la main verte (THOMAS ☉ HARRIET)

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( la main verte | THOMAS ☉ HARRIET )

Par la fenêtre, je jette un petit coup d'œil au ciel laiteux. On dirait que tous les flocons qu’il retient l’alourdissent considérablement. Je ne connais pas trop la neige et n’y suis pas vraiment habituée mais on dirait que Poudlard va bientôt se recouvrir d’un doux manteau blanc. Un peu comme à Noël. Une belle journée au milieu de vacances mélancoliques. C’était franchement étrange de rester dans ce château immense et vide pour les fêtes. Durant deux semaines, nous n’étions qu’une poignée à nous installer autour d’une même table dans la Grande Salle et bien moins encore à profiter de la salle commune de notre maison. Je ne sais pas si j’ai regretté de ne pas être rentrée à Londres ou non. Ce qui est fait est fait, de toute façon et les présents que j’ai reçu de toute ma famille me rappellent à quel point je suis loin d’eux, de toute façon. Londres ou Poudlard, c’est du pareil au même, il n’y a que la présence de Maman qui diffère et toutes nos disputes qui éclatent immuablement. En comparaison, les fêtes à Poudlard étaient d’un calme serein bien qu’empreintes d’une once de tristesse. Chacun avait ses raisons de ne pas rentrer chez lui et toutes n’étaient sûrement pas le fruit d’une colère adolescente. Ce n’était déjà plus qu’un souvenir, remplacé par la rentrée et le retour de tous nos camarades. Certes, les couloirs silencieux avaient quelque chose d’austère mais je crois que j’appréciais assez l’absence de foule et le calme ambiant.

S’il doit neiger, j’ai plutôt intérêt à me presser. Je m’empare de la veste bleue marine, cadeau de mes Jjajja, posée sur mon lit et en remonte la fermeture éclair jusqu’au menton. Je fourre quelques affaires dans mon sac — du papier, des craies, mon porte-monnaie au cas-où je me décide à faire quelques emplettes à Pré-au-Lard — et coince le pot en terre cuite qui trône sur ma table de chevet sous mon bras. « Gaston ? Tu viens ? » j’appelle doucement, immobile, espérant qu’il allait se montrer de lui-même. Bien évidemment, ce n’est pas le cas, et je dois tirer ma couverture pour trouver le corps écailleux de mon caméléon, lové entre mes draps, bien au chaud. « Je sais que tu étais bien là, mais j’ai un endroit encore mieux pour aujourd’hui. » Une gratouille sous le menton et Gaston consent à ne pas trop ronchonner, sa queue enroulée autour de mon poignet comme gage de sa confiance. Il se plaît plutôt bien à Poudlard, surtout lorsqu’il peut paresser toute la journée sous ma couette, mais après mes premiers cours dans les serres de Botanique je me suis dit qu’il pourrait apprécier passer quelques heures dans un environnement qui se rapproche le plus de son biotope naturel. C’est pour ça que je prends la direction des serres. C’est, en plus, l’occasion de rendre le pot que j’avais emprunté quelques semaines plus tôt pendant que je rempotais et soignais mes plantes.

Bien évidemment, je ne laisse jamais Gaston dans les serres les plus dangereuses. Et puis, de toute façon, le professeur doit sûrement les verrouiller en dehors des heures de cours étant donné certaines espèces qui s’y trouvent. Non, je le laisse parmi les plantes les moins magiques qui soient afin qu’il grignote quelques feuilles et avale quelques mouches. Une journée de rêve pour un caméléon. La serre que je vise est éclairée de l’intérieur ce qui veut dire que le professeur s’y trouve. J’étais plutôt à l’aise avec l’idée de ne croiser personne en déposant Gaston ainsi que le pot mais ce ne sera visiblement pas pour aujourd’hui. Ce n’est pas que l’enseignant de Botanique soit particulièrement méchant, au contraire, mais je ne sais jamais comment interagir avec les adultes de Poudlard. Là où ils étaient tous accessibles et amicaux à Castelobruxo, il y a une distance instaurée entre les élèves et les professeurs que j’ai du mal à appréhender. Malgré tout, je ne vais pas faire demi-tour et revenir plus tard, alors haut les coeurs et montrons-nous un peu sociable.

Je frappe trois légers coups contre la porte avant de la pousser et de passer ma tête dans l'entrebâillement. « Bonjour professeur, je viens vous rendre le pot que vous m’aviez prêté et laisser mon caméléon pour l’après-midi. » Tout en parlant, je me glisse dans la serre et parcours l’endroit du regard, cherchant une haute silhouette parmi les établis qui débordent de plantes, le plafond d’où d’autres tombent, parfois jusqu’au sol, dans un joyeux fouillis qui me rappellent les forêts brésilienne. J’aime bien l’atmosphère qui règne, une nature qui semble coupée du reste de l’école. J’ai beau chercher, ce n’est pas le regard de notre enseignant que je croise mais celui d’un camarade, à genoux sur le sol, entouré d’une multitude de pots et de quelques sacs de terreaux. « Oh, salut. Je cherchais le prof, il est par ici ? » Non, bien sûr que non, un coup d'œil supplémentaire permet de le confirmer. Mais peut-être qu’il va revenir ? Question bien plus importante et immédiate : qu’est-ce qu’il fait ici, un samedi en fin de matinée, dans une serre de Botanique ? Ou bien il est très assidu, ou bien il est collé. Oui, ça doit être l’un ou l’autre. « Je voulais pas te déranger, je viens juste déposer ça, » Je montre le pot. « et ça. » J’ai un geste du menton en direction de Gaston qui n’a pas daigné ouvrir un œil depuis que nous avons quitté ma chambre. « Qu’est-ce que tu fais ? » je lui demande, curieuse, en laissant glisser récipient sur un coin libre d’un plan de travail en bois.

@Thomas Chastel

( Pando )

A la suite de ses premières excursions dans la forêt interdite en compagnie du garde-chasse, Thomas s’était pris à espérer qu’il en avait bel et bien fini avec le travail des plantes. Pas qu’il éprouve une aversion particulière pour elles, certaines d’ailleurs avaient des propriétés tout à fait amusantes, mais à choisir entre planter des graines de haricots – fussent-ils magiques – et partir à la découverte des colonies de botruc dans les branches des arbres, le choix était assez vite fait. En plus, Thomas reconnaissait lui-même qu’il n’avait pas la main verte. Le jeune homme avait grandit dans la banlieue de Glasgow, dans un espace industriel et très urbanisé, ses connaissances sur la nature et les plantes étaient plus que limitées, sans parler de sa maladresse naturelle en ce qui concernait les travaux manuels.

Pour couronner le tout, il y mettait de la mauvaise volonté et avait un peu tendance à bâcler le travail quand personne n’y regardait de trop près.

Quelle ne fut pas sa déception, donc, quand deux jours après sa précédente sortie dans la forêt, Benjamin Duncan lui colla dans les mains une paire de gants et un tas d’outils de jardinage « direction les serres mon bonhomme » super journée en perspective… C’était peu dire que Thomas avait ronchonné sur le chemin, mais comme Ben ne l’accompagnait pas il avait bien le droit de ruminer autant qu’il voulait après tout non mais quand même… !

Dans les serres il retrouva le professeur de botanique qui lui expliqua ce qu’on attendait de lui. Le boulot n’était pas compliqué, il fallait dépoter des plantes, mettre une petite couche de terreau en dessous, rempoter proprement et recommencer avec les QUATRE-VINGT POTS ?!! mais les élèves les mangeaient à midi ou quoi ?! pourquoi il y en avait autant ??? Le professeur eut beau expliquer qu’il s’agissait de bulbes sauteurs, une plante assez rare et aux propriétés étonnantes dont l’utilisation était nécessaire à la préparation de nombreuses potions dont leeeeeeeeeee…… ok Thomas avait déjà décroché depuis longtemps.

Le regard hypnotisé par la quantité proprement INCALCULABLE de pots, il avait accepté son sort et se faisait doucement à l’idée qu’il allait mourir de vieillesse ici, dans cette serre, tout sec et tout ridé avant d’avoir terminé cette tâche gargantuesque. Croyant déceler une sorte d’assentiment dans le silence pétrifié de son élève, le professeur lui souhaita bonne chance, lui colla une petite tape sur l’épaule et s’en alla dispenser un cours dans une serre concomitante.

Thomas se laissa tomber sur le sol, les jambes croisées en tailleurs, et observa longuement les bulbes qui frémissaient dans leurs pots, en attendant il ne savait trop quoi. Peut-être un miracle ou une intervention magique qui viendrait le tirer de ce cruel coup du sort.

Après quinze minutes à glander et cinq à suivre le vol d’un papillon qui finit tragiquement dans le ventre d’une plante carnivore, Thomas se décida finalement à s’activer. Pour ne rien arranger à sa situation, les bulbes avaient du mal à rester en place : dès qu’on essayait de les extraire de la terre, même délicatement, ces-derniers vous sautaient soudain au nez et le garçon manqua de finir éborgné à deux reprises. Il essaya bien de menacer les bulbes en leur annonçant que le prochain qui lui faisait un coup pareil allait terminer en salade ni vu ni connu, mais ces plantes-là n’avaient pas d’oreille ou bien n’en faisaient qu’à leur tête et il dû se résoudre à dépoter prudemment chaque bulbe, le pot posé sur une table et la tête à moitié planqué dessous, à laisser le bulbe s’envoler pour ensuite lui courir après dans la serre.

Autant dire qu’au bout d’une demi-heure de travail il n’avait pas avancé beaucoup et était complètement en nage, la faute à cette serre où il faisait au moins cent degrés facile à vu de nez. Foutue climat amazonien, il était écossais lui, déjà rien qu’une douche chaude il avait du mal !

Il était en train de tester une nouvelle technique consistant à dépoter les bulbes sous une cloche pour éviter que ceux-ci ne sautent à l’autre bout de la pièce, et était très concentré sur la manœuvre, quand une voix féminine qu’il n’avait pas entendue arriver le fit sursauter. Il tourna la tête du côté de la voix mais sans apercevoir personne tout d’abord, jusqu’à ce que la jeune fille qui en était propriétaire apparaisse au milieu des tables. Elle portait dans ses bras un pot vide et… un énorme lézard. Thomas ouvrit des yeux ronds et oublia un instant les bulbes qui commençaient à le gonfler.

- « Heu non. » articula-t-il sans quitter la bestiole des yeux. « Il est… je sais pas. »

Le garçon se releva rapidement, essuyant au passage un peu de la terre qui maculait son pantalon et son t-shirt, ne réussissant surtout qu’à l’étaler plus puisque ses gants étaient également tâchés. En deux pas il était aux côtés d’Harriet.

- « C’est un iguanodon ? »

Il avait le nom exacte sur le bout de la langue, mais ses souvenirs remontaient à un lointain documentaire animalier regardé à la télévision, quelques années auparavant, et n’étaient donc pas de la première fraicheur.

- « Je suis assistant du garde-chasse ! » s’exclama-t-il ensuite non sans un brin de fierté. « Je m’occupe des animaux, je peux le voir ? »

En vérité il n’y connaissait absolument rien en lézard et ses expériences avec les créatures magiques se limitaient à s’être fait tirer les cheveux par des fées deux jours plus tôt à cause d’une remarque déplacée. Peu glorieux, mais ça n’empêchait pas Thomas de s’imaginer déjà un peu spécialiste, ou tout comme.

- « C’est un animal fantastique ? Il a des pouvoirs ? »

Puis il désigna les bulbes derrière lui d’un simple haussement d’épaules. Par rapport à l’énorme caméléon que tenait la jeune fille dans ses bras, ils ne faisaient vraiment pas le poids.

- « Je rempote des trucs. »

Il fit la moue.

- « Ce n’est pas très intéressant. »

@N. Harriet Karmali

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( la main verte | THOMAS ☉ HARRIET )

J’espère trouver les lieux vides — on est samedi, après tout, le reste du château a bien mieux à faire que se perdre dans les serres à une heure pareille — ou parcourus de la présence de l’enseignant — ce serait logique qu’il soit par ici et, en même temps, il peut être n’importe où à Poudlard en train de profiter de son week-end comme un être humain normal — mais je ne m’attends pas à tomber nez-à-nez avec un camarade visiblement très occupé à rempoter je ne sais trop quoi. Ses yeux écarquillés à en sortir de leurs orbites accompagnent quelques mots hésitants qui m’apprennent que le prof n’est pas dans le coin. « Ah bon, tant pis. » Je vais m’en tenir à mon plan initial et tout laisser ici avec une note explicative. J’imagine que le garçon ne pensait pas avoir de la compagnie aujourd’hui mais au point d’afficher une telle surprise ? Peut-être aurait-il fallu que je frappe un peu plus longtemps ? C’est ce que je me dis avant que le poids de Gaston dans mes bras ne me rappelle que je me trimballe avec un caméléon — un gros caméléon ; Poudlard lui réussissait plutôt bien et il affichait un léger embonpoint — ce qui ne doit pas être commun-commun. Lui s’en fiche, il roupille toujours, ne daigne même pas soulever un quart de paupière pour regarder autour de lui. Même quand le garçon se relève et s’approche, il reste stoïque. Il doit sûrement rêver d’une forêt pleine de délicieux insectes. « Un iguanodon ? Je crois pas, sauf si c’est une espèce de caméléon très paresseux. Dans ce cas, oui. » Je glisse un doigt sous le menton de Gaston et en gratouille la peau pour lui signifier qu’on parle de lui. Des fois que ça l’intéresse.

Si l’un se montre complètement amorphe — à se demander si ce n’était pas de l’arrogance d’ailleurs, dans le genre Je suis un animal trop bien pour vous, ne m’adressez pas la parole. — l’autre fait preuve de bien plus d’enthousiasme, étirant mes lèvres en un sourire joyeux. Son entrain est communicatif. Je ne savais même pas que le Garde-Chasse avait un assistant, encore moins qu’il était aussi jeune, encore moins qu’il le faisait vraisemblablement travailler les week-ends. Ça doit faire partie du métier. Je n’en finis pas de trouver Poudlard bizarre, à bien des égards. « C’est cool, ça, d’être assistant du garde-chasse ? Ça consiste en quoi, exactement ? » Hormis s’occuper des animaux, comme il le précise dans la foulée. « Oui bien sûr, il adore être porté comme ça, » Je lui montre mon bras sur lequel Gaston repose de tout son long. « et pouvoir enrouler sa queue autour de ton bras. » Que je m’emploie d’ailleurs à dénouer avant de lui passer le reptile qui consent, enfin, à soulever sa paupière droite, levant son oeil vitreux jusqu’au garçon, pour la refermer aussi sec, jugeant que ça n’avait pas trop d’importance. On est en plein dans son heure de sieste et je l’ai déjà dérangé de ses couvertures préférées : pas étonnant qu’il se montre presque boudeur. Mais ça lui passera. Et puis, ça évitera à mon camarade de se prendre des petits coups de langue dont il a la fâcheuse manie de me gratifier quand il veut quelque chose, souvent un peu plus de couverture ou une friandise.

Les bras soudainement plus légers et libres de leurs mouvements, je jette un coup d'œil au garçon pour m’assurer qu’il est à l’aise avec Gaston et j’en profite pour me délester de mon pot. Un peu de terre a maculé ma veste que j’essuie d’un geste. « Sauf si on considère que dormir plus que la normale est un super-pouvoir, non, il est tout ce qu’il y a de plus normal. » Dans les bras de mon camarade, mon caméléon quitte sa couleur naturelle — un vert terre qu’il revêt la plupart du temps — pour se fondre dans les habits de celui qui le porte. « Je me demande quand même si la ménagerie n’a pas développé une espèce qui se camoufle bien mieux que dans la nature parce que je passe des fois des heures à le chercher tellement il se fond bien dans le décor. » Mais bon, hormis ça, rien de très spécial : il ne crache pas de feu, n’est pas capable de voler, ne se met pas soudainement à parler… et c’est tant mieux, je l’aime bien comme ça, aussi normal que possible mais quand même extraordinaire. Comme le sont Koffi et Pome, d’ailleurs. « Chez moi j’ai aussi un petit singe et un perroquet. » En même temps que je parle, je tire de mon sac un bout de parchemin et une craie, m’appliquant à écrire mes remerciements au professeur que je glisse à l’intérieur du pot en terre cuite qui termine sur ce qui s’apparente à son bureau dans la serre : une table de bois, des livres éparpillés, des plumes, des pots, des plantes et une pile de copies.

Je réfrène ma curiosité et pivote sur moi-même pour observer de nouveau le garçon et Gaston, toujours dans ses bras. Tant qu’il ne lui prend pas l’envie d’aller à l’aventure dans la serre, il va rester plutôt calme et presque léthargique. J’en prends soin, je le promets, il est simplement… particulièrement paresseux, voilà tout. « Tu rempotes quoi ? » je lui demande en jetant un regard curieux aux pots éparpillés au sol. « Non, dis pas ça, la Botanique c’est super ! » Les plantes et les animaux, c’est ce qu’il y a de mieux. Rien de tel pour s’enfermer dans une bulle de tranquillité tout en prenant soin d’un végétal ou d’un animal. Ce sont les deux aspects de Castelobruxo qui me manquent le plus et que j’essaie de toutes mes forces de retrouver ici en m’impliquant autant que possible dans les deux matières qui se rapprochent le plus de ce que j’aime vraiment. « Tu fais ça souvent ? Et ton samedi, alors ? T’en profites pas pour aller à Pré-au-Lard ? » je lui demande, curieuse. C’est vrai que s’il trouve ça inintéressant et que ça le gonfle, c’est à se demander pourquoi il est ici. Ou bien son rôle d’assistant le contraint à ne pas avoir le choix. Genre il n’a pas de week-end ? Ce serait vachement triste, quand même. « Ah, des bulbes sauteurs, c’est ça ? » je devine enfin en en voyant un profiter de sa liberté nouvelle pour s’échapper d’un bond puissant. Des tubercules particulièrement agaçants quand vient le temps de les rempoter puisqu’ils détestent ça. Mais c’est tellement satisfaisant d’en venir à bout et de les voir ensuite grandir. On a eu un cours les concernant il y a deux ou trois semaines à peine, aussi tout ça est encore bien frais dans mon esprit. « Tu veux un coup de main ? » je lui propose tout naturellement. À deux, ça devrait aller suffisamment vite pour qu’il puisse profiter du reste de sa journée, si tant est qu’il n’a pas d’autres tâches d’assistant ailleurs dans le château.

@Thomas Chastel

( Pando )

L’apparition de l’animal – plus que celle de sa propriétaire d’ailleurs – avait eut l’effet radical de détourner complètement Thomas de sa tâche de toute façon ennuyante comme un dimanche de pluie et de focaliser son attention sur la drôle de bestiole. Thomas était apprenti du garde-chasse, maintenant, il devait savoir s’y prendre avec les créatures magiques et celle-ci semblait particulièrement bizarre, comme une espèce de petit dinosaure très très flemmard. Le jeune homme n'avait pas eu l’occasion de voir beaucoup de reptiles dans sa vie et les seules lézards qu’il avait croisé chez ses grands-parents faisaient au mieux la longueur de sa main qu’il avait petite.

Celui-ci était ÉNORME. Proprement GIGANTESQUE ! Absolument GARGANTUESQUE et en plus il pesait son poids quand, gentiment, la fille de Serdaigle le déposa dans les bras du garçon. Trop. Cool.

- « Un caméléon, hein ? » Thomas voyait vaguement de quoi il s’agissait. Ça changeait de couleurs, c’est ça ? « Il a l’air SUPER paresseux ouais ! » dit-il avec émerveillement en reprenant les mots de sa propriétaire.

C’était génial. Comme elle le lui avait décrit l’animal avait en effet enroulé sa queue autour du bras de Thomas, ce qui l’amusa beaucoup.

- « En fait il me prend pour une branche. » expliqua-t-il sans se vexer à Harriet qui devait sans doute être au courant.

Il soupesa un peu l’animal, complètement concentré sur lui, avant de consentir finalement à répondre à la première question qu’on lui avait posé.

- « Benjamin Duncan me donne beaucoup de boulot. » expliqua-t-il en toute honnêteté. « Mais ça va c’est cool. Il a un nom ? »

Il s’était complètement refocalisé sur la bestiole, oubliant d’ailleurs au passage de demander celui de la jeune fille, puis de s’interroger sur les pouvoirs de la créature. Apparemment, aucun. Ça ne le déçut qu’à peine. D’autant qu’alors qu’Harriet terminait à peine sa phrase, le caméléon changeait de couleur pour adopter le gris foncé de la salopette de Thomas, ce qui lui fit écarquiller les yeux.

- « Et ça alors ?? »

C’était vraiment un animal super, il n’y avait pas à dire ! Puis il sourit à l’idée que l’animal puisse se dissimuler aux yeux de sa propriétaire.

- « Ouais il fait des farces, normal. » déclara-t-il d’un ton très professionnel, comme s’il y connaissait quoi que ce soit.

Puis pour la première fois depuis qu’elle était entré dans la serre, son attention se reporta vraiment sur la jeune fille.

- « Un singe ? » Voilà qui était étonnant. « Mais tu vis dans la jungle ou quelque chose comme ça ? »

Vraie question, sans jugement de valeur.

- « Ça doit être sympa. » ajouta-t-il par politesse, même s'il n'était pas si certain que ce soit si sympa que ça en vrai. « Moi j’habite presque dans la forêt interdite à cause de mon boulot, j’imagine que c’est un peu la même chose au fond, sauf qu’il doit faire plus froid. » expliqua-t-il avec solidarité.

Alors qu’elle lui répondait, le jeune homme réajusta un peu sa prise sur le caméléon, soucieux de ne pas le laisser tomber, mais c’est qu’elle pesait quand même assez lourd la bestiole.

Visiblement, Harriet semblait mieux aimer les plantes que lui. Thomas n’avait rien contre elles, mais il fallait bien reconnaitre que rempoter des bulbes était BEAUCOUP MOINS amusant que de câliner un iguano… un caméléon. D’ailleurs celui-ci n’était pas très doux, avec sa peau écailleuse toute rugueuse.

- « Bof. » se contenta-t-il de répondre laconiquement quand elle lui vanta les mérites de la botanique. « Je préfère le cours de soin aux créatures magiques. » qui était de loin son cours préféré.

- « Non pas si souvent, j’ai beaucoup de petits tâches différentes en fait. » expliqua-t-il d’un ton très sérieux. « Ça dépend de mon emploi du temps en fait. »

Son attention se refocalisa un peu sur l’animal sur la tête duquel il passait un doigt pour le caresser sans que cela ne provoque guère de réaction d’ailleurs. Harriet devait vraiment bien s’y connaitre en botanique parce qu’elle reconnu immédiatement les bulbes, ce que Thomas n’aurait certainement pas été capable de faire si on ne lui avait pas donné une fiche détaillée avec toutes les instructions nécessaires – visiblement Duncan commençait à comprendre qu’il avait tendance à ne pas du tout écouter les consignes. Pas de sa faute tout de même s’il était distrait !

Lorsqu’un coin de son cerveau perçut toutefois que Harriet proposait son aide, il releva la tête avec un grand sourire.

- « D’accord ! »

Décidément les gens étaient serviables dans cette école !

- « Je caresse le caméléon et tu rempotes ? »

C’était à moitié une blague et à moitié sérieux, Harriet aurait dit oui que Thomas ne se serait pas senti plus gêné que ça. Après tout si les gens aimaient bien travailler, il n’allait pas les contrarier.

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( la main verte | THOMAS ☉ HARRIET )

Gaston n’étant pas du genre à se pavaner dans tout le château, les réactions à son encontre ont été, jusqu’à présent, assez limitées. Quelques camarades de maison l’ont aperçu, tout au plus, et quelques-uns se sont montrés suffisamment curieux — ou courageux, je ne sais pas trop — pour venir le voir de plus près. Alors si la réaction du garçon ne me surprend pas — je ne suis pas certaine que les gens qui vivent dans la région aient souvent l’occasion de croiser un caméléon, ils ont plutôt l’air team chat, chouette et hibou par ici — elle reste assez nouvelle. Puisqu’il semble grandement s’intéresser à mon compagnon paresseux, je lui cède les kilos qu’il représente sans hésiter. Je l’adore, mais il pèse son poids, et mon bras qui le supporte depuis ma chambre est soulagé de se reposer un petit peu. « Une branche, c’est exactement ça. » je confirme avec un petit rire, profitant d’avoir les mains libres pour reposer le pot sur l’un des établis et engager la conversation avec celui qui se décrit lui-même comme étant l’assistant du garde-chasse. Je ne savais pas que c’était un travail à temps plein, encore moins que c’était celui d’un gamin, mais il s’agit peut-être d’une sorte de stage professionnel ou de quelque chose d’approchant ? Il a quand même l’air bien jeune.

« Il s’appelle Gaston. » Je ne sais pas s’il m’a entendu affirmer qu’il n’a pas de super-pouvoirs ou s’il souhaite simplement poursuivre sa sieste dans les conditions les plus propices, mais il change de couleur à ce moment-là, se camouflant presque parfaitement dans les habits du garçon. Si celui-ci ne ressentait pas tout son poids, je suis certaine qu’il ne pourrait même pas le repérer. « Ok, ça c’est un peu son super-pouvoir. » je concède en souriant. Farceur, oui, et paresseux, beaucoup, voilà un joli portrait brossé en quelques secondes de mon caméléon. Puisqu’il semble parfaitement à l’aise et des plus heureux, je me désintéresse une nouvelle fois de ses écailles et entreprend d’écrire un petit mot à l’attention du professeur, juste pour le prévenir que le pot est celui que je devais lui rendre et le remercier de me l’avoir prêté. Tout en continuant à papoter avec le garçon, dont toute l’attention se focalise presque exclusivement sur Gaston. Enfin, jusqu’à ce que je mentionne les deux autres animaux qui profitent de leur tranquillité à Londres, pendant que je suis à l’école. Je rigole lorsqu’il parle d’une jungle mais j’ai le cœur qui se serre, comme si on l’avait pincé. C’était presque le cas, dans le fond. Entre les grandes forêts d’Entebbe, celles de Rio et Castelobruxo qui était littéralement les arbres qui entouraient le temple… « Presque. Avant Poudlard, mon école était en pleine jungle et on dormait dans des arbres. » Une façon un peu raccourcie de présenter les choses et qui n’était pas pour rendre hommage aux chambres douillettes nichées dans des arbres centenaires mais enfin, il avait sûrement autre chose à faire que de perdre une heure à m’écouter lui conter les moindres détails de nos huttes confortables et de cette école majestueuse.

En revanche, je ne m’attends pas à ce qu’il rétorque qu'il vit, lui, dans la Forêt Interdite. Presque, a-t-il dit, mais qu’est-ce que ça veut dire, presque ? « Comment ça ? Tu fais pas partie d’une des quatre maisons ? » Est-ce que ça signifie qu’il loge avec le Garde-Chasse ? Un peu étrange, comme pratique, surtout s’il est le seul. N’empêche que, entre ça ou des journées entières de cours, dont certains qui sont encore bien obscurs à mes yeux, je ne sais pas si je ne choisirais pas de passer mes journées à m’occuper des plantes et des animaux.

Comme il semble être en train de le faire. Ou du moins, semblait, avant que je ne le dérange. Quelques pots éparpillés au sol et des bulbes que je reconnais en dressent le constat. « C’est un de mes préférés aussi. » Dès lors qu’il ne fallait pas se servir d’une baguette, c’est appréciable. Plus encore si les matières se rapprochent de ce dont j’avais l’habitude ces dernières années. « Genre quoi ? » je demande, curieuse de savoir à quoi il peut bien être occupé le reste de son temps. « Comment t’en es venu à aider le garde-chasse ? » Sans dire que je voudrais faire pareil, s’il est possible pour les élèves de Poudlard de donner un coup de main, de temps à autres, pour s’occuper des animaux ou prendre soin des plantes, je ne suis pas franchement contre. Mais enfin, quelque chose me fait dire que le garçon n’est pas si volontaire que ça. Plus intéressé par Gaston que par les bulbes, il a l’air tout à fait prêt à me laisser tout rempoter pendant qu’il me regarde. Je rigole face à son culot et j’hausse les épaules. « On irait quand même plus vite à deux, non ? » D’un point de vue technique, je ne peux pas proposer mon aide à quelqu’un qui ne fait rien. Enfin, je ne suis pas d’humeur contrariante ce matin, alors j’ôte ma veste et je la pose à l’écart des tubercules. « Tu t’appelles comment ? » je lui demande finalement en tournant la tête dans sa direction, délaissant une seconde les bulbes sauteurs pour en apprendre un peu plus encore sur celui à qui je m’adresse.

@Thomas Chastel

( Pando )

- « Dans les arbres ?? »

Voilà qui est étonnant. Gaston toujours agrippé à sa branche – pardon, à son bras – Thomas trouve cette histoire un peu fort du café. Une cabane dans les arbres, bon passe encore le temps d’un après-midi, mais y vivre toute l’année ? C’est quand même spécial. Sans doute pour ne pas paraitre trop nul, il surenchérit un peu, expliquant que lui aussi habite dans la forêt interdite d’une certaine manière même si franchement c’est plus un mensonge qu’une vérité.

Harriet semble également un peu étonnée de l’information. Décidément ils s’étonnent l’un l’autre, c’est un peu amusant.

- « Non ! » explique-t-il quand elle lui demande s’il appartient à l’une des quatre maisons de l’école. « C’est une histoire hyper compliquée. »

Et là, il est occupé à grattouiller la tête de Gaston qui semble n’en avoir strictement rien à cirer. La bestiole est complètement endormie, mais ça n’embête pas Thomas. Elle a eut le bon goût de prendre la couleur de sa salopette, c’est déjà pas mal. Du coup, il racontera peut-être tout à l’heure.

Sa camarade semble s’intéresser à ses pots de fleurs – si ça lui permet de garder Gaston dans les bras, tant mieux – avant d’expliquer qu’elle aussi apprécie les cours de soins aux créatures magiques. A cette remarque, Thomas lui adresse un franc sourire. Ce sont les meilleurs !

Alors qu’elle lui demande comment il s’est retrouvé à jouer les assistants du garde-chasse, Thomas hoche la tête, l’air sérieux mais concentré sur le lézard.

- « Histoire compliqué, ouais ouais. Je te raconte si tu racontes pour l’école dans les arbres. »

Il lui jette un coup d’œil, voir si elle accepte le deal. Ce n’est pas tant que Thomas est avare en bavardage, mais il est quand même curieux d’en savoir un peu plus sur sa nouvelle amie. Il a le pressentiment que son parcours à elle aussi est un peu atypique et le garçon est friand de bonnes histoires, surtout quand il peut dresser des parallèles avec la sienne. Mine de rien, savoir qu’il n’est pas tout seul à avoir un parcours scolaire chaotique a quelque chose d’un peu rassurant.

Elle lui propose finalement un coup de main. Offre inespérée ! L’aide d’une vraie sorcière, ça pourrait bien lui simplifier la vie. D’ailleurs, sans doute qu’en un coup de baguette l’affaire sera réglée, sans doute pour cela qu’il lui propose à moitié pour rigoler de la laisser faire pendant qu’il continue de caresser Gaston.
Harriet refuse aimablement d’un haussement d’épaule. Tant pis, il réessaiera peut-être tout à l’heure. Pas contrariante, elle ôte quand même sa veste.

- « Tu risques de te tâcher non ? Ils sautent dans TOUS les sens je te préviens, ça mets de la terre partout. »

Jusque dans les cheveux, il s’en est assez vite rendu compte ça oui.

- « Je m’appelle Thomas Chastel, et toi ? »

Puis parce qu’il estime qu’elle l’a mérité.

- « Je suis un loup-garou, c’est pour ça que j’aide le garde-chasse, tu vois ? Ils pouvaient pas me laisser aller à l’école normale donc j’apprends la magie à Poudlard mais sans magie, heureusement il n’y en a pas besoin pour s’occuper des animaux. »

Un regard attendri à cette grosse loque paresseuse de Gaston qui roupille toujours dans ses bras.

@N. Harriet Karmali

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( la main verte | THOMAS ☉ HARRIET )

Rencontre étonnante que celle-ci, au détour d’une serre où je ne m’attendais à croiser personne si ce n’est le professeur attitré à ces lieux et quelques plantes cherchant un peu d’attention ou de quoi grignoter en attendant l’heure du repas. Rien de dangereux, ce n’est pas la serre dédiée aux plantes dont il faut se méfier, mais de quoi repartir avec un peu de bave sur mes boucles si je ne suis pas suffisamment attentive. Rien de tout cela pour le moment, mais un jeune garçon à la place, un peu plus jeune que moi, et une discussion qui se fait plus étrange à chaque nouvelle phrase. Que ce soit pour moi — comment ça, il vit dans la Forêt Interdite ? comment ça, il assiste le Garde-Chasse ? — ou pour lui — je peux déceler la surprise dans son regard alors que je lui mentionne la façon dont nous dormions, à Castelobruxo, sans compter sa curiosité enthousiaste à l’égard de Gaston. J’acquiesce avec un petit sourire à son exclamation, l’air de dire « oui, oui, dans les arbres, tu as bien entendu. » et enchaîne assez rapidement pour lui demander s’il ne fait pas partie d’une des quatre maisons — ça m’évite de trop ressasser cette mélancolie inévitable sur fond de jungle et de paysages qui me manquent. Parce que, à ma connaissance, ni Gryffondor, ni Poufsouffle, ni Serpentard n’ont des dortoirs par là-bas. Quant à Serdaigle, je sais d’expérience que ça n’est pas le cas. Poudlard n’en finit pas de m’étonner.

Une histoire compliquée, donc ? Voilà ma curiosité piquée. La sienne de même, à en juger par son offre qui me tire un nouveau sourire. « D’accord, deal. » Parler de l’école, ça ne revient pas à parler de moi. Pas vraiment, du moins. M’en tenir à une description factuelle, occulter tout ce que ma mémoire ne cesse de m’agiter sous le nez pour pousser mon cœur à se serrer un peu plus. Mais, avant toute chose, je pointe du doigt les pots qui n’attendent que de recevoir leurs hôtes et propose mon aide pour rempoter les bulbes sauteurs, comprenant bien vite qu’il ne compte pas m’assister le moins du monde, mais plutôt me regarder faire. Je ne sais pas si c’est l’envie de m’occuper les mains tout en lui racontant Castelobruxo ou bien une humeur conciliante qui me pousse à retirer ma veste malgré tout, mais je finis par le faire, remonter mes manches et m’approcher des tubercules. « C’est pas très grave, ça fait partie du jeu. » je réponds en haussant les épaules, assez peu inquiète à l’idée de me retrouver couverte de terre. « Une douche et ça sera réglé. » Un petit coup d'œil en direction du garçon et un soupir amusé franchit mes lèvres. Il n’a pas l’air décidé à lâcher Gaston, pas plus que mon compagnon n’a l’air décidé à quitter sa sieste pour se trouver un autre perchoir. J’imagine que je suis seule sur cette tâche, alors.

Avant de m’y mettre, je lui demande son nom, parce que c’est quand même plus sympa de le savoir si nous sommes destinés à rester ici encore un peu de temps. « Harriet, » je me présente à mon tour. Tout en m’agenouillant, lentement pour ne pas affoler les bulbes, je pose brièvement mon regard sombre sur Thomas avant de concentrer mon attention sur les plants. « Donc, l’école dans les arbres. C’est une école au Brésil, dans la forêt amazonienne. Castelobruxo, tu as déjà entendu ce nom ? » J’ai remarqué que ça n’était pas le cas de beaucoup de monde, ici, comme si seule Poudlard existait. Un peu autocentrée, comme vision, mais soit. « Perdue dans la jungle. Et nos dortoirs étaient répartis tout autour du bâtiment principal, où nous avions nos cours et où nous prenions nos repas. Mais on ne dormait pas dans des hamacs, ou sur des branches. Il y avait des cabanes très bien aménagées, aussi confortables que les chambres de Poudlard. » Je m’arrête, incertaine : s’il ne dort pas dans les dortoirs des maisons, il n’en a peut-être pas la moindre idée. « Enfin, voilà, c’était à ça que ça ressemblait. » L’ombre d’un sourire apparaît un instant sur mes lèvres avant que celles-ci ne s’agitent pour laisser place à une moue concentrée. D’un geste vif, je m’empare d’un bulbe, essayant de le pincer à la base de la naissance de la tige. J’ai un sourire victorieux en voyant le bulbe se figer, comme paralysé. En un tour de main, j’écarte la terre, l’y plonge, et referme le puits sur lui. Et de un.

« À ton tour, du coup. » Je suis curieuse de connaître son histoire, à Thomas, et je lui adresse un sourire, comme pour l’encourager à me la raconter, avant de revenir aux bulbes et d’en attraper un de la même manière que je me suis saisie du précédent. Il manque de m’échapper quand la voix du garçon s’élève dans mon dos, expliquant être un loup-garou, et le bulbe se retrouve enseveli sous la terre un peu plus violemment que son copain. Toujours accroupie, je me tourne d’un quart pour étudier les expressions de Thomas. Est-ce qu’il ment ? Non, il a l’air sincère. « Un loup-garou… » je souffle, une vague de tristesse me submergeant. On ne devient pas loup-garou par plaisir, c’est souvent une épreuve douloureuse qui survient après avoir frôlé la mort. Mais Thomas n’a pas l’air de trop mal le vivre, il en parle avec insouciance. « C’est pas trop dur, de changer d’école et de tout laisser derrière toi pour venir ici ? Surtout si tu ne peux pas faire de magie. Et puis, d’être un loup-garou, aussi. Ce n’est pas commun. » Il observe Gaston et moi je l’observe, la tête légèrement penchée, me demandant comment on peut devenir un loup-garou aussi jeune et quelles épreuves il a dû endurer.

@Thomas Chastel

( Pando )

Une histoire de loups-garous contre une histoire de maisons dans les arbres, c’était pas sûr que ça les valait, mais comme Thomas ne perdait littéralement rien à raconter ses aventures, il avait tout à gagner à les échanger contre d’autres récits. En plus, pour quelqu’un qui s’intéressait de plus en plus à la nature, l’idée de dormir dans les branches d’un arbre avait quelque chose de fascinant. Lui-même était déjà monté une fois ou deux au sommet d’un de ceux de la forêt interdite et s’il n’avait pas fait aussi froid et aussi haut, il y serait probablement resté, au moins jusqu’à ce que la nuit tombe. Alors si en plus on pouvait dormir…

Gaston toujours dans ses bras, il observe avec curiosité Harriet retrousser ses manches en lui assurant qu’elle ne craint pas de se salir. C’est cool, elle est courageuse au moins. Thomas aussi dans son genre, ça ne l’embête pas de finir crotté, franchement ils sont presque pareil ça se voit.

Pour mieux entendre, comme si on allait lui raconter une histoire – c’est le cas techniquement – Thomas fait quelques pas en direction de sa nouvelle amie. Il prend garde aux poids sauteurs, par contre, pas envie que l’un d’entre eux lui jaillisse dans l’œil.

Très attentif, il répond « Non. » du tac-au-tac quand Harriet lui demande s’il connait le nom de l’école. Aucune raison de mentir, de toute façon Poudlard lui suffit amplement pour le moment.

- « Oh tu veux dire des maisons directement dans les arbres ? » Il hocha la tête d’un air très expert. « Ça a l’air génial, je te le dis comme je le pense. »

Puis d’un coup de menton, de désigner la direction de la forêt, hors de leur vue depuis les serres.

- « Tu n’as jamais pensé à en construire une à Poudlard ? Je suis sûr que le directeur serait d’accord, ou alors on peut demander au professeur Alexander, il est plutôt partant pour ce genre de choses souvent. »

Thomas hoche la tête, pensif.

- « Je l’aime bien, mais ça se voit que c’est un grand gamin. »

Sous ses yeux, Harriet se saisit d’un des bulbes et le plante dans la terre avec beaucoup plus d’efficacité que n’en a pu avoir Thomas, malgré qu’il y soit de plus d’une heure.

- « Oh ! » lâche-t-il, impressionné, avant de hocher la tête quand sa nouvelle amie lui dit que c’est à son tour de raconter.

Ce qu’il s’empresse de faire, de manière un peu succincte néanmoins. Bizarrement, le récit n’a pas l’effet escompté et alors qu’il s’attendait à voir Harriet aussi enthousiaste que lui, celle-ci parait attristée, ou déçue ?

- « J’ai pas dit que c’était une histoire qui faisait peur. » se justifie-t-il au cas où elle se soit imaginé quelque chose de plus palpitant. « Mais c’est vrai que ce n’est pas une histoire commune. »

Sa main continue de caresser délicatement l’animal, assez pour qu’il soit content, mais pas trop fort pour ne pas le réveiller, enfin, Thomas fait de son mieux quoi.

- « Toi aussi tu as changé d’école je te signale. » la rembarre-t-il sans méchanceté. « Mais t’inquiète, personne ne m’embête ici, même sans magie, tu sais que Duncan a une arbalète chez lui ? »

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La balade jusqu’au petit village de Pré-au-Lard s’éloigne de plus en plus. Ma veste neuve déposée dans un coin, je retrousse mes manches en m’approchant des pois sauteurs, tout en remplissant ma part de ce petit marché dont nous venons de convenir : une histoire contre une autre. La mienne se passe dans la jungle, à des milliers de kilomètres d’ici et apporte avec elle cette nostalgie familière qui n’est pas exempte de mélancolie. Mais la bonhomie de Thomas a le mérite de ne pas lui permettre de s’ancrer trop profondément. Il est vraiment jovial et enjoué, ça pousse à donner le change. Et sa franchise est rafraîchissante. « Oui. Ça l’était, génial. » je confirme avec un sourire en coin avant de lâcher un petit rire quand il propose d’en construire une, ici. « Le professeur Alexander ? Je ne dois pas avoir ses cours, qu’est-ce qu’il enseigne ? Tu le connais bien ? » S’il en est à le qualifier de grand gamin, c’est qu’ils doivent être plutôt proches. Peut-être un peu comme un mentor ou un tuteur dans une nouvelle école. C’est cool, d’avoir quelqu’un à qui se raccrocher. « J’ai jamais pensé à le faire, non. Il faudrait être sacrément fort en magie pour arriver au même résultat et ce n’est pas tout à fait mon cas. » fais-je en haussant les épaules avant de m’emparer d’un bulbe et de l’enfoncer prestement dans la terre de laquelle il ne parvient pas à s’échapper. Et de un.

Finalement, mon histoire est bonne enfant : des cabanes dans les arbres, une école magique cachée dans la forêt amazonienne… Raconté comme ça, on dirait un conte surréaliste, quelque chose qui n’existe pas. Que dire de Uagadou, dans ce cas. Les deux existent pourtant bel et bien. Curieuse, je relance ensuite Thomas sur ce que lui a à raconter. Sans que sa voix ne flanche, sans faire montre d’aucune émotion différente de celles qu’il exprime depuis que je suis entrée dans cette serre, il balance qu’il est un loup-garou. Je sens une profonde tristesse m’envelopper : je sais, en théorie, comment un sorcier devient un loup-garou, et ça n’a rien de très joyeux. Pourtant, le garçon n’en montre aucune peine. Durant une seconde, je me demande s’il ment. S’il invente toute cette histoire, peut-être pour se montrer intéressant ? J’ai l’intuition que non. Il se montre honnête depuis le début de notre récente rencontre, alignant ses pensées avec une logique qui doit lui être propre, les transmettant sans filtre. J’ai envie de le croire et puisqu’il ne semble pas souffrir de ce qu’il est, je préfère éviter de m'apitoyer sur son sort. Qui suis-je pour décider de la manière dont il doit vivre une telle chose ? Absolument personne. « On avait pas de loups-garous, nous, mais des pumas qui rôdaient et des Caipora. Ce sont de petits êtres poilus qui protégeaient l’école autant qu’ils faisaient de farce. Autant dire, beaucoup. » Loin de moi l’idée de prétendre qu’être un loup-garou peut-être comparable, mais puisqu’il en parle avec nonchalance, je le suis.

Genoux pliés, en équilibre sur mes talons, j’abandonne un instant mon ouvrage. « Je… Non, je ne savais pas qu’il avait une arbalète chez lui. Tu as déjà tiré avec ? » Bon, ça doit être dangereux, mais je crois que plus rien ne m’étonnerait à ce niveau. Un loup-garou embauché dans une école pour aider le Garde-Chasse doit bien être en mesure de toucher à des armes ? Qu’est-ce que c’est que ce château… « Et c’est justement parce que j’ai changé d’école que je sais que ça peut être compliqué. » Mes yeux se baissent sur les bulbes et je m’emploie à en rempoter un deuxième. « Tu veux une autre histoire ? Un peu dans le même genre que toi qui te transforme en loup-garou ? » je lui propose subitement, sans même réfléchir à ce que je suis en train de dire et au secret que je m’apprête à confier.

@Thomas Chastel

( Pando )

S’il connaissait bien le professeur Alexander ? Au fond pas tant que ça, mais clairement c’était l’adulte qui lui avait accordé le plus d’attention à Poudlard, si on excluait Benjamin Duncan et Fergal Armitage, mais eux ce n’étaient pas des profs…

Thomas hocha la tête.

- « Il enseigne l’étude des moldus ! Mais ça ne veut pas dire que c'est un mauvais sorcier, il faut séparer les deux si tu veux mon avis. Ce serait sympa, non ? Comme ça si d’autres élèves de ton école viennent en voyage scolaire un de ces quatre, ils sauront où dormir. »

Thomas avait fait un voyage scolaire, une fois, en Espagne, avec sa classe. Petits anglais et petits espagnols s’étaient mêlés le temps d’une semaine et les enfants avaient dû dormir chez l’habitant. Si Thomas gardait un super souvenir du voyage, le couple qui l’avait accueilli, lui et un de ses camarades, par contre, s’était montré bien piètres hôtes et le jeune homme pensait depuis que quand on accueillait des invités, il fallait au moins que les draps soient propres.

Construire une maison dans les arbres du parc ne semblait pas du tout farfelu à Thomas. Après tout, il portait un regard frais sur Poudlard et une telle construction ne lui paraissait pas plus absurde que des tableaux bavards ou une colonie de Selkie au fond du lac noir, au bout du compte.

Une idée lui fit froncer les sourcils toutefois.

- « Par contre faut que je te le dise, tu dois faire attention aux botrucs. Il y en a plein dans les arbres et ils détestent qu’on s’en prenne à leur arbre DONC si tu construis une cabane, il faut leur demander avant ou en choisir un qui n’a pas de botrucs. Je te montrerai si tu veux. Pour te remercier de ton aide. » dit-il en hochant la tête d'un air malin.

Parce que pendant qu’il parlait Harriet rempotait toujours à sa place et bien qu’il n’en éprouve aucun remord réel, Thomas avait bien noté qu’elle lui rendait service.

Puis, la conversation dériva du côté des loups-garous , Thomas s’étant engagé à raconter son histoire aussi, ce qu’il fit bien volontiers, seulement soucieux qu’elle ne paraisse pas ennuyante à sa nouvelle amie.

- « Je ne connais ni l’un ni l’autre. » dit Thomas en secouant la tête d’un air pas très triste. Il portait toujours Gaston dans ses bras et ça lui suffisait pour le moment. « Il parait qu’il y a un esprit frappeur à Poudlard qui fait des farces mais je ne l’ai pas encore vu. C’était marrantes les farces ou moyen ? »

Puis il secoua la tête quand la jeune fille lui demanda s’il avait déjà tiré à l’arbalète. Dommage, mais il ne désespérait pas de pouvoir l’essayer un jour, même si elle était magique. Beaucoup de choses restaient à essayer à Poudlard, et bien que dépourvu de pouvoirs, Thomas comptait en essayer un maximum possible, quitte à demander un coup de main. Alors forcément, quand sa camarade lui fit miroiter une nouvelle histoire, son attention volatile se focalisa sur elle. Elle avait employé un ton de conspirateur, il ne lui en fallait pas plus et il se rapprocha de quelques pas, l’air concentré, au cas où Harriet ait voulu parler à voix basse.

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La conversation va bon train. Légère, naturelle et pourtant pas si exempte que ça de grandes révélations. Je perds un peu mon regard noir sur les traits du garçon, essayant de me figurer le loup-garou qu’il cache au fond de lui, tentant de démêler le vrai du faux avant de décider qu’il n’a vraisemblablement pas assez de malice en lui pour construire un tel mensonge. Peut-être que je me trompe, mais j’aime croire que non. Et puis, ça expliquerait son statut particulier au sein de l’école. Même si le mettre à l’écart de cette façon est bien étrange et peut-être pas la pédagogie la plus adaptée. Il mentionne un des professeurs comme s’il le connaît bien, un nom qui ne me dit rien, sûrement une option que je n’ai pas. Bingo, c’est celui en charge de l’étude des moldus. Un peu bizarre, encore une fois, si vous voulez mon avis, de planifier des leçons sur des humains comme on le ferait sur des animaux. Bon, c’est sûrement pour en apprendre plus sur leurs coutumes, leurs modes de vie, mais l’appellation a quelque chose de dérangeant. « Oh ne t’en fais pas, je sépare les deux. Je ne suis pas la plus douée avec ma baguette magique, j’estime pourtant ne pas être une mauvaise sorcière. Enfin, je crois… » Dans le fond… Non, j’avais d’autres capacités, la magie ne se résumait pas à quelques sortilèges ou à la matière qu’on enseigne. En tout cas, quand Thomas a quelque chose en tête, il ne l’a pas ailleurs. « C’est une bonne idée. Au moins, ils ne seraient pas trop dépaysés. » Je ne souligne pas qu’il est peu probable qu’un tel échange se produise : on avait bien des correspondants, mais jamais personne de Poudlard n’est venu à Castelobruxo, ni l’inverse. Du moins, pas que je sache et pas sur nos années. Parfaitement impliqué dans le projet, Thomas souleva un point auquel il faudrait réfléchir lors de la construction. Et un point parfaitement valide ! Les Botrucs pouvaient s’avérer particulièrement violents. On les avait étudiés brièvement à Castelobruxo mais ce n’était pas une espèce très présente dans la forêt amazonienne. Par contre, ici… Le cours de Soins aux créatures magiques avait d’ailleurs mis en lumière la grande population qui vivait dans la Forêt Interdite. « Bien vu. T’as l’air de bien connaître la forêt, alors ton aide sera précieuse, merci. » Non pas que je compte vraiment construire une cabane mais… Sait-on jamais.

Pendant ce temps, je rempote un deuxième puis un troisième bulbe, avec plus ou moins la même facilité que le premier. Il faut dire que quand on sait où les pincer, ça devient tout de suite plus facile. Une petite pause s’impose néanmoins alors qu’on effleure de nouveau le sujet des loups-garous et que je décide de raconter quelques détails de mon ancienne école. « Les pumas, ce sont des gros chats, tout ce qu’il y a de plus non-magique. Et les Caiporas… Ah, comme te décrire ça… Ce sont… Imagine un être à la peau foncée, petit, avec une longue crinière noire, des peintures rouges sur tout le corps, des yeux rouges… Je dois avoir un dessin d’eux quelque part, mais pas sur moi. » je fais en haussant les épaules, me mordillant la lèvre tandis que je réfléchis à ne pas oublier une caractéristique essentielle. « Ça dépend. Ils ne sont pas méchants mais incroyablement malicieux. Je n’ai jamais trop été la cible de leurs farces, alors je dirais que ça va. À la base, ils sont censés veiller sur les élèves, alors je pense qu’ils ne feraient jamais trop rien de brutal. N’empêche, une fois, tout un dortoir s’est réveillé au milieu de la cour du temple, sous un tas de feuilles, complètement nus. Je crois que les garçons s’étaient moqués des Caiporas et qu’ils n’avaient pas apprécié. » Sur ce, j’enroule mes doigts autour d’un autre bulbe pour continuer mon rempotage. Malheureusement, celui-ci m'échappe et saute directement sur le visage de Thomas. « Oups, désolée. » je glousse en tentant de le rattraper.

La terre se referme sur lui et je lève subitement mes yeux noirs vers le garçon puis lui propose un secret, un peu comme le sien. C’est spontané et assez inattendu, mais finalement, ce n’est pas un secret que je n’ai jamais partagé et il me semble que ça peut lui faire se dire qu’il n’est pas tout seul. Certes, je ne me transforme pas en loup, mais il y a des similitudes quand même. Dès que je prononce le mot secret, Thomas se rapproche, l’air très intéressé. Je passe un doigt sur la peau épaisse de Gaston, désormais à ma portée et toujours parfaitement endormi, avant de reprendre, un ton plus bas, comme si je lui confiais un secret d’état. « Tu peux te transformer en loup ? Et bien moi, je peux me transformer en oiseau. » Et je lui fais un petit clin d'œil.

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( Pando )

Plutôt fier de s’entendre dire que son aide pourrait s’avérer utile, Thomas se garda bien de préciser qu’en fait, la forêt, il ne la connaissait pas si bien et que la semaine dernière il avait faillit s’y perdre. Heureusement que Duncan l’avait récupéré avant la tombée de la nuit dans une clairière à quelques cinq-cents mètres de l’orée du sous-bois.

Pendant qu’Harriet travaille, Thomas continue de causer et poser des questions, tout en caressant le gros caméléon d’une main. C’est une répartition des tâches qui lui convient bien, quand on lui a expliqué que son futur travail de garde-chasse impliquerait un contact régulier avec les animaux, le jeune homme n’imaginais rien d’autre que beaucoup de caresses et pas trop de travail. Malheureusement de ce qu’il en avait vu jusque là le ratio semblait plutôt inversé.

Curieux de tout et surtout de cette étrange école de magie qui n’a pas l’air aussi bien que Poudlard mais plutôt fascinante quand même, Thomas apprend qu’on y trouve des pumas et des lutins farceurs. Il ouvre de gros yeux lorsque sa camarade lui explique le genre de blague auxquels ils s’adonnent, essayant d’imaginer quelque chose de similaire ici.

- « Naaan… ? »

Ça doit être… sacrément gênant. Silencieusement, Thomas se promet de ne pas importuner ces lutins-là, si un jour il visite Castelobruxo. Déjà qu’ici Peeves l’impressionne beaucoup, mais ceux-là ont l’air d’une autre trempe !!

Tellement absorbé par l’anecdote, le jeune homme ne voit pas venir le bulbe qui lui saute soudain au visage, le faisant reculer d’un pas.

- « Eh ! » s’’indigne-t-il. « Pas la peine de te venger sur moi je ne suis pas Caipora ! »

Mais soudain, Harriet propose un secret et la conversation devient plus sérieuse. Thomas se rapproche. Comme tout le monde, il aime beaucoup les secrets, surtout venants d’une élève plus âgée et étrangère, sûr que ça sera intéressant… !
Tout en tenant Gaston fermement au creux de ses bras, il se rapproche et s’accroupit aux côté de sa camarade d’un air de conspirateur. Assez proche pour permettre à Harriet de caresser le caméléon – son caméléon – du bout du doigt, faisant planer le suspense montant quelques secondes supplémentaires.

- « J’écoute. »

…

- « En oiseau ? »

Il hausse un sourcil.

- « Genre, un piaf-garou ? »

Est-ce que Harriet partage la même malédiction que lui ? Ce serait une sacrée nouvelle mais Thomas n’a jamais entendu parler de ce type de métamorphoses-là ! D’un autre côté il n’a pas entendu parler de grand-chose de toute façon. Peut-être qu’en Amérique du sud leurs loups-garous sont différents ?

- « Tu te transformes quand ? » demande-t-il sans douter une seule seconde de la véracité du secret que vient de lui confier sa camarade.

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Absorbée par les anecdotes que je raconte à Thomas, je suis un peu moins attentive au bulbe que j’essaie de rempoter et celui-ci ne perd pas l’occasion de se dégager d’un bon, sautant au visage du jeune garçon avant de s’éloigner d’un deuxième rebond furieux. Je ravale mon rire, mi-amusé, mi-désolé, et je m’excuse platement auprès de mon camarade, quand bien même il ne semble pas souffrir de terribles séquelles. Dans ses bras, Gaston n’a même pas bronché. « Non rassure-toi, tu en es bien loin. » Quoique, peut-être que par la taille, il pourrait s’en rapprocher. Mais c’est bien tout. Je dis ça, mais n’empêche que pour un très jeune garçon, il est quand même capable de se transformer en loup-garou. Les Capoira ont beau être des sortes d’esprits de la forêt, je ne sais pas qui l’emporterait dans un face-à-face entre l’un et l’autre.

Un peu pour me faire pardonner, surtout pour alimenter la conversation, je lui propose un vrai secret en échange de celui qu’il vient de me confier. Une transformation contre une autre, en quelque sorte. Mon ton conspirateur doit faire son petit effet puisque Thomas se rapproche et se baisse à mon niveau, m’offrant le loisir d’abandonner une caresse sur le crâne de mon compagnon à écailles. Les yeux grands ouverts du garçon traduisent son intérêt et je lui dévoile ma particularité à moi, sans réfléchir plus loin que l’instant agréable que l’on partage. Je n’en fais pas un secret d’état, de toute façon, c’est loin d’être une tare, au contraire. À mes yeux, c’est même un don dont je suis très fière. Ça semble le surprendre, en témoigne son sourcil levé et son interrogation. Il a un côté ingénu très attachant et c’est l’esprit dénué de toute moquerie qu’un petit rire étranglé me secoue quand il parle d’un piaf-garou. « Non, non, ce n’est pas comme ça. »

Je jette un coup d'œil aux bulbes sauteurs qu’il reste encore à rempoter. Bon, ça ne devrait pas prendre trop longtemps si je me concentre, mais pour l’instant, Thomas a des questions. « Je me transforme quand je veux. Ça s’appelle un animagus : quand un sorcier est capable de se transformer en un animal. Je crois que c’est assez peu répandu en Angleterre, mais dans ma toute première école, on apprenait ça dès notre plus jeune âge. » C’était très loin d’une malédiction imposée par la morsure d’un loup-garou… Même si, encore une fois, Thomas semblait vraiment bien le vivre. « Bon, si on terminait de rempoter tout ça ? » je propose, en sachant intuitivement que je vais être la seule à m’en charger pendant que le garçon continuera de câliner Gaston.

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( Pando )

Entré un peu par effraction dans le monde des sorciers en bénéficiant de vides juridiques et d’inconnues médicales, Thomas n’avait pas pu compter de toutes les infos techniques pourtant rétrospectivement bien utiles dont il aurait pu avoir besoin. Évidement comme il ne connaissait pas lesdites informations il ne se sentait pas lésé, mais force était de constater que sa culture sur la lycanthropie – la vraie culture, pas celle dans les séries télé moldu – était au mieux lacunaire.

En conséquence de quoi, alors, l’idée qu’il puisse exister des oiseaux garous ne semblait pas si délirante, il était juste curieux de savoir comment Harriet avait contracté la malédiction. S’était-elle fait picorer le crâne ? En tout cas il était très intéressé de savoir qu’en plus de Masha une autre fille partageait sa situation. Et en plus elle était sympa !! (pas comme Masha...)

Mais Harriet doucha rapidement son imagination avant d’entrer dans des explications un peu plus techniques sur la différence entre lycanthrope et animagus. Thomas avait ouvert des yeux ronds tout du long :

- « Quand tu veux ? » wo… alors ça, c’était le rêve un peu. « C’est trop bien, en fait t’as tous les avantages sans les défauts. »

Ça semblait presque trop beau en fait, comparé à lui qui devait attendre la pleine lune et rester enfermer dans une petite cabane toute la nuit…

- « Tu dois être enfermée aussi quand tu te transformes ? » demanda-t-il, puis saisi d’un sentiment de suspicion, il fronça les sourcils. « Prouve le. Transforme toi pour voir. »

Et d’une manière un peu enfantine, il releva le menton d’un air de la mettre au défi.

- « Je dis pas que tu mens, hein, mais faut pas me prendre pour un idiot juste parce que je viens d’arriver, animagus c’est plus fort que loup-garou du coup non ? »

Restait cette idée que peut-être elle lui faisait une blague, qu’elle lui racontait n’importe quoi et que lui, naïf, la croyait sur parole. En définitive, peut-être que c’était elle, le Caipora de Poudlard ?

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Le problème, quand on dévoile un secret ou un truc un peu cool, un peu unique en son genre — même si les animagus étaient loin d’être unique là où je suis née — ce sont les questions qui suivent. Et Thomas semble en avoir plusieurs. Je dissipe rapidement le malentendu — non, je ne suis pas un oiseau-garou, et ça n’a rien d’une malédiction — avant qu’il ne se fasse plus d’idées que ça mais je culpabilise presque aussitôt de ne pas m’être montrée plus délicate dans la manière d’exposer les choses. Les avantages sans les défauts… C’est sûr que comparé à un sorcier mordu par un loup-garou, être un animagus est une chose merveilleuse. Je veux dire, c’en est une de base, mais encore plus face à certains cas particuliers. J’ai une petite moue, quelque chose qui oscille entre le C’est pas si génial que ça et qui est, en même temps, bien incapable de mentir face à une telle évidence. « En effet… C’est que ça n’est pas lié à une morsure ou une attaque quelconque, c’est quelque chose qui fait partie de toi, en tant que sorcier, et que tu parviens à éveiller si tu t’entraînes correctement. Même si tout le monde n’y arrive pas. » Je suis mitigée sur l’intérêt qu’il porte à mes explications, ça doit enlever tout le côté wahou de la chose et creuser plus de distance encore avec sa propre condition. « Non. » Je secoue la tête, mes boucles brunes s’agitant autour de mon visage. « On peut se transformer part… »

Je m’interromps alors qu’il surenchérit en me demandant de le prouver. Un brin interloquée par son audace, je laisse finalement échapper un petit rire et je secoue la tête, derechef. « Je te promets que je ne mens pas. Mais je ne vais pas me transformer maintenant. C’est… Ce n’est pas un jeu. » Comment lui dire que c’était presque quelque chose d’intime, à mes yeux, en tout cas certainement pas quelque chose qui relève du spectacle ? « Je ne te prends pas pour un idiot, juré. Est-ce que t’as l’impression que c’est le cas ? » Bon, en même temps, s’il n’a aucune preuve, je peux comprendre qu’il ne me croie pas. « Plus fort… Je ne pense pas. Si je me transforme un soir où tu es sous ta forme de loup-garou, je ne gagnerais pas si tu décidais de me croquer un bout d’aile. » je tempère, avec un sourire.

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( Pando )

L’histoire d’Harriet était aussi intrigante que suspecte et, si Thomas ne se montrait pas d’un naturel suspicieux la plupart du temps, puisque la conversation touchait désormais à un sujet qui le concernait en premier lieu, il ne comptait pas avaler toutes les premières couleuvres venues. Après tout, que lui avait dit Stanley ? « Ne te laisse pas marcher sur les pieds. » La jeune fille semblait gentille, plutôt prévenante, mais lui ne voulait pas se laisser baratiner. Si ce qu’elle lui racontait était vrai, alors cela changeait beaucoup de choses dans la manière qu’il avait d’appréhender sa malédiction, et aussi cela voulait dire qu’il n’était pas le seul élève de l’école – hormis Masha – à disposer du don de se transformer en animal… même si, dans le cas de la Serdaigle, les règles semblaient différentes, mais cela il ne l’avait pas encore digéré complètement.

L’espace d’un instant, Thomas avait pensé que peut-être, lui aussi pourrait apprendre, comme elle, à se transformer quand il le désirait, mais Masha expliqua bien que c’était un pouvoir qui existait en sommeil chez les sorciers et lui… il n’était pas sorcier. Cela voulait aussi dire que sa lycanthropie n’était pas si exceptionnelle, puisque apparemment tout le monde pouvait faire pareil et soudain, il se sentit un peu moins spécial.

Ce fut sans doute cette légère amertume qui le poussa à réagir en demandant, exigeant presque, qu’elle prouve ses dires !

Sa camarade n’en fit rien, faisant plisser les yeux au jeune homme, de plus en plus suspicieux. Qu’est-ce qui lui prouvait qu’elle ne le baratinait pas complètement ? Ses excuses ne tenaient pas la route. « Pas un jeu. » et pourquoi pas, si elle pouvait faire ça quand elle voulait ? Pour lui, c’était différent, oui, il devait prendre sa potion-médicament et attendre la pleine lune, mais elle, qu’est-ce qui l’empêchait de se changer tout de suite en oiseau si elle était si forte que ça ?

Quand elle lui demanda s’il pensait qu’elle le prenait pour un idiot, il hocha la tête avec franchise.

- « Je ne sais pas. » expliqua-t-il clairement, mais sans animosité. « Je ne vois pas pourquoi tu ne le fais pas tout de suite si c’est si facile. »

Il ne rebondit pas sur la mention de lui croquer une aile, ne trouvant pas la plaisanterie très amusante.

- « Un de ces jours, quand c’est la pleine lune, tu n’auras qu’à venir à la cabane hurlante, je te montrerai comment moi je me transforme. »

C’était une bravade de petit garçon, un peu blessé dans son égo et sa confiance, mais heureusement il passait vite à autre chose et d’une main se saisit d’un pot, y enfonça d’un coup sec l’un des bulbes sauteurs, avant de contempler son œuvre avec satisfaction. Gaston toujours sur son bras, il était temps de finir cette corvée.

HRP:

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( la main verte | THOMAS ☉ HARRIET )

La confiance n’est pas facile à acquérir, mais le fragile équilibre noué avec Thomas se désagrège encore plus rapidement. Je comprends qu’il soit sceptique — je commence à saisir que ses connaissances du monde magique sont limitées et qu’il ne voit qu’à travers le prisme de sa propre lycanthropie, pourtant si différente de ce que je suis capable de faire — mais je suis tout de même un peu sonnée par son audace. Me transformer, maintenant ? Non, je refuse, doucement, essayant de lui expliquer mes raisons et lui assurant que je ne le prends pas pour un imbécile. Ce n’est pas mon genre… Mais ça, il n’a aucun moyen de le savoir, lui. Je ne peux que lui offrir mon honnêteté et espérer qu’il ne prenne pas la mouche. Enfin, je ne le connais que depuis quelques minutes, ce ne serait pas si grave que ça, dans un sens. De l’autre… Il m’est sympathique et je n’ai pas vraiment envie qu’il se persuade que je lui mens ou que je le considère comme un idiot. Au moins, il est facile de savoir ce qu’il pense puisqu’il ne passe pas par quatre chemins pour répondre aux questions et exprimer ses sentiments. Je pousse un petit soupir, sans même me demander pourquoi je m’obstine alors qu’il m’était encore inconnu avant que je ne pénètre cette serre. « Où je suis née, on dit que notre forme animale représente qui on est, tout au fond de nous. C’est… super intime, à mes yeux. Du moins, c’est pas quelque chose que je suis à l’aise de faire dès qu’on me le demande. » J’espère que ça l’aide à mieux cerner ma position, à se dire que je ne fais pas ça par plaisir de lui dire non. C’est comme ça, c’est tout.

Lui, en revanche, ne semble pas être retenu par de telles considérations. Il me propose de but en blanc de le rejoindre à la pleine lune et j’ai beau savoir que c’est dangereux, qu’un loup-garou n’a rien d’innoffensif, que me rendre à cette cabane le soir où il se transforme est une idée abominable, ma curiosité l’emporte et j’accepte sans plus hésiter. « D’accord. Je pourrais te le montrer à ce moment-là aussi, si je me sens de le faire. » Ce n’est pas tout à fait une promesse plus une… possibilité. Et puis, de toute façon, il avait de longs jours pour oublier ce qu’il vient de me dire. Une part de moi espère que ce ne sera pas le cas. C’est dangereux, oui, mais si je suis sous ma forme d’oiseau, qu’est-ce qu’il pourrait m’arriver franchement ? Enfin, le temps n’est plus trop à la discussion, Thomas s’empare d’un bulbe et l’enfonce d’un coup dans la terre humide. Je me saisis du dernier et l’imite, mettant fin à sa corvée. « J’allais à Pré-au-Lard. Si tu restes ici, tu peux garder un oeil sur Gaston ? » je lui demande en récupérant ma veste sur la table où je l’avais laissée. « Sinon, t’en fais pas pour lui, il sera ravi de se poser sur une branche et de paresser tout l’après-midi avant que je vienne le récupérer. » Une façon comme une autre de lui faire savoir qu’il peut continuer de le porter ou bien retourner vaquer à ses occupations. « À plus. » je fais au moment où nos chemins se séparent, le mien prenant la direction du petit village sorcier à la bordure de Poudlard.

@Thomas Chastel

( Pando )

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