La patience à beau être une belle vertu, chaude et récompensée, il est toujours un temps où elle disparait pour laisser place à la rage, à la hâte, ou à la malice. Depuis plus d’un an, je suis habituée à recevoir des compliments, des sourires séduits ou des lettres anonymes. Mais le manque de délicatesse de certains peut parfois se révéler plus affaissant que d’autres. L’acharnement de Blaze me faisait rire, au début. Il en faisait des caisses, se donnait toujours à cœur joie. Aujourd’hui encore, j’admire son ingéniosité et sa faculté à éloigné tout ennui et monotonie de nos vies. C’est d’ailleurs sûrement l’une des raisons qui fait que je l’apprécie un temps soit peu. Je ne suis cependant pas un défi, ni une cible à blagues débiles, ni une nouvelle arrivante qu’il faut mettre dans sa poche. C’est moi, moi qui devrait glisser n’importe quel garçon de mon choix dans ma poche. Les rôles devraient être inversés. Alors je n’ai pas pu m’en empêcher. J’ai succombé à un pouvoir plus grand que lui. Plus grand que moi.

La blague de trop, le commentaire glissant sur l’accent que je porte au bout de ma langue. La Vélane prit le dessus sans une once d’hésitation, sans même se soucier de moindres représailles. Sa nature est belle, elle en est sûre, elle en est fière. Alors elle a piégé le Serdaigle à son propre jeu. Alors je l’ai piégé, l’enfermant dans un esprit où tout ce qu’il faisait semblant de ressentir ou ressentait avec moquerie, était devenu réalité. Devant tout le monde, je lui ai demandé de me rappeler toutes les plus belles lignes qu’il m’avait déjà écrites par lettre, remasterisés, la bouche en cœur. Ce jour là, je me fichais bien d’être découverte tant la vision était belle. J’ai aimé lire cette incompréhension dans ses yeux, lorsque j’ai mis fin à la mascarade, lorsque j’ai dis stop à mon jeu et stop à ses aveux coulants sordides. Dès lors, le temps n’a pas vraiment été à l’avantage de ce genre d’amusements. Tous deux très occupés par les drames et, la vie avait reprit un cours normal, noyé par une peine et une peur devenue presque normale elle aussi. Pour la première fois de ma vie j’avais pu vivre et contempler les horreurs Poudlariennes inachevées. Constater alors la force des élèves de cette école, constater leur acharnement et leur volonté de fer dont j’ai suivi le mouvement jusqu’à maintenant, en Octobre 2026.

C'est pour cette raison que la venue de Blaze à ma table, me donne autant envie de soupirer que de sourire. Que veut-il bien de moi à cette heure, en plein repas ? Simple visite amicale ? Je ne pense pas. Se contenter alors de tirer une mine avenante, pas moins privée d’hausser un sourcil suspicieux lorqu’il évoque un dîner aux chandelles tombé à l’eau. Comme toujours, la chose a l’air de l’amuser, et moi, je le fixe, bras croisés sur la table, dans l’attente de la raison précise de sa venue. Je sens qu’une autre chose se trame. Du moins, pour être venu m’accaparer à la table des Serpentards, mieux vaut pour lui. Mon instinct ne se loupe pas. Le garçon rieur laisse peu à peu place à plus de sérieux. Son sourire se crispe. Est-il nerveux ? Cette expression serait presque indescriptible tant elle ne figure pas souvent sur son visage. Mais vu son sérieux face à sa volonté de me parler, je devine qu’il est nerveux. "Il faut qu’on cause", les mots qu’on emploie pour larguer quelqu’un, sortir ses quatre vérités à un futur frustré ou annoncer une mauvaise nouvelle. Alors, de quoi il s’agit cette fois ? Ai-je été vilaine avec toi Blaze, ou essaies-tu me dire que l’épisode de l’an dernier te tourmente toujours ? Je me vois alors sans mal noyer le poisson avec taquinerie, tout en faisant référence à des petits mots doux que je ne reçois presque plus du tout. Mon jeu l'aurait-il effrayé ? « De quoi veux-tu parler Blaze ? Tu n’as plus d’inspiration pour m’écrire des petits mots doux, c’est ça ? Ce n’est absolument pas grave, c’est même une très bonne nouvelle. » Dis-je ironiquement d’une voix douce, ma tête posée dans la paume de ma main, étirant mes lèvres dans un large sourire forcé pour la touche finale. Taquinerie bienvenue, retour vivifiant à celui dont les lettres ont déjà maintes fois rejoint les cendres de la cheminée de la salle commune de Serpentard. Flattée peut-être, mais pas séduite.

Je sens bien que Blaze veut partir dans une discussion sérieuse et profonde, mais vu la réponse qu’il me porte alors que je lui parle de ses mots doux manquants avec sarcasme, nous ne sommes pas prêts de l’obtenir cette discussion. Sont-ce mes prunelles bleutées qui le rendent soudainement aussi insupportable, ou l’est-il naturellement de toute évidence ? Quoiqu’il puisse en être, je suis parvenue à légèrement faire fuir sa nervosité. Ce sentiment si peu habituel en lui, se voit déjà chassé par le naturel. Soudainement confiant, voilà qu’il me parle d’un spectacle aquatique de poche. Je te demande pardon ? Mon sourire large et forcé se défait. Sourcils subitement froncés, je me retrouve forcée d’assister au tour de passe-passe de Messmer. Blaze espère m’impressionner avec un tour de magie ? A Poudlard ? Relâcher mon visage tenue dans la paume de ma main, retirer mon coude de la table alors qu’il sort sa baguette pour en tapoter le bout sur la table. Son allusion à un rendez-vous amoureux que je ne saurais refuser suite à ce qu'il va faire, me fait hausser un sourcil. Vraiment ? Laisse-moi en douter Blaze Mansfield. Seulement cet abruti parvient à m’arracher une esquisse amusée et flattée alors que la chute tombe. Il n’abandonnera jamais. Il trouvera toujours autre chose.

Écartant mon assiette de lui, je tiens le regard sur l’eau qu’il fait apparaître par magie, une petite fontaine tourbillonnante. Il compte me séduire avec des jets d’eau, vraiment ? Totalement concentré dans son œuvre –plutôt réussite, je ne dois pas le nier-, des étincelles rouges viennent se refléter dans le bleu de mes yeux. Je le regarde, blasée avec amusement, essayant de cacher la légère admiration que je peux ressentir pour l’effort accompli. « Tu t’es entraîné toute la nuit ? » Pourquoi ne pas simplement lui dire que c’était réussit ? Cela lui ferait bien trop plaisir. Critiquer les rabats-joie alors qu'on en est une soi-même. Conditionnée pour prendre et accepter les compliments, il n’est pas dans mes habitudes de les faire. Excepté dans le cas où ça me serait nécessaire, ce qui n’est absolument pas le cas ici.

Il sait qu’il peut-être chiant. Premier pas vers le progrès. Il le sait depuis le jour de sa naissance, où son petit doigt lui a dit entre deux tourbillons d’eau ? Ah non, il semblerait que Misha lui en ai déjà parlé. Brave garçon. Mon sarcasme incessant ne lui est pas transcendant, ou avait-il besoin de placer le nom de notre ami en commun Misha ? Quoiqu’il en soit, je ne peux m’empêcher d’écarquiller les yeux et d’hocher la tête en toute légèreté approbative. Mais je le laisse continuer, ne voulant couper la parole du petit courageux qui semble traumatisé par une chose qu’il ne dit pas encore. S’il s’agit bien du jour où sa langue fut incontrôlable, je ferais mieux de me préparer à une justification inébranlable.

Blaze ne me considère pas comme sa pote, ou est-ce qu’il doute juste de l’être pour moi ? En ce qui me concerne, c’est difficile à admettre, mais il est comme un pote. Aussi peu réunis qu’on le soit, former un quatuor complètement fou avec Misha, Jade et Blaze, est sûrement la meilleure chose qui me soit arrivée dans cette école, mais ils ne le savent pas encore. Au milieu de tout ça, Blaze s’attend encore à ce que sa démonstration lui accorde un rendez-vous galant avec moi. Tout du moins, il s'amuse à l’espérer. « Tu as la chance de dîner avec moi, contentes-toi de ça pour l’instant. » Dis-je aussi froide que chaleureusement taquine. Je ne le rembarre, et je lui demande encore moins de partir. Si ça n’est pas le signe de mon infime amitié, je ne sais pas ce que c’est.

Puis enfin, il crache le morceau. Enfin, je suppose. Ça n’est toujours pas suffisamment clair pour moi, mais je devine bien la chose. L’air de son visage en ce moment est exactement le même que l’an dernier, à la fin de ses belles paroles et de sa belle humiliation devant tout le monde. Je l’ai fais par bonté de cœur, je vous assure. « Tu parles de ta déclaration d’amour ? Oui parlons-en, c’était vraiment très gênant, ne fais plus jamais ça. » Esquisser un sourire malicieux, presque top sûre de moi pour qu’on puisse discerner le moindre sarcasme. C’est n'est pourtant rien d'autre que ça. Car la vérité, je la connais. « Qu’est ce qui te dérange exactement ? A force de jouer les amoureux transits, tu ne t’es jamais dis que je finirais véritablement par te plaire un jour ? » Jouer avec le feu est satisfaisant. Jouer avec des esprits l’est encore plus.

Je savais que ça reviendrait sur la table un jour. Je savais qu’il ne se laisserait pas si facilement berner. Blaze est malin, et curieux, bien que le temps fut long avant que le sujet ne soit abordée entre quatre yeux, il était évident qu’il n’avait jamais oublié ce jour. Et aujourd’hui, ce souvenir semble le torturer plus qu’il ne voudrait bien l’admettre. Pour autant, je me permets de manipuler mon ami, retournant ses paroles contre lui. Visiblement, sa volonté de comprendre est plus forte que tout, plus forte que les regards bleus et fixes que je peux bien lui jeter. Il a l’air persuadé que quelque chose fût en action ce jour là. Il défie la certitude de mes mots et de mon assurance. Il se met même, à retourner ma propre assurance contre moi. Une partie de ping pong est lancée. Défaite donnée à qui laissera la balle filer en premier.

Je pourrais aussi très bien être honnête, avouer mon acte, expliquer son manque de contrôle. Mais j’ai déjà perdu suffisamment d’amis à cause de ça. Pour le peu de fois qu’elle m’atteint, aujourd’hui ma crainte est réelle. La vérité ne fait pas toujours du bien à qui veut l’entendre. Aux oreilles de Blaze, elle pourrait plaire. Mais à celles de Misha, la vérité pourrait bien tout exploser. Qu’on le veuille ou non, la Vélane fait peur. Ses pouvoirs effraient. Ce qui m’effraie aussi, c’est la faculté qu’il a de répondre à tout. Blaze a réponse à tout, faculté plus admirable que flippante je dois dire.

Lui jeter alors un regard interrogateur forcé lorsqu’il insinue que l’expression de son coeur sincère n’était peut-être pas complètement sincère. C’est là que je laisse totalement mon plat de côté. J’oublie pleinement ce que j’étais entrain de faire avant que le Serdaigle ne vienne me couper. Son air de Sherlock et ses yeux de chien battu s’enchaînent, et je le regarde en me tenant la tête, avec un amusement étouffé. Il me plait de le voir aussi perdu. Passant du mec sûr de lui au garçon perdu, s’offrant un rôle dans le prochain James Bond avant de redevenir le petit poucet. C’est d’un ton alors évident et rempli d’innocence que je glisse un léger « Ah bon ? » entre ses paroles, juste après qu’il se persuade en savoir bien moins que moi au sujet de ses propres sentiments. Evidemment, il a raison, il ne sait pas à quel point il a raison. Son regard de chien battu ne m’amadoue pas. A quoi est-ce qu’il s’attend ? Que je crache absolument tout ce que je sais, tout ce que j’ai fais, dans la seconde ? Désolée mon trésor, ça, c’est ma faculté.

Je continue de l’écouter, le regard accroché au moindre de ses gestes, le regard accroché à ses lèvres de plus en plus inquisitrices. Il se plaît à me suspecter, il se plaît à jouer avec les mots et à retourner ma manipulation contre moi. Son ironie est juste. Blaze n’était pas devenu le mec le plus drôle du monde, il était devenu la victime la plus satisfaisante à manipuler. Mon rire était bien plus tourné vers le sadisme -en toute amitié bien sûr-, que vers la rigolade. Son ironie me fait véritablement étirer large les lèvres, presque flattée d’être aussi proche de me faire prendre. Sourire jaune peut-être, j’intercepte le sujet avec beaucoup de tolérance. Je suis bonne joueuse. C’est de bonne guerre. Seulement la bataille n’est pas terminée. D’un revers de mon bras, j’écarte l’assiette à peine entamée de mon repas de midi. Je gardes mes prunelles perçantes sur le jeune brun qui me fait face. « Mon cher Blaze, quand tu te ridiculise à un tel point de non retour comme celui que tu avais atteint ce jour là, je ne peux pas me retenir de rire. Je suis humaine après tout, j’ai mes limites moi aussi. » Lâcher une mine faussement embêtée, joueuse à mon tour. Cette réponse te convient-elle Mansfield ? J’ai bien conscience d’avoir moi-même lancé la partie, mais mon interlocuteur semble avoir envie de jouer. Alors nous allons jouer. « Et saches que je t’ai toujours trouvé marrant. Seulement, il vaut mieux ne pas trop te le montrer, ou tu deviendrais véritablement insupportable. » Dis-je soudainement plus amicale et taquine, larguant un clin d’oeil au passage. Je veux le perdre. Je veux un peu plus le perdre dans les méandres de ses doutes et de ses pensés. Mais pas trop. Blaze est mon ami, et si ce genre de comportements ne sont pas corrects, je saurais parfaitement le justifier. Sa lourdeur fût vengée, et, ayant commencé ma scolarité à domicile, je n'ai pas une grande expérience dans les relations amicales. C'est sûrement pour cette raison que j'ai choisis un groupe de potes aussi atypique.

C’est naturel. Ça ressemble à un jeu, surfait, ébranlable, mais c’est à peine si je le contrôle. Je suis cette humaine au besoin d’affection, de rire et de contact humain. Mais je suis elle aussi, cette créature, celle dont je me suis inspirée pour éloigner une part de mon humanité à jamais. Je suis difficile, indiscernable, tiraillée entre nonchalance et dévotion. Je me suis fait des amis à Poudlard, et pourtant, j’ai bien peur de pouvoir m’en défaire sans le moindre mal. J’ai peur à la fois, de me faire écarter et d’en souffrir. L’attachement, c’est mauvais. Et c’est cette part de moi que je laisse fuir le plus loin possible, cette part de moi qui prend en amusement ce genre de conversations, comme celle que j’ai avec Blaze en ce moment. Je joue, c’est vrai, mais je joue avec un tel naturel que je le sens perturbé. Lui couper l’herbe sous le pied, retourner chacune de ses paroles contre lui, trouver les réponses qu’il faut à un petit curieux frivole comme lui. Je culpabiliserais presque de me moquer ainsi de Blaze, mais nous sommes bien au dessus de ça. Notre amitié ne se laisserait jamais ébranler par des déclarations aussi douteuses. Depuis le début, Blaze pense jouer un jeu. Il s’amuse autant que moi je m’amuse en ce moment. A vouloir m’éloigner des autres hommes, à vouloir me séduire avec tant de frivolité fleure bleue, c’est clairement une partie de jeu qu’il a lui-même lancé, lui seul. Et je dois bien avouer que l’une de mes questions précédentes est sincère. Et si à force de se prendre au jeu, Blaze se prenait au sérieux ? Et si le moindre mec s’approchant un peu trop près de moi saura véritablement le rendre jaloux ? Il perd le contrôle de A à Z, autant au cours de cette conversation qu’au cours de notre relation des plus amicales. Mais nous sommes au dessus de ça.

Alors oui, j’apprécie son sourire pour le petit compliment dont je me suis permis. Alors oui, je joue bien la comédie, comme il le dit si bien. Je déjoue ses pièges sans ciller. Je détourne la vérité pour ne pas avoir à mentir. C’est de la manipulation pure et dure. Il sait comment je suis, et je crois que ça lui plait. Les hommes aiment galérer, tout le monde le sait. Le compliment à fonctionné, Blaze est encore plus perdu qu’avant. Le voilà si perdu, qu’il laisse de côté les manipulations fourbes pour foncer tête baisée. La question revient et persiste. L’impatience fait rage. Je n’arriverais pas à lui faire gober que son manque de contrôle ne venait pas de moi. Je le sais combatif. Mais je sais aussi que je ne peux rien lui dire. Il le dirait à Misha, et Misha m’en voudrait de ne rien lui avoir dit. Les raisons de garder le silence sont nombreuses. Alors autant m’amuser à me taire. « Il n’y a rien dans mes placards, qu’espères-tu y trouver ? Mes petites culottes ? » Hausser un sourcil, esquisser un sourire avec amusement et moquerie fine. C’est vrai, il ne trouvera rien de plus dans mes affaires.

Puis voilà qu’il essaie de trouver un deal maintenant. Un échange de secret, un pari, n’importe quoi. L’idée du compromis me plaît beaucoup d’apparence, je dois sûrement avoir les yeux qui pétillent. Mais soyons honnête, je n’ai pas besoin de faire un échange de bon procédé pour récolter des informations. Je n’aurais qu’à papillonner des yeux. « J’aimerais bien savoir ce que tu serais prêt à parier, mais on a plus 8 ans Blaze, c’est fini de s’échanger des secrets comme des bambins. » Son idée et ma réaction évidente me font sourire amicalement. L’air soudainement plus vicelard et intéressé, j’avance mon visage un peu plus vers lui. « De quoi as-tu peur exactement ? Tu essaies tellement de te convaincre d’une chose que tu fais totalement fausse route. Je n’ai rien utilisé. » Voilà que je réponds à son interrogation, indirectement. C’est vrai, je ne mens pas. Je n’ai rien utilisé pour le faire délirer, j’ai simplement été plus que moi-même. Mais ça, encore faut-il le deviner. A ses oreilles, ses mots raisonnent comme une nouvelle négation, comme si je niais une fois encore. Chapeau au génie qui saura lire l’indice dissimulé dans ce nouveau non. D’un côté, son appel au nom de notre amitié me fait penser qu’il a raison. Au nom de notre amitié, je dois arrêter de le ridiculiser comme ça. Mais aurais-je suffisamment de jugeote pour respecter cette valeur ?

Je m'en voudrais presque d'être aussi dure. Mais cet épisode tombe comme un cheveu sur la soupe. Nous avons fait comme si de rien n'était depuis des mois. Et voilà qu'aujourd'hui Blaze ressent le besoin de parler. Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? Je savais que ça arriverait un jour, mais je ne pensais pas qu'il serait si forceur et intéressé. Blaze m'a pris de court, et je n'ai d'autre solution que de le rembarrer, aussi vil que ce soit. Je sais qu'il est mon ami, et que je devrais lui dire. Mais aujourd'hui, je ne peux tout simplement pas. Je ne réponds jamais aux provocations sauf si celles-ci m'offrent un bel avantage. Aujourd'hui, je n'aurais aucun intérêt à me dévoiler, si ce n'est préserver une amitié à laquelle, bizarrement, je tiens. Je sens bien que son sourire disparaît peu à peu, que son amusement se dissout dans les méandres de sa déception. Je vois bien que je commence à le vexer, plus encore lorsque je fais référence à des gamineries. Malgré toutes les conneries qu'il peut faire, Blaze n'aime pas être comparé un gamin. Aussi laxiste qu'il puisse être, il a une part de fierté qu'il préférerait qu'on ne bouscule pas. Le jeu laisse peu à peu part a beaucoup de sérieux embêté, même moi je commence à perdre le goût de la partie. Mes dernières paroles légèrement piquantes ont simplement chercher à noyer le poisson, éloigner de la table une vérité dont il était trop proche. Sans peser mes mots, sans penser qu'on puisse un jour le vexer, je vois maintenant disparaître l'air enjoué que j'aime tant voir sur son visage. C'est le signe qu'il est temps d'arrêter, de mettre fin à cette discussion qui saura un jour reprendre son cours. Un jour où je serai prête, un jour où, comme il le dit si bien, je déciderai que la vérité devra sortir de ma bouche et de ma bouche seulement. Pour l'instant je n'ai rien à ajouter, lassée de me justifier, lassée d'humilier un ami qui n'en mérite pas tant. Je préfère rester fixe et piteusement imperturbable, comme si j'étais tout ce qu'il y a de plus insensible, plutôt que de risquer de dire un seul mot de travers.

De son côté, Blaze répond avec fermeté et assurance. Il dit ne pas avoir peur, seulement chaque homme sur terre à sa peur, sa faiblesse, son talon d'Achille. Son assurance sonne faux à mes oreilles mais elle ne me surprend pas. Certes, Blaze et un garçon confiant, optimiste et plein de conviction. Mais chaque homme ayant effleuré cette terre s'est vu un jour bouffé par la fierté et l'égo. Cela dit en arrivant, il a bien admis être légèrement frustré parce qu'il s'était passé. Il assume quand même un peu. Blaze n'est clairement pas le pire. Comme il le dit si bien, il aime jouer, parier, et c'est cette âme d'enfant qui triomphe bien souvent chez lui. Et que sont les enfants ? Ils sont égocentriques.

Il se leva comme prêt à partir sans laisser de reste. Aujourd'hui, je ne suis qu'une farce passée. Je suis une bataille qu'il admet avoir perdu. Et ce "soit" en marque la fin. Mais qui serait Blaze sans un dernier mot ? Il serait tout de même étonnant que je l'ai vexé à ce point. Son sourire fermé n'étire plus le moindre trait de mon visage auparavant taquin et esquissé de sourires. J'écoute, d'un regard fixé sur lui, la forme de menace qu'il m'adresse. Il n’est pas sérieux, si ? Non, il tente un coup de bluffe là, pas possible autrement. Il a raison, je fais la gamine en ce moment, et je le sais. Mais il y’a bien des choses que lui-même sait. Déjà, j’adore les défis. Alors oui, je le mettrais bien au défi de trouver, lui qui semble si décidé à le faire. Mais au fond de moi, je sais. Je sais que je préférerais qu’il l’apprenne de ma propre bouche. Ou il pourrait aussi me laisser un peu de temps ? Plus de temps pour me dévoiler. C’est ce que je pourrais lui dire. Mais son enchaînement décisif ne me laisse pas une seconde de répit. Il continuera ses lettre d'amour qui sauraient presque me manquer, et chacune sera comme épée de Damoclès au dessus de ma tête. Sérieusement ? Il abuse là, non ? Dans le doute je me donne un air surpris et attristé, rapportant devant moi l’assiette de nourriture que j’ai trop longtemps écarté. « Tu sais que j’adore les défis, mais laisse moi juste un peu de temps. » Du temps pour quoi ? C'est ce qu'il doit se demander. Mais ça y est, c’est dit, incapable de le laisser filer sans mettre cette chose au clair. C’est avoué. J’ai avoué qu’il y avait bien quelque chose. De toute façon, il en était persuadé, alors qu’est ce que ça change ? « Sans rancune, hein ? On se retrouve en cours dans une heure ? » Dis-je d'un air de chien battu amusé pour tester son coup de bluffe. Franchement Blaze ne m’en veut pas et... bon appétit ?