Fin mars.

Agonie mentale. — Depuis le début d’année, elle avait senti comme un vent nouveau glisser sur elle. Les mots de sa mère n’avait jamais été aussi vrai que maintenant et l’amertume que cela venait lui procurer lui donnait la nausée.

Ces derniers mois tournaient en boucle dans sa tête, danse infernale soulevant l’angoisse et le comportement honteux qu’elle avait eu au passage. C’était pathétique, de voir un comportement si stupide provenir d’une jeune fille qui en temps normal était si brillante. Elle savait résoudre tout un tas de problèmes, mais lorsqu’il était question d’elle, tout vacillait. Elle détestait perdre le contrôle, avancer dans un brouillard de peut-être, car elle sombrait. Silencieusement, à l’abri des regards, mais elle chutait, la tête la première. Tout avait commencé à la fin des vacances de Noël. D’une conversation entendue à travers une porte, elle en avait tiré des conclusions, hâtive, à l’entente de son prénom mêlé aux mots alliances. Ça avait suffi à venir réveiller le sentiment d’angoisse qui dormait au fond d’elle sur son avenir. Les mots de sa mère encore fraîchement en tête, venaient enfin prendre sens devant ses yeux. « Amuse-toi avant qu’il ne soit trop tard », voilà ce qu’elle lui avait dit sur le quai de la gare. Parce que contrairement à Isadora, elle savait déjà ce qui attendait sa fille et le temps lui était compté. Et ce soir-là, la veille de retourner à Poudlard, la bombe à retardement que Winnifred avait enclenché dans la tête de sa fille venait de lui exploser en pleine face, libérant l’angoisse. Isadora avait alors prit conscience que toute sa vie était déjà décidée. Ça avait été désagréable, comme une claque qui venait la sortir d’un sommeil où elle émergeait enfin. Elle se revoyait accepter, sans rechigner, depuis son enfance tout ce qu’on lui avait demandé. Au départ, c’était comme un jeu, elle prenait plaisir à être parfaite aux yeux de ses parents, à rester dans les codes. Puis maintenant, ça venait l’effrayer. Ça l’avait tellement effrayé que petit à petit ses nuits étaient devenues compliquées, car elle ne parvenait plus à canaliser son calme et ses pensées.

Parler, elle aurait pu, mais elle avait décidé d’agir autrement, car il n’était question que de doutes et rien d’autre. Des doutes qui pourtant venaient lentement avoir des répercussions sur elle mentalement et physiquement depuis quelques semaines. Alors elle s’était occupée, manquant de se battre avec un camarade, poussant ses travers sur sa préfète de maison parce que toutes les occupations étaient bonnes pour lui permettre de garder sa tête hors de l’eau et loin de ce qui venait lui rappeler sans cesse qu’un potentiel mariage allait un jour arriver... Puis l'isolement, le nez toujours plongé dans un livre, car quelle meilleure excuse que de se plonger dans ses études pour trouver le mensonge parfait. Parce que qui douterait que la fatigue ait un autre sens que ses longues heures à réviser. Malgré toute cette persévérance, rien ne fonctionnait et l’angoisse restait présente. Elle vrilla, encore, début mars en recevant une lettre de son père. Elle n’avait pas osé l’ouvrir, la glissant dans le tiroir de sa table de chevet, car si elle venait valider ses doutes, c’était la fin. Alors que, peut-être que la missive n'avait rien à voir, peut-être que son père prenait simplement de ses nouvelles : faux. Il ne l’avait jamais fait, pourquoi maintenant ? L’arrivée de la lettre augmenta les insomnies. Elle sombrait et les cernes venaient marquer son visage, mais jamais elle ne céda et garda le même discours - mensonge. Les cours, les révisions, qui aurait pu penser qu’elle mentait ? Même l’infirmière Poppy Wood n’avait rien soupçonné quand Isadora avait demandé de l’aide. Elle savait parfaitement ce qu’elle désirait et, incapable de s’en procurer autrement, elle avait offert sa meilleure représentation à l’infirmière pour obtenir une potion de sommeil. Une potion de sommeil et elle avait pu faire le plein d’énergie. C’était faux, une supercherie, mais ça avait tout de même fonctionné. Aujourd’hui, sa conscience semblait avoir pris le dessus, l'empêchant d’agir stupidement une fois de plus. Elle s’était tournée vers son frère. Il était temps. Après une interminable hésitation, Isadora était arrivée à la conclusion que son frère devait savoir, et Salem par la même occasion. De toute façon, ça n’allait pas rester un secret éternellement, pas dans leur famille. Isadora tenait elle-même à l’annoncer, parce qu’elle n’avait pas envie que la nouvelle vienne de leurs parents. Et au fond, elle craignait bien plus la réaction de son frère s'il ne l’avait appris qu’en rentrant au manoir cet été. Lui en aurait-il voulu si elle n’avait rien dit ? Allait-il lui en vouloir lorsqu’elle lui expliquerait depuis quand elle avait des doutes sur la question ? Peut-être valait-il mieux que certaines choses restent secrètes.

Poussant la porte du balcon du monde après une longue inspiration, elle fut ravie de constater que ni Salem, ni Azraël n’étaient encore arrivés. Une désagréable boule se forma dans le fond de sa gorge pendant qu’elle rentrait dans la pièce. Le calme avant la tempête, contrastant avec le ciel automnal qui venait doucement s’assombrir. Une première goutte tomba, glissa contre sa joue et un petit sourire se colla sur ses lèvres. Elle tendit sa main pour ressentir les suivantes contre sa paume avant d’observer le paysage. Son Écosse s’étendait à perte de vue dans de jolis tons orangés, l’automne. Ça réchauffait son cœur alors qu’elle grimpait en haut de cette colline qu’elle avait tant chérie par le passé. De là-haut, on pouvait apercevoir l’horizon à perte de vue, une vaste étendue qui l’avait laissée rêveuse de liberté. Parce que d’ici, elle n’apercevait pas le manoir MacMillan qui se trouvait caché derrière la forêt d'arbres orange un peu plus bas. Elle se laissa tomber sur l’herbe verte, s’allongeant.
Quand le bruit de la porte se fit entendre derrière elle, Isadora n’avait pas bougé, elle était allongée, les yeux fermés, sans se soucier pour une fois de l’image qu’elle pouvait renvoyer, parce que si elle pouvait baisser ses armes, c’était bien avec eux. Un sourire simple glissa sur ses lèvres, parce qu’elle n’avait pas le cœur à faire semblant, mais aussi parce qu’elle ne comptait pas les inquiéter. Avant qu’ils n’arrivent, elle avait pris le temps de réfléchir à ce qu’elle garderait pour elle-même. Parce qu’elle ne savait pas faire autrement, que ça lui donnait cette impression de contrôler un peu les choses. Elle resta immobile, sous cette pluie fine qui venait la tremper et offrir du calme à son être. La fatigue était visible sur son visage, malgré le maquillage qu’elle avait veillé à appliquer pour camoufler ses cernes. Peut-être ce soir retournerait-elle quémander une énième potion de sommeil pour se vider la tête et dormir, juste dormir. « Moi qui pensais finir seule avec des chats » Sarcasme, mais au fond une pointe de tristesse restait perceptible.

Douceur, le calme avant la tempête. Ça s’agitait dans sa tête, toujours un peu trop à son goût. Pourtant quand son frère et sa cousine s’installèrent à ses côtés elle avait sentit comme un poids venir se retirer de ses épaules. Une part d’elle n’avait qu’une envie, se réfugier dans les bras d’Azraël, mais sa fierté la poussait a rester distante, à prétendre que tout n’était pas si horrible dans cette histoire. C’est pourquoi elle resta immobile lorsqu’ils s’allongèrent à ses côtés. C’était tout aussi réconfortant au fond de les savoir tous les deux auprès d’elle et Isadora s’était sentit reconnaissante. Parfois, elle se demandait si elle méritait les gens qui lui étaient proches, pas qu’elle en doutait, mais sa culpabilité d’en venir à les utiliser par moment la remettait en question. C’était une preuve de plus pour lui rappeler qu’elle n’était pas si mauvaise comme elle aurait aimé l’être. Idiote. Si elle était un monstre, tout serait plus simple. Elle se ficherait bien de toute cette histoire. « Arrête de te plaindre, la pluie ça rend tout bien plus agréable. » Étrange, mais vrai, du moins pour Isadora. Elle avait toujours apprécié les balades sous la pluie, parce que c’était une façon de faire taire toutes ses pensées pour de bons. Aujourd’hui n’allait pas déroger à la règle, surtout que ça venait lui offrir un peu de répit dans son combat mental qu’elle se menait intérieurement. « Je te comptais dans les chats Az. » L’humour qui prime sur tout le reste, car c’est une bonne façon de faire retarder la discussion qui doit aujourd’hui avoir lieu. À la remarque de Salem, elle ne peut s’empêcher de sourire un peu plus. L’idée de fuir, ça serait mentir si ça ne lui avait pas traversé l’esprit, mais c’était trop facile. Toutefois, elle la gardait dans un coin de sa tête. Elle avait encore un peu de temps avant de se retrouver lier officiellement à un jeune homme, la date n’était pas fixé, juste l’année, alors d’ici là tout pouvait arriver. « Je pensais plus l’empoisonner que fuir. » Avouait-elle dans un rictus, après tout si Isadora avait pris la décision d’étudier les plantes mortelles, ce n’était pas par simple curiosité. Il y a toujours une raison derrière chaque acte et les siens, influencés par sa mère avaient tout autant leur importance.

Elle ouvrit doucement ses yeux, le ciel gris et maussade l’éblouissant légèrement, lui arrachant une grimace le temps qu’elle s’y habitue. Elle se devait de parler, d’expliquer un peu plus que les mots échangé avec Azraël. Elle le devait et pourtant, une boule venait se former dans le fond de sa gorge. Sensation désagréable qui venait lutter pour la garder silencieuse. Mais a quoi bon désormais tout garder alors qu’ils avaient tout annuler pour elle et l’écouter, la soutenir. Elle pinça ses lèvres, pensive durant de longues secondes alors qu’elle choisissait précautionneusement dans sa tête chaque mot qu’elle allait utiliser. Elle venait répéter ses phrases inlassablement pour être certaine de ne pas déraper, garder secret ce qui devait le rester et dévoiler ce dont elle se sentait capable de dire. Pourtant, elle avait beau essayer quand elle se décida enfin à parler de nouveau, ça lui sembla sortir de travers. « C’est pour après nos études. » Si tout se passe bien, elle aura une année de liberté après Poudlard avant d’être piégé de nouveau. Elle qui rêvait d’une jolie histoire d’amour, c’était fichu. Elle n’en avait jamais parlé, pourtant les romans d’amour qu’elle lisait secrètement n’avait pas aidé à freiner ses rêves. Désormais, ce n’était plus qu’une vague émotion qu’elle devait faire taire pour de bon.

« C’est bête, mais au fond, je savais que ça allait arriver. » Avait-elle dit d’un ton résigné, à cet instant, elle n’avait aucune envie de se battre contre cette décision. Si elle avait su être différente, peut-être que ses convictions en seraient tout autre, pourtant à l’heure actuelle elle semblait juste accepter. Isadora ne voyait pas d’échappatoire possible, elle qui d’habitude parvenait toujours à se dérober. Mais il y avait l’amertume d’être prise au piège qui l’empêchait d’y voir clair, et son angoisse, sa fatigue des dernières semaines ne devait définitivement pas l’aider non plus. Elle lança finalement un regard vers Salem puis vers Azraël pour guetter leur réaction alors que les goûtes de pluie se mêlait à son visage. Elle ne souriait plus, elle ne pleurait pas pourtant, elle était juste fatiguée.

La pluie avait toujours eu le don d’adoucir la jeune femme, et ce depuis son enfance. La sensation humide des gouttes qui tombaient contre sa peau et la trempaient avait cette faculté de lui offrir un sentiment de calme. Un réconfort personnel qui avait grandi avec les années et qui, à cet instant, venait mettre de l’ordre dans le tourbillon de pensées qui chahutait dans sa tête. Et si cela faisait râler Azraël, ce n'était qu'un petit bonus dont elle n'allait pas se priver. Tout était satisfaisant pour entendre son aîné pester. Elle ne le cacha pas, puis cela permettait de repousser la gravité de la situation et parce qu'elle était épuisée d'y penser. Cette fois, elle n'était plus seule ; les mots allaient se formuler oralement et cela la terrifiait. Mais pas tout de suite. « Tu serais un chat roux. » Un chat roux, donc un chat un peu stupide mais affreusement adorable. L’image de son frère se métamorphosant en chat lui glissa dans la tête, distraction parfaite. Elle garda la remarque pour elle, mais sa pensée la trahit alors que son sourire s’élargissait dans le coin gauche de son visage. Cela ne durait qu'un temps, cette bonne humeur apparente, une seconde, mais pourtant assez pour faire taire un court moment ce qui tournait dans sa tête. Elle se rattachait à toute discussion qui pouvait retarder le moment fatidique.

Puis il arriva. — Au départ évoqué par des solutions pour fuir le problème. L’empoisonnement restait en haut de sa liste, c’était moins épuisant à mettre en place, plus amusant aussi. C’est là que son cerveau venait montrer ses défauts un peu malsains ; elle était prête à éliminer quelqu’un si cela revenait à protéger son propre intérêt. Toutefois, elle avait beau y songer, elle était incertaine d’arriver au but. Ôter la vie n’avait rien d’anodin. La remarque de Salem la ramena dans une réalité où elle commettait ce crime. Elle tourna son regard sur sa cousine, soudain soucieuse. Salem venait de marquer un point : si elle disparaissait, un autre pouvait toujours apparaître. L’idée glissa alors naturellement sur le devant de la scène, éclairée par les projecteurs dans sa tête. « Alors peut-être que je devrais m’empoisonner. » Ainsi, je serais libre, songea-t-elle en prenant une longue inspiration avant de laisser échapper un gloussement. Ca n’avait pourtant rien de drôle et pourtant ça l’amusait. Elle savait que ça n’allait pas plaire à ses deux compères, mais ils pouvaient se rassurer, Isadora savait que son courage ne lui permettrait jamais de commettre un tel acte. Y songer, elle pouvait ; l’exécuter, elle en était incapable. Le courage de sa maison lui faisait défaut, elle n’en avait pas, c’était sa certitude. Après tout, si elle possédait un quart du courage des Gryffondor, elle était convaincue que cette situation ne serait jamais arrivée. « Mais je note si un jour je dois cacher un corps. Merci. » Elle laissa l’humour reprendre le dessus pour éloigner les pensées néfastes qui s’agglutinaient dans un coin de son subconscient. Elle n’espérait pas en arriver jusque-là, mais la proposition de sa cousine n’en restait pas moins touchante. C’était dans ses moments qu’elle prenait conscience elle-même combien Salem avait une importance dans sa vie, presque autant que ses frères. Peut-être plus Ozwald au fond.

Les yeux désormais ouverts, elle fixait le ciel ; au loin, une éclaircie approchait, mais des nuages noirs semblaient aussi suivre. Cela suivait le rythme de ses pensées, calquant ses émois. « Je ne connais pas son nom. » Mensonge. Le nom était écrit à l’encre noire sur le parchemin qu’elle avait reçu il y a quelques semaines. Toutefois, il y avait des détails qu’elle préférait pour le moment taire et garder pour elle-même. Était-ce si important de connaître son nom ? Les réactions l’étonnèrent à moitié. Isadora se contenta de soupirer doucement en venant d’une main essuyer la pluie qui avait rendu son visage complètement trempé. « Mais je pense qu’il est en cinquième année. » Elle ajouta cette vérité à demi-cachée, alors qu’elle connaissait parfaitement l’identité du garçon. Isadora lui avait même envoyé un hibou avant de venir afin de savoir si ce dernier était autant informé qu’elle. Elle glissa sa main dans la poche de sa robe de sorcière, venant froisser sous ses doigts ce bout de parchemin qui la hantait. Elle aurait dû le brûler et ne jamais l’ouvrir. — Solution stupide, qui n’aurait pas apaisé l’angoisse qui cohabitait avec elle depuis son retour des vacances de Noël.

«  Je ne sais pas quoi faire », avoua-t-elle à demi-chuchoté alors qu'elle voyait son futur lui glisser définitivement entre les doigts. C'était une nouveauté pour elle d'être si perdue, de ne savoir quelle direction prendre. Elle ne voulait pas de ce mariage, mais elle ne savait pas pour autant ce qu’elle pouvait faire pour y mettre fin. Jin était peut-être gentil ? Ou peut-être pourrait-il y mettre un terme. Elle ne le connaissait que de nom, vaguement, alors tout était incertain à cet instant.