Elles avaient réussi. Cette potion était un véritable succès et elles pouvaient enfin aller contempler le résultat final de leur projet. Si Astride avait bien évidemment le moment où il faudrait le planter, elle n’avait pas envisagé une seule seconde qu’elle puisse véritablement vivre ce moment. La réalisation de la préparation lui avait semblé nettement plus complexe que tout ce qu’elle avait pu faire jusqu’à maintenant et sachant qu’elle n’était pas vraiment douée pour ce qui était de la réalisation, la jeune fille n’aurait jamais parié sur leur victoire, si elle pouvait appeler ça comme ça. Ce n’était qu’une demi-victoire en réalité. Il leur restait encore à planter leur petit arbre encore à l’état de graine, ce qui ne serait pas non plus d’une facilité déconcertante. Cependant, la chance ayant toujours été de leur côté, jusqu’à maintenant, Astride se plaisait à croire que ça serait toujours le cas cette fois-ci. C’est donc avec le sourire qu’elle suivit son amie à l’extérieure, heureuse d’attaque une nouvelle étape toute aussi intéressante que les précédentes.

« Une petite idée ?! Tu te souviens ce que disait le livre ? Quel genre d’endroit est le mieux adapté pour permettre à l’arbre de s’épanouir au mieux ? »

Là, ça coinçait un peu. Astride avait été persuadée que l’étape la plus compliquée serait la potion, elle avait bien sûr, lu la suite du bouquin et avait remarqué qu’il n’y avait pas trop d’indications concernant la façon dont il fallait planter l’arbre et encore moins le moyen ou les moyens de l’entretenir. Sur le coup, ça ne l’avait pas trop perturbée, elle s’était simplement dit que la potion était vraiment très compliquée à préparer et que, considérant leur chance de réussite, mieux valait qu’elle se concentre sur cette fameuses préparation afin d’en découvrir toutes les subtilités avant le jour J. Mais maintenant, les choses étaient différentes. Le plus dur était peut-être derrière elles, mais elles attaquaient une étape bien plus floue dans l’esprit de la Poufsouffle qui avait soudainement l’impression d’être un peu larguée. Heureusement, elle s’y connaissait pas mal que ce soit en jardinage moldu ou en botanique version sorcière, et si elle pouvait réussir à combiner toutes ses connaissances, peut-être parviendrait-elle à obtenir un résultat satisfaisant.

« C’est ça le problème, en fait, le livre ne le disait pas vraiment. Il expliquait toutes les étapes de la plantation, mais pas du tout le milieu idéal, ni la température, ni la façon de l’entretenir… Je suppose que chaque bouquin a ses lacunes et là, on en a trouvé une belle. » Déclara la jeune fille en fronçant les sourcils. « Mais rassure-toi, je connais pas mal de choses sur les arbres fruitiers… J’ai fait beaucoup de jardinage avec ma mère et avec tous les cours particuliers que j’ai eu avec le professeur Londubat, ce serait un crime que je ne sois pas capable de trouver le bon environnement. »

Astride avait eu peut-être un peu trop tendance à voir l’aspect positif des choses. Mais qui pourrait le lui reprocher ? Elle venait de réussir toutes les deux là où beaucoup d’autres élèves de leur âge auraient échoué et le sentiment de bonheur qui l’avait envahi n’y était probablement pas étranger. Alors forcément, après cette grande et merveilleuse expérience, elle plongeait dans une vague d’optimiste dont elle peinait à se dégager. De toute façon, elle n’en avait pas réellement envie. Il était agréable de voir les choses du bon côté, pour une fois. Il lui arrivait tellement souvent d’angoisser pour un rien de se poser mille et une question et de devoir surmonter hésitations sur hésitations grâce à un long conflit avec elle-même qu’elle savourait ce moment de détente bien plus qu’elle ne l’avait imaginé. Si on lui avait demandé là, maintenant, tout de suite, ce qu’elle pensait des révisions, Astride aurait certainement répondu qu’elle avait bien travaillé toute l’année et que ses notes seraient fabuleuses quoi qu’il puisse se produire. Bien évidemment, elle ne penserait plus la même chose le lendemain, c’est pourquoi il lui fallait profiter de cet état de béatitude proche de la débilité profonde… Mais pas trop quand même.

« Enfin, je suis peut-être un peu optimiste. » Reprit-elle. « En fait, le plus gros problème c’est que notre arbre est un mélange de plusieurs espèces, par exemple, un poirier et un pommier n’ont pas du tout besoin des mêmes choses pour se développer, et c’est valable pour tous les autres arbres fruitiers… Du coup, si on fait un peu de tri dans tout ça, je pense qu’on devrait trouver un endroit relativement ensoleillé, les terres trop humides favorisent les maladies, donc il faut absolument éviter qu’il soit trop à l’ombre, mais il faudrait aussi qu’il soit un peu à l’abri, j’ai un peu peur des autres élèves. Ah et loin des autres plantes, sinon ils vont se battre pour récupérer ce qu’a l’autre et l’un des deux en pâtira. »

Voilà qui était tout de même légèrement plus réaliste. Si la jeune fille volait toujours de nuage rose en nuage rose parmi les éléphants de la même couleur, elle parvenait tout de même à retrouver ses esprits ou en tout cas à avoir le minimum vital de lucidité pour qu’elles parviennent à prendre une véritable décision. Yasha semblait être un peu moins à l’ouest qu’elle sur ce coup-là et Astride était prête à se fier à deux mille pourcents à son jugement qui serait sans doute nettement plus fiable que le sien à ce moment de leur chouette petite aventure. Cependant, elle savait que son amie comptait sur elle et qu’il leur faudrait réfléchir ensemble à la solution la mieux adaptée. Elles avaient parcouru tout ce chemin toutes les deux et elles arrivaient maintenant à l’étape finale de leur réalisation, il aurait été vraiment dommage de tout gâcher à cause d’une stupide euphorie légèrement prématurée. La Poufsouffle allait peut-être avoir du mal à être aussi sérieuse que d’habitude, mais elle allait faire attention à ne rien laisser paraitre de sa jubilation intérieure qui devait être, elle en était persuadée, bien trop contagieuse.

« On peut le mettre pas trop loin du lac ? » Hésita la jeune fille. «  S’il fait trop chaud, cet été, ça lui permettra d’être hydraté quand même, vu qu’on ne pourra pas s’en occuper et ce n’est pas là où il y a le plus de végétation, donc il ne risque pas d’être trop embêté. Par contre, cet hiver, il ne sera pas à l’abri de l’humidité, mais si on trouve un endroit pas trop loin du mur d’enceinte, il pourra être un peu protégé du vent… »

Voilà la véritable Astrice, celle qui se prenait la tête pour un rien, cherchait la solution la mieux adaptée sans se contenter d’un « à-peu-près » que beaucoup d’autres auraient considéré comme plus que satisfaisant. Si elles réussissaient, la Poufsouffle voulait que ce soit totalement et que personne ne puisse faire la moindre critique. Leur projet était particulièrement ambitieux et si elle pouvait prouver à tout le monde qu’il était à la hauteur de leurs capacités, ce serait fantastique.

Spoiler:

« J’adhère à 100%, près du lac ce n’est pas trop mal. Après, je suis plutôt d’avis à le mettre à une distance assez raisonnable, on ne sait jamais, il y a des créatures bien malignes dans ses eaux… et je ne leur fais pas vraiment confiance. Après, pour ce qui est de le protéger du vent, je pense que si on le met à l’est du lac, il sera moins exposé aux rafales. Il ne faut pas qu’on le protège trop non plus sinon il risquerait d’être trop fragile et de fléchir à la moindre tempête. »

A croire que Yasha avait eu vent de sa petite escapade, information qui lui donnait la nausée. Elle détestait s’être fait embarquer dans ce plan foireux, encore plus aux côtés de Naïa Rosenberg. Elle peinait encore à croire qu’elle avait pu, elle, une élève modèle, aller nager dans un lac réputé comme particulièrement dangereux. Elle le pensait sans aucune prétention, elle savait simplement qu’elle n’était pas du genre à faire des bêtises contrairement à de nombreux autres élèves et son manque d’esprit d’initiative pouvait être à la fois un défaut et une qualité. Alors pourquoi y était-elle allée sans même obliger Naïa à les supplier pour le faire ? Ça restait encore à déterminer. Elle était peut-être un peu curieuse de nature, mais elle n’avait jamais eu envie d’aller à la recherche de sirènes sanguinaires, sirènes qu’elles n’avaient même pas été fichues de trouver finalement. Tout ce qu’elles avaient récolté était une jolie retenue et une honte indestructible pour la Poufsouffle qui n’avait pas l’habitude d’être sermonée.

« Oui, tu as raison, j’ai tendance à oublier que ce n’est qu’un arbre et que ça ne sert à rien de le surprotéger. »

Elle faisait un peu comme avec ses frères et sœurs finalement, ou encore avec les autres élèves de première année. Astride avait toujours été une maman poule avant l’heure d’aussi loin qu’elle s’en souvienne. Elle aimait savoir qu’elle apportait son aide aux autres, surtout aux plus jeunes. Pourtant, elle avait bien conscience que son parcours n’était pas irréprochable et que ce n’était pas à elle de dire aux autres quoi dire ou quoi faire dans leur vie, mais c’était plus fort qu’elle, elle aimait écouter, répondre aux questions et conseiller plus que n’importe quoi d’autre. C’était d’ailleurs un des aspects de son futur métier qu’elle adorait. La jeune fille avait entendu à maintes reprises qu’un médecin devait avant tout être à l’écoute de son patient et elle avait bien l’intention de l’être. Bien sûr, elle ne pouvait pas savoir à l’avance comment ça se passerait pour elle, ni même si elle ne déciderait pas de changer de cursus en cours de route, mais elle était persuadée que rien ne la ferait changer de chemin.

« Ça ne va pas te faire bizarre quand tout ça sera terminé ?! Depuis le temps qu’on travaille sur ce projet je dois t’avouer que ça va me faire bizarre de ne plus plancher dessus… je ne pensais pas que ça me ferait cet effet ! »

Yasha ne croyait pas si bien dire. Mine de rien, leurs petites recherches leur avaient pris un certain temps et la jeune fille avait l’habitude de faire ses recherches à la bibliothèque dès qu’elle avait un peu de temps. Alors d’accord, le fait de ne plus avoir ça à faire lui permettrait de se concentrer sur autre chose, d’aller de l’avant, et elle garderait un bon souvenir de cette expérience, mais elle n’avait pas franchement envie que ça s’arrête déjà, leur aventure avait été beaucoup trop courte. Lorsqu’elles préparaient encore la liste des choses qu’elles allaient devoir faire pour planter cet arbre, les deux Poufsouffle avaient certainement eu l’impression que la tâche était bien trop importante et qu’elles ne s’en sortiraient jamais. Maintenant que tout ça touchait à sa fin, la jeune fille avait finalement l’impression qu’elles avaient réussie beaucoup trop rapidement et qu’elles n’avaient pas eu le temps de vraiment en profiter. Evidemment, c’était totalement faux, Astride s’en rendait bien compte quand elle pensait à tous les bons moments qu’elles avaient passé toutes les deux à préparer le résultat final qu’elles n’allaient pas tarder à obtenir.

« Si, j’ai un pincement au cœur rien que d’y penser, on se sera vraiment bien amusé, mais toutes les bonnes choses ont une fin. »

Astride restait persuadée que ce n’était pas la dernière aventure qu’elles vivraient toutes les deux. C’était Yasha qui avait eu l’idée grâce à la Gazette, mais elles avaient toutes les deux mis leur cœur et tout ce qu’elle pouvait dans la réalisation de ce projet et l’une comme l’autre pouvaient en être particulièrement fières. La jeune fille ne savait pas encore ce qu’elles pourraient trouver d’autre pour s’amuser d’autant plus qu’elles devraient toutes les deux passer leurs ASPICs l’an prochain. Leur masse de travail serait encore plus importante et elle n’était pas sûre de réussir à décompresser assez pour s’amuser un peu. Elle voulait bien réussir à dominer ses angoisses, mais il y avait des limites à ne pas franchir et celle des examens de fin d’année était la pire de toute. En sachant qu’il y avait un diplôme aussi important à la clé, la Poufsouffle serait tout bonnement incapable de se détendre ne serait-ce qu’un minimum. Si elle avait choisi de passer ses vacances d’été chez elle, c’était non seulement pour voir un peu plus sa famille mais aussi pour pouvoir prendre de l’avance sur le programme, chose que beaucoup d’élèves auraient trouvé aberrant, seulement, pour Astride, c’était tout simplement vital.

« Ici, c’est parfait ! » S’exclama-t-elle avec enthousiasme. « Et j’ai amené deux ou trois trucs utiles. »

La jeune fille s’était arrêtée à une bonne dizaine de pas du lac comme recommandé par Yasha, elle était certaine que l’emplacement qu’elles avaient choisi ensemble était idéal. Ce n’était pas comme si elles n’avaient pas réfléchi avant de prendre une telle direction. La Poufsouffle posa donc son sac à terre et s’agenouilla pour en sortir son contenu, bénissant le sortilège qui permettait de mettre tout un tas de trucs dedans. Des pelles, et autres ustensiles de jardinages vinrent s’amonceler sur l’herbe ainsi qu’un ouvrage sur les sortilèges liés à la croissance des plantes magiques. Astride espérait avoir bien tout prévu, elles n’avaient plus le temps de trouver de nouvelles choses à présent.

«  Evidemment, aucune explication sur la plantation de ce type arbre, rien de bien précis. Il va surement falloir en combiner plusieurs pour avoir le plus idéal… Hum, voyons voir… ça semble assez similaire quand même. De toute façon, pas le choix, il faut commencer par creuser ! Pour la suite, on avisera après. »

Astride hocha la tête, ravie que son amie s’intéresse d’un peu plus près à son bouquin. Pour être honnête, elle avait eu l’étrange sensation d’en avoir trop fait jusqu’à présent. Elle amenait toujours une tonne de babioles inutiles avec elle, lisait au moins autant de bouquins et étalait sa science à tout bout de champ avec des informations plus ou moins constructives pour ce qu’elles avaient à accomplir. Certes, ça la rassurait de savoir qu’elle n’avait rien laissé au hasard et pour une angoissé comme elle, avoir toutes les cartes en main pour réussir était quelque chose de primordial. Cependant, elle n’avait pas envie de se montrer barbante, elles étaient là pour s’amuser avant toute chose et si Yasha l’avait supportée jusqu’ici, elle aurait pu en avoir vraiment marre qu’elle fasse sa petite chef et la Poufsouffle n’aurait vraiment pas pu lui en vouloir, c’était tout à fait légitime de sa part. Mais non, son amie était fidèle à elle-même, agréable, gentille et elle ne semblait absolument pas perturbée par sa façon de faire, fort heureusement pour Astride qui s’y était un peu habituée.

« Ce n’est pas comme si la terre était sèche… »

A peine s’était-elle agenouillée sur le sol que la jeune fille comprit l’ironie dont venait de faire preuve son amie. Elles auraient dû s’y attendre, c’était le début de l’été et il n’avait pas plu depuis un bon moment. Elles avaient choisi de ne pas rester trop proches du lac et ça avait forcément des conséquences. Si Astride était certaine qu’en creusant un peu, elles trouveraient une terre molle et parfaitement exploitable, sur le dessus, ce n’était pas encore ça et il allait être compliqué de creuser comme elles en avaient envie. La jeune fille s’accorda donc un instant de réflexion pour déterminer la façon dont elle pouvait procéder, il était hors de question qu’elles s’épuisent à la tâche s’il y avait une façon plus simple d’arriver à leur fin et fort heureusement pour les deux jeunes filles, elles avaient l’avantage d’évoluer dans le monde de la magie depuis de nombreuses années. La Poufsouffle se leva, donc, pour attraper sa baguette. A chaque problème, sa solution et elle venait d’en trouver une excellente, ou du moins, elle le pensait.

« Aguamenti. » Prononça-t-elle d’une voix claire et assurée.

Un jet d’eau jaillit de sa baguette et vint humidifier la terre qu’elles s’apprêtaient à creuser. Elle ne le laissa pas couler longtemps, elle savait pertinemment qu’il n’était pas intelligent de travailler une terre trempée, mais la rendre meuble et plus facile à dégager ne pouvait que leur rendre service. Une fois satisfaite de son travail, elle se laissa retomber aux côtés de son amie et attrapa le premier transplantoir qui lui tomba sous la main pour pouvoir tester la rigidité du sol. Très concentrée, Astride ne prononçait plus le moindre mot. Elle avait eu l’habitude de travailler en silence lorsqu’elle se retrouvait en cours particulier avec le professeur Londubat, celui-ci n’ouvrait la bouche que pour lui donner des instructions ou la reprendre lorsqu’elle s’y prenait mal ce qui était assez étrange compte tenu du fait qu’il était plutôt bavard comme enseignant. C’était d’ailleurs quelque chose qui lui avait tout de suite plu chez lui, il savait mettre les élèves à l’aise et ses angoisses disparaissaient quand il arrivait. Il n’y avait pourtant pas de vraie amitié ou encore moins de sentiments amoureux entre eux, il avait été son professeur rien de plus, cependant, elle gardait un très bon souvenir des moments passés avec son enseignant.

« C’est déjà plus simple. » Déclara-t-elle après s’être de nouveau agenouillée auprès de son amie. « On va croire qu’on a enterré un cadavre dans le parc, j’ose pas imaginer la tête qu’ils feront, tous, quand on va retourner au château dans un état lamentable. »

Elle anticipait, les deux jeunes filles n’avaient même pas encore commencé à travailler sur leur arbre, mais elle était bien placée pour savoir que c’était une activité particulièrement salissante et qu’il valait mieux s’habiller en conséquence. Sauf qu’Astride avait beau avoir tout prévu, elle n’avait pas voulu prendre une combinaison d’astronaute pour aller se promener dans le parc de peur d’attirer l’attention sur elle. A dire vrai, même si elle avait peur de ce que pourrait devenir l’arbre en son absence, elle était quand même soulagée de savoir que d’autres élèves ne le saccageraient pas, tout simplement parce qu’ils partaient eux aussi et n’auraient donc pas la possibilité de le faire. Peu d’entre eux savaient tout le travail qu’elles avaient dû fournir pour parvenir à un tel résultat et de toute façon, ils étaient encore moins nombreux à pouvoir comprendre quelle valeur il avait à leurs yeux. Les adolescents étaient bien souvent immatures, tout le monde savait ça et pour peu que l’un d’entre eux les prenne en grippe, elles pouvaient lui dire adieu dès maintenant. Pour chasser ses sombres pensées, la Poufsouffle se mit à creuser avec acharnement, dégageant toute la terre possible pour pouvoir y planter leur bébé.

« Tu crois que c’est assez profond ? » Demanda-t-elle anxieusement après quelques minutes de travail. « J’ai pas envie qu’il ait du mal à se développer parce qu’on a pas su le planter correctement, on ne sera pas là pour voir ça en plus. »

La jeune fille se recula légèrement comme pour jauger la taille du trou qu’elle venait de creuser. Ses mains étaient pleines de terre, mais ça ne la dérangeait pas. En fermant les yeux, elle aurait pu se croire de retour dans le jardin de sa mère où elle prenait plaisir à jardiner. Astride était d’ailleurs sûre et certaine qu’elle n’oublierait pas de raconter cet épisode marquant de sa scolarité à sa maman qui serait contente d’apprendre que sa fille chérie avait une activité normale, pour une fois. Cette pensée fit sourire la Poufsouffle qui attendait toujours le verdict de son amie.

« Alala qu’est-ce que je ferai sans toi et tes magnifiques réflexes… Il faudrait vraiment que j’apprenne à réfléchir de la même façon que toi ! »

La jeune fille rougit légèrement mais ne répondit pas. De toute façon, elle ne savait pas trop quoi dire dans ces moments-là mis à part qu’elle exagérait et que ce n’était pas vrai du tout. Sauf qu’elles avaient déjà eu cette conversation et elle savait pertinemment que Yasha l’encouragerait à croire en elle et en ses capacités. Elle l’écouterait avec attention tout en sachant pertinemment que ses angoisses et son manque de confiance étaient ce qui la définissait, elle ne se voyait pas s’en débarrasser, ou en tout cas, pas en claquant des doigts. C’était étrange, pourtant ses amis lui disaient sans cesse qu’elle était quelqu’un de bien, qu’elle était plutôt douée, pas pour tout bien sûr, mais elle avait des capacités, comme tout le monde, mais elle n’avait jamais réussi à le croire. Un jour peut-être, si elle parvenait à réussir tout ce qu’elle voulait dans sa vie, elle finirait par comprendre qu’elle n’était pas si nulle que ça. Enfin, elle ne se considérait pas en permanence comme un boulet, elle était même fière de ses résultats scolaires et de ce qu’elle parvenait à faire en travaillant avec acharnement. Cependant, elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle n’en faisait pas assez, c’était comme ça depuis qu’elle était toute petite.

« La profondeur me semble parfaite, je valide ! Il ne nous reste plus qu’à verser notre petite fiole pour laisser notre petit bonhomme d’arbre grandir. »

L’enthousiasme de Yasha faisait plaisir à voir et lorsqu’elle attrapa son sac pour demander à Astride de fouiller dedans, la jeune fille attrapa la fiole rapidement afin de compléter leur œuvre. C’était le moment de vérité maintenant, celui qui donnerait naissance à leur arbre et même si c’était un peu effrayant puisque ça signifiait la fin de leur aventure, la Poufsouffle ressentait une grande fierté à l’idée de voir tout son travail s’achever pour donner naissance à leur projet. Elle plongea la main une nouvelle fois dans son sac pour en sortir une petite pochette en soie où elle avait dissimulé la graine dont elles avaient besoin. Elle l’avait fauché dans le bureau du professeur Londubat en essayant de se convaincre qu’il le lui aurait certainement donné s’il en avait eu l’occasion. En la sortant de son étui, elle eut tout de même un léger sentiment de culpabilité, sentiment qui s’estompa lorsqu’elle pensa au chef-d’œuvre qu’elles allaient produire. Elle la posa donc délicatement dans la terre et entreprit de la recouvrir de terre, rebouchant le trou qu’elles avaient précédemment créé avec l’aide de Yasha.

« On peut dire que notre arbre est officiellement planté maintenant. Ca fait quelque chose… »

Eh oui, le trou était rebouché, elles n’avaient plus qu’à verser la petite potion dessus pour que l’arbre grandisse et sorte de terre. Bien sûr, elle savait que la potion accélérait le développement de l’arbre en plus de lui donner son caractère si particulier, mais ce n’était pas pour ça qu’il n’aurait pas besoin d’une attention particulière, au contraire. Il allait sortit de terre dix fois plus rapidement que n’importe quel arbre, mais il allait rester petit et fragile, ce n’était pas comme si elles avaient le pouvoir de le faire arriver directement à maturité, ce serait bien plus simple. Astride hésita à verser les quelques gouttes de potion elle-même avant de choisir de laisser Yasha faire. Après tout, c’était elle qui avait lancé l’idée du projet, la symbolique voulait que ce soit elle également qui mette un point final à leur aventure. La Poufsouffle attrapa donc la fiole et la posa dans les mains de son amie, espérant que celle-ci ne refuse pas le « cadeau » qu’elle venait de lui faire, tout simplement parce que ce n’en était pas un, c’était un rôle qui lui revenait de droit. Astride avait conscience qu’elle en avait déjà fait beaucoup et que son amie avait été sympa de la laisser faire, il était juste que les choses changent à présent que tout était sur le point de se terminer.

« Il faut bien finir en beauté ma belle Astride… et je sais que tout comme moi tu aimes la texture de la terre molle. »

La jeune fit prit un air outré, mais le grand sourire qui se peignit sur son visage ne laissait pas place au doute. Elle s’amusait follement et ce n’était pas un peu de boue qui allait la déranger. Yasha semblait heureuse d’être ici avec elle et ça la réjouissait. C’était dans un moment comme celui-là qu’elle avait dû mal à imaginer qu’elle ait pu être la petite fille solitaire qui hantait ses souvenirs. Depuis qu’elle était à Poudlard, elle était entourée et heureuse. Même si parfois, elle cafouillait un peu, en règle générale, elle choisissait plutôt bien ses amis et aimait les aider lorsqu’ils en avaient besoin. Savoir qu’Hecate partait à la fin de cette année, fin qui approchait à grands pas, l’angoissait toujours autant, mais contrairement à il y a quelques mois, Astride avait l’impression qu’elle parviendrait à s’en sortir sans avoir besoin que sa meilleure amie lui serve de maman de substitution. C’était un grand pas qu’elle faisait en avant et elle en était elle-même étonnée. Mais bien sûr, elle n’avait pas l’intention d’en parler à la Serdaigle qui prendrait très certainement mal le fait qu’elle puisse se passer d’elle.

« Récurvite. » Dit-elle en pointant sa baguette sur les taches. « L’avantage d’être une sorcière c’est qu’on peut arranger ça facilement. Mais tu sais, quand j’ai appris que j’allais entrer à Poudlard et que je pouvais faire l’usage de la magie, le truc que je préférais c’était jouer à la majorette avec ma baguette. Pour moi, c’était le top du top dans ma nouvelle vie de sorcière, à croire que rien d’autre n’avait d’importance. »

Avouer ce délire lui aurait fait peur en temps normal, elle aurait flippé en se demandant si elle n’allait pas perdre son amie parce qu’elle s’était montrée bizarre ou parce qu’elle ne semblait pas attristée par le fait d’être une née-moldue, mais elle faisait totalement confiance à Yasha. Les deux amies étaient déjà proches auparavant, mais la Poufsouffle avait tout de même conscience que cette histoire les avait vraiment rapprochées. Si jamais elle devait avoir un gros problème au sein de l’école un jour, Astride savait que ce serait vers sa camarade de dortoir qu’elle pourrait se tourner pour demander de l’aide. Non, elle ne cherchait absolument pas à remplacer sa meilleure amie. Elle avait passé six ans avec Hecate et rien ni personne ne pourrait venir briser leur amitié, mais il était plaisant de se rendre compte qu’elle ne serait pas complètement isolée, mieux, même, elle pourrait se confier et c’était vraiment important pour la jeune fille. Bien sûr, rien ne lui disait que Yasha pensait de la même façon qu’elle mais Astride pensait connaitre assez sa camarade de dortoir pour imaginer que ce serait le cas.

« Mais ce n’est pas parce que ça s’efface que je n’ai pas le droit de me venger. » Déclara-t-elle en passant sa main pleine de boue sur la joue sur l’épaule dénudée de son amie. « Tu es magnifique comme ça. »

Elle n’était pas du tout coupable, c’était Yasha qui avait commencé et elle trouvait juste de se laisser prendre au jeu à son tour. Qui plus était, Astride avait conscience de passer beaucoup trop de temps à faire preuve de sérieux et ça l’embêtait d’infliger ça à son amie qui respirait en permanence la joie de vivre et la bonne humeur. Quoi qu’il en soit, l’heure était désormais aux jeux stupides et elle était prête à se lâcher un peu, pour une fois.

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