La journée s’était déroulée aussi bien que possible. C’était normalement le dernier jour de Casey entre les murs de l’infirmerie et elle lui avait donné l’autorisation d’aller voir le match. Il faudrait qu’elle revienne pour que Jane l’examine, évalue son état mais dans l’ensemble elle avait l’air d’aller bien en quittant l’infirmerie. Les crises d’hystéries, de larmes, d’hallucinations étaient derrière elles. Elle l’avaient fait, finalement. Casey l’avait fait. Et Jane ne pouvait être que soulagée, bien qu’elle restait sur ses gardes. Il lui faudrait tout de même la garder à l’œil, au vu des tendances de la jeune fille, il valait mieux.

Tout comme Casey, Jane s’était rendue au match de Quidditch. Pas pour le plaisir, ça non, sûrement pas, mais en sa qualité d’infirmière. Le terrain et ses gradins étant les endroits qui représentaient le plus de risque d’accidents un jour comme celui-ci. Alors elle y était allée. Durant le match, l’inquiétude avait barré les traits de l’infirmière qui n’avait pas souvent osé lever les yeux vers les joueurs qui se disputaient la victoire. Et finalement, ce fut d’ailleurs Serpentard qui l’emporta, au vu des exclamations retentissantes. Elle avait vu Misha quitté précipitamment le terrain, sans avoir ni l’occasion de le saluer, ni de l’examiner, se promettant de lui écrire pour savoir comment il allait. Il devait être déçu de la défaite, rien de plus normal. Elle avait attendu que tous les joueurs soient au sol pour les examiner, afin de savoir si un passage entre les murs de son antre était nécessaire. Mais fort heureusement, ils allaient tous pour le mieux et Jane pu être soulagée, en partie du moins. Il restait toujours Misha. Elle avait profité du match terminé pour s’autoriser une petite promenade dans le parc, elle y avait croisé le fameux Poufsouffle et elle avait passé un petit bout de son temps en sa compagnie.

Le reste de l’après-midi avait suivi son cours et Jane s’était rendue dans la Grande Salle pour y manger en compagnie de ses voisins de table, Wes et le Professeur Kendrick, qui était réellement des plus amusantes et bavardes. Elle avait ensuite regagné l’infirmerie pour compléter l’un ou l’autre dossier, remettre en ordre l’une ou l’autre chose.

Assise à son bureau, la jeune infirmière parcourait le dossier de Casey, voyant tous les progrès au jour le jour de la demoiselle. Ce n’était pas encore gagné à 100%, mais c’était bien parti pour en tout cas. Elle était en train d’écrire une lettre à Luca lorsque la porte de l’infirmerie s’ouvrit. Il devait être aux alentours de 20 heures, c’était bizarre. Jane abandonna sa lettre sur son bureau et se dirigea vers le nouveau venu qui avait passé les portes de son antre. Elle ne le connaissait pas vraiment, même si elle l’avait déjà croisé. Mais c’était l’ami de Misha, Blaze, celui qui était arrivé juste après eux à la chasse au trésor.


« Blaze, tout va b.. »


Elle n’eut pas besoin de terminer sa phrase. Le nez du jeune homme dégoulinait de sang. Ouille.


« Viens t’asseoir ici, je vais t’arranger ça. »


Ce n’était pas des plus jolis à voir, comme toujours pour les saignements de nez. Elle prit une paire de gants en caoutchouc, les enfila tandis que le jeune garçon prenait place sur le lit qu’elle lui avait indiqué.


« Est-ce que tu as pris un coup ? Raconte moi ce qu’il s’est passé. » Lui avait-elle dit en prenant place sur un tabouret à ses côtés.


Il lui fallait savoir ce qu’il s’était passé pour agir au mieux et ne pas lancer de sort inutile. Elle tira un mouchoir pour qu’il puisse s’essuyer les mains tandis qu’elle avançait un peu pour regarder son nez de plus près.

Ca n’arrivait pas si souvent finalement, que l’on vienne à l’infirmerie le soir. Les soirées étaient d’ailleurs, de manière générale, le moment le plus calme entre les murs blanchâtres de l’infirmerie. Elle vérifiait toujours que chaque lit avait été refait correctement, que chaque paravent avait été replié, que les lampes de chevet étaient bien éteintes, que chaque instrument ou potion soit à sa place et exactement à sa place habituelle. Chaque soir elle réalisait l’inventaire des armoires, pour pouvoir être sûre qu’il ne lui manquait rien, sinon elle faisait un détour par la réserve et par le bureau du professeur de potions, qui lui était d’une grande aide, d’ailleurs. Il fallait que tout soit impeccable, du sol au plafond, pas question d’une vieille toile d’araignée dans le coin d’un mur. Non, tout était parfait, à l’instar de Jane. D’apparence, elle était tout aussi tirée à quatre épingles que son endroit de travail était propre. Elle avait toujours une coiffure impeccable, sans un cheveux qui ne dépasse, toujours très légèrement maquillée et toujours une robe qui lui arrivait au genou, en toutes circonstances, même en hiver. Il n’y avait eu qu’à la chasse au trésor où elle avait bien voulu troquer ses habituelles robes pour un pantalon mais ça avait été le seul jour de l’année. Elle n’avait pas eu le choix, cela dit, et heureusement, car elle n’aurait pas du tout apprécié le bain de boue des marais sur sa peau nue. Le souvenir de la chasse lui tirait toujours un sourire, ça avait été une grande réussite et elle se sentait fière de tous les efforts fournis par l’équipe qu’elle avait formée avec Misha. Il y avait gagné un œuf de phénix, qui avait éclos maintenant depuis une quinzaine de jours. Elle espérait sincèrement qu’il en prendrait le plus grand soin. C’était un cadeau d’une valeur inestimable, certes, mais qui demandait qu’on puisse s’en occuper au mieux.

Le jeune homme qui s’avançait dans son antre était Blaze Mansfield, celui qui avait remporté l’Augurey. Il devait avoir éclos lui aussi d’ailleurs. Mais ils n’avaient pas le temps d’échanger des formalités et les bonnes nouvelles de la santé de son oiseau au vu du sang qui ruisselait de son nez. Elle n’avait pas attendu pour lui dire de s’installer sur un lit pour qu’elle puisse regarder son nez de plus près et sans qu’il ne bouge trop. Ce qu’il fit sans attendre, en bon adolescent docile qu’il semblait être. Elle avait enfilé ses gants, prête à regarder ça de plus près, mais le sang coulait bien trop pour qu’elle puisse y voir quoi que ce soit. C’était étonnant et donc pas un simple saignement de nez comme il en arrivait souvent chez les adolescents de cet âge.

La première explication plausible soit qu’il ait pris un violent coup dans le nez, qu’il soit accidentel ou non. La seconde serait un sort qui a mal tourné, les adolescents de l’école étant loin d’être des modèles de prudence, ils leur arrivaient régulièrement de s’entrainer les uns sur les autres ou encore de faire des expériences qui ne tournaient d’ailleurs pas toujours en leur faveur. Lais l’explication qui suivit, elle ne l’avait pas vue venir.


« Mais pourquoi as-tu fait le sortilège sur toi-même tout seul ? Tu aurais du venir me voir ! » lui dit-elle, le front barré par l’inquiétude.


Elle secoua la tête, les lèvres légèrement pincées.


« Je me doute bien que ça ne doit pas être des plus agréables. Je vais arrêter le saignement et puis je regarderai ton nez, pour évaluer les dégâts. »


Elle prit sa baguette dans son tablier et la pointa sur le nez du jeune homme, prononça la formule distinctement et puis elle attendit un peu, observant attentivement le nez du jeune homme.


« Je vais nettoyer tout ça, je n’y vois pas très bien avec tout ce sang. Ca risque d’être un peu froid. »


Elle prit des compresses dans le tiroir et de quoi désinfecter et, concentrée, elle s’attela à la tâche.


« Comment va-t-on oiseau ? » fit-elle tandis qu’elle épongeait avec douceur le sang sous son nez.


Une fois que tout le sang fut nettoyé, il y eut encore un léger écoulement, mais rien d’inquiétant. Elle changea ses gants et jeta toutes les compresses et la paire de gants souillée dans la petite poubelle au chevet du lit de Blaze. Elle se désinfecta les mains avec un peu de potion et puis les frotta l’une contre l’autre pour les réchauffer avant de les poser sur les joues du jeune homme et de lui relever un peu plus la tête pour pouvoir regarder son nez.


« Il n’y a pas l’air d’y avoir de gros dommage à l’intérieur, c’est déjà ça. As-tu mal lorsque j’appuie là ? »


Et elle pressa légèrement sur les différents parties autour du nez du Serdaigle, histoire de voir si tout était normal.

L’imprudence. Voilà une chose que la jeune assistante infirmière avait du mal à comprendre. Elle qui prenait toujours des précautions pour tout, qui réfléchissait toujours avant d’agir, qui ne prenait pas de décisions stupides sur le coup de l’impulsivité. Non, Jane était mesurée, tant dans ses actes que dans ses propos. S’il fallait mettre des gants pour travailler, Jane devait en mettre régulièrement pour parler avec les adolescents du château. Chacun ayant un seuil différent d’acceptation des remarques, sa sensibilité et sa susceptibilité, aussi. Ainsi se fit-elle des plus inquiètes en apprenant que le jeune homme qui était assis sur l’un des lits aux draps blancs de l’infirmerie avait pratiqué un sortilège non maitrisé sur sa propre personne. C’était de la pure inconscience de faire ça ! Et cela devait apparaitre dans le top trois des choses à ne pas faire lorsque l’on possède une baguette magique. Mais les étudiants de Poudlard n’étaient pas les plus connus pour le respect des règles de prudence, il fallait le reconnaitre. Ce genre d’accidents étant bien trop courant pour la pauvre Jane qui devait réparer les méfaits causés.


« Stylé mais imprudent. Regarde dans quel état tu es maintenant. »


L’inquiétude primait, bien sûr. Elle voulait toutes les petites têtes blondes de ce château au meilleur de sa forme, ce qui se révèlerait impossible s’ils s’évertuaient tous à un excès d’audace. Mais il n’était pas temps pour un sermon, il fallait arrêter le saignement tout de suite et vérifier qu’il n’y avait aucune lésion importante à l’intérieur du nez du jeune homme. La formule prononcée, elle avait observé le nez de Blaze avant de se mettre à nettoyer le sang, comme si elle faisait une simple toilette. Le sang n’avait plus rien de particulier pour elle, ce n’était rien de plus qu’une tache de peinture ou de ketchup, rien de plus impressionnant que ça.

Et tandis qu’elle s’occupait du Serdaigle, elle entreprit de lui faire la conversation sur son oiseau, une stratégie de diversion pour le faire parler et non penser à ce qu’elle faisait. Le détournement d’attention devait aussi faire partie de ses capacités afin de détendre au mieux le patient et réduire la panique ou le stress. Cela dit, le jeune homme avait l’air parfaitement à l’aise, alors ce serait plus une conversation pour le plaisir sans doute, pour ne pas s’enfermer dans un silence.


« Comment l’as-tu appelé ? » avait-elle dit avec douceur, toujours concentrée sur son nez.


Elle se sentait un peu observée, à dire vrai. Mais ils n’étaient que deux dans l’infirmerie et elle avait le regard rivé sur le milieu de son visage et sur ses gestes, ce n’était qu’un juste retour des choses, après tout. Où voulait-elle qu’il regarde ?

Il arracha un nouveau sourire à Jane tandis qu’il lui parlait de son oiseau. C’est vrai que l’oiseau à la naissance n’avait pas encore la prestance et la grâce de l’oiseau adulte.


« Si tu as des inquiétudes qu’il ne prenne froid, n’hésite pas à en parler avec le Professeur Vayne, il pourra certainement te conseiller au mieux pour assurer que ton Augurey se porte le mieux possible. »


Rien de surprenant dans ce conseil, Blaze devait savoir que son professeur de soins aux créatures magiques était le plus à même de l’aider à prendre soin de l’oiseau qui lui avait été confié.
Alors qu’elle jetait tout ce qui devait être jeté, le jeune homme ajouta des informations sur son oiseau, ce qui laissa un sourire attendri sur les lèvres de Jane, qui pencha un peu la tête, les yeux pétillants de joie.


« Tu as l’air d’y être très attaché déjà, c’est un très bon signe ! Ca montre que tu te préoccupes beaucoup de lui et que tu y fais attention. L’avis des autres importent peu tant que ça te convient à toi d’avoir cette responsabilité et que ton oiseau va bien. »


Elle entreprit alors de vérifier si tout allait bien autour du nez du Serdaigle. Il lui indiqua qu’il n’avait pas mal d’un mouvement de tête et elle arrêta. Elle se mit debout pour aller dans l’armoire à potion histoire de désinfecter les lésions internes des cavités nasales du jeune homme lorsqu’il prit justement la parole à propos d’un tout autre sujet. La chasse au trésor qui avait eu lieu un mois plus tôt. Un grand sourire illumina son visage au souvenir de cet événement.


« C’était vraiment super ! Je ne suis pas très à l’aise en camping habituellement, le manque de pratique sans doute. Mais j’ai beaucoup apprécié passer le week-end avec vous tous dans la forêt interdite. Et puis la chasse, c’était quand même quelque chose ! Je n’avais pas imaginé que j’y serai aussi impliquée mais je ne voulais pas laisser Misha tout seul, et ça m’a permis de mieux le connaitre. »


Elle eut à nouveau un petit sourire attendri sur les lèvres. Elle avait tellement passé un bon moment en sa compagnie, et il ne lui avait pas tenu rigueur de sa maladresse, ça n’avait pas enlever sa crédibilité à ses yeux, malgré le nombre de fois où elle avait pu échouer. Non, vraiment, elle ne regrettait pas le moins du monde d’y avoir participé.


« Misha est gars bien. Il se cache sous une carapace, mais il est vraiment gentil. Je suis vraiment heureuse qu’il ait gagné, et d’avoir pu l’aider à le faire également. On a formé un bon duo, je pense. »

C’était quand même drôle les coïncidences. Avant la chasse au trésor, il avait été rare de voir Misha et Blaze. Elle les croisait de temps à autre bien sûr, à la sortie des matchs de Quidditch pour un examen rapide, mais sans plus. Aujourd’hui, elle avait passé une partie de l’après-midi en compagnie de Misha et elle passait à présent une partie de sa soirée avec Blaze. Drôle de coïncidences mais la jeune femme ne fut pas plus surprise que cela. La vie était comme ça, elle n’y voyait pas là un coup monté ou une bizarrerie. Au contraire, elle y voyait une chance de discuter un peu plus avec eux, d’apprendre à les connaitre, prendre des nouvelles de leur oiseau respectif. C’est donc tout naturellement que Jane avait choisi ce sujet pour faire oublier à l’adolescent ce qu’il faisait là et ses gestes à elle.

Elle fut légèrement surprise qu’il ne lui ai pas encore donné de nom, mais toutefois amusée du nom de substitution qu’il lui avait trouvé. Piaf, pour un oiseau, c’était assez amusant aux yeux de la jeune femme. Elle réfléchit un instant, cherchant un nom pour l’Augurey.


« En vérité, cela dépend de toi je dirais. Moi je lui donnerai le nom d’un grand sorcier ou d’une grande sorcière que j’estime. Ou le nom d’un de mes personnages de livre préféré. Le mien, c’est La Belle et La Bête, alors j’imagine que je prendrai l’un des personnages de cette histoire. Mais ça dépend de chacun. »


Cela dit, elle n’avait pas réellement appliqué le principe lorsqu’elle avait eu son chat, Remus. Lui il s’agissait plutôt d’un prénom qu’elle affectionnait particulièrement, rien à voir avec une belle histoire. Mais la question n’était pas là.

Le jeune garçon paru enthousiaste et réceptif aux compliments et conseils qu’elle venait de lui donner. Tant mieux ! Le détournement d’attention était réussi avec brio. Elle ne pu s’empêcher de sourire en entendant la réponse de Blaze.


« Je n’en doute pas un instant. Comment ne pourrait-il pas être audacieux alors qu’il a un maitre qui l’est ? »


Et alors qu’elle prenait une potion désinfectante dans l’armoire, il changea de sujet de conversation, l’amenant sur la chasse au trésor et sur Misha. Ils devaient sans doute être copains comme cochons. Misha lui avait déjà parlé de Blaze dans la lettre qu’elle avait reçue quelques jours plus tôt, concernant l’éclosion de l’œuf. Et voilà que c’était le tour de Blaze de parler du russe. Il paraissait évident aux yeux de Jane qu’ils tenaient l’un à l’autre et se faisaient confiance. L’amitié c’était important, et la jeune infirmière était heureuse de savoir qu’ils avaient chacun quelqu’un sur qui compter.

Le souvenir de la chasse fit sourire Jane une fois de plus. Et elle ne se fit pas prier pour répondre à quel point elle avait apprécié le moment et le week-end en lui-même. Elle avait été tellement surprise de tous les efforts déployés par le professeur de soins aux créatures magiques. Vraiment, il avait son métier à cœur, elle le respectait beaucoup pour ça.

Avec un petit coton, elle appliquait le désinfectant orange à l’intérieur du nez du jeune homme. Ca ne devait pas être des plus agréables mais il fallait bien en passer par là pour éviter une infection et un problème bien plus gros par la suite. Après tout, les sorciers laissaient trainer leur baguette partout, elles étaient donc des nid à microbes et à bactéries.

Le Serdaigle semblait partager son avis sur la chasse, c’était tant mieux. La demoiselle releva les yeux vers le jeune adolescent lorsqu’il évoqua que Misha avait passé un bon moment avec elle.


« Ah oui ? » fit-elle un poil surprise qu’il en ait reparlé par la suite. « Tant mieux, ça me fait plaisir de savoir qu’il a passé un aussi bon moment que moi, malgré le fait que je lui ai brûlé un peu la main sans faire exprès. »


Elle eut un petit sourire gêné en se remémorant ce souvenir d’ailleurs. Elle ne fit même pas attention que le vous était remplacé par le tu, trop habituée à ce que les étudiants la tutoie de toute façon. Ca ne la dérangeait pas du tout, si au contraire, ça pouvait les aider à lui accorder confiance, alors ça valait grandement le coup.


« Je l’ai vu cet après-midi, après le match. Mais ça me fait toujours plaisir de le voir, bien sûr. C'est agréable de passer du temps avec lui, il est peu commun. »


Elle disait ça en toute innocence, n’imaginant pas un instant qu’il puisse y avoir quelque chose derrière la question si anodine d’apparence du bleu et bronze.


« J’ai terminé. Veux-tu que je te prépare une boisson chaude avant que tu ne repartes dans ton dortoir ? Je ne sais pas si comme Misha tu trouves que le thé fait trop anglais. Je peux te faire un chocolat chaud aussi. Ou quelque chose à manger ? J’ai quelques cupcakes dans mon bureau, et des biscuits aussi, si tu veux. »


Elle jeta les cotons à la poubelle et rebouchonna la potion désinfectante.

Il était véritablement agréable d’avoir une conversation avec Blaze. C’était simple, naturel, comme s’ils se connaissaient déjà en fait. Comme des vieux amis qui discutent de tout et de rien, pas de gênes, pas de méprises, rien qu’une conversation détendue et sympathique. Bon, elle regrettait un peu qu’il se soit fait mal et que ce soit ça qui l’ait mené jusqu’à elle ce soir. Elle n’avait jamais souhaité qu’un pensionnaire du château se blesse pour qu’elle puisse avoir une conversation des plus chouettes avec lui. Mais elle était l’infirmière de Poudlard, il ne fallait pas s’étonner que les élèves qui entraient ici ne venaient pas juste pour une petite conversation tranquille.

Après avoir échangé un peu sur l’Augurey du jeune Serdaigle, la conversation avait dérivé sur la chasse et sur Misha, souvenir qui avait laissé un sourire un peu attendri sur les lèvre de la jeune femme, tout comme elle en avait eu précédemment lorsque Blaze avait exprimé son attachement pour l’oiseau sans nom. Elle était si sensible qu’un rien l’attendrissait.

Tout naturellement, et de par son éducation très axée sur les bonnes manières, Jane avait proposé une boisson chaude et quelques biscuits à son invité du soir. Bon, il s’était un peu invité lui-même, pour cause de blessure, mais l’important n’était pas là. Granny lui avait toujours inculqué les bonnes manières, et l’assistante les respectaient scrupuleusement à la lettre.

Alors qu’il optait pour un thé, Jane hocha la tête avant de se lever du tabouret sur lequel elle se trouvait et elle remplit la théière d’eau avant de la poser sur le feu. Il ne faudrait pas bien longtemps pour que le thé soit prêt.


« C’est compréhensible, ça ne fait pas bien longtemps qu’il est ici. J’imagine que son pays doit lui manquer aussi, ça ne doit pas être évident d’être baigné dans une nouvelle culture comme ça. »


C’était plus fort qu’elle, montrer de la compassion, chercher une explication plausible à tout. Alors que finalement, peut-être était-ce juste une question de gout, tout simplement. Jane ne fit pas attention à l’aplomb nouveau du jeune homme, ne remarquant pas un instant qu’il se passait ici bien plus qu’une simple conversation banale. Laisser un peu de temps à Misha, être patiente, d’accord, mais pourquoi exactement ? Elle ne saisit pas la subtilité et garde une oreille attentive pour le brun, préparant les tasses et mettant les feuilles dans l’eau.

Elle rabattu le couvercle de la théière trop brutalement aux mots de Blaze, se retournant d’un coup, un peu de stupeur sur le visage.


« Et pourquoi soulevait-il un première année, au juste ? »


Elle n’était pas le genre à juger sur des dires, mais Misha lui avait dit lui-même qu’il n’était pas considéré comme un garçon adorable pas plus tard que cet après-midi. Sans compter qu’il lui avait aussi dit qu’il était plus du genre à envoyer les autres à l’infirmerie plutôt que d’y aller lui-même, ce qui laissait encore Jane un peu perplexe. Il ne lui avait pas semblé violent… En paroles, si, mais il n’était pas le seul du château. Était-il violent sciemment avec les autres… ?

Elle apporta la petite assiette de biscuit en la plaçant sur un plateau qui tiendrait sur le lit, pour éviter que tout ne se renverse. Elle adressa un sourire naturel à Blaze lorsqu’il lui demanda ses biscuits préférés. Le choix était difficile… Autant elle n’aimait pas les bonbons, autant elle appréciait énormément les biscuits.


« J’apprécie tous les biscuits de manière générale, mais si tu m’obliges à en choisir un… Je dirais les cookies aux éclats de noisettes et chocolat. Mais tu n’es pas obligé de m’en apporter, tu sais. »


Elle se mit debout, sortit la théière du feu et remplit les tasses qu’elle vint poser en faisant attention sur le plateau avec les biscuits. Elle mit un sucre dans sa tasse et posa ses mains autour de celle-ci. La chaleur, quel réconfort !


« Tu n’as plus mal au nez ? » fit-elle en relevant les yeux vers lui.

Tout à sa préparation d’un bon thé, Jane ne se départissait pas de son sourire habituellement doux. Et intérieurement, elle se posait quelques questions sur Misha, qui était leur sujet de conversation à présent. Il n’était pas un jeune homme comme les autres. Pour elle, c’était un garçon bien qui s’enfermait dans une coquille. Son vécu n’aidant pas à ce qu’il s’ouvre et donne sa confiance au premier venu, évidemment. Jane avait la prédisposition de voir le bien en chacun et elle restait persuadée qu’il y avait beaucoup de bon en Misha mais qu’il se défendait du monde en le cachant. Sous certains angles, et bien qu’ils soient différents, Misha lui rappelait un peu Luca. Celui qu’elle avait tant voulu amené dans la lumière avec elle, mais il était trop sombre et il avait fini par l’abandonner. Et il avait fallu bien trop longtemps à Jane pour se remettre de cette petite histoire.


« Que t’a-t-il fait découvrir de la Russie jusque ici ? C’est un pays qui m’intrigue, comme tant d’autres, je n’ai pas encore eu l’occasion de voyager beaucoup pour le moment. »


Les mots suivants de Blaze avait laissé Jane très surprise et elle s’était retournée vivement vers lui, lui demandant pourquoi il avait fallu que Misha soulève un première année. Ce à quoi Blaze lui répondit que c’était pour le relever d’une chute dans l’escalier. Elle s’en voulait un peu intérieurement d’avoir pensé au pire. Il lui avait bien dit qu’il était maladroit et pas violent.

Elle servit ensuite le thé et les biscuits, répondant non sans mal à la question qu’il lui avait posée sur ses biscuits préférés. Le choix avait été compliqué à faire mais il fallait bien le faire. Elle but une gorgée de son thé juste après s’être enquit du nez de son patient du soir. Il n’avait plus mal, c’était déjà ça. Elle eut un petit rire à sa question, plissant un peu les yeux.


« Je crains que non, désolée. »


Il était drôle, et intriguant aussi. Ah les adolescents… C’était tout un monde de travailler avec eux. Ils étaient maitre dans l’art de vous en faire voir de toutes les couleurs. L’infirmière ne prit même pas gaffe qu’il la vouvoyait à nouveau, ça li était tellement égal qu’à force, elle ne l’entendait plus. Il s’était relevé, prêt à partir sans doute.


« Tu peux me recommander, mais je préférerais que vous évitiez de vous blesser pour venir ici. Même si ça m’offre une grande opportunité de travail, cela va sans dire. » avait-elle répondu tout aussi malicieusement que lui.


C’est la dernière question du Serdaigle qui fit rougir Jane pour la première fois de la soirée. Un rendez-vous galant ? Comme si elle savait ! Elle n’en avait jamais vécu un à Poudlard. Aussitôt, elle songea à Wes et à la bibliothèque. Mais elle se refusait à donner cette idée, pas sûr que Wes aimerait assister à un rendez-vous galant entre adolescents dans son lieu de travail, ça pourrait être gênant pour lui. Quoi que, il y avait-il quelque chose qui le gênait ?
Elle prit le temps de se remettre en réfléchissant. Elle ne s’était tellement pas attendue à ce genre de questions.


« Je ne parle pas en connaissances de cause, donc tout cela est purement hypothétique et n’engage que moi. Mais je pense à un pique-nique dans le parc, ou à la tour d’Astronomie le soir, les étoiles ça apporte un côté romantique, je trouve. La nuit aussi, d'ailleurs. »


Elle lui adressa un petit sourire, les yeux teintés de curiosité.


« Une dernière question pour toi aussi. Qui est l’heureuse élue de ce charmant rendez-vous ? »


Elle était trop curieuse, elle le savait. Mais elle trouvait ça adorable de se donner tant de mal pour une demoiselle. Et en grande romantique qu’elle était, Jane pensait sincèrement que les endroits qu’elle avait suggéré étaient les meilleurs. Bien que le parc manquait un peu d’intimité, mais ils étaient adolescents, ils n’en avaient pas tant besoin que ça pour partager un pique-nique, normalement…

D’un saignement de nez, ils en étaient à une discussion sur la Russie et sur Misha, l’ami de Blaze. Décidément, ils devaient vraiment être très amis et s’apprécier énormément. L’amitié avait une grande place à Poudlard. Quel meilleur endroit pour créer des contacts et garder des amis pour la vie ? Même Jane avait gardé le contact avec certains camarades. Ollie déjà, qu’elle n’avait jamais oublié et avec qui, malgré qu’elle soit en études supérieures, elle avait gardé un contact. Luca, mais c’était pas vraiment fait exprès, plutôt un coup cruel du destin, bien que leur relation se soit assainie. Il faudrait qu’elle termine sa lettre qu’elle avait commencée avant que ne débarque Blaze au nez sanguinolant.

Il y eu un léger rougissement qui interloqua légèrement Jane. Pourquoi sa question le gênait-il ? En quoi avait-elle été indiscrète sur ce point ? Elle commençait déjà à culpabiliser de l’avoir potentiellement mis mal à l’aise lorsqu’il lui avait répondu. D’une réponse à laquelle elle ne s’attendait pas le moins du monde. Elle ouvrit de grands yeux ronds pendant quelques secondes.


« Parce que c’est une spécialité de son pays j’espère, pas en dégustation ? »


Elle avait pincé les lèvres, pas très sûre d’avoir envie de connaitre la réponse finalement. L’alcool, ce fléau. Ils étaient bien trop jeunes pour ça… Quel âge avaient-ils ? Quatorze ? Quinze ans tout au plus. Non, décidément, elle ne voulait pas savoir. La conversation changea encore, Blaze lui demandant s’il en garderait une cicatrice, ce qui l’avait faite rire.

La dernière question de Blaze avait fait rougir les joues de l’infirmière. Drôle de question, tout de même. Mais les amourettes faisaient partie intégrante de la vie de pensionnaire à Poudlard. Elle pouvait tout à fait comprendre un amour naissant entre adolescents et une volonté de bien faire les choses, de se montrer aussi romantique que possible à leur niveau, bien sûr. C’était attendrissant quand y pensait, pour le cœur de guimauve de Jane en tout cas.

Blaze était prêt à partir lorsque Jane lui posa à son tour une dernière question, un peu curieuse de savoir avec qui il comptait partager un rendez-vous. Si sa réaction ne se fit pas attendre, en revanche c’était loin de la réaction qu’avait escompté Jane.


« Oui, tout à fait, je… »


La réponse un peu précipitée du jeune homme l’intrigua, son visage était surpris. Mais si elle n’était ni de cette école, ni de ce pays, pourquoi voulait-il un endroit dans l’enceinte de Poudlard ? Elle ne comprenait pas. Il la remercia et amorçait déjà son départ sans demander son reste. Elle fit un pas dans sa direction, un peu inquiète d’avoir pu le vexer ou le blesser avec une question trop indiscrète et qui le gênait visiblement.


« Je suis sincèrement désolée si j’ai dis quelque chose qu’il ne fallait pas Blaze ! »


Et il était sorti. Elle soupira un instant, lissa son tablier et entreprit de changer les draps du lit dans lequel il s’était fait soigner. Elle débarrassa également le plateau de thé avant de retourner à son bureau, un peu inquiète d’avoir fait une bourde. Elle reprit sa plume et termina sa lettre à Luca avec l’esprit un poil ailleurs.