Le petit bout de parchemin, recouvert de l’élégante écriture de mon irritable jumeau, me brûlait les doigts. J’avais beau l’avoir déjà lu une dizaine de fois et y avoir même répondu, il continuait de hanter mes pensées. En d’autres circonstances, j’aurais sauté sur l’occasion qu’il m’offrait de dégourdir mes envies de violence contre Blaze Mansfield, mais pas cette fois. Je ruminais mon indignation depuis la soirée que mon oncle avait donnée dans le cachot numéro quarante quatre et ne parvenait pas à me défaire de mon mécontentement. Il fallait dire aussi que je ne cherchais pas vraiment à le faire, préférant assassiner par la pensée mon frère adoré à chaque fois que mes yeux se posaient sur les traits de son visage, plutôt que de lui faire grâce de mon indulgence. Je n’en possédais, de toute façon, aucune, et lui ne la méritait pas le moins du monde. Il m’envoyait où bon lui semblait depuis des semaines, pour que j’apprenne des lèvres de sa prétendue petite-amie puis de l’autre garce de Sherwin qu’il se jouait simplement là une comédie sentimentale pathétique ! Non, l’affront était trop grand, l’outrage trop profond pour être oublié après une bonne nuit de sommeil. Finnbjörn la sentirait passer, cette envie de vengeance qui faisait briller mon regard clair. Oh, ce ne serait rien qui pourrait porter préjudice aux miens. Tout au plus à la fierté adolescente de mon frère adoré. C’est là, entre deux révoltes scandalisées, abandonnée de tous puisque ceux dont je souhaitais m’entourer étaient en cours de divination, que je plongeais dans mes affaires à la recherche de, et bien, je ne savais même pas vraiment. Les mots de Finn trottaient encore dans mon esprit lorsque mes doigts pâles entourèrent la dague qu’il m’avait offerte à Noël et se juxtaposaient à sa fine écriture m’indiquant les propriétés de ce précieux présent. Une arme capable de maudire n’importe quel sorcier, son porteur excepté. Je n’en savais pas vraiment plus, et n’avais pas eu l’occasion de découvrir toutes les propriétés de mon cadeau. Peut-être était-ce le moment ? Je ne faisais nullement cela pour lui rendre service, à cet insupportable jumeau que la vie m’avait collé. Non, il s’agissait d’une curiosité scientifique. D’en apprendre plus sur la magie qui pulsait assurément entre le pommeau et la lame nettoyée de toute rouille. Oui, c’était une formidable occasion.

Mansfield,

J’apprécie de ne plus lire d’insanités concernant mon frère jumeau dans ce torchon qui se prétend journal.
J’ai récemment acquis un objet fascinant ! Est-ce que tu serais intéressé pour l’étudier avec moi ? Je ne vais pas te mentir, il me faut un cobaye, et je me suis dit que tu serais le moins pleutre de tous les imbéciles qui pullulent dans ce château.
Si cela t’intéresse, rendez-vous au bord du lac noir, au pied du plus grand saule pleureur, au moment du dîner. Nous devrions être tranquilles.
Je compte évidemment sur ta discrétion.

Erin.

Alors, à l’heure dite, je quittai mon dortoir où je m’étais réfugiée en comprenant qu’il serait inutile de chercher à réviser plus longtemps, et pris la direction du parc. Il faisait encore doux à cette heure-ci, suffisamment pour que ma simple robe de sorcière me protège du vent léger qui soufflait et faisait danser ma chevelure brune le long de mon dos. Etais-je certaine que Blaze pointerait le bout de son nez ? Je n’en avais aucun doute. Il était une tête brûlée, un adolescent excité par le danger et toutes ses formes. Il aimait la compétition et se surpasser, au moins autant que de pouvoir revendiquer l’unicité d’une action ou d’un savoir. J’étais donc sûre d’avoir piqué sa curiosité avec mon mot succinct. Accepterait-il, lui, de se faire piquer à son tour ? C’était ce qu’il y avait de plus incertain, mais mon sourire fauve ne laissait pas place à l’indécision. Il serait convaincu. La ponctualité n’est pas ton forrrt fais-je en décollant mon dos du tronc de l’arbre contre lequel j’étais appuyée alors que se dessine la silhouette de mon camarade. Les dernières lueurs du jour nous abreuvaient encore d’une luminosité plus que suffisante pour ce que nous nous apprêtions à faire. J’en déduis cependant que ma prrroposition t’as séduit.

J’accueille Blaze de quelques paroles railleuses qui ne se privent pas de noter son retard. Je n’aimais pas attendre, je n’en avais pas la patience. Il tente d’agiter un drapeau blanc en arguant avoir ramené de quoi manger et je hausse les épaules, un sourire amusé aux lèvres. Pourquoi pas, tout dépendrait de ce qu’il avait emmené avec lui. Ah oui ? Blaze se rapproche et dévoile finalement son trésor. Le petit pain au fromage qu’il me tend est encore tiède et dégage une odeur appétissante. Lui donner rendez-vous alors que tous nos camarades étaient entrain de manger nous assurait une tranquillité idéale, mais elle avait l’inconvénient de retarder mon repas et mon estomac protestait déjà contre ce fait. Pas mal ! ça parrrdonne ton rrretarrrd fais-je avec un sourire un peu plus grand alors que mes doigts pâles déchirent le pain en deux pour en porter un bout à mes lèvres, passant sur le fait qu’ils avaient fait le trajet depuis la grande salle dans la poche du Serdaigle.

Tous mes proches le savaient bien : la patience n’était pas mon fort, bien au contraire. J’étais aussi impulsive et impétueuse que Finnbjörn était stratège et réfléchi, c’est-à-dire énormément. Mais je me retrouvais face à tout aussi empressé que moi. Déjà Mansfield m’interroge et m’enjoint de tout lui raconter sur ce fameux objet que mon mot mentionnait. Je ne m’étais pas trompée : j’étais parvenue à piquer sa curiosité et il voulait maintenant en savoir plus. Pas de temps à perdre, ni pour l’un, ni pour l’autre : nous entrons directement dans le vif du sujet. Il était fort probable que mon jumeau adoré se serait assuré d’avoir un plan bien ficelé avant d’arriver sous ce saule pleureur, un stratagème savamment élaboré qui lui assurerait de ne pas commettre le moindre impair. Avais-je déjà souligné à quel point nous étions différents ? Je n’avais rien prévu de spécial pour mon tête-à-tête avec Blaze, toute entière concentrée sur l’objectif à atteindre, et peu importait le chemin que j’emprunterai pour cela.

C’est un objet rrréputé pourrr avoirrr apparrrtenu à un puissant mage lui expliquai-je après avoir avalé le bout de pain que je mâchonnais en contemplant son excitation apparente. Mon sourire brûlant d’enthousiasme pouvait passer pour une exaltation à l’idée d’avoir en ma possession un objet aussi puissant que celui que je m’apprêtais à lui dévoiler, et c’en était en grande partie. Mais il était surtout rehaussé de cette perspective délicieuse qui prenait doucement forme, celle de faire regretter à cet imbécile de s’en prendre, encore et encore, à ma famille. Il y avait bien des idiots, dans ce château. Une bonne partie, cependant, avaient rapidement compris que se frotter aux Sørensen était suicidaire, et cela les rendait moins abrutis que ceux qui, comme Blaze, comme Misha, comme quelques autres, pensaient pouvoir faire le poids face à nous. Je ne l’ai pas trrrouvé à Poudlarrrd mais dans l’Allée des Embrrrumes, dans une boutique qui rrrecèle d’objets magiques supposés disparrrus. Tu connais ce coin du Chemin de Trrraverrrse ? Ma question en suspens trouve rapidement une réponse dans le regard brillant de mon camarade. Ce n’était pas tout à fait la vérité, ce n’était pas tout à fait un mensonge non plus. Je préférais éviter de mentionner Finnbjörn pour l’instant mais il me fallait néanmoins titiller cette curiosité qui devait le dévorer tout entier. Passons, peu imporrrte comment je me le suis prrrocurrré, tu n’as pas besoin de le savoirrr. Un ton aux allures de mise en garde qui ne serait pas suffisant pour le rebuter, j’en étais certaine. Tout ce qui compte, c’est sa rrréputation.

Et, dans un geste un peu théâtral, mon sourire toujours plus féroce, je tire de ma poche la dague enroulée dans un lourd tissu noir. D’un geste rapide, je fais disparaître les quelques miettes qui encombrent mes doigts, puis je défais l’enveloppe et permet finalement à la lame de scintiller en plein air. Le manche, en pierre de dragon, représentait une flamme et était de toute beauté. C’était un objet magnifique qui faisait danser bien des choses au fond de mon regard cristallin. Je me détache cependant de cette vision que je pourrais contempler des heures durant, pour reporter mes prunelles sur le visage de Blaze, espérant y lire le désir d’en savoir plus. Les légendes rrracontent que son porrrteurrr trrraverrrsait les contrrrées et semait derrrièrrre lui des entailles et des pouvoirrrs forrrmidables. Plus prrragmatique, cette lame attirrrerrrait des capacités phénoménales, mais son porrrteurrr en est exempt, supposément pour ne pas en abuser. Je soupire et roule des yeux, comme pour lui partager tout ce que je pense de cette restriction. J’ai déjà tenté de fairrre un essai surrr moi, cela n’a rrrien donné. Et, dans un élan impulsif, une lueur indéfinissable au fond de mon regard, j’entoure ma main gauche autour de la lame acérée et la laisse taillader la peau tendre de ma paume, avant de la présenter, tendue et rougeoyante d’un sang écarlate, à mon camarade, une moue blasée qui se fend bientôt d'un sourire amusé sur mes traits. Le but n'était que de lui montrer que nous ne risquions rien, rien du tout.

Il aurait été bien hypocrite d’affirmer que Blaze était complètement stupide. Par bien des aspects, il se démarquait suffisamment de tous ces d’imbéciles qui emplissaient les couloirs de Poudlard. Il était intelligent et rusé. Il n’avait pas froid aux yeux et la grande importance qu’il avait de lui-même le poussait à relever bien des défis. C’était ce trait de caractère, cette impulsivité qui me rappelait la mienne, qui l’avait poussé à me rejoindre sous le saule pleureur ce soir. Mais Mansfield n’était pas complètement stupide. S’il n’était pas le plus réfléchi d’entre tous, il n’était cependant pas suffisamment débile pour se laisser avoir sans poser de questions. S’il n’avait pas fait preuve d’un peu de méfiance et de circonspection, je l’aurais relégué avec un mépris total dans le rang terne des idiots sans saveur. Est-ce qu’il remontait dans mon estime en se montrant prudent ? Pas le moins du monde. Mais au moins conservait-il sa place de camarade qui valait un peu plus le coup qu’on s’y intéresse que la majorité. En bien, parfois, en mal, comme présentement. Lui faire passer l’envie de retourner bourdonner autour de mon jumeau adoré était ma priorité ce soir.

Un ricanement s’échappe de mes lèvres à la question du Serdaigle. Et leurrr donner un coup d’avance surrr moi ? Je hausse les épaules, le coin de mes lèvres relevés par un rictus moqueur. Ce n’était pas un complet mensonge : si j’obtenais demain la possibilité de damer le pion à mon tendre frère, je n’hésiterais pas un seul instant. Notre relation était basée sur cette compétition qui imprégnait chacun de nos gestes, chacune de nos interactions. C’était à qui dépasserait l’autre, qui obtiendrait un avantage durable en premier. Alors, si d’aventure j’avais réellement mis la main sur une dague capable de donner un pouvoir phénoménal à quelqu’un, je ne l’aurais pas essayée sur Finnbjörn. Hannibal n’a pas de temps à perrrdrrre avec ce genrrre d’expérrrience. Que ce soit lui ou Finn, ils sont de toute manièrrre trrrop timorrrés pourrr s’y essayer. Je ne relevai même pas la mention faite de ma cadette. Judith n’était rien à mes yeux, pas suffisamment importante pour que je m’en préoccupe, pas suffisamment inexistante pour qu’il me soit impossible de l’oublier définitivement. Dague maudite ou dague bénie, dans un cas comme dans l’autre, il ne me serait jamais venu à l’esprit de partager cette magie avec elle.

Doucement, une satisfaction perverse au fond de mon regard clair, j’enroule mes doigts autour de la lame et la fait coulisser le long de ma paume, dévoilant finalement une blessure crachant un sang écarlate. Je ne risquais rien, je n’en avais jamais douté un seul instant : la dague ne blessait pas son porteur. Et j‘avais une foi aveugle en Finnbjörn qui ne m’aurait jamais offert quoi que ce soit susceptible de me porter préjudice. Il évitait, de manière générale, de me mettre le danger à l’état brut entre les mains. Mais, il fallait croire que, quelques fois, sa nature profonde reprenait le dessus, et j’étais certaine qu’au fond de lui, mon très cher frère se délectait parfois de mes éclats et de cette capacité sadique que j’avais à ne pas hésiter avant de blesser. Depuis que j’étais née, flamme qui brûlait d’envie de grandir, de dévorer toujours plus de combustible, je n’avais jamais craint ni les autres, ni le destin. Etais-je invincible ? Mon coeur tendait à prouver le contraire. Mais je n’en avais cure, la flamme devenant un incendie difficile à maîtriser. Alors, au fond, même si le doute avait subsisté un instant autour du risque que je prenais, je n’aurais pas cherché à esquiver le danger. Il ne pouvait rien m’arriver.

J’aimais ce que je croyais lire dans le regard de Blaze et un nouveau ricanement, bref, s’interpose entre nous. Évidemment. Evidemment qu’il y avait un risque, je n’avais jamais dit le contraire. C’est ce qui la rrrend si fascinante fais-je en faisant bouger la lame, de manière à ce qu’elle capte un peu de la lumière prodiguée par les quelques rayons du jour qui nous éclairaient encore. Je t’assurrre que non. Il y a cerrrtains secrrrets que je prrréfèrrre tenirrr éloignés de ma frrratrrrie. Ma cape d’invisibilité, par exemple, en était un. Bien que, je doute qu’elle le soit encore pour Finnbjörn, alors que je n’avais jamais mentionné sa possession. Mais il avait l’air de s’en douter, m’envoyant sans vergogne dans les dortoirs des Serpentard, puis espionner une conversation entre abrutis au milieu du parc. Ou bien il le soupçonnait, ou bien il me pensait suffisamment rusée pour y parvenir sans.

Son regard se plante dans le mien, allumé d’une lueur résolue. Que je lui jure que je ne mentais pas ? Avec plaisir, Blaze. Avec plaisir. Tu as ma parrrole que je ne mens pas. Le ton, solennel, les prunelles flamboyantes. Je ne mentais pas, je déguisais la vérité. Afin d’appuyer mes paroles, je tends ma main, veillant à ne pas faire couler de sang sur ma robe, comme pour sceller un pacte, un pacte de sang, surmontant ma répugnance à toucher ceux qui pouvaient avoir laissé traîner leurs pattes n’importe où. Je ne peux cependant pas te prrromettrrre qu’il se passerrra quelque chose. Si ça se trrrouve, ce n’est qu’un vieux couteau inutile. Mais si ça n'est pas le cas, si seulement ça ne l'est pas, on aurrra quelque chose de grrrandiose à étudier.

Dingues ? Si nous étions dingues, le monde était fou et courait à sa perte. Ce qu’il prenait pour de l’aliénation était, au contraire, une nature bien plus élevée que la sienne et que celle de bien des élèves de ce château. Mais ça, comment pourrait-il le comprendre ? Il n’était qu’un rat parmi les cloportes, un peu plus gros, un peu plus intelligent, un peu plus visible pour les sorciers que nous étions, mais il ne valait pas autant que nous. La faute à ses ancêtres, certes, qui avaient un jour cru bon de souiller un noble sang avec une ignominie sans la moindre once de magie. Un rat qui, s’il était d’une compagnie passable en règle générale, s’était mis à jouer avec les limites ces derniers temps. Suffisamment pour que soit venu celui de lui en faire passer l’envie. J’accueille ses propos d’un ricanement fier sans rien répliquer, mon sourire accentué alors qu’il rajoute que c’est cool. Finalement, le plus dingue de nous deux, c’était peut-être celui qui fonçait tête baissée dans tout ce que le danger agitait sous son nez en quête de toujours plus.

Il me demande de jurer que je ne mens pas, ce que je fais avec un sérieux grave et royal. Il y avait presque une lourde solennité qui pesait dans l’air de ce coin du lac noir, alors que je lui tends ma main rougie par mon sang, comme pour sceller un accord dont il ne connaissait, au fond, ni les tenants, ni les aboutissants. Pas plus que moi, cela étant. De cette dague, je ne savais que les quelques informations qu’avait annotées Finnbjörn sous mon présent d’anniversaire, et rien de plus. Faire des recherches à la bibliothèque ne m’avait même pas effleuré l’esprit, et pour cause : l’idée d’utiliser cette dague aujourd’hui m’était apparue dans toute sa splendeur cet après-midi uniquement. Pas le temps, donc, de se renseigner plus en avant ce qu’il convenait de faire. C’était une lame parfaitement aiguisée, et les lames avaient pour but premier de trancher, de taillader, de couper. De tuer. Je n’allais évidemment pas en arriver à cette extrémité-là avec Blaze, mais une coupure profonde serait certainement parfaite pour l’envelopper de cette malédiction aux contours bien flous.

Son approbation fait naître un sourire encore plus flamboyant sur mon visage. Presque triomphant, pour qui saura lire la flamme au fond de mes pupilles claires. Je savais que je faisais appel à la bonne perrrsonne. Comme s’il y en avait jamais eu d’autres. Nos mains serrées, le sang qui imprègne sa peau à lui, et il garde le bras tendu dans ma direction, attendant la suite. J’imagine que c’est comme ça qu’il faut fairrre. Et sur ces paroles des plus rassurantes, j’entoure son poignet de mes doigts tâchés de sang. Mon regard se porte une dernière fois à la rencontre du sien, avant de se baisser sur la pointe de ma lame, que je pose légèrement en-dessous du creux de son coude. Et d’un geste précis, comme si j’avais fait ça toute ma vie, j’entaille sa peau jusqu’au niveau de son poignet.

Quelques secondes s’écoulent dans un silence de plomb, que mon impatience vient finalement briser. Alorrrs ? Tu sens quelque chose ? Peut-être que la malédiction mettait du temps à agir, je ne savais même pas qu’elle forme elle prenait. Pour quelqu’un qui détestait devoir attendre, je sentais qu’il me faudrait quelques jours pour savoir si, oui ou non, j’étais parvenue à mes fins.

Mon sourire flamboyant cède la place à un voile de contrariété alors que Blaze affirme ne rien sentir du tout. Et ? C’était tout ? Il ne se passait rien de plus ? Pas d’éclair dans le ciel, pas de nuage venant obscurcir magiquement les dernières lueurs du soleil, pas de brouillard lourd de danger ? Où était le panache qui accompagnait la magie noire et ses artefacts ? Finnbjörn m’avait peut-être offert une simple camelote, après tout. Je ne le pensais pas réellement, il était trop prudent et trop éclairé pour se faire avoir et se retrouver en possession d’une babiole sans intérêt. Je ne savais pas à quoi je m’attendais mais j’étais tout de même déçue. J’accueille ses interrogations d’un haussement d’épaules. Si c’est le cas, quelqu’un va le rrregrrretter fais-je d’un ton mauvais, avant de planter mon regard dans le sien. Horrrs de question. Les adultes sont tous des rrrabats-joies, ils ne voudrrront jamais nous laisser en possession d’une dague. Surtout pas Thorstein. D’autant plus qu’elle serait la plus à même de se rendre compte que ça n’était pas exactement ce que j’avais décrit à Mansfield. Je ne faisais nullement confiance à cette femme et préférait laisser ma lame loin de son regard de glace.

La remarque suivante était déjà un peu moins sotte. Cependant, une nouvelle fois, je n’en savais rien. Fallait-il attendre plusieurs heures avant que les mauvais esprits ne viennent le hanter ? Ce dont je pouvais être certaine, c’est que lorsque la malédiction opèrerait, il s’en rendrait compte. Sans avoir besoin de plonger dans le lac noir pour cela. Je me penche pour essuyer grossièrement la lame sur l’herbe grasse et humide du bord du lac, avant de la ré-envelopper dans le tissu sombre qui l’avait accompagnée hors de mon dortoir. C’est possible mais bien embêtant. Cela veut dirrre qu’il faudrrrait tenter de te noyer pour vérrrifier si c’est, ou non, le cas. Je relève un sourire fauve en direction du Serdaigle. J’étais on-ne-peut-plus prête à essayer, si c’était là son désir.

Avec un soupir, j’abandonne l’exaltation qui était la mienne pour suivre les pas de Mansfield. Plus rien ne nous retenait ici, autant retourner au château. Junior était peut-être encore entrain de manger et je pourrais profiter de sa compagnie avant que le couvre-feu ne nous sépare. Je pouvais aussi bien rejoindre mon tendre frère, mais j’étais toujours follement indignée contre son comportement de ces derniers temps, quand bien même je me trouvais ici, ce soir, dans son intérêt. Nous délaissons le saule pleureur et nos pas nous guident en direction des grandes portes qui marquaient l’entrée de Poudlard. Blaze était venu les poches pleines de petits pains, il avait pourtant encore suffisamment faim pour le dessert. Pour ma part, alors que je n’avais rien mangé depuis ce midi, je me sentais parfaitement repue. L’excitation du moment m’avait probablement coupé la faim, ou était-ce la déception que rien de merveilleusement violent ne se soit produit ? Sans plus de cérémonie, je l’abandonne bien vite pour me diriger, le menton hautain, jusqu’à la table des Serpentard. Je repousse sans ménagement un gnome de première année qui venait de me marcher sur le pied, sans parvenir à me faire ressentir le moindre mal cependant, et je me laisse bientôt glisser aux côtés de mon meilleur ami, attrapant un bout de gâteau au chocolat, plus par gourmandise que par réelle faim.