monde auprès de qui je me sentais ou m’étais senti un jour mieux qu’auprès d’elle.

Ce ne serrrait pas rrrendrrre justice à nos vacances que de dirrre qu’il y en a eu plusieurrrs. Elles étaient parrrfaites, l’heurrre passée loin de toi alorrrs que tu dansais avec je ne sais qui pendant que l’autrrre tache se pensait maligne à essayer de semer la discorrrde entrrre nous.

Je fronçai légèrement les sourcils, posant sur elle un regard plus interrogateur que je l’aurais voulu.

Qu’est-ce qu’il s’est passé ? lui demandai-je sans même l’interroger sur l’identité de cette tache que je croyais deviner sans le moindre mal. Quant à la danse, j’ai bien essayé d’y échapper… Mais ma mère a décrété que c’était particulièrement inconvenant de déranger une demoiselle en train de se changer. Et elle en a profité pour m’envoyer faire bonne impression auprès de ce que ce mariage comptait de plus fade. Crois bien que j’aurais préféré attendre sagement derrière ta porte plutôt que de jouer les cavaliers pour n’importe qui.

En me laissant entraîner par ma mère, je n’avais jamais pensé que je pourrai la blesser ou la vexer d’une quelconque manière. Ce n’était qu’une danse et puis elle n’était pas là… Ça n’était pas comme si je l’avais abandonnée pour en rejoindre une autre ! Mais je ne pus m’empêcher de repenser à sa plaisanterie qui n’en était peut-être pas une… Je trouvais ça rassurant de voir qu’elle était aussi susceptible que moi de ce côté-là, prête à prendre la mouche pour une autre à mon bras comme j’avais été si prompt à le faire également… Mais bien sûr, Erin étant égale à elle-même, elle ne s’attarda pas bien longtemps et quitta jusqu’au lit pour aller chercher quelque chose sur le poêle. Je râlai pour la forme et attendis impatiemment son retour. Heureusement, il ne tarda pas ! Elle revint les mains pleines d’un verre à moitié remplie… Je n’avais pas la moindre idée de ce que ça pouvait bien être et n’étais pas particulièrement certain que l’idée de goûter soit bonne mais je la connaissais assez pour savoir qu’elle le ferait, elle, de toute façon, alors je pris sur moi et me lançai en premier dans l’espoir de pouvoir lui éviter une intoxication au besoin. En fin de compte, ça ne semblait pas particulièrement dangereux et, mieux, c’était même plutôt bon. Fort, alcoolisé, surprenant mais bon. Elle ne se fit pas prier pour goûter à son tour.

C’était dans une bouteille que j’ai trrrouvé dans un des placarrrds, celle que j’ai nettoyé pourrr mettrrre de l’eau dedans.
Qu-quoi ?!

Ça ressemblait plus à un hoquet surpris qu’à une véritable question mais peu importait. Elle nous faisait boire quelque chose trouvée dans une bouteille abandonnée depuis une éternité, et ce le plus normalement du monde ?! Même venant d’elle, ça m’en laissa idiot. Elle en profita pour reprendre :

Tu en rrreveux ? On peut peut-êtrrre le couper à l’eau, ça serrrait moins forrrt et ça ferrrait une sorrrte de... thé.
J’imagine qu’on ne refuse jamais une tasse de thé, supposai-je dans un hochement de tête. Mais tu as conscience que ça aurait pu tourner au suicide collectif…? Ça aurait très bien pu servir à tuer les créatures qu’il y a dehors.

Je savais d’avance qu’elle se contenterait de me faire savoir que ça n’était pas le cas alors il n’y avait plus à en faire tout un plat mais quand même… Il fallait qu’elle arrête de faire des choses potentiellement dangereuses à tout bout de champ…
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyVen 11 Sep - 23:37

the cold never bothered me anyway
junior & erin


Face à mon claquement de langue et toute la réprobation que j’étais capable d’afficher, il me retourna un air supérieur et un entrain que je devinais sans mal être faux. Ces quelques jours de différence n’étaient jamais entré en compte dans notre relation, de quelque façon que ce soit. Finnbjörn était peut-être mon jumeau, celui qui était né le même jour que moi et qui sera comme une partie de mon âme pour le restant de mes jours, il n’en était pas moins que c’était avec Junior uniquement que l’égalité la plus parfaite régissait nos rapports. Une relation dont je ne me déferais pour rien au monde. Chaque jour qui passait rendait cette constatation plus réelle encore. Plus définitive. Nos moqueries respectives moururent dans la tendresse des caresses qu’il abandonnait sur mes joues. L’intimité de ce moment mettait à nu bien plus que des traits débarrassés d’une crasse accumulée par notre errance, et sans trop savoir pourquoi, sans trop comprendre comment, une vérité surprenante perça derrière des mots lourds de sarcasme. Sous mes soins, identiques à ceux qu’il avait consciencieusement égarés sur mon visage, et mes propos, je crus voir ses joues rosirent légèrement. Simple fruit de mon imagination, perspective désirée ou réalité plus prosaïque liée au froid que le gant laissait sûrement sur sa peau ? Je n’avais pas vraiment envie de le savoir, peut-être parce que je n’étais pas certaine d’avoir envie de me confronter à une réponse qui ne me conviendrait pas. Chassant le fantôme d’un sentiment encore bien trouble, je repris, un sourire dans la voix, une moquerie sur les lèvres. J’étais bien plus douée pour laisser libre court à mes railleries que pour emprunter ces chemins sombres aux accents étrangers. Et ce pincement au coeur, je ne l’appréciais guère, lui préférant presque les serrements liés à une maladie que je connaissais sur le bout des doigts. Qui aime bien châtie bien répliquai-je avec le même sourire, plus encline à avouer toute l’affection que je portais à mon jumeau adoré qu’à parler d’autres émotions.

Un silence paisible nous enveloppa de nouveau de son étreinte invisible alors que sa question mourrait lentement. Mes pensées, pourtant, retournaient l’interrogation dans tous les sens. J’avais présenté le danger éventuel en plaisantant, mais finalement, les contours véritables que je discernais me laissaient un arrière-goût presque amer. Je savais que raviver certaines conversations était bien plus dangereux que d’allumer un feu, puissant, violent, mais j’étais incapable de ne pas mettre un point final à un échange, surtout aussi intensément singulier que celui-ci. Je suppose que oui conclus-je alors, d’un ton bien trop grave pour être le mien. Heureusement, le sérieux disparu en même temps que les dernières traces de saleté qui maculaient le visage de mon meilleur ami, et ma moquerie acheva de nous ramener à des terres conquises. Ses lèvres s’emparèrent des miennes, figeant l’instant dans une bulle plus solide encore. Avant que la réalité ne nous rattrape, aussi glaciale et terne que les plaines environnantes. Il nous fallait décider de quoi seraient faites les prochaines heures, et je tenais absolument à ce qu’un point, parmi tous les autres, soit clair : je refusais qu’il taise une nouvelle fois ses craintes et que le désespoir le conduise au même point que celui dans lequel je l’avais trouvé. Pour quelqu’un qui connaissait la peur uniquement à travers la définition qu’en donnait le dictionnaire, sans guère exagérer, je n’aimais pas l’éprouver à chaque fois que Junior disparaissais de mon champ de vision. Il était bien mieux, là, sous mes yeux clairs, me laissant tout le loisir de me perdre dans les traits parfaits de son visage. Une moue boudeuse sur le mien, je finis par hocha la tête en signe d’assentiment. D’accorrrd. Me plaindre était une nécessité que je pouvais nous épargner sans peine, mais si je lui donnais ma parole, il était impensable que je ne la tienne pas.

Nous passâmes du sol au lit, de la chaleur de nos toilettes à celle de nos étreintes. Savoir que nous n’avions rien d’autre à faire, hormis attendre en se berçant de la présence de l’autre, avait un quelque chose de délicieusement plaisant. J’aimais la sensation que personne ne viendrait nous déranger, pas tout de suite, du moins, et que nous pouvions rester ainsi aussi longtemps que nous en avions envie, rien ne nous demandait de nous arracher à ce matelas et cette couverture qui avait le mérite d’exister. Aidée par ses doigts qui caressaient doucement ma peau et son souffle qui venait chatouiller le mien, je me laissai aller à somnoler, quelques minutes ou plus encore, jusqu’à ce que mes pensées dérivent vers nos vacances françaises et toute l’envie d’encore que j’en retirais. Qu’importe l’ombre au tableau, j’avais envie de continuer à le peindre, parce que ses sourires et nos moments à deux valaient bien tout le reste. Que s’était-il passé ? Rien qui ne vaille d’être raconté, une danse pitoyable qui n’était pas à la hauteur des nôtres et une présence importune dont le venin n’était que celui de la rancoeur. Oui, c’était ça, rien que ça, à peine ça. Pourtant, un petit reniflement de mépris m’échappa. Elle a parrrlé promise, jalousie, et bien d’autrrres choses encore. Un tas d’ineptie dicté parrr tous les mauvais sentiments que lui inspirait ce marrriage, je suppose fis-je en m’étirant nonchalamment avant de me lover de nouveau contre Junior. Je pouvais faire fi des commentaires amers de cette pathétique intruse, j’avais plus de mal à oublier le sentiment dévorant qui était né de la constatation que mon meilleur ami occupait galamment son temps au bras d’une blonde à la fadeur incontestable. J’aurrrais prrréférrré, moi aussi grommelai-je avec le plus de dignité possible.

Il semblait en rester bien peu, cependant, et je ne tardai pas à trouver une échappatoire à la vue du verre qui chauffait tranquillement depuis que nous nous étions renfermés dans le cabanon. La chaleur dégagée par le petit récipient venait réchauffer agréablement mes doigts que je perdais sur la joue de mon meilleur ami quand il s’en empara, pour goûter ce qu’il contenait, une lueur sceptique au fond de ses yeux bleus. Son exclamation de surprise m’arracha un haussement d’épaules alors que je venais de goûter à mon tour. La prudence la plus élémentaire était peut-être un peu malmenée par mon impulsivité, mais j’avais fait confiance à mon instinct, comme bien souvent, et ça n’avait jamais eu l’air d’un insecticide quelconque. Encore que je n’avais pas pour habitude de voir à quoi pouvait bien ressembler un tel produit. Mais ça n’en est pas. Et mon sourire vint ponctuer ma remarque. À quoi bon accumuler les Et si alors qu’il s’agissait juste d’alcool. J’aurais pu arguer que j’avais parfaitement deviné que ça n’en était pas, mais ce n’était pas le cas, et même si le dédain m’amusait beaucoup, je me sentais plus attirée par l’idée de retourner me perdre dans les bras de Junior que de me glorifier d’un rien. En quelques gestes, je nous servais deux verres d’eau tiède dans lesquels je versai l’alcool divisé en deux, et ne me fit pas prier pour retrouver ma place.

Le demi-sommeil nous emporta de nouveau, après que nos verres vides soient lâchement abandonnés loin de nos corps serrés l’un contre l’autre. Finalement, la fin de l’histoirrre n’est pas vrrraiment celle que je supposais soufflai-je alors que j’étais encore suffisamment éveillée, en référence à mes bouderies de tout à l’heure. Je me retrouvai un moment sur le dos, les doigts dressés vers le plafond, mais l’étincelle de lumière qui les enveloppa provenait plus certainement de mon imagination que de la réitération de la magie qui avait propulsé au loin la créature. Avais-je rêvé ? Je savais que non, au fond de moi, mais lancer le moindre sortilège sans ma baguette me paraissait encore bien inconcevable. Je rêvais, ensuite. De quoi, je ne me souviens plus très bien, mais Junior n’était jamais très loin. Une toux me réveilla une seconde fois, la mienne. Un peu de rouge sur mes doigts attira mon attention, brièvement, rien qui ne vaille la peine que je remue et brise l’étreinte dont mon meilleur ami m’enveloppait. J’essuyai vaguement ma main contre le drap terni par la saleté et me perdis de nouveau dans des songes presque trop réels. Il faisait jour, quand j’ouvris les yeux un peu plus grands, les paupières moins alourdies, l’esprit plus alerte. J’avais faim, les courbatures se faisaient plus présentes, mais la chaleur de Junior suffisait à maintenir la mienne et à rendre tout le reste secondaire. Je me perdais sans me retenir dans les traits endormis de son visage, traçant les contours de celui-ci d’un index léger, avant qu’un bruit sourd ne me fasse sursauter et que je ne me redresse, le regard tourné vers ce qui faisait office d’entrée, une main tâtonnant à la recherche de ma baguette.
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyJeu 24 Sep - 0:27



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ft. @Erin B. Sørensen & C. Junior d'Archambault

Derrière d’apparentes plaisanteries, notre conversation s’enveloppa de quelque chose de plus sérieux. Je n’étais pas capable de dire avec précision à quel moment le ton avait changé mais il n’en était pas moins devenu troublant. Le silence qui se posa sur nous semblait en être arrivé à la même conclusion : tout ça ne nous ressemblait pas vraiment. Nous parlions de royaumes et de conquêtes, nous rappelions notre supériorité à tout va, au pire nous nous chamaillions comme les enfants que nous étions encore mais jamais, au grand jamais, nous ne nous risquions à aborder les dangers fourbes et vicieux de l’amour. Nous n’y connaissions rien, n’est-ce pas ? Ça n’était que des suppositions gênantes, des images d’autres vies se plaquant sur notre maigre savoir pour le rendre plus inquiétant encore. Je ne voulais aucune certitude, je ne voulais pas massacrer dès à présent les espoirs hasardeux que je plaçais en quelque chose qui, très probablement, resterait à tout jamais hors de ma portée et pourtant, là, dans ce réduit qui nous servait de palace, je sentais les battements maladroits d’un coeur qui l’était tout autant et qui se révoltait d’ors et déjà contre ces risques dont il ne voulait pas.

Je suppose que oui.

Et je le supposais aussi. Durant quelques secondes, quelques minutes peut-être, le silence reprit ses droits, nous offrant tout le loisir de réfléchir encore et toujours à ces quatre mots qui semblaient sonner le glas de notre innocence. C’est sûrement idiot mais je crois, aujourd’hui encore, qu’il y a eu un avant et un après cette discussion. Quelque chose a changé à ce moment-là, comme une prise de conscience brutale, la sensation étouffante d’un piège qui se refermait déjà sans pour autant avoir ne serait-ce que l’intention de m’en extraire. La plaisanterie n’était plus qu’un lointain souvenir… La légèreté allait et venait dans l’unique pièce du cabanon, tantôt gloussante, tantôt remplacée par l’urgence de la situation ou des considérations bien trop personnelles pour être parfaitement acceptables. Tout, durant ces dernières heures, se décuplait atrocement. Ce que nous aurions pu supporter sans mal dans un environnement rassurant paraissait à la limite de l’insurmontable ici. J’avais hâte que nous rentrions sans parvenir à croire encore que ça arriverait un jour. Je voulais retrouver notre vie, râler du peu d’intimité que l’humanité nous offrait et rêver d’une fuite qui ne ressemblerait en rien à celle-là. Une fuite que nous contrôlerions, sans créature nous attendant à l’extérieur et sans désespoir pour nous étreindre… Erin en profita pour me faire promettre de l’informer d’un possible retour des ombres qui avaient obscurci mes pensées, tout en semblant oublier qu’elle n’en avait elle-même rien fait, et qu’à l’instant encore, j’ignorais tout de ce qui l’avait assailli. Elle consentit néanmoins à hocher la tête, quand bien même elle n’en semblait pas ravie.

D’accorrrd.

Je lui offris un sourire plein de reconnaissance, conscient que ça devait sûrement lui coûter un peu. Mais, après tout, nous étions dans le même bateau, elle et moi, non ? C’était normal que l’on puisse espérer un semblant d’égalité, que les confidences de l’un appellent celles de l’autre. Finalement, après quelques bûches pour s’assurer que la chaleur tiendrait encore un peu, ma meilleure amie fila sous les couvertures et je l’y rejoignis sans me faire prier. Elle se blottit contre moi, se laissant étreindre tendrement. Comme hier. Nous prenions déjà des habitudes délicieuses et dans la douceur de nouvelles caresses, le temps s’étira encore et encore, brouillant la frontière entre le rêve et la réalité. Je laissai mes pensées divaguer, espérant un futur qui ressemblerait à ça. Exactement à ça. La présence d’Erin et un endroit rien qu’à nous. Il n’y avait rien de particulièrement précis mais la sensation troublante que c’était exactement ça que je voulais. J’étais même à peu près certain de préférer cette cabane pitoyable avec elle à un château merveilleux avec une autre. Et dans le brouillard d’un sommeil qui s’installait, je me souvins sans trop savoir pourquoi d’avoir dit un jour que j’avais conscience de tous les dangers que comportait ma vie à ses côtés mais que je ne l’échangerais pour rien au monde… comme un écho aux risques dont elle avait fait mention avec un air trop grave… Mais Erin m’extirpa de cette somnolence avant que je n’ai pu dérouler le fil de cette pensée, tout disparut au moment où je rouvris les yeux pour les poser sur elle.

Elle a parrrlé promise, jalousie, et bien d’autrrres choses encore. Un tas d’ineptie dicté parrr tous les mauvais sentiments que lui inspirait ce marrriage, je suppose.

Je ne pus m’empêcher de froncer légèrement les sourcils en l’écoutant. À mes yeux, ça n’avait pas beaucoup de sens. Je comprenais bien que ma tendre cousine ait pu cracher son venin au visage d’Erin mais je ne voyais pas bien en quoi l’idée d’une promise pouvait entrer dans l’équation. Je ne m’en sentis pourtant pas moins obligé de me justifier :

Elle n’est en rien ma promise. C’est juste la fille d’une ancienne camarade de classe de ma tante Gabrielle à ce que j’ai compris… Rien de bien intéressant, en réalité. Tu n’aurais même pas dû l’écouter parler, elle n’est bonne qu’à raconter n’importe quoi.

Bien sûr, nous savions tous les deux que ça arriverait un jour, je ne lui avais jamais caché que mes parents envisageaient de me marier bientôt, sûrement peu de temps après mes dix-sept ans ou sitôt sorti de Poudlard dans le meilleur des cas, mais je n’avais pas envie qu’elle imagine que c’était déjà en route. Égoïstement, je ne voulais pas perdre ce que nous avions. Je tenais à elle, je tenais à cette amitié dont les contours se floutaient un peu plus chaque jour et je savais pertinemment que rien ne durerait à partir du moment où l’exclusivité lui échapperait. C’était parfaitement normal, bien sûr, mais ça n’en était pas moins terrifiant. Je n’étais pas certain que notre relation y survive. Pourrions-nous retrouver la distance que nous connaissions avant ? Passer du temps ensemble sans avoir envie de nous perdre dans un baiser ou de nous réchauffer dans une étreinte ? Il y avait peu de chance… et je n’étais pas prêt à tirer un trait sur Erin. Ma vie aurait sûrement bien du mal à se remettre d’une telle perte.

J’aurrrais prrréférrré, moi aussi.
Je note pour la prochaine fois de ne pas te lâcher d’une semelle. Est-ce que cela te conviendrait mieux ?

Elle ne s’attarda pas longtemps à mes côtés et s’arracha à la chaleur de la couverture pour récupérer un verre posé sur le poêle. Madame me fit part de son envie d’en goûter le contenu et si je n’étais pas particulièrement enthousiaste à l’idée, je m’y pliai néanmoins docilement pour lui éviter de prendre bêtement des risques. S’il devait arriver quelque chose, je préférais qu’elle ait le temps de s’en rendre compte avant de se lancer à son tour. Bon, ce fut un échec, elle n’attendit pas une seule seconde avant d’y tremper les lèvres… mais l’intention n’en était pas moins louable. Je me permis de lui faire remarquer que ça aurait pu nous tuer tous les deux mais, fidèle à elle-même, elle n’eut pas l’air ému par la nouvelle.

Mais ça n’en est pas.

J’articulai silencieusement un « gna gna gna » du plus bel effet avant de ricaner, amusé par ma propre bêtise. Elle coupa l’alcool qui nous restait avec de l’eau chaude et ce fut bien tout ce qui tapit le fond de nos estomacs avant que nous abandonnions de nouveau à la torpeur la plus totale.

Finalement, la fin de l’histoirrre n’est pas vrrraiment celle que je supposais.
Quelle histoire ? demandai-je en étouffant un bâillement.

Je n’avais pas suivi son raisonnement si seulement il y avait vraiment quelque chose à suivre. Les contes pour enfant qu’elle supposait mettre en garde contre les vacances loin des parents ou je ne savais plus exactement de quoi il était question…? Elle finit par rouler doucement sur le dos, les doigts tendus vers le plafond. Je les fixai un instant avant de glisser le long de son bras et de remonter jusqu’à son visage. Mon regard s’y abandonna un long moment. Je ne savais pas si c’était le peu d’alcool que j’avais ingurgité, rendu plus pernicieux par la fatigue et la faim, mais je me sentais particulièrement bien à ce moment précis. Comme des mois plus tôt, échoué sur mon lit, profitant d’un anniversaire délicieux et de sa seule présence qui l’était plus encore. Ma main s’égara lentement sur son bras tendu, abandonnant des caresses d’une douceur presque machinale, effleurant ses doigts du bout des miens comme si j’avais craint de la déranger.

Je ne suis plus sûr d’avoir envie de rentrer.

Et si c’était rien d’autre qu’un murmure ridicule, c’était aussi très vrai. Il y avait ici ce que nous n’aurions jamais ailleurs. Des envies qui pouvaient devenir des promesses et une proximité plus grande que nous n’en avions jamais connue. Un avenir dans ce désert gelé s’annonçait certes difficile mais parfaitement contrôlable. Nous étions les seuls maîtres de notre existence. Mais peu importait en réalité, j’aurais sûrement tout oublié de ce raisonnement d’ici le lendemain matin, n’en gardant pour seule trace qu’une migraine désagréable. Morphée finit par faire son oeuvre et je ne sombrai peu à peu dans son sommeil trop léger à mon goût. Le moindre mouvement me faisait ouvrir les yeux, le moindre bruit m’arrachait un sursaut… Lorsqu’elle se mit à tousser, j’eus le réflexe idiot de remonter la couverture sur elle dans l’espoir qu’elle n’attrape pas froid. C’était sûrement trop tard. Si nous sortions, il faudrait veiller à ce qu’elle soit bien couverte. J’envisageai de lui passer mon gilet sans réaliser que les températures polaires ne m’épargneraient pas et me rendormis presque aussitôt. Ma nuit, ou peu importe ce que c’était, ne fut que ça. Des réveils nombreux entrecoupant un sommeil peu réparateur.

Finalement, ce fut les attentions d’Erin qui me tirèrent définitivement du pays des songes. Les caresses que son doigt abandonnait sur ma peau étaient un véritable délice. Je me fis violence pour ne pas sourire et trahir ainsi le fait que je ne dormais plus. Je voulais bien chaque matin un réveil comme celui-ci ! Mais comme à chaque fois qu’il n’y avait aucun nuage à l’horizon, le destin décida de s’en mêler et un bruit sourd nous fit sursauter tous les deux. Je me redresse brusquement, la lumière crue du jour m’éblouissant au passage. Mon coeur battait à tout rompre alors que je posais le pied sur le sol crasseux de notre abri. Le bruit recommença. Il me sembla voir la porte trembler. Je jetai un regard paniqué en direction de la Poufsouffle et m’approchai nerveusement de la fenêtre. Elle était si sale qu’il était difficile de distinguer quoi que ce soit. Il n’y avait rien d’autre qu’une ombre qui se tenait à quelques mètres à peine. Une ombre immense et menaçante. J’entrepris de frotter le carreau dans l’espoir de voir un peu mieux… et si ce fut une réussite, je crois que j’aurais préféré rester dans l’ignorance. Un ours blanc se mit sur ses deux pattes et asséna un nouveau coup dans la porte. Je reculai presque d’un bond et sautai sur ma baguette abandonnée sur la table. Je crois que mon visage perdit toutes ses couleurs. D’un doigt sur mes lèvres, j’intimai à Erin de garder le silence. Peut-être qu’il finirait par se lasser… sinon, il fallait croire que notre dernière heure était proche…
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyLun 28 Sep - 17:41

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junior & erin

Une à une, nous tournions les pages des sujets les plus graves qui alourdissaient les traits de nos visages d’un sérieux inhabituel. Sentiments trop adultes auxquels nous ne connaissions rien ; impressions vagues qui coulaient entre mes doigts comme de l’eau dès que j’essayais de m’en saisir pour mieux les scruter ; promesses délicates de ne plus rien cacher de ces états d’âmes troubles. Son sourire formalisa notre accord et laissa un nouveau silence nous envelopper tandis que nous retournions chacun à nos pensées, aussitôt que j’eusse nourri le feu de quelques nouvelles bûches. Sous la tiédeur de notre couverture, nous retrouvâmes la chaleur de l’autre et le temps fila loin de ces étreintes qui duraient, encore et encore, tandis qu’une somnolence s’emparait de nous, brouillant un peu plus les contours de notre réalité. J’étais tantôt plongée dans un rêve profond, tantôt dans un entre deux vacillant, tantôt réveillée sans même vraiment m’en rendre compte. Entre deux souvenirs, ou peut-être étaient-ce des songes, ma voix s’éleva pour revenir sur nos vacances en France et épingler le comportement particulièrement irritant de celle qui se révélait être sa demi-soeur. Honte complète, au demeurant, complètement sotte et détestable. Finalement, peu m’importaient les liens qu’il y avait entre cette fille blonde et mon meilleur ami, je ne demandais qu’à oublier cet épisode et mon coeur qui s’était serré face à ce déplaisant tableau. Un haussement d’épaules un peu vague vint ponctuer son affirmation. Entre rester les bras croisés à contempler sa valse avec une pimbêche sortie de nulle part sous le regard courroucé de sa chère mère et suivre Aimée, même pour quelques minutes, afin de fuir la foule, le choix avait été rapidement fait. Il n’y avait pas de regret à avoir. Je savais désormais quelle peste était sa cousine. Il finit par m’arracher un gloussement un peu idiot et, par la même, m’extirpa définitivement de ce semblant de sommeil dans lequel mes yeux clos me maintenaient encore. C’est parrrfait, mon Prrrince. Sa présence n’était jamais que désirable, après tout. Nous pouvions nous suivre éternellement dans une danse sans fin que je n’y trouverais rien à redire.

Réveillée, je ressentis le besoin de m’extirper de notre bulle, le temps de m’emparer du verre qui chauffait tranquillement sur le dessus du poêle. Le liquide était épais, marron, et n’avait pas subi d’autre inspection que celle, rapide, de mon regard clair. C’était dans une bouteille en verre, manifestement une ancienne bouteille d’alcool qui traînait là depuis des semaines, sinon des mois, voire des années, et il me semblait parfaitement logique de le goûter. Junior ne voyait pas les choses de la même manière et me gratifia de quelques mots presque courroucés quand je lui fis part de sa provenance. Désinvolte, je lui rétorquai que ça n’était en rien un poison. En tout cas, ce dernier n’était pas fulgurant. Mon meilleur ami ricana, je l’imitai, avant de retourner à mes mélanges alchimiques. C’était sucré et définitivement alcoolisé : coupé avec un peu d’eau, j’avais l’intuition que ça pourrait donner un thé des plus originaux. Ou alors quelque chose de parfaitement infâme puisque mes seules notions en la matière étaient directement liées aux boissons chaudes que nos elfes nous servaient à tout va, ou encore à l’essai pitoyable dont s’était rendu coupable Junior il y a quelques mois de cela. Nos verres furent remplis et rapidement bus. Déjà nous retournions nous lover l’un contre l’autre dans un silence qui amena avec lui, de nouveau, une langueur toute ensommeillée.

Je laissai échapper quelques mots d’une voix endormie, Junior me répondit de la même manière. C’était un lien incongru réalisé par mon esprit vagabond, rien d’étrange à ce qu’il ne comprenne pas où je voulais en venir. Il s’écoula quelques secondes avant que je ne réponde, la langue engourdie qui articulait mal certains mots. Celle de notrrre mésaventurrre… qu’ondevaitécrrrirrre. Cenest pasunpiège finalement. L’instant d’après, ou la minute, je roulai sur le dos, bras tendu vers le ciel masqué par la tôle qui nous entourait et je sentis bientôt les caresses de Junior qui s’égaraient sur ma paume, me poussant à tourner mon visage vers le sien et à effleurer ses lèvres d’un baiser alors que sa confidence chuchotée sonnait à mes oreilles comme la plus précieuse. C’est que nous avions tous les deux été élevés dans un confort royal, entourés d’une famille et d’une situation des plus nobles, mais lui, plus que moi, avait besoin de ce confort quotidien. J’étais celle de nous deux qui l’entraînait dans des aventures chaque fois plus folles et dangereuses, après tout, tandis que lui ne demandait rien de mieux que de rester à paresser dans la douceur d’un appartement chaleureux. Quelques mots peut-être banals pour n’importe quel profane, pour n’importe qui n’étant pas nous, ou simplement pour toute autre personne que moi. Ils m’étaient déjà bien chers, comme un trésor que je comptais bien conserver jalousement. On rrreparrrtirrra. Ma promesse à peine soufflée se perdit ensuite dans un nouveau silence et dans de nouveaux chemins tortueux que cet étrange sommeil me faisait prendre. Un rêve, une toux, l’impression fugace de comprendre quelque chose d’essentiel, tout n’était que des ombres qui s’enfuyaient dès que je m’approchais un peu trop.

Je quittais cet état de somnolence après un temps indéfini, retrouvant toute la conscience que j’avais de la proximité de mon meilleur ami, abandonnant sans plus attendre les tendresses qu’il m’inspirait le long de sa joue et du reste de son visage. Jusqu’à ce qu’un bruit nous fasse sursauter, provenant de l’extérieur, n’annonçant rien de bon. Je tâtonnai, à la recherche de ma baguette, qui ne devait pas être bien loin, tandis que Junior se levait déjà. Je parvins finalement à enrouler mes doigts engourdis de sommeil et de froid autour du bois inestimable de ma baguette, mais le Serpentard était déjà entrain d’effacer un peu de la crasse qui la ternissait. Le bond qu’il fit en arrière me propulsa hors du lit et je le rejoignis en quelques pas, lèvres entrouvertes, prête à lui demander ce qu’il se passait ou à aller le constater de mes propres yeux. L’index de Junior m’intima au silence. Nous nous faisions face, probablement aussi tendu l’un que l’autre. D’un hochement de tête, je lui signifia que j’avais compris et que je me ferais aussi silencieuse que possible. Néanmoins, je m’éloignai pour aller voir de quoi il retournait, le coeur battant un peu plus fort. Ce ne pouvaient pas être les mêmes créatures que la veille, il n’aurait pas eu l’air aussi paniqué… et en effet, ça ne l’était pas. L’ours était gigantesque et visiblement déterminé à rentrer, ou bien à briser le cabanon rouge contre lequel il abattit une nouvelle fois ses immenses pattes. Je me tournai de nouveau vers Junior, faisant le court trajet en sens inverse, articulant des injures muettes. Qu’est-ce que... commençai-je à chuchoter au Serpentard quand un rugissement me ramena rapidement jusqu’à la fenêtre.

Je ne compris pas tout de suite pourquoi la bête s’était détournée de notre refuge et dévoilait des crocs acérés en direction de la plaine. Jusqu’à ce que j’avise ce qui ressemblait à un traîneau, au loin, et, plus proche, un homme dont je ne distinguais pas grand chose hormis les nombreuses peaux de bêtes dont il était vêtu. Il tenait une lance ridicule pointée en direction de l’ours et ses gestes, s’ils se voulaient menaçants, me semblait purement pathétiques. Un sortilège aurait été plus efficace. Ma pensée prit littéralement vie alors que l’ours, agacé par la pointe que l’homme venait de planter faiblement dans son torse, leva sa patte et vit voltiger le corps faible et bientôt sans vie de son adversaire. Une seconde plus tard, il se ruait sur lui et le cri de son prochain et très proche repas nous figea. Il faut fairrre quelque chose... soufflai-je en relevant mon regard jusqu’à Junior, réfléchissant à toute allure aux options que nous avions. Elles n’étaient pas nombreuses, voire inexistantes. Une seconde, j’avais escompté que l’ours embarquerait son déjeuner pour aller le dévorer ailleurs, dans sa tanière ou je ne sais trop où, mais il semblait déterminé à s’en repaître ici, nous empêchant de sortir de ce qui prenait de plus en plus les allures d’une geôle. Il est occupé, ce serrrait le moment ou jamais de l'attaquer...
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyLun 28 Sep - 22:33



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ft. @Erin B. Sørensen & C. Junior d'Archambault

On rrreparrrtirrra.

Et ce fut sur cette promesse que le sommeil eut raison de moi. Malgré ma montre, je perdais le compte des heures. Tout n’était qu’une interminable suite de minutes qui se ressemblaient trop, une attente sans fin dans laquelle nous nous enlacions pour avoir l’impression de contrôler quelque chose. C’était un leurre, bien sûr… Si je ne prétends pas que ces étreintes n’auraient jamais existé autrement (c’était faux et tous les moments tendres qu’elle m’avait offert ces derniers mois le prouvaient éhontément), je pense sincèrement qu’elles étaient, à ce moment-là, les garantes d’un semblant de stabilité mentale. Pour moi, en tout cas, elles l’étaient. Il y avait quelque chose à quoi se raccrocher, quelque chose d’habituel, de rassurer, la certitude que tout n’était pas perdu. Je ne savais plus vraiment depuis combien de temps nous étions là, des semaines ou quelques heures, c’était du pareil au même… Nos caresses trop courtes et le reste de notre existence affreusement long. Il en fut de même pour ma nuit, ou peu importe ce que c’était puisqu’il me semblait que le soleil ne se couchait jamais, lorsque les caresses d’Erin m’arrachèrent des bras de Morphée, j’aurais été incapable de dire si j’avais fermé l’oeil quelques instants ou des heures durant. Mais peu m’importait en réalité, j’étais prêt à sacrifier mon repos sur l’autel de ses attentions. Je m’y abandonnai totalement, appréciant à sa juste valeur l’intimité volée au destin. Rares étaient les fois où nous avions pu ainsi profiter d’instants presque adultes alors que tout ce que l’humanité comptait de figures d’autorité, à Poudlard comme en dehors, s’appliquaient à se mettre sur notre route. Puisque c’était la seule chose positive à tirer de notre exil forcé, j’étais bien décidé à en profiter autant qu’il m’était possible de le faire. J’aurais donné n’importe quoi pour que ça se prolonge jusqu’à ce qu’on vienne nous chercher. Qu’importe si on nous découvrait ainsi enlacés, nous prélassant dans une tendresse sûrement soupçonnée mais jamais prouvée, je n’avais pas envie de m’extirper de tout ça pour autre chose que rentrer chez nous…

Mais comme d’habitude, il était trop beau de s’attendre à quoi que ce soit tant tout passait son temps à aller de travers. Un bruit sourd mit fin à ce réveil merveilleux, nous tirant du lit à une vitesse folle. Mon coeur battait à tout rompre, le monde tanguait un peu autour de moi. Je n’étais pas totalement réveillé, seulement mu par l’ombre d’un instinct de survie que je ne me connaissais pas vraiment. Je ne savais pas à quoi m’attendre en m’approchant de la fenêtre crasseuse. Sûrement qu’il s’agisse de quelque secours… Dans le fond, je crois que l’espoir s’était rallumé brusquement. Qui d’autre viendrait nous chercher ici ? Malheureusement, la réalité fut toute autre et au lieu de la certitude d’être tirés d’affaire, c’était presque la promesse d’une mort imminente qui venait de frapper à notre porte. Un ours qui me parut immense laissa retomber lourdement sa patte sur la porte fragile de notre abri. Nous n’avions que ça. Aucun autre endroit où aller. Pas de possibilité de fuir. Et quand bien même nous y parviendrions, c’était la mort qui nous attendait au dehors. Mon coeur s’emballa et je reculai d’un geste machinal, récupérant ma baguette à laquelle mes doigts s’accrochèrent comme si ma vie en dépendait... Ma vie en dépendait sûrement. S’il parvenait à forcer l’entrée, nous n’aurions d’autres choix que de nous battre. Et, sûrement, pour la première fois de ma vie je pris réellement conscience que je pouvais perdre Erin à tout moment. J’avais réalisé quelques heures plutôt que ça pouvait arriver plus vite que prévu alors qu’elle avait terminé de me raconter son histoire… mais je n’avais pas supposé que la mort pouvait venir frapper, littéralement, à notre porte. J’aurais été incapable de dire avec exactitude quel sentiment m’envahit à ce moment-là, une bouffée de désespoir, sans l’ombre d’un doute, et quelque chose de plus intense encore, qui m’aurait sûrement poussé à l’embrasser une dernière fois, dans un élan dramatique digne d’un mauvais roman, si un rugissement tonitruant ne s’était pas fait entendre à l’extérieur.

Sans prendre la peine de réfléchir, je me ruai sur la fenêtre, imitant ma meilleure amie qui y retournait également et cherchai des yeux le monstre qui nous menaçait. Il ne semblait plus très intéressé par notre existence, montrant les crocs à un danger invisible quelque part dans le désert morne qui nous faisait face. Je ne pus m’empêcher de repenser à ces créatures qui m’avaient attaqué… Est-ce qu’il ressentait leur présence, lui aussi ? Est-ce qu’il commençait à perdre la raison comme ça avait pu être mon cas…? Mais de toute évidence, il n’en était rien. Un homme abandonnait ce qui semblait être un traîneau et fonçait droit sur lui, une lance à la main. La scène me paraissait irréelle. Ça ne pouvait qu’être un cauchemar… J’allais me réveiller. Je voulais me réveiller. Pourquoi n’avait-il pas seulement continuer son chemin ? L’ours était occupé avec nous, il aurait pu fuir ! Les moldus étaient des êtres dénués de tout bon sens ! Qu’il puisse vouloir nous venir en aide ne me traversa même pas l’esprit. Pourtant, la fumée qui devait s’échapper de la cheminée trahissait notre présence et, aujourd’hui, avec le recul, je pense qu’il avait seulement voulu nous défaire de la bête… Ce fut un échec et le cri qu’il poussa alors que l’animal se défendait plus brutalement que lui-même n’aurait jamais pu le faire me glaça le sens. Un gémissement pathétique s’échappa de mes lèvres entrouvertes et une curiosité malsaine, à moins qu’il ne s’agisse que du choc, m’empêcha de détourner les yeux du triste spectacle qui s’offrait à nous. L’ours penché sur le corps inerte de sa proie, le museau écarlate humant l’air frais par instant… C’était une vision d’horreur, il n’y avait pas d’autres mots. J’avais la gorge serrée et je retenais tant bien que mal de me mettre à chouiner comme un môme effrayé. Ce que j’étais, sans la moindre hésitation. Ce voyage, qui aurait dû être l’un des meilleurs moments de mes vacances, sinon même le meilleur, empirait à chaque instant. Je n’étais ni fort ni courageux, je n’étais pas intouchable et tenais assez à la vie pour craindre la mort… Tout ce qui se passait depuis que nous avions pris ce maudit portoloin creusait plus profondément encore le traumatisme de notre mésaventure. Je voulais voir ma mère, qu’elle me prenne dans ses bras en me jurant qu’il ne m’arriverait rien. Je voulais redevenir le petit garçon que je me défendais pourtant d’être et laisser la toute-puissance parentale gérer assez ma vie pour m’éviter de tels soucis. Si j’avais écouté ma mère, jamais ça ne serait arrivé… Jamais…

Il faut fairrre quelque chose…

La voix d’Erin, à peine plus qu’un souffle, me parvint de loin. Je n’étais même pas sûr d’en distinguer tous les mots. Pourtant, je hochai la tête sans même détacher mes yeux du repas sanglant qui s’étendait toujours devant nous. La nausée se fit plus forte. J’avais presque l’impression de sentir d’ici l’odeur ferreuse du sang qui se répandait sur l’herbe à l’agonie. Qu’est-ce qu’elle voulait que nous fassions ? Il était mort. Et l’ours sûrement prêt à faire de nous son dessert. Je n’étais pas suicidaire. Peut-être l’aurais-je dû, ne serait-ce que pour lui laisser, à elle, la possibilité de s’enfuir mais même avec toute la bonne volonté du monde, ça n’était pas le cas. Je n’étais pas de ceux qui se sacrifiaient pour la survie des autres… du moins, pas quand j’étais en mesure de réfléchir rationnellement. Les secondes s’étiraient à n’en plus finir, mon regard clair et embué ne lâchait plus la bête qui prenait son temps, déchiquetant chaque morceau avec l’absence de soin d’un affamé, comme s’il n’avait pas mangé depuis des semaines… Est-ce que nous serions réduits à nous entretuer, nous aussi, tant la nourriture était rare dans les environs ?

Il est occupé, ce serrrait le moment ou jamais de l’attaquer…

Je secouai simplement la tête, hypnotisé par la grisaille qui rougissait toujours davantage. Nous ne sortirions pas d’ici. Nous ne mettrions pas un pied dehors. Nous n’attiserions pas une colère meurtrière qui, pour l’instant, nous avait oubliés. Je m’y refusais et j’étais prêt à l’en empêcher s’il le fallait. Ne pensait-elle pas que nous avions pris assez de risques ces derniers jours ?! Je ne voulais pas qu’elle aille se jeter dans la gueule d’un monstre, ni à y aller moi-même ! Le temps se suspendit. Il me semblait que je me liquéfiais un peu plus à chaque seconde. J’avais froid. Je tremblais sans même m’en rendre compte. Lorsque notre prédateur bougea enfin, il me semblait qu’il ne restait plus qu’un amas de chair et de sang. Il se remit correctement sur ses pattes et sembla chercher autour de lui, comme s’il avait oublié ce qu’il faisait là. Je resserrai mon emprise sur ma baguette. S’il revenait vers nous, il faudrait agir, nous n’aurions pas d’autres choix. Mon coeur loupa un battement alors que son regard sombre se porta sur notre cabane. Il la fixa un instant et finit par repartir d’où il venait, tout simplement… Il était déjà loin quand je m’autorisais à détourner mon attention du paysage souillé qu’il nous avait laissé. Instinctivement, j’entrepris de pousser la table, la coinçant derrière la porte. Les larmes que j’avais retenues se mirent à couler, en silence, sans que je n’y puisse rien. Je me détestais de me montrer si faible devant Erin mais j’étais bien incapable de contrôler quoi que ce soit. Comme si elle avait besoin de ça ! La peur était plus forte que moi. Elle l’avait toujours été. Ça aurait pu être nous. Si nous étions partis, comme nous l’avions décidé la veille, pour trouver mieux ou ne serait-ce que pour chercher à manger, ça aurait été nous. Je n’avais aucun mal à imaginer la Poufsouffle à la place de ce moldu dont nous nous fichions bien. Un goût amer se fit sentir au fond de ma gorge. La logique aurait voulu que nous aillons récupérer le traîneau, vérifier qu'il ne contenait rien pouvant nous aider ou juste nous enfuir avec, plus facilement que nous l’aurions fait à pied mais c’était fichu, moi vivant, personne ne sortirait de cette cabane tant qu’on ne viendrait pas nous en enlever…
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Message(#) Sujet: Re: The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR The cold never bothered me anyway — ERIN & JUNIOR - Page 2 EmptyJeu 1 Oct - 12:09

the cold never bothered me anyway
junior & erin

Pendant de longues secondes, nous ne fûmes que les spectateurs muets du carnage qui se déroulait de l’autre côté de la tôle rouge. Le monde monochrome et inhospitalier que nous avions traversé et affronté se teintait de sang. Le cabanon dans lequel nous étions relativement à l’abri n’était plus la seule tache de couleur dans l’étendue désertique au coeur de laquelle elle prenait place : les crocs de l’ours se chargeaient d’en distiller des touches là-bas, à si faible distance de nous. C’était le moment où jamais de faire quelque chose, tandis que l’immense prédateur immaculé était occupé à son déjeuner, mais faire quoi ? Mon regard clair dériva jusqu’à Junior dont toute l’attention était tournée vers ce qu’il se passait au-delà du petit hublot. S’il hocha machinalement la tête à mon murmure, il ne bougea pas, et j’en fis rien non plus, reportant mes prunelles sur le tableau sauvage que nous contemplions. J’étais loin, bien loin de craindre pour ma vie ou pour celle de mon meilleur ami, maintenant que l’ours polaire ne martelait plus notre fragile refuge de ses pattes puissantes. Et la mort d’un moldu ne provoquait rien d’autre qu’une satisfaction négligeable : il n’était rien, voué à disparaître sans que nous y accordions le moindre intérêt, c’était là l’ordre des choses. Mais je me perdais cependant dans les détails de la mise à mort, fascinée par la mâchoire, d’une force et d’une violence inouïe, de la bête, qui déchiquetait avec voracité la carcasse sans vie de sa proie. C’était le moment où jamais de faire quelque chose, assurément pas de voler au secours d’un mort dont la vie avait eu autant d’importance que celle de la pire des vermines, mais quelque chose. Pourtant, nous ne bougeâmes pas, continuant de regarder, comme rattachés à ce qu’il se passait dehors par un fil qui vibrait d’une tension mal contenue. Tant que l’attention de l’ours n’était pas sur nous, il était facile de continuer à se sentir en sécurité.

Facile, également, de supposer que c’était là le moment ou jamais de l’attaquer, pendant qu’il était le plus vulnérable, si tant est que cet adjectif signifie quoi que ce soit face à un monstre pareil. De nouveau, mes prunelles firent l’aller retour, du banquet sinistre de l’animal jusqu’au visage pâle, si pâle, de Junior. Il hocha simplement la tête, de gauche à droite, dans un refus net que je ne cherchai même pas à discuter. Et je retournai à la contemplation morbide de l’ours au pelage blanc sanguinolant. Je ne doutais pas de pouvoir le toucher avec un sortilège : il était gros, si gros que c’était impossible de le louper. Mais je n’avais jamais eu à affronter un tel animal, et derrière ma belle assurance pointait une terrifiante question : si cela ne lui faisait rien ? Ou si, à l’instar de la ridicule lance du cadavre, ça ne faisait que réveiller sa colère qu’il dirigeait dans notre direction il y a encore quelques minutes ? J’aurais été prête à prendre le risque, sans sourciller, si j’avais été seule. Mais il y avait Junior et je refusai d’en faire une cible toute trouvée par mon impulsivité et mon envie de me mesurer à une telle créature. Doucement, la réalité s’imposait à moi qui peinait encore à la mesurer pleinement : nous n’étions plus entourés de la sécurité de nos familles et il n’y aurait personne pour palier mon inconscience si je décidais de me jeter dans la gueule de l’ours. Personne pour le tuer avant qu’il ne soit trop tard, si j’échouais, si je n’étais pas assez vive, si mes sortilèges n’étaient pas assez puissants. Là, dans cette petite cabane rouge, aux côtés de mon meilleur ami, à fixer une bête sauvage qui pouvait nous mettre dans une position délicate en un clin d’oeil si elle décidait avoir encore faim, je me sentis misérable, inutile. Une seconde à peine avant que le sentiment désagréable ne disparaisse, figé par un temps qui sembla s’arrêter.

L’ours avait terminé son repas et se redressa, encore plus impressionnant maintenant que ses babines dégoulinaient d’un sang qui devait être encore chaud et que son pelage taché de ce dernier flamboyait sous nos yeux écarquillés. Les secondes devinrent des heures entières durant lesquelles l’ours évalua les environs jusqu’à ce que son regard noir se pose sur notre cabane. Les heures devinrent des jours entiers et j’avais enroulé mes doigts autour de ceux de Junior sans même m’en rendre compte, la respiration retenue par l’attente mortelle de ce qu’il allait faire ensuite. Et nous, qu’allions-nous faire, s’il fonçait de nouveau droit sur nous ? La question ne se posa pas et ce qu’il aurait pu se passer resta à tout jamais à l’état de supposition. L’ours pivota, retomba lourdement au sol, et s’éloigna. Nous restâmes encore de longues, très longues, secondes, vérifiant sans qu’il soit possible d’en douter que l’animal ne revenait pas. L’immense créature rapetissait lentement jusqu’à n’être plus qu’un point qui s’effaça finalement dans l’horizon. Quand je ne pus plus le distinguer, quand il se fut parfaitement fondu dans le décor désertique qui nous entourait, je sentis le froid au bout de mes doigts et me retournai, à la recherche de Junior.

Nous avions sûrement conscience tous les deux que nous venions d’échapper au pire, mais lui peut-être plus que moi. Il était plus éclairé, moins inconscient. Et face à ses joues mouillées de ses larmes, je ne savais pas quoi faire. Il était facile de me laisser aller à des débordements d’émotions et à manifester ma peur sous le coup de l’émotion, comme lorsqu’il était tombé de cette falaise ou comme quand je l’avais trouvé, la veille, à deux doigts de se faire agresser par une créature maudite. Mais là, je me trouvais dépourvue de toute idée, comme déconnectée d’une réalité que je commençais à appréhender différemment. Ce n’était plus une simple mésaventure, ce n’était plus qu’une question d’heures avant que l’on nous retrouve, ce n’était pas rien, c’était beaucoup, et ça empirait à chaque minute qui s’écoulait. Si Junior refusait que nous sortions, nous ne sortirions pas, quand bien même cette situation ne serait vivable que quelques heures : nous n’avions toujours pas mangé et l’eau que nous avions ramenée la veille ne durerait pas éternellement. Mais tant pis. L’ours était parvenu à entamer ma confiance inébranlable et je me retrouvais prise au dépourvu. À quoi se raccrocher quand nous n’avions toujours pas le moindre signe des nôtres ? Quels espoirs fonder alors que nous étions incapables de sortir de cette cabane sans rencontrer des créatures magiques et des animaux sauvages ? Il y avait de la vie humaine, nous en avions eu une brève preuve, mais les moldus ne pourraient pour nous non plus. Et, de toute façon, cela signifiait quitter notre refuge.

Alors, je me raccrochai à la seule chose certaine dans ce monde qui n’était pas le nôtre et qui perdait, peu à peu, chacun des charmes, mais minimes, qu’il avait pu nous dévoiler. Ne restait que Junior et sa présence rassurante. Avec un temps de retard, je vins l’aider à déplacer la table pour la faire glisser contre la porte. C’était nous contre tout le reste. Une fois cela fait, je fouillai la pièce du regard, à la recherche du plus gros objet à notre disposition. La métamorphose n’était pas mon fort, mais j’étais bien trop déterminée pour considérer ce point-là. Je jetai mon dévolu sur le buffet en bois que nous avions fouillé à notre arrivée. Mon meilleur ami n’allait pas m’en vouloir de faire à nouveau usage de la magie, nous étions tous les deux bien trop à bout de nos réserves pour qu’il s’en formalise, pensai-je au moment de lancer le sortilège sur le meuble. La seconde d’après, il était une épaisse couette dans laquelle nous aurions pu nous enrouler, encore et encore, voire même s’y perdre. Elle remplacerait bien efficacement la couverture usée dans laquelle nous avions trouvé un peu de chaleur ces dernières heures et nous permettrait, peut-être, d’en trouver plus encore pour celles à venir. Le silence était maintenant seulement rompu par le crépitement des bûches qui continuaient de brûler dans le poêle et par les frottements du tissu tandis que nous nous réinstallions sur le matelas que nous venions à peine de quitter. Dormir faisait passer le temps plus vite, dormir contre Junior, enveloppée dans ses bras, le faisait passer d’une manière plus douce. On ferrra quelque chose plus tarrrd soufflai-je finalement, comme la promesse que nous ne resterions pas simplement ici, dans ce lit, à attendre que l’on vienne nous trouver, ou peut-être comme un moyen de me rassurer sur le fait qu’il me restait encore un peu de combativité. Un autre élément qui resta sans réponse. Entre quelques caresses réconfortantes, les mêmes demi-sommeils nous reprirent. Et entre les rêves et à la réalité, les bruits de voix et de pas nous parurent tout droit sortis de nos songes, avant qu’un courant d’air glacial ne nous tire de notre léthargie d’un coup, d’un seul. Nul ours, cette fois, mais trois silhouettes qui se découpaient dans l’embrasure de la porte, baguette à la main, déversant un flot de paroles en direction de l’extérieur, là où d’autres se trouvaient peut-être. Je n’écoutais même pas ce qu’ils disaient, trop contente de pouvoir partager, enfin, un regard et un sourire sincèrement soulagés avec mon meilleur ami, juste avant que ne nous entraîne définitivement hors de cet enfer polaire.
electric bird.

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