patins et gadins

Il y avait des fois où Vivian avait réellement envie d'étriper les gens. Elle avait beau savoir que cela n'allait en rien lui faciliter la tâche pour se faire des amis, elle ne pouvait pas s'empêcher d'avoir envie d'en allonger une à ceux qui s'amusaient à se foutre d'elle, autrement que par des mots, et en plus, dans son dos. La période de grand froid était certes leparfait moment pour se retrouver victime de quelques glissades. Cependant, retrouver une immense flaque d'eau givrée en plein sur le chemin pour retourner vers le château, c'était quand même bien trop beau pour être vrai. Et encore que bien que Vivian l'eut aperçue bien avant de l'avoir atteinte, il y avait eu cette brume soudaine dans son cerveau. Elle avait pourtant assez dormi pour pouvoir être en pleine forme, et même si son cours précédent n'avait pas été le plus intéressant de tous, elle était loin de se sentir étourdie. Et pourtant, la voilà qui flanchait légèrement, oubliant complètement la plaque de givre devant elle. A peine son pied s'était-il posé sur la glace, que Vivian se sentit partir vers l'avant. Une exclamation de surprise sembla l'aider à reprendre quelque peu ses esprits, mais avant qu'elle ait pu faire quoique ce soit pour éviter la catastrophe, son pied gauche lui fit faux-bond et la brune s'étala violemment sur la glace. « Bordel de merde ! » Elle resta un instant au sol, grimaçante, avant de prendre la peine de se relever. Le choc lui avait légèrement coupé le souffle, et une légère douleur habitait sa poitrine. Fut un temps, Vivian n'aurait pas attendu plus longtemps pour paniquer et s'imaginer un retour définitif de sa leucémie. Cependant, elle était tout sauf idiote : elle savait ses médicaments efficaces. Elle se remit pleinement debout, et bien que d'un équilibre assez sommaire, elle parvint à se laisser glisser jusqu'au bord de la glace, où elle put reposer pieds sur la terre ferme. Peut-être fusse à cet instant qu'elle retrouva la pleine capacité de ses moyens, encore est-il que le rire idiot d'un autre élève derrière l'arbre près d'elle ne lui échappa pas. Ses yeux s'assombrirent d'agacement, et elle oublia sa douleur pour se précipiter vers le coupable de sa chute. Elle était loin d'être certaine qu'il soit en réalité l'auteur d'une pareille blague, qui aurait pu s'avérer bien plus dangereuse qu'elle ne l'avait été, si Vivian n'avait pas réussi un tant soit peu à amortir sa chute et à éviter le choc contre sa tête. Cependant, elle était certaine que sa présence en ce point précis, accompagné de ce rire tout sauf innocent, pouvaient lui permettre d'émettre quelques soupçons. D'un mouvement brusque et enhardi par la colère, Vivian le poussa contre l'arbre, sans chercher à savoir s'il l'avait vu venir. « Eh ! Toi là ! J'ai l'impression que ça te fais drôlement rire...Tu serais pas l'idiot qui m'a embrumé l'esprit pour que je me ramasse sur la glace, par hasard ? déclara-t-elle sur un ton loin d'être avenant. » Elle avait machinalement sorti sa baguette, qu'elle vint lentement enfoncer dans la poitrine du Serdaigle, puisqu'il en était un. D'ailleurs, elle était persuadé de l'avoir déjà croisé quelques fois. Ils devaient être de la même année. « Je te préviens petit malin, c'est pas parce que je suis une fille que je serai incapable de t'en mettre une. Déjà que je suis pas d'humeur joyeuse, je te conseille pas de te foutre de ma gueule par-dessus le marché, reprit-elle sans cacher le moins du monde son agacement. » Un mot de travers et elle visait le nez. Ou plus bas, à voir.

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Franchement, cet idiot n'a même pas dit un mot, et Vivian a déjà envie de lui en coller une. Il a ce petit sourire espiègle sur les lèvres, le genre de ceux qui sont toujours fiers de leurs conneries. C'est quand même bête, parce que la brune se souvient bien qu'en classe, il lui donnait une plutôt bonne impression. Si elle avait su que c'était simplement qu'un petit malin prêt à tout pour mettre en place ses merveilleuses blagounettes ! En réalité, Vivian faisait surtout preuve d'une immense mauvaise foi. Elle s'était laissée prendre dans le piège, elle s'était ramassée en beauté, et cela ne lui avait pas plu que par-derrière, la gueule d'ange en profite pour se foutre de sa gueule. Il avait l'air d'être de ceux qui cherchaient toujours à s'occuper d'une manière ou d'une autre, et qui n'avaient toujours que des idées farfelues. En toute sincérité, Vivian aurait pu se faire remarquer que sa jolie gamelle avait dû être drôle à voir de l'extérieur. Mais elle, elle était loin d'en avoir ri jusqu'à en avoir mal aux côtes. Côté douleur, la chute lui avait suffi. Et puis, même si elle était effectivement capable de frapper, ce n'était pas vraiment son genre. Si elle l'avait menacé de le faire sous le coup de la colère, c'était surtout pour qu'il ferme un peu son clapet. Ce n'était pas le genre d'élèves qu'elle allait frapper pour le plaisir. C'était une blague certes agaçante, humiliante il fallait bien l'avouer, ou peut-être un peu dangereuse, mais elle ne méritait pas de se faire péter le nez — et ce par une fille. Vivian serait plutôt du genre à frapper des cons comme les Sorensen. « Oula mais je suis pas sexiste, t'inquiète... je suis certain que tu pètes des gueules au petit déj' ! » Elle leva les yeux au ciel, vaguement agacée par l'ironie des propos. Visiblement, ce mec ne pouvait pas s'empêcher de déconner. Peut-être que ça plaisait à certains, mais Vivian, ça commençait déjà à la saouler. Elle se pencha cependant vers lui, les yeux brillants d'une touche de moquerie. « Fais gaffe, y'a des filles à qui faut vraiment éviter de sortir ce genre de choses. C'est là que tu pourrais vraiment te retrouver au sol. Et la plupart du temps, quand une fille qui ne sait pas vraiment frapper cherche à se venger d'un gars, elle vise sous la ceinture ! » C'était le genre de coups toujours assez drôles à offrir ; même sans la moindre force, tu pouvais mettre n'importe quel caïd à terre. Comme Mère Nature pouvait être charmante par moment... Face à elle, le brun haussa les épaules. « Allez... avoue c'est bien trouvé comme blague, non ? Je suis sûr que t'as rien vu venir ! » Vivian ne put retenir un ricanement sarcastique. « Oh mais sans l'ombre d'un doute ! C'est toujours plaisant de faire face au risque grisant de se fracasser le crâne contre la glace ! termina-t-elle en appuyant ses derniers mots, la tête penchée sur le côté. Et sans vouloir te décevoir, la plaque de givre, je l'avais bien vu venir. Ton sort de confusion, beaucoup moins, là c'est certain ! rajouta-t-elle en pointant de nouveau sa baguette vers lui, non sans l'enfoncer un peu plus qu'avant. » Ce n'était rien de violent ou bien méchant, juste de quoi lui faire comprendre de réfléchir juste trente secondes de plus avant de réitérer ce genre d'expériences hasardeuses. « Eh, franchement il y a encore de la place derrière l'arbre, je te montre comment faire, tu vas voir c'est marr... » Vivian levait déjà les yeux au ciel lorsqu'un "boum" sonore retentit sur la glace. Quelqu'un venait de plonger à nouveau. La brune entendit le Serdaigle commencer à rire, jusqu'à ce qu'il ne s'arrête net dans son effusion de joie. Levant un sourcil, Vivian tourna la tête vers sa blagounette, où elle découvrit Monsieur Duncan, le garde-chasse, étalé sur la glace. Elle fut tentée de rire de la situation dans laquelle le brun s'était mis, mais il venait de prendre l'air le plus sérieux qu'elle ne lui avait vu jusqu'ici. Elle se mordit la lèvre pour retenir sa moquerie. « Me balance pas, je te le revaudrai. »Un franc sourire étira les lèvres de Vivian. Ce genre de promesses, elle ne les oubliait jamais. De plus, cela lui permettrait sans doute de s'amuser un peu du Serdaigle — Blaze, son nom lui était enfin revenu — histoire de gentiment se venger de toute cette histoire. Elle l'entendit s'informer de l'état du garde-chasse. En se s'approchant d'eux, sans pour autant s'aventurer de nouveau sur la glace, elle déclara avec un léger sourire. « Visiblement, un élève s'est cru assez malin pour faire givrer une plaque d'eau sur le chemin jusqu'au château. J'ai d'ailleurs la nette intuition qu'il s'est assuré de notre chute par un subtil sort de confusion : je me suis moi-même retrouvée au sol, avoua-t-elle en rigolant légèrement, comme si l'expérience avait été des plus divertissantes. J'étais en train de m'informer auprès de mon camarade — hmm Blaze c'est bien ça ? pour savoir s'il n'avait pas aperçu notre coupable, mais il venait tout juste d'arriver. Il n'a entendu que le bruit de ma chute ! termina Vivian avec un sourire, après avoir fais un petit geste vers le Serdaigle, comme pour lui assurer que ce n'était pas grave. » Franchement, en plus du service en échange de ce joli mensonge, Blaze avait intérêt à lui décerner l'Oscar de la meilleur actrice.

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Si Vivian avait eu un instant de bon sens avant de s'avancer elle aussi vers le garde-chasse, elle se serait certainement souvenu du caractère explosif de ce dernier. Cependant, elle ne l'avait pas fait, et le regard haineux que Monsieur Duncan envoya à Blaze lui suffit à comprendre qu'elle n'allait pas être en reste non plus. Si Blaze avait, semblait-il, été très soulagé de voir que Vivian avait eu la bonté de le couvrir, son soulagement n'avait été que de courte durée. Le garde-chasse ne s'était pas fait prier pour faire exploser la patinoire improvisée du Serdaigle, faisant trembler le sol et manquant d'envoyer le brun à terre. Vivian aurait pu en rire, si la situation avait été tout autre. « Est-ce toi ? De quoi te crois-tu permis pour faire ce genre de traquenard ? Ne t'avises surtout pas de répondre ! Si ça ne tenais qu'à moi, je vous ferrai tous rôtir en ENFER ! Vous et vos laquais d'elfes, à toujours se croire supérieur, vous finirez par vous perdre. Et ce sera le plus beau jour de toute vie. » Vivian avait écarquillé les yeux de stupeur. Déjà, elle comprenait mal cette réaction excessive du garde-chasse. Après tout, elle venait de lui assurer que Blaze n'était pour rien dans ce piège idiot, encore que ce n'était bien évidemment pas le cas. Mais de plus, elle était d'autant plus perdue que les mots de Monsieur Duncan semblait n'avoir ni queue ni tête à ses yeux. En quoi en était-il venu à discuter elfes de maison ? Vivian n'y comprenait décidément plus grand chose. La seule chose qu'elle retint sans mal ce fut : « Dix points en moins chacun. Et samedi soir, vous êtes en retenu avec moi. Si vous êtes pas là à 19h.... » Le regard de la brune s'assombrit, alors qu'elle observait le garde-chasse s'éloigner. Elle bouillonnait. Non seulement elle avait elle-même été piégée par ce petit idiot de Serdaigle, mais en plus, elle se retrouvait collée et avec 10 points en moins. Clairement, ce Blaze avait intérêt à être à son service jusqu'à la fin de l'année s'il ne voulait pas mourir d'ici là. Vivian était vraiment furieuse. A la fois contre Monsieur Duncan, qui n'avait nullement fait preuve de bon sens, mais aussi contre Blaze, qui était aussi bête que ses pieds. « Putain... Mais quel... immense connard ! Non mais t'as vu ça ?! D'où c'est permis de faire un truc pareil ?! On est plus sous Blackman, là ! En plus c'est quoi...? Juste... un jardinier ? Il peut coller les gens ? Non mais, putain, ça me rend dingue ! S'il croit qu'il peut faire ce qu'il veut comme il veut... j'en reviens pas, quel con ! » Vivian haussa un sourcil vaguement agacé, alors qu'elle avait croisé les bras pour écouter la petite tirade de son compagnon d'infortune. Il se retourna une nouvelle fois vers elle, dépité. « Putain... Même ton bobard, il l'a pas respecté. Au fait pas mal d'ailleurs, dommage que ce... ah ! Qu'il ait tout gâché ! » Vivian fut tentée de rire un instant. Au moins avait-il reconnu qu'elle avait tout de même assuré. Elle se pencha vers lui, et à la place d'exploser de rage, elle se contenta d'un petit sourire moqueur. « Cher ami, non seulement tu me devais un service pour mon humble charité à ne pas t'avoir dénoncé, mais en plus, maintenant que je me retrouve injustement punie, tu vas devoir mettre les bouchées doubles pour éviter que je n'aille balancer la vérité à ce garde-chasse impulsif. Ce n'est pas du chantage, mais presque. J'te laisse le choix quand même. » Vivian s'amusait tout de même assez de la situation. Certes, elle avait dû essuyer elle aussi les conséquences des actes du Serdaigle, mais elle aurait ainsi l'occasion de lui faire comprendre qu'on ne pouvait pas agir en toute impunité sans rien recevoir derrière. Elle n'allait pas être méchante, juste très chiante. Peut-être était-ce même pire. « Navrée de voir que tu t'es mis dans un sacré foutoir ! ricana-t-elle légèrement. Mais avoue que tu n'es pas en capacités de me tenir rigueur de profiter de la situation, ajouta-t-elle en lui offrant un petit clin d’œil amusé. » Les idées commençaient déjà à lui venir en tête. Sa vengeance ne serait pas violente, mais bien plus moqueuse qu'autre chose. De quoi se foutre un peu de la gueule de ce cher Blaze.

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En réalité, même si Vivian l'avait d'abord eu assez mauvaise — rien que pour sa chute sur la glace — Blaze était vraiment un garçon très comique. Il avait l'air tellement dépité en regardant sa patinoire qui avait explosé en mille morceaux, que Vivian aurait presque pitié de lui. C'est en tout cas ce qu'il espérait lui aussi, au vu de son regard de chien battu qu'il lui lançait. « T'es dure... tu frappes un homme à terre, c'est pas très charitable... » Vivian éclata de rire sans retenue. Elle était certaine qu'il n'avait pas dit ça par hasard, et puis rire un peu permettait de détendre l'atmosphère. De toute façon, Vivian n'était pas non plus une immense sadique. Sa vengeance serait plus amusante que méchante. Blaze se retourna finalement en soupirant, avant de froncer les sourcils et de croiser les bras, le regard fixé sur la brune. « Bon ok, c'est de bonne guerre. J'aurai fait pareil à ta place de toute façon. » Un sourire à mi-chemin entre la satisfaction et l'amusement s'étira sur les lèvres de Vivian. « Balance tes conditions, qu'on en finisse et qu'on puisse aller manger. » Vivian sourit de nouveau, et se tapota lentement le menton du bout des doigts, le regard pensant. Elle avait déjà quelques idées en tête, mais ça, Blaze n'était pas obligé de le savoir. Et puis, c'était bien plus drôle de le faire languir un peu. « Voyons voir... Tiens, tu sais que j'ai un petit chaton ? Je l'ai adopté durant les dernières grandes vacances. Il est vraiment adorable. C'est un vrai petit ange qui adore les câlins et à peu près tout ceux qu'il croise. Il s'appelle Lumi. Je l'aime beaucoup... » Vivian ne prit même pas la peine de regarder si Blaze était perdu face à ce petit récit que venait de lui offrir la brune. Elle reprenait déjà. « Je l'aime vraiment beaucoup, sauf quand je dois le laver, parce qu'à partir du moment où un seul de ses poils touche une goutte d'eau, c'est un vrai petit diable, ajouta-t-elle alors en offrant un sourire légèrement moqueur à Blaze. Je suis sûre que tu te feras un plaisir de t'occuper de son bain pour les... disons... 4 prochaines semaines. Cela ne fait que 4 toilettages, ce n'est pas grand chose, termina Vivian avec un petit sourire. » Elle laissa un instant de silence passer, avant de s'exclamer. « Oh mais oui bien sûr, ça ce n'est que pour le coup de la patinoire ! s'amusa Vivian, qui s'éclatait comme une folle à profiter de la situation du Serdaigle. Allez, je vais être sympa. Puisque tu n'es pas complètement coupable de mon heure de colle donnée par Duncan, on va choisir quelque chose de plus léger... » Vivian réfléchissait à toute allure. Elle n'avait jamais trop eu l'occasion de donner des gages à d'autres personnes de son âge, c'était tout nouveau pour elle. Elle aurait bien eu besoin des conseils d'Elias, histoire de trouver quelque chose d'assez drôle mais pas mesquin. Son visage s'éclaira finalement et elle offrit de nouveau toute son attention à Blaze. « Tu sais, je vais être franche avec toi. J'ai jamais vraiment eu d'amis, et les relations sociales, ça ne me connaît pas vraiment. Je n'ai pas eu beaucoup l'occasion d'aller à l'école, de faire la fête, et de donner des gages à quelqu'un. Mais mon frère avait des idées assez farfelues quand il était question de m'emmerder, alors voici ce que tu devras faire. Je vais te donner une liste de mots, dont je doute fortement que tu connaisses le sens, avoua-t-elle en riant. Interdiction de faire des recherches pour savoir ce que ça veut dire, mais pendant une semaine, dès que je viendrai t'adresser la parole, peu importe avec qui tu es, tu devras utiliser au moins deux de ces mots. Chiche ? demanda-t-elle finalement, un peu incertaine tout de même. » Si ça se trouve, il allait trouver ça parfaitement ridicule, lui rire au nez avant de tourner les talons. Oh mon dieu, pensa Vivian, pitié tout sauf ça.

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