Comme tous les hommes de son âge le jeune sorcier avait commencé à se remettre en question à l'approche de cette période fatidique qu'était le passage à la trentaine. Loin de subir ce que les moldus appelaient la crise de la trentaine, force était de constater que ce cap passé forçait le jeune homme à prendre du recul et faire le point sur sa vie, afin de décider s'il était satisfait du chemin emprunté ou s'il désirait repartir à zéro. Sans même parler de l'image qu'il diffusait auprès de ses proches, le jeune Armstrong était-il content de son parcours professionnel et de ses quelques réussites ? Sans pour autant tomber dans la vanité et l'orgueil typiques de sa famille, le jeune sorcier ne pouvait qu'être satisfait de son travail désormais reconnu par ses pairs, essentiellement grâce à sa poignée de romans qui l'avaient fait connaître dans le monde des sorciers et créatures magiques. Mais était-ce tout ? Sa vie se résumerait-elle à une poignée de romans qui, un beau jour, finiraient par être oubliés du grand public ? Oui, peut-être était-ce de l'arrogance, mais après avoir autant voyagé et donné de son temps il ne désirait pas tomber dans l'oubli comme le premier anonyme venu. Quelques mois après que le cap des 30 années d'existence fut passé, Nathanael décida donc de mettre son voyage en pause pour revenir dans son appartement londonien afin de faire le point sur sa vie et son futur des plus incertains.
Oh oui le monde était assez rempli de créatures merveilleuses pour qu'un puisse continue son voyage pendant une décennie de plus, très facilement, mais était-ce vraiment tout ce qu'il désirait ? Voulait-il simplement décrire de façon lointaine et anonyme ses différentes rencontres et découvertes ? Cela pourrait combler plus d'un écrivain en herbe mais, en rentrant chez lui et lisant la lettre sa mère, un sentiment d'inachevé l'envahit. L'Armstrong avait depuis longtemps abandonné l'idée de plaire un jour à ses parents mais en lisant la première lettre de sa mère depuis au moins un an, il réalisa tout de même que l'approbation et le soutien de sa génitrice lui manquaient terriblement. Sur les conseils de Mariam, comme la dernière main qui lui serait jamais tendue, Nathan proposa donc sa candidature pour enseigner à Poudlard et reçut une réponse positive, à sa très grande surprise.
Étaient-ils sûrs de leur réponse ? Ne s'étaient-ils pas trompés ? Non, de toute évidence ils devaient connaître leur affaire et ne faisaient que rarement erreur, apparemment Nathanael avait donc sa place dans le corps enseignant. Étrange constat.

Dans quelques jours il ferait donc ses valises pour Poudlard mais, avant cela, il allait fêter sa nomination comme il le méritait. Comment ? En allant boire plusieurs verres et écouter de la bonne musique dans un pub à quelques rues d'ici. C'est donc vêtu de son habituelle veste en cuir noir, sa baguette rangée dans sa poche intérieure, que le jeune homme se dirigea vers le pub en début de soirée lorsque le soleil se couchait et que les esprits se réchauffaient déjà. Aujourd'hui plusieurs groupes de rock et de hard rock allaient se produire dans cet établissement, tout le long de la soirée, attirant ainsi les mélomanes adeptes de boissons alcoolisées.
Pénétrant avec confiance dans un pub qu'il ne connaissait que trop bien, Nathanael ne put s'empêcher de sourire à l'écoute des premières mélodies qui ne tarderaient pas à gagner en intensité. S'approchant du comptoir, il salua le barman qui le reconnu rapidement avant de prendre sa commande.

- La même chose que d'habitude !

En terme de boisson le jeune homme avait déjà goûté à tout, des breuvages les plus doux jusqu'aux plus corsés, mais il avait une petite préférence pour les alcools secs comme le bourbon ou le whisky. Ainsi, se rappelant du jeune homme qui fut l'un de ses meilleurs clients pendant plusieurs années de suite, le barman réapparut bien vite avec un verre de whisky sans glaçon, en sachant que celui-ci ne serait que le premier d'une longue liste. Ainsi, alors que les minutes passaient, la soirée se réchauffaient et de charmantes rencontres seraient faites.

Avec le temps le jeune professeur finissait par acquérir de la sagesse mais surtout de l'expérience, si bien qu'il n'était plus un adepte aussi acharnée des soirées extrêmement comme il aurait pu l'être à peine dix ans plus tôt. Pourquoi ? Déjà parce que – vieillesse oblige – il avait plus de mal qu'avant de se remettre de ce genre de soirée mais aussi parce que, d'un autre côté, il ne voyait plus vraiment l'intérêt de se retourner la tête comme si cela était un but en soi. Certes il appréciait toujours le goût de l'alcool et ne disait jamais non à quelques verres mais, contrairement aux plus jeunes, il était encore pleinement conscient et en pleine possession de ses moyens à la fin d'une soirée. En revanche il devait bien avouer qu'une soirée musicale comme celle-ci devait forcément s'accompagner d'alcool et de tabac, sans quoi le résultat serait désespérément terne et triste. En posant les yeux sur le premier groupe à égayer l'ambiance avec quelques chansons pour réchauffer l'atmosphère, Nathanael s'amusa à laisser dériver ses pensées vers une hypothèse simple : aurait-il aimé être musicien plutôt que sorcier ? Certes les artistes attiraient plus facilement l'intérêt des personnes du sexe opposé mais, à bien y réfléchir, Nathan possédait-il une sensibilité artistique ? Ayant délaissé tout loisir au profit de ses études pendant de nombreuses années il aurait été purement incapable de répondre à cette question mais, dans un coin de sa tête, il gardait l'idée d'apprendre à jouer de la guitare un jour. Un jour, oui, il ne se donnait pas de date limite pour le moment.
Mais aujourd'hui il n'était pas là pour se demander comment aurait pu être sa vie si ses choix avaient été différents, il était là pour passer un moment agréable et laisser la musique bercer ses pensées jusqu'à les emmener vers des plaines d'extase et d'harmonie. Un verre à la main, les fragrances de cet alcool corsé commençant déjà à stimuler son odorat, Nathanael balaya dans un premier temps la pièce devant lui pour voir s'il reconnaissait quelques têtes familières. En effet il avait passé plus d'une soirée ici malheureusement, à part quelques piliers de bar dont la présence de l'enchantait par nécessairement, l'Armstrong ne reconnaissait personne pour le moment. Qu'à cela ne tienne, il était bien loin le temps où sa timidité contrôlait ses mouvements ! Il n'avait désormais qu'à faire connaissance et voir où cela le mènerait.
Au bout d'un moment son regard se posa sur une demoiselle – contrairement à ce que sa garde-robe pouvait laisser supposer – qui venait d'arriver également. Naturellement, sans même s'en rendre compte, Nathanael laissa ses instincts masculins prendre le dessus en laissant son regard glisser tout le long de la silhouette de la demoiselle. Si son regard s'arrêta sur le fessier de la demoiselle fort plaisant à regard, le jeune homme fut largement plus intrigué par la baguette qui sortait de sa poche arrière que par les courbes de ses fesses.
Oui et bien quoi ? Ce n'était pas de sa faute, oh et puis il n'allait pas se cacher non plus ! Alors que la demoiselle se rendit compte qu'elle était dévisagée, elle interpella le garçon qui releva aussitôt son regard à la bonne hauteur. Tentant vainement de masquer sa confusion, il laissa le brouhaha croissant du pub masquer ses paroles aux oreilles indiscrètes.

- On pourrait croire que je regardais vos fesses, mais non. J'étais juste intrigué par la baguette qui dépasse de votre poche. Vous devriez lui trouver lui trouver une meilleure cachette, les moldus peuvent être d'un naturel curieux.

Si le futur professeur pouvait faire part d'une certaine retenue en d'autres circonstances, tout calme et mesuré qu'il était, aujourd'hui peut-être était-ce l'euphorie de sa promotion qui lui délia la langue bien plus que nécessaire. Mais après tout mieux ne valait-il pas parler, au risque qu'un autre que lui s'interroge sur ce bout de bois qui dépassait de cette poche ? Réalisant qu'il venait de parler du fessier de la demoiselle avec une familiarité peut-être choquante, sans même s'être présenté, Nathanael se fendit d'un sourire gêné pour conclure son intervention d'un :

- Et je me rend compte que je ne me suis pas présenté. Nathanael, enchanté. Je vous offrirai bien un verre mais je vois que vous êtes déjà servie.

À force d'expérience et de soirées arrosée le jeune homme avait compris depuis longtemps que c'était dans les situations les plus inattendues que les rencontres les plus intéressantes pouvaient être faites, lui-même avait rencontré bon nombre de ses camarades moldus durant des soirées aussi alcoolisées qu'endiablées et il ne le regrettait pas le moins du monde. Pourquoi le ferait-il? Certes les lendemains de soirées n'étaient guère agréables et il mettait de plus en plus de temps à s'en remettre, mais le jeu en valait largement la chandelle. Si la soirée d'aujourd'hui ne faisait que commencer, le londonien venait déjà de faire la rencontre d'une charmante demoiselle qui, en plus d'avoir un look atypique, ne semblait pas avoir la langue dans sa poche. En effet lorsque son interlocuteur évoqua la possibilité de lui offrir un autre verre, la demoiselle s'empressa de finir celui qu'elle avait encore dans les mains, piquant l'intérêt du jeune Nathanael qui ne pouvait pas en faire moins. Aussi, sans réfléchir, il engloutit le contenu complet de son verre de whisky avant de sentir l'alcool glisser le long de sa gorge pour réchauffer ses entrailles. Lorsque la puissance du cocktail parvint à son cerveau Nathanael ne put retenir une grimace reflétant son inconfort, avant de lâcher :

- Hum, je n'aurai peut-être pas dû faire ça.

Se tournant vers le comptoir, le jeune homme appela le patron pour commander la tournée suivante :

- Patron ? La même chose, pour moi et la demoiselle. Et prépare la tournée suivante, ça ne devrait pas tarder.

Y aurait-il une autre tournée derrière ? Il aimait croire que oui mais, au final, la décision ne lui reviendrait pas entièrement. Si la soirée se passait bien et que la conversation se faisait naturellement, bercée par les mélodies puissantes qui passeraient plusieurs heures durant, peut-être que les deux individus n'en resteraient pas qu'à deux verres. L'esprit réchauffé par son verre bu d'une traite, c'est avec un rire franc que le jeune homme réagit à l'insinuation de son affiliation au ministère de la magie. Oh que ses parents auraient voulu que ce soit le cas, cela aurait sans doute contrebalancé la déception qu'ils ressentaient pour leur progéniture, mais la vie en avait décidé autrement. Souriant en hochant la tête de gauche à droite, Nathan laissa la musique couvrir ses paroles et, s'approchant de la demoiselle, lui répondit :

- Ahahaha, pas du tout ! Dans une autre vie, peut-être. J'ai surtout beaucoup voyagé mais j'vais poser mes valises à Poudlard pour un nouveau boulot. C'est d'ailleurs ce que je suis venu arroser, à la base.

Voyant sa commande arriver enfin, le londonien remercia le barman d'un sourire et d'un hochement de tête complice, avant d'attraper la bière de son interlocutrice et son propre verre. Après cela il ne tarderait sans doute pas à aller se griller une cigarette.

- Et toi ? Qu'est-ce que tu fais de beau ?

Tendant le verre à la demoiselle, le sorcier présenta son propre verre pour trinquer, avant de lâcher :

- Santé !

En dehors de Poudlard et d'autres environnements qui n'étaient peuplés que de sorciers il était rare pour le jeune homme de rencontrer d'autres personnes ayant des affinités avec la magie, si bien qu'il était facile d'oublier qu'avant d'être des sorciers ces personnes étaient aussi des hommes et des femmes. Certes leurs besoins différaient tout comme leurs tenues vestimentaires d'ailleurs, mais en toute honnêteté Nathan pouvait très facilement trouver tout ce dont il avait besoin dans les boutiques gérées par les moldus. Leurs costumes et chemises étaient superbes, il était parfois tombé sur des montres sublimes à en tomber à la renverse, quant à l'alcool il ne fallait même pas l'amener vers ce sujet-là. Préférait-il les moldus aux sorciers ? Sous bien des aspects la réponse serait positive, mais il ne pouvait pas non plus couper les pont avec sa peuplade d'origine. Il faisait donc partie de ceux qui, s'ils étaient interrogés ou amenés à se prononcer, seraient des partisans évidents de la mixité entre sorciers et moldus bien qu'il vienne lui-même d'une famille sang-pur très attachée aux traditions.
Avec l'âge le futur professeur s'interrogeait évidemment de plus en plus sur sa vie sentimentale et le fait de fonder une famille, une préoccupation évidente pour un homme qui n'allait pas en se rajeunissant, car il voulait aussi que son nom et son héritage perdurent au travers de sa descendance. Cependant malgré son attirance pour certaines moldus qui restaient belles même dans la plus évidente ignorance, l'Armstrong se doutait bien que si relation il avait les chances seraient plus grandes que l'heureuse élue ait une affinité avec la magie. Comment pourrait-il en être autrement ? Durant les années à venir il allait vivre, dormir, manger et boire magie. Il allait n'être entouré que de sorciers durant la majorité de l'année, aussi les chances de fréquenter quelqu'un d'autre qu'une jeune et jolie sorcière seraient drastiquement réduite. Mais au final l'affinité ou non d'une personne avec la magie lui importait peu, c'était ce que la demoiselle aurait dans la tête qui ferait la différence.

Où voulais-je en venir ? Ah oui, le monde des moldus ! Quelles étaient les chances qu'ici, au milieu de tous ces braves moldus, deux sorciers se rencontrent un verre à la main ? Quelles étaient les chances que deux êtres sensibles à la magie se rencontrent hors de leur territoire, hors de leur zone de confort ? Très maigres, assurément, faisant de ces deux sorciers l'exception à la règle.
Avec la musique en arrière plan pour les bercer les deux sorciers se laissaient donc aller à dévoiler un peu de leur personnalité morceau après morceau, comme pour laisser encore un peu de mystère. Alors que Nathan dévoilait sa future destination il apprit que la charmante demoiselle face à lui n'exerçait pas si loin que cela de Poudlard. Dans un pub en plus ? La coïncidence était trop bonne pour que le futur professeur ne saute dessus.

- Vraiment ? On va se voir très souvent, alors !

La conversation fila donc bon train jusqu'au moment où la demoiselle interrogea le londonien sur son futur emploi et, lorsqu'elle pointa du doigt l'enseignement, Nathan ne put retenir un petit rire amusé tout en répondant :

- Tu vas rire justement, j'vais justement être prof'. Bon j'avoue, en me rencontrant ici tu pourrais te dire que j'n'ai pas vraiment la gueule de l'emploi. Moi même j'suis encore surpris par la nouvelle, 'faut croire qu'ils étaient en rade de bons profs'.

Un enseignant était généralement un parangon de vertu et de connaissance, un individu digne et stricte que rien ne pouvait ébranler, l'une des fondations solides d'un établissement. Mais avez-vous déjà vu un professeur en dehors de ses heures de travail ? Là, au milieu de cette musique et avec ce verre d'alcool à la main personne ne pourrait croire que Nathanael était amené à diffuser ses connaissances à autrui et pourtant c'était bien le cas. Oui clairement avec sa tenue décontractée il ne ressemblait pas au profil standard d'un enseignant mais il espérait que cette différence saurait marquer les élèves.

- Au fait, tu fumes ? Je préfère poser la question maintenant, pendant qu'on peut encore s'entendre.

Loin de lui l'idée de gêner la demoiselle avec de la fumée si cela la dérangeait mais, avant d'aller s'en griller une d'ici peu, il préférait au moins s'enquérir de l'avis de sa camarade du jour en la matière. Attendant une réponse de la jeune femme, Nathanael laissa la musique le bercer et, sans s'en rendre compte, les doigts de sa main libre se mirent à tapoter la table au rythme des sons de guitare, se remémorant la mélodie qu'il n'avait pas entendue depuis un bon moment. Ah Black Sabbath : La base !

- Si t'aimes ce genre de musique j'ai deux trois autres adresses dans les environs où je pourrai t'emmener, à l'occasion.

Célébrer une promotion était une chose mais Nathanael savait tout de même que la modération était la clé, il s'était assez souvent réveillé à côté d'inconnus et sans aucun souvenir d'un bon morceau de la soirée précédente pour savoir qu'une surconsommation d'alcool ne finissait jamais bien. Cela provoquait un trou certain de mémoire, un trou certain dans son portefeuille mais aussi un trou certain dans son estime de soi : il n'avait clairement pas besoin de tout cela en ce moment. Mais est-ce que cela l'empêcherait d'apprécier le moment en charmante compagnie ? Bien sûr que non car, heureusement, une soirée n'avait pas nécessairement besoin d'être alcoolisée pour devenir agréable, tout était question de trouver la bonne personne avec qui la passer. Aujourd'hui le jeune homme était tombé sur une camarade de boisson qui, en plus d'avoir des goûts musicaux apparemment similaires aux siens, n'était clairement pas désagréable à regarder. Que demander de plus, franchement ? En plus de cela, fait assez rare pour être noté, la jeune femme ne semblait pas être gênée par la cigarette car elle en était elle-même consommatrice : oh joie ! Certes la consommation de tabac n'était pas quelque chose dont il faudrait se réjouir mais, pour une fois, il allait pouvoir s'en griller une sans recevoir les habituels reproches quant au tabagisme passif et tout ce qui s'en suivait.
Plongeant la main dans sa poche de pantalon, Nathan en extirpa un paquet de cigarettes à moitié entamé avant de commencer la danse de la recherche du briquet disparu. Tapotant toutes ses poches en espérant sentir son zippo dans l'une d'entre elles, le précieux outil était en fait dans la poche intérieure de sa veste, le futur professeur fut sauver par sa camarade. La cigarette au bord des lèvres, Nathan se servit du briquet pour allumer le bout de ce poison en tube avant de rendre l'appareil à sa propriétaire, sans oublier de la gratifier d'un simple :

- Merci.

Une seule aspiration lui suffit à emmagasiner un certain amas de fumée avant de recracher par la bouche en un flux régulier et maîtrisé. Les non-initiés ne pourraient pas connaître les bienfaits d'un tel poison mais, avec du recul, le londonien sentait vraiment l'effet relaxant suivant directement l'inhalation de cette fumée. Fort heureusement il n'eut pas vraiment l'occasion de se concentrer sur sa cigarette, son interlocutrice recentrant le débat sur la matière qu'il enseignerait très bientôt. Puisqu'ils étaient seuls dehors sous cette pluie naissante, il n'eut aucun mal à répondre sans crainte qu'un moldu puisse l'entendre.

- Le soin aux créatures magiques. Ce n'est pas forcément le plus important des cours, mais bon, il y a moyen de leur apprendre pas mal de choses sur le sujet.

En toute modestie le jeune homme n'était pas le plus calé sur le sujet ni le meilleur pédagogue du monde, n'ayant encore jamais enseigné à qui que ce soit, mais il aspirait tout de même à faire de son mieux autant pour sa propre fierté que pour le bien de ses futurs élèves. En parlant des élèves justement Ula interrogea le garçon sur ses études à Poudlard, le concerné était très effacé à l’époque et il n'était jamais surpris lorsque quelqu'un ne se rappelait pas d'avoir étudié en même temps que lui. Il n'était pas très mémorable en ce temps-là.

- J'étais assez timide à l’époque. Du genre rat de bibliothèque, tu vois ? Pas le genre d'élève dont tu te souviens.

S'avançant jusqu'à la limite du auvent, la cigarette délicatement tenue entre deux de ses doigts, Nathanael tendit sa main libre devant lui pour vérifier à quel point il pleuvait et, effectivement, le duo était bien parti pour assister à une averse typiquement anglaise. Semblant avec un peu la tête dans les nuages, il lança à voix haute :

- Au fait, t'as faim ?

Réalisant que cette proposition pourrait paraître étrange voire même lourde de signification pour quiconque essayait de décrypter ses paroles, il conclut par :


- Parce que si c'est le cas, j'ai quelques adresses sympas dans le coin. J''pourrais aussi te cuisiner un truc mais après tu vas croire que je suis le genre de gars à ramener une fille chez lui à la moindre occasion.

Ses parents n'avaient jamais été des cuisiniers formidables mais ce qu'il y avait bien avec le fait d'être tout seul était le sens de la débrouille qui apparaissait rapidement. De plus, après avoir voyagé dans de nombreux pays, l'Armstrong avait ramené avec lui bon nombre de recettes dont il n'était pas peu fier. Il n'avait peut-être pas l'étoffe d'un chef mais au moins il savait cuisiner, ce n'était déjà pas si mal.

Lorsque Nathanael partait en ville boire un verre il n'était pas comme ces jeunes étudiants dont le seul but, en plus d'être le plus ivre possible, était de ramener une jolie fille avec qui passer la nuit. Oh certes il aurait aisément put se fixer un objectif similaire mais il préférait nettement laisser le hasard suivre son cours car, d'expérience, il savait que les meilleures rencontres se faisaient quand on s'y attendait le moins. Aussi lorsqu'il avait quitté son appartement ce n'était pas dans le but d'éviter de finir la nuit tout seul mais bien pour s'amuser et seulement s'amuser, passer un dernier moment agréable avant que l'appel du le devoir ne le dirige vers Poudlard. Bien entendu il n'était pas fermé aux changement de dernière minute et les accueillait avec plaisir, tout comme la rencontre avec Ula d'ailleurs. Une fois la soirée bien entamée le futur prof avait donc lancé l'idée de lui faire à manger chez lui sans aucune arrière-pensée, mais en son for intérieur il était déjà préparé à une réponse négative.
Certes il appréciait les petits moments de flirt et de séduction quand ils se présentaient à lui, mais il ne fallait pas oublier qu'il était un gentleman avant tout et avait été éduqué en ce sens il y avait bien longtemps. Il pouvait apprécier la beauté quand celle-ci se pavanait sous son nez, comme aujourd'hui, mais ne restait pas obnubilé par celle-ci à l'image d'un adolescent encore esclave de sa libido croissante. Il avait passé l'âge de penser avec la chose qui pendait au niveau de son entre-jambe, depuis longtemps d'ailleurs.

Surpris de la réponse positive de la demoiselle qui ne semblait pas rebutée par visiter le territoire d'un inconnu, fusse t-il un camarade sorcier, le londonien suivit donc la jeune femme sous la pluie battante sans broncher.

- Bon, eh bien direction chez moi. C'est juste à côté.

Tous les anglais, écossais ou irlandais avaient une relation assez particulière avec la pluie qui menaçait de cracher à chaque instant de la journée, comme si dans cette région le ciel bleu avait été perpétuellement remplacé par un voile de grisaille permanente. Aussi, même si attraper un rhume était un risque à prendre, Nathanael n'était pas plus désireux de fuir face à cette averse que sa camarade du jour ne semblait l'être.
Sentant les gouttes couler le long de son cou et s'insinuant dans ses vêtements, certain qu'il allait devoir se changer en arrivant pour éviter d'être malade le lendemain, Nathan pressa le pas, suivie de sa camarade et, au bout de quelques rues, pivota pour s'enfoncer dans une allée menant directement à son modeste appartement en centre-ville. Pour le coup il avait eu de la chance de trouver cette petite perle qui, en plus d'avoisiner les soixante mètres carrés, possédait cette petite entrée lui permettant de ne pas donner directement sur la rue passante. Un peu de calme, parfois, ce n'était pas si mal.

- J'me disais bien que j'avais oublié quelque chose. Crétin que je suis.

Si la demoiselle pourrait se demandait d'où venait cette phrase sortie de nulle part, elle eut bientôt une réponse en voyant le sorcier s'approche de sa moto protégée par une frêle bâche de protection sus la pluie battante. Il avait oublié de la ranger avant de sortir, n'ayant pas prévu qu'il pleuvrait aussi soudainement. Soulevant la bâche pour vérifier si l'étanchéité était toujours de rigueur, Nathan posa ses yeux sur sa Yamaha XJR 1300 entière noire qui lui avait bien servi et, fort heureusement, elle semblait intacte. Il ne lui fallut que de quelques instants pour la bouger jusqu'à un petit abri spécialement prévu à cet effet, avant de remettre la protection par-dessus. Oui il était motard, avait-il oublié de le mentionner ? Sans doute, il ne pensait pas toujours à le dire.

- Tu n'feras pas gaffe au bordel, je suis rentré il y a peu de temps.

Quelques mouvements de clés plus tard et le duo put enfin pénétrer dans l'antre du jeune homme qui, de prime abord, semblait impeccablement rangé. Était-il maniaque du rangement ? Pas du tout mais il venait tout juste de rentrer après des années d'absence autant dire qu'il avait pris soin de tout ranger et nettoyer avait son départ, ne sachant pas à l’époque quand il reviendrait.

- Voici donc mon humble demeure, fais comme chez toi.

Si le jeune homme n'était pas un pro de la décoration on pouvait noter tout de même que deux facettes de sa personnalité s'opposaient dans l'aménagement de son antre. D'un côté du large salon il y avait une bibliothèque très largement fournie et un bureau où il aimait se poser lorsque l'inspiration venant à lui. Si Ula voulait y jeter un œil elle verrait d'ailleurs quelques dessins au crayon étalés sur le bureau, l'un représentant un crâne de dragon – spécifiquement celui d'un pansedefer ukrainien – tandis qu'un autre représentait un griffon en plein envol. Ce n'était pas là quelques illustrations de son nouvel ouvrage mais plutôt un moyen de se détendre, de vider son esprit de toute pensée inutile.
Si la première partie de sa décoration était liée à son côté artistique, l'autre semblait plus primaire , lié à son côté baroudeur et fêtard. Dans un coin il avait rangé un meuble où étaient entreposées toutes ses bouteilles alcoolisées, du plus doux des vin blanc au plus corsé des whisky en passant par bien d'autres mixtures récupérées dans les pays où il avait mis les pieds. En cherchant bien il serait même capable de vous sortir une bouteille de saké.
Non loin de là, proche de la large télé, était posée une bonne grosse chaîne hifi avec une pile de disques touchant généralement au domaine du rock et hard rock, mais parfois on pouvait trouver certaines surprises musicales issues de sa curiosité naturelle. Qui rangeait un CD de Queen juste à côté de Nirvana ? Ou bien Métallica juste après Iron Maiden ? Nathanael Armstrong apparemment.
Passant à côté de son large canapé, Nathan se délesta de sa veste trempée pour la poser sur une chaise qui traînait non loin d'ici, avant de pointer d'un mouvement de tête les deux salles devant lui. À gauche se trouvait sa chambre tandis que l'autre porte donnait directement sur la salle de bain. Était-ce une proposition irrévérencieuse ? Pas le moins du monde.

- Du coup, sauf si l'envie te prend de passer la soirée dans des fringues trempées, histoire d'éviter d'attraper la crève, il y a de quoi te sécher dans la salle de bain. D'ailleurs tu peux aussi dévaliser ma chambre, tu devrais pouvoir trouver de quoi te fringuer en attendant que tes vêtements sèchent.

Fut un temps où l'ancien élève avait été pudique mais cette période était révolue depuis bien longtemps, il n'avait absolument aucun secret à cacher à qui que ce soit. Que la demoiselle aille fouiller dans ses placards ne le gênait pas, elle trouverait sans doute une chemise ou un vieux t-shirt AC DC à sa taille, ou autre chose du genre. Pivotant pour se diriger vers la cuisine, l'Armstrong ouvrit quelques placards pour voir ce qui lui restait, soulagé d'avoir fait les courses à peine quelques jours plus tôt.
Eh oui il était parti pendant plusieurs années et, à son retour, il constata que bon nombre de ses victuailles n'avaient pas bien supporté le passage du temps. Il avait donc fait le ménage avant de remplir de nouveau ses placards désespérément vides.

- Au fait, il y a des trucs que tu n'aimes pas ou auxquels tu es allergique ? Histoire d'éviter de t'empoisonner.

Se rappelant de la demande de la belle plante non loin de lui, le sorcier tendit le bras pour attraper un bocal en verre au trois-quart rempli de cacahuètes, avant de le poser sur le comptoir juste derrière lui. Pour tout dire il n'était pas peu fier de sa cuisine américaine et, plus généralement, de ce foyer qu'il avait acquis et fait rénover au fil des ans. C'était chez lui, un lieu qu'il payait avec son propre argent, un lieu où sa famille n'avait aucune emprise sur lui. Un lieu où il pouvait simplement être lui-même et, pour celui d'un sorcier, c'était fou ce que cet appartement ressemblait à celui d'un moldu. C'était un choix, son choix.

Jusqu'à la fin de ses études supérieur la question du mode de transport ne s'était pas réellement posée pour le londonien, coutumier des transports en commun, mais une fois son diplôme en poche et le monde lui tendant les bras il fut forcé d'enfin se poser la question. Comment voyager ? Certes il y avait toujours l'option du balais, cependant là où il allait y aurait des chances de tomber sur des moldus aussi devrait-il laisser cette option de côté. Il faut donc forcé de choisir entre quatre ou deux roues et, après quelques tests, ce fut le véhicule à deux roues qui remporta la confrontation haut la main. Pourquoi un tel choix ? Certes ce n'était pas le moyen de se balader le plus pratique en terme de bagages ou de confort, c'était évident, mais le point fort de ces deux roues résidait dans les sensations que procurait cette conduite. Il n'aurait su l'expliquer pourquoi mais sil était tout de suite tombé amoureux de ce moyen de transport et, aujourd'hui, il ne pourrait envisager de s'en séparer. Certes il allait bientôt devoir se séparer de sa moto actuelle pour quelque chose de plus récent, mais il continuerait sur un deux roues bien évidemment.
Pour la première fois depuis son retour en terre anglophone, quelques jours plus tôt, le jeune Armstrong laissa donc pénétrer une demoiselle dans son appartement. S'il ressenti une pointe de stress en sentant le regard de sa camarade arpentant chaque coin de son foyer pour le juger et s'en faire un avis, il fit quelques efforts pour faire taire son stress afin de se concentrer sur le moment présent. Dans ces instants-là il laissa trop facilement ses vieilles habitudes de timide rejaillir en lui, fort heureusement avec le temps il avait appris à identifier ces moments et combattre ces habitudes.

Se débarrassant de certaines de ses affaires, le futur professeur ne put s'empêcher de sourire face à la remarquer sur son classement musical, ce dernier ne pouvant être qualifié d'autre chose que de chaotique. En effet il avait rangé les Cds par ordre d’acquisition sans jamais chercher à les ranger par style, sans doute parce qu'il savait par habitude où se trouvait quel disque et que cela lui convenait très bien comme cela. Chaque chose était à sa place, même si au premier coup d’œil on pourrait croire l'inverse.

- C'est un peu le bordel, j'avoue. Je les sors au gré de mes envies, en fait. Mais oui, il va falloir que je classe tout ça un peu mieux quand je reviendrai.

Poursuivant ensuite la conversation sur un autre sujet, spécifiquement celui de la matière qu'il allait bientôt enseigner, le jeune londonien ne put que répondre :

- Yep, c'est ça. Enfin je ne le suis pas encore, je me considérerai comme tel qu'a la fin de mon tout premier cours.

Il n'avait jamais vraiment su dire qu'il avait une âme d'artiste ou non mais, objectivement, ses dessins étaient généralement assez ressemblants ce qui était le but de chacun de ces croquis. Il n'était pas là pour créer des tableaux idyllique ou faire rêver ses lectures mais bien leur montrer, en images ou en dessins, à quoi ressemblaient les merveilleuses créatures mentionnées dans ses ouvrages. Jusqu'à présent on ne lui avait pas adressé de critique particulière concernant la qualité de ses illustrations, il supposait donc que ces dernières étaient correctes tout au plus.
Plus tard, lorsque la demoiselle donna enfin son avis épuré quant à l'appartement et sa décoration, le propriétaire fut des plus soulagés d'écouter cet avis globalement positif. Il savait que de prime abord son foyer pouvait paraître impersonnel de par son manque de décorations et autres posters sur les murs, mais si cela plaisait à cette charmante créature ce n'était déjà pas si mal.

- Merci. Je n'suis pas le pro de la décoration, donc je fais au mieux. Après c'est compliqué de personnaliser un lieu dans lequel je vis, finalement, assez peu.

Depuis quand avait-il emménage ici ? Hum, cette question le fit fouiller dans ses souvenirs, chassant ceux de son ancien résidence universitaire exiguë après avoir refusé de retourner chez ses parents, préférant sa fierté à son confort. Cet appartement-ci avait été le tout premier qu'il avait pu se payer avec ses propres revenus, c'était le symbole de son indépendance surtout sur le plan financier.

- Hum, depuis la fin de mes études supérieurs. Mais je n'y étais pas revenu depuis presque deux ans et demi.

Se remettant à fouiller dans les placards en réfléchissant aux combinaisons possibles, tâchant de pouvoir au moins présenter plus choix différent à la demoiselle afin de ne pas lui imposer quelque chose qu'elle n'aimerait pas, Nathanael fut une nouvelle fois soulagé d'avoir récemment fait les courses. Au bout d'une bonne minute, toujours fouillant dans les placards et le frigo, il prit donc un ton plus cérémonieux pour demander :

- Alors, mademoiselle. Au menu de ce soir nous vous proposons, dans votre assiette, le soleil du Mexique ou bien le raffinement et la délicatesse du Japon. Avez-vous une préférence ?

Tournant la tête pour sourire à la demoiselle, le jeune sorcier s'écarta de la cuisine et se dirigea vers sa propre chambre. Se courbant en avant de façon bien trop cérémonieuse, il disparut du champ de vision de son invitée tout en concluant :

- En attendant que vous fassiez votre choix, mademoiselle, je m'éclipse pour enfiler quelque chose de plus sec.

Ce fut sans vergogne et sans gêne qu'il enleva tous ses vêtements trempés à même le sol, avant d'ouvrir ses placards pour trouver de quoi se mettre. Au bout de quelques secondes il jeta son dévolu sur un jean au ton bleuté qu'il enfila sans attendre, heureux de se sentir enfin au sec. Un t-shirt noir - et très proche du corps – dans la main, ce fut le haut du torse à l'air et les pieds nus que Nathan sortit de sa chambre pour pénétrer dans la salle de bain. Attrapant une serviette pour s'essuyer les cheveux, il se coiffa très approximativement avant d'aller récupérer ses fringues pour les mettre à sécher.

- Alors, mademoiselle a t-elle fait son choix ?

Faisant écho à ses paroles, l'Armstrong s'extirpa une nouvelle fois de la salle de bain, son t-shirt noir dans une main et son torse nu servant de rappel concernant son cruel manque de pudeur. Bien loin était le temps où il s'angoissait face au regard des autres. Il n'était pas du plus du genre à se savoir beau jusqu'au point d'en jouer, ce n'était clairement pas son genre. Pour l'heure, regard ou non, il se dirigea pieds nus vers sa cuisine en espérant avoir une réponse de cette belle plante.

Entre prendre des cours de cuisine et apprendre à jouer de la guitare ou du piano, pour ne citer que trois éléments, il y avait un certain nombre de choses que le londonien regrettait de ne pas avoir pris le temps d'apprendre. Certes il était encore jeune et dans la force dans l'âge, encore tout à fait capable de découvrir et apprendre de nouvelles choses sans avoir peur que le temps ne le rattrape trop vite, mais au vu de son futur parcours il doutait de pouvoir se le permettre. Pourquoi ? Parce que la plupart des sorciers préféraient user de la magie pour cuisinier plutôt que d'apprendre à la manière traditionnelle comme les moldus, ce qui rendait l'expérience beaucoup plus amusante et gratifiante. Quant à la musique, disons que de réveiller les professeurs et élèves avec sa maîtrise très approximative de la musique ne serait certainement pas le meilleur moyen de se faire apprécier des étudiants et de ses futurs collègues. Au final ce n'était pas bien grave, un jour il prendrait le temps de se poser pour faire ce qu'il avait toujours désiré mais, en attendant, il préférait bien mieux profiter de cette charmante soirée avec une encore plus charmante compagnie.
D'aussi loin qu'il s'en souvienne Nathanael n'avait jamais eu de type de femme préférée, sans doute parce qu'il préférait apprendre à connaître ce qu'une demoiselle avait dans sa tête plutôt que la taille de sa poitrine ou de ses fesses, sans doute parce qu'il cherchait à découvrir une âme plutôt qu'une coquille vide. Si une soirée devenir finir avec une demoiselle dans son lit il ne refuserait pas une telle fin, mais il était avant tout ici pour passer du bon temps et se détendre un peu. Cette Ula avait accepté de suivre un inconnu chez lui ce qui était déjà assez surprenant, pour une première rencontre en tout cas, mais le plus stressé des deux devait certainement être l'hôte qui avait toujours cette crainte de tout faire foirer ou de dire quelque chose qu'il ne fallait pas. Il avait beau s'être ouvert au fil du temps, son inconfort était toujours un peu présent au fond de son être.
Tâchant de repousser ses doutes mais surtout ses peurs, aussi infondées soient-elles, le sorcier écouta la demoiselle choisir la spécialité de ce soir et, déjà, Nathan se mit à lister dans sa tête les plats qui lui étaient possibles de réaliser. Il n'était peut-être pas le plus fin des cuisinier mais il avait passé assez de temps à Tokyo et d'autres régions plus perdues pour en connaître un rayon sur la cuisine traditionnelle, sans doute parce que l'art culinaire était celui qui rassemblait le plus facilement des personnes d'horizons très différents. Il n'y avait pas besoin de parler la même langue pour savourer un même plat.

- Japonais ce sera, dans ce cas. Très bien.

Apposant ses pieds nus sur son parquet, la sensation de frais lui remontant le long de la jambe et de la colonne vertébrale, l'Armstrong s'installa devant la cuisine avant de poser son t-shirt dans un coin, à l'abri des éventuelles éclaboussures qui pourraient déposer quelques tâches. Relevant la tête en écoutant la boutade de la belle plante, le sorcier se rappela qu'il n'était pas tout seul et que ses habitudes n'avaient pas forcément leur place ici. Il avait tellement passé de tout temps seul durant ces dernières années, ici et là, qu'il en avait presque oublié la vie en société et les règles de bonne conduite. Un gentleman ne pouvait décemment pas se déshabiller devant une demoiselle autrement que lors d'une situation intime ou romantique, ce qui n'était pas le cas ici. Enfin pas pour le moment.

- Hein?Ah pardon, l'habitude. Mais pour la cuisine j'aime autant rester comme ça pour le moment, histoire d'éviter de tâcher d'autres fringues. Sauf si ça te gêne, évidemment.

Il en avait oublié que se balader torse nu chez lui n'était pas une coutume partagée par tous. Aussi, si cela gênait vraiment la demoiselle, il n'hésiterait pas à se vêtir correctement. Alors qu'il laissait la demoiselle se balader dans son appartement sans crainte, Nathan décida enfin de partir sur un plat japonais assez classique mais qui fonctionnait toujours. Qui pouvait résister à des sushis et makis préparés avec attention ? Pas les produits dégueulasses que vous pouviez trouver en grande surface, bien évidemment. Après avoir passé ses mains sous l'eau il commença donc à rassembler une bonne quantité de riz afin de la rincer à l'eau froide, plusieurs fois, pour en retirer les impuretés.
Plongeant les mains dans le saladier pour mélanger le riz humide et le rincer, c fut avec un sourire en coin que le sorcier répondit franchement à la question de la demoiselle.

- Oula non. Franchement, qui voudrait vivre avec moi ? Tu imagines ?

Avait-il vu l'insinuation portée par cette question, sans en tenir compte, ou était-il trop concentré sur sa cuisine pour rebondir dessus ? Ni l'un, ni l'autre. Il était normal que la demoiselle s'inquiète au sujet d'une éventuellement autre personne susceptible de débarquer ici à chaque instant, mais il préférait la rassurer immédiatement sans forcer rebondir sur le sous-entendu. Le londonien était conscient de sa propre situation, il savait que le côté baroudeur et en marge de la société pouvait susciter autant de curiosité que de méfiance, c'était sans doute la raison pour laquelle il ne préférait pas en jouer pour arriver à ses fins. Que ce soit de part ses absences répétées ou par sa tête un peu dans les nuages, il se savait bizarre aux yeux des autres et ne savait pas comment quelqu'un pouvait envisager de passer ses mois voire même sa vie avec lui. Il n'avait pas honte de ce qu'il était, il savait juste que cela se mariait difficilement avec une relation durable.
Pointant du doigt un petit meuble dans le coin de la pièce, non loin de là où se trouvait Ula, l'hôte demanda finalement à son invitée :

- Au fait, si ça ne te dérange pas, est-ce que tu peux ouvrir ce meuble ? Il devrait y avoir une bouteille de saké qui ne demande qu'à être ouverte.

Elle y trouverait bon nombre de breuvages alcoolisés de bon nombre d destinations différentes, la grande majorité de ces bouteilles n'étant pas encore ouverte, mais le but ici était surtout de trinquer avec un alcool en rapport avec la cuisine du jour. Histoire de rester dans le thème. Écoutant ensuite la demoiselle lui demander la permission pour fumer, appréciant le fait qu'elle le demande car d'autres n'auraient pas pris cette précaution, il répondit d'un hochement de tête accompagné d'un :

- Ouais, tu peux. Fait comme chez toi.

Une fois le riz rincé le jeune homme rassembla le tout dans une grande casserole, ajoutant de l'eau avant de couvrir de tout pour laisser le tremper pendant quelques minutes. Rien ne servait de se presser de toute façon, ce genre de soirée était à apprécier comme un bon vin ou un bon plat : en prenant son temps. Faisant le tour du comptoir après s'être lavé et essuyé les mains, il s'adossa au rebord pour demander enfin à la jeune Ula :

- Au fait, c'est une petite faim que tu as ou assez grande pour te faire bouffer un cheval ?

Le but avoué était surtout de préparer les quantités nécessaires ou, à défaut, de préparer un second plat qu'il avait déjà en tête histoire de varier les plaisirs. Du fait de ses penchants évidents pour le sport Nathan pouvait se permettre de manger en grande quantité car le surplus était très rapidement éliminé, mais il ne voulait pas non plus noyer sa partenaire sous plus de nourriture qu'elle ne pourrait consommer.

Sans pour autant être un coureur de jupons, chose qu'il ne pouvait pas être en raison d'une éducation assez stricte sur l'importance d'être un gentleman dans ces jours sombres, le londonien avait tout de même eu plusieurs relations qui n'avaient pas duré plus de quelques mois pour la majorité d'entre elles. Était-ce lui le problème ou l'autre personne ? Il serait beaucoup trop facile d'accuser la demoiselle impliquée d'être toxique dans sa relation alors que ce n'était pas le cas, avec du recul et de son propre point de vue c'était sa propre personnalité qui était à l'origine de la fin de chacune de ses relations. Avoir la tête dans les étoiles et surtout la bougeotte n'était jamais bon pour une relation qui se voulait stable, pas quand le jeune sorcier était capable de partir à l'autre bout du monde du jour au lendemain sur un coup de tête. Certes il s'était un peu calmé sur ce côté-là, heureusement même, apprenant à aimer le cocooning, mais il ne pouvait pas changer sa nature profonde du jour au lendemain.
La demoiselle à côté de lui représentait-elle l'affaire d'un soir, une rencontre fugace ou bien plus ? Si Nathanael se surprenait à espérer que ce soit bien plus, dans l'espoir que cela finisse autrement que les fois précédentes, il préférait ne pas forcer le destin et attendre de voir où la vie finirait par mener le duo. À vrai dire comment ne pourrait-il pas trouver sa camarade du jour intéressante ? Contrairement aux londoniennes elle ne semblait pas coincée et n'avait pas sa langue dans sa poche, elle avait quelque chose de hors de la norme et, pour couronner le tout, elle avait une certaine beauté sauvage et sèche qui n'était pas désagréable.

Toujours en train de finir de préparer le rit, le faisant légèrement chauffer pour les besoins de la préparation, le londonien ne put retenir un sourire lorsque son invitée découvrit la caverne d’Ali baba de l'alcool, mettant en lumière le bon choix du sorcier en terme d'alcool.

- Merci. Même si j'ai pris l'habitude de boire du whisky comme du p'tit lait, j'essaye toujours de m'ouvrir à de nouveaux horizons.

Ce fut lorsque ses paroles furent sorties de sa bouche que l'Armstrong réalisa la signification qu'ils portaient, surtout la partie où il buvait du whisky comme si ce n'était rien. Quel message comptait-il faire passer en se décrivant de la sorte ? Pas celui qu'il désirait initialement en tout cas, cela lui apprendrait à parler avant de réfléchir.

- Bon, j'avoue que dit comme ça j'ai l'air d'un alcoolique, mais je sais me contrôler. Je t'assure.

Avant même qu'il ne puisse enchaîner avec d'autres explication sur son penchant pour les boissons alcoolisées, le jeune homme ne put empêcher un second sourire apparaître face à l'engouement de sa camarade pour l'absinthe. C'était sans nul doute l'alcool le plus traître et le plus dur à supporter de toute la collection du jeune londonien, ou du moins était-ce ce que les aficionados pourraient en penser.

- Ah ça, le souvenir d'un de mes voyages en France. Une pure merveille. Merveille que tu pourras goûter, tout à l'heure, si tu le souhaite.

Certes il voulait rester dans la thématique japonaise pour le moment mais il n'était pas homme à interdire quelqu'un de tester autre chose, surtout pas sous son toit. Elle pouvait bien mixer entre eux tous les alcools qui lui tombaient sous la main si cela lui chantait, à dire vrai Nathan la rejoindrait sans doute si une telle chose venait à se produire. Eh bien quoi ? C'était aussi cela de s'ouvrir à de nouveaux horizons.
Si le sorcier n'eut pas d'arrière-pensée ou quoi que ce soit du genre jusqu'à présent, certaines commencèrent à naître dans son esprit lorsqu'Ula rebondit sur ses goûts en matière d'alcool pour mettre en lumière le fait qu'il lui plaisait. Certes cela avait sans doute plus un lien avec l'alcool en lui-même que toute considération personnelle, à n'en pas douter, mais cette remarquer appela une réponse de la part du concerné.

- Le sentiment est partagé, je te l'assure.

Ce n'était pas le verre de tout à l'heure qui parlait mais bien lui, il n'était pas comme les jeunes étudiants qui feignaient l'indifférence pour masquer leur intérêt. Quand il appréciait une personne il ne voyait aucune raison de ne pas lui dire, même si une toute petite partie de lui criait dans ses oreilles de ne pas le faire. Cette partie de lui qu'il n'avait plus écouté depuis des années.
Passant ensuite à la faim qui enserrait l'estomac de la demoiselle, l'hôte fit ravi d'apprendre que cette faim n'était pas petite et qu'il n'allait pas devoir jouer le pingre sur la quantité.

- C'est parfait. Du coup s'il te reste de la place, après ça, tu auras le droit à une autre spécialité nipponne.

À quoi pensait-il ? Il y avait les sushis dans un premier temps mais, vu le temps, quelque chose de plus chaud pourrait faire l'affaire comme un omurice par exemple. Réfléchissant aux autres plats possibles en fonction de ce qu'il avait encore en stock, il ne tarda pas à répondre à la demoiselle concernant sa collection de bouteilles bluffante pour un seul homme.

- On peut dire ça. Tu sais quand elles visitent un pays certaines personnes ramènent un souvenir, les moldus peuvent aussi envoyer des cartes postales à leur famille. Moi, mes souvenirs sont représentés sous la forme d'alcool et de recette de cuisine en général. Du coup je sors une bouteille de temps en temps, quand la situation est assez spéciale, comme aujourd'hui.

Ne l'était-elle pas ? Le fait de rencontrer une femme n'était pas un fait exceptionnel pour le sportif, assurément pas, mais celle-ci était sans commune mesure avec les autres, avec un petit je-ne-sais-quoi de piquant. Connaissez-vous beaucoup de femmes qui avouent à un inconnu être fondues d'alcool ? Pour un homme un tel aveu n'était pas forcément très bien vu, alors imaginez-vous pour une femme ? Fort heureusement l'Armstrong avait été assez bien éduqué pour ne pas s'arrê^ter à de si bas jugements.

- Oh je ne vais pas te juger pour ça, tu sais. J'ai commencé à boire dés mes 18 ans et je n'ai jamais vraiment arrêté depuis cette époque.

Vint enfin l'heure de déboucher cette bouteille de saké Isojiman aux reflets bleutés, afin de voir si cette bouteille était aussi spéciale qu'on le lui avait fait entendre à l’époque. En lieu et place de verres classiques se trouvaient également deux tasses à sakés, chacune à peu près haute de cinq centimètres tout au plus. Certains pourraient croire qu'il s'agissait de verres à shots mais il n'en était rien, c'était généralement dans des verres de cette taille que cette boisson était consommée.
- Allez, c'est l'heure. On va trinquer. Disons...à cette soirée, à cette rencontre. Ça fait très cliché mais je m'en fous.

On lui avait vendu cette bouteille comme l'équivalent d'un Grand Cru pour un vin français, car le riz choisi pour cet alcool était cultivé dans une région très spéciale d'où le saké tirait as richesse. Que ce soit simplement un discours commercial pour vendre l'alcool ou non, le duo n'allait pas tarder à le savoir. Posant la bouteille sur le comptoir, Nathan dévissa le bouchon et immédiatement une senteur légère et familière vint titiller ses sens. Depuis combien de temps n'avait-il pas goûté à un alcool de riz ? Trop longtemps sans doute, il en avait même oublié le goût.
Versant cet alcool clair voire même translucide dans les deux petits verres, l'hôte tendit l'un des deux récipients à la demoiselle avait d'avaler le contenu de l'autre. Si au départ et malgré ses 17 pourcent l'alcool se voulait assez doux, lorsque Nathanael sentit le liquide descendre le long de sa gorge il réalisa soudainement que sous cette douceur se cachait un fort goût sec qui le prit réellement de court. Redécouvrant le goût de l'alcool de riz et surpris par l'arrière-goût de celui-ci, la réaction du sorcier ne se fit pas attendre.

- Ah ouais. Il est traître, le p'tit bâtard.

Attendant de voir la réaction de la demoiselle face à cet alcool nouveau, Nathan jeta un coup d’œil sur le comptoir en réalisant qu'enchaîner les alcools et utiliser un couteau très coupant n'allait surement pas faire bon ménage.

- Bon, il est temps que je passe à la découpe pendant que je suis encore en état. Sinon ça va être un coup à perdre des doigts dans l'opération, ce serait dommage.

À l'époque de Poudlard le jeune homme que vous avez devant vous n'était intéressé que par ses études pour des raisons personnelles et familiales, il ne connut les plaisirs de l'alcool et autres substances illicites qu'à partir du début de ses études supérieures, lorsqu'il eut enfin son indépendance en étant livré à la cruauté de ce monde. Bien entendu il ne regrettait pas ses choix le moins du monde, à quelques exceptions près, mais ne put cacher sa surprise face à la révélation de la demoiselle. Lui qui avait été si sage apprenait que la jeune irlandaise avait déjà goûté à l'alcool au moment où, lui, avait encore le né plongé dans les bouquins. C'était amusant de remarquer comment deux parcours diamétralement opposés parvenaient à créer deux adultes aux goûts qui n'étaient pas si différents l'un de l'autre, non ? Certes ils avaient quelques différences, à n'en pas douter, mais leur compatibilité était à présent une évidence.

- Ah ouais, pas mal !

Si Nathanael n'était pas forcément fier de couper sa camarade dans son élan de consommation d'alcool, lorsqu'Ula mentionna le fait de sauter sur la bouteille un peu plus tard le londonien répondit d'un hochement de tête.

- Évidemment.

Alors que le riz était à présent préparé, n'attendant plus qu'à être récupéré et moulé à la main pour correspondre aux attentes du duo, l'hôte écouta son invitée proposer son aide. Si la partie gentleman de sa personne le poussait à ne pas demander à une invitée de participer aux « corvées », sa partie plus raisonnable et logique ne pouvait décemment pas refuser une main tendue. Sortant donc les feuilles d'algue nori qui viendraient entourer les makis, mettant également de côté une bouteille de sauce soja salé et les deux récipients qui viendraient la recevoir, Nathan fit un geste de la main afin d'inviter la charmante Ula à venir à côté de lui.

- Eh bien écoute, pourquoi pas. Si tu sais comment préparer des makis, je veux bien te laisser t'y atteler ou, au moins, de sélectionner ce que tu veux y mettre.

Sur ces belles paroles le jeune homme extirpa deux concombres et deux avocats de son frigo, ainsi que plusieurs beaux morceaux de saumon, sans oublier du thon rouge qu'il avait assez galéré à trouver, la veille. Que serait un sushi sans du thon rouge ? Ce n'était peut-être pas du otoro, le plus gras et le meilleur d'entre eux, mais celui-ci ferait certainement l'affaire pour ce soir. Préparant dans un bol un mélange de vinaigre de riz ainsi que de sucre et de sel, afin d'y plonger plus tard les mains pour récupérer le riz sans qu'il ne lui colle aux doigts, Nathan écouta son invitée s'intéresser à son parcours professionnel. Comment en était-il arrivé là ? La première partie de la réponse fut un franc constat de sa vie passée, il n'avait rien à cacher de toute façon.

- C'est peut-être difficile à croire mais à l’époque de Poudlard j'étais renfermé sur moi-même, timide et à la limite de l’asociabilité. Pas la meilleure attitude pour se faire des amis, en somme.

À dire vrai, si on laissait de côté le cours de soin aux créatures magiques, Nathanael n'avait pas gardé de très bons souvenirs de cette période écolière, sans doute parce qu'il n'avait pas pris le temps de s'ouvrir aux autres autant qu'il était conseillé. Mais il n'allait pas refaire le passé de toute façon, seul le présent importait. Alors qu'il empoignait à un long et fin couteau des plus acérés, le sorcier déballa l'autre partie de son explication.

- En troisième année j'ai suivi le même cours que j'enseigne aujourd'hui, ça a fait « tilt » dans ma tête. Ces créatures me semblaient moins compliquées que mes camarades de classe, plus intéressantes aussi. Ça fait sans doute un peu acariâtre de dire que ça mais, parfois, je préfère encore la compagnie de ces créatures à celle de mes congénères.

Certaines de ces bêtes avaient quelque chose de pur et dépourvu de malice, leur présence était apaisante pour ceux qui voulaient bien les écouter et les comprendre sans les juger. L'Armstrong était de ces personnes-là. Certes ce discours le ferait passer pour un ours mais la base de toute relation n'était-elle pas l'honnêteté ? Fort de ce constat, il tint à apporter une correction concernant son isolement à l'égard de ses congénères.

- Sauf toi, évidemment.

Oui il était aussi subtil qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine, pour reprendre l'expression moldu, mais il fallait l'accepter comme tel. Se saisissant d'un morceau de saumon pour commencer à y découper quelques petites tranches, c'est en saisissant fermement son couteau, le regard baissé sur le poisson, qu'il lâcha quelque chose qui semblait être une évidence pour lui.

- Ça va sans doute te paraître très prématuré de te dire que tu me plais, mais je le dis quand même.

Certes il avait parfois l'âme d'un homme aimant flirter et jouer, à n'en pas douter, mais le jeu n'était amusant que pour une certaine durée. Il se doutait bien que la réponse de la demoiselle ne serait pas forcément sur le même ton, pas réciproque en tout cas, mais il préférait écarter toute ambiguïté et parler franc-jeu dés maintenant. Après tout il n'était guère connu pour aimer tourner autour du pot, quand il avait quelque chose en tête il le lâchait généralement sans filtre.

En ayant vu faire ses parents il y avait bien longtemps le jeune homme avait vite compris que les sorciers se servaient de la magie pour se simplifier la vie. Qu'il s'agisse de plier leurs affaires ou se déplacer d'un point à un autre, la magie était utilisée pour leur faire gagner du temps et ils avaient bien raison : ils auraient tort de se priver d'un tel formidable don. Ce fut au contact des moldus lors de ses études supérieurs que le jeune sorcier découvrit la cuisine manuelle à proprement parler et, si ses débuts furent quelque peu catastrophique, il vit dans cette pratique un réel intérêt. Les plats qu'il apprit à confectionner étaient peut-être d'une banalité affligeant, avouons-le, mais ils étaient le fruit de sa personne et de rien d'autre. Sûrement pas le fruit de la magie, ce constat ne pouvait que le remplir de satisfaction et de fierté, ce constat le poussa à continuer d'expérimenter encore et encore jusqu'à ce que ses pas le mènent dans les contrées les plus reculées de Hongrie ou de Suède.
Il n'était donc pas étonné que son invitée du jour ne connaisse pas la façon de confectionner un plat typiquement japonais, le londonien ne lui en tint pas rigueur le moins du monde. Pourquoi le ferait-il ? Ce n'était pas une tare, à coup sûr Ula devait posséder d'autres points forts. En parlant de point fort elle semblait assez curieuse et aventurière, ou du moins était-ce ce qu'en conclut son interlocuteur en ayant vent de ses expérimentations dans la bibliothèque de Poudlard, plusieurs années en arrière. Oh oui des événements semblables étaient trop rares pour que l'étudiant puisse les oublier, il se souvenait très bien avoir eu vent de cet incident mais surtout des conséquences de cette explosion.

- Maintenant que tu me le dis, je m'en rappelle. C'était toi ? J'ai dû déserter la bibliothèque pendant plusieurs jours, le temps qu'ils réparent les dégâts.

Alors comme cela elle aimait expérimenter des choses nouvelles, ou tout du moins dans sa prime jeunesse ? Nathanael aurait aimé pouvoir être aussi aventurier à cette jusque-là, mais il regrettait d'avoir été une telle poule mouillé durant cette période scolaire . Encore une chose avec laquelle il devrait vivre, fort heureusement ce Nathanael-là était bien loin, très très loin. Heureusement – ou malheureusement, selon le point de vue – le sorcier fut extirpé de ses pensées lorsque le sang fut coulé par inadvertance, comme l'avait supposé le sorcier à peine quelques secondes plus tôt. In le releva ni les excuses ni la gêne de sa camarade en voyant le sang couler, l'instant d'après sa déformation professionnelle prit le dessus.

- Ne bouge pas, laisse moi voir ça.

Ni une ni deux, Nathan se redressa et se rua vers la sale de bain avant d'y sortir une petite trousse à pharmacie, avant de revenir dans la cuisine à grandes enjambées. Il avait beau être baroudeur il n'avait pas oublié la partie Poufsouffle de sa personne, celle qui faisait de lui un homme profondément généreux et altruiste. Il avait passé assez d'années à soigner toutes sortes de créatures pour savoir comment s'occuper d'une simple plaie, après tout l'humain n'était qu'une créature parmi beaucoup d'autres. Entourant la main meurtrie de ses deux propres grandes mains avec une infinie douceur née de l'expérience, sans même faire attention aux cicatrices qui bardaient le bras de la demoiselle, le sorcier extirpa la main de l'eau pour étudier la plaie. Fort heureusement cela n'avait pas l'air de beaucoup saigner, signe que la coupure était peu profonde et donc facilement soignable.

- Ça n'a pas l'air d'être profond, heureusement.

Les yeux toujours rivés sur la plaie, l'Armstrong extirpé de sa trousse une compresse ainsi qu'un bandage et une solution antiseptique. Apposant un peu de cette solution sur la plaie pour la nettoyer, le sorcier posant ensuite une compresse avant d'entourer une partie de la main d'un bandage afin de maintenir la compresse en place. Bien sûr il devrait changer le bandage un peu plus tard dans la soirée, il devrait vérifier l'état de la plaie mais cette pansement fait maison ferait très bien l'affaire pour le moment.
Bien entendu une fois la plaie soignée les yeux du jeune homme remontèrent inévitablement vers les cicatrices sur le bras, mais aucune remarque ni aucune question ne vinrent rebondir sur cette observation. Chaque sorcier portait sur lui les cicatrices de son passé et, si la demoiselle ne souhaitait pas en parler, Nathan ne la forcerait certainement pas. C'est avec une volonté de détendre un peu l'atmosphère que le garçon rajouta finalement :

- Bon, si ça ne te gêne pas, pour ce soir c'est moi qui vais finir de faire la cuisine. En attendant tu peux changer de chemise, ou piquer mon t-shirt, si tu veux.

Entourant l'autre main de la demoiselle d'une des siennes afin de vérifier si elle n'était pas blessée là aussi, par acquis de conscience, c'est avec une once d'inquiétude non-dissimulée que le londonien plongea ses prunelles dans celles de son invitée meurtrie.

- Ça va aller ?

Si son inquiétude portait sur l'aspect physique de sa camarade il était évident que le mental était aussi en cause. En vérité le sportif avait très bien entendu la réponse de la demoiselle et savait à présent que tous deux se plaisaient mutuellement, ce qui était un vrai soulagement, mais il avait été trop pris par l'accident qui suivit pour pouvoir rebondir dessus. Mais maintenant il avait le temps, maintenant il avait le temps de se poser pour poser calmement les yeux sur son invitée et profiter de cet instant. Cet instant était le leur.

Sans avoir de formation d'infirmier le jeune sorcier avait appris sur le terrain comment soigner les créatures magiques et, de manière généralement, quelle que soit la créature, une plaie de ce type se soignait à peu près de la même façon. Il n'était peut-être pas expert en matière de médecine humaine, pas non plus un infirmier de terrain mais il aimait à penser qu'il ne se débrouillait finalement pas trop mal, restait à voir si son invitée allait pouvoir le confirmer ou pas. Celle-ci pouvait éventuellement être gênée par la proximité avec son hôte mais, si c'était le cas, il n'en faisait rien savoir pour le moment. Mais peut-être était-ce tout le contraire, alors ? C'était possible mais le sorcier se préoccupait trop de son bien-être pour se poser ce genre de question pour le moment, une fois que la pression serait retombée il pourrait s'y autoriser. Bougeant la tête de gauche à droite, symbole d'une réponse négative, le londonien ne manqua pas de réagir face aux excuses de la demoiselle qui n'avaient pas leur place ici.

-T’inquiète pas, je me débrouillerai. J'ai vu pire.

Elle n'avait pas à s'excuser pour un détail aussi insignifiant que du sang sur un vêtement, du moment qu'elle allait bien c'était pour l'instant le point le plus important. Et puis si le baroudeur avait supporté de porter des fringues tâchées de sang de créatures magiques, il pouvait supporter de voir quelques tâches rougeâtres de plus sur cette chemise. Ce n'était pas comme s'il n'en avait pas plusieurs autres dans son armoire, heureusement. Cependant une fois le choc de la première blessure passée et le soufflet enfin retombé, la demoiselle sembla désireuse d'expliquer tout à son hôte sans que celui-ci n'ait eu besoin d'insister à aucun moment. Il ne l'aurait pas fait de toute façon, ce n'était pas du tout son style.

- Même si je peux être un livre ouvert, je comprendrais que tu veuille garder ça pour toi. Mais si tu veux en parler, évidemment, je reste là.

Comme aimait à lui répéter sa mère, chaque personne avait son petit jardin secret et il convenait à un gentleman de respect ce côté privé de la vie d'un individu. C'était pour cela qu'il réprimait sa curiosité naturelle la plupart du temps, parce que cela ne le regardait pas. Mais ici c'était différent car la volonté venait de son interlocutrice, sans intervention extérieur, aussi Nathanael se montra le plus attentif possible. Contrairement à sa propre vie qui fut mouvementée mais aussi paisible finalement, la demoiselle face à lui semblait encore porter en elle de lourdes blessures du passé et son hôte comprenait sa réticence première à s'ouvrir à ce sujet. Qui voudrait ressasser d'aussi douloureux souvenirs ? Seule une personne au caractère assez fort pour tenir debout face à ce raz-de-marée émotionnel en serait capable, sans doute était-ce le cas de la belle Ula.
Sentant encore le goût et la chaleur du second verre de saké couler le long de sa gorge, Nathan resta interdit pendant quelques secondes sans avoir que répondre. Il estimait que la moindre de ses paroles serait bien vaine face à la douleur qu'avait ressenti la belle, aucun mot ne pourrait malheureusement apaiser ces maux. Aussi, plutôt que de laisser un silence s'installa, il laissa s'exprimer l'organe vital qui battait dans sa poitrine en continu.

- Un sacré parcours, c'est clair. Tu t'en sors mieux que je ne l'aurai fait, sans doute. Par contre, est-ce que c'est présomptueux de ma part de vouloir m'assurer qu'il ne t'arrive plus rien de comparable ? Je préfère demander, histoire de ne pas sembler trop...collant.

Peut-être était-ce son côté altruiste ou l'affection nouvelle pour la demoiselle qui parlaient, mais au final il ressentait le besoin impérieux de s'assurer que la blessure que portait la demoiselle serait la dernière qu'elle recevrait jamais. Était-ce une profonde affection ou autre chose ? La question n'avait même pas à être posée. Tendant un autre verre à son compagne du jour pour lui donner du courage après s'être ouverte à lui, comme une récompense, le sorcier la rejoignit également en s'en remplissant un. Décidément, tout traître qu'il était, ce petit saké passait plutôt bien quand on y était habitué.

- C’est fini.

Ces mots à eux seuls ne voulaient pas dire grand chose mais, quand le sportif se releva, ils prirent tout leur sens. L'Armstrong sentait que la demoiselle avait besoin de se sentir en sécurité après s'être ouverte de la sorte, après avoir ramené à la surface d'aussi douloureux souvenirs. Aussi fit-il quelques pas jusqu'à arriver dans le dos de la belle, avant de l'entourer de ses larges bras qui, pour le coup, se voulaient protecteur. D'ordinaire il n'était pas le plus démonstration des hommes sur le plus physique, pas quand il s'agissait de câlins ou toute autre chose, mais ici la situation était différente et nécessitait une approche plus émotionnelle.
Les bras chauds et nus du jeune homme toujours autant de la demoiselle, comme une barrière protectrice, Nathanael se surprit à laisser son front se poser contre le sommet du crâne de la belle plante avant de répéter enfin ces mêmes mots.

- C’est fini, maintenant.

Par le passé et du fait d'une timidité pesante le jeune homme n'avait jamais été très démonstratif envers le sexe opposé, il n'avait jamais été très démonstratif tout court pour faire plus simple et en avait presque honte en y repensant. Il avait fallu attendre le début de ses études supérieures et ses premières soirées arrosées pour que ses inhibitions s'envolent et que, au cours de la soirée, il se sente enfin assez à l'aise pour approcher une demoiselle avec des intentions toutes sauf purement platoniques. Certes il avait découvert les plaisirs de la chair et de la passion sur le tard, il n'essayait même pas de le cacher, mais on pouvait dire qu'il s'était assez bien rattrapé depuis ce temps-là. En revanche aujourd'hui était une journée différente, déjà parce qu'il avait mené la belle jusqu'à chez lui sans aucune arrière pensée, en aucun cas pour jouer, mais aussi parce que la demoiselle était différente des autres. Certes cette expression avait été usée jusqu'à l'os par tous les Don Juan désireux de mettre une jeune femme dans leur lit, en les faisant se sentir spéciales à leurs yeux, mais ici elle était aussi sincère que difficilement explicable par l'athlète. Que ce soit la personnalité, le look vestimentaire ou la façon qu'elle avait de se comporter et de parler, elle était unique en son genre et c'était une chose que personne ne pouvait lui enlever.
Certes son hôte du jour ne connaissait pas son parcours professionnel ou ses aspirations profondes, autant d'éléments qu'il découvrirait peut-être plus tard, mais pour l'heure le morceau de la demoiselle qu'il connaissait lui plaisait plutôt pas mal. Elle était différente des autres et ce simple constat titilla assez le sorcier pour qu'il désire en savoir plus.

Sous son côté baroudeur et nonchalant, détaché de tout, se trouvait un homme ayant à cœur de bien faire et gentleman avant tout. Comment aurait-il pu en être autrement ? Son père l'avait éduqué pour qu'il soit un modèle de vertu et de manières, car la goujaterie était le pire trait qu'un homme pourrait arborer et le père Armstrong désirait que ses fils soient tout aussi exemplaires que lui. Alors oui Nathanael se montrait extrêmement prévenant envers la gente féminine même si le concept de gentleman pouvait sembler tout droit sorti d'une lointaine époque. Aussi, lorsque le sang de la demoiselle fut coulé par inadvertance, le côté protecteur du sorcier prit le dessus et ses réflexes nés de l'habitude firent le reste.
Mais maintenant que le soufflet était retombé et que la panique des premières secondes était envolée, déjà bien loin, le jeune sorcier ressentit toujours un pincement au cœur du fait de la proximité avec la demoiselle. Il mit donc quelques secondes à réaliser que ce n'était pas lié à l'incident juste avant, mais bien au message que son cœur essayait de lui faire passer depuis tout à l'heure. Était-ce l'alcool ou la stress qui avaient rendu cet homme aveugle aux signaux de son cœur ? Probablement un peu des deux mais à présent il y voyait plus clair, ce qui le poussa à aller plus en avant dans son rôle de protecteur.

Entourer la demoiselle de ses bras était un pari risqué car cela pourrait très bien avoir l'effet inverse de celui escompté, Ula pourrait fuir en se sentant oppressée par cette proximité, mais elle n'en fit rien. Au contraire, elle surprit son hôte en joignant leurs mains ensemble comme pour se rapprocher encore davantage de lui. L'Armstrong aurait très bien pu se contenter de cette proximité, de rester tout contre elle pendant des minutes ou des erreurs mais, une fois encore, Ula le prit de court par le geste qui suivi.
En voyant le visage de la belle se rapprocher du sien le cerveau du jeune homme comprit ce qui était sur le point de se passer, bien entendu, mais entre comprendre et accepter il y avait un monde qu'il eu du mal à franchir. L'instant d'après leurs lèvres finirent par se rejoindre dans une valse sensuelle qui provoqua chez le jeune homme un frisson descendant le long de sa colonne vertébrale, le figeant pendant un très court instant. Ce n'était pas son premier baiser mais, pour dire les choses clairement, cela faisait au minimum de nombreux mois qu'il n'avait pas ressenti une telle proximité physique avec un autre individu. La faute à ses interminables expéditions sans doute.

Repoussant la surprise initiale au moment de se séparer de la demoiselle, Nathan ne fut pas surpris que la concerne semble presque regretter son geste car il était le fruit d'une impulsion plus que d'une réflexion. Souriant à l'écoute de cette excuse qui n'était nullement nécessaire, il avala un autre verre de saké avant de se rapprocher une nouvelle fois de la belle.

- Dans ce cas, laisse moi être stupide.

Laissant l'une de ses mains glisser dans le dos de la demoiselle tandis que l'autre se posait délicatement sur sa joue, à son tour le jeune homme ouvrit les yeux et laissa son cœur s'exprimer à la place de son cerveau généralement beaucoup trop sollicité. Avant que la demoiselle ne puisse vraiment s'y préparer le futur enseignant joignit ses lèvres à celles de la belle dans une danse qui n'avait d'égal en intensité que leur premier et précédent baiser. Même si cette danse dura plus longtemps que la précédente, ce fut regret que l'homme s'éloigna de la belle surtout pour reprendre sa respiration.
Un sourire sur le visage, il posa ses prunelles dans celles d'Ula pour s'enquérir de son état.

- Ça va mieux, maintenant ?

Il se doutait bien qu'un baiser à lui seul ne signifiait peut-être pas grand chose, il ne pourrait peut-être pas soigner le cœur meurtri de sa camarade mais qui serait-il pour ne pas essayer ? Pour ne pas leur donner une chance ? S'écartant légèrement de la demoiselle en sentant toujours sa présence proche de lui, Nathan alla remplir deux verres : ils en avaient tous les deux bien besoin.

- Sacrée soirée, hein ?