Etrangement, son silence valait toutes les promesses du monde. Il ne partirait pas, bien sûr qu'il ne partirait pas. Elle avait été biens tupide d'en douter ne serait-ce qu'un instant. Pourquoi ferait-il ça ? Leur relation s'engageait sur un tout autre chemin, bien plus plaisant encore que tous ceux qu'ils avaient déjà arpenté tous les deux, qu'il parte désormais n'avait plus aucun sens, elle-même n'y croyait plus. Tout irait bien maintenant. Et tout irait bien jusqu'à la fin des temps. Ce moment semblait être le plus extraordinaire qu'il lui eut été donné de vivre en dix-sept longues années. Elle planait totalement, bien au dessus de la réalité et de toutes les choses qui pouvaient la composer. Chaque geste du jeune homme apparaissait comme attendu depuis toujours, comme si elle avait toujours su qu'au fond tout se finirait ainsi. Il n'y avait plus que lui, son corps si près du sien et l'harmonie des plus complètes qui s'étalait entre eux. Le reste ne comptait plus, et ne compterait sûrement plus jamais. Comment les choses avaient-elles, un jour, pu mal se passer ? Sa délation, leur guerre, leur dispute... Tout ça lui semblait tellement lointain, tels de vagues souvenirs dont on ne parvenait plus réellement à voir la véracité. Peut-être n'était-ce en fait qu'un délire de son imagination, qu'ils vivaient dans le monde réel un amour parfait depuis qu'ils s'étaient croisés pour la première fois ? Ca semblait tellement plus probable en effet... Toute trace de malaise avait totalement disparue, au fond elle lui avait sûrement appartenu dès le début, seulement n'en avaient-ils pas eu conscience tout de suite. Ce n'était que la route logique des choses que de l'admettre ainsi et se préoccuper pour des détails sur lesquels elle n'aurait sûrement pas dû réellement s'attarder ne servait à rien. Pour une fois, le temps semblait jouer en sa faveur, cet instant consentant à durer encore et encore, acceptant peut-être même de ne jamais avoir de fin, de l'en laisser profiter tant qu'elle le voudrait. Si seulement elle le pouvait vraiment... Elle se sentait tellement bien, croyant sans mal rien ne pourrait plus jamais l'atteindre, les atteindre. Peut-être étaient-ils même condamnés à vivre heureux dans un monde fantastique jusqu'à ce que la mort vienne en décider autrement ? Il y avait tant de sentiments qui s'emmêlaient qu'elle peinait à les dissocier, la seule chose qu'elle parvenait à en tirer était qu'elle ne voulait plus jamais le quitter et que sa vie toute entière, s'il ne l'était pas lui-même ce dont elle venait à douter, n'avait de sens qu'à ses côtés.

La fin finit par les rattraper malgré tout. Sarah serra doucement la main du Gryffondor dans la sienne, peinant à reprendre contact avec la réalité. Elle n'avait aucune envie de quitter son merveilleux nuage, de redescendre sur Terre... Tout avait été si parfait. Elle n'avait jamais véritablement imaginé ce que pourrait donner sa première fois, mais elle n'avait jamais cru qu'elle serait aussi grandiose, puisque ça ne devait exister que dans les films ou dans les livres pour laisser aux adolescentes tout le loisir de rêver. Visiblement elle s'était trompée, ça existait vraiment. Certainement qu'avec lui d'ailleurs mais au fond, quelle importance, elle n'avait eu l'intention de vérifier avec qui que ce soit d'autre. Elle était à lui, uniquement à lui, et il n'avait certainement plus le droit d'en douter désormais. Il n'y avait toujours eu que lui, et elle pouvait jurer sans craindre l'erreur qu'il n'y aurait jamais que lui. Comment pourrait-elle s'aventurer dans les bras d'un autre alors qu'elle savait avec une certitude grandissante qu'elle n'y serait jamais mieux que dans les siens ? Elle ne s'était jamais tant sentie aimée, tant sentie en sécurité que lors de cette douce et intense communion. L'idée-même de s'approcher un jour d'un autre homme lui paraissait totalement absurde. Ce serait Scipion, pour toujours, et il n'y avait d'autre issue possible. Elle n'en souhaitait d'ailleurs pas la moindre. Un sourire lointain et amoureux s'échoua sur ses lèvres alors qu'elle calquait silencieusement sa respiration sur la sienne, refusant toutefois de lâcher sa main comme si elle risquait de se réveiller aussitôt et de constater avec désarroi que rien de tout cela n'avait été réel. Il y avait peu de chance mais tout s'était déroulé si merveilleusement bien qu'elle ne pouvait s'empêcher de craindre un minimum qu'il n'en soit rien. C'était probablement une crainte idiote, son inconscient n'aurait jamais pu se débrouiller aussi bien.

" Où est-ce que tu voudrais que je parte ? Je crains de n'avoir aucun motif valable pour te laisser de sitôt. "

Sa voix la fit doucement frissonner alors que son regard se posait sur son visage. Son sourire ne put que s'agrandir légèrement en l'entendant. Elle avait cessé d'en douter mais qu'il le lui certifie la rassurait davantage. Il ne resterait là, près d'elle, et ne disparaîtrait pas en donnant une excuse vaseuse qu'elle ne pourrait croire. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes et la Poufsouffle avait l'impression agréable de flotter dans un bonheur exceptionnel comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. Comment avait-elle pu croire une seule seconde qu'il la laisserait là, partant sans même se retourner et sans s'attarder un instant sur l'état dans lequel cette nouvelle fuite pouvait la mettre ? C'était insensé, il l'aimait et il n'avait eu de cesse de lui prouver ces derniers temps, jamais il ne ferait une telle chose. S'il devait partir un jour, c'est qu'il n'en aurait pas le choix et qu'il lui serait impossible de l'emmener avec lui, rien d'autre. Il ne l'abandonnerait plus. S'il était revenu et acceptait de rester en sa compagnie presque aussi longtemps qu'elle pouvait le désirer, ce n'était certainement pas pour mettre les voiles maintenant. Bien au contraire... Leur couple n'en serait que renforcé, peut-être même en viendrait-il à finir indestructible. Ce n'était pas impossible... Il n'y aurait donc plus jamais rien ni personne pour se mettre entre eux et laisser venir le désordre, plus la moindre dispute, plus rien qui puisse les conduire sur une pente aussi glissante que celles qu'ils avaient emprunté un peu plus tôt. A moins qu'il n'y ait jamais rien eu, qu'elle se soit contentée de délirer ? C'était peut-être les effluves de la mixture bizarre préparée en potion qui avait laissé son esprit divaguer ? Après tout, personne n'en savait rien, et elle n'avait pas spécialement envie de gâcher ce moment magique en lui demandant sans crier gare s'ils s'étaient bel et bien disputés au beau milieu du hall. Quand bien même ça aurait été réel, ça n'avait plus d'importance. Toute trace d'orage avait été effacée. Ils étaient plus liés, plus proches que jamais et c'était désormais tout ce qui pouvait compter.

Il finit malheureusement par se relever, s'éloignant d'elle bien plus qu'elle ne l'aurait jamais souhaité. Elle le suivit machinalement des yeux en se redressant, détournant néanmoins très vite le regard en rougissant. Par Merlin qu'avaient-ils fait ? Oh, bien sûr elle ne regrettait rien, bien au contraire, mais ça lui apparaissait soudainement comme d'une bêtise incroyable. Ils étaient au beau milieu d'une école, de Poudlard qui plus était, à une heure où leurs camarades pouvaient très bien se balader dans les couloirs sans risquer la moindre sanction. N'importe qui aurait pu entrer, élève ou professeur. Que se serait-il passer alors ? Elle préférait même pas l'imaginer. Ils auraient sûrement été collé jusqu'à la fin de l'année, ses parents auraient été prévenu et lui auraient sûrement interdit de le revoir... Bon, d'accord, il y avait peu de chance de pouvoir lui interdire quoi que ce soit alors qu'ils étaient à des kilomètres, d'autant plus que, de ce qu'elle en savait, sa mère avait fait plus ou moins la même chose à son âge puisqu'elles avaient à peine dix-huit ans d'écart toutes les deux. Et puis, elle était loin de voir ça comme une erreur, la chaleur rassurante et protectrice qui l'enveloppait toujours étant là pour en témoigner. Elle le remercia distraitement lorsqu'il lui tendit ses affaires, plus encore alors que son regard ne s'était pas attardé. Si la gêne avait su se dissiper, les choses étaient bien différentes maintenant. Elle enfila rapidement ses vêtements, tâchant d'oublier à quel point c'était étrange et déstabilisant d'avoir à se rhabiller au beau milieu d'une salle accessible à n'importe qui, plus encore si près de lui. Elle ne pouvait cependant pas s'empêcher de vérifier toutes les dix secondes qu'il était toujours bel et bien là, craignant que le moindre centimètre les séparant puisse suffire à la faire disparaître pour de bon. Mais non, il n'y avait rien à craindre, elle n'avait qu'à faire quelques pas pour le retrouver de nouveau.

" Tu crois qu'il y en aura assez de cet après-midi pour que je parvienne à me passer de ta présence ne serait-ce que durant tes heures de cours pour les prochains jours ? "

La blonde sourit de nouveau, attendrie, alors qu'elle reboutonnait distraitement sa chemise. Tous ses gestes avaient été machinaux, elle ne faisait guère attention à ce qu'elle faisait, profitant encore des derniers instants de flottement qu'elle pouvait avoir. Il lui faudrait bientôt reprendre totalement ses esprits et retourner hors d'ici, affrontant tant bien que mal le monde hostile qui les attendait dehors. Elle observa sa cravate un moment, puis renonça à la remettre. Elle n'avait pas la moindre envie de se battre avec son noeud maintenant et l'idée qu'il puisse y avoir un quelconque sortilège pour l'y aider ne lui traversa même pas l'esprit. Elle rejoignit lentement son sac et l'y fourra sans le moindre soin, elle s'en fichait pas mal pour l'heure. Le résultat était bien moins convaincant qu'à l'accoutumée, elle d'habitude toujours parfaitement apprêtée avait plus débraillée qu'autre chose. Ses boucles blondes s'étaient emmêlées, son maquillage n'était plus aussi soigné qu'à l'origine et elle n'avait même pas pris la peine de rentrer de nouveau sa chemise dans sa jupe, mais au fond, elle ne s'en souciait pas le moins du monde. Ca ne faisait rien, et puis elle n'était de toute façon pas encore dehors alors quelle importance ? Dehors... Parce qu'il leur faudrait y retourner un jour. Quelle triste réalité ! Elle n'en avait pas la moindre envie, ni maintenant ni jamais. Elle espérait intérieurement qu'il ne le souhaitait pas davantage et resterait à ses côtés, ici, pour toujours. Elle se rapprocha de nouveau du jeune homme, se collant doucement à lui.

"Je l'espère pour toi, oui. Personnellement je ne compte pas trop dessus. Les cours, les nuits et tous les autres moments où tu seras loin seront une véritable torture." reconnut-elle en soupirant tristement. "Je devrais avoir le droit de te garder avec moi tout le temps."

Ce n'était sûrement qu'une question de temps, bientôt ils partiraient elle ne savait où et elle n'aurait plus jamais à se passer de lui, pas même une seconde. En attendant, il faudrait faire avec, comme elle le faisait tant bien que mal depuis le début de l'année. Ce n'était tout de même pas très juste, ça aurait pu largement faciliter les choses qu'ils soient envoyés dans la même maison. Elle n'avait aucun mal à s'imaginer somnoler dans ses bras sur un canapé de la salle commune pendant une grande partie de la nuit, juste pour ne pas avoir à s'en éloigner trop longtemps. Mais non... Il fallait qu'ils logent chacun à un bout du château, et qu'il y ait un affreux couvre-feu pour compliquer encore davantage les choses... A croire que rien n'était fait pour leur faciliter la tâche.

" On pourrait toujours aller en discuter avec Jefferson et lui demander de faire une exception pour nous, ça devrait être faisable... on peut toujours essayer de virer un Gryffondor et dire que tu le remplaces, je suis sûr que ça sera très crédible. "

Sarah hocha faiblement la tête en riant. C'était d'une telle évidence qu'il était même étrange qu'elle n'ait pu l'entrevoir plus tôt. Ils avaient déjà émis l'idée de lui faire remplacer un quelconque Rouge et Or alors qu'ils se retrouvaient enfin après d'interminables jours loin l'un de l'autre dans ce couloir, à croire que c'était véritablement une piste à creuser puisqu'ils y revenaient une nouvelle fois. Elle n'avait pourtant pas grande envie de troquer son uniforme aux couleurs de Poufsouffle pour revêtir celui des Gryffondor mais s'il n'y avait vraiment pas d'autre choix pour passer chaque seconde de sa vie en sa compagnie alors tant pis, elle était prête à le faire. Elle craignait cependant que Jefferson ne leur soit d'aucune aide dans cette entreprise puisque les rapports entre les deux hommes n'avaient jamais été au beau fixe et que, de son côté, elle avait perdu toute sympathie de sa part. Qu'il était loin le temps où il l'invitait à prendre le thé le Dimanche en l'écoutant raconter tout ce qui pouvait bien se passer entre les murs du château. Depuis que l'école tout entière avait eu vent de son idylle avec Scipion, le concierge l'ignorait merveilleusement bien, probablement déçu que l'une de ses principales alliées dan sa lutte contre les fauteurs de troubles change de camp de la sorte, et elle en faisait de même, craignant au fond qu'il cherche à lui soutirer de quelconques informations qui pourraient nuire au jeune homme. Après, elle ne voyait pas ce qu'elle pouvait savoir qui risquait de lui attirer des ennuis mais elle ne préférait pas prendre le moindre risque. Elle n'avait pas l'intention d'être un handicap pour le pauvre Gryffondor, aussi se montrait-elle plus prudente qu'à l'accoutumée. La blonde fouilla distraitement dans son sac, attrapa sa brosse et entreprit de démêler vaguement ses mèches claires, sans y faire vraiment attention.

Peut-être n'y avait-il bêtement aucun moyen de rester près de lui plus longtemps que son emploi du temps le voulait ? Ou alors il lui faudrait tirer un trait sur l'ensemble de ses cours, ou en tout cas une bonne partie d'entre eux. Etait-elle vraiment prête à un tel sacrifice au moment-même où elle pourrait enfin s'adonner à l'apprentissage de ses leçons sans avoir à veiller à ce que cela reste l'un des secrets les mieux gardés de l'école ? Elle aurait aimé croire que non, bien sûr, mais il aurait fallu être bien idiote pour s'en convaincre. Il n'avait qu'à émettre l'hypothèse à sa place pour qu'elle accepte sans sourciller de tout envoyer valser pour continuer de roucouler amoureusement en sa compagnie. Ayant désormais conscience que ses cours ne lui seraient d'aucune utilité pour l'avenir qu'elle pouvait envisager à ses côtés, elle ne pouvait que reconnaître qu'il ne s'agissait plus pour elle qu'une occupation comme une autre, un peu plus légale que celles auxquelles elle pourrait vaquer en dehors des salles de classe. Bien sûr, ses professeurs et la directrice elle-même ne comprendraient pas qu'elle puisse préférer rester aux côtés d'un des pires cancres de l'école mais peut-être pourraient-ils malgré tout accepter qu'elle divise le temps qu'elle passait à étudier par deux ? Elle ne voulait même pas y renoncer totalement, juste avoir plus de temps à passer avec le Gryffondor. Ils pouvaient tout de même comprendre à quel point il risquait de lui manquer si elle restait aussi longtemps loin de lui, non ? Ils avaient bien eu leur âge un jour, n'est-ce pas ? Ils avaient dû connaître ça, aussi étrange que ça puisse paraître aujourd'hui. Ils n'avaient pas toujours été des professeurs rosses et aigris ! Elle s'imaginait sans mal plaider leur cause pendant des heures jusqu'à ce qu'ils cèdent enfin mais au fond, était-ce réellement possible ? Même avec toute la bonne volonté du monde et l'aide du monde merveilleux dans lequel elle évoluait actuellement, elle n'était pas capable d'y croire réellement...

"On finira bien par trouver une solution. On a jusqu'à ce soir après tout..."

Elle avait de toute façon l'impression que rien n'était fichu, qu'une solution existait bel et bien même s'ils n'avaient pas encore mis le doigt dessus. Elle finirait par leur apparaître avant qu'ils ne sortent d'ici et ainsi elle n'aurait pu à craindre une quelconque séparation, même pour quelques heures à peine. Elle n'était pas certaine que ce soit une idée excellente aux yeux du château mais elle s'en fichait éperdument. Si lui n'avait rien contre, les autres pouvaient bien en penser ce que bon leur plairait qu'elle n'en aurait que faire. Au point où elle en était de toute façon, elle n'était probablement plus à un regard réprobateur près. La Poufsouffle laissa glisser sa brosse à cheveux dans son sac d'un geste aussi distrait que désintéressé. Le résultat était certes plus convaincant qu'elle aurait pu l'espérer mais ce n'était malheureusement pas suffisant. Elle n'avait plus grand chose de la fille tirée à quatre épingles qu'elle pouvait être d'ordinaire mais elle s'en fichait parfaitement, bien trop occupée à trouver sa vie merveilleuse pour s'en inquiéter. Au fond, ne l'était-elle pas vraiment ? Rien ne semblait avoir d'impact sur elle désormais et elle espérait que leur couple en soit à l'abris de la même manière, qu'ils vivraient dans leur monde à eux pour l'éternité et que rien ni personne ne pourrait plus venir gâcher quoi que ce soit. Elle avait failli le perdre bien trop de fois pour qu'elle puisse s'y risquer une nouvelle. Bien sûr, s'ils étaient toujours ensemble après tout ça, ce n'était probablement pas pour rien, il devait y avoir des bribes de "ils sont fait l'un pour l'autre" derrière tout ça qui se finiraient certainement par se transformer en "et ils vécurent heureux", mais dans le doute il ne valait mieux pas tenter le diable. Si la fois d'après se révélait être la dernière ? Que lassé, il finissait par partir ? Il fallait que leur relation n'ait plus rien à craindre de rien ni personne, il n'en était pas possible autrement, elle ne voulait pas se réveiller un matin pour apprendre que c'était finalement terminé, qu'il en avait marre, qu'il préférait retrouver sa vie d'avant, alors qu'il ne s'était pas encore embarrassé d'elle. Non... Il ne lui dirait probablement jamais ça, c'était stupide. Elle ne l'avait jamais forcé à rien et pourtant il ne paraissait pas plus avoir envie qu'elle de retrouver le monde extérieur, de laisser leur chemin s'éloigner même rien qu'un temps.

" Pourquoi est-ce que tu pensais que tu ne me plaisais pas ? "

Sursautant, la Préfète releva les yeux vers lui, lâchant ses lacets qu'elle était en train de refaire silencieusement. Alors il s'était vraiment attardé là-dessus ? Il lui avait répondu pourtant, non ? Elle ne se souvenait pas du tout ce qu'il avait bien pu lui dire d'ailleurs, elle n'était même pas sûre de l'avoir su un jour mais restait persuadée qu'il n'avait pas eu l'air particulièrement choqué sur l'instant en l'entendant. Elle reporta finalement son attention sur ses chaussures, laissant le silence reprendre ses droits sur la Salle sur Demande, alors qu'elle achevait enfin de les attacher. Elle n'était pas vraiment dérangée par sa question, puisqu'elle n'avait strictement rien à lui reprocher et qu'elle supposait qu'il n'en avait pas davantage d'ailleurs mais elle n'était pas sûre d'avoir envie de retrouver aussi rapidement que cela le chemin des conversations sérieuses qu'ils pouvaient avoir parfois. Elle était tellement bien sur son petit nuage à trouver l'univers extraordinaire... Mais non, il fallait déjà en redescendre. C'était bien dommage, elle n'avait rien contre l'idée de planer une heure ou deux encore avant de retrouver la réalité, bien moins douce et agréable que le monde qui s'étendait pour l'instant devant elle. Elle vérifia que ses noeuds étaient bien serrés et se releva, époussetant sa jupe sans véritablement s'en rendre compte avant de se retourner vers le Gryffondor, retrouvant une certaine proximité sans lui demander son avis. Elle joua un instant avec l'un des boutons de sa manche, le défaisant avant de le rattacher et ce plusieurs fois, puis elle releva enfin les yeux vers Scipion, un sourire vaguement amusé aux lèvres.

"Depuis qu'on est ensemble, tu n'as jamais paru opérer le moindre rapprochement physique, tu n'as jamais eu les mains baladeuses, rien de tout ça, alors même si je n'ai jamais douté de ta sincérité quant à notre histoire, je finissais par me demander si tu me trouvais jolie." expliqua t-elle d'un ton léger tandis qu'elle tentait aussi doucement que vainement d'applanir un pli qu'il y avait sur la chemise du Gryffondor. "Enfin, jusqu'à aujourd'hui, en tout cas. C'est tout, rien de dramatique."

Elle lui adressa un sourire rayonnant, déposa furtivement ses lèvres sur les siennes et repartit vers son sac où elle sortit son miroir de sa trousse à maquillage. Si elle n'était pas particulièrement préoccupée par ce à quoi elle pouvait ressembler concrètement, on ne pouvait pas non plus se refaire totalement... Ce n'était peut-être pas urgent puisqu'il ne semblait pas pressé de prendre le large, ou du moins l'espérait-elle, mais au moins ce serait fait et elle aurait tout le reste du temps pour profiter pleinement de sa présence avant qu'il ne leur faille sortir d'ici. Ca allait arriver bien plu vite qu'elle ne l'aurait jamais souhaité, il faudrait le regarder rejoindre la table des Rouge et Or, puis sa salle commune tout en en faisant de même de son côté et ce, avec l'air le plus naturel du monde, comme si au fond ça l'indifférait totalement... Ce serait horrible, ça ne faisait aucun doute.

" Oui... faudrait que je vérifie s'il est possible de dormir à belle étoile dans le parc en attendant qu'on la trouve, cette solution. "

Sarah hocha de nouveau la tête, pas dérangée le moins du monde par l'absurdité de cette nouvelle idée, bien que vaguement plus par celle d'avoir à cohabiter avec les insectes qui pouvaient y vivre d'ordinaire mais il était bien sûr hors de question de s'arrêter à ça. Tout lui semblait possible pour un peu qu'il soit là pour le faire avec elle. Il lui aurait annoncé qu'il leur fallait absolument trouver refuge dans les profondeurs du Lac Noir qu'elle aurait acquiescé avec le seul espoir de ne plus jamais avoir à le quitter sans penser un seul instant que c'était une expérience dangereuse lorsqu'on ne savait pas nager. Peut-être finiraient-ils par disparaître dans la Forêt Interdite, loin de tout le monde et où personne n'aurait ne serait-ce que l'idée de venir les y chercher ? Parce qu'au fond, même s'il ne semblait pas véritablement étonnant pour Scipion de s'y engager, pour elle s'était une autre histoire. Qui imaginerait qu'elle s'y serait engouffrée de son plein gré alors qu'il devait y avoir plus de choses salissantes là-bas que dans le reste du monde ? Ca lui paraissait presque une idée digne d'être sérieusement reconsidérée, en fin de compte. N'importe quoi serait bon à prendre pourvu qu'elle n'ait plus à le quitter, plus jamais. C'était d'ailleurs rassurant de voir qu'il semblait partager son point de vue, qu'il n'était pas plus censé qu'elle et que ses idées les enfonçaient un peu davantage encore. De toute façon, dormir à la belle étoile dans le parc ne devait pas être aussi interdit que ça, il y avait certes le couvre-feu mais ce n'était qu'un détail. Et puis elle était persuadée d'avoir un jour appris l'existence de sortilèges qui pouvait très bien rendre leur campement improvisé invisible aux yeux du monde. Ca venait probablement d'un des livres de son beau-père, qu'elle feuilletait les jours de plus lorsqu'elle était à Newcastle mais s'il y avait ça au domicile familial, il y avait fort à parier qu'il y avait le même quelque part sur l'une des trop nombreuses étagères de la Bibliothèque. Il était cependant hors de question de l'abandonner maintenant pour aller fouiller dans ces interminables rayons de bouquins sans savoir réellement ce qu'elle cherchait. Ca risquait de prendre un temps précieux qu'elle n'avait plus, et serait probablement vain en plus de cela.

Sans quoi, la Cabane Hurlante pouvait toujours leur servir de refuge. Elle y avait déjà été un bon nombre de fois et même si ce n'était pas l'endroit le plus charmant du monde, il avait au moins l'avantage de ne pas être très fréquenté par la majorité de l'école, ce qui pouvait en faire une cachette agréable. Certes, ce n'était pas vraiment romantique comme coin, et elle n'était pas certaine que le mobilier soit encore utilisable mais au fond, quelle importance ? Tant qu'ils pouvaient rester dans leur monde encore et encore, elle n'avait que faire du confort dans lequel ils pourraient bien s'installer. En plus, ils auraient la possibilité de revenir dans l'enceinte de l'école autant qu'ils le désireraient sans le moindre problème, ce qui était encore plus enviable. Poudlard deviendrait alors une sorte de pied-à-terre où ils passeraient quelques jours lorsque la présence constante de l'autre deviendrait pesante, si toutefois c'était véritablement possible, ce dont elle doutait. Après, c'était vrai qu'il n'était pas très autorisé de passer son temps à Pré-Au-Lard en dehors des week-ends prévus à cet effet... Il devait bien y avoir un moyen réglementaire, ou au moins pas risqué pour deux mornilles, de rester avec lui jusqu'à ce qu'ils décident eux-mêmes qu'il était enfin temps de se séparer. Ca ne faisait aucun doute. Il existait, ce moyen, et ils finiraient par le trouver. Au pire, peut-être pouvaient-ils simplement rester enfermer ici jusqu'au lendemain matin ? Elle n'avait pas fait le tour du propriétaire et n'était pas pressée de le faire alors que le Gryffondor était si près d'elle mais il devait sûrement y avoir de quoi s'occuper, non ? En même temps, elle se fichait pas mal de ce qu'ils pourraient bien trouver à faire pour le restant de leur après-midi. Elle était prête à l'écouter parler pendant des heures des futures manigances qu'il comptait mettre au point ou le regarder tester des sortilèges douteux sur tout ce qui pouvait lui tomber sous la main. Qu'importe, tant qu'il était là. Et puisqu'il ne semblait pas particulièrement pressé de la laisser...

"Tu crois qu'il y a des coins discrets pour s'installer ?"

Elle n'avait jamais vraiment visité les bouts retirés du parc, loin des regards indiscrets puisqu'il n'avait jamais été dans ses objectifs de se soustraire au regard du monde, aussi n'en savait-elle strictement rien. Peut-être était-elle même passée à côté du lieu idéal, celui-là même qu'elle espérait trouver depuis qu'ils avaient passé la porte de la Salle sur Demande ? Le domaine qui entourait le château était de toute façon tellement vaste qu'il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'une partie en soit totalement inconnue des élèves voire même des professeurs et qu'ainsi, personne ne pourrait jamais venir les en déloger. Scipion devait sûrement connaître toutes les choses qui échappaient au reste de l'école, comme si au final, le château avait fini par lui appartenir réellement. Cette pensée ne la perturba pas plus que cela, elle avait peut-être passé la majorité de sa scolarité à tenter de tout faire pour que ça n'arrive jamais, désormais ça ne lui apparaissait plus comme un problème. Avoir échoué n'était pas décevant, c'était juste... Insignifiant. Qu'il était loin le temps où se dresser sur son chemin était l'objectif de chacune de ses journées. Bien sûr, elle le cherchait toujours aussi souvent lorsqu'il n'était pas dans son champ de vision mais ses intentions étaient bien différentes aujourd'hui. Adieu retenues et points en moins, il n'y avait plus que sa présence qui importait. Son rôle de Préfète ne lui servait plus qu'à profiter de la salle de bain, ce qui était une bien maigre compensation pour tout le temps qu'elle passait dans les couloirs à traquer les pauvres première année ou dans la salle qui leur était réservée à attendre peiniblement que se termine une réunion à laquelle elle aurait préféré ne jamais participer... Enfin, ça ne l'empêchait pas de le voir pour autant, bien heureusement d'ailleurs. Ils trouvaient toujours un moment dans la journée pour se retrouver, ce dont elle lui était infiniment reconnaissante. Le pauvre s'adaptait à son emploi du temps sans broncher, ce qu'elle aurait tout de même voulu lui éviter. La preuve en était encore aujourd'hui, il savait très bien quand elle sortait de cours et faisait son possible pour la voir quand elle le pouvait. Ce qui la confortait encore et toujours dans l'idée qu'elle avait une chance incroyable...

" Je n'ai pas du me montrer très... démonstratif. Mais je ne t'en trouve pas moins jolie pour autant, j'ai juste du mettre un peu de temps avant de le réaliser. Et crois-le, même si tu as pu t'interroger à ce sujet. Et je t'aime. "

Ses premiers mots lui tirèrent sans mal un sourire attendri alors qu'elle fouillait dans ses affaires pour en sortir son rouge à lèvres. Elle ne lui avait jamais demandé de se justifier. Elle ne lui reprochait absolument rien, bien au contraire. Elle avait su se faire à la situation et se rassurait au fond qu'il puisse apprécier chez elle autre chose que ses mini-jupes. Après, l'entendre avouer qu'il ne la trouvait pas affreuse était tout de même agréable. Elle avait envie de lui plaire, qu'il puisse être satisfait d'être vu en sa compagnie, et tout ce qu'une fille normale pouvait espérer encore, c'était sûrement l'une des seules réactions logiques qu'elle pouvait avoir encore le concernant d'ailleurs. Elle s'apprêtait à reconnaître qu'il n'avait pas à s'en faire, que c'était une affaire désormais close puisqu'elle était plus que convaincue par ce qu'il pouvait dire mais elle n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche qu'il reprit. Sa déclaration la surprit plus que de raison. Lâchant ce qu'elle tenait dans les mains sous le coup de la surprise, elle se retourna vers lui, un peu sonnée, comme pour s'assurer qu'elle n'avait pas rêvé, que son esprit encore embrumé par les minutes précédentes n'était pas en train de lui jouer des tours, de l'enfoncer un peu plus dans le monde parfait dont elle ne voulait plus sortir. A en croire le malaise qui semblait être le sien, elle n'avait pas dû délirer. Elle ne put s'empêcher de rougir en en prenant conscience, avant de se redresser non sans hésitation, abandonnant son sac, sans le moindre scrupule, qui gisait au milieu du bazar qu'elle en avait sorti pour trouver ce qu'elle cherchait. Il lui semblait que son petit nuage rose s'était élevé encore davantage alors qu'elle avait douté que ce soit réellement possible.

"Je n'en ai jamais douté tu sais, je ne serais probablement pas là à l'heure qui l'est si j'avais pensé que tu te fichais de moi depuis le début." reconnut-elle un peu maladroitement, étonnamment gênée par la situation. "Je t'aime aussi Scipion."

Si quelques incertitudes quant à l'éternité que durerait leur histoire, ce qui n'était de toute façon pas le cas, elles n'auraient plus qu'à disparaître sans demander leur reste. Leur idylle ne connaîtrait jamais de fin, ils resteraient ensemble pour toujours et tout irait pour le mieux jusqu'à la fin des temps. Elle avait fini par le lâcher des yeux, fixant ses chaussures avec un intérêt aussi soudain qu'étonnant, les joues bien colorées et un sourire bêtement amoureux accroché aux lèvres. Elle se sentait un peu idiote mais ne s'en formalisait pas. Elle n'était probablement plus à ça près... Et puis il l'aimait, le reste n'avait plus d'importance.

" Hmm... aucune idée. J'avais songé à l'éventualité du camping dans la forêt interdite, mais normalement les circonstances devaient être toutes autres. C'est pas grave, on pourra probablement mettre ce projet à bien à la place de ce que j'avais prévu si c'est pour la bonne cause. "

Du camping dans la forêt interdite ? Il était véritablement sérieux ?! Tout laissait à penser que oui... Il ne paraissait pas à deux doigts de se mettre à rire en se moquant gentiment de sa crédulité, ni même d'être en train d'essayer voir jusqu'où il pourrait aller sans qu'elle ne cherche à le remettre un tant soit peu sur le droit chemin comme le voudrait son rôle de préfète... Peut-être était-il temps de revenir un peu sur Terre, de réaliser une bonne fois pour toutes que c'était bien beau de faire des projets stupides mais qu'il n'y en avait pas un qui tenait la route. Se comporter comme une jeune fille responsable serait une excellente idée, abandonner enfin cette môme rêveuse qui ne lui apporterait certainement rien de bon au profit de l'adolescente sensée qu'elle avait été un jour. Mais ça ne semblait pas être au programme. Bien au contraire... Un sourire émerveillé s'était installé sur ses lèvres tandis qu'elle le fixait sans ciller. Du camping dans la forêt interdite, c'était sûrement ça leur solution ! Il était absolument génial, il n'y avait pas le moindre doute. Son sourire s'agrandit légèrement. Que ça puisse être dangereux, largement répréhensible, complètement inconscient ne lui traversa pas l'esprit une seule seconde. Elle se contentait d'y voir un avant-goût de la vie décousue qu'ils se prévoyaient depuis des semaines. Comment pourrait-elle être contre ? N'avoir plus que lui pour de vrai pendant un temps, ne serait-ce que quelques heures... Bien sûr, elle n'avait jamais vu la forêt comme l'endroit le plus accueillant du monde mais comme tous les élèves de l'école, elle y avait mis les pieds une ou deux fois, sans s'y aventurer trop profondément, juste histoire de braver le règlement et de se dire qu'elle était capable de le faire. Elle n'avait jamais prévu s'y installer pour camper mais à la limite, pourquoi pas. C'était sûrement comme le camping moldu qu'elle avait fait, sauf que ça ne serait pas la peur de croiser un sanglier mais une acromentule géante. La différence était moindre, ça ne servait sûrement à rien de s'attarder dessus. Et puis, que risquerait-elle ? Il serait là. C'était pour elle une certitude largement suffisante que c'était sans danger, que rien ne pourrait lui arriver, comme si sa simple présence pouvait éloigner tout ce qui pouvait s'annoncer problématique. Elle semblait oublier que Scipion faisait partie des élèves qui avaient le plus de facilités à s'attirer des ennuis en permanence, et qu'il ne devait pas avoir plus de mal à le faire en dehors des murs du château. Son regard brillait d'une impatience enfantine, comme si elle n'était rien d'autre qu'une gamine à qui on aurait promis d'avancer Noël. Qu'il était loin le temps où elle se mettait en travers de son chemin pour l'empêcher d'enfreindre les règles de l'école, voilà qu'elle était prête à l'accompagner dans ses bêtises, sans se soucier un seul instant des conséquences que cela pourrait avoir par la suite. Pire encore, elle n'avait pas l'impression qu'il faille se méfier de quoi que ce soit, que la pente qu'elle s'apprêtait à emprunter en toute confiance était on ne pouvait plus glissante et qu'elle ne pourrait certainement pas la remonter par la suite. Elle s'enfonçait dans une insouciance déconcertante sans espérer une seule seconde s'en défaire un jour. Si elle ne voyait pas le moindre inconvénient à se retrouver impliquer dans une histoire de camping dans la forêt, laissant planer au dessus d'elle retenue, points en moins et suppression d'insigne, il n'y avait pas grand chose à perdre à parier qu'elle n'en verrait pas davantage à tremper d'une manière ou d'une autre dans ses magouilles une fois sortie de Poudlard.

« Je suis sûre que ce serait vraiment bien... » reconnut-elle d'une voix lointaine, comme si elle s'était déjà fait la malle entre les arbres sans attendre d'y aller réellement.

Ca ne faisait aucun doute. Comment pourrait-il en être autrement de toute façon ? Vu du nuage sur lequel elle flottait, tout ne pourrait qu'être merveilleusement exceptionnel, même au beau milieu de la forêt interdite. Pourquoi serait-ce différent ? Il n'y avait aucune raison que ce soit moins fantastique que ça l'était là. Bien sûr, elle restait persuadée qu'il y aurait bien peu de personnes pour voir les choses de la même manière. Les gens ne semblaient ne jamais rien comprendre de toute façon. Malheureusement, la seule personne qui paraissait se mettre sans trop de mal à sa place n'était autre que sa génitrice à en croire le sourire compréhensif et attendri qui déformait son visage à chaque fois qu'une allusion au jeune homme apparaissait dans une conversation durant les semaines qu'elle avait passé à Newcastle, ce qui les avaient rendues encore plus insupportables qu'elles n'auraient dû l'être. Inutile d'en parler à Scarlett, elle passerait certainement pour une folle et elle ferait tout son possible pour l'éloigner du Gryffondor en craignant finalement autant pour sa sécurité qu'elle pouvait craindre pour sa santé mentale. Jusque là, tout ce pourquoi on pouvait s'inquiéter était de la voir se perdre totalement au profit de cette histoire qu'elle faisait passer avant tout, avant sa vie même d'ailleurs, elle le vivait à merveilles, ça ne faisait aucun doute mais ce n'était certainement pas le cas des gens qui l'entouraient, enfin toujours était-il qu'elle ne s'était jamais mise en danger d'une quelconque manière depuis qu'ils étaient ensemble. Seulement avant... Fort heureusement, personne n'en savait rien, et il y avait fort à penser que personne n'en saurait jamais rien. Il était tout simplement hors de question de lui donner la moindre raison d'essayer de les séparer, aucune raison ne serait jamais assez bonne à ses yeux de toute manière. Voilà maintenant qu'elle espérait qu'il était vraiment aussi sérieux qu'il en avait eu l'air, que cette excursion se ferait vraiment, qu'ils s'enfonceraient ensemble l'interdiction intéressante de cette aventure. Loin de tout et tout le monde. Sans que personne n'imagine qu'ils y étaient, sans que personne ne puisse venir les y chercher... Elle était peut-être même plus impatiente encore d'apprendre qu'il était temps de défier la forêt que de prendre la fuite, et pourtant Merlin qu'elle avait hâte de ranger les affaires qu'elle avait sorties pour s'enfuir elle ne savait toujours pas où avec lui ! C'était bien la première année qu'elle espérait prendre la porte avant la fin de l'année, examens ou pas. Poudlard n'était plus qu'un point de passage avant de retrouver sa vraie vie, une vie qu'elle ne connaissait pas encore mais qui lui manquait pourtant déjà. Après sa déclaration et la douce gêne qui l'avait prise pour cible, elle finit par relever les yeux vers lui, juste à temps pour le voir s'approcher avant de poser ses lèvres sur les siennes. Son sourire s'étira plus encore alors que ses joues reprenaient lentement une teinte plus soutenue. Elle doutait pouvoir vivre un moment plus extraordinaire, plus magique un jour. Depuis qu'ils avaient quitté le hall, tout était si parfait qu'il était même étonnant qu'il ne s'agisse pas que d'un rêve, ou du résultat d'un sortilège qui les aurait enfermés dans un quelconque conte de fées.

" Après tout ce par quoi nous sommes passés cela semble quelque peu improbable, mais il faut croire que nous sommes bien parvenus à maintenir le cap. "

C'est vrai qu'elle n'avait jamais cru un instant que leur relation puisse suivre son cours aussi tranquillement que ça avait été le cas. Bien sûr, il y avait eu quelques obstacles mais rien d'insurmontable, et elle préférait de toute façon les rayer purement et simplement du tableau merveilleux de leur histoire. Ils n'avaient jamais été doués pour se supporter ne serait-ce qu'une poignée de minutes, et voilà qu'ils parvenaient à passer un temps fou, mais surtout follement insuffisant, ensemble sans que la moindre petite ombre ne fasse son apparition, comme si le fait d'avoir enterré la hache de guerre avait suffit à faire naître une entente impressionnante, à éloigner tout ce qui avait pu les éloigner un jour. Le changement était impressionnant mais elle n'en avait jamais été particulièrement surprise pour autant. Ce n'était pas anormal, au fond. Ils avaient su s'entendre au tout début, alors qu'elle jouait les sages petits membres de son armée, il n'y avait pas de raison que ça ne puisse pas recommencer. Elle avait pourtant eu peur de risquer ce qui pouvait les unir encore dans une relation qui pouvait être vouée à l'échec dès le début mais elle ne regrettait absolument pas de lui avoir fait confiance, tout comme elle ne regrettait pas le moins du monde de continuer. Ils avaient finalement fait le bon choix, ça ne faisait pas le moindre doute. Elle ne le lâchait pas des yeux, une étincelle amoureuse l'illuminant sans mal son regard. Elle avait une chance incroyable tout de même...

« Je ne risque pas de m'en plaindre... J'espère que ça durera encore longtemps, très très longtemps. »

Après tout, pourquoi ne serait-ce pas le cas ? Qu'est-ce qui pourrait venir se mettre entre eux désormais ? Il semblait que toute menace avait été écartée et que plus rien d'inquiétant ne planerait plus jamais au dessus d'eux...

" Mais oui, tout à fait. Je n'en reviens pas d'avoir eu cette idée moi-même, j'aurais du y penser plus tôt. Quand est-ce qu'on y va ? "

Sarah rit joyeusement en l'entendant. Quand est-ce qu'ils y allaient ? Par Merlin, jamais ! Elle se devait de jouer les jeunes filles responsables, tant pour sa sécurité que celle de son copain, autant même que pour le respect des règles qu'elle était censée prôner à tout va... Bien sûr, elle n'avait jamais été très attachée au règlement pour autre chose qu'envoyer les élèves en retenue et retirer des points aux autres maisons, et elle savait pertinemment que Scipion ne se contenterait pas de soupirer d'un air déçu si elle venait qu'à renoncer maintenant à cette périlleuse escapade. Il irait, même tout seul, aussi était-ce bien plus intéressant de l'accompagner. Le travail que tentait vainement de faire sa conscience pour la garder sur le droit chemin ou en tout cas pour l'y ramener au plus vite était réduit à néant par l'envie de ne plus jamais le quitter une seconde. Si s'engager à ses risques et périls dans la Forêt Interdite lui permettait de rester un long moment seule avec lui, loin du reste des élèves, alors ça en valait mille fois la peine et au diable les hypothétiques problèmes qu'elle y risquait. Elle n'avait guère envie de s'attarder dessus, elle avait tellement mieux à faire. Comme songer à la manière dont elle devrait s'habiller pour l'occasion par exemple. Il était hors de question qu'elle ressemble à une pauvre idiote partie faire du camping avec Scipion dans les parages, plutôt servir de repas à une acromentule géante avant qu'il ne pose les yeux sur elle, mais elle craignait fortement quemini-jupe et talons hauts ne soient pas la tenue idéale pour aller crapahuter dans les bois. Il ne fallait tout de même pas oublier que si, dans sa tête en tout cas, les risques mortels étaient minimes pour ne pas dire carrément inexistants, ils n'étaient pas à l'abri d'un quelconque contre-temps qui les obligerait à faire demi-tour au pas de course, et être un poids à son aventure n'était pas forcément plus engageant. Peut-être aurait-elle dû songer à ce souci vestimentaire avant d'accepter sa proposition, d'autant plus qu'elle n'aurait absolument personne à questionner sur le sujet. Comment pourrait-elle aller voir Scarlett sans passer pour la pire des folles, ou demander innocemment à sa génitrice dans une lettre express sans la voir débarquer pour la ramener à la maison ? Il lui faudrait certainement des heures pour venir à bout de cet ennui, ou alors aller voir la vendeuse de Gaichiffon en lui expliquant la situation... Oui, bien sûr, quelle idiote ! Pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus tôt ?! Bien entendu, il lui faudrait faire un tri dans les conseils de la pauvre fille dont le bon goût n'était pas ce qu'il y avait de plus flagrant mais après tout, elle saurait faire avec. En avait-elle seulement le choix ? Malheureusement pas... Elle irait la voir au plus vite, juste au cas où le départ se ferait plus tôt qu'elle ne le pensait. Ça se préparait une chose comme celle-là, non ? Elle n'était pas convaincue que le Gryffondor n'ait pour habitude de préparer quoi que ce soit, et qu'une escapade dans la forêt soit mieux traiter de sa part... Et si par malheur il décidait qu'il leur fallait s'y aventurer sur le champ, et bien elle improviserait avec ce qui traînait dans son armoire. Elle trouverait certainement.

« Tant que tu me préviens un peu avant pour que je puisse me changer si besoin est, on y va quand tu veux. » avoua t-elle avec amusement. « Je ne pensais pas avoir l'occasion de visiter la forêt un jour. Comme ça va être merveilleux. J'ai tellement hâte ! »

Pauvre folle... Voilà qu'elle était désormais impatiente de se jeter dans la gueule du loup de son plein gré sans s'imaginer un seul instant que ses crocs acérés pouvaient se refermer sur elle et briser d'un coup d'un seul tous les projets idylliques et irréalisables qu'ils avaient mis en place depuis le début des vacances. Si elle en avait eu conscience, jamais elle ne s'y serait risquée. Elle avait bien trop à perdre dans cette histoire. Que pourrait-elle bien faire si jamais il arrivait quelque chose au Gryffondor ? Elle serait bien incapable de repenser toute seule tout l'avenir qui l'attendait, et revenir en arrière, se contenter bêtement de viser les postes hauts placés du Ministère pour obtenir une reconnaissante toute relative lui paraissait désormais impossible. Elle avait vu autre chose, cru à une autre vie, espéré un chemin si différent de celui qu'elle avait toujours voulu sien qu'elle ne pouvait pas faire comme si rien n'était jamais arrivé, comme si tout était parfaitement normal... Il ne fallait pas qu'il lui arrive quoi que ce soit, ni dans cette forêt ni ailleurs. Elle n'était pas certaine d'être assez merveilleuse pour réussir à l'éviter... Qui le pourrait de toute façon ? Elle commençait à le cerner, après toutes ses années, et le danger faisait partie de ce qu'il recherchait le plus, il n'y avait pour preuve qu'à regarder leurs retrouvailles involontaires en haut de la Tour d'Astronomie, l'année dernière... Elle espérait pourtant qu'il finirait par se lasser, par comprendre que ce n'était pas la meilleure des idées. Bien sûr, elle ne s'attendait pas à vivre avec lui une vie paisible et monotone, avec une petite maison en banlieue, deux gosses et un chien, et le prix de la meilleure pelouse décerné tous les étés, bien au contraire, mais elle ne souhaitait pas pour autant attendre fébrilement son retour d'une énième Opération, priant tant que possible pour qu'il ne lui soit rien arrivé, pour qu'il passe la porte avec un sourire détaché et que leur vie reprenne son cours normal, comme si elle n'avait jamais imaginé dix fois au moins dans la journée qu'il ait pu mourir dans d'atroces souffrances. Enfin, d'un autre côté, si c'était là le prix à payer pour vivre à ses côtés jusqu'à ce que le destin en décide autrement, alors elle était prête à le faire, elle voulait bien endurer toutes ces heures d'inquiétude qui l'attendaient bien patiemment. Peut-être finirait-elle par ne plus y penser...?

" Bien entendu voyons, et on sera très heureux comme cela, tu peux me croire. Tu seras toujours là, n'est-ce pas ? "

Le sourire de la Poufsouffle s'agrandit doucement. Ils seraient très heureux comme ça... Elle n'avait aucun mal à le croire et le nuage merveilleux sur lequel elle flottait depuis qu'il lui avait appris qu'ils n'auraient finalement pas à se séparer en attestait également. Ils auraient la plus belle vie que l'on pouvait imaginer, celle-là même qu'ils n'osaient mettre dans les contes de fée de crainte que les pauvres petites filles s'y accrochent trop ardemment. En même temps, c'était on ne pouvait plus logique. Combien de Princes Charmants attendaient dans ce bas monde pour les emmener loin du train-train quotidien qui leur était destiné ? Certainement pas beaucoup, à en croire le nombre de femmes désespérées qu'elle croisait dans le salon familial, venues là uniquement pour se plaindre de leur vie sentimentale ou de l'absence de celle-ci. Comme si le faire en groupe pouvait arranger les choses... Elle se ferait une choix d'annoncer son départ à sa mère alors qu'elle serait en compagnie de ses amies, simplement pour leur faire comprendre que quelque soit le chemin qu'elle pouvait emprunter, elle leur serait toujours étonnamment supérieure. Même là qu'elle n'avait au fond rien contrôlé du tout, elle se retrouvait bien au dessus de la masse grouillante du reste du monde. Combien d'idiotes dans ce château roucoulaient bêtement avec un crétin sans intérêt ? Il y en avait bien trop pour pouvoir les compter, elle n'avait même jamais essayé. Et pauvres d'elles, le seul garçon digne de ce nom dans cette école leur avait bel et bien échappé. C'était avec elle qu'il sortait, avec qu'elle qu'il prévoyait de tout plaquer pour d'étranges aventures, avec qu'elle qui fuyait le monde pour s'enfermer dans la première salle venue... Qu'elle avait de la chance ! Et il trouvait malgré tout le moyen de s'inquiéter de sa présence éternelle à ses côtés ? Comment pourrait-elle souhaiter être ailleurs ? Il lui faudrait être sacrément folle pour renoncer à tout ça un jour, quoi qu'il puisse les attendre par la suite, quelques soient les ennuis et les obstacles qui se dresseraient devant eux tout au long de leur vie commune. Elle n'avait pas la moindre envie de le lâcher un jour, le suivant docilement dans ses magouilles, quittant le semblant de vie qu'ils auraient construit à un endroit pour tout recommencer ailleurs pour lui éviter des problèmes trop important s'il le fallait. Elle ne l'abandonnerait pas. Pas après bientôt sept ans passés à ses côtés. Elle n'avait jamais voulu le savoir loin d'elle, même alors qu'ils se détestaient, ce n'était certainement pas pour commencer maintenant ! Quoi qu'il arrive, elle serait là, quelque part, à faire son possible pour lui venir en aide s'il le fallait. Et ce pour les dix prochaines décennies au moins...

« Bien sûr que je serais toujours là. Quelle drôle de question ! On ne quitte pas l'homme de sa vie comme ça, qu'est-ce que tu crois ? »

Si son sourire se voulait amuser, elle n'en était pas moins sincère. C'était un peu pour le meilleur et pour le pire ou quelque chose comme ça. Si on lui avait dit un jour qu'elle en arriverait à penser ça, elle se serait très certainement mise à rire et n'en aurait pas cru le moindre mot, et pourtant, c'était bien loin d'être aussi effrayant et désagréable que ça en avait toujours eu l'air...

" Très bien dans ce cas, le plus vite sera le mieux. On devrait prendre une tente si on dort là-bas, non ? A moins que tu n'aies une préférence pour la belle étoile ? "

Sarah hocha la tête, toute excitée à l'idée de cette escapade. C'était totalement insensé, on ne pouvait plus dangereux mais tellement plaisant... Il n'y aurait absolument personne pour venir les déranger, personne pour se mettre sur le chemin. Personne pour aller les chercher si jamais ils finissaient par se trouver dans une situation périlleuse... Le plus vite serait le mieux ! Peut-être devrait-elle aller voir Danah, pour lui emprunter des vêtements plus adaptés que pouvaient l'être les siens ? Ca lui éviterait de se confier un minimum à cette stupide vendeuse qui risquait de raconter sa vie à toutes les élèves de l'école qui passeraient à son comptoir dans les dix prochaines années. Elle n'aurait qu'à lui dire qu'elle avait l'intention de faire un pique-nique ou une ballade dans les champs. Elle ne remettrait certainement pas sa parole en doute. Après tout, même si elle n'avait jamais été un exemple de sincérité et de confiance, elle n'avait jamais menti réellement à sa soeur, et encore moins pour aller risquer sa vie au milieu d'arbres en tout genre avec un imbécile qui n'avait rien d'autre à faire que de vouloir l'y aider. Elle avait un chemisier adorable dans sa valise, d'ailleurs, elle n'avait jamais eu l'occasion de le mettre cette année puisqu'elle l'avait acheté juste avant la rentrée mais ce serait une bonne occasion de l'inaugurer. Le seul vrai problème restait ses chaussures... Elle avait bien une paire de baskets compensées qu'une de ses amies moldues lui avait donné mais elle n'était pas convaincu du potentiel sexy de la chose. Elle n'avait pas dix millions d'autres possibilités qui s'offraient à elle de toute façon. La Serpentard aurait peut-être, là encore, de quoi la dépanner. Bien entendu, il devait bien s'attendre à ce qu'elle ne soit pas aussi apprêtée que d'habitude au beau milieu de la forêt interdite mais tout de même ! Elle devait lui plaire en toutes circonstances, c'était bien normal, non ? C'était un véritable casse-tête que cette aventure, et encore, ils n'étaient pas partis. Ca n'allait pas aller en s'arrangeant, et elle venait d'en prendre brutalement conscience, mais il était hors de question de renoncer pour autant ! Et puis, il avait l'air plutôt content qu'elle ait accepté, ce serait dommage et injuste de le décevoir maintenant.

« A la belle étoile ? Avec tous les insectes qu'il doit y avoir là-bas...? » questionna t-elle avec un air dégoûté sans attendre une vraie réponse. « Tu crois qu'ils ont gardé celles de Pré-Au-Lard ? Celle que je partageais avec Scarlett était fabuleuse. »

Enfin, qu'elle partageait... Il fallait le dire vite, elle n'avait pas vu aussi souvent sa meilleure amie que prévu, ce qu'elle avait semblé prendre merveilleusement bien, à son plus grand étonnement. Peut-être avait-elle compris qu'il était important pour elle de passer du temps avec Scipion, qu'elle avait eu tellement peur de ne jamais le revoir qu'elle voulait en profiter un maximum à présent ? N'importe qui d'un tant soit peu sensé l'aurait compris sans mal alors elle n'avait pas trop de peine à imaginer que c'était également le cas de la jeune femme. Jusque là, elle n'avait pas trop paru lui en vouloir, leur étrange anniversaire ayant sûrement fait fuir les craintes qu'elle ne l'abandonne pour sa romance, mais qu'en serait-il désormais ? Elle avait une nette tendance à oublier qu'elle venait de foutre sa réputation en l'air simplement pour qu'il puisse éloigner les doutes qu'il avait à son sujet, qu'elle avait confié au château tout entier ce qu'elle avait caché pendant six longues années à celle avec qui elle avait tout partagé, et qu'au fond, cette trahison passerait bien moins facilement que toutes les amourettes du monde. Que pourrait-elle faire si elle venait qu'à lui tourner le dos ? Elle ne pourrait même pas lui en vouloir, elle n'aurait rien à lui reprocher, elle ne pourrait pas la descendre pour se soulager de cette histoire. Scarlett n'en serait en rien fautive et même toute la mauvaise foi du monde ne suffirait pas à lui faire admettre le contraire. Elle prit sur elle et effaça ses sombres pensées. Pour l'instant, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes et ruminer des erreurs qu'elle ne parvenait pas à voir totalement comme telles ne servirait à rien puisqu'elle ne pourrait pas revenir en arrière pour autant. Et quand bien même elle l'aurait pu, elle n'était pas certaine d'y changer quoi que ce soit. Il serait parti, si elle ne l'avait pas retenu, si elle ne lui avait pas avoué tout ce qu'il y avait à avouer sur son compte. Il serait parti... Elle avait cru que le monde s'effondrait lorsqu'il avait commencé à s'éloigner d'elle. Elle ne voulait jamais revivre ça... Enfin, il y avait tout de même bien peu de chance pour que ça arrive un jour désormais, ils passeraient le restant de leur vie ensemble, aussi amoureux qu'ils pouvaient l'être en ce moment et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et le meilleur des mondes, c'était le leur.

" Très bien dans ce cas. De toute manière, il n'y a plus grand chose pour nous rattacher ici dès à présent, n'est-ce pas ? "

Son sourire la fit rougir légèrement. C'était vrai qu'il était joli garçon tout de même... Elle se sentait prête à rester des heures et des heures à l'admirer, à le contempler, à se répéter inlassablement qu'elle avait une chance incroyable de partager sa vie... Néanmoins, sa question lui fit un petit pincement au coeur. Bien sûr, s'il fallait tout quitter dès maintenant pour le suivre, elle le ferait sans la moindre hésitation, mais rien pour la rattacher ici, quand même... Elle avait toute sa vie ici : ses amies, aussi peu nombreuses soient-elles et sa soeur même si elle n'en était pas forcément très proche. Elle n'était pas pressée de leur dire au revoir même si elle était impatiente de tout abandonner pour leur nouvelle vie. Et dire qu'elle s'était laissée aller à imaginer une vie au côté de Scarlett pendant les premiers jours des vacances, la rejoindre à Londres et s'appuyer pour de bon sur leur amitié... Elle avait eu l'air si heureuse de voir qu'elle comptait pour de bon dans sa vie, que ce n'était pas qu'une passade en attendant de trouver mieux ailleurs... Elle allait devoir lui dire qu'il n'en serait rien, qu'elles ne se reverraient jamais... Qu'elle tâcherait de lui écrire à Noël et à son anniversaire, si leur situation le lui permettait... Quel gâchis. Mais c'était pour la bonne cause, alors c'était probablement excusable. Elle ne pouvait pas savoir à ce moment-là quel tournant prendrait les choses, elle avait cru le perdre à tout jamais, elle devait faire des projets dans lesquels il n'avait aucune place alors que sa vie toute entière lui appartenait déjà. Maintenant qu'il était revenu, c'était on ne pouvait plus normal de réenvisager cet avenir avec lui. La Poufsouffle hocha la tête une nouvelle fois, un peu moins enthousiaste et hystérique que la fois précédente et vient enlacer tendrement le jeune homme avant de déposer un peu gaminement un baiser sur sa joue.

« Non, il n'y a plus grand chose pour nous rattacher ici... Tu crois qu'on gardera des contacts avec les gens qu'on a connu ici...? Même rien qu'un peu... »

Elle ne s'attendait pas à aller manger tous les Samedis soirs chez Scarlett ou d'aller boire le thé un après-midi par mois en compagnie d'Astride, parce qu'on allait de toute façon pas boire le thé chez des gens qu'on ne supportait pas, mais elle ne pouvait que reconnaître qu'elle trouvait un peu attristant de devoir faire purement et simplement un trait sur les gens auxquels elle avait eu le malheur de s'attacher jusque là... Mais bon, s'il fallait en passer par là pour vivre toute sa vie près du Gryffondor, alors elle le ferait.

" Ça devrait pouvoir se faire… Je pourrais aller jeter un oeil dans la cave des Trois-Balais pour voir s'ils ne les y auraient pas entreposées, on devrait bien en dénicher une. Ça te plairait ? "

Sarah gloussa, ravie de le voir prêt à s'embêter davantage pour lui faire plaisir. Il n'était obligé de rien, et pourtant ! Il se proposait de lui-même à aller farfouiller dans les sombres dessous du pub simplement pour la satisfaire... Combien de filles dans ce château pouvaient se vanter de la même chose ? Si elle le savait, Scarlett se serait très certainement montrée bien plus jalouse encore que d'ordinaire. Ne pouvant s'empêcher de sautiller avec un entrain incroyable, un sourire rayonnant étalé sur les lèvres, elle se retenait cependant de lui sauter au cou en s'extasiant devant la délicatesse de sa proposition. S'il ne restait plus grand chose de la fille arrogante et prétentieuse qu'elle put être un jour, ce n'était pas une raison pour marcher sur ce qu'il pouvait lui rester de bonne tenue. Si tant était qu'elle en eut réellement un jour, ce qui restait encore à prouver. La pire pouffe de l'école pouvait-elle prétendre bien se tenir au milieu de ses camarades ? Si elle faisait tout pour préserver son image, sans se rendre ridicule ou laisser quiconque penser qu'elle n'était qu'une élève parmi les autres, on ne pouvait toutefois pas dire que rouler exagérément des hanches et se baisser outrageusement tant pour attirer l'attention que pour dévoiler en toute innocence ses dessous au premier garçon du coin faisait partie des règles de bienséance habituelles... Enfin... C'était désormais bien loin tout ça... Il n'était plus question d'être une pouffe, ni quoi que ce soit qui puisse aller avec.

« Tu ferais ça ? Ce serait vraiment génial ! »

Elle n'attendait pas réellement de réponse à sa question. S'il le lui avait dit, c'était qu'il comptait réellement se plier en quatre – dans tous les sens du terme puisqu'il y avait fort à parier que la hauteur du plafond de la cave des Trois-Balais n'atteignait guère cent quatre-vingt centimètres – pour obtenir ce qu'elle voulait. Avait-elle réellement besoin de cette tente en particulier alors qu'il lui suffisait d'en acheter ou d'en louer une pour l'occasion ? Certainement pas, mais c'était si gentiment demandé qu'il n'y avait aucune raison de refuser. Et puis, savoir que le Gryffondor allait prendre des risques, aussi minimes soient-ils, pour elle et non pas simplement pour aller à l'encontre du règlement flattait un peu sa fierté. Elle comptait donc suffisamment pour qu'il parte en 'mission' pour ses beaux yeux et pas pour repousser un peu plus encore des limites qu'il ne semblait pourtant jamais vraiment se fixer. Oh, bien sûr, dans le fond ça ne changeait pas grand chose, pour ne pas dire rien du tout, les règles ne paraissaient toujours pas s'appliquer à lui et son rôle de préfète n'y modifiait rien mais pour elle, la différence était tellement énorme qu'elle ne pouvait que s'étonner que personne d'autre ne puisse la remarquer. Qu'elle avait hâte de le voir débarquer un beau matin en lui annonçant qu'il avait finalement réussi à mettre la main sur cette fichue tente et qu'ils partaient le soir-même pour la forêt, avant que qui que ce soit ne remarque son méfait. Ça s'annonçait grandiose, vraiment grandiose ! Son sourire n'en finissait plus d'étirer ses lèvres, comme s'il n'allait jamais s'en décrocher.

" Peut-être… sûrement, même. "

Toute la distraction qu'il avait pu laisser paraître dans sa réponse la mit mal à l'aise, face à l'évidence. Elle ne reverrait jamais personne, les contacts seraient rares et tout l'espoir qu'elle pouvait mettre dans une possible erreur d'interprétation n'était là que pour la maintenir dans ce bonheur surjoué et irréaliste dans lequel elle se complaisait néanmoins. Son sourire se fana sans disparaître complètement tandis qu'elle hochait la tête un peu tristement. Adieu Scarlett, Astride et compagnie... Elle n'avait guère des millions d'amis mais savoir presque avec certitudes qu'elle ne les reverrait jamais et qu'elle ne ferait d'ailleurs rien pour aller à l'encontre de ça n'avait rien d'excitant. Quelle piètre amie elle faisait, il n'y avait rien d'étonnant à être si peu entourée quand on parvenait tellement bien à s'attacher aux gens qu'on ne s'offusquait pas vraiment d'avoir à les abandonner sans crier gare. C'était triste, bien sûr, mais puisqu'il le fallait...

" On devrait y aller, il doit faire encore soleil, je suis sûr qu'on peut s'allonger dans le parc tant que la rive du lac n'est pas encore assaillie par les premières années en extase qui recherchent le calamar géant. "

La Poufsouffle hocha la tête derechef et alla récupérer son sac, qu'elle avait abandonné dans un coin en entrant. Elle en remonta la lanière sur son épaule et se tourna vers le jeune homme, posant un regard un peu lointain sur son visage. Cet après-midi lui apparaissait désormais entouré d'un léger brouillard, un peu flou, comme si tout ça n'avait été qu'un rêve, qu'un délire de son imagination... Peut-être s'était-elle contentée de le rêvasser toute éveillée pendant qu'il était, à ses côtés, en train de préparer elle ne savait quelle Opération sans intérêt...? Rien n'aurait pu lui sembler plus probable et pourtant, l'absence de sa cravate autour de son col et le boutonnage distrait et maladroit tant de sa chemise que de son gilet ne pouvait que lui prouver qu'il ne s'agissait là que d'une étrange mais plaisante réalité.

« Quand bien même s'il y en aurait toute une horde sur les rives, ils ne feront pas long feu, je n'ai pas la moindre envie de laisser quiconque ternir de quelque manière que ce soit cette extraordinaire journée. On y va ? »

Elle lui attrapa la main et l'entraîna à sa suite sans vraiment attendre son consentement. C'était son idée, après tout. Après des minutes à n'en plus finir passer à l'abri de toute présence humaine, ils allaient finalement retrouver la civilisation. Devait-elle s'en attrister réellement ? Elle n'en savait trop rien, mais au fond, ça n'avait aucune importance. Ils quittèrent enfin la Salle sur Demande et prirent le chemin des escaliers. La porte se referma derrière eux, puis s'effaça totalement, emportant avec elle la magie de leur entrevue...