ft. @Morgan T. Johansson & Cameron Brown

Les mains enfoncées dans les poches de son blouson mal en point, Cameron tourna au coin de la rue, longeant le salon de thé sans y accorder plus d’un regard. Normalement, cette nouvelle sortie à Pré-au-Lard, la première depuis les vacances de Noël et le bal catastrophique (encore) qui en avait découlé, aurait dû se faire en compagnie de Mallory mais la dure loi de Poudlard en avait décidé autrement et un nombre impressionnant de devoirs balancés par le professeur d’arithmancie avait changé la donne. Soi-disant que ça compterait pour une partie importante de la note du trimestre… Forcément… Il avait bien tenté de errer un peu bêtement aux abords de la bibliothèque mais force était de constater que ça durait une éternité alors il avait fini par fuir, comme une âme en peine, loin des murs étouffants du château… Bien sûr, cette année avait commencé sous le signe du renouveau et, l’un comme l’autre, ils avaient décidé d’essayer de s’ouvrir davantage aux autres, et lui, en particulier, s’en était donné les moyens autant qu’il l’avait pu mais il fallait bien admettre que le destin semblait tout faire pour les éloigner toujours davantage.

Elle lui manquait, en réalité. Si ça n’avait pas grand chose d’étonnant, c’était épuisant. Il avait l’impression tenace, ces derniers temps, de passer à côté de leur relation… Il en avait été éloigné par une vie bizarre qui avait de toute façon fini par lui échapper… Ces histoires stupides avec Sherwin qui avait fini par mal tourner, la querelle idiote avec Shepherd qui, même si elle était au point mort depuis des mois, le faisait psychoter à longueur de journées, et les gens qui avaient profité de la brèche créée dans ses défenses habituelles pour s’infiltrer insidieusement dans son existence qui lui prenait finalement un temps incroyable… Même si ça n’était que des petits instants, par-ci par-là, dans une journée, le reste se passait souvent sur les bancs inconfortables des salles de classe et rendait difficile le moindre échange… Jamais il n’aurait pu supposer que les changements seraient si grands et surtout si difficiles à supporter. Les jours passaient et l’idée semblait de plus en plus mauvaise sans qu’il ne soit en mesure de faire marche arrière… Au nom de quoi ?! Il touchait enfin du bout du doigt l’adolescence normale à laquelle il avait tant aspiré !

Puis, sans prévenir, la météo se cala sur son humeur, maussade. Les nuages qui zébraient le ciel depuis le début de la journée s’épaissirent en un rien de temps, poussant l’adolescent à revenir sur ses pas. Il espérait pouvoir rejoindre le château avant que le temps ne vire à l’orage… En vain. Un grondement sourd se fit entendre juste avant que les ombres sombres ne se percent et ne déversent sur le pauvre village des trombes d’eau et de neige, virevoltant éhontément au gré du vent qui chantait à haute voix. Un frisson le prit alors qu’il pestait intérieurement, le cou rentré dans les épaules pour éviter que les gouttes ne s’engouffrent sous ses vêtements. Cameron accéléra la cadence mais se retrouva bien vite contraint d’abandonner : on n’y voyait rien, mieux valait se mettre à l’abri un moment en attendant que les éléments s’apaisent. Contraint par ce regain de bon sens, il ouvra brusquement la porte du salon de thé devant lequel il venait de repasser et se glissa à l’intérieur. Il n’y avait mis les pieds qu’une seule fois, un triste après-midi de mars, alors que la salle des Trois-Balais était bien trop pleine pour s’y frayer un chemin. Tout le rose et les rubans qui décoraient horriblement l’endroit avait eu le mérite de faire sourire Mallory alors qu’ils partageaient quelques biscuits et un chocolat chaud… Aujourd’hui, comme la première fois, il n’y avait pas foule aux petites tables recouvertes de napperons vieillots. Une dame d’un certain âge lisait Sorcière Hebdo dans un coin et un autre adolescent cherchait sûrement, tout comme lui, à éviter la pluie. Il lui fallut une seconde à peine pour réaliser qui était l’adolescent en question. De tout Poudlard, c’était sur son préfet, Morgan Johansson, qu’il tombait. C’était même plus la poisse, à ce niveau, c’était pire que ça !

— P’tain... mais non, grommela imperceptiblement Cameron alors qu’il jetait un coup d’oeil vers la fenêtre où le temps était toujours désespérant… Son camarade à quelques pas de lui, il était impossible de s’éclipser sans être vu… C’était soit la pluie soit…

— Installez-vous les garçons, j’arrive tout de suite !

Soit la serveuse, avec un grand sourire aimable et complice, qui ruinait purement et simplement toute tentative de fuite. Si un regard avait pu tuer, elle serait morte sur le champ… Mais à la place elle se contenta de leur désigner une table près d’une cheminée surchargée de bibelots en tout genre. Avec un peu de chance, Morgan allait dire qu’il attendait quelqu’un d’autre ou n’importe quelle débilité du genre, ce qui arrangerait bien ses affaires… Admettre qu’il n’avait aucune envie de passer ce moment foireux en compagnie de son préfet ne serait pas d’une politesse incroyable et il se savait assez régulièrement dans le collimateur des figures d’autorité de Poudlard pour ne pas en rajouter une couche mais il n’avait pas plus envie de s’offrir un tête-à-tête avec lui, encore moins ici ! Allez, il était sûrement du genre neu-neu, à kiffer les trucs guimauve et tout impatient à l’idée de partager des muffins tout roses avec sa meuf ! S’il y avait une justice, en tout cas…