ft. Cameron Brown et les Serdaigle

Les acclamations vertes résonnaient encore aux oreilles de Cameron, se mêlant au martèlement régulier de l’eau qui s’écrasait sur le carrelage de la douche. Ça avait été un carnage, purement et simplement. Rien n’avait été dans ce maudit match. Absolument rien… Ils s’étaient fait balader. Ils s’étaient plantés de cible. Ils s’étaient fait devancer. Une humiliation publique comme il avait pu le redouter juste avant d’entrer sur le terrain. Un soupir s’échappa d’entre ses lèvres boudeuses. Il ne se faisait aucune illusion, Shepherd allait s’en donner à coeur joie. Il n’avait pas fini d’en entendre parler, de cette défaite. Au moins jusqu’à ce qu’elle se fasse laminer à son tour et qu’il puisse lui rendre la pareille. Encore fallait-il que ce jour arrive… Il avait beau la détester autant qu’il était humain de détester quelqu’un, il avait bien vu, l’an dernier. Le peu d’éclat qui subsistait encore sur le blason des Poufsouffle était de son fait. Et c’était pire encore… Elle allait se la péter, cette garce ! Les foutre plus bas que terre… Toute l’équipe, probablement, mais sa soeur et lui seraient en première ligne, c’était évident. Il n’en voulait pas à Mallory, bien sûr, elle n’y était pour rien et n’avait jamais demandé à hériter de toutes les responsabilités du monde mais ce qui l’attendait rendait la défaite plus amère encore. Il fallait profiter du peu de calme qu’elle consentirait à lui laisser pour relativiser et feindre que rien ne l’atteignait vraiment. C’était qu’un match stupide, dans le fond, qu’est-ce qu’il s’en fichait, hein ?! C’était étrange de voir comment cette histoire de Quidditch prenait une ampleur énorme depuis la rentrée… Jamais il n’avait ressenti tant de pression, jamais il ne s’était tant intéressé à ce que l’opinion publique pourrait bien dire ou penser… Était-ce l’adolescence qui jouait ainsi avec ses nerfs…?

Presque à contre-coeur, pas certain d’avoir envie d’émerger si vite et de voir ces bouffons se réjouir et se féliciter fièrement, il tourna le robinet et enroula sa serviette autour de ses hanches. De toute façon, il n’allait pas pouvoir se terrer là indéfiniment. Ce fut toujours sans entrain qu’il rejoignit ses affaires lamentablement abandonnées quelques minutes plus tôt. Ou du moins, ce qui aurait dû être ses affaires lamentablement abandonnées quelques minutes plus tôt. Mais il ne restait plus qu’un vide seulement comblé par sa baguette. Son regard clair et suspicieux, un peu hébété par la surprise, se posa sur Aleksey, seul autre mâle de cette équipe bleue.

— T’as bougé mes fringues ?

La question lui semblait un peu idiote, en réalité. Ils n’étaient pas franchement amis, loin d’en être au stade des blagues potaches… Et puis, il doutait un peu que son aîné puisse trouver le moment véritablement opportun pour jouer à ça. L’ambiance n’était pas franchement à la déconnade. Pas aujourd’hui… Le noeud désagréable qui s’était installé dans son estomac depuis qu’il avait ouvert les yeux ce matin se resserra un peu. Il se mit à fouiller le vestiaire, une main accrochée à sa serviette, l’autre ouvrant et repoussant fébrilement tout ce qui aurait pu servir de cachettes. Au bout de plusieurs interminables minutes, toujours rien. Ses vêtements avaient comme disparu. Et la lumière se fit brusquement ! Son visage pâlit alors qu’il comprenait enfin le problème. Qu’est-ce qu’il avait été débile de ne pas y penser plus tôt ! C’était même évident ! Jamais elle consentirait à laisser un tant soit peu de calme ! Bien sûr que non ! Il fallait frapper quand ça faisait mal et là, après cette défaite humiliante, c’était le moment idéal ! Ses doigts se resserrèrent autour du seul tissu qu’elle lui avait laissé.

— J’vais la tuer, p’tain, j’vais la tuer, se jura-t-il alors qu’il traversait la pièce et entrouvrait la porte, juste assez pour se faire entendre de l’autre côté, Mal’ !

Sa voix ne laissait aucune place au doute, pour sa jumelle moins encore que pour les autres : il y avait un problème. En réalité, c’était cette fille, le problème ! Qu’on l’achève une bonne fois pour toutes, pour le bien de l’humanité toute entière ! Sa main de libre pianotait nerveusement contre la planche, trahissant avec une facilité déconcertante à quel point la Poufsouffle avait pu réussir son coup. S’il ne doutait pas de pouvoir s’en tirer sans heurt, comprendre qu’elle n’avait aucune limite et qu’il ne serait jamais à l’abri de rien l’avait déstabilisé. Cette journée était la plus pourrie qu’il ait pu connaître depuis le début de l’année ! Plus pourrie que les cours de Mandrake, plus pourrie que la noyade avec Skyler, plus pourrie que de voir Sherwin avec l’autre naze… Plus pourrie que tout ! Heureusement, le visage inquiet de Mallory ne mit pas longtemps à apparaître dans l’entrebâillement de la porte.

— Va récupérer des fringues dans mon dortoir. Elle a tout tiré !

Il savait pertinemment qu’elle comprendrait de qui il parlait. Il n’y avait pas des masses de choix possibles. Juste un. Le pire d’entre tous. Comment elle avait pu se frayer un chemin dans les vestiaires alors que seuls les joueurs avaient le droit d’y pénétrer, il n’en avait pas la moindre idée et, dans le fond, il ne voulait même pas savoir. Qu’elle ait pu magouiller avec leurs adversaires ne l’auraient pas étonné, rien était trop bas pour réussir à foutre sa merde.

— S’te plaît, souffla-t-il dans un mélange de rage et de désespoir.

Un courant d’air lui arracha un frisson alors qu’il laissait la porte se refermer sur le dos de sa soeur qui s’éloignait. Elle n’allait pas tarder à revenir. Juste le temps de faire l’aller-retour… Quelques minutes, rien de plus. C’était juste un cauchemar mais c’était bientôt fini. Tout l’optimisme du monde ne suffisait pas à assassiner la nervosité qui avait achevé de le gagner. Il ne savait pas ce qu’elle comptait faire de son butin mais doutait très clairement que ça lui plaise. Tout ce qui était le plus tordu au monde était envisageable. Cette garce était folle. Sans limite. Tout juste bonne pour l’asile. Ne pas l’avoir fait renvoyer après le sinistre épisode du train lui apparut tout-à-coup comme la plus grosse bêtise qu’il n’eut jamais fait. Il avait toutes les cartes en main pour en finir avant même que ça ait commencé, aucun directeur digne de ce nom n’aurait jamais hésité à foutre dehors un élément qui menaçait la vie de ses élèves, tant parce que c’était un loup-garou un soir par mois qu’un monstre tout le reste du temps. Il aurait dû aller voir Anderson pour lui raconter en pleurnichant s’il avait fallu, faire attester par Lennox les marques qu’elle lui avait laissées et la regarder remonter dans le train avant même d’avoir eu le temps de faire ses valises. Mais non. Il avait été particulièrement con sur ce coup-là et en payait bêtement les conséquences aujourd’hui…

Comme prévu, Mallory revint rapidement. Heureusement qu’elle était là pour lui sauver la mise ! Il n’avait même pas osé imaginer la honte intersidérale qu’il se serait tapé s’il avait dû traverser tout le parc et tout le château dans le plus simple appareil… Il sentit malgré tout ses joues rougir légèrement rien que d’y penser alors qu’il passait la tête dans son tee-shirt. Il l’avait largement sous-estimée. Son coup d’éclat meurtrier le jour de la rentrée lui était apparu comme un acte isolé, une merde désespérée balancée pour obtenir la victoire. Il avait interprété sa fuite et la victoire qu’elle lui avait laissée comme un retour à la réalité. Quelque chose qui ressemblait « merde, j’aurais pu le tuer ». Et la bataille idiote ayant pour seule arme quelques piques en cours qu'ils avaient retrouvée sitôt après l’avait conforté dans cette impression… À tort, visiblement. L’humiliation gratuite qu’elle avait voulu lui offrir aujourd’hui donnait un autre tour à leur querelle d’ado… C’était la guerre, qu’elle voulait. Et elle l’aurait ! Qu’importe s’il fallait passer son année entière à ne vivre que pour cette vengeance ridicule, il le ferait !

Ce fut fort de cette certitude et emmitouflé dans sa dignité blessée que le Serdaigle quitta enfin les vestiaires… pour tomber nez à nez avec le reste de l’équipe…

— Qu’est-ce qu’vous foutez là ?

Le regard qu’il lança à sa soeur était clair : s’ils voulaient faire un débrief’ de ce match à chier, ce serait sans lui. La journée avait été assez pénible comme ça, ça pourrait bien attendre demain. La seule chose qu’il espérait encore, c’était qu’on lui foute un peu la paix, pouvoir ruminer dans son coin et imaginer mille et un plans pour faire de la vie de Shepherd un véritable enfer. Mais à en croire les bouteilles qu’elle tira de son sac, leur capitaine avait d’autres projets pour leur fin de journée. Cameron resta interdit. Ça avait quand même tout l’air d’une mauvaise idée. Le genre d’idées qui pouvait leur attirer des ennuis, des retenues, des points en moins et les remontrances déçues des parents.

— Nous avons perdu un match, certes, mais il serait bon de garder à l’esprit que nous sommes une équipe malgré tout, et qu’il nous reste encore des matchs à jouer. Et à gagner.

Pour la victoire, elle devrait sûrement revoir ses méthodes parce qu’il y avait peu de chances qu’ils soient meilleurs même complètement ivres sur leurs balais. Mais si elle pensait qu’une cuite commune pouvait tisser un semblant de lien entre eux, il n’avait pas le coeur à refuser l’expérience. Pas ce soir. Pas alors que c’était un carnage pas possible et qu’il y avait fort à parier que ça n’irait pas en s’arrangeant. Et comme si elle lisait dans ses pensées, Casey se sentit obligée de rajouter :

— J’ai comme idée que cette Jade n’est pas le genre à s’arrêter à si peu, laissons ses blagues tomber à l’eau pour ce soir.

Il se renfrogna légèrement, enfonçant les mains dans les poches de son sweat d’un air boudeur. Ça n’était pas méchant, ni même moqueur, il s’en rendait bien compte mais il aurait préféré qu’elle se taise.

— Nan mais c’bon, en rajoute pas, toi, cracha-t-il, finalement plus honteux de s’être fait prendre comme un bleu que véritablement de mauvaise humeur, sérieux, s’pour parler d’elle, j’me tire.

Il aurait bien le temps d’entendre son nom résonner encore et encore à ses oreilles quand elle aura fait le tour de Poudlard pour se vanter de ses exploits. Et il y avait fort à parier qu’elle le ferait bien vite…

ft. Cameron Brown et les Serdaigle

Cette journée était une catastrophe. Une accumulation de trucs merdiques. Le genre de journée qu’on aurait préféré passer au lit, et encore, avec la poisse qu’il se tapait aujourd’hui, la tour des Serdaigle aurait sûrement trouvé le moyen de s’effondrer… Qu’il aurait aimé la rejoindre, cette tour, pourtant ! Se poser dans un coin avec Mallory et oublier tout le reste. Mais pour ça, il fallait pouvoir sortir de ces vestiaires de malheur… Comment Shepherd avait réussi à arriver jusque là sans se faire prendre ? Il n’en savait rien… Comment elle pouvait être assez con pour avoir une idée aussi à chier ? Là encore, ça le dépassait complètement… Mais à aucun moment il avait envisagé que ça puisse être quelqu’un d’autre. Ça ne pouvait tout simplement pas être quelqu’un d’autre… Il n’y avait qu’elle pour chercher la merde à ce point, qu’elle pour avoir envie de l’humilier ainsi… Il ne prétendait même pas qu’il avait qu’elle comme ennemi, non, il ne doutait pas que la jolie Sherwin aurait bien voulu faire de sa vie un enfer aussi et à trop traîner avec Shepherd, il y avait des chances que cet abruti de Bradford joue dans la même cour mais ça, c’était presque signé. Heureusement, sa jumelle ne mit pas longtemps à revenir, les bras chargés de vêtements de rechange. Il ne s’offusqua même pas de la voir rentrer dans le vestiaire, n’avait même pas fait attention à la présence ou non de leur camarade… Ça n’avait aucune importance. Elle était à sa place partout où il était et ça n’était pas une pancarte sur une porte qui pouvait changer ça.

— J’ai fait aussi vite que j’ai pu. Ça va aller ?

Cameron hocha la tête en bredouillant un merci étranglé. Il s’en voulait un peu de lui avoir fait traverser tout le parc et le château au pas de course mais elle ne semblait pas lui en tenir rigueur. Sa main glissa sur son bras dans un geste réconfortant. Il avait de la chance de l’avoir. S’il n’en avait jamais douté, il s’en rendait un peu plus compte chaque jour qui passait.

— Je t’attends dehors.

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et disparut aussitôt. Le calme retomba dans la pièce. Il ne put s’empêcher de pester et de maudire cette sale garce tout le temps qu’il lui fallut pour s’habiller. Elle ne s’en sortirait pas aussi facilement. Il ne savait pas comment il s’y prendrait mais elle s’en mordrait les doigts ! Il aurait dû jouer les pleurnicheurs auprès de la direction dès la rentrée ! Il se jura qu’on ne l’y reprendrait pas et que s’il avait l’occasion de la faire virer, il ne s’en priverait pas. C’était bon, là. Le royaume des abrutis avait assez duré, il était temps que Poudlard devienne un endroit agréable sans que sa sale tronche ne pollue leur environnement. Dehors, l’équipe était toujours au grand complet. Sur le coup, il ne put s’empêcher de craindre le pire… Du genre un débriefing pour leur annoncer qu’ils avaient joué comme des manches… Ils le savaient tous, de toute façon, pas la peine d’en rajouter. Mais au lieu de les enfoncer, leur capitaine choisit de n’enfoncer que lui en prenant gentiment la peine de parler du bordel que cet après-match avait été. Il se renfrogna aussitôt. Il voulait bien faire des efforts, apprendre à jouer en équipe et même faire des trucs avec eux s’il fallait, mais il n’avait pas l’intention de rester là à l’écouter ressasser les merdes qui se passaient dans sa vie juste pour lui faire plaisir ! Mallory effaça la distance qui existait entre eux et vint enrouler son bras autour du sien. La main libre du jeune homme s’y abandonna négligemment.

— T’inquiète Cam’. Elle paie rien pour attendre, le rassura son double juste avant que leur batteuse ne prenne la parole à son tour pour abonder dans son sens.
— Personne ne parlera d’elle. Elle n’en vaut pas la peine. Même si dans le fond, je partage l’avis de ta sœur.

Doucement, il hocha la tête. C’était quand même rassurant de voir qu’une partie de l’équipe prenait sa défense, au moins légèrement. Peut-être que passer ces fichues sélections n’avait pas été qu’une idée idiote. L’impression de faire partie d’un tout, même bancal il s’en fichait, fit naître une douce chaleur au creux de son estomac. C’était pas si mal que ça, en fin de compte ! Mais la chaleur disparut aussi vite qu’elle était arrivée alors qu’il interceptait le regard complice qu’échangeaient Avalon et Mallory. Il resserra machinalement son étreinte sur le bras de sa soeur.

— Qu’est-ce que tu nous as ramené Casey ?

Aussi toutes les têtes se tournèrent à nouveau vers leur capitaine et ses bouteilles. Ça aussi, ça avait l’air d’être une idée idiote ! Pourtant, personne ne semblait rien trouver à y redire. Une question subsistait néanmoins : comment elle avait fait pour dégoter ça ? Ça se saurait s’il y avait un bar à disposition dans l’école ! Si un professeur avait laissé ça à la portée des élèves, il y avait fort à parier qu’il se ferait virer en moins de deux ! Durant une seconde, Cameron se mit à prier pour qu’il s’agisse de Mandrake.

— Un Rhum des Gobelins et un Filet du Diable.

Elle avait balancé ça comme si c’était une évidence et que tout le monde ne connaissait que ça… Déjà, dans le monde moldu, ils n’avaient pas eu beaucoup l’occasion de se payer des cuites, les Miller les surveillant assez étroitement pour leur éviter ça. Il n’avait jamais connu que quelques bières volées durant des barbecues estivaux ou des fins de verres lors des réunions de famille qui s’éternisaient. Jamais rien de ouf, jamais rien de vraiment fort non plus d’ailleurs… Alors dans le monde magique… Il y avait la bièraubeurre et puis plus rien.

— Ou du jus d’orange, pour ceux qui préfèrent. Et puis j’ai de quoi manger également.

Ce qui aurait dû être la réunion du désespoir ressemblait finalement à un apéro entre potes improvisés. Sauf qu’ils n’étaient pas potes. Et qu’ils n’avaient aucun droit de faire ça. S’ils se faisaient choper, ça risquait de faire mal. Surtout pour eux qui étaient probablement majeurs et qui incitaient éhontément deux mineurs à la débauche. Le silence s’installa durant une seconde. C’était sûrement le moment où il fallait partir si on préférait rester hors de cette histoire. Lui n’en avait pas l’intention. Il n’était plus à ça près aujourd’hui et, pour la première fois de sa vie, il se sentait trop intégré à quelque chose pour avoir envie de tout écourter. Tant pis si ça valait une retenue, des points en moins, la déception des Miller ou un sacré mal de crâne au réveil demain !

— On reste ici, sauf si quelqu’un à une meilleure idée ?

L’adolescent jeta un regard à sa soeur, trahissant un mélange discret d’excitation et d’appréhension. Ils avaient dit qu’ils feraient des efforts, cette année, mais à aucun moment il avait imaginé que ça passerait par ça ! Certainement pas si tôt dans l’année ! Ça avait pas grand chose à avoir avec l’atelier pâtisserie dont les avaient gratifiés leurs préfets. Il secoua distraitement la tête alors qu’il observait avec désintérêt les vestiaires qui les entouraient. C’était pas parfait mais quand même, c’était cool ! Ça faisait truc sauvage, un peu, on sentait presque l’interdit se glisser dans la pièce. Rien à voir avec une salle tranquille et confortable dans le château, un dortoir ou quoi que ce soit. Il détacha doucement son bras de celui de sa soeur et laissa sa main glisser dans la sienne avant d’aller s’installer sur l’un des bancs.

— C’est là qu’y’a un blaireau qui propose un jeu d’merde, c’est ça ? Comme dans les films ?

Et derrière son apparent détachement, presque une certaine moquerie dans le fond, il n’avait rien contre l’idée que ça se fasse. Peut-être que son image de la vie adolescente était biaisée par tout ce qu’il n’avait jamais vraiment vécu jusque là et les films bas de gamme qu’il avait entraperçus dans le monde moldu, mais qu’importe, il était prêt à combler ses lacunes. Quoi qu’il en soit, cette fin de journée n’avait pas encore officiellement commencé qu’il pouvait déjà être sûr de la classer parmi les meilleurs souvenirs de ce début d’année !

ft. Cameron Brown et les Serdaigle

C’était tout de même surprenant comment, en un rien de temps, son esprit n’était plus accaparé par les conneries que Shepherd pouvait bien trouver encore et toujours à faire mais par l’arrivée inattendue de deux bouteilles d’alcool au sein même de leur réunion. Le débriefing prenait tout de suite un tour beaucoup plus intéressant et Cameron ne pouvait nier la pointe d’excitation qui se faisait sentir à l’approche de cette nouvelle bêtise. Il lui avait tout-de-même fallu attendre d’être dans une école soi-disant stricte pour jouer les adolescents dépravés… C’était moche, affreusement moche, mais rien n’aurait pu lui faire plus plaisir en même temps. C’était un peu effrayant, bien sûr, mais à la fois incroyablement amusant. Et que ça soit des filles sorties de nulle part qui jouent les mauvaises consciences pour l’entraîner sans le moindre mal sur des chemins interdits avait ce goût étrange qui rendait la situation bien meilleure encore. Il n’était pas question de se faire avoir par des débiles de la trempe de Jade, non, seulement de jouer les grands avec qui se rapprochait finalement d’un groupe d’amis… C’était un grand mot, évidemment, mais ça n’empêchait en rien une chaleur agréable de le prendre pour cible.

— C'est pas vraiment le genre de boissons qu'on trouve lors des repas à la Grande Salle... Elle a trouvé ça où ?

Il ne put que hausser les épaules à la question de sa soeur. Il n’en savait absolument rien. Peut-être que ça avait été planqué dans ses affaires avant qu’ils ne reviennent à Poudlard ? L’imaginer avoir tout un bar personnel sous ses bouquins et ses capes d’uniforme eut le don idiot de l’amuser. Peut-être qu’elle jouait les contrebandières quand elle se défaisait de l’insigne de capitaine, après tout, il n’en savait rien…

— Dans les cuisines.

Trouver le stock de bouffe avait été la première véritable escapade qu’ils avaient mené à Poudlard, ils y avaient mis les pieds plus d’une fois depuis mais, pourtant, aucune trace d’alcool en libre service au milieu des elfes de maison. Il fronça légèrement les sourcils, craignant d’être passé à côté de quelque chose mais laissa finalement tomber. Ça n’était pas très important, de toute façon. Elle pouvait l’avoir récupéré où elle voulait, la seule chose qui comptait c’était qu’elle tentait d’insinuer une certaine cohésion dans cette équipe bancale. Alors il se contenta d’entraîner Mallory jusqu’à un banc, gardant précieusement sa main dans la sienne. L’après-midi, le vrai, pouvait enfin commencer ! Au diable les Serpentard, au diable la défaite, au diable Shepherd et ses gamineries, rien ne parviendrait à ternir les heures à venir ! Enfin… du moins, il l’espérait. Il se risqua même à lâcher l’idée d’un jeu, à la fois moqueur et intéressé, pour donner à cette parenthèse inattendue toutes les couleurs de l’adolescence.

— Moi je suis partante si quelqu'un explique ce qu'il faut faire, précisa sa jumelle.
— Je crois que c’est un peu comme un action - vérité que nous faisons chez les moldus. Tu as le choix de faire une action ou de dire une vérité et si tu refuses tu bois, je crois.

Pendant qu’Avalon lui répondait et expliquait rapidement les règles, l’initiatrice de la soirée distribuait les verres. S’il comprenait bien, l’idée était de refuser absolument tout ce qu’on leur proposait pour boire tranquille. C’était un peu foireux mais à la limite, pourquoi pas…

— Par exemple, Casey. Impero ou Verita ?

Cameron posa machinalement les yeux sur ladite Casey qui parut réfléchir un instant. Le plus prudent était sûrement de prendre verita, en soi. Au pire, il y avait toujours possibilité de mentir un peu, personne n’irait vérifier ce qui se passait en dehors de Poudlard… Est-ce que c’est le raisonnement qu’elle suivit elle aussi ? Il n’en sut rien mais toujours était-il que ce fut le même verita qui passa ses lèvres quelques secondes plus tard. Comme un môme, il retint sa respiration jusqu’à ce que la question tombe enfin.

— Comment est-ce que ça se passe entre mon frère et toi ? demanda finalement leur batteuse.

Il mit quelques secondes à comprendre ce dont il était question. Déjà, remettre le frère n’était pas chose aisée puisque s’il avait souvenir de Savannah puisqu’elles se ressemblaient et qu’il n’avait pu que remarquer leur gémellité dans les cachots. Et puis une fois que ce fut fait, il fallait faire le lien avec leur camarade. Il ne connaissait pas assez les histoires des autres pour comp— La lumière se fit brusquement. Forcément ! Comme dans les films. C’était des filles. Et si ça parlait garçon, c’était probablement pas de manière innocente. Il se passait un truc entre le capitaine des verts et la leur, alors ? Non pas que l’information soit de première importance mais puisqu’il était là, de toute façon, autant essayer de se mettre dans l’ambiance. Et si ça pouvait tomber sur elle… Il retint un soupir alors que l’image de Sherwin s’imposait d’office. Des questions cons sur le sujet, il y en avait un paquet. Juste le pourquoi pouvait prendre une bonne partie de l’interrogatoire… Il n’avait aucune envie de jouer la carte de la confidence. Le regard qu’il lança à sa soeur la laissait largement entrevoir. Ni sur ce sujet ni sur aucun autre, en fait. Il n’avait pas envie qu’on parle de sa famille, de sa vie en dehors de Poudlard, ni même de leur relation à tous les deux que tout le monde qualifiait d’étrange… Il avait juste pas envie de parler du tout. Il laissait ça aux autres.

— Ça se passe bien. Bien mieux qu’avant et c’est agréable.

Il n’eut même pas le temps de réaliser qu’elle avait répondu qu’elle se tourna vers lui. Probablement pour laisser à personne le temps de réaliser quoi que ce soit d’ailleurs mais il se sentit soudainement trahi. Mais non mais pas déjà ! Qu’elle se venge sur Avalon ou passe à Aleksey mais qu’elle le laisse tranquille, lui, pour l’instant !

— Alors à ton tour : Impero ou Verita ?

Le doute s’insinua brusquement en lui. Si ça ressemblait à la vie qu’il voulait mener et à un moment sympa entre potes, la réalité s’imposa : il n’avait aucune confiance. Quoi qu’il choisisse, il ne les connaissait pas assez pour se sentir parfaitement en sécurité et avoir envie de se lâcher rien qu’un peu. L’idée de ce jeu était vraiment pourrie, en fin de compte… Ses prunelles claires glissèrent d’Avalon à Mallory, cherchant auprès de cette dernière une approbation quelconque.

— Impero, lâcha-t-il sans conviction alors qu’il s’attendait malgré lui au pire.

Il y eut une seconde de silence, une hésitation palpable. À quelle sauce il allait être mangé ? Il n’était obligé de rien, bien sûr, mais il y avait une certaine pression qui s’exerçait malgré tout sur ses épaules. S’il ne jouait pas le jeu, il allait passer pour un crétin chiant comme la mort et même s’il ne niait pas que ça puisse être un peu vrai, ça n’était pas du tout l’image qu’il avait envie de renvoyer. Mais il n’avait pas non plus l’intention de perdre le peu de dignité que lui avait laissé Shepherd pour un jeu stupide… Ses doigts se resserrèrent sur le verre qu’ils tenaient, à la fois impatients et craintifs.

— Tu dois énoncer trois faits te concernant. Deux vrais et un faux. À nous de trouver lequel est erroné.

Le soulagement devait sûrement se dire sur son visage alors qu’il se laissait un peu aller contre le mur. Ça n’était pas aussi horrible qu’il aurait pu l’imaginer et l’impero semblait être un choix potable.

— D’accord… alors… euh…

Trouver trois faits au hasard ne devait pas être particulièrement compliqué. Elle lui laissait carte blanche pour trouver quoi. Les trucs les plus basiques du monde dont tout le monde se fichait. C’était faisable.

— Le parfum de glace que je préfère c’est vanille. Je suis né sept minutes après ma soeur. Et… euh… j’habite pas loin de Manchester.

Évidemment, pour sa jumelle, trouver l’erreur ne serait sûrement pas ce qu’il y avait de plus compliqué, pour les autres c’était sûrement une autre histoire tant il n’y avait pas grand chose à faire avec ces informations… En dehors de leur lieu de vie, et encore, le reste ne devait jamais avoir fait partie de leurs maigres connaissances sur son existence. Mais il s’était plié docilement à l’exercice. Et puis, il avait beau cherché, en dehors de trucs évidents du genre « je suis un garçon », « j’ai passé les sélections pour la première fois cette année » et « je suis né-moldu », il y avait peu de chances que ça sache quoi que ce soit… Tant pis ! Il trempa machinalement ses lèvres dans son verre, oubliant au passage ce qu’il contenait, et grimaça en toussotant. Il essaya de garder un air digne mais c’était de toute façon peine perdue… Il lui fallut d’interminables secondes pour se reprendre, jetant au liquide un regard mauvais, et finit par reporter son attention sur sa soeur, les joues légèrement rougies par sa mésaventure…

— Act… euh… Impero ou Verita ?

Mallory ne fut pas plus courageuse que lui, quand bien même elle ne risquait aucune question indiscrète (il n’irait jamais les lui poser près d’oreilles curieuses) et choisit à son tour Impero. Il fit discrètement la moue en cherchant une idée d’action à lui donner et réfléchit un instant.

— Imite le pire professeur de l’école.

Il ne pouvait s’empêcher de penser à Mandrake alors même qu’il posait la question et doutait très franchement que l’avis de sa frangine diffère du sien sur ce point mais, au moins, tout le monde devrait reconnaître sans trop de mal…