C’était une journée tout ce qu’il y avait de plus normal. Il faisait beau, de rares élèves se promenaient dans le parc. Le temps était clair, dégagé, un grand soleil éclairait les abords de la forêt, se reflétait sur la plate étendue d’eau du lac, baignait de lumière les étendues de pelouse. Le vent était calme, ne faisant qu’agiter légèrement les feuilles et l’herbe dans une brise délicate J’avais décidé d’une pause dans mon travail, personne ne m’en voudrait et j’étais loin d’être débordé. Mon potager commençait à faire ses premières pousses de courgette, les potirons et citrouilles avaient recommencé à pousser suite à l’odieuse attaque des limaces géantes de Blaze.
La forêt interdite se portait à merveille, aucune intrusion d’élève en mal de sensation forte n’était à déplorer, du moins pas à ma connaissance.
Je commençais à me sentir de mieux en mieux à Poudlard. J’y faisais ma place non sans difficulté. Je n’étais pas le collègue le plus sociable, je passais peu de temps au château, certains professeurs devaient à peine connaître mon nom. Du côté des élèves, il y avait bien entendu Blaze qui me menait une guerre ouverte, Hilary, ma fille, dont nos liens s’étaient resserrés depuis mon arrivée même si je présentais déjà les difficultés qui risquaient d’apparaître et, plus étonnant, Lunox, qui semblait m’apprécier malgré mon air bougon et dont j’avais fait connaissance récemment suite à sa visite imprévu dans ma cabane. Parmi les autres élèves, je supposais que les impressions étaient mitigées, comme pour tout le monde. Certains devaient m’apprécier, d’autres me voir comme une figure d’autorité insupportable, d’autres encore m’ignorer royalement. Qui fait attention au garde-chasse ? Rien de très intéressant à signaler donc.
J’étais donc tranquillement en train de me préparer un thé. Dans me bagages j’avais emporté une bouilloire tout ce qui a de plus moldue. J’aurais pu faire bouillir mon eau de manière magique, ce n’était pas bien compliqué, mais je m’étais habitué au son de la bouilloire quand l’eau bout et il fallait bien le dire : le goût du thé n’était pas le même, il était beaucoup plus puissant et les arômes infusaient bien plus profondément quand l’eau avait bouilli dans une bouilloire. Je me faisais peut-être des idées mais ça me semblait très clair. Et surtout la bouilloire me rappelait les meilleurs moments de Whitby, ceux que je passaient le soir chez Elenna et ses deux enfants, ces soirs durant lesquels la vie semblaient nous sourire à tous les quatre. Willem nous parlait de son phare, des derniers touristes et de leur gaucherie naturelle, leur émerveillement en voyant la mer et les bateaux à l’horizon. Il en était fier de son phare, fier de le faire découvrir même s’il avait parfois du mal à supporter les touristes. Elenna et moi parlions de notre dernière pêche, expliquions à Hilary la fabrication d’un filet, rions aux éclats à des histoires de marins… Hilary trépignait de sommeil mais ne voulait pas aller se coucher, elle voulait encore passer du temps avec nous.
Au milieu de tous ces souvenirs, il me semblait que la journée ne pouvait pas mieux se passer. Hilary était près de moi maintenant, à cette heure-ci elle devait être en grande discussion avec des amis ou alors en train de faire semblant de réviser un cours de potions ou d’histoire de la magie tout en regardant le ciel. La journée se passait bien jusqu’à un bruit, bruit de pas d’abord puis bruit sourd à la porte. On frappait. Qui était-ce ? Hilary m’aurait certainement prévenu et Blaze n’avait pas l’habitude de frapper avant de faire ses tours. Et pourquoi ? Je n’eus pas le temps de me poser ces questions que déjà j’avais la réponse. Et mon coeur rata un battement.
Yaxley. Ce nom me disait quelque chose. Et effectivement la suite de ses paroles me confirma que c’était une vaste lignée de sang-pur. Je n’avais jamais eu de contacts très proches avec eux. Mais toutes les familles sang-pur, encore plus celles proches des Mangemorts, se connaissaient. Et visiblement elle avait fait le rapprochement. Quelles étaient ces intentions ? Quelles étaient ses propres opinions à ce sujet, je l’ignorais mais je n’allais pas tarder à le découvrir.
Je me levai donc et ouvris la porte : « Entre donc si tu veux qu’on parle. Ce sera toujours mieux que de rester dehors, surtout vu le sujet. » J’essayais de prendre un ton assurée mais l’inquiétude perçait dans ma voix.

Je n’avais évidemment pas eu le temps de ranger ma cabane. Heureusement j’avais fait le ménage récemment, j’avais aéré le matin même et mes affaires ne traînaient pas trop sur la table, il n’y avait que quelques papiers, ma tasse à moitié pleine et une bêche que je n’avais pas remis dans le placard puisque j’avais prévu de m’en resservir peu après ma pause. Selon mon planning c’était d’ailleurs le moment de bêcher un coin encore en friche de mon potager mais Carla en avait décidé autrement. Et vu le sujet qu’elle avait abordé la discussion promettait d’être longue et complexe, de réveiller en moi des souvenirs, des regrets, des remords profondément enfouis. Ce que je craignais le plus venait de se produire : on me demandait des comptes sur un passé que j’aurais voulu faire disparaître.
J’ouvris donc ma porte et dévisageais la jeune fille qui se tenait devant moi. Je ne l’avais jamais vu. Elle n’était pas bien grande, plutôt mince, certainement en 6e ou 7e année. Son regard accusateur, son ton déterminé en disait long sur ses intentions : malgré sa corpulence, elle venait dans le but de se confronter. C’était plutôt courageux, voire un peu téméraire si jamais elle ignorait mon revirement pour le moins radical.
Mine de rien elle semblait pour le moins mal à l’aise derrière ses airs autoritaires et décidés, ce que je pouvais bien comprendre. Je ne voulais pas le montrer mais je n’en menais pas large non plus. Pourtant quoiqu’elle sache, quelques soient ces intentions, il fallait que je fasse preuve, au moins extérieurement d’un certain aplomb malgré la peur qui me rongeait. Elle s’arrêta au milieu de la pièce, les bras croisés et enchaîna les questions. Difficile de savoir dans tout cela ce qu’elle savait et ce qu’elle ignorait mais ce qui était sûr c’est qu’elle pensait que je n’avais pas changé. Je me montrai donc prudent dans mes réponses, pas questions de lui révéler quoi que ce soit sur mon passé sans être dos au mur.
« Oui, je sais que nos familles se connaissent au moins de nom, entre familles de sangs-purs c’est assez courant, encore plus dans les familles dont les idées se ressemblent. »
Il ne put m’échapper qu’elle jeta un rapide coup d’oeil en direction de mon bras, là où se trouvait une brûlure mal cicatrisée, celle de mon tatouage si proche de la fameuse marque des ténèbres. Heureusement je portais des manches longues ce jour-là, mais je savais bien que ce ne serait pas toujours possibles. Ce ne fut pas une question qui vint ensuite mais une affirmation, une accusation même. Je soupirais sans vraiment répondre directement.
« Dans ma famille, certains ont fini à Azkaban, d’autres sont morts dans des circonstances troubles, ce sont des faits assez connus quand on connaît un peu le monde des sangs-purs. Il suffit de lire les registres d’Azkaban pour s’en rendre compte. Et je ne peux pas cacher que l’éducation que j’ai reçue a eu des répercussions sur les idées que j’ai pu défendre dans ma jeunesse. » Ce n’était pas une réponse, je le savais bien et ça risquait de la rendre encore plus méfiante à mon encontre. Mais je m’en tenais à ce que je m’étais dit : ne rien dire tant que je ne saurais pas ce qu’elle savait. Par contre, je pouvais répondre assez franchement à la question suivante.
« Non, j’ai rompu avec toutes ces idées il y a plus de vingt ans. » Ma voix restait froide, détachée, malgré la douleur du souvenir de la mort de mon frère.
Pour d’autres raisons, je ne pouvais pas répondre à sa dernière question, je ne pouvais pas parler d’Hilary, ç’aurait été risquer de la mettre en danger surtout vu que Carla faisait des liens entre tout ça. Je me décidais donc à un demi-mensonge.
« Comme beaucoup de gens j’ai besoin d’un toit et de nourriture. Poudlard proposait une place à la hauteur de mes compétences donc j’ai sauté sur l’occasion. » J’étais malgré tout sur la défensive et Carla devait le sentir. Mais que dire d’autres ?
« Sinon, veux-tu boire quelque chose ? Un thé, de l’eau ? Et assis-toi donc, je sens qu’on en a pas fini de cette discussion… Laisse moi à mon tour te poser quelques questions : que sais-tu de moi ? Et comment te positionnes-tu par rapport aux idées de ta famille ? » Elle me répondrait si elle le voulait, après tout rien ne l’y obligeait et c’était moi, avec mon passé, qui étais en position de faiblesse.

Comme prévu mes réponses ne satisfaisait pas Carla et elle en profita pour ne pas vraiment répondre à mes questions, en tout cas pas à celle qui me préoccupait le plus : que savait-elle exactement ? Pas juste dans les grandes lignes mais connaissait-elle la mort de mon frère, la raison de ma fuite. Connaissait-elle ma participation à la bataille de Poudlard, ma pratique de la magie noire et tout ce qui en découlait ? Que voulait-elle dire quand elle parlait de « Mangemort » à mon propos ? Que savait-elle de la suite, après ma fuite ? Je ne savais même pas ce qu’avait dit mes parents suite à mon départ soudain, à ma disparition.
« Il est de notoriété publique, au moins dans ma famille que les allégeances de la tienne comme de la mienne allaient dans le même sens. Pas besoin de se le cacher, deux familles proches des Mangemorts entretiennent suffisamment de liens pour connaître leur évolution respective. » Je n’allais quand même pas lui raconter tout ce que je savais sur sa famille, sur ses oncles, tantes, grands-oncles et même, dans une moindre mesure parents. Quoique si j’étais acculé à devoir contre-attaquer j’aurais cette arme à disposition et je saurais m’en souvenir.
« Je pense que tu peux comprendre que quand on est jeune, influençable, soucieux de plaire à sa famille, de rentrer dans le moule, de rester dans un milieu qu’on a toujours connu, on fait parfois des choix qu’on regrette amèrement par la suite. La vie m’a ouvert les yeux je dirais, à ma sortie de Poudlard j’ai coupé tout lien avec les milieux sang-pur. Ça n’excuse rien, ça ne rachète rien mais tu veux la vérité, la voilà. » Le seul élément que je taisais, sans raison apparente, était que je n’avais pas seulement rompu avec les sangs-purs, j’avais rompu avec tout ce qui avait trait à la magie. Ce n’était en soit pas blâmable mais risquait d’entraîner des questions sur ma vie après et sur mon retour à ma réalité de sorcier. Par contre j’allais devoir être un peu plus précis sur mes motivations à ce poste, sans révéler toute fois mes liens plus que proches avec Hilary.
« Non, je n’ai jamais rêvé de ce poste, mais par compétences, je voulais dire qu’il n’y avait pas grand-chose d’accessible à un homme qui n’a pas fait d’études. Tu penses que c’est un poste ingrat ? En effet mais j’ai bossé des années dehors dans le froid, ce n’est plus un problème. Le salaire est faible ? C’est sûr mais le gîte et le couvert est assuré. Je n’ai aucune reconnaissance de la part des élèves ? Je ne la cherche pas spécialement. Alors oui j’ai vu les coups d’oeil étonnés que tu jetais à ma cabane, ça change de la demeure dans laquelle j’ai grandi, je peux te le dire. Mais excuse-moi de te le dire, tu es né avec une cuillère en argent dans la bouche, tu ne connais rien des difficultés de la vie. » Je ne voulais pas m’emporter, je ne voulais pas paraître encore plus perturbé que je ne l’étais.
Elle accepta, sans doute étonnée, un verre d’eau, s’assit avant de poursuivre. Il fallait que je la convainque que ce n’était qu’une coïncidence que je sois arrivé peut après l’incendie.
« Tu sais parfaitement le nombre d’évènement qui ont traumatisé cette école ces dernières années. Je serais arrivé en début d’année, ç’aurait été juste après l’incendie qui a ravagé le château, tu en aurait tiré les mêmes conclusions. Pareil si j’étais arrivé à n’importe quel moment. Quand à mon passé je t’ai déjà donné quelques éléments de réponses, à moins que tu n'aies des questions plus précises je n’ai pas de raisons de revenir dessus. » J’espérais que ces prochaines questions me permettraient de savoir enfin ce qu’elle savait de moi et de ma famille. Car c’était finalement ça ma plus grande crainte, pas que Carla me prenne pour un Mangemort mais qu’elle dévoile tout à toute l’école et en particulier à Hilary, même si les deux problèmes étaient en partie liés.
Par contre, elle semblait douter des ces idées vu l’hésitation qu’elle avait à répondre à ma question, qu’elle éluda d’ailleurs quasiment avant de repasser à l’attaque.
« Non je ne suis pour tuer personne, moldu, né-moldu ou autre. » Je ne voulais pas le lui dire mais je me refusais maintenant même aux grandes déclarations sur le sang ou autre, que ce soit dans un sens ou dans un autre. Ma seule boussole était la protection d’Hilary, en souvenir de sa mère et je n’allais pas chercher plus loin.

Je m’étais mis dans une position délicate dans cette discussion. J’éludais les questions de Carla autant quand elle portait sur mon passé que sur mon présent. Je ne voulais pas lui révéler ce qu’elle ignorait encore sur mon passé aux côtés de Vous-Savez-Qui, je ne lui donnerais pas ces armes contre moi. Et malgré tout mes efforts, elle ne me donnait que peu d’indices pour savoir ce qu’elle connaissait de ma vie antérieure. Et d’un autre côté, je ne pouvais lui révéler pourquoi j’avais changé sans mettre en danger ma famille. N’importe qui aurait expliqué les raisons de son revirement pour prouver sa bonne foi mais en faisait cela je mettais en danger Hilary et l’idée m’en était insupportable, je m’étais promis de la protéger au détriment de ma propre tranquillité et aujourd’hui je faisais vraiment les frais de ce serment. Je mentais donc sur les deux tableaux. Il était peut-être temps de changer légèrement de stratégie et de passer à l’attaque.
« Tu dis cela pour te dédouaner, tu sais parfaitement que nombre de Mangemorts ont échappé à la fois à la mort et à Azkaban. Si on va par là, je peux te retourner l’argument : je n’ai jamais été condamné pour quoi que ce soit en lien avec les Mangemorts, jamais. Tu peux aller vérifier auprès du ministère de la Magie et dans les registres d’Azkaban. » C’était la pure vérité, j’avais certes été inquiété après la défaite de Poudlard mais j’avais plaidé, sans en penser un mot à l’époque, l’erreur de jeunesse. Ma dernière phrase était un peu du bluff par contre, j’en avais bien conscience. Les caves du Ministère gardait sans doute des traces des interrogatoires, des heures passées à attendre un verdict, de mes dépositions d’innocence, de celle de mon frère…
Elle continua, m’attaquant cette fois-ci sur mon mensonge concernant mon poste, me retournant mes arguments. Elle n’avait pas froid aux yeux, surtout que je sentais, ou j’avais l’impression, qu’elle ne croyait pas un mot de ce que je lui disais, qu’elle me pensait toujours Mangemort.
« Je suis né avec une cuillère en argent entre les lèvres moi aussi et à ma sortie de Poudlard, je n’aurais jamais imaginé y retourner en tant que garde-chasse, un poste que je méprisais autant que celui de domestique, un poste tout juste bon à être celui d’un demi-géant balourd. J’aurais pu faire le choix d’aller toquer à la porte de tes parents, ou de n’importe quelle autre famille. j’aurais été sans doute accueilli comme il se doit, comme n’importe quel sang-pur accueille un des siens. Mais j’ai fait le choix de rompre avec ce milieu, et je ne reviendrais pas dessus, quitte à me retrouver à nettoyer un parc le reste de ma vie. Quelle expérience ai-je, tu te le demandes vraiment ? Rien qui ne puisse me valoir un poste de professeur ou équivalent, je n’ai que l’expérience des métiers manuels, des métiers ingrats que tu ne voudrais pas t’abaisser à faire. » Je réfléchissais à la hâte : hors-de-question de lui dire que j’avais passé vingt ans chez les moldus, elle me demanderait pourquoi j’étais revenu vers le monde des sorciers. Aucun mensonge valable ne me venait à l’esprit et encore une fois je me résolus à une réponse assez vague qui ne lui conviendrait certainement pas. Plus la discussion avançait, plus je m’enfonçais.
Sa longue tirade qui suivit me laissa songeur. Oui à sa place, mes propres explications m’aurait fait figure de vagues tentatives maladroites de changer de sujet. Il fallait peut-être que je lui révèle une information supplémentaires mais laquelle ? Qu’est-ce qui pourrait lui faire comprendre que j’étais de bonne foi sans pour autant se retourner contre moi. Ma participation à la bataille de Poudlard, c’était bien entendu exclu. L’existence d’Hilary aussi. Ma vie chez les moldus, pareil. Restait la mort de mon frère. Ce n’était pas un secret dans ces milieux et elle était même peut-être déjà au courant. Peut-être même se demandait-elle pourquoi je n’avais pas abordé le sujet… J’allais encore attendre un peu, attendre d’être encore plus acculé que je ne l’étais pour jouer cette carte. Elle me raconta l’incendie de Poudlard, sa crainte que ça ne recommence, sa crainte que je n’en sois, sinon l’investigateur, au moins un complice. Comment lui faire comprendre que je n’avais rien à voir avec cela ?
« Je comprend que cela t’affecte et j’en suis désolé. Mais je n’y suis absolument pour rien. Et si tu n’es pas sans savoir que les familles de sang-pur, à des degrés d’extrémisme divers, sont bien présentes à Poudlard. Et je ne sais pas comment on dit « Mangemort » en norvégien mais je ne vois pas pourquoi tu te méfies plus de moi que des Sorensen par exemple. » J’avais pris les Sorensen à moitié par hasard et à moitié pour ne pas parler des Elsing, sans autre arrière pensées que celle de me dire que c’était une des familles les plus extrémistes que je connaissais. « Et d’ailleurs je ne te l’ai pas demandé tout à l’heure mais qu’est-ce qui te rend si sûre de toi quand tu dis que je suis un Mangemort ? Ce sont des accusations graves, qui nécessitent des preuves » Cette défense venait un peu tard mais c’était le seul moyen que je voyais de savoir enfin ce qu’elle savait exactement. « Je ne me suis pas mis à hurler certes, mais je l’aurais fait tu aurais sans doute pris peur et serais partie en courant en criant à tous les gens que tu croisais qu’il y avait un Mangemort à Poudlard. »

Usual suspect

La jeune fille haussa les épaules dans un geste et nerveux, et lui fit remarquer.

- Je me dédouane personnellement de rien, je n’étais pas née. Je ne vais quand même pas me reconnaître une culpabilité impossible. Alors pourquoi ma famille m’a dit que vous aviez suivi votre frère ?

Elle ne pouvait pas lui en vouloir de la juger sévèrement, comme une petite peste pourrie gâtée. D’abord parce que ce n’était pas faux, mais aussi parce qu’elle ne lui avait rien offert depuis le début de la conversation qui la rendrait appréciable.

Le nom des Sorensen la mit profondément mal à l’aise. Dans un geste inconscient de protection, elle croisa les bras, comme si cette position allait pouvoir mettre physique de la distance avec idée qui la dérangeait. Il n’avait pas tort, dans le genre famille extrême, on faisait difficilement mieux que les Sorensen. En plus, ils étaient plutôt froids, hautains ... Les parfaits coupables. Mais elle n’avait pas envie que ce soit eux. Pas maintenant qu’elle considérait Finnbjörn comme un ami. Elle n’avait pas envie de savoir que le garçon qu’elle embrassait, même dans le cadre d’une immense mascarade était celui qui avait failli la brûler vive. Remarque, cela aurait pu être possible. Après le gros beauf lourdingue, le meurtrier. Il allait falloir qu’elle médite très sérieusement la possibilité d’être célibataire.

- Les Sorensen sont jeunes. Ils auraient été démasqués. Puis, Finnbjörn est ...

Elle se tut, pas certaine de ce qu’elle devait dire. Il n’était pas réellement son petit ami, mais c’était le rôle qu’il jouait dans leur supercherie. Si elle disait la vérité, est ce qu’elle ne risquait pas de gâcher leur couverture ? Et à la fois, elle répugnait à mentir dans une conversation où elle exigeait la vérité. Cela ne lui semblait pas très juste.

- ... On est proche.

Ce n’était pas faux. En tout cas, c’était ce qui avait de plus proche de la vérité et ça lui semblait un compromis honnête.

- C’est ce qu’on m’a toujours dit dans ma famille. Que les enfants Duncan étaient des mangemorts et que votre frère en était mort. L’idéologie de ma famille fait qu’ils n’ont pas de raison de me mentir sur le sujet. C’est plutôt considéré comme fierté.

Elle se garda bien de donner le moindre indice sur ce qu’elle même en pensait. Carla eut une moue moqueuse face à ses dernières paroles.

- Si je suis venue ici, ce n’est pas pour partir en courant si vous me hurlez dessus. Et si j’avais voulu dire quelque chose, j’avais pas besoin d’attendre de vous parler. Je voulais me faire mon propre avis.

Là par contre, il fallait admettre que son discours n'était qu'à moitié vrai. Certes, elle voulait se faire sa propre idée, mais si elle avait dit quoi que ce soit sur la base de ce qu'elle savait, il y aurait eu des chances pour qu'on ne la croit pas, mais aussi qu'elle soit contrainte de dire que sa famille avait trempée dans des trucs louches pour savoir des choses pareilles. Elle avait en réalité beaucoup moins d'armes en main que ce que pensait le garde-chasse

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La tension, la nervosité, la crainte commençait à envahir la pièce d’ondes négatives. C’était en grande partie moi qui propageais ces émotions négatives mais il me semblait en percevoir un écho dans la voix de Carla. Était-ce de moi qu’elle avait peur ? Ou craignait-elle finalement elle aussi les souvenirs que conservaient sa famille de cette sombre période ?
« Je ne t’accuse pas mais il faudra que tu ouvres les yeux un jour sur qui sont les membres de ta famille, je pense. Ils ne valent pas forcément mieux que les miens » En disant cela, je voulais la forcer à sortir un peu du cocon de mensonge dont elle semblait s’entourer. Pourtant cela me paraissait étrange que ce mensonge vienne de ses parents, les Yaxley avaient plutôt la réputation de proclamer fièrement leurs idées, au moins dans les milieux sang-pur puisqu’ils avaient toujours été assez doué pour échapper au Ministère de la Magie. Cela leur avait valu certainement des remarques acerbes de la part de mon père qui jugeait que c’était une lâcheté de ne pas être prêt à assumer ses idées pour éviter Azkaban. Ce à quoi mon frère aurait répondu qu’il valait mieux être un lâche libre de ses mouvements qu’un martyr impuissant pour servir Vous-Savez-Qui. Éternel débat, éternelle discorde tactique entre mon frère et mon père. Qu’elle avait été mon avis à l’époque des premiers reniements factices ? Je ne me souviens pas d’une position très arrêté mais quand j’avais dû faire le choix de plaider mon innocence après la bataille de Poudlard, je l’avais fait sans une once d’hésitation.
Pour la première fois, elle faisait mention de mon frère sans que je comprenne où elle voulait en venir, sans comprendre même le sens de sa question. Mais elle en connaissait l’existence et certainement la mort. S’il y avait une vérité à dévoiler c’était donc celle-là. Mais une autre de mes paroles semblaient la troubler, telle un flèche décochée par hasard qui aurait atteint son but à la surprise générale. Intéressant de savoir qu’elle se sentait proche de Finnbjörn…
« Eh bien, félicitations, tu es proche d’un des rejetons d’une des familles qui doit le plus se rapprocher des Mangemorts. Je ne vais peut-être pas te rappeler que les Sorensen ont connu Blackman, l’attaque du Selma, l’incendie du château et la soirée de Noël. Je ne sais pas quel rôle ils ont joué, ni même s’ils en ont joué un mais ce sont tous des événements où je n’étais pas présent, moi. » Le sarcasme perçait malgré moi dans ma voix. « Alors oui, tu as raison ce ne sont pas d’anciens mangemorts mais bon… » Je ne finis pas ma phrase, le sous-entendu me semblait assez clair.
« Ecoute, je vais être franc avec toi, puisque tu me parles de mon frère. Ta famille t’a effectivement dit la vérité. Oui, il était mangemort. En est-il mort ? Je ne sais pas, aux dernières nouvelles, les circonstances dans lesquelles il a perdu la vie restent troubles mais inexpliquées. C’est cela qui m’a fait rompre avec mes anciennes idées. J’ai quitté ma famille sans me retourner, sans mon frère mon ancienne idéologie n’avait dans ma tête plus aucun sens. Toute ma conception du monde avait été celle de mon frère et sans lui plus rien de tout cela ne valait la peine. » Ma gorge se serrait, j’avais toujours du mal à en parler. Sur le moment, la décision m’avait paru inévitable. Qu’aurait été ma vie sans cette mort ? Je ne voulais même pas l’imaginer. C’était peut-être la seule partie de cette pénible discussion où je me laissais aller à une sincérité sans mesure, sans calcul.
« Et donc quelles sont tes conclusions ? Et que vas-tu en faire ? » J’étais un peu inquiet de sa réponse. Quelque soit sa conclusion sur mon présent elle connaissait bien assez mon passé pour pouvoir me nuire. Restais à savoir ce qu’elle voulait et quelle marge de manœuvre il me restait.

Pourquoi avais-je cité les Sorensen ? Pourquoi eux plutôt que n’importe quelle famille sang-pur ? La réponse n’était pas bien compliqué à comprendre. Je ne connaissais pas encore vraiment toutes les familles dont les enfants étaient à Poudlard. Seuls deux noms me venaient en tête : Elsing et Sorensen. Les Elsing parce que j’avais eu des liens profonds avec leur famille en cette époque de ma vie troublée. Les Sorensen parce qu’Hillary m’avait parlé du début de rivalité qui l’opposait à Judith, la plus jeune, rivalité qui ne se basait sur rien d’autres a priori que des problèmes scolaires les plus banals. Il était inenvisageable de citer les Elsing car cela aurait potentiellement signifié dévoiler mes liens avec eux autrefois. J’avais donc choisi de parler des Sorensen, comme ça presqu’au hasard, sans rien savoir de précis à leur sujet. Mon soucis à cet instant n’était pas de trouver le coupable mais de me dédouaner, de montrer à Carla qu’elle ne pouvait rien connaître de mes intentions. Même si je concevais, sans le lui dire, qu’avoir un passé de Mangemort pouvait bien plus éveiller les soupçons que d’être d’une simple famille de sangs-purs. Mais puisque j’étais encore décidé à ne pas dévoiler ouvertement ce passé, autant jouer cette carte jusqu’au bout.
« Je n’ai pas plus choisi ma famille que toi, pas plus que les Sorensen ou n’importe quel autre sorcier. Je ne savais pas que tu étais proche des Sorensen et mon but n’est pas de les accuser. Je les ai cité comme j’aurais pu en citer bien d’autres. Si je t’ai blessé sous le coup de la colère, je tiens à te dire que ce n’était pas mon intention. Mais tu dois comprendre que je ne peux pas accepter qu’on m’accuse ainsi sur la base d’un passé révolu. » J’avais été trop loin en citant les Sorensen, j’aurais du m’en tenir à des généralités. Mais je me sentais traqué, acculé aux aveux, tant et si bien que je commençais à ne plus contrôler mes paroles autant que je l’aurais voulu. Elle m’aurait regardé droit dans les yeux, elle y aurait vu la peur. Et un homme apeuré peut devenir prêt à tout. Surtout quand une bonne partie des accusations sont fondés.
Le ton de la discussion s’adoucit légèrement, elle me présenta ces condoléances pour mon frère. Condoléances que je balayais d’un revers de la main.
« C’est du passé, j’essaie de tirer un trait là-dessus. »
Enfin elle aborda le sujet qui me tenait à coeur, celui qui, depuis le début de la discussion, me faisait craindre le pire.
« Je ne te prend pas pour une cruche, crois moi. Sinon je ne discuterais pas comme ça avec toi. » Et je n’aurais pas peur d’elle. Qui a peur d’une cruche ? « Je voudrais juste te demander quelque chose. Tu me dis que tu ne diras rien, je suppose que tu parles de tes doutes sur celui que je suis désormais. Alors je te demande de ne pas parler de mon passé, à personne, pas même de dire que je viens d’une famille de sangs-purs. » J’espérais de tout mon coeur qu’elle accepterait de bonne grâce. Sans ça j’avais des arguments pour me montrer plus persuasif.

La tension semblait retomber d’un cran mais je savais que je ne l’avais pas convaincu. Je ne m’étais pas convaincu moi-même. Depuis mon arrivée à Poudlard, mes souvenirs étaient remontés à la surface de ma conscience et m’envahissaient régulièrement sans que je puisse déterminer où j’en étais. Je me sentais coupable, c’était une certitude, je voulais cacher au maximum ce passé trouble. Mais même si j’étais prêt à tout pour protéger Hilary je ne savais pas dans quelle mesure cette idée s’étendait à d’autres. Serais-je prêt à apparaître aux yeux de tout mon ancien milieu comme un traître à mon sang ? Pourrais-je attaquer ouvertement mes anciens camarades si le besoin se faisait sentir ? Étais-je devenu favorable aux nés-moldus ? Toutes ces questions restaient sans réponse et ce n’était pas vraiment le moment d’exposer mes doutes à Carla. Ce n’était sans doute pas vraiment son problème. Et tout comme on ne dévoile pas son flanc lors d’une bataille, on ne dévoile pas ses doutes lors d’une conversation houleuse.
« Si ça te va, autant clore le sujet des Sorensen. Tu n’es pas venue me parler d’eux, je suppose. » Elle pouvait bien être amie avec qui elle voulait, dans les familles de sangs-purs ce n’était pas étonnant. Les proximités se choisissaient en fonction du sang, les mariages aussi. Je ne la croyais pas quand elle me dit ne pas être là pour m’accuser mais elle ne semblait pas me croire non plus quand je lui dit ne pas la prendre pour une cruche. Je savais très bien que malgré tous mes efforts je n’étais pas vraiment convainquant. Malgré tout cela, elle décidait de ne rien dire de ce qu’elle savait. Son ton était loin d’être aimable ou compréhensif mais j’obtenais ce que je voulais. Elle y avait en fait peut-être intérêt elle aussi. Par contre elle voulait une contrepartie sans exprimer laquelle. J’aurais pu accepter, me dire que le jour venu je pourrais toujours trahir ma promesse. Mais j’étais curieux de savoir un peu plus ce qu’elle semblait se sentir autorisée à obtenir de moi en échange de son silence.
« Bien sûr que je ne révélerai rien de cette discussion. Mais permets moi de savoir dans quoi tu veux m’engager. De quelle genre de faveur veux-tu parler ? »
Ça ne me coûtait rien de lui demander et je savais que j’avais certainement d’autres moyens de la faire taire. Pas très violent mais je me disais qu’elle n’apprécierait pas forcément que quelqu’un clame sur tous les toits ce que je savais de ses oncles et autres cousins éloignés. J’en savais assez peu mais ce serait sans doute suffisant comme menace. Et aussi lui demander, tenter de négocier, lui laissait entendre que les informations qu'elle détenait n'était pas forcément capitales. Ce n'était pas vrai, je tenais absolument à ce qu'elle ne dise rien. Et si je n'avais pas d'autres solutions, j'accepterais ce qu'elle me demandait. Mais autant essayer de lui faire croire un peu le contraire.

A peine avais-je commencé à demander à Carla quelle genre de faveur elle pouvait attendre de moi que déjà je m’en mordais les doigts. Un innocent, quelqu’un qui n’aurait rien à cacher, n’aurait jamais accepté une telle négociation. En temps qu’adulte j’aurais dû me sentir en position d’autorité, être offusqué d’une telle démarche qui pouvait fort bien s’apparenter à du chantage. J’aurais dû m’énerver, la menacer d’une punition pour son impertinence. Tout le long de cette discussion – ou presque – j’étais resté calme, trop calme, trop mesuré pour paraître comme ce que je n’étais pas : un homme qui n’a rien à cacher. D’un côté je m’en voulais d’avoir réagi ainsi à son exigence qui aurait dû m’apparaître comme indécente. Mais de l’autre je n’étais pas naïf, si je pouvais m’en vouloir, c’était bien pour toute mon attitude durant cette conversation aux allures d’interrogatoire. Je ne m’étais pas vraiment énervé, j’avais été fuyant, éludant les questions, m’enfonçant dans des mensonges trop allusifs pour être crédibles. Mes explications devaient sonner faux et elles l’étaient. Comme je lui avais dit, je ne prenais pas Carla pour une cruche, bien au contraire. Je la sentais suffisamment maligne pour me nuire si elle en ressentait l’utilité. Je naviguais depuis le début entre deux écueils. Je risquais à tout moment de lui donner des armes en lui révélant ce qu’elle pouvait encore ignorer de mon passé, de mon rôle exact auprès des mages noirs dans ma jeunesse. Mais si j’en disais trop sur les raisons qui m’avait fait rompre avec tout cela, je prenais un risque encore plus grand : celui de dévoiler mon lien avec Hilary et, de ce fait, de la mettre en danger.
Mais maintenant le mal était fait. Je ne pouvais pas revenir en arrière que ce soit pour effacer cette discussion ou tout mon passé. Alors j’allais devoir assumer et accepter le marché de Carla, un marché dont elle même me disait ne pas connaître les termes exacts. La seule garantie qu’elle me donnait était que ça blesserait physiquement personne. C’était peu, bien peu mais j’étais plus ou moins acculé si je ne voulais pas me rendre encore plus suspect à ses yeux en la menaçant. Et puis le jour venu je pourrait toujours reculer si ça me paraissait inévitable. Je n’étais pas forcément enclin à donner ma parole sans la tenir mais mon passé m’avait appris la traîtrise et le mensonge, des armes qui me répugnaient mais dont je pourrais me servir au besoin. Et si elle ne cherchait qu’un moyen d’avoir un adulte à disposition pour réparer ces bêtises d’adolescentes c’était un prix bien peu cher à payer pour son silence.
« Très bien j’accepte. » dis-je sans l’ombre d’une émotion dans la voix, le regard un peu fuyant. En disant cela je savais pertinemment que je lui donnais quasiment une preuve que j’avais quelque chose à cacher.
« Tu as autre chose à me dire ? » J’avais hâte de pouvoir retourner à ma vie de simple garde-chasse même si mon passé me pourchassait bien trop souvent à mon goût.

Malgré toutes mes erreurs, tous mes faux pas dans cette discussion bien plus semée d’embûche que Carla pouvait le percevoir, je pouvais être soulagé : elle touchait enfin à sa fin et d’ici quelques instants je pourrais retrouver l’apparente quiétude de ma cabane, une quiétude que je ne savais qu’apparente. À partir de maintenant, je me tiendrais encore plus sur mes garde, j’appréhenderais encore plus la moindre rencontre avec un sang-pur, élève ou non, ou avec n’importe qui susceptible de dévoiler une partie de mon passé, aussi minime soit elle. Ma cicatrice me rappelait déjà en permanence ce que j’avais été, ce que j’avais fait et ce qui pouvait à tout moment être compris par d’autres. Cette discussion planerait comme une menace bien plus précise au-dessus de ma tranquillité. Ce que je redoutait depuis que l’idée de revenir à Poudlard avait germé dans mon esprit n’avait jamais été aussi palpable.
Restait la question de ma promesse, une promesse qui ne me liait pas beaucoup, il fallait bien l’admettre. Et d’ailleurs Carla, malgré son apparente candeur, n’était pas si naïve. Son laïus sur l’importance de sa parole laissait sans doute volontairement entendre les doutes qu’elle avait sur la mienne. Et effectivement, elle n’avait aucune raison de me croire, si ce n’ait qu’elle devait forcément se douter que toute mon attitude avait été dictée par le sentiment d’être dos au mur, un sentiment bien réel qui risquait de me forcer à tenir ma parole non pas par grandeur d’âme mais par crainte des conséquences. Je n’avais donc pas à la rassurer, mon ton aurait sonné faux et j’avais été bien assez conciliant. Juste avant qu’elle ne se lève, je me contentais donc d’un bref « Au revoir », espérant pourtant que c’était bien la dernière fois que nous nous croisions, sans grande illusion.
Elle se leva et partit, me laissant effondré par tant de souvenirs et de crainte. Quoi que je fasse désormais, cette discussion me hanterait, rejoignant dans ce rôle fantomatique de nombreuses bribes d'un passé qui empiétait bien trop sur mon présent.