la peur ne nous atteindra pas

Tout le monde le savait. Rien n’est jamais terminé. Les attaques de l’an passée n’ont jamais véritablement été punis. Un coupable s’est fait prendre, un coupable retrouvé mort, mais était-il vraiment seul organisateur de ses coulés de sang et de cendres ? Je ne pense pas. Nous savons bien que les crimes sont restés impunis, que les enquêtes n’ont pas tout révélés, que des questions restent en suspend. La calme était beau, reposant, mais il ne pouvait pas durer. Les responsables séviraient encore, libres et réfléchis. Les mois se sont écoulés, et si d'autres plans ont eu le temps de germer dans leurs esprits étriqués, on court un grave danger. C'est pourquoi très peu d'élèves restaient à Poudlard ses vacances. Certes, l'attaque avait eu lieu bien de loin de l'école, mais la crainte elle, s'était à nouveau installée. J'ai peur. Je le dis clairement, j'ai peur, et ça ne va pas en s'arrangeant. Une chance, les vacances ont permis de décompresser, de penser un peu à ce qu’il s’était passé et à la manière dont il faudrait réagir. J’attends beaucoup du discours de début d’année. Notre nouvelle directrice à beaucoup de poids sur les épaules, et une volonté de fer à l’idée de remettre l’école et ses élèves d’aplomb. Mais ce dernier événement ne joue pas en sa faveur. Elle n’y est pour rien, certes, mais sa crédibilité et son discours de Septembre perdent alors tout leur charme. Comment est-ce pu arriver ? Qui à part les étudiants et les professeurs nous savaient là-bas ? Il n'y a peut-être pas besoin de chercher plus loin...

L'heure venue de rejoindre la grande salle, je suis parvenue à ne pas perdre une seule minute. Pas de retard, ni de découragement. Au contraire, j'ai même bouger les trains de deux élèves de première année qui prenaient un peu trop leur temps à mon goût. Leur dire gentiment de se presser, qu'Appleton n'attendra pas sur eux et que si je ne les vois pas à la table des Poufsouffles au moment du repas, je viendrais les chercher moi-même par la peau des fesses. Je n'ai surtout pas manquer de me rectifier et de menacer d'envoyer le méchant flic à ma place, autrement dit Felicia. Fermer la marche et entrer après eux, jeter un œil avisé à la table des Serdaigles, sourire à Hadley avant de prendre place auprès de Felicia. Le discours commence par des excuses. Celles qui ne changeront rien contrairement à la détermination dont notre directrice fait preuve. Elle va continuer à se battre pour cette égalité, ignorer la menace dont nous avons été victime, et je ne peux qu'approuver son dévouement. J'en ai suffisamment prit dans la tronche, mais je n'ai clairement pas finis. Je continuerais à m'en bouffer autant qu'il faut s'il s'agit là de défendre mes valeurs, ou simplement ce que je suis. J'ai confiance en Evelyn Appleton, à la fois j'ai bien peur que ses beaux discours ne changent pas une nature. Mais elle a raison du tout au tout, même sur la fin. Ayons un peu plus confiance en nos Professeurs.

L’attention des élèves gagnée, une assemblée touchée, une mission accomplie qui annonce le moment que je préfère. Comme les vœux du maire, la fin de ses mots annoncent le régal de nos estomacs. Des cuisses de poulet apparaissent devant mes yeux et je me presse d’en empoigner une alors que Felicia ouvre, pour une fois, la bouche la première. Alors que je lui réponds, ma dernière main libre lui tend mon verre pour l’inviter à me servir du jus de Citrouille. « Oui plutôt bonnes ! J’ai choppé une gastro-entérite le lendemain de Noël, mais bon ça c’est un détail. Ça m'a fait du bien de rentrer et de voir ma famille. Ma mère a de nouveau faillit ne pas me laisser repartir ! » Pincer les lèvres, hausser les sourcils, un peu embêté sur la fin, mais sûrement pas à cause du sujet que j'aborde à table devant tout le monde. Ça, j'en ai rien à faire. Lui sourire finalement, toujours plus positif que défaitiste. Mes vacances étaient plutôt bonnes dans l'ensemble. Entre les repas de Noël interminables en famille, on s'écrivait presque tous les jours Hadley et moi. J'ai réussi à bosser quelques cours pour mes BUSES entre deux parties de console suite à mes insomnies. Rien de plus normal quoi, si on met de côté les troubles du sommeil à cause d'un cerveau en surchauffe. « Et toi alors, comment c'était ? Ça va, les cours t'ont pas trop manqués ? » Je lui retourne la question avec un taquin de préférence caché, avant de croquer une cuisse de poulet bien grasse à pleines dents.

Je parcours comme à mon habitude l’immense pièce d’un rapide coup d’œil avant de me focaliser un peu plus longuement sur les quelques visages familiers déjà présents. À mes côtés, je sens mon frère et mes sœurs se disperser en direction de leur table respective et je leur adresse un sourire fraternel ainsi qu’un signe de tête.

« À tout à l’heurrrre. » leur dis-je tandis que je prends la direction du coin de la Grande Salle réservée aux Serdaigles en compagnie de Judith.

Bien qu’étant dans la même maison, ma sœur et moi ne passons pas forcément énormément de notre temps ensemble. Je tente bien d’y remédier depuis son entrée à Poudlard mais ma cadette n’est pas une âme facile à dompter et mes tentatives se sont souvent soldées par des échecs que j’ai bien pris le temps d’analyser.

Tout en m’attablant je me penche vers ma sœur afin de lui souffler une anecdote dont m’a fait part Grand-Père durant les vacances lorsque la voix de la directrice m’interromps. Je fronce discrètement le nez et me redresse, intéressé quant au contenu de son discours même si je n’en ignore pas complètement le sujet. Difficile d’imaginer qu’Evelyn Appleton, adoratrice des sang-de-bourbes et autres moldus, ne passe sous silence le tragique évènement du bal de Noël. C’est donc grandement intrigué que je tends l’oreille, avide d’en entendre d’avantage.

Je reste impassible durant l’intégralité de son discours, profitant que l’intérêt de mes camarades soit dirigé vers la directrice pour leur jeter des petits coups d’œil en biais, à l’affut du moindre signe suspect de la part de l’un d’entre eux à me mettre sous la dent. Je me doute bien que la totalité des élèves du château n’adhère pas aux paroles dégoulinantes de tolérance et d’empathie prononcées par Appleton et même si je pense connaître la totalité de ces derniers il n’est pas impossible d’en apprendre un peu plus aujourd’hui en me montrant attentif. Des murmures finissent par s’élever des quatre coins de la Grande Salle alors que le discours de la directrice prend fin et je relâche un peu ma discrète inquisition tandis que le repas apparaît sur nos tables.

« Quelle trrriste manièrrrre de célébrrrrer la nouvelle année, lâché-je d’un ton neutre à Judith tout en me servant un peu de marmelade, j’image que c’est en parrrrti pour ça que cerrrtains ne sont pas revenus à Poudlarrrrd. »

Bien entendu nous avons déjà discuté de tout ceci à Londres en compagnie du reste de notre fratrie ainsi que de Grand-Père et Grand-Mère toutefois difficile de lancer un autre sujet de discussion au milieu de nos camarades après le speech de la directrice. Inutile de donner du grain à ensorceler aux êtres inférieurs de cette école et mieux valait nous mêler à la masse le temps de passer inaperçu. Je sais que Judith pense probablement la même chose que moi et je me contente donc de laisser traîner mon regard autour de nous en attendant sa réponse.

L’idée de laisser ma légilimencie débutante s’exprimer afin de tenter de capter les pensées de mes condisciples vis-à-vis des derniers évènements s’immisce petit à petit dans mon esprit. Après tout, à quoi bon continuer de m’entraîner de ce côté-là si ce n’était pas pour tester tout ceci en terrain réel ? Je ne risque pas grand-chose, si ce n’est un petit étourdissement. Je prends donc une grande inspiration et laisse mon esprit filer en direction des autres, suivant la méthode que j’ai longuement étudiée dernièrement. Tandis que je me concentre de plus en plus je sens une goutte de sueur perler le long de mon front et je m’empêche de serrer le poing. Les voix que j’entends sont toutes enchevêtrées et me paraissent lointaines, il m’est impossible de distinguer le moindre mot. Je soupire un peu plus brusquement que prévu, passablement agacé par ce que je considère être un échec. La voix de Judith me ramène à l’instant présent et je me tourne vers elle, légèrement penaud.

« Excuse-moi, peux-tu rrrrépéter ? lui demandé-je sur un ton d’excuse, je me suis laissé distrrrairrrre. »

Inutile de s’épiloguer. Personne autour de moi n’est au courant de cet entraînement. Si à la base ma volonté de m’instruire afin d’aider Phoenix était réelle, je me suis laissé prendre au jeu et j’ai eu, à mon tour, envie d’expérimenter cette forme de magie. Au fur et à mesure de mes lectures la pratique m’est apparue moins obscure et je me suis entraîné de temps à autre sur l’esprit de mes condisciples lors de séance de travail à la bibliothèque ou bien dans la salle commune des Serdaigles. Je dois admettre que ma progression est plutôt rapide mais ne me satisfait pas encore pleinement. Je ne suis pas capable de discerner correctement les pensées des personnes que je vise et il s’agit tout de même du but principal de ce type de magie… Il va falloir que je mette les bouchées doubles si je veux être réellement efficace et tirer profit de ce petit avantage.

Le Quidditch. Y avait le match de Quidditch à la rentrée. Hilary pouvait pas se laisser sombrer dans son lit pendant deux semaines à attendre que le temps passe, l’air de rien. Ce serait trop facile. Et pourtant, elle en avait bien envie quand même ! Deux semaines, après le bal de décembre, ce n’était pas assez pour se reposer entièrement… À l’approche de la rentrée, Hilly avait encore l’impression que son corps était lourd et que sa gorge était irritée. Parfois, elle avait l’impression de respirer de la fumée. Dans ces moments-là, elle se forçait à sortir pour prendre de l’air. Du bon air. De l’air frais. Un air frais et froid. L’air de l’hiver. Celui qui vivifiait le corps tout entier, qui remplissait les poumons d’un air nouveau. Il n’avait pas beaucoup neigé pendant ces vacances, malheureusement, mais cela n’avait pas arrêté la tête blonde de sortir pour autant. Il fallait bien qu’elle s’occupe ! Qu’elle se garde en pleine forme ! Elle attendait beaucoup du match contre les Poufsouffle, alors elle ne pouvait pas se permettre d’être en mauvaise condition. Et puis, il y avait aussi son anniversaire, et celui d’Eliana, et Noël, et le nouvel an. C’était censé être une période de fête et de réjouissement ! Hilary ne voulait pas se morfondre pendant deux semaines. Ce serait trop triste. La tête blonde avait vraiment tout fait pour se changer les idées : des petits tours de terrain de Quidditch - sur balai ou en courant -, des rêveries à n’en plus finir, des lettres pour son frère, oncle Ben et Eliana, et un cadeau pour sa meilleure amie. Parce que cette dernière ne l’avait pas oubliée ! Et Hilary voulait vraiment lui rendre la pareille, malgré ses maigres moyens.

Aussi la veille de la rentrée, la Gryffondor tentait de se motiver à affronter de nouveau la centaine d’élèves qui revenaient de vacances. Hilly n’était pas certaine de l’ambiance qu’il y aurait à table, et elle ne tenait pas trop à le savoir. Est-ce qu’ils allaient parler du bal ? Ou plutôt du match de Quidditch ? À quelle heure est-ce qu’ils allaient commencer tout ça ? La tête blonde n’était pas sûre de quand il serait bon de descendre pour aller manger avec les autres… Et si elle arrivait en plein pendant le discours de rentrée ? La honte ! C’est qu’elle perdait facilement la notion du temps. Heureusement pour elle, Dieu l’avait mise sur la route d’Eliana. Cette dernière était montée directement une fois arrivée pour lui sauter dessus ! Hilary l’avait accueillie à bras ouverts. En plus, elle était passée voir son cadeau d’anniversaire et de Noël avant toute chose et… elle avait adoré ! Hilly était soulagée. « J’suis contente qu’il te plaise… C’est pas grand chose, mais j’ai fait de mon mieux ! » Et puis, il avait fallu qu’il tienne en plus, le bougre ! Heureusement qu’à défaut d’avoir beaucoup de neige, il y avait au moins des températures basses. « Comme une grande et à la force de mes bras, ouais ! », dit-elle en faisant mine d’avoir des biceps digne d’un super-héros lambda.

Enjointes par les préfets, elles descendirent pour l’heure du dîner. Hilly était bien contente d’être entourée d’amis cette année. Entre Eliana, Grace et Florent, elle pouvait au moins avoir l’impression d’être protégée du monde extérieur d’une façon ou d’une autre. Et elle n’oubliait pas Maya, Jade ou encore Roxy à la table des Poufsouffle. Mais, Hilly n’oubliait pas non plus que la situation avait failli être bien plus grave que prévu. La directrice n’avait pas fauté à le rappeler, même avec ses paroles d’espoir. Hilly voulait bien y croire, mais ce qu’elle aurait préféré, c’était clairement de ne pas appartenir à ce monde-ci. Elle adorait ses amis ! Mais tout ce qu’il se passait depuis son arrivée à Poudlard ? C’était trop pour elle… Elle fit la grimace et s’empêcha de regarder en direction de la table des adultes jusqu’à ce que le repas soit servi. Au moins, elle pouvait manger à sa fin ici ! C’était déjà mieux que rien. Willem lui manquait un peu quand même... Il aurait mieux qu'elle ici.

Codage par Libella sur Graphiorum

la peur ne nous atteindra pas

Notez quand même le manque de délicatesse. Un buffet géant s’étend sous nos yeux, les gens se souhaitent un bon appétit, et moi, je parle de ma gastro post-Noël. Je crois que ça n’étonne même plus Felicia qui préfère me répondre avec une ironie certaine. Comme elle dit, j’ai passé des vacances incroyables. C’est aussi ironique que vrai. Disons que c’est moitié-moitié. Puis j’ai enchaîné avec une petite taquinerie spécial nous. Felicia la trop studieuse, et Ollie le pas assez. Est-ce que les cours lui ont manqués ? Il se trouve qu’elle n’a fait que bosser. Felicia est restée à Poudlard ses vacances, ce qui veut dire qu’elle n’a lâché ni ses bouquins, ni sa fonction de préfète. Conclusion, elle s’est coltinée Misha Bradford en retenu. Qu’est ce qu’il avait encore fait celui-là ? Ça y est, il s’est fait prendre pour l’incendie ou quoi ? Non, la sentence serait bien pire, je le sais bien. Alors je sourie et lâche un rire nasal de cochon lorsqu’elle m’annonce la nouvelle, presque moqueur envers le dur moment qu’elle a dû passer. « Dur. » J’attendrais d’entendre l’histoire complète plus tard, je compte bien avoir un topo de cette péripétie. Je pourrais en dire plus, mais même s’il n’est pas dans les parages, je préfère éviter les soucis. « Tu me raconteras. » Lui dis-je à voix basse, la bouche déjà bien trop pleine de poulet pour ajouter quoique ce soit d’autre.

C’est lorsqu’elle évoque mes propres révisons que je déglutis, embarquant avec tout ce que j’avais dans la bouche en une traite. Les vacances, c’est fait pour se reposer. Alors évidemment, c’était mon activité préférée. Mais Felicia est la première personne à me foutre la pression avec les cours. C’est la preuve qu’elle veut me voir réussir j’imagine. Alors je ferais mieux de lui dire que j’ai bossé comme un malade, et une chance pour elle, je n’aurais pas à mentir. Enfin, pas trop. « Ouais je sais, le plus dur est à venir... Du coup je me suis exprès mis des chrénos de travail dans la journée. Mais tu te doutes bien que je les ai pas toujours respecté. » Hausser les épaules, tirer une mine déçue et amusée à la fois. C'est comme ça quoi, je peux pas tout contrôler. Et les envies de sortir voir mes potes, rematter les Star Wars pour la millième fois ou jouer à la console était plus fortes que tout. « En tout cas c'est cool si tu as pu être au calme plusieurs jours. C'était pas mon cas, mais t'en fais pas, je vais gérer. » On y croit, on y croit ! Je lui jette d'ailleurs un clin d’œil très peu rassurant. Je n'ai peut-être pas beaucoup bosser ses vacances, mais je jure de m'y remettre dès cette après-midi. Les cours ne reprennent que demain, je n'aurais aucune excuse. Sauf une peut-être, et elle s'appelle Hadley.