Le soleil à son zénith illumine les collines du Clackmannanshire, les rayons, ou peut-être pleut-il. Disons qu'il pleut, pour la énième fois depuis le début du mois. La terre inondée, gorgée d'eau, les pauvres touffes d'un vert sale baignent recourbées dans une boue sombre, d'énormes flaques se forment sur les routes, et les cultures se transforment en rizières. Le ciel d'un gris trop clair voit arriver de nouveaux nuages, les gazs rejetés par des usines installés quelques kilomètres plus loin. La pluie tombe, et martèle le sol, faisant danser les flaques et crever les cultures. Un oiseau s'approche en solitaire, dévoré par la faim, prêt à tout pour un peu de nourriture. Il pose ses fines et courtes pattes dans la boue et y laisse une empreinte éphémère. De son oeil vif il fouille l'herbe, attend le mouvement de peur d'un asticot remonté par la pluie à la surface. Mais rien ne vient, rien ne bouge à part l'eau que pisse les nuages et qui s'écrase sur ses plumes noires. Affamé mais forcé de partir, il ouvre grand ses ailes, et, avec force, s'extirpe de cette vase. Plus loin, un homme habillé d'un ciré jaune, les mains couvertes par des gants rigides aux couleurs fades, penché au-dessus de ses cultures mesure l'étendue des dégâts. Les sols sont inondés, les insectes nourrissant la terre, partis, et rien n'a assez poussé pour être récolté. Ses bottes s'enfoncent sous sa certaine masse, concentrée dans son ventre, à présent maculées de cette matière gluante et dégoulinante qui sèche bien trop vite. Ses traits durcis et surtout trempés malgré son chapeau, jaune lui aussi, il peste. Contre tout, le mauvais temps principalement. Il tape du pied et arrose de vase la seule chose qui jusqu'à présent le gardait au chaud, son jean. Il s'énerve toujours plus, et rentre chez lui en criant contre sa femme. Une vache réfugiée dans un hangar le regarde de loin, les yeux fixes et vides, la mâchoire inférieure écrasant sans arrêt la mixture d'herbe, qui fut un jour une pelouse, qu'elle mange lentement. Désintéressé, elle se retourne et rejoint les flancs chauds de ses camarades, serrées les unes contre les autres.
Bienvenue à Clackmannanshire, comté d'Écosse totalement perdu!
Bref, là où j'ai passé, même avec la meilleure volonté du monde, les cinq années les plus ennuyeuses, pluvieuses, épuisantes, et oubliables de par l'inexistence de vie humaine à des kilomètres à la ronde, de ma courte vie.

Ah et le petit paysan qui en a marre de la vie et qui se les gèle... je le connais pas. Mais paix à son âme, quelle vie chiatique.

Maintenant que nous avons tous pleuré sous la pluie et que notre micro-dépression est passée, laissez moi vous présenter la vie de paysan au pays des leprechauns, des trèfles, de la bière et des roux.

Le paysage n'avait pas tant changé pour mes jeunes yeux de futur fermier, les collines verdoyantes, les champs à perte de vue, quelques troupeaux, des oiseaux plein le ciel et la mer qui s'écrasait contre le rivage, les falaises avec frénésie. Heureusement pour nous, ce nouveau paradis était baigné de soleil, l'herbe étincelait de la fine rosée de l'aube, les reflets dorés de l'astre faisaient scintiller les eaux enragée étrangement calmées par la nuit. Nous avions fait nos adieux à la pluie qui glace le corps, à la boue qui s'accroche aux bottes, et aux gémissements plaintif du chat qu'on ne laissait pas sortir. Et bien que totalement perdus au fond d'une terre délaissée, sans véritable ville aux alentours, notre petit bout d'Irlande était l'objet d'un amour tendre et d'une fierté cachée. J'y ai grandi, dans un calme et une sérénité qui parfois ressort chez moi, avec pour seul entourage mes parents. Seulement, vous y avez sûrement déjà pensé, je ne suis pas né génie et mes parents ne pouvaient vraiment m'envoyer en ville suivre des cours non pas à cause du financement mais plutôt de la trop grande distance nous séparant d'un petit village, la question de l'école fut donc posée mais bien vite ce problème fut résolu. Il fut décidé que ce serait la classe à la maison, et l'école dans les champs. On pouvait donc me voir le matin, à l'heure où s'éveille la campagne, sortir les vaches puis courir vers la maison, assister aux leçons que ma mère me donnait, et dès que le soleil reprenait sa course vers les falaises, trimer dans les champs avec mon père, ou calculant les rations des vaches, des poules.

Cela devait être quand j'avais neuf ans, ou peut-être dix, qu'elle me le dit. Une sorcière! Ma mère qui déjà m'impressionnait me fit tout à coup rêver. Ce jour-là mon métier me parut une évidence même. Éleveur de chouettes et hiboux. Le souvenir de la tour, de ces messagers au vol majestueux, silencieux comme la nuit. Je m'accordais alors une heure avant de rentrer, en compagnie de ces rapaces. Une chevechette à mon avant bras, elle s'élançait dans les airs et me suivait d'en haut jusqu'aux falaises, alors que le soleil s'en allait paresseusement, et que l'océan -on m'avait finalement dévoilé le secret de cette "mer" - murmurait son chant enivrant, fouettant mes cheveux trop long de gouttelettes salées. Shhh shhh...


Ma lettre d'admission à Poudlard provoqua quelques cris de joie chez mes parents, et une effervescence qui se transforma bientôt en nervosité, empressement, et parfois colère. Ma mère me prêta -ou plutôt me força à lire - tous ses livres relatant de magie ou qu'elle avait utilisé étant plus jeune, à Ilvermorny. Elle passait les repas à reparler de ses années scolaires américaines, des professeurs, des cours, de ses rêves, et mon père que la sorcellerie avait toujours envoûté l'écoutait sans se lasser, il buvait ses paroles. Je me refugiais de plus en plus dans ma chambre, encombrée de parchemins couverts d'une écriture maladroite, de vieux livres à la reliure fragile, de flacons qui avaient dû passer un certain temps à moisir et dont s'échappait une étrange odeur, voire même quelques plantes séchées pour un précoce enseignement d'herbologie. Mais lire ces longs paragraphes où on t'explique avec bien trop de détails la vie d'une sorcière méchamment ennuyeuse, ce n'était pas vraiment ma tasse de thé. Ou de bière. ( Mais je n'avais -et n'ai toujours pas, l'âge d'en consommer.) Je les survolais donc, remarquant à peine la presque centaine de dates qui les accompagnait. Le casque enfoncé sur la tête, la musique jouant ses notes brutales dans mes oreilles, je me concentrais sur le manuel de potions qui avait fait la rencontre d'une des souris affamées de la grange. Chaque page était comme un cadeau de Noël qu'on découvre les yeux remplis d'étoiles et d'étincelles. Le soir, j'ouvrais la petite valise planquée sous mon lit, où se bousculaient bouquets de fleurs et d'herbes séchées, matière organique en tout genre et même quelques pierres. J'admirais les couleurs transparentes des ailes des petits insectes morts, recroquevillés, je caressais les feuilles douces de sauge, et j'observais d'un oeil protecteur les...crottes de lapin. Non. Huuuumm qu'est ce que ça fait dans ma valise ça?! Magnifiques excréments du rongeur du coin que je remplaçais par une plume grise d'épervier.

(Ne vous en faîtes pas, la fin est proche, bravo aux survivants)

Un petit mois plus tard, un petit mois à récolter tout ce qui traînait dans les champs au lieu d'aider mon père, un petit mois à lire dès l'aube des bouquins qui jamais ne me serviront. Sérieusement, Communiquer efficacement avec des sangs purs pour les Nuls?...Booon. me voilà donc parti vers cette magnifique terre de magie, de sorciers, et...de pluie, de boue, comme on se retrouve Écosse ! Nous n'atteignîmes le château que la nuit tombée et, franchement, Belle bête! Voilà. Je vous avais dit que la fin était proche!

J'ai la chance merveilleuse d'avoir mes deux parents encore bien vivants, amoureux et heureux. Ce sont de bonnes personnes avec leurs qualités et leurs défauts mais c'est ce qui les rend géniaux.
Tout d'abord ! Ma Maman; humm...comment vous la décrire sans passer pour un hypocrite, sans déverser tout mon amour de fils ou sans donner l'impression de la bouder. Voilà, Maman c'est une femme née en Irlande, et fière de sa nationalité et des longs cheveux roux. Elle a et aura toujours trente-huit ans pour moi, cet âge lui va bien. Elle est très gentille, douce avec tout le monde même les inconnus, elle est aussi très bavarde et avec Papa on en place pas une. Elle adore la nature et l'air marin c'est pour ça qu'elle a insisté pour qu'on s'installe sur la côte. Mais parfois, elle s'énerve, contre moi, contre Papa. Et franchement ça m'énerve quand elle m'accuse injustement. Parfois, elle peut se montrer sévère et exigeante, elle a un ton beaucoup plus dur et même si ça blesse ma petite fierté d'enfant unique, je fais ce qu'elle me demande. Mais il y a un truc de génial avec ma mère, c'est une sorcière ! Et malgré ses pouvoirs magiques, elle trime aux champs avec nous, elle ne sert pas de sa magie pour que les plantes poussent comme des grandes. En effet, s'il y a bien une leçon que j'ai retenue c'est de savoir me passer de la magie et de trouver une solution "moldue" à mes problèmes avant d'user de la magie.
Ensuite ! Mon Papa; il est né en Écosse et il était fils d'un paysan, fils de paysan. Je n'ai jamais vraiment compris comment il a rencontré Maman mais je sais qu'il ne l'a jamais regardée autrement que comme la plus belle créature au monde, et le fait qu'elle soit une sorcière n'y a rien changé, il l'aime pour qui elle est pas ce qu'elle est. Il doit avoir environ trente-neuf ans je pense. C'est quelqu'un de plutôt passif, de très patient et qu'il n'a pas peur de se salir ayant grandi dans la boue écossaise. Il s'emporte très peu et ne boit pas. Quand j'étais petit, il jouait beaucoup avec moi mais depuis que je me suis un peu ouvert au monde interactif qu'est Internet, que je me suis plongé dans les bouquins et que je ne passe que deux mois avec eux, il me traite comme un homme.
L'année dernière, ma mère m'a annoncé une grande nouvelle! Je vais avoir une petite soeur ! Elle sera née quand je rentrerai de ma troisième année ! J'ai hâte qu'elle grandisse et que je lui apprenne quelques tours quand je pourrai pratiquer la magie sans que ce soit interdit.

Après, vous vous doutez bien que je ne connais pas grand monde, isolé comme je suis. Ah si! La chevechette! Vous pouvez l'appeler...Aithbhreac Donnfhlaidh

J'espérais fort que l'école ne serait pas le même enfer que le voyage qui y menait.

Les matinées irlandaises et leurs paysages d'or, de sel et d'herbe avaient toujours été de pures merveilles à mes yeux et jamais ce spectacle ne m'avait laissé. Quand l'aube pointait, que la ferme se réveillait, je me levais, face au soleil et prêt à démarrer une nouvelle journée. Quand les champs brillaient de rosée, je m'habillais à peine pour la fraîcheur extérieure et courait à travers les rangs des cultures, dans les prés des animaux. Quand ce matin-là le réveil des bêtes sonna, c'est sans joie aucune que je suis descendu, ai mangé, et me suis préparé en hâte, attrapant la malle qui m'attendait, pressé par mes parents nerveux. L'emploi du temps était si serré qu'il était impossible de se permettre la moindre rêverie. Encore à moitié endormi, je quittais ces courbes que je connaissais par coeur et que je ne reverrai que l'année suivante. Je regrettais déjà mon départ mais il était impossible de faire marche arrière, pas avec les deux adultes effrénés à l'avant de la voiture qui discutaient enthousiasmés et me criaient parfois quelques conseils par dessus la radio qui grésillait à côté de mon oreille une douce musique accompagnée de commentaire, un parfait somnifère. Ainsi, nous traversâmes l'Irelande dans toute sa largeur, Ballycastle, Ballina, Swinford, Strokestown, Longford, Kinnegad, Kilcock, Lucan, Dublin. Et pour rendre ces trois heures de voyage utiles, je rattrapais le précieux sommeil que j'avais perdu.

Il devait être huit heures et une vingtaine de minutes lorsque nous arrivîmes, et notre vol fut annoncé une bonne heure plus tard. J'embarquai avec ma mère, laissant mon père à l'aéroport, avec la voiture. L'appareil était peu rempli à l'arrière, mais la classe supérieure était littéralement bondée et c'est d'un oeil envieux que j'observais le confort dont ils profitaient. Une fois dans les airs, ma mère se décida que ce qui serrait mon ventre devait être assez faible car elle me rappela pour la énième fois comment s'était passé la cérémonie de répartition chez elle et comment certain avaient presque échoué. Et c'est donc "en paix avec moi-même" que je me rendormai cette fois-ci pour une courte soixantaine de minutes seulement.

Lorsque l'avion se posa et que nous sortîmes de l'aéroport bruyant où tous se bousculaient, la ville bien trop vivante de Londres m'assaillit et je regrettai les collines de ma belle Irelande. Mes petits yeux grand ouverts, ma vue butait contre les immeubles, les bâtiments si haut, les voitures qui roulaient dans un tonnerre assourdissant, les passants qui murmuraient à leur téléphone, les touristes qui parlaient fort. La main protectrice de ma mère, ma seule ancre dans ce nouveau monde, ma perche de secours, me lâcha tandis qu'elle tentait d'attraper un taxi. Après quelques tentatives, un véhicule noir s'approcha du trottoir, s'arrêta, et ma mère ouvrit la portière pour que j'y entre. Je m'asseyai sur la banquette arrière de mauvais gré, je ne faisais pas assez confiance à cet inconnu qui pouvait nous emmener où il le souhaitait. À mon plus grand soulagement, le trajet ne dura qu'une quarantaine de minutes et j'enchaînai siestes courtes et admiration de mon pantalon ne voulant sous aucun prétexte regarder dehors. Et enfin se dressait face à nous la gare de King's Cross. Je savais que bientôt je me retrouverai seul et cela m'effrayait un peu. Pour vous épargner tous les détails des couloirs et des escalators -avec une malle comme celle que je traîne derrière moi, c'est préférable aux escaliers, disons que nous nous rejoignons devant le passage. Et je pense que comme beaucoup de jeune sorciers, lorsque ma mère m'indiqua comment passer la barrière, je me contentai de la regarder puis le pilier, de nouveau elle et encore le pilier. Maman...es-tu vraiment en train de me demander de foncer dans un pilier...en briques?! Mais ma mère était aussi une sorcière alors je la crus et courus tête baissée, yeux fermés, et soudain réapparu sur le quai de l'imposant train qui m'emmènerait à Poudlard.Une fois confortablement installé, ma mère souhaita une dernière fois bonne chance, embrassa mon front comme elle le faisait peu souvent, descendit du train et me sourit presque cachée par les parents qui arrivaient avec leurs enfants traînaient du pied alors que le train partait bientôt. Quand le sifflement aiguë de la machine retentit et que de la fumée s'échappa de sa cheminée, tous les adultes et enfants encore présents sur le quai reculèrent et semblèrent se diriger vers la droite, nous étions partis. Je n'attendis pas et sortis un des livres que j'avais avec moi, chantonnant l'air qui m'avait bercé durant mon long voyage du matin. Une petite demi-heure plus tard, bien que le livre me passionne, les lettres se confondaient, tombaient, les images coulaient, les chiffres devenaient fous. Je rangeai donc la pile de bouquins et me couchai, sans entendre la bande d'enfants qui était entrée voyant le compartiment habité de ma seule présence.

Encore une fois, la durée du trajet m'est très floue car alors que le train était presque arrivé à son terminus, un des gamins de mon compartiment daigna me taper l'épaule et me prévenir d'enfiler rapidement ma robe de sorcier. Je lui criai merci! et farfouillai en catastrophe dans mes affaires. Grâce à je-ne-sais quel miracle, quand tous les élèves furent sortis du long serpent de fer, je réussis aussi à m'en extirper. Je rattrapai la foule d'élèves en robe noir qui se dirigeait vers un imposant château. Le bâtiment était si grand qu'il était digne des châteaux forts d'Irelande, et malgré ses murs de pierre, la lune avait réussi à lui offrir cet aspect particulier, comme un fantôme entre toutes ces collines qui n'en finissaient pas. Et tandis que nous nous raprochions, sa magnificence se confirmait, les centaines de fenêtres qui capturaient les rayons nacrés, les toits d'ardoise qui scintillaient d'argent, et le chemin de bougies. Les yeux tout à fait émerveillés par ce spectacle à couper le souffle, je tombai amoureux sans m'en rendre compte des alentours verdoyants du château. Nous fûmes conduits jusqu'à une porte aussi grandiose que ce qu'elle gardait puis emmenés en haut d'un escalier où nous attendait un professeur. Il délivra son discours mais je n'écoutai pas, me nourrissant de ce qui m'entourait, remplissant ma tête des merveilles qui composaient Poudlard, du moins ce que j'en avais vu. Et bien qu'une peur de vivre dans un endroit fermé tente s'insinuer dans mon coeur, la grande salle orné de son véritable ciel, où s'arrangaient quatre tables d'une quinzaine de mètres environ, et le plafond qui s'élevait bien trop haut la chassèrent. Le professeur nous mena jusqu'à un tabouret où attendait un vieux chapeau de cuir, pointu. Concentré dans ma contemplation de l'environnement, je ne faisais pas attention aux chuchotements de ceux qui m'entouraient, conseillant telle ou telle maison. Des noms furent appelés, et le chapeau de cuir criait une maison dont la table applaudissait bruyamment. Je fixais à présent tous ces visages inconnus avec lesquels je passerai sept ans, d'autres moins. Mais ma contemplation fut interrompue lorsque j'entendis avec un certain étonnement;
Aodhgan Eanraig Buchanan
Je m'avançai, m'assis sur le tabouret, et attendis sans hâte ni mollesse la sentence.