C’est la mâchoire serrée et le regard sombre que mes pas m’entraînent loin de la salle commune des Poufsouffle, toute vêtue de ma tenue de Quidditch. Une retenue m’ayant empêchée de participer aux sélections, j’étais néanmoins remplaçante au poste de batteur. La titulaire était Roxy : cette traître à son sang. Pour l’instant. Une chute était si vite arrivée et cela la tiendrait, de plus, peut-être éloignée de mon jumeau. Qu’elle n’aille pas lui donner de mauvaises idées, voilà à quoi il fallait veiller, que ce soit moi ou Phoenix, nous n’aimions pas cette cordiale entente qu’il y avait entre cette parjure et Finnbjörn. L’idée de la croiser sur le terrain m’emplissait d’une féroce satisfaction. J’avais grand besoin de me défouler aujourd’hui. Junior ne m’avait pas gardé de place en cours d’Histoire de la Magie plus tôt dans la journée, me forçant à passer deux heures entières aux côtés d’un abruti de sang-de-bourbe qui puait l’eau de cologne bon marché, pendant que lui s’amusait de la situation. Je savais bien qu’il ne fallait pas l’appeler Cornelius, mais je m’étais réveillée de bien trop mauvaise humeur ce matin pour supporter ses taquineries, et son prénom était naturellement sorti, telle une insulte, pour le faire taire. Cela avait bien fonctionné, au-delà de mes espérances même, mais en contrepartie, le Serpentard ne m’avait plus adressé un mot de la journée et m’avait fait endurer ce supplice durant la leçon d’Histoire. Frapper quelques cognards allait donc me faire le plus grand bien.

Chaque pas me délestait un peu plus de ma colère et j’arrive finalement au terrain de Quidditch presque de bonne humeur. L’exaltation que je ressens est toute entière liée aux prochaines dizaines de minutes de vol que j’ai hâte de débuter, ainsi qu’à la batte que je tiens appuyée contre le sol, mes deux mains reposant sur l’autre extrémité. Et c’est un grand sourire fauve qui dévoile mes dents à mesure que notre capitaine énonce les règles. Mon impatience grandissante trouve fin dans le lancement du match d’entraînement que nous allons jouer aujourd’hui. L’équipe reste, somme toute, similaire à l’année dernière : à savoir, une belle bande d’impurs que je mourrais d’envie de voir au sol se tortiller de douleur après une chute bien trop haute. Cela ne faisait que me donner une satisfaction de plus si un de mes cognards venait malencontreusement percuter l’un de nos joueurs.

L’adrénaline, la sensation de voler, l’air frais qui fouettait mon visage, la satisfaction sauvage de frapper de grands coups de ma batte : tout contribuait à mon enthousiasme. Finnbjörn ne comprenait pas comment je pouvais apprécier ce sport de barbare, mais il avait toujours été le plus maniéré de nous deux et cela devait lui apparaître totalement contraire à l’aristocratie qui coulait dans nos veines de se jucher sur un balai à la poursuite de balles volantes. Mais que voulez-vous : j’adorais ça. Junior me comprenait sur ce point, lui. De penser au Serpentard créa un élan de rage et le cognard qui était à ma portée en fit les frais : envoyé à l’autre bout du terrain, l’un de mes coéquipiers le reçut en pleine épaule. Je l’imaginais parfaitement jurer dans tous les sens. Il me semblait qu’il s’agissait du nouveau, un Russe si ma mémoire ne me trompait pas, qui était arrivé en cours d’année. Je n’avais guère prêté attention à lui jusque là, ignorant même qu’il faisait partie de l’équipe. Qu’importe, si un simple cognard l’empêchait de jouer la suite de l’entraînement, c’est qu’il n’avait rien à faire ici. Avec indifférence, et une pointe de suffisance, je retournai à la poursuite des balles noires, ma batte impatiente de poursuivre son oeuvre.

L’entraînement terminé, je me sentais moulue. Mes bras et mes épaules allaient douloureusement m’élancer demain, mais c’était une douleur que j’accueillais toujours avec contentement car elle était le signe d’une séance où je m’étais donnée à fond. Après un dernier mot de notre capitaine, tout le monde se dirige vers les vestiaires. Je les suis de loin : je n’ai guère envie de me retrouver coincée dans la même pièce que les autres et de devoir entendre leurs badinages enfantins. Je préfère laisser passer quelques minutes, qu’elles soient déjà sous la douche, pour récupérer mes affaires et filer en vitesse dans mon dortoir me changer en toute tranquillité. Seulement, mes plans furent contrariés par le nouveau : il n’était pas rentré dans les vestiaires et semblait m’attendre, un air mauvais sur le visage. Qu’est-ce que tu veux ? demandé-je sans chercher à paraître agréable.

Toute l’adrénaline et l’énergie engendrées au cours de cet entraînement me font me sentir pleinement vivante. Il était stupide de croire que notre maladie pouvait empirer au cours d’un match de Quidditch. Tout comme il était inepte de se considérer aussi fragile que de la porcelaine. Finnbjörn ne voyait que le danger et la violence là où je discernais tous les bienfaits d’un passe-temps aussi jouissif. Cette pratique entraînait mon organisme et le rendait plus solide : ce n’étaient là que des bienfaits, même pour notre pathologie génétique. Il était hors de question que celle-ci ait raison de nous et je ne comptais pas laisser défiler mes années en espérant être épargnée par une vie de mesure. Celle-ci ne valait pas même la peine d’être vécue si c’était pour ne pas profiter de chaque seconde. J’étais moins fataliste que mon cher frère, c’était indéniable. Et moins retenue.

Électrisée par la sensation vitalisante d’un vol aérien et par la souvenance de ma batte s’écrasant contre les balles, je me dirige vers les vestiaires, quelques mètres en arrière des autres. Je n’ai aucune envie de me retrouver prise au piège entre ces filles, un condensé de traîtresse à son sang, de monstruosité - selon les rumeurs - et d’impuretés. Rien qui ne vaille le coup. Mon mépris me fait marcher lentement pour espérer arriver au moment où elles seront déjà toutes sous l’eau chaude des douches communes - encore une aberration - et pouvoir saisir mes affaires sans subir l’outrage de leur voix. Mais c’était sans compter cette silhouette qui me bloque le passage et que je toise d’un air impérieusement hautain, tout en arquant un sourcil inquisiteur. Que me veut-il ? La question franchit mes lèvres à la recherche d’une réponse tandis que ma batte repose négligemment sur mon épaule.

J’ai souvenir de son visage lors de la répartition de cette année : plus vieux que tous les autres nouveaux et sans aucune trace d’émerveillement quelconque face à la magie de Poudlard. Les bruits de couloir se sont révélés informatifs : il serait Russe envoyé ici car sous la tutelle de son oncle. Je ne pouvais alors que comprendre et partager sa frustration de se retrouver dans cette école : s’il était effectivement de nationalité russe, Poudlard devait lui sembler bien minable en comparaison de Durmstrang. Mon sourire s’esquisse, féroce, alors que sa voix furieuse aux accents lointains s’élève. Croyait-il m’intimider ? Tu viens pleurrrnicher tout ça pourrr un malheurrreux prrrojectile ? La réputation des élèves de Durmstrang était-elle un mythe ? Étaient-ils en réalité aussi plaintifs que les abrutis qui peuplaient nos couloirs ? Si tu te lamentes pourrr si peu, j’ai hâte de te voirrr te prrrendrrre un vrrrai cognarrrd pendant un match, mec rajouté-je, moqueuse. Il avait des airs de vrai dur mais peut-être était-il bien plus pitoyable qu’il ne le laissait paraître. Il était possiblement bien plus anglais que russe, après tout. Ces Anglais. Ils étaient si mièvres. J’aimais beaucoup Londres mais le caractère inexistant de ses habitants m’ennuyait profondément. Moi qui pensais que les élèves de Durrrmstrrrang en avaient à rrrevendrrre soupiré-je, affichant un air désabusé que je ne ressentais que très partiellement. Je n’étais pas destinée à étudier dans ce collège et c’était peut-être finalement pour le mieux. J’étais cependant quelque peu positivement intriguée : son assurance teintée de brutalité n’était pas sans m’être familière. Je m’interroge : va-t-il tourner les talons ou surenchérir ?

Sa familiarité à mon égard était aussi bien déplaisante que rafraîchissante. On ne s’adressait pas aux Sørensen de cette manière, pas en toute impunité, et pas sans craindre un revers polaire. Mais lui n’en avait cure : mon intuition me soufflait à l’oreille qu’il ne savait rien de mon nom ni de tout ce qu’il soulevait sur son passage. Face à n’importe qui d’autre, l’agacement aurait été supérieur à l’amusement et je n’aurais pas manqué de faire payer cette insolence. Présentement, c’était plutôt l’inverse : le divertissement apporté par cette conversation éclipsait mon irritation. J’étais moins grossière que lui mais notre insolent aplomb était suffisamment similaire pour que j’ai la délicieuse sensation d’avoir enfin un interlocuteur à ma hauteur. Pas comme la majorité des mauviettes qui pullulaient dans les couloirs de Poudlard et déguerpissaient en chouinant au moindre frémissement inquiétant. Ses yeux d’un bleu hivernal traduisaient une rudesse et une rigueur brutale qui me procurait un sourire féroce alors que je lui réplique que venir pleurnicher pour un pauvre petit cognard de rien du tout est bien navrant. Je roule exagérément des yeux sans laisser retomber les commissures de mes lèvres. Et bien au moins tu as acquis un peu plus de vivacité, c’est parrrfait pour le prrrochain match. Mon air moqueur était suffisamment explicite : je n’avais aucune intention de m’excuser de quoique ce soit puisque je n’avais, de toute façon, rien à me reprocher. Tapotant le bois de ma batte du bout des doigts, je laissais l’amusement grandir en moi. Il devrait même me remercier, tout bien réfléchi. Je laissais poindre une pointe de répugnance à la mention de moi et Reid copines. Æsj* fais-je simplement, sans relever quoique ce soit de plus. Elle ne méritait même pas que je m’intéresse à elle, hormis si c’était pour la tenir éloignée de Finnbjörn.

Je hausse les épaules, indifférente à son attaque concernant le prochain match. C’est là que le bât blesse : je ne suis pas titulairrre cette année. Donc horrrmis m’amuser pendant les entrrraînements, je n’en ai pas grrrand chose à fairrre. La victoire de Poufsouffle ne m’intéressait nullement temps que je n’étais pas dans l’équipe qui jouerait le match. C’était une occasion rêvée de reprendre la batte et d’évoluer parmi d’autres joueurs dont le niveau était moins nase que le reste de l’école. Mais puisque cette infâme Reid était batteuse titulaire - pour l’instant - je pouvais simplement m’éclater à voler et à frapper les cognards du plus fort que j’en étais capable. Le reste du jeu en équipe me passait au-dessus.

J’avais entendu qu’il était de nationalité russe : il avait donc forcément passé le début de sa scolarité à Durmstrang. La réputation de ce collège n’était plus à faire, bien qu’un mystère opaque semblait entourer depuis toute éternité cette école. J’avais visé juste et mes pupilles se dilatèrent de ravissement. Je ne concevais pas qu’on puisse survivre à Durmstrang sans être taillé d’un bois plus robuste que ces pitoyables anglais. Ceci dit, je n’avais imaginé qu’une école censée être aussi prestigieuse que Poudlard puisse accepter de misérables cafards en son sein et se laisser autant aller à un laxisme vomitif. Alors peut-être que bien, fuyard, il avait déménagé pour échapper à l’ambiance impitoyable de Durmstrang. Oui n’est-ce pas ? approuvé-je avec un air exagérément soulagé, comme si je trouvais enfin quelqu’un qui comprenait ce que je vivais dans cette maison d’arriérés. Je fais mine de ne pas comprendre qu’il visait explicitement mes capacités au Quidditch tout en esquissant un sourire sarcastique. Je suis cerrrtaine que le miteux chapeau était malade le jourrr où il m’y a répartie. Je poussais un soupir appuyé qui dénotait terriblement d’avec mon regard et mon sourire éternellement moqueurs.

Trahie par mon accent, je laisse échapper un petit rire. Il ne manquait définitivement pas de culot parce qu’on ne pouvait pas dire qu’il en était dénué, lui non plus. J’ai vu de la lumièrrre et je suis entrrrée réponds-je dans un éclat moqueur. Tu es bien placé pourrr juger mon accent, le tien n’est pas exactement absent remarqué-je. Je m’humecte doucement les lèvres, mon sourire s’étirant jusqu’à atteindre mes yeux opalescents. Je n’avais aucune raison de lui répondre si ce n’était celle de passer le temps. Et j’avais une bien meilleure idée pour cela. Tu sais quoi fais-je, d’un ton brusquement inspiré rrretourrrnons voler un peu et frrrapper quelques cognarrrds. Si tu le touches, je rrréponds à ta question. Sinon, à toi de rrrépondrrre à une des miennes. Je hausse un sourcil, attendant sa décision. Dans le meilleur des cas, je gagnais un nouveau tour en balai et de quoi m’amuser, dans le pire, nous cessions ici notre conversation et je pouvais retourner vaquer à des occupations plus intéressantes.

*Berk

HS:

J’aime pousser les autres dans leurs retranchements et observer leur calme se fissurer, lentement, tandis que ma satisfaction sauvage, elle, grandit. Le nouveau a du répondant, c’est un fait qui ne rend l’échange que plus amusant. On se lassait vite des imbéciles sans aucune répartie. Pourquoi jouer quand tout était tracé d’avance ? Non pas que je craigne la défaite face à mon camarade, mais au moins avait-il le mérite de ne pas trembler de peur devant mon nom, et ce simple détail était déjà rafraîchissant. Je t’enverrrais une invitation quand ce serrra le cas fais-je en roulant des yeux, dédaigneuse. Son injonction incompréhensible - du russe, probablement - ramène mes prunelles sur son visage aux traits durs. Je n’ai pas saisi ce qu’il essayait de me dire, mais sûrement rien de très aimable. Qu’importe, je ne m’abaisserai pas à le lui demander. Il n’y a qu’avec Junior que j’apprécie ces petits jeux dans une langue étrangère et que je peux déroger à mon puissant orgueil pour lui poser la question et obtenir la traduction. Ceci dit, avec mon meilleur ami, tous les mots que nous employons en français sont de ridicules surnoms. Bien loin, j’en mettrais ma main à couper, de ce que le nouveau a voulu dire.

Evidemment, il saute sur l’occasion pour souligner que je ne suis pas titulaire car je ne suis pas assez douée pour jouer les réels matchs. Prévisible, mais néanmoins parfaitement incisif. Je pourrais saluer sa verve, si je n’étais pas trop occupée à répliquer à mon tour. Un échange constant de piques acérées, tels deux adolescents dont l’unique besoin, actuellement, était de vider une coupe bien trop pleine. Qui sait, peut-êtrrre le font-ils pourrr que je puisse justement les envoyer drrroit surrr toi. Qu’il pense que je l’avais fait exprès s’il le désirait. La vérité était bien moins palpitante : emportée par l’élan et la joie féroce de taper de nouveau dans quelques cognards déchaînés,je n’avais pas mesuré ma force. Il en avait fait les frais et j’appréciais de pouvoir me moquer ouvertement de ce que je nommais fragilité et qui le poussait à venir pleurnicher dans mes bottes ; alors qu’il ne s’agissait bien sûr que de rancoeur qu’il me crachait au visage.

La joute n’a cesse de continuer et dévie lentement sur les écoles de magie. Au vu de sa nationalité, ce mec vient forcément de Durmstrang. J’imaginais les élèves de cette école un peu plus résistants que cela, mais après tout, Poudlard m’avait déçue, d’année en année, pourquoi cette école réputée pour être la plus brutale n’en ferait-elle pas de même ? Pas du tout, tu me sembles parrrfaitement à ta place : tu as l’airrr si patient, si juste et si joyeux… Tu colles totalement à cette maison raillé-je, mon sourire s’étirant, moqueur. Il n’avait rien de tout cela, moi non plus d’ailleurs. Je n’avais jamais trouvé la moindre raison valable à cette décision du choixpeau, si ce n’est celle qu’il m’avait donnée : j’étais tenace, tout comme les gens de cette maison. Soit, mais j’étais bien d’autres choses, et aucune ne collait avec le pathétique manque de caractère de mes camarades haïssables.

Au milieu de toutes ces moqueries acerbes et ces insultes à peine voilées, un rire m’échappe tandis qu’il ose souligner que mon accent est présent. Le sien l’est tout autant. Il s’étonne que je ne sois pas dans un autre collège et je réponds avec une impertinence hautaine que j’ai tout simplement vu de la lumière filtrer à travers la porte et que j’ai choisi d’entrer. Cela a le mérite de lui arracher un rire à son tour, à défaut d’être ne serait-ce que proche de la vérité. Si parrr classe, tu veux dirrre âprrre, oui, il l’est. Pourrr le rrreste, le mien est larrrgement supérrrieurrr répliqué-je du tac-au-tac avec morgue. La Norvège était le plus beau pays, c’était un fait, et notre accent et bien plus élégant, mélodieux, et noble que celui d’un Russe. Il n’y avait même pas à débattre de ce fait, c’était une immuable vérité. Cela étant, je ne pouvais qu’acquiescer à ce qui suivit : j’appréciais l’anglais et l’Angleterre avait été un nouveau terrain de jeu divertissant lors de mon arrivée sur son sol. Mais il fallait dire ce qu’il en était réellement : les Anglais étaient chiants à en mourir, ils étaient toujours si snobs et si plats. Je ne décelais aucune personnalité chez eux et je les trouvais d’un ennui mortel. À qui le dis-tu, ce serrrait un rrréel opprrrobrrre fis-je en grimaçant de dégoût.

Le défi que je lui lance franchit mes lèvres sans que je ne cherche à le retenir. J’aime l’idée d’affronter quelqu’un sur le terrain, surtout quelqu’un dont la fierté semble atteindre la mienne. Il ne pourra pas refuser, je le sens : ce serait m’accorder une victoire trop facile et il a un trop grand orgueil pour me la céder. Tout dépend, répondis-je, un sourire grandissant venant faire pétiller mon regard je vais toucher des cognarrrds, je n’en doute même pas, la question est plutôt de savoirrr sur qui ils vont atterrrirrr. Si je prends la peine de viser, je me sais suffisamment douée pour lui éviter la moindre douleur. Encore faudrait-il que j’en ai envie et que la joie violente de lui arracher une grimace de douleur ne prenne pas le dessus sur le reste. Mais non, pas pour cette fois-ci. J’allais lui montrer de quel bois se chauffait Erin Sørensen et lui prouver que j’étais bien plus douée qu’il ne le concevait. Je n’avais pas donné un millième de moi-même durant l’entraînement, c’était d’ailleurs probablement la raison pour laquelle je débordais toujours d’une énergie sauvage qui faisait bouillonner mon sang. Son dernier tacle s’envole avec lui avant que je n’ai pu répliquer, mais qu’importe, ce n’est pas très grave. J’aurais le dernier mot en jeu.

Sans plus attendre, j’enfourche mon balai et m’élève à toute allure. La vitesse est jouissive, l’absence de règles et de limites également. Rien à voir avec un entraînement basique pour lequel nous devons simplement jouer comme si nous étions des enfants. Je sens que le nouveau ne va pas se laisser faire et qu’il n’est pas là pour conter fleurette. Nous jouons pour de vrai, sans nous ménager. Et j’adorais. Batte fermement serrée, je m’élève, encore et encore, les deux cognards virevoltent autour de nous. L’air me semble avoir un goût plus violent que précédemment, ou peut-être est-ce ma propre brutalité qui s’évacue pleinement. D’un mouvement, j’en évite un qui fonce à toute allure sur moi, n’étant pas dans la position adéquate pour le frapper. En face de moi, le Russe tente de frapper celui qui lui arrive droit dessus et je l’observe, les yeux brillants d’une attente teintée d’agressivité. Je suis presque déçue de le voir échouer, mais mon rire moqueur n’en laisse rien paraître. J’avais envie de voir avec quelle force il était capable de frapper, mais je pouvais presque entendre ses os se fissurer sous l’impact, c’était un spectacle tout aussi agréable. Et bien, on rrrepasserrra pourrr la vivacité, peut-êtrrre faut-il t’entrrraîner encorrre un peu fanfaronné-je, mon regard à la recherche du prochain cognard, la batte prête.

2 - 4 - Je n’avais pas anticipé l’arrivée des deux cognards en même temps, et je dois esquiver l’un des deux sans pouvoir frapper le second, qui se perd à son tour à l’autre bout du terrain.

Spoiler:

C’était rafraîchissant ce répondant et ce camarade qui ne se démontait pas aussi facilement que les autres faibles qui pullulaient dans le château. Son ironie mordante ne flanche pas sous mes répliques acérées. Le reste de l’équipe devait avoir fini de se changer depuis quelques minutes déjà ; nous, nous étions toujours là, plantés face à face à jauger les limites et la résistance de l’autre. Nous effleurons les raisons qui font que je n’occupe qu’un vulgaire poste de remplaçant. Un manque de talent pour le Quidditch selon moi, une toute autre histoire en réalité. Mon sourire cruel s’élance à l’assaut de mon visage tandis que je hausse les épaules avec une nonchalance amusée. Bon eh bien ! il faudrrra se contenter de la verrrsion qui dit que je suis tenue à l’écarrrt des matchs parrrce que les capitaines de cette équipe ont trrrop peurrr de moi. Dans le fond, je trouvais cela désopilant. J’étais privée de jouer pleinement au Quidditch depuis que l’autre bègue avait jugé que je troublais la cohésion de cette équipe et que je risquais bien trop de nous faire disqualifier de la coupe. Whitewood avait simplement suivi ce que sa prédécesseure avait imposé. Pour l’instant, me défouler aux entraînements me convenait et j’étais libre d’en faire selon mes envies puisque, de toute façon, je ne jouais pas les matchs. Mais des raisons impératives pouvaient survenir à tout moment : il n’en fallait qu’une pour que je reprenne ma titularisation.

Son doigt d’honneur me fait ricaner. Une allégorie de la gentillesse et de la patience ce garçon, c’était limpide comme de l’eau de roche qu’il avait sa place parmi les Poufsouffle. Il enchaîne très rapidement pour me rendre la pareille, signe que sa susceptibilité a besoin de bien plus que de cela pour être attaquée. La joute se poursuit donc, verbalement pour l’instant. Les surnoms dont il affuble nos deux préfets tendent à prouver qu’il ne les porte pas plus que moi dans son coeur, me faisant ainsi sourire un peu plus. Ils m’adorrrent c’est le cas de le dirrre réponds-je, un air narquois qui vient faire pétiller mon regard. Tu n’imagines même pas à quel point ! Mon ironie mordante lui faisait bien comprendre que c’était en réalité tout l’inverse. Si je pouvais, je renverrais rapidement cette insupportable Williams dans un cachot, là où sa place était. Quand à Lloyd, il était aussi agaçant qu’une épine plantée profondément dans la peau, et bien aussi peu dangereux.

Mon regard se fige brièvement quand je l’entends critiquer mon accent. Pas tant parce qu’il le critique que par les mots qu’ils emploient. Je n’ai aucune idée de ce qu’il veut dire par caler : je n’ai guère l’impression que ma manière de rouler les R soit propice à bloquer une porte quelconque. Je n’ai même pas envie de deviner ce qu’il se cache là-dessous, supputant trop bien quelque chose lié à l'ignominie moldue. Je ne m’étais pas assez renseignée sur le nouveau pour savoir de quelle nature était son sang : cependant, son oncle était un sorcier, je me laissais donc à penser qu’il était au moins de sang-mêlé. Parrrce que le tien est une douce mélodie, cela s’entend le raillé-je en retour. Les accents d’Europe du Nord n’avaient rien de chantant, mais nos contrées n’étaient pas propices au laisser-aller. C’était peut-être l’une des raisons qui faisait que j’avais tant de mal avec le comportement flegmatique et si lent des anglais.

Notre conversation animée dévale des chemins tordus ; un défi de prononcé et nous voilà déjà entrain de voler, de retour dans les airs, comme si nous ne les avions jamais quittés. Ma belle gueule comme il le disait si bien ne souffrirait d’aucun cognard aujourd’hui : au vu de comment il venait de rater le premier, je ne risquais rien. Malheureusement, trop occupée à me moquer de lui, je ne suis pas assez concentrée lorsqu’il s’agit de frapper ma batte de toutes mes forces contre l’une des balles noires. La seconde me prend au dépourvu et me force à une pirouette d’esquive. Le ton sarcastique se transforme en une belle leçon d’humilité quand il se prend un second cognard. Je ris, sans m’en cacher, ma batte à l’affût. Moi au moins je suis capable de les esquiver, ce n’est pas ton cas visiblement. Tu vas supporrrter la douleurrr ? Ma petite moue plaintive est rapidement remplacée par un rictus provoquant. Nous ne cessions de nous narguer, et le petit jeu allait probablement continuer jusqu’à ce que l’un de nous touche enfin l’un de ces cognards.

1 - 4 - 5 - Il me fallait juste me réchauffer : d’un puissant coup de batte, j’envoie valser le cognard en direction du russe. Etait-il bon pour un troisième bleu ?
3 - 6 - Me moquer de mon camarade est un facteur bien plus déconcentrant que je ne l’aurais crû. Je ne peux que esquiver la balle noire qui fonce sur moi d’une nouvelle pirouette aérienne.
2 - Ce petit défi tourne à la défaite générale puisque je me fais avoir par un cognard en plein dans les omoplates. Il va falloir se ressaisir et vite !

Même son rire indiquait qu’il n’était pas un anglais. Il était brutal, aussi agressif que son accent qui, d’une certaine manière, n’était pas sans rappeler le roulement qui résonnait dans le mien. Le peu de considération que nous avions, l’un comme l’autre, pour notre capitaine de Quidditch donnait le ton sur nos personnalités respectives. Je ris à mon tour : sa description peu flatteuse est des plus réalistes. Tu l’as bien cerrrnée. Whitewood n’était pas exactement de la même trempe que la mienne, ou que celle de mon interlocuteur. En fait, Poufsouffle hébergeait un certain nombre d’élèves dont le tempérament questionnait la capacité du Choixpeau à envoyer les sorciers et autres cafards dans des maisons leur correspondant réellement. Et tu n’as pas connu l’ancienne capitaine, c’était encorrre pirrre. Je ne sais pas qui de son ombrrre ou d’elle était plus effrrrayée parrr l’autrrre. L’équipe n’avait pas eut de capitaine digne de ce nom depuis… et bien, depuis que j’étais arrivée à Poudlard, en réalité. C’était à se demander comment la direction les choisissait. Mais, étant donné la foule de choix douteux qu’ils faisaient peser sur ce château censé être prestigieux, ce n’était pas étonnant. Un de plus, un de moins…

Deux imbéciles qui avaient parfaitement leur place à Poufsouffle, par contre, ce sont ces abrutis de préfets. Entre l’impure boiteuse qui aurait mieux fait de brûler vive dans l’incendie de l’année dernière, et Lloyd, aussi insupportable que sa confrère. Mais maintenant, j’ai peurrr que tu me voles cette place réponds-je avec une ironie toujours plus mordante. Nous avions tous les deux la tête de l’emploi pour être les deux parfaits chouchous de ces fayots qui bavaient tellement devant l’autorité qu’ils devaient se noyer dedans. Tu es totalement le genrrre d’élève dont ils rrrafolent. Ce n’était pas le cas, évidemment. Il me ressemblait bien trop, son caractère similaire au mien, pour que Williams et Lloyd puissent éprouver quoique ce soit de sympathique à son égard. Encore que, ils étaient bien plus sots qu’on ne pouvait l’imaginer. Ils étaient capables de se prendre d’affection pour l’étranger et chercher à le faire rentrer dans le droit chemin. C’est qu’il n’y avait pas la lumière à tous les étages, chez ces deux-là.

Nous savons tous les deux que son accent n’a rien de mélodieux mais pourquoi le dire à voix haute ? Il était bien plus flatteur de n’entendre que ce qu’on voulait et de faire mine de ne pas saisir le sarcasme. Je lâche un petit rire alors qu’il réceptionne mon faux compliment avec une suffisance brute. Accent contre accent, nationalité contre nationalité, batteuse contre poursuiveur, c’était presque écrit que nous ne nous arrêterions pas à une joute verbale. Dans les airs, sur nos balais, un cognard hargneux sifflant tout autour de nous, c’est à celui qui touchera le plus l’autre. Les premières tentatives ne sont pas fructueuses, nos répliques sarcastiques font plus mouche que nos essais. Enfin, jusqu’à ce que, mon sang échauffé, mes doigts serrés autour de la batte, je ne frappe un cognard de toutes mes forces, touchant enfin la balle noire. Il ne l’esquive pas : un troisième bleu pour lui.

Il fallait peut-être simplement que l’un de nous réussisse une première fois pour que les victoires s’enchaînent. Mon camarade parvient enfin à frapper une balle. Que j’aurais pu éviter sans aucun mal, c’était évident. Néanmoins, sa phrase résonnait encore dans mon esprit, un défi lancé que je n’avais pas l’intention de ne pas honorer. Comme ça je craignais la douleur ? S’il savait. Un coup tel que celui-ci n’était rien comparé à la pire douleur que j’avais jamais ressentie et qui revenait, tous les trois ans. Je pouvais subir l'assaut de mille cognards que ce ne serait encore qu’une simple piqûre. Le cognard me frappe de plein fouet, me coupant la respiration, avant de délaisser mon estomac pour retourner s’agiter dans les airs. J’inspire un grand coup, l’air remplissant mes poumons comme s’il s’agissait du verre, mais c’est bel et bien un sourire sauvage qui étire mes lèvres, mon regard pétillant de cette violence. Tu disais ? Moi, j’ai peurrr de la douleurrr ? C’était toute ta forrrce, ça ? Une petite moue dédaigneuse, je lui fais savoir que ce n’est pas bien inquiétant.

Enfin, on commençait à s’amuser ! Ma batte était prête, assoiffée de brutalité. Maintenant qu’il venait de me toucher, l’envie de le blesser une nouvelle fois était décuplée, de même que mon attention. Nous sommes malheureusement coupés dans notre élan par une voix désagréable qui me pousse à baisser les yeux un instant. Hé là-haut ! On a réservé le terrain. Les couleurs des Serpentard ont envahi le terrain. Un éclair de colère exalté par la frustration d’être privée de ce petit jeu me pousse à interpeller l’impur qui sert de capitaine à cette équipe. Tu le rrrattrrrapes ? Et de frapper violemment le cognard qui passe par là, en direction du sol, avant de me détourner, espérant évidemment le toucher de plein fouet. Je crrrois qu’on doit laisser notrrre place fais-je, passablement agacée, à l’attention de mon camarade. Nous redescendons sans que je n’octroie plus d’attention à cette équipe de minables qui ose nous faire quitter le terrain. Enfin, de minables, excepté un, que je m’empresse d’aller voir, déposant un rapide baiser sur sa joue comme j’en ai l’habitude, lui souhaitant bon courage pour son entraînement. Je laisse rapidement Junior au milieu de ses piètres coéquipiers et retourne avec le Russe dans les vestiaires. Au fait, Errrin me présenté-je enfin, tendant une main dans sa direction, attendant de connaître son prénom à lui. Sinon je pouvais continuer à l’appeler le Russe, ça ne me dérangeait pas le moins du monde.