L'expression qu'afficha le visage de Scipion à sa proposition ne manqua pas de l'amuser. S'ils n'avaient jamais semblé d'accord sur grand chose ces dernières années, éviter ce genre de comportements pathétiques avait des airs d'évidence et il n'y en avait pas un pour trouver à y redire. C'était plutôt rassurant en fin de compte. Malgré les changements par millier, la Poufsouffle n'aurait aucun besoin de jouer les gamines romantiques à tout va, ce qui n'était pas pour lui déplaire, bien au contraire. Peut-être pouvait-elle même espérer rester un tant soit peu la peste qu'elle avait toujours été ? C'était une éventualité envisageable et même si ce n'était plus avec lui ça n'avait pas la moindre importance. L'idée de se retrouver rien qu'un peu comme ça avait pu être le cas l'espace d'un instant avec Whitby ressemblait à une délivrance.

" J'arriverais tout aussi bien à survivre sans. Toutefois, si j'en viens à tomber dans la niaiserie la plus dégoulinante, je t'autorise tout de même à mettre fin à mes jours. "

Son sourire s'agrandit légèrement alors qu'elle haussait distraitement les épaules. Si elle ne pouvait promettre de le faire réellement, sachant pertinemment qu'elle en serait elle-même bien incapable même avec toute la bonne volonté du monde, rien ne l'empêchait d'essayer voire de demander à quelqu'un de le faire à sa place. Des personnes prêtes à achever le Gryffondor, ça ne devait pas être le plus compliqué à trouver surtout à Poudlard. Pour une fois qu'un de ces élèves inutiles pourrait prouver qu'il ne l'était pas tant que ça... Enfin... Encore fallait-il qu'elle ne l'ait pas accompagné dans cette dernière chute, qu'elle soit capable de remarquer le changement et d'y voir un problème. Malheureusement, rien n'était moins sûr. Si elle pouvait entrevoir la lumière au bout de ce tunnel étouffant qu'elle avait eu à traverser ces dernières semaines, elle ne pouvait oublier ces impressions détestables de se rapprocher encore et toujours de celle qu'elle détestait plus que tout au monde, touchant presque ces ressemblances infernales qui n'attendaient que de lui tomber dessus au moment où elle s'y attendrait le moins. C'était aussi désagréable qu'effrayant. Peut-être aurait-elle l'horreur de remarquer en rentrant à la maison qu'elle était plus proche de sa génitrice qu'elle ne l'avait jamais été jusque là, qu'elle sombrait dans cette vie idiote et insensée qu'elle avait toujours espéré éviter. Après tout, de ce qu'elle en savait son père était son petit ami de l'école et à un ou deux ans près, elle semblait tomber dans le piège avec une facilité déconcertante. Non, non, non. Ca n'avait strictement rien à voir. Elle n'était pas assez stupide pour s'enfermer dans elle ne savait trop quoi d'irréparable, sa vie ne deviendrait sûrement pas aussi inutile que celle de sa mère pour la simple et unique raison qu'elle n'était pas aussi insensible qu'elle l'avait imaginé jusque là.

"Une préférence quant à la manière dont je devrais m'y prendre ?"

Et si elle avait fait une erreur monumentale en évitant toute conversation avec cette pauvre femme ? Aussi difficile à admettre que ça l'était, son sang coulait dans ses veines et il y avait fort à parier qu'au delà des ressemblances physiques qu'il pouvait y avoir, elles partageaient bien davantage. Apprendre d'elle tout ce qu'il y avait à savoir aurait été un atout merveilleux pour éviter de tomber dans les mêmes travers. Elle n'avait pas la moindre envie de consacrer sa vie à des enfants indignes qui ne méritaient rien d'autres que des baffes. Bien sûr, elle en était encore loin, bien loin mais elle avait dû penser la même chose avant de comprendre qu'elle avait un problème qu'elle serait obligée de garder pendant au moins dix-sept ans avant de pouvoir véritablement s'en débarasser... Sarah n'était d'ailleurs même pas certaine que sa mère ait envie de la voir disparaître au plus vite, c'était assez étrange en y repensant de remarquer tous les efforts qu'elle pouvait faire vainement tandis qu'elle, en gamine ingrate, se contentait de les réduire à néant sans faire le moindre geste vers elle. C'était mérité puisque tout était de sa faute mais ça ne pouvait que la conforter dans ce dédain des microbes. Danah était l'exception qui paraissait confirmer la règle. Elle avait toujours été relativement attachée à ses parents, qui le lui rendaient à merveilles. Enfin... Elle n'avait pas la moindre envie de changer pour autant même si depuis la tour d'Astronomie, ses conflits mère/fille lui revenaient bien trop souvent en tête. Ce n'était sûrement que l'histoire de quelques jours encore. Le temps que tout redevienne comme avant ou presque et ça irait mieux ensuite. Sûrement... Il fallait espérer en tout cas.

" Trop aimable... je crois que la présence de ce cher Jefferson serait plus plaisante, dans ce cas de figure. "

Il restait encore à prouver que celui-ci puisse un instant penser la même chose. Le pauvre concierge devait en avoir plus que marre de ce multirécidiviste qui avait fini par intégrer l'option "retenue" à son emploi du temps comme d'autres préféraient la divination. Elle n'était d'ailleurs pas sûre qu'il se soit passé rien qu'une semaine durant laquelle il n'y avait pas mis les pieds, les vacances ne comptant bien entendu pas quoi qu'encore on eut pu y en ajouter également. Il était difficile de l'en blâmer en en ayant fait de même lors des deux premières années de sa scolarité... Bien sûr, la blonde n'en était pas la seule et unique responsable mais si le règlement n'avait déjà pas grand secret pour elle c'était dans le simple but de l'enfreindre sans ménagement, quitte à terminer sa journée à le recopier encore et encore ou à astiquer elle ne savait pas trop quel trophée géant sans âge sans l'aide de sa baguette. Elle ne regrettait pas véritablement ce temps-là même si elle ne regrettait pas davantage qu'il ait pris fin. Elle se souvenait des remontrances permanentes de ses parents, qui craignaient sans cesse qu'elle n'apporte que le pire des exemples à sa petite soeur même pas encore admise au château... Ils s'étaient fait bien du soucis pour rien puisque l'année où elle était entrée en tant qu'élève, elle n'avait plus jamais remis le nez en salle de retenue. Elle avait perdu, par sa faute elle le reconnaissait sans mal, sa seule et unique raison de le faire. Si jouer les sbires avaient été marrant un temps, comprendre qu'il n'y avait pas la moindre réciprocité dans les risques qu'elle pouvait bien prendre avait eu raison de cet amusement. Qui sait combien de temps cette histoire aurait-elle pu durer encore si elle s'était contentée de rester bien sagement dans l'illusion de leur belle amitié ?

"Je suis sûre qu'il finit par bien t'aimer, à force de te voir. Je suis ravie d'avoir pu participer à la naissance de cette relation." se moqua t-elle gentiment.

Devait-elle d'ailleurs renoncer aux privilèges qu'elle avait depuis quatre ans maintenant ? Si dénoncer tout et tout le monde en permanence l'avait fait entrer avec une facilité déconcertante dans les petits papiers du concierge, il y avait fort à parier que sortir avec sa principale cible ferait tout voler en éclats. Parce qu'il fallait rester réaliste, ça ferait rapidement le tour du château avec les élèves qui se faisaient étrangement désirer mais qui finiraient tout de même par arriver, et lorsque cela se saurait, ce serait très certainement la fin de leur entente merveilleusement intéressée... Il ne serait plus question de sortir en douce en dehors des week-ends autorisés, ni d'avoir accès aux objets trouvés ou confisqués, pas même à la mine d'information que contenaient ses fiches de retenues... C'était une bien triste constatation à laquelle elle n'avait pas réfléchi avant... Il était de toute façon trop tard pour faire marche arrière et quand bien même il en aurait encore été réellement possible, elle n'en avait plus la moindre envie. Au diable Jefferson, elle n'avait pas l'intention de faire sa vie en fonction de lui. Ce n'était pas si dramatique puisque l'absence de Scarlett rendait les informations qu'elle pouvait obtenir bien trop insignifiantes pour s'inquiéter de leur disparition.

" Puis-je en douter? "

Feignant l'innocence mieux qu'elle ne l'avait jamais fait jusque là, elle se contenta de donner l'impression de plonger en pleine incompréhension. Il n'y avait même pas à en douter, tout le monde savait très bien qu'elle se fichait éperdument de faire respecter le règlement et que son seul but était d'attirer des ennuis aux gens qu'elle n'aimait pas. Et autant dire qu'il y en avait généralement un paquet, de quoi occuper ses journées sans mal. Scipion en tête de liste, bien évidemment. A côté de ça, elle ne s'en était jamais vraiment prise à ses "amis", les laissant faire leur vie sans se demander une seule seconde s'ils en avaient le droit ou pas. Il n'était d'ailleurs pas rare de trouver de minuscules détails pour ne pas laisser tranquille une victime potentielle un peu trop sage ou un première année se trouvant sur son chemin alors qu'il ne le devait pas. Elle n'avait jamais fait preuve d'une impartialité extraordinaire et ça ne serait de toute façon jamais le cas. Il y avait ceux, qui comme Alexander de ce qu'elle en savait de par Astride, veillait à ce que l'école tourne correctement, mais c'était loin d'être son cas, préférant de loin privilégier son propre monde. Poudlard n'avait pas grand intérêt pour elle tant qu'il ne fermait pas avant qu'elle ait pu passer ses ASPICs, aussi si des accidents arrivaient ici ou là ou que des règles étaient enfreintes un peu partout, ça n'avait pas la moindre importance. Elle vivait très bien avec l'idée de faillir complètement à son devoir, elle n'était sûrement pas là seule d'ailleurs. Avec Austid et O'Connor, ils n'étaient certainement pas les plus aptes à occuper ce poste. Les autres n'étaient pas franchement mieux, pour un peu qu'on puisse leur mettre la main dessus d'abord.

"Non, absolument pas... Je ne vois vraiment pas pouvoir tu en douterais. Tu as l'impression que j'ai été trop laxiste avec toi, peut-être ?"

Il y avait bien peu de chances pour ça. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle s'était retrouvée malencontreusement sur son chemin lorsqu'il était en train de faire malencontreusement n'importe quoi. Le hasard, dans les trois quart du temps, jouait en sa faveur alors qu'elle n'avait jamais rien fait pour. Elle avait toujours cru pourtant qu'il fallait le mériter pour obtenir une aide quelconque, et si bien sûr elle méritait tout ce qui pouvait être obtenu pour la simple et unique raison qu'elle était merveilleuse, elle n'avait jamais rien fait pour. Elle n'avait jamais pensé à ses camarades, elle n'avait jamais vu l'intérêt du plus grand nombre avant le sien et pourtant, elle avait toujours été récompensée de cette attitude égoïste, une motivation à continuer jusqu'à ce que le Gryffondor se décide involontairement à tout faire capoter. Rares avaient été les fois où elle l'avait croisé en train de mener une vie normale d'élève de l'école, il paraissait toujours avoir quelque chose derrière la tête, de quoi lui faire oublier tout autre projet pour celui de découvrir ce qu'il pouvait bien préparer. Au fond, la seule fois où il lui avait paru suivre une existence banale était aujourd'hui, une étrange coïncidence finalement... Il avait d'ailleurs même eu l'air d'aller en cours pour le peu qu'elle avait pris la peine de le regarder avant de prendre la fuite.

" Certes, j'imagine que le jaune te sied mieux. Puis j'imagine qu'il serait dépaysant de te voir arborer nos couleurs si elles ne s'accordent pas avec ta tenue vestimentaire. "

Sarah resta silencieuse un moment, cherchant à savoir s'il se moquait d'elle ou non. Si ses préoccupations vestimentaires pouvaient dépasser une partie impressionnante des filles du château, elle imaginait sans mal que lui devait en avoir que faire. Aussi elle préféra se dire que de toute façon, les garçons ne pouvaient rien comprendre à ce genre de choses et sourit joyeusement en hochant la tête. Il lui était difficile de résister à se lancer dans une véritable conversation sur le sujet, elle n'avait pas eu l'occasion de le faire depuis des lustres mais ce n'était certainement pas la meilleure personne pour la tenir. Enfin, du moins elle n'avait jamais eu la moindre preuve du contraire...

"Je ne te pensais pas si perspicace ! Enfin, il ne faut pas croire non plus que le jaune soit la couleur la plus facile à porter, surtout en étant blonde. Je crois que l'uniforme de Serdaigle serait le plus approprié... Mais je n'aurais pas le moindre intérêt à infiltrer leurs rangs."

" Je te laisse champ libre, profites-en. "

Merveilleux. Comme si son cerveau déjà bien amoché par les semaines qu'elle venait de subir avait besoin de chercher le meilleur moyen de mettre fin à ses jours. Fort heureusement pour elle, cela ne nécessitait pas une réponse immédiate et avec un peu de chance, peut-être même n'y en aurait-il jamais besoin. Si elle pouvait s'imaginer sans mal, aussi angoissant et désespérant soit-il, sombrer dans un monde de guimauve et de poneys roses, elle peinait à en faire de même avec lui. Scipion Sélené ne pouvait pas tomber aussi bas, ou alors c'était six ans qui s'envoleraient en fumée. Si Sarah avait toujours fait en sorte de ne pas trop le surestimer, elle l'avait toujours vu comme la seule personne susceptible de lui causer réellement du tort et par la même occasion, la seule personne méritant d'être placée bien au dessus du reste de l'école alors si elle ne venait qu'à comprendre qu'il n'était en fin de compte rien d'autre qu'un de ces élèves insignifiants, son monde tout entier risquait de le sentir passer. Enfin, d'un autre côté, ne risquait-il pas d'avoir la même mauvaise surprise si elle se laissait aller pour de bon, délaissant son rôle de pimbêche prétentieuse et hautaine pour celui d'une gamine naïve et amoureuse ? Elle n'avait guère envie de le décevoir davantage. Elle avait suffisamment de mal à imaginer le trouble dans lequel elle avait plongé son ennemi de toujours en cessant finalement de le détester, il était très certainement inutile de l'enfoncer de nouveau. En même temps, s'ils en étaient là c'était que ce brusque changement de sentiments ne l'avait pas dérangé outre mesure. Elle n'avait jamais eu le temps, ou le courage, d'aborder le sujet pour de vrai, aussi s'en abstiendrait-elle de nouveau. Elle ne s'était jamais prétendue d'un courage infaillible de toute façon, ça ne serait pas cela qui laisserait planer une quelconque menace au dessus d'eux.

"J'espère avoir le temps d'y réfléchir dans ce cas."

Il y avait de peu de chances qu'il change du tout au tout en l'espace de deux mois à peine. Ensuite... Ensuite elle ne serait plus vraiment là pour voir la différence, elle pourrait alors toujours prétendre ne rien avoir remarqué. S'ils gardaient contact, ils ne se verraient certainement plus beaucoup, ça passerait sans mal. S'ils gardaient contact... Etrangement elle ne parvenait pas à s'en convaincre. Elle ne pouvait être certaine qu'ils en soient réellement capable. Combien de kilomètres les sépareraient alors ? S'ils n'avaient jamais rien fait comme ils l'auraient "normalement" dû, pourquoi commenceraient-ils maintenant ? Il ne resterait plus rien qu'un sourire aussi mal à l'aise qu'hypocrite échangé à Pré-Au-Lard ou au Chemin de Traverse lorsqu'ils s'y recroiseraient par le plus grand des hasards. C'était une sensation déstabilisante que d'avoir la certitude de foncer tout droit dans un mur mais de ne rien faire pour éviter l'impact. Le début de l'année prochaine serait un véritable calvaire, pire que tout ce qu'elle avait pu connaître ou imaginer, mais elle n'avait pas envie de se l'épargner s'il fallait pour ça renoncer à ces deux mois-là. Elle s'y habituerait. Elle finissait par s'habituer à tout de toute façon, comme tout le monde.

" Mince, et moi qui pensais que personne ne découvrirait la naissance de notre histoire d'amour... "

La Poufsouffle gloussa discrètement tandis que les pas des élèves résonnaient dans le couloir qu'elle avait quitté à la hâte quelques minutes plus tôt. Elle rejoignit le mur, entraînant machinalement le jeune homme à sa suite, afin de ne pas boucher le passage. C'était bien la première fois qu'elle en avait quelque chose à faire, mais là encore ça tenait plus de son propre intérêt que du confort de ses petits camarades. S'il fallait s'attendre à ce que les regards se posent sur eux, elle n'avait pas spécialement envie d'être aux premières loges pour les entrendre murmurer elle ne savait trop quoi à leur compte. Combien de temps cela mettrait à faire le tour de l'école ? Quelques heures, quelques jours ? Et comment réagirait Scarlett d'ailleurs ? Elle avait eu tout le loisir de l'oublier mais le repos n'avait été que de courte durée. Tâcherait-elle de l'éviter jusqu'à la fin de ses jours pour avoir si lamentablement échoué ? Ou ferait-elle en sorte de parvenir à ses fins malgré tout, quelque soit le moyen utilisé pour y arriver ? C'était tellement plus probable ainsi; Ce qu'elle irait trouver, elle n'en avait pas la moindre idée et n'était d'ailleurs pas certaine d'avoir envie de le savoir mais ce serait très certainement à la hauteur de son affront. La renier de la sorte, lui préférant le seul garçon de l'école qu'elle était censée haïr plus que n'importe qui d'autre au monde, ça ne resterait pas sans conséquence, il ne restait plus maintenant qu'à attendre qu'elle frappe.

"Je suis certaine que tout le monde le sait. Vous passez bien trop de temps ensemble pour que ce soit innocent."

Elle était bien mal placée pour dire ça et le savait parfaitement. S'il ne s'agissait pas simplement d'une plaisanterie, elle aurait dû sans le moindre doute s'attendre à voir certains de ses dimanches après-midis arriver sur le tapis, ceux-là même qu'elle passait en compagnie du concierge quand elle en avait l'occasion, à bavarder devant une tasse de thé l'écoutant se plaindre de la direction, des troubles-fêtes et autres récidivistes d'une oreille attentive. Il savait tout ce que Scarlett ne savait pas, n'hésitant pas à colporter innocemment des ragots sur le dos des enseignants sans s'imaginer un seul instant que sa fidèle alliée s'empresserait d'aller les répéter. Au fond, si les élèves la connaissait commère, elle n'avait jamais ouvertement raconté quoi que ce soit à quelqu'un d'autre que sa meilleure amie, se contentant de prétendre l'avoir entendu ici ou là. Il n'y avait jamais aucune preuve pouvant l'accabler, aussi elle pouvait continuer encore et encore en toute tranquillité. Ce qu'elle ne se faisait pas prier pour faire bien évidemment.

" Ca doit être ça. Si j'avais pensé un jour que j'en redemanderais... "

Leurs camarades commençaient à s'aventurer dans le couloir, s'apprêtant à rejoindre les escaliers puis leurs salles de cours comme ils l'avaient toujours fait, le plus normalement du monde. La blonde faisait de son mieux pour les ignorer mais elle peinait à rester concentrée sur la conversation. Ils étaient là, tout près, trop près, plus intrusifs et envahissants que jamais pourtant elle ne pouvait rien faire pour les dégager. Ils avaient malheureusement le droit d'être là et ne semblaient pas des plus pressés de disparaître. Combien de temps restait-il avant la reprise des cours ? Elle n'avait aucune envie de retrouver sa plume et ses parchemins, pas plus que de se mêler aux autres sixièmes années d'ailleurs... Il lui semblait presque qu'une vie s'était écoulée toute entière depuis que la cloche avait sonné le début du repas. Comme si rien ne serait plus jamais comme avant. Et si ce n'était pas qu'une impression ? Etait-ce vraiment important ? Probablement pas... Ca devait valoir tous les changements possibles, et ce même si son existence s'en trouvait entièrement métamorphosée. Oui, ça en vaudrait la peine, ça ne faisait pas le moindre doute.

"Ce n'est pas vraiment étonnant." répondit-elle, lointaine.

Son regard se promenait dans le flot des élèves qui passaient près d'eux. Loin de la Préfète sûre d'elle et dédaigneuse, elle était davantage méfiante et mal à l'aise, les voyant pour la première fois comme autant de proies devenues soudainement prédateurs. Il était bien difficile de masquer la crainte qu'ils pouvaient lui inspirer. Sarah ne savait pas s'ils remarquaient quoi que ce soit d'autre que la proximité entre les deux prétendus adversaires mais elle le ressentait et ça suffisait à l'inquiéter. Ce n'était que l'histoire de quelques minutes, quelques heures tout au plus. Tout irait rapidement bien mieux et elle retrouverait cette supériorité qui commençait déjà à lui manquer. La voix du Gryffondor lui fit quitter ses inquiétantes impressions, la ramenant doucement à lui.

" Je te l'accorde, il deviendrait difficile de pouvoir jouer les pimbêches au milieu des aigles... Y aurait-il un seul blason à ta hauteur en fin de compte? "

Elle pouvait jouer les pimbêches n'importe où, elle n'avait pas besoin d'être à Poufsouffle pour cela mais c'était vrai qu'il lui semblait que toutes les filles présentes chez les Serdaigles se contentaient d'être des intellos invisibles. Elle ne les connaissait d'ailleurs même pas toutes, elle ne cherchait pas à les connaître d'ailleurs. Sa question eut un effet étrange sur l'adolescente, ça ressemblait plus à une pique pas bien méchante qu'à un compliment mais elle ne pouvait s'empêcher de le voir comme tel et d'en être étonnamment touchée. Elle tâcha de ne rien laisser paraître, ce n'était pas le moment. Ce n'était jamais le moment pour ça d'ailleurs même si elle avait tendance à l'oublier de plus en plus souvent malheureusement...

"J'y arriverai aussi bien qu'ailleurs, comme si avoir à jouer les intellos pouvait m'obliger à ressembler à ces pauvres filles. Et bien sûr que non, il n'en existe pas le moindre, cela se saurait."

" Oui, en deux mois on a le temps... "

Sarah était loin d'en être convaincue. Deux mois, ça passait vite. Cela passerait bien trop vite à son goût. De quoi auraient-ils le temps ? De se faire à l'idée qu'ils étaient ensemble, qu'ils n'y avaient plus de véritable guerre entre eux, tout au plus. Et il faudrait oublier ces évidences-là pour s'en forger de nouvelles, toutes aussi difficiles à admettre mais pas aussi agréables. Il faudrait reconnaître qu'il n'y avait plus rien, que ça avait toujours été prévu éphémère et que s'attacher avait été la plus belle bêtise de ces années. Elle n'était pas certaine d'avoir envie d'en arriver là, de réduire à néant tout ce qui pouvait aujourd'hui la rendre heureuse s'il était possible qu'elle le soit un jour réellement. Renoncer à ce pourquoi elle avait renoncé à tout ce qui faisait sa vie. Il fallait avoir un sérieux problème et pourtant elle savait pertinemment qu'elle y fonçait. Qu'aurait-elle comme autre choix lorsqu'il serait loin d'ici ? Attendre encore et toujours un amour perdu ne lui ressemblait pas, et il était hors de question qu'elle s'y mette. Il lui faudrait aller de l'avant et faire comme si rien ne l'atteignait, comme si son absence ne lui impossait qu'une indifférence parfaite, feindre qu'elle était intouchable, comme elle l'avait toujours fait. Finalement, si elle avait dû renoncer à tout ce qu'elle avait connu pour en arriver là, renoncer à ça semblait pouvoir faire revenir tout ce qui avait fait sa vie jusqu'alors. C'était un peu déstabilisant, mais peut-être pourrait-elle reprendre le cours normal des choses à la rentrée, le plus normalement du monde comme s'il ne s'était jamais rien passé, comme si ces deux derniers mois n'avaient jamais existé. Là encore, elle n'y croyait pas. Si tout pouvait redevenir comme "avant", ce n'était pas son cas et les changements opérés pour jouer les amoureuses dans un couloir étaient bien trop importants pour être effacés par un retour brutal à la réalité. De toute façon, tout le monde aurait appris d'ici-là qu'elle flirtait avec son pire ennemi et il lui paraissait inenvisageable que le Tout Poudlard l'ait oublié en deux mois de vacances. On le lui rappelerait certainement, l'obligeant à y repenser sans cesse, à le regretter, à laisser ce manque stupide intégré son quotidien pour de bon. Ce qui s'était produit jusque là n'était que la partie visible de sa décadence, qui s'entendrait encore et encore pour la mener d'un pas certain jusqu'à sa perte. Il était de toute façon trop tard pour faire marche arrière désormais et elle en avait bien conscience. Elle n'était pas certaine d'en avoir grande envie d'ailleurs, comme s'il finissait par avoir plus d'importance que l'image inébranlable qu'elle avait mis des années à se forger. Lui, au moins, était réel, tout comme ce qu'il semblait y avoir entre eux. Il était bien plus simple de voir disparaître du vent, comme cette blonde idiote qui n'existait pas vraiment même si elle peinait parfois et après tout ce temps faire véritablement la différence entre le rôle et l'actrice.

"Tu comptes faire quoi en sortant d'ici ?"

Si elle avait posé cette question sur le ton de la conversation, distante et innocente, elle n'en avait pas moins repris conscience du peu de connaissance qu'elle pouvait avoir à son sujet. Si elle n'en était pas dérangée plus que cela, la Poufsouffle ne pouvait que se rendre compte que ce n'était pas ce qu'il y avait de plus logique. Ils avaient passé six ans à se voir quotidiennement ou presque, à se laisser mutuellement une place importante dans leur vie respective mais ils n'avaient jamais pris la peine de discuter pour de vrai, et ce même lors des premières semaines de leur bonne entente, alors qu'elle existait encore. Il s'appelait Scipion Sélené, il était en septième année à Gryffondor, elle le savait né le 21 Juin parce qu'elle l'avait lu dans les informations que détenait Jefferson sur les élèves collés, qu'il avait une soeur dont elle peinait à se souvenir du prénom et qu'il était le pire crétin que l'école ait connu. Et après... Et après, c'était un grand vide. Elle ne savait rien de plus et n'avait jamais cherché à combler ses lacunes sur le sujet, persuadée qu'elle n'y verrait jamais le moindre intérêt. S'il n'y en avait toujours pas, elle ne pouvait plus nier qu'elle aurait aimé en apprendre davantage. Comme pour tous les gens qu'elle avait côtoyé à Poudlard, il n'avait pas d'histoire parce que ce n'était pas dans les habitudes de la maison de s'installer autour d'un chocolat pour écouter ses camarades se pencher sur leur traumatisme d'enfance et autres anecdotes familiales. Seul Elliott avait pu s'imposer comme une exception, et si elle était loin de regretter cette rencontre remplie de confidences, elle n'était pas sûre d'avoir envie de retenter l'expérience avec chacune des personnes qu'elle était susceptible de voir plus que d'ordinaire. Elle avait vaguement écouté les problèmes sentimentaux de Whitby, se demandant encore si elle ne ferait pas mieux d'aller voir le pauvre Maddox pour lui raconter toute l'histoire puisqu'en fin de compte elle n'était pas amie avec cette idiote mais à chaque fois, la vision de Scarlett lui revenait en mémoire et elle changeait de chemin, faisant taire la peste qu'elle pouvait être à grands coups de souvenirs douloureux. C'était une méthode certes barbare mais qui marchait pour le mieux. Il faudrait s'en contenter.

" Je vois. Et depuis tout ce temps ton insigne est un subterfuge pour jouer les entremetteuses? "

La Préfète ne put retenir un sourire aussi amusé que faussement ravi s'étaler sur ses lèvres. Oh oui, au moins ! D'ailleurs, si elle ne parvenait pas atteindre les sommets qu'elle s'était fixée dans sa vie future, elle projettait d'ouvrir une agence matrimoniale au sein même de l'école. Le bonheur de ses camarades avait toujours été une priorité pour elle, c'était bien connu. Si tel avait été vraiment le cas, elle se serait ramassée pitoyablement, le principe même d'une telle entreprise étant de ne jamais s'attacher aux clients, même aussi involontaires soient-ils. Peut-être devrait-elle songer à caser Scarlett avec le premier garçon célibataire et passablement mignon qui passerait à porter de main, histoire d'arranger les choses avec elle et d'éloigner toute possible vengeance ? L'idée n'était pas mauvaise en théorie, mais encore fallait-il trouver un seul pauvre garçon suffisamment désespéré pour se mettre à la supporter. Là serait toute la difficulté d'une telle mission, aussi préféra t-elle l'oublier aussi rapidement qu'elle lui était venue. Elle n'aimait pas grand monde dans cette école, c'était un fait, mais elle ne détestait pas assez qui que ce soit pour imposer ça. Si la Gryffondor pouvait être adorable lorsque l'envie la prenait, ce qui n'était malheureusement pas aussi évident que cela pouvait sembler, elle savait être insupportable et détestable bien mieux encore, une seconde nature chez elle, pour ne pas dire carrément la première.

"C'est ça. Je ne pensais juste pas tomber un jour dans le piège, et vouloir finir à sa place. Peut-être devrais-je faire attention à ce qu'il ne parvienne pas à la récupérer... Ca m'embêterait vraiment de te voir filer avec lui désormais."

Elle imaginait plus devoir garder un oeil sur Austid que sur le concierge... Depuis qu'elle avait retrouvé sa meilleure amie dans la salle sur demande et plus encore depuis le sinistre épisode de la Tour d'Astronomie, elle n'avait cessé de repenser aux ragots rapportés par la jeune femme lors du banquet de Noël. C'était d'ailleurs véritablement là qu'elle avait commencé à se poser des questions sur ce qu'elle pouvait bien ressentir à son égard. Elle avait été obligé de se prétendre plus proche d'O'Connor qu'elle ne l'avait jamais été mais son excuse avait visiblement suffit à la Rouge et Or puisqu'elle n'avait pas fait la moindre remarque à ce sujet après ses révélations. Et maintenant, qu'en était-il de leur histoire ? Parce que s'il lui avait été possible de les imaginer ensemble aussi difficilement soit-il jusque là, ce n'était plus vraiment le cas maintenant. Elle refusait d'imaginer qu'il jouait avec elle depuis qu'il l'avait rattrapée. Ca ne pouvait pas être qu'une manigance de plus visant à la faire sombrer, il n'aurait pas reconnu ses erreurs devant elle et n'aurait pas davantage cherché à la retenir alors qu'elle faisait tout pour l'enfoncer et fuir si tel avait été le cas. Il se serait probablement contenté de la railler sans qu'elle ne puisse broncher, ou de terminer leur duel au beau milieu d'un couloir sans penser à l'en informer plus tôt. Elle refusait de voir là la trace d'un énième coup bas. Scarlett s'était-elle peut-être tout simplement trompée ? Après tout, elle n'avait jamais entendu quoi que ce soit à propos d'une hypothétique aventure entre eux deux. Mais d'un autre côté, il était bien rare que la commère qu'était sa meilleure amie se trompe de la sorte... Elle n'était pas certaine d'avoir envie d'obtenir une véritable réponse.

" Et bien figure-toi que j'en suis le premier surpris. "

Sa voix s'était faite lointaine, la blonde était bien trop occupée à tâcher de garder calme et contrôle pour y faire véritablement attention. Rares étaient les fois où l'angoisse s'était fait si prenante. Même lors de leurs anciennes Opérations, la peur de se faire prendre était grisante bien loin de la sensation étouffante qu'elle ressentait là. Elle s'aventurait sur bien trop de terrains inconnus en même temps, si bien qu'elle peinait à les traverser tous à la fois. Et lui qui paraissait n'en avoir que faire... Elle se sentait bien ridicule à craindre la masse insignifiante des élèves du château. Que pourraient-ils lui faire de toute façon ? Si elle avait toujours su se faire apprécier par ses enseignants, ce n'était pas le cas avec ses camarades, aussi qu'ils la détestent ne la déstabiliseraient pas davantage, et qu'ils parlent sur son dos finissait par être monnaie courante, elle ne comptait plus les fois où son nom s'était promené dans les couloirs... Que craignait-elle alors ? Ils parleraient, s'étonneraient, se moqueraient peut-être mais ça n'avait pas grande importance, ce n'était pas comme si leurs avis avaient un quelconque intérêt à ses yeux. Elle avait beau tenté de se rassurer, rien n'y faisait. Elle n'avait jamais été inquiétée par leur présence, bien trop indigne d'intérêt pour s'en préoccuper et là, elle n'arrivait pas à se défaire des bruits qu'ils faisaient. Ils n'avaient pourtant pas gagné en importance le temps du repas, c'était toujours les mêmes élèves dont elle se fichait éperdumment depuis des années, les mêmes élèves qui n'avaient jamais eu le moindre impact sur elle... Ces mêmes élèves qui lui faisaient perdre doucement ses moyens et l'éloignaient du moment léger et rassurant qu'ils venaient de passer. Ca n'avait aucun sens. Elle parvint tant bien que mal à se concentrer sur le jeune homme, le fixant sans ciller alors qu'elle faisait de son mieux pour oublier le reste du monde qui vivait tout autour d'eux. Il allait finir par la prendre pour une folle, pour une gamine dérangée mais ça n'avait pas vraiment d'importance. N'était-elle pas en train de penser sensiblement la même chose ? Il devait y avoir une part de vrai là-dedans...

" Je m'y attendais. Et s'il y en avait un qui te soit adapté, qui pourrait en faire partie, de toute manière... "

Elle n'avait jamais véritablement songé à la maison à laquelle elle aurait dû appartenir, ni même au fait qu'il n'y en ait pas réellement. Elle avait toujours été à l'aise à Poufsouffle, s'y sentait finalement mieux que chez elle. Elle n'y avait jamais eu foule d'amis, ne voyait pas ses camarades comme sa famille mais elle était toujours ravie de retrouver chaque année son uniforme, bien qu'il soit aussi ringard que possible. Danah prétendait que le Choixpeau les avait confondues et qu'elle aurait été plus à sa place à Serpentard. C'était probable... L'ambition et la ruse, dans une certaine mesure, faisait partie de ses qualités, mais les cachots avaient une lumière horrible qui n'était pas très flatteuse, il n'y avait qu'à voir Clyde et Rosenberg pour s'en apercevoir. Aussi était-elle plutôt contente d'y avoir échappée. Et puis... Ca aurait vraiment fait trop cliché de se retrouver dans ce couloir, avec Scipion, si elle avait fait partie des vipères. Roméo et Juliette, ce n'était pas trop son truc. Enfin, du moins l'espérait-elle.

"Le moins de gens possible, je ne supporte pas grand monde."

Et pas grand monde ne la supportait d'ailleurs...

« Aucune idée, je suis probablement destiné à errer dans les environs jusqu’à ce qu’une opportunité se présente… »

Sarah ne put que s'étonner de cette réponse. Alors il arrivait à deux mois de la fin de l'année sans la moindre idée de ce qu'il pourrait bien faire ensuite ? Elle n'avait jamais pris la peine de discuter futur avec ses camarades, préférant de loin les sujets plus superficiels pour le peu qu'elle conversait avec eux mais croyait avoir entendu ici où là que les élèves commençaient à s'intéresser de plus en plus tôt à leurs orientations, ce qui ne pouvait qu'être une bonne chose puisqu'il leur faudrait choisir les matières qu'ils suivraient après leur cinquième année en fonction de cela. Ce n'était visiblement pas le cas de tout le monde. En fin de compte, ça n'avait pas grand chose de surprenant. Depuis quand le Grand Scipion Sélené se contentait-il de faire comme le commun des mortels ? Jamais elle n'aurait le courage — ou l'inconscience ? — de se lancer dans la vie sans avoir de véritable but à atteindre, de chemin à suivre. Attendre de voir ce que la vie pouvait bien réserver sans préparer de plan de secours s'apparentait un peu à du suicide, surtout maintenant. Qu'il était loin le temps où on pouvait sortir de Poudlard sans notes convenables à ses ASPICs et trouver un travail digne de ce nom par la suite; ses parents le lui répétaient bien assez pour qu'elle finisse par l'intégrer et même si sa mère n'était pas un exemple merveilleux du contraire puisqu'elle avait été une brillante élève de Serdaigle avant de se retrouver serveuse dans un bar miteux, elle ne prendrait pas le risque de ne pas les croire sur parole. Enfin, lui ne semblait pas s'en inquiéter réellement, comme si c'était un détail, une question secondaire, sans importance. Peut-être l'était-elle réellement en fin de compte ? Elle ne savait rien de la vie qu'il avait vécu en dehors des murs du château, peut-être était-il simplement issu d'une famille relativement aisée, ce qui pouvait expliquer en partie qu'il se fiche pas mal de ce qu'il pourrait advenir par la suite...

Si ça l'expliquait, elle ne le comprenait pas pour autant. Elle n'avait jamais été à plaindre de ce côté-là, bien au contraire d'ailleurs, et se préoccupait malgré tout de son avenir, ou du moins de ce qu'elle pouvait en entrevoir. Jamais ses parents ne l'auraient laissée voir passer les années sans se poser la question du après. Aller à Poudlard pour le simple fait d'y passer sept ans n'avait pas le moindre intérêt et si elle avait été élevée en parfaite petite sorcière jusqu'à son entrée au château, c'était bien pour qu'elle continue sur la même lancée en sortant, et ça passait aussi par ce qu'elle deviendrait. Enfin, c'était ses parents, légèrement ambitieux pour leur progéniture, pour ne pas dire appâtés par un certain prestige. Si Monsieur était un Médicomage assez reconnu, ce n'était pas pour que leurs filles terminent strip-teaseuses dans un club sordide. Et bien sûr, on oubliait à la perfection le cas de Madame, qui après avoir roulé des hanches pour un pourboire se retrouvait mère-au-foyer, ce qui n'avait aucun sens alors ses enfants n'étaient chez elle que deux mois par an. Elle se contentait de dépenser brillamment l'argent de la famille en robes couteuses et autres accessoires hors de prix pour épater ses amies. Habitude dont Sarah avait bien malheureusement hérité quoi que dans une moindre mesure tout de même.

"En un sens, c'est un destin enviable."

Ca sous-entendait pas d'attaches à supporter, pas de véritables devoirs à accomplir, pas de personnes à décevoir... Ce n'était pas négligeable, et si telle était réellement la vie qu'il s'apprêtait à mener il était peut-être même chanceux, en fin de compte. Elle n'en savait trop rien, et sans véritablement s'en ficher ça ne la concernait pas. Sa vie à elle était toute tracée depuis des années, et sans véritable raison de se détourner de ce chemin-là, elle la mènerait certainement jusqu'au bout avec la satisfaction d'avoir échappé à l'avenir minable qu'aurait pu lui offrir ses véritables parents. Enfin... Elle ne savait pas ce qu'était devenu son géniteur mais elle préférait ne pas l'imaginer parfait de peur d'en venir à regretter le père qu'elle pouvait avoir eu. Ce n'était pas le moment d'y réfléchir, surtout qu'elle n'obtiendrait jamais la moindre information supplémentaire ici, et ça ne serait pas le Gryffondor qui pourrait les lui apporter. Elle n'était même pas sûre que quelqu'un qu'elle connaisse aujourd'hui puisse l'aider sur ce coup-là, elle n'était pas certaine d'avoir envie d'en savoir davantage non plus. Pourquoi faire ? Non, elle n'avait pas besoin d'apprendre quoi que ce soit de plus. La blonde finit par se défaire de ses pensées, se raccrochant de nouveau à leur conversation. Son sourire l'amusa tandis que les pas des élèves se rapprochaient davantage encore, il ne devait leur rester qu'une poignée de secondes avant les voir arriver. Le repos avait été de courte durée. Elle ne pouvait nier qu'elle aurait aimé le voir se prolonger encore et encore, jusqu'à ce qu'ils décident eux-mêmes d'y mettre un terme. Y être forcée n'était pas ce qu'il y avait de plus agréable mais avait-elle vraiment le choix ? Probablement pas...

« Mmh, je dois admettre que le choix est difficile… il va falloir que j’y réfléchisse sérieusement. »

Elle prit un air faussement choqué en l'entendant mais elle ne tint pas le rôle très longtemps, souriant de plus belle. Le pauvre concierge devait avoir les oreilles qui sifflaient mais c'était pour l'instant le dernier de ses soucis. Elle n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche qu'ils envahissaient déjà le couloir, rompant le charme de l'instant qu'ils avaient vécu jusque là. La Poufsouffle sentait leurs regards peser sur eux, les dévisageant sans ménagement. Elle aurait aimé être à des lieues de là, plus loin que cela même encore, loin de cette masse grouillante qui n'avait jamais eu le moindre effet sur elle et qui parvenait pourtant à la déstabiliser que de raison. Comme si ça ne suffissait pas, Scipion la lâcha, la laissant penser un instant qu'il allait reprendre la fuite, une fois encore. Pourrait-elle lui en vouloir ? Certainement pas, à peine venaient-ils de se retrouver qu'il fallait déjà faire face au reste du château. Il avait parfaitement le droit de ne pas avoir envie de s'imposer ça pour l'instant, de l'abandonner là. Ils n'étaient pas connus pour s'intéresser à ce que le monde pouvait bien penser d'eux mais on ne savait jamais. Au fond, elle n'était pas des plus à l'aise et si l'idée de fuir ne lui avait traversé l'esprit, peut-être l'avait-elle fait chez lui. Il ne semblait pas s'apprêter à disparaître pour autant. L'adolescente reposa les yeux sur lui alors qu'il dénouait sa cravate. Elle ne chercha pas bien loin, ce n'était pas la partie de l'uniforme la plus agréable à porter. Il la laissa tomber sur le sol mais ne s'arrêta pas là pour autant, commençant à déboutonner sa chemise.

"Qu'est-ce que tu f..." commença t-elle alors qu'il achevait de défaire ses boutons.

Elle suivit des yeux sa chemise, qui rejoignit la cravate, avant de les reposer sur lui sans vraiment comprendre ce qu'il venait de se passer, ni même penser un seul instant à terminer sa phrase. Ca eut au moins le mérite de lui faire oublier les autres élèves, de lui faire oublier le monde entier peut-être même. Elle ne savait plus vraiment où se mettre, aussi gênée que ravie du spectacle. Ils ne se connaissaient quasiment pas, c'était un fait, mais de là à l'imaginer exhibitionniste... Elle peinait d'ailleurs à y croire. Un sourire discret naquit sur ses lèvres alors qu'elle ne consentait toujours pas à cesser de le fixer. Si elle ne parvenait toujours pas à trouver la moindre explication à cette espèce de strip-tease, ce n'était pas désagréable pour autant. Elle se décida à reporter son attention sur les élèves, qui ne semblaient pas comprendre davantage la situation, seulement lorsque la chaleur commença doucement à monter. C'était complètement irréaliste, ça n'avait pas le moindre sens. Qu'était-elle censée faire maintenant ? Prendre la fuite ? C'était ce que n'importe qui aurait fait à sa place mais là encore, elle ne parvenait pas à se faire à l'idée de disparaître. A quoi il jouait ? Si son but était de lui offrir la plus belle honte de sa vie, c'était raté. Passé l'étonnement, elle était apte à faire face à ça, heureusement d'ailleurs. Ce n'était pas non plus comme si elle ne pouvait pas en profiter un minimum...

« Vous avez pas autre chose à regarder ? »

Non ? Ce n'était pas pour les aider à passer inaperçus, il devait bien s'en douter. Sa voix la força à s'intéresser de nouveau à lui. Ce n'était pas forcément la meilleure idée de la journée. Elle pouvait ressentir sans mal leur défunte proximité, sa main sur sa joue, ses lèvres sur les siennes et le tableau aidant, son imagination fit le reste, l'embarquant bien loin du couloir banal dans lequel elle se trouvait. Il n'y avait plus de fourmis envahissantes, il ne restait plus que son corps contre le sien, se découvrant, leurs souffles s'entremêlant, dans un monde imaginaire qui s'était imposé de lui-même et qu'elle n'avait pas cherché une seule seconde à ignorer. S'il restait un minimum de sens à cet instant, il venait de se dissiper rapidement. Elle avait passé sa vie à le détester, et voilà qu'elle se mettait à fantasmer littéralement dessus, comme si se rendre compte qu'elle en était amoureuse n'était pas suffisant. Ses joues se teintèrent légèrement, mais elle parvint à se reprendre presque aussitôt, souriant plus franchement alors qu'un frisson des plus agréables la prenait pour cible.

"Je crains que non..."

Malgré elle, sa voix s'était faite lointaine, presque rêveuse. Elle avait perdu toute notion de réalité, peinant à garder un réel contact avec Poudlard et ses habitants. Elle les entendait vaguement chuchoter alors qu'ils passaient mais elle n'y prêtait pas vraiment attention, ils n'avaient aucune importance. Ils n'en avaient jamais eu et elle n'avait aucun mal à comprendre pourquoi. Ses raisons, pour l'heure, étaient certainement aussi superficielles qu'éphémères mais elle saurait faire avec, c'était un fait. La conversation reprit tant bien que mal, aussi la blonde faisait tout son possible pour ne pas s'égarer de nouveau, ce qui n'était pas forcément chose aisée mais là encore, elle n'avait pas forcément le choix... Elle était à des années lumières de la lecture distraites qu'elle faisait sur le bord de la fenêtre avant qu'il n'apparaisse dans son champ de vision... Elle ne regrettait rien.

« Tu ne devrais pas avoir de mal, avec les spécimens qui composent les autres maisons, le recrutement risque d’être ardu. »

Elle gloussa bêtement, comme elle l'avait toujours fait avec Scarlett à la moindre raison, reprenant son rôle de blonde stupide machinalement. Si elle voulait bien que leur histoire soit connue de tous, il était hors de question qu'elle renonce pour le moment à son image de pimbêche sans cervelle.

"Il n'y en aurait pas beaucoup pour me manquer. Tu me laisserais pas toute seule au moins, hein ?"

« Au fond, ce n’est pas bien important. On verra bien quand on y sera. »

Quand ils y seraient ? Parce qu'il y aurait un "eux" lorsqu'ils seraient en dehors de Poudlard, parce qu'ils tiendraient jusque là ? C'était une perspective plus que plaisante à imaginer bien que très improbable mais fallait-il y croire vraiment ? Espérer pour mieux chuter par la suite n'avait jamais fait partie des occupations favorites de Sarah et elle craignait que cela ne le devienne jamais. C'était mieux ainsi d'ailleurs. Ainsi il se laissait aller à penser qu'il puisse y avoir quelque chose en dehors de l'école ? Si elle n'avait pas trop le choix de "l'attendre" pendant un an, vu ce qui lui servait de camarades de classe, rien n'était moins sûr de son côté, ou du moins elle ne pouvait se résoudre à l'imaginer de cette manière. Il ferait sa vie comme bon lui semblerait sans penser un seul instant à cette hypothétique petite amie enfermée dans le château, et il aurait bien raison d'ailleurs. En même temps, elle peinait suffisamment comme ça à accepter son absence future alors si elle n'avait à le faire qu'un temps, peut-être la tâche serait-elle plus aisée ? Rien n'était moins sûr, bien entendu, mais elle ne pouvait que l'espérer. Mais ne connaître jamais réellement qu'un seul homme dans sa vie n'était pas ce qu'elle s'était vu vivre un jour. Enfin, elle n'avait encore que seize ans, il lui restait bien des années à vivre et ils auraient déjà largement le temps de se déchirer dix fois en deux mois alors imaginer rien qu'une seule seconde passer sa vie entière à ses côtés tirait de la folie. Elle le savait pertinemment, aussi préféra t-elle couper court à ses pensées. Inutile de passer des heures à rêvasser sur quelque chose qu'elle n'était pas sûre de vouloir mais étonnamment certaine de ne jamais vivre de toute façon.

"Sûrement, oui..."

Non, elle n'en était pas convaincue et même avec tout la bonne volonté du monde, elle ne parvenait pas à faire semblant de l'être rien qu'un minimum. Si son jeu d'actrice ne lui avait jamais fait défaut, c'était bien au delà de ses capacités cette fois-ci. S'ils tenaient deux mois sans s'entre-tuer, il aurait fort à parier qu'un miracle n'y était pas étranger. Au fond, il devait penser plus ou moins la même chose, ils se connaissaient, connaissaient la vie commune qu'ils avaient mené jusque là et ils étaient incapables de véritablement se supporter. Enfin, normalement... Ils étaient tellement loin de la guerre qu'ils avaient mené sans relâche, ils avaient probablement dépassé leur quota annuel de paroles échangées cordialement en une poignée de minutes à peine, pourtant elle n'avait pas l'impression que grand chose ait changé, comme si ça faisait partie de la logique des choses de finir à s'embrasser dans les couloirs, discutant de tout et de rien. Comme s'ils s'étaient toujours bien entendus... Après tout, n'avait-il pas été le premier ami qu'elle avait cru trouver entre ces murs ? Si on excluait ces quatre dernières années, leur situation n'avait rien de bien étonnant. Difficile d'en faire abstraction pour tant, c'était certain. Surtout que cette vague amitié n'avait rien de réciproque. Mais quelle importance ? Ça finissait par être une habitude, chez elle, de n'apprécier réellement que des gens incapables de le faire en retour, Scarlett en était la deuxième et dernière preuve. Enfin, il y avait bien peu de chance qu'elle finisse par roucouler avec elle dans un couloir, ou n'importe où ailleurs d'ailleurs.

Face au regard du Gryffondor et surtout à l'animosité qu'elle pouvait y voir, elle se contenta d'hausser les épaules d'un air innocent. C'était bien gentil tout ça mais c'était ses propres écarts, elle n'avait strictement rien à faire là-dedans, elle était déjà bien gentille de le supporter sans broncher. Envisager l'idée d'une réponse était sûrement utopique, ce qui était bien dommage. Ce n'était pas tout le monde qui s'amusait à se déshabiller au beau milieu de l'école, ça ne devait pas être bien réglementaire en plus mais elle n'avait pas la moindre envie de chercher à le savoir; elle aurait cependant bien apprécié obtenir quelques informations quant aux raisons qui l'avaient mené jusque là, ça ne devait pas être pour rien tout de même, ce n'était pas un comportement des plus anodins. Sans vraiment savoir pourquoi, elle ne chercha pas davantage, se décidant simplement à le contenter sans broncher. Elle aurait tout le temps d'aborder le sujet une autre fois. Elle parviendrait à survivre sans savoir ce qui avait bien pu lui passer par la tête... Elle n'était pas certaine d'avoir envie de savoir puisque pour en arriver là, ça ne devait pas être très glorieux...

" Si on les chasse à coup d'"Incendio", on aura au moins la salle de retenue pour être tranquilles... "

La blonde rit distraitement à sa proposition. Si l'idée n'était pas mauvaise, elle n'était pas certaine d'avoir envie de la mettre en pratique. Loin d'elle la crainte de se retrouver dans le bureau du concierge, simplement elle avait déjà eu des ennuis avec la Direction pour une tentative de meurtre qui ne venait pas d'elle, elle n'avait guère envie d'y retourner pour les mêmes raisons, la culpabilité en plus. Essayer de faire flamber ses camarades dans le but de leur faire dégager le plancher ne serait certainement pas bien vu. Il ne s'attendait certainement pas à ce qu'elle accepte de toute manière, ou du moins fallait-il l'espérer. Mais ils étaient là, toujours là, trop là... L'un avait dû s'arrêter, surpris par leur proximité certes étonnante et les autres en avaient fait de même sans chercher, comme une bande de moutons inutiles et sans cervelle. Mais s'il tenait tant que ça à être tranquille et débarrassé d'eux, ce qui était une vision fort plaisante, peut-être y avait-il un autre moyen que d'essayer de tous les tuer ? Après tout, ils étaient dans un château et il y avait foule de salles inoccupées qui n'attendaient que de retrouver une certaine utilité.

"Si la tranquillité serait loin d'être désagréable, je crois qu'il ne sera pas de même de la présence de Jefferson. Je suppose que tu ne lui as toujours pas dit que tu avais l'intention d'avoir une double vie ?" questionna t-elle d'un ton faussement sérieux. "Enfin, on est pas obligés de les supporter pour autant. Sauf si leur présence t'est indispensable bien entendu."

Retrouvant doucement un comportement normal, elle regarda les élèves toujours présent avec dédain. Certains, heureusement, continuaient leur chemin sans sembler remarquer quoi que ce soit, pourquoi ne se contentaient-ils pas tous de faire pareil et de continuer leur vie sans se préoccuper davantage de la leur ? Ils étaient bien assez grands pour faire ce que bon leur semblait, non ? D'ici la fin de la journée, il n'y aurait pas une seule personne qui ne soit pas au courant de leur relation, comme si c'était l'évènement de l'année. Peut-être, en fin de compte ? A force de se dire supérieur à tout le monde, peut-être que le monde en question avait fini par le croire également et voyait là un retour à leur niveau, ou du monde un peu moins loin au dessus d'eux ? C'était la seule explication possible. Les gens étaient finalement moins bêtes qu'ils n'en avaient l'air.

" Jusqu'à ce qu'on m'appelle ailleurs par nécessité de mon talent inestimable, je resterais, oui. "

Les lèvres de la blonde s'étiraient discrètement, presque timidement, rougissant de plus belle. Il resterait... Elle ne savait pas combien de temps, mais ce n'était finalement pas si important que ça, il était là. Elle devait avoir l'air bien idiote mais n'était-ce pas ce qu'elle était ? Qui s'en étonnerait ? Bien sûr, elle aurait préféré éviter mais ça n'était pas vraiment dérangeant, ni même surprenant...

"Whitby pense que tu resteras ici l'année prochaine, tu sais ?"

C'était sorti tout seul, sans qu'elle ne prenne réellement la peine d'y réfléchir davantage. Admettre qu'elle parlait de lui avec une fille qu'elle était censée ignorer royalement était un peu compromettant mais là encore, ça ne lui avait pas traversé l'esprit un seul instant. D'ailleurs, Astride ne risquait-elle pas de venir la trouver dans les prochains jours, ne serait-ce que pour lui faire savoir qu'elle avait eu raison toute la soirée ? Qu'elle la prévienne, elle préparerait de quoi grignoter et lui laisserait son stock de mouchoirs...

Des années qu'elle n'avait attendu que ça, que ces dernières semaines, celles qui mettraient enfin un terme à cette guerre sans fin qu'ils se livraient, ces semaines qui l'éloigneraient enfin et laisserait entre ses mains ce qu'il avait laissé du château... Ou du moins, c'était ce qu'elle avait cru. L'espoir que Scarlett se trompe lamentablement, bien que mince, n'avait jamais consenti à fuir, c'était bien trop compliqué d'admettre qu'elle s'était beaucoup attachée qu'elle ne l'aurait imaginé. Là, elle n'avait pas d'autre choix que de se rendre à l'évidence. Ce qu'elle avait toujours cru espérer finissait par être ce qu'elle redoutait le plus... Qu'adviendrait-il une fois qu'il serait loin ? Entre une meilleure amie absente et un premier amour envolé, elle ne donnait pas bien cher de sa peau. Il avait toujours été simple de prétendre n'avoir jamais besoin de personne, de faire face seule encore et toujours, surtout lorsqu'elle y croyait encore, mais maintenant ? Il n'y avait là que des certitudes brisées. La solitude dans laquelle elle avait cru évoluer tant d'années n'était peut-être qu'un leurre, qu'une illusion ? Plus pour très longtemps en tout cas... Septembre arriverait et avec lui les décombres de l'année passée, les gens disparus, les restes d'une vie dont elle ne pourrait plus rien faire et tout à reconstruire pour dix mois à peine. Ca n'en vaudrait jamais le coup, mais là encore, la liste des choix était des plus limitées. Au fond, sans son rival, elle n'était rien. Se battre contre du vent n'avait pas le moindre intérêt. Et même s'ils n'y avaient plus vraiment de bataille entre eux, pour l'instant du moins, sa présence à Poudlard suffisait à lui faire voir les choses autrement. L'année serait longue, affreusement longue...

" Bien sûr qu'elle m'est indispensable, je me verrais mal accomplir le sale boulot moi-même une fois à court d'imbéciles pour s'en charger. Mais bon, je suis prêt à faire des sacrifices si cela s'avère nécessaire. "

Il y aurait toujours de sombres crétins prêts à se donner corps et âme à une mission stupide pour avoir ne serait-ce que l'impression d'obtenir un tant soit peu d'importance entre ces murs. Une importance des plus bancales et des plus feintes mais suffisante en tout cas lorsqu'on en avait jamais eu la moindre et que les années se profilaient sans en montrer une once de plus... Il aurait toujours quelqu'un pour s'attirer des ennuis à sa place. C'était un peu là l'intérêt de vivre entouré de la sorte. Si leurs camarades étaient des plus insignifiants, ils avaient tout de même une vague utilité, parfois. Rarement... Quand on se donnait la peine de leur en trouver une à leur place en tout cas... Qu'est-ce que ça pouvait faire, d'être l'un d'eux ? De n'être qu'un être de plus dans la masse ? De ne vivre qu'à attendre qu'il se passe quelque chose d'intéressant tout en sachant pertinemment qu'on en serait jamais acteur, à peine simple spectateur si le hasard se faisait clément ? Elle ne s'était jamais véritablement posé la question, bien trop au-dessus de ses camarades pour s'abaisser à perdre son temps avec des réflexions inutiles qui ne la concernaient pas... Pourtant, c'était là toute la magie de Poudlard. Il n'y avait qu'à voir ce qu'étaient prêts à faire les autres pour que leurs noms circulent dans les couloirs, à l'instar de Tyler et Naïa. Les choses ne changeraient probablement jamais. La main d'oeuvre qu'il semblait couramment rechercher ne faiblirait sûrement pas, attendant même à la rentrée que quelqu'un vienne prendre sa place pour les enrôler de nouveau dans d'énièmes bêtises dont ils se fichaient bien. D'ailleurs, y aurait-il quelqu'un pour ça ? Si elle ne doutait pas que les prétendants au trône soient nombreux, qui pourrait réellement s'en emparer ? Le niveau était bien trop élevé pour que quiconque y parvienne sans échouer pitoyablement. C'était une bien triste constatation. Un calme qu'elle n'avait jamais eu l'occasion de connaître se poserait sur l'école, devenant un nouveau quotidien aussi morose qu'insupportable... Sarah se reprit malgré tout, avec sur les lèvres un sourire lointain qui gardait les restes d'un amusement sincère. Ce n'était pas le moment de se laisser submerger par des pensées trop tristes, elle aurait tout le temps de le faire plus tard, enfermée dans sa chambre à écouter les éclats de rire détestables de sa mère qui plaisanterait avec ses amies sans prendre la peine de vérifier un seul instant que tout allait bien. Tout allait toujours bien, de toute façon...

"Des sacrifices, vraiment ? Si l'on m'avait dit ça un jour, je n'y aurais pas cru. Je vais finir par penser que tout cela n'est que l'oeuvre d'un imbécile qui a eu le malheur de faire de toi la victime d'un nouveau sortilège."

Peut-être aurait-elle mieux fait de se tenir à distance ? Si elle n'avait plus grand chose à sauver, plus beaucoup d'apparence à préserver après avoir passé des jours et des jours à pleurnicher comme une idiote et ce sans raison apparente, ça n'était probablement pas son cas à lui. Depuis qu'il l'avait rattrapée, il semblait enclin au changement, paraissait passer au dessus des efforts sans le moindre problème mais l'idée était-elle brillante ? La Poufsouffle craignait que non... Voir sa vie publique s'effondrer au profit de sa vie privée ne la dérangeait pas tant que ça pour un peu que ça puisse en valoir la peine, mais ce n'était probablement pas son cas à lui... Elle commençait doucement à regretter de ne pas avoir gardé le silence, de ne pas s'être contentée de jouer la comédie comme elle l'avait toujours fait à la perfection. Ca n'aurait été qu'un rôle de plus... Rien d'autre. Qui aurait été imaginé qu'elle puisse l'aimer, lui, alors qu'elle l'avait toujours détesté ? Personne, elle était peut-être dérangée mais certainement pas à ce point-là. Tout aurait continué le plus normalement du monde, et il n'aurait jamais été là, à la retenir, à s'excuser, à entretenir une conversation courtoise, à affronter les regards curieux et surpris... Au fond, tout était de sa faute. Ca aurait été mieux pour tout le monde si elle avait gardé son rôle de pimbêche superficielle et égocentrique, bien incapable de ressentir autre chose qu'un profond désintérêt pour qui que ce soit. Mais non... Il avait fallu qu'elle joue les égoïstes. Ca avait toujours fait partie de son image, mais peut-être aurait-elle dû s'en abstenir pour une fois... Le silence qui s'installa après son aveux la mit mal à l'aise, la forçant lentement à reporter son attention sur le Gryffondor. Jamais elle n'aurait pensé qu'il pourrait en avoir quelque chose à faire, ce n'était qu'Astride après tout, pas quelqu'un dont l'importance les dépassait réellement. Ce qu'elle pouvait dire ou penser n'avait finalement pas d'impact sur le monde, enfin, c'était ce qu'elle avait toujours cru, plus encore après s'être fait traîter de pouffe et d'idiote pendant un moment sans s'en retrouver affectée. Peut-être étaient-ils plus proches qu'elle ne l'imaginait ? Ca ne changeait finalement rien. Scarlett aurait bien pu lui raconter toutes les saloperies à son sujet qu'elle n'en aurait eu que faire, et pourtant il ne devait pas y avoir élève dans cette école dont elle avait été plus proche un jour... Il n'y avait pas la moindre raison d'accorder de l'importance à ce qu'elle pouvait dire, ce n'était qu'une imbécile de Poufsouffle incapable d'avoir l'air normal, elle n'en valait pas la peine. La blonde reprit timidement sa main dans la sienne, la serrant doucement dans un geste désolé.

" Je ne vous pensais pas spécialement proches. "

Si seulement il savait... Elle ne savait même pas réellement ce qu'elle représentait... Une ennemie ? Une amie ? Une vague camarade toujours là quand il ne le fallait pas ? Elle n'en savait fichtrement rien... Elle ne l'aimait pas, ça devait être réciproque d'ailleurs, elle ne voyait en elle qu'un moyen de se rassurer, ce qui devait être réciproque également... Finalement, la brune n'était-elle pas tout ce qu'elle avait toujours voulu éviter d'être ? Constater qu'elles étaient plus proches qu'elle n'avait jamais osé l'imaginer l'avait déstabilisée plus que de raison même si elle s'était contentée de ne rien dire, feignant l'indifférence entre deux crises de larmes. Quelle merveilleuse nuit avaient-elles passé... Ce n'était certainement pas ce qu'on pouvait appeler de la proximité... Elle n'avait fait que lui donner plus d'informations encore pour faire s'effondrer tout ce qui pouvait encore tenir debout pour un peu qu'elle se donne la peine de souffler dessus. Si elle était prête à accepter que l'école toute entière la sache moins intouchable et insensible qu'elle avait prétendu l'être jusque là, elle n'était pas certaine de pouvoir gérer le côté public de ses chouineries nocturnes. Sa traîtresse de meilleure amie avait semblé taire sa capacité à pleurnicher, aussi pouvait-elle espérer qu'elle reste méconnue de tous jusqu'à ce qu'elle quitte l'école au moins. Enfin... Rien n'était moins sûr. Qui sait si elle ne réduirait pas ses efforts à néant l'année prochaine, toute seule, comme une grande ? Elle en était bien capable malheureusement...

"On ne l'est pas. Elle était juste au mauvais endroit au mauvais moment et... On a engagé la conversation... Et puis... 'Fin... Voilà quoi."

Sa voix s'était fait hésitante, les coupures nombreuses... Elle s'enfonçait, elle le savait. Encore un peu et elle se mettrait à avouer qu'elle connaissait l'histoire de la Chambre des Secrets, qu'elle avait passé sa nuit à pleurer comme une idiote en se comportant presque comme une amie avec cette imbécile de Whitby et qu'il avait été l'un des principaux sujets de leur soirée... Elle pouvait très bien s'en passer. Avec un peu de chance il ne relèverait rien. Après tout, il n'y avait rien de vraiment étonnant à parler garçons avec les filles de sa maison...? Difficile d'y croire mais pas impossible, il ne lui restait plus que ça a faire maintenant...