Pandora Atkins est née le quatre avril 2008 à six heures trente-deux d’une mère sorcière et d’un père moldu.
Elle avait déjà tout pour être le plus heureux des bébés. Sauf son prénom, peut-être. « On va l’appeler Pandora, en l’honneur de Pandore, la première femme, qui avait la réputation d’être magnifique. Pandore, ça veut dire ornée de tous les dons ». En effet, Pandora se trouva dotée de dons magiques ; en revanche, elle cumula les difficultés, car son père avait oublié que Pandore n’était réellement célèbre que pour sa sinistre boîte à malheurs.
Pourtant, Pandora commença sa vie comme une princesse dans un conte de fées. Habitant en Irlande, dans un village très proche de Greystones, elle avait autour d’elle des falaises qui surplombaient une mer calme et étincelante, des forêts à perte de vue, de quoi occuper des journées entières et tisser des rêves bercés d’exploration. Sa famille était le pilier de ses rêveries : une mère aimante et attentionnée, un père qui se plaisait à l’endormir en lui racontant les légendes d’autrefois. Une enfance parfaite, somme toute, qui se compléta à ses cinq ans, à la naissance de son petit frère Jason. « Parce que Jason était un grand héros qui a traversé les mers et a apporté la célèbre Toison d’or, symbole d’abondance ! »
Une enfance idyllique, donc, puis une lettre pour Poudlard, puis des rêves encore plus fous, des rêves de magie, de connaissances nouvelles, de livres aussi (enfin, une vraie bibliothèque !). Mais, évidement, quand on s’appelle Pandora, les rêves ne durent pas, alors le sien se transforma en un long cauchemar duquel elle ne s’est toujours pas réveillée.
Après une première année réussie brillamment (on se demanda même comment elle avait pu intégrer aussi vite ses leçons, certains la surprirent même à emprunter des livres de deuxième année à la bibliothèque), Pandora reçut, un petit matin de décembre, alors qu’elle entamait sa deuxième année à Poudlard, un hibou de ses parents. Son père lui demandait de façon pressante de quitter au plus vite l’école au vu du nouveau règlement mangemort qui s’instaurait peu à peu ; mais le lendemain, un autre hibou, envoyé par sa mère cette fois, lui ordonnait d’attendre les vacances de Noël. Lorsqu’elle rentra chez elle pour les fêtes, Pandora comprit que le seul évènement marquant de ce vingt-cinq décembre 2019 était la crise qui dévastait ses parents. Son père, d’un côté, angoissait quant au contexte du monde magique, tandis que sa mère faisait son possible pour calmer le jeu. « Tu ne vas pas laisser la magie ruiner nos vies ! » lui avait rétorqué son père en coupant la dinde de Noël.
C’était le début de la descente aux Enfers.
En effet, quand Pandora finit sa deuxième année, les choses empirèrent. Son père, hors de lui, décida que sa fille ne remettrait plus un pied dans cette école, et que c’en était fini, de la sorcellerie, d’autant qu’avec les évènements récents et le litige qui opposait ses parents, Pandora avait complètement décroché au point de redoubler sa deuxième année. Mais sa mère s’opposait vivement à ce qu’elle quitte Poudlard. La magie, selon elle, est un instrument puissant : il peut être dangereux entre les mains de mauvaises personnes, mais il peut être un atout majeur quand il est utilisé avec de bonnes intentions. Leur désaccord était tel que sa chère famille, que son cocon, explosa : ses parents divorcèrent.
Pandora réintégra Poudlard mais avec moins d’engouement qu’avant. Tu ne vas pas laisser la magie ruiner nos vies. La magie était-elle si mauvaise que ça ? Après tout, elle avait conduit à la mort de plusieurs élèves, et à la destruction de sa famille. Cette pensée se mit à germer en son esprit, alors elle étudia les Runes pour essayer de remonter l’histoire de la magie et se forger son propre avis ; car sa mère est convaincue de son bienfait là où son père lui prêche de quitter ce monde.
Mais le pire était encore à venir : en 2022, les mangemorts prirent le contrôle total du monde magique, aboutissant à une bataille sanglante. Elle passa le début de son été en cellule psychologique, dans un état de peur déplorable, son enthousiasme d’avant réduit à néant, et rentra chez elle à la mi-août.
Et son père avait fui avec Jason à l’étranger, sans avertir personne, sans même attendre le retour de sa fille pour lui dire au revoir. Jason, le héros qui traverse les mers ! Décidément, son père avait le chic pour donner des prénoms maudits.
Pandora passa ainsi la fin de son été assise sur le sable, elle qui avait horreur de sentir les grains humides dans ses chaussures, à regarder l’horizon et attendre un bateau qui ramènerait son père et son petit frère, qui devrait intégrer l’école dès l’année prochaine.
Mais ce bateau salvateur ne vint jamais.
Désormais en quatrième année, Pandora est assaillie par des pensées tumultueuses : la magie est-elle vraiment un cadeau, ou ne serait-elle pas plutôt une malédiction ? C’était donc ça, sa boîte à malheurs, la magie ? La magie était si puissante qu’elle pouvait détruire l’amour ? L’amour après dix-sept ans de mariage, l’amour paternel ? L’amour ne valait donc rien ? Pandora est en colère contre son père qui avait fui sans elle, sans même un au revoir, sans même lui laisser le temps d’embrasser son frère, alors qu’elle était déjà épuisée moralement. D’un autre côté, elle se surprend parfois à être compréhensive au-delà de la rage qui anime ses veines.
Attristée et surtout apeurée, blessée, perdue et incapable d’attachement, Pandora s’est renfermée sur elle-même, usant beaucoup plus de cynisme et de silence, sa seule carapace pour cacher ses sombres doutes. Car évidement, elle n’a parlé à personne du départ de son père et de Jason. A quoi bon ?
La magie avait de toute évidence dores et déjà ruiné toute sa vie.

Lydia Mc Allan Atkins est une sorcière d’ascendance pure. Elle est vétérinaire pour les créatures magiques, profession qu’elle pratique depuis plus de vingt ans, ayant fêté ses quarante ans en septembre dernier. Irréductible optimiste au fond de son âme, elle a toujours été persuadée du bienfondé de la magie et de toutes les potentialités qu’elle apporte. Elle garde un excellent souvenir de ses années à Poudlard et souhaite que sa fille s’y plaise autant, malgré la période sombre que l’école traverse. « Il faut garder la tête haute et affronter les tempêtes » , répète-t-elle sans cesse à Pandora. Les bonnes choses prennent du temps, elle le sait, mais elle reste profondément convaincue que tôt au tard tout ira mieux, et ce jour-là, Pandora sera fière d’être sorcière, elle aussi. Elle a su lui transmettre sa passion des animaux magiques : pourquoi pas son espoir ?
Elliot Atkins est pour sa part un moldu très fier de ses origines. Il a grandi en Irlande et est tombé amoureux de ce pays depuis son premier souffle : il était prêt à exercer tous les métiers du monde pourvu qu’il puisse, tous les dimanches, se promener le long des côtes sauvages et admirer la mer en contrebas. Finalement, il devint postier, ce qui lui convenait d’autant plus : cela lui assurait la tranquillité du village qu’il avait toujours fréquenté.
Evidement, les choses se compliquèrent le jour où il apprit que la femme qu’il avait l’intention d’épouser n’était autre qu’une sorcière ; mais il fit preuve d’ouverture d’esprit, accepta le risque que ses enfants soient eux aussi « magiciens » et fonda une petite famille tranquille avec Lydia. Dans le fond, il était profondément heureux : il pouvait se promener tous les dimanches sur les côtes et jouir d’une famille soudée ; il avait même trouvé chez sa fille les oreilles prêtes à écouter ses vieilles histoires de légendes et de mythes dont il avait hérité de son arrière grand-père. Pandora et Jason, deux prénoms ambitieux pour deux enfants merveilleux dont il était éperdument passionné.
Mais il découvrit peu à peu les aspects sombres de la magie ; les sorciers aussi connaissaient la guerre et la souffrance, le sang et les larmes. Il fit tout ce qu’il put pour convaincre Lydia du mauvais côté de la magie, mais elle restait sourde à ses supplications. Sa seule solution fut le divorce, puis la fuite avec Jason. Il était trop tard pour Pandora, mais Jason, lui, était encore assez jeune pour rompre tout contact avec cet univers. Ce fut la décision la plus difficile de sa vie : quitter ses terres, et sa famille. Mais s’il avait une chance de sauver son dernier enfant, alors, il n’eut plus de doute.
Jason Atkins est un jeune adolescent de dix ans. Pour sa part, il n’a pas encore eu l’occasion de nouer avec la magie, mais il a toujours été très admiratif de sa mère lorsqu’elle faisait la vaisselle avec sa baguette ou quand elle ramenait un hibou blessé à la maison pour le guérir avec quelques plantes secrètes. Sa sœur lui racontait également ses aventures à Poudlard et tout cela ne faisait qu’attiser sa hâte de partir à la rencontre du monde magique ; mais son père lui avertit du danger qu’il encourait en lui dévoilant les scènes d’horreur que sa sœur avait eu à affronter. Il se laissa convaincre qu’il était urgent pour lui de fuir avant que Poudlard ne le réclame. « C’est un sacrifice pour toi », avait noté son père, « mais tous les héros doivent faire des sacrifices ». Alors Jason le suivit sans discuter ; mais il pleura, il pleura pendant trois jours entiers alors il en vint à se demander, sur le bateau pour quitter l’Irlande, si aucun héros n’avait jamais autant pleuré que lui, et si sa sœur aussi, là-bas, dans son école magique, pleurait, elle aussi. Ou avait-elle un sort pour effacer ses larmes ?

Poudlard.
Sa mère lui avait raconté quelques histoires sur cette école. « Tu verras, c’est un immense château en pierres, la première fois que je l’ai vu c’était comme dans un rêve… »
Un rêve, mais bien éveillé, se confirma-t-elle en arrivant au pied du château. Un immense sourire se dressa sur ses lèvres, et alors elle en oublia instantanément le voyage interminable qu’elle venait d’effectuer en train, un voyage qu’elle avait essayé de raccourcir en lisant mais qui lui avait quand même paru une éternité.
Elle en oublia même les petites larmes qui avaient roulé sur ses joues quand elle avait dû saluer ses parents et Jason. Cela lui paraissait désormais si loin, par rapport aux hautes toitures de la bâtisse qui, illuminées de tache de lumière (des fenêtres très probablement, la nuit ne permettait pas de tout distinguer avec clarté) s’enfonçaient dans les nuages.
Poudlard, c’était un rêve, un rêve éveillé, mais encore mieux, parce que ce n’était pas du tout un rêve, c’était vrai, et ça allait être sa réalité pendant sept ans. Et pendant un instant, elle songea que cet endroit merveilleux valait bien quelques larmes, que la magie valait bien un peu de tristesse.
Puis il fallut monter dans les barques, et son excitation monta d’un cran, une nouvelle fois. Elle était tellement contente qu’elle en oublia sa réserve naturelle et ne put s’empêcher de discuter avec son voisin, le même garçon qui avait partagé son trajet en Poudlard Express. Il n’est finalement pas très loquasse, songea-t-elle après quelques échanges ; alors elle sauta à terre et rejoignit les autres devant la grande entrée quand le garçon, qui s’appelait en fait Oz, la rattrapa et se mit à…Danser avec elle.
« Non mais faut que t’arrêtes, t’as l’air d’un bouffon ! »
C’était gênant, il fallait le dire ; mais, d’un autre côté, elle se dit qu’il avait du cran, de danser et de paraître ridicule devant tout le monde, devant tous ces gens qu’il ne connaissait pas. Il avait du cran, ou alors il était sacrément surexcité, comme elle, et c’était sûrement cette pensée qui réussit à lui arracher un sourire derrière sa honte apparente.
Heureusement, il s’arrêta dès que les portes s’ouvrirent. Le spectacle qui s’étendait devant elle était tel qu’elle en oublia de fermer la bouche un instant ; des chandelles volantes, des étudiants de partout, de la lumière, de la joie, de la… de la magie.
« Y a un fucking chapeau qui parle ! »
Et oui, il y avait aussi ce chapeau qui parlait et qui assignait une maison à chacun. Sa mère lui en avait parlé, peu avant qu’elle monte dans le Poudlard Express. Elle lui avait dit qu’elle serait fière d’elle, qu’importe sa maison ; et Pandora n’avait pas vraiment compris en quoi une maison pouvait influer son comportement, comme si certaines étaient moins respectables que d’autres.
« Et toi maman, tu étais où ? »
« Moi, je me considérais comme une étudiante de Poudlard avant tout. Mais, si tu veux savoir, j’étais chez Poufsouffle. »
« Poufsouffle, c’est quoi ce nom ?? »
« POUFSOUFFLE ! » hurla le choixpeau, l’extirpant de sa rêverie.
Oz, le garçon dansant, venait d’être assigné à cette maison.
Et c’était maintenant son tour.

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