Rosalie souffla du nez, le visage penché au-dessus de son livre. Ça ne faisait même pas un mois — un mois de rien du tout — que les cours avaient commencé et les cinquième années croulaient déjà sous le travail. Qu’avait-elle fait pour que la vie soit aussi cruelle avec elle ? Si ça n’avait tenu qu’à elle, la Gryffondor serait restée dans son lit à faire une grasse matinée avant de ne rien faire en compagnie d’Artemis et Haley puisque les cours de Potions étaient en partie annulés pour qu’ils puissent avancer sur la grande quête alchimique confiée en début d’année. Bien évidemment, ça n’était pas dans les plans de ses deux meilleurs amis qui avaient vu là l’occasion rêvée de terminer un devoir de métamorphose. Bon gré, mal gré, la blonde s’était donc jointe à eux et jetait, de temps à autre, des coups d'œil désespérés sur le parchemin du Serpentard à sa gauche. Elle en était là quand une proposition de la Poufsouffle manqua de la faire s’étrangler. Comment ça, revenir ici après le déjeuner ? Non mais elle était complètement folle ? D’âpres négociations plus tard, il fut convenu qu’ils resteraient une demi-heure de plus à la bibliothèque pour aller prendre leur repas un peu plus tard mais qu’ils se reposeraient ensuite jusqu’au cours de Sortilèges. Avec un soupir à mi-chemin entre le soulagement et l’envie de mourir sur place, Rosalie se remit au travail.

Un point final, des frites, du poulet et quelques bonbons plus tard, la blonde se sentait bien mieux. Si c’était à ça qu’allait ressembler les dix prochains mois, elle ne donnait pas cher de sa peau. Peut-être pouvait-elle demander une dispense spéciale par rapport à son rôle de préfète ? C’était une idée qu’elle se promettait de creuser plus tard. Il fallait qu’elle soit à la hauteur de son insigne et, pour ça, il ne fallait pas passer toutes ses heures enfermée dans une pièce poussiéreuse à essayer d’obtenir des bonnes notes, n’est-ce pas ? Le petit trio prit la direction de la lisière de la forêt interdite, comme le professeur Aylmer l’avait demandé dans une petite note transmise à toute la classe. Ça voulait dire qu’ils allaient passer l’après-midi dehors et c’était plutôt une très bonne nouvelle, quand bien même la digestion donnait plutôt envie à la Gryffondor de faire une sieste. La curiosité de découvrir leur tout nouveau professeur valait bien un peu d’entrain et c’est finalement avec le sourire et plein de bonne volonté qu’elle se pressa jusqu’à au point de rendez-vous.

« Il est trooop canon » se dépêcha de souffler Rosalie à l’oreille de sa meilleure amie dès que la silhouette du nouvel enseignant fut suffisamment visible. Ah, ça, ça changeait du vieux professeur van Aken ou des cheveux grisonnants du professeur Tyrell. Il avait quand même l’air super sévère, mais Rosa était prête à tout lui pardonner. Il expliqua sans préambule que le cours du jour consistait en un parcours qu’ils allaient devoir franchir avec leurs connaissances. Pourquoi est-ce que ça lui filait un mauvais pressentiment ? « Vous croyez que ça va être le même genre de parcours que celui de Thorstein ? » demanda-t-elle à Artemis et Haley, une pointe de panique dans la voix. Son expérience ne s’était pas tout à fait bien passée, elle était obligée de l’admettre, et elle n’avait pas franchement envie de recommencer. La courte marche qui précéda le commencement eut le mérite de placer Rosalie dans un état d’esprit d’aventurière. Elle allait tout déchirer. C’était une grande quête qu’on leur présentait là et il en allait de son honneur de la compléter ! Un brin rêveuse et bien trop optimiste, elle leva ses yeux dorés jusqu’à la première plateforme mentionnée par le professeur. Est-ce que son enthousiasme était trop visible ou bien est-ce qu’elle avait attiré l’attention du bel enseignant ? Elle préférait la deuxième solution ! Toujours est-il qu’il désigna Rosalie pour passer en première. « Oui, bien professeur » couina-t-elle en s’avançant d’un pas assuré. C’était parfait, ça veut dire que tout le monde allait la regarder et constater à quel point elle était trop douée !

Quelques pas de plus et elle parvint sous l’échelle, repliée sur elle-même. D’accord, ça, c’était simple : il fallait grimper là-haut. Une corde retenait le seul moyen d’y parvenir sans trop de difficulté. Il fallait donc la couper. Resserrant ses doigts autour de sa baguette, Rosalie la pointa en l’air et se concentra, le nez plissé sous l’effort. « Diffindo ! »


C'est bon, ça fonctionne ! Peut-être un peu trop bien, même... L'échelle se déplie jusqu'à Rosalie qui constate que quelques parties ont fait les frais de son sortilège. Oups. La blonde déglutit, lança un petit regard en direction du professeur dont les yeux de glace n'exprimaient pas grand chose d'autre que de la réprobation, et s'élança finalement, grimpant tant bien que mal son échelle abîmée. Une fois sur la plateforme, elle s'avança prudemment jusqu'au bord, jaugeant la hauteur à laquelle elle se trouvait. Constatant qu'un de ses camarades s'avançait déjà pour débuter le parcours, elle essaya de se concentrer sur la suite. Il y avait un tissu qui semblait mener à l'autre plateforme, mais ça allait pas être facile de marcher dessus... Oooh. Intelligent ! Elle comprit assez vite où l'enseignant voulait les emmener. C'était quoi, déjà, le sortilège ? Duros ? un truc comme ça ? « Duros ! » ... Rien. « Duros ? » Toujours rien. « Du... ro ? »


Ce n'est certainement pas la conviction dans sa voix qui l'aida à réussir, mais le tissu se fige sous ses yeux. Un pas après l'autre, les bras tendus comme si elle marchait sur une poutre, Rosalie passe de l'autre côté. Un petit soupir soulagé s'échappe d'entre ses lèvres qui s'ouvrent pour laisser passer un cri strident la seconde d'après. Projetée dans les airs par des laines qui l'encerclaient de toutes parts, la panique de la blonde grimpa en flèche. C'était quoi, ça ?! Non mais pourquoi c'était toujours sur elle que ça tombait ? Si seulement elle était passée deuxième, au moins aurait-elle pu savoir ce qui l'attendait...


Dans la précipitation, elle ne réfléchit pas deux fois à comment faire pour se débarrasser de ces entraves. Elles doivent disparaître ! Et puisqu'elle ne connait aucun moyen de les faire disparaître, elles doivent rapetisser ! Sa première tentative ne donne rien mais la seconde est la bonne. Les lianes réduisent, réduisent, jusqu'à ce que Rosalie, dans un soupir soulagé, tombe enfin.


Avec une seconde de retard, elle comprit ce que signifiait le mot tomber. Il n'y avait rien du tout pour la rattraper, là, hormis le sol qui était beaucoup trop loin à son goût. Un second cri jaillit dans la forêt. Aylmer était peut-être vraiment beau, mais il était aussi sadique que Thorstein ! Une suite de pensées traversa l'esprit de la Gryffondor qui voyait la fin de sa grande quête magique toucher à sa vie. Dans un dernier sursaut de volonté, elle chercha à toute vitesse le sortilège qu'ils avaient vu avec l'ancien professeur, ça permettait de ralentir les chutes. Oui, voilà ! Pointant sa baguette sur sa poitrine, elle lança avec conviction : « Expedimenta ! » Sa chute s'arrêta bel et bien, mais uniquement parce qu'elle fut subitement suspendue par les chevilles, dans les airs, ses bras ballotant à quelques centimètres du sol. « De l'aide ? » lança-t-elle d'une voix étranglée, tentant d'apercevoir quelqu'un. Si ça se trouve, le prochain allait bientôt tomber à côté comme une pomme trop mûre.

( Pando )